compte rendu intégral

Présidence de Mme Jacqueline Gourault

vice-présidente

Secrétaires :

Mmes Valérie Létard, Catherine Tasca.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt d'un avis de l'Assemblée de la Polynésie française

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le président de l’Assemblée de la Polynésie française, par lettre en date du 14 octobre 2016, un avis sur le projet d’ordonnance modifiant la loi du 17 décembre 1926 relative à la répression en matière maritime.

Acte est donné de cette communication.

3

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs
Discussion générale (suite)

Éthique du sport et compétitivité des clubs

Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs, présentée par MM. Dominique Bailly et Didier Guillaume ainsi que les membres du groupe socialiste et républicain (proposition n° 826 [2015-2016], texte de la commission n° 28, rapport n° 27).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Dominique Bailly, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission de la culture. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Bernard Saugey applaudit également.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. Dominique Bailly, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons donne tout son sens au droit d’initiative des parlementaires. Elle constitue un exemple de ce qui peut être fait lorsque toutes les bonnes volontés, les compétences et les talents multiples se rejoignent pour atteindre un objectif commun. Au final, si nous continuons dans cette voie, c’est un grand nombre de haies que nous aurons fait franchir, ensemble, au sport professionnel.

Il y avait urgence à agir, car rien ne justifie que la France continue de voir s’accroître la distance avec ses voisins européens en matière de développement du sport professionnel.

Si le constat est aujourd’hui largement partagé et qu’un consensus se dessine, je l’espère, sur des éléments de réponse, c’est à la fois parce que nous avons, les uns et les autres, beaucoup travaillé et parce que nous avons acté que tout progrès en faveur du développement du sport professionnel devait être accompagné d’une avancée de même ampleur sur le plan de l’éthique et de la transparence.

Permettez-moi de rappeler tout d’abord l’ancienneté des travaux de notre assemblée sur ce sujet.

En juillet 2013, votre rapporteur avait eu l’honneur de rendre publiques les conclusions d’un groupe de travail sur l’éthique du sport, accompagnées de dix propositions. Ce rapport mettait en particulier en évidence les problèmes relatifs aux paris sportifs, à l’activité des agents et à l’éthique financière des clubs.

En ce qui concerne plus particulièrement le modèle économique des clubs professionnels, deux rapports d’information sénatoriaux montrent que les difficultés rencontrées par les clubs français tiennent d’abord au fait qu’ils ne sont pas propriétaires de leurs enceintes sportives, de leurs stades.

Le premier est le rapport d’information que notre ancien collègue Jean-Marc Todeschini et moi-même avons publié en octobre 2013 et dans lequel nous signalions les dangers de la formule des PPP, les partenariats public-privé – l’actualité, on le voit, nous donne raison.

Le second est le rapport de la mission commune d’information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales, dont les travaux se sont déroulés en 2014 sous la présidence de Michel Savin ; il souligne la nécessité d’aider les clubs à devenir propriétaires de leurs enceintes sportives et de réorienter l’action des collectivités territoriales vers des aides à l’investissement.

Ces rapports sénatoriaux ont fourni une base de travail utile à la concertation organisée entre les mois d’octobre 2015 et d’avril 2016, sur votre initiative, monsieur le secrétaire d’État, pour rassembler au sein de la Grande Conférence sur le sport professionnel français l’ensemble des acteurs concernés, fédérations, ligues, syndicats, pouvoirs publics…

Le constat qui ressort de la Grande Conférence, dont le rapport, accompagné de plus de soixante propositions, a été remis le 19 avril dernier, est sans appel : en dépit de son intérêt médiatique et de l’engouement populaire pour certains sports, et alors qu’il constitue un facteur d’activité locale et d’animation territoriale, le secteur du sport professionnel français est en grande difficulté.

Les clubs, qui sont l’unité de base du sport professionnel, connaissent depuis plusieurs années une grande fragilité financière qui tient, en particulier, à l’insuffisante diversification de leurs recettes. Leur dépendance vis-à-vis des subventions d’exploitation accordées par les collectivités territoriales s’explique d’abord par l’insuffisance des recettes de sponsoring et de billetterie, amplifiée par les disparités des droits TV.

Quelles sont les raisons de cette situation ? D’aucuns évoqueront la faiblesse de la culture du sport dans notre pays, qui expliquerait que nos concitoyens n’aient pas l’habitude de prendre le chemin des stades. Mais force est de constater que rares sont en France les stades qui donnent envie de se déplacer… Certes, monsieur le secrétaire d’État, des changements sont en cours, en particulier après le programme d’investissement pour les stades de l’Euro 2016, mais le mouvement est tout de même assez lent à se mettre en place.

Si le modèle d’un club propriétaire de son stade, comme celui de Lyon, que vous connaissez bien, monsieur le secrétaire d’État,…

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Un peu… (Sourires.)

M. Dominique Bailly, rapporteur. … a tant de mal à trouver sa place en France, c’est que sa forte dimension capitalistique a pu heurter compte tenu de certains comportements trop répandus dans le sport professionnel, qui ont provoqué quelques radicalisations. Comment en effet justifier d’accroître – d’accroître encore, oserais-je dire – les sommes déjà importantes investies dans le football, le rugby ou le basket, au vu des dérives de certains joueurs, agents et dirigeants ?

Pendant trop longtemps, c’est cette vision fondée sur l’émotion bien compréhensible suscitée par les excès du sport professionnel qui l’a emporté sur les bénéfices collectifs liés au développement d’activités, à la création d’emplois et à l’attractivité des territoires. Nous avons mésestimé combien le « sport business » – le terme lui-même a longtemps été tabou – pouvait, oui, être bénéfique, s’il était rigoureusement encadré par des principes éthiques et par des garanties de transparence et de contrôle. (M. le secrétaire d’État opine.)

C’est pourquoi la présente proposition de loi engage une nouvelle démarche, à la fois exigeante et responsable : oui à davantage d’attractivité pour les investisseurs et de compétitivité pour les clubs, mais oui aussi à davantage d’éthique, de transparence et de contrôle.

Loin de se contredire, ces deux principes sont devenus inséparables, car aucun investisseur ne souhaiterait apporter des fonds dans une entreprise qui ne serait pas saine dans ses pratiques financières !

Permettez-moi à présent de vous exposer rapidement les principales dispositions du texte adopté par notre commission, en commençant par les mesures destinées à favoriser l’éthique et la transparence.

L’article 1er de la proposition de loi prévoit l’obligation pour chaque fédération et pour chaque ligue de créer, avant le 31 décembre 2017, un comité doté d’un pouvoir d’appréciation indépendant qui aura pour mission, en particulier, de veiller à l’application d’une charte d’éthique et de déontologie.

La commission a adopté un article 1er bis qui soumet les présidents de fédération et de ligue professionnelle aux exigences de la loi relative à la transparence de la vie publique.

L’article 2 a pour objectif de rappeler aux fédérations leur rôle dans la lutte contre la fraude technologique.

L’article 3 étend l’interdiction de parier faite aux acteurs des compétitions sportives à toute leur discipline.

À l’article 5, la commission a confié aux directions nationales du contrôle de gestion, les DNCG, la mission d’assurer le contrôle financier des agents sportifs ; elle a, par voie de conséquence, supprimé l’article 4. Par ailleurs, l’article 5 renforce les moyens de contrôle des DNCG.

La proposition de loi comprend ensuite deux dispositions de nature à améliorer la compétitivité des clubs.

L’article 6 vise à renforcer l’attractivité des clubs aux yeux des investisseurs. Aujourd’hui, les clubs dépendent étroitement des associations sportives qui sont titulaires du numéro d’affiliation émis par les fédérations et qui permet de participer aux compétitions. Des conventions pluriannuelles établissent les conditions dans lesquelles les clubs peuvent disposer de ce numéro d’affiliation. Alors que le code du sport prévoit actuellement une durée comprise entre un et cinq ans pour ces conventions et que l’article 6 prévoyait initialement une durée comprise entre six et douze ans, la commission a finalement opté pour une durée comprise entre dix et quinze ans. Cette évolution est très attendue par les clubs et les ligues, qui considèrent cette étape comme essentielle pour faciliter l’arrivée de nouveaux investisseurs en quête de sécurité juridique, compte tenu des sommes en jeu.

L’article 7 constitue sans doute la principale innovation de la proposition de loi. Dans sa rédaction révisée par la commission, il prévoit la possibilité de rémunérer les attributs de la personnalité des sportifs au travers d’une redevance afin de mieux distinguer deux composantes de la rémunération des sportifs professionnels : le salaire, qui en est la part principale et qui doit dépendre d’abord des performances sportives, et la rémunération de l’image, qui dépendrait de la notoriété du sportif et de son attitude.

Ce mécanisme de redevance a été préconisé dans le rapport Glavany, qui s’est inspiré de ce qui existe déjà dans le code du travail pour certaines professions. Notre commission a voulu reprendre cette proposition en l’entourant de plusieurs précautions. Ainsi, la redevance serait plafonnée et soumise à l’adoption d’un accord collectif par discipline. Notre débat de cet après-midi permettra peut-être de faire encore progresser la réflexion sur ce sujet.

L’article 7 bis élargit le champ de la taxe Buffet aux compétitions internationales. C’est peut-être le seul point de divergence – et encore le mot « divergence » est-il un peu fort – qui est apparu entre nous en commission. Des doutes sérieux existent sur la constitutionnalité de cette mesure, dont on peut craindre qu’elle n’alourdisse le coût des programmes sportifs pour les diffuseurs et ne se traduise, dans les faits, par une réduction de la place du sport à la télévision. Nous y reviendrons puisqu’un amendement de suppression a été déposé par le Gouvernement.

L’article 8 de la proposition de loi vise à permettre le salariat des arbitres, tandis que son article 9 instaure une conférence permanente sur le sport féminin, chargée notamment de favoriser la médiatisation de celui-ci, par exemple en renforçant l’expertise des ligues féminines dans la négociation des droits audiovisuels. Sur le même principe, l’article 9 bis institue une conférence permanente consacrée au handisport. Le Gouvernement a, là encore, déposé un amendement de suppression. De fait, je crains que cet organe ne fasse doublon avec les structures existantes.

Les articles 10 et 11 sont également visés par des amendements de suppression du Gouvernement.

Enfin, la commission a adopté, à l’article 12, une autre disposition phare de la proposition de loi : l’obligation pour les acteurs du sport et de la diffusion de contenus audiovisuels sportifs sur internet de signer un accord professionnel pour lutter contre la diffusion des contenus sportifs illicites.

Mes chers collègues, alors qu’une lecture rapide de cette proposition de loi aurait pu vous donner l’impression d’un ensemble de dispositions hétérogènes, vous constatez qu’il s’agit en réalité de mesures complémentaires, visant à maintenir un équilibre et une cohérence entre l’exigence éthique, sur laquelle j’insiste, et l’exigence économique, bien normale s’agissant du sport professionnel.

Le Gouvernement va mettre en débat d’autres mesures par voie d’amendement, notamment en ce qui concerne le rôle des collectivités territoriales au service du développement du sport et des investissements. Ces propositions s’inscrivent dans le prolongement direct des travaux menés par le Sénat pour favoriser le développement du sport professionnel.

Mes chers collègues, le temps nous est compté pour l’examen de ce texte, mais j’ai confiance dans notre détermination, dans notre volonté collective d’aboutir. Il est possible de mener la navette à son terme avant la suspension des travaux parlementaires à la fin du mois de février prochain ; la date prévue pour le retour de la proposition de loi devant notre assemblée semble d’ailleurs être le 16 février. Si nous y arrivons, nous pourrons dire que, ensemble, nous avons été utiles au développement du sport professionnel ! (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission de la culture et de l’éducation est aussi naturellement celle de la culture et de l’éducation physiques. C’est pourquoi nous accordons dans nos travaux une place essentielle au développement du sport dans toutes ses dimensions, en particulier dans sa dimension professionnelle, depuis plusieurs années. Nous nous attachons aussi beaucoup aux questions d’éthique et de transparence, qui occuperont une large partie de nos débats cet après-midi.

Force est de constater que, au-delà de la valorisation de la performance sportive et de l’exaltation des valeurs qu’il véhicule, le sport professionnel est devenu un spectacle et un business. Cela signifie en particulier que des investissements importants sont nécessaires à sa compétitivité, des investissements qui ne peuvent pas être réalisés uniquement par les diffuseurs audiovisuels, lesquels portent aujourd’hui sur leurs épaules l’essentiel des efforts.

Si nous voulons que le sport professionnel en France devienne attractif et participe au développement de nos territoires, auquel nous sommes tous attachés, il nous faut un maillage de clubs dans toutes les régions et dans toutes les disciplines. Il faut aussi faire émerger le sport féminin et donner un coup d’accélération au handisport. À cette fin, il faut clairement permettre aux clubs professionnels de diversifier leurs ressources et d’accueillir de nouveaux investisseurs.

La proposition de loi présentée par MM. Dominique Bailly et Didier Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain s’appuie sur de nombreux travaux, parmi lesquels les rapports de notre commission figurent en bonne place. Elle vise aussi à donner un débouché législatif à plusieurs conclusions de la Grande Conférence sur le sport professionnel français, à l’origine de laquelle vous avez été, monsieur le secrétaire d’État.

Pendant plus d’un mois, un travail collectif a été mené au sein de notre commission par une équipe pluraliste animée par Dominique Bailly. Ce travail confère une force particulière à la proposition de loi, qui, débattue et enrichie, est devenue celle du Sénat dans toute sa diversité. (M. Jean-Louis Carrère opine.)

Cette méthode de travail partagé a permis de mener à bien un programme d’auditions fourni ; nombre de nos collègues ont pu participer aux auditions, s’approprier les enjeux et interagir avec le rapporteur pour trouver les bons compromis.

Je remercie M. le rapporteur et tous nos collègues qui ont contribué à ce travail, en souhaitant que le débat de cet après-midi préserve l’état d’esprit qui a régné en commission. J’espère que nous mènerons la proposition de loi à son terme avant la suspension de nos travaux, à la fin du mois de février ! (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la présente proposition de loi répond à une attente forte du monde sportif. Le message que celui-ci nous a adressé est clair : la crédibilité et l’attractivité du sport français et de ses compétitions sont en jeu.

Le Gouvernement souscrit entièrement à l’esprit et au contenu de ce texte, destiné à favoriser un sport exemplaire et compétitif.

Je salue l’investissement personnel du rapporteur, Dominique Bailly, qui a fait preuve de réflexion et de détermination tout au long de ses travaux. Il convient de remercier également le groupe socialiste et républicain et son président, Didier Guillaume, qui ont permis l’examen de la proposition de loi dans le cadre de leur espace réservé.

Par ailleurs, je me félicite des discussions préparatoires que j’ai menées avec certains d’entre vous : elles ont montré que la réussite du sport français est un objectif qui dépasse les clivages politiques. Je tiens à adresser des remerciements particuliers à Mme Catherine Morin-Desailly pour son implication et pour la manière dont, en tant que présidente de la commission de la culture, elle a organisé un travail collectif.

La préparation de cette proposition de loi a montré que toutes les forces politiques pouvaient s’unir et travailler de concert quand l’intérêt du sport le réclamait. La loi du 27 novembre 2015 visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale et, plus récemment, la loi du 10 mai 2016 renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme en avaient déjà donné la preuve. Cela a encore été le cas au cours de vos travaux en commission, travaux qui ont permis de renforcer plusieurs dispositions de la proposition de loi.

Je remercie également l’ensemble des participants à la Grande Conférence sur le sport professionnel français, en particulier les six animateurs de celle-ci, qui m’ont remis en avril dernier un précieux rapport : ils seront ravis de constater que certaines de leurs préconisations sont au menu de nos débats de cet après-midi.

Ces préconisations émanent en partie de réflexions unanimement partagées par l’ensemble des acteurs du monde du sport – sportifs, entraîneurs, arbitres, fédérations, ligues professionnelles, clubs, partenaires sociaux et entreprises – et de constats reconnus par tous.

À cet égard, je profite de ma présence à cette tribune pour insister sur l’importance des liens très forts qu’entretiennent le sport professionnel et le sport amateur, en vertu du principe de solidarité qui les unit. Soutenir le sport professionnel, c’est en effet soutenir le sport pour tous, celui du quotidien, que pratiquent plusieurs millions de Français ; c’est également soutenir le sport de haut niveau et nos équipes de France, qui brillent sur la scène internationale, comme elles l’ont montré aux jeux Olympiques et Paralympiques de Rio – à ce propos, la réception que les questeurs du Sénat ont organisée voilà quelques jours pour nos médaillés était magnifique.

Contribuer au développement du sport professionnel, c’est, en somme, soutenir le sport français dans sa globalité. À moins d’un an de l’attribution des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, je ne doute pas que nous souscrivions tous à cet objectif.

La proposition de loi présentée par Dominique Bailly ouvre la voie à des avancées majeures autour de cinq grands axes complémentaires.

L’éthique, tout d’abord. Préserver l’intégrité des compétitions et du comportement de leurs acteurs est capital, comme l’actualité nous le rappelle trop souvent. Face à l’apparition de nouvelles formes de tricherie, il convient de doter les fédérations et les ligues professionnelles de moyens concrets leur permettant de faire respecter les valeurs essentielles à la pratique de leur sport. De ce point de vue, l’instauration au sein des fédérations sportives et des ligues professionnelles de chartes d’éthique et de comités de déontologie chargés de veiller à la bonne application de celles-ci constituera un garde-fou contre les manquements à l’éthique du sport.

Dans la même perspective, l’article 2 de la proposition de loi procède de l’ambition de donner aux fédérations les moyens de contrôler l’application des règles qu’elles édictent et de sanctionner le non-respect de celles-ci. Cet article consacre l’action entreprise l’été dernier par le ministère des sports et de la recherche, en concertation avec la Fédération française de cyclisme, en vue d’un contrôle minutieux du matériel utilisé dans le cadre des compétitions cyclistes professionnelles organisées sur notre territoire. Le Commissariat à l’énergie atomique a prêté son concours à cette lutte contre la fraude technologique en fournissant des caméras thermiques de très haute définition grâce auxquelles la présence de moteurs peut être détectée.

En ce qui concerne les paris sportifs, la proposition de loi élargit le champ des interdictions de parier pour les sportifs. Il s’agit de poursuivre le travail d’encadrement des paris en ligne et de garantir la sincérité des opérations de jeu. Afin de mieux lutter contre la manipulation des compétitions, votre commission a légitimement renforcé le délit de corruption sportive instauré par la loi du 1er février 2012.

La transparence et la régulation du sport professionnel forment le deuxième pilier de la proposition de loi. Celle-ci renforce en effet les organes de contrôle de la gestion des clubs au sein des fédérations et des ligues professionnelles en redéfinissant le périmètre de leurs prérogatives et en élargissant leurs pouvoirs d’investigation. Dans la même logique, le renforcement du contrôle financier des agents sportifs permettra de sécuriser les dispositifs de surveillance existants et d’encadrer plus strictement l’encadrement de l’activité de ces fameux agents. L’indispensable échange d’informations entre les différents organes concernés méritera aussi d’être consacré dans le code du sport.

La régulation doit également porter sur la diffusion des compétitions sportives, laquelle doit être préservée de toute forme de piratage. C’est la raison pour laquelle le nouvel article 12, introduit en commission pour lutter contre le streaming illégal, est salutaire.

Le quatrième axe de la proposition de loi répond à notre volonté de soutenir la compétitivité du sport professionnel et l’attractivité des compétitions françaises. En effet, comme l’a fort bien expliqué Dominique Bailly, les clubs français éprouvent de sérieuses difficultés à exister dans un monde du sport de plus en plus concurrentiel. À de rares exceptions près, ils accusent un retard certain par rapport à leurs homologues européens et peinent à attirer les meilleurs joueurs.

Par ailleurs, vous n’êtes pas sans savoir que le modèle économique du sport professionnel est aujourd’hui très fragile et repose, dans un trop grand nombre de cas, sur le soutien financier des collectivités territoriales. Permettre aux clubs de dégager des ressources nouvelles est une révolution culturelle qui améliorera la qualité du spectacle en attirant les meilleurs joueurs et fera venir un public plus nombreux dans les enceintes sportives. Il en résultera une dynamique économique vertueuse, libérée des ressources publiques et propre à soutenir le sport français dans sa globalité. C’est pourquoi la proposition de loi sécurise dans la durée les relations juridiques qui lient les associations supports aux sociétés sportives, afin de rassurer les investisseurs privés potentiels.

De même, il offre la possibilité de clarifier la gestion de l’image des sportifs par le biais d’un nouveau dispositif sécurisé. Dans l’esprit de la commission, ce dispositif permettrait de distinguer ce qui relève de la prestation de travail de ce qui relève de l’exploitation de l’image, du nom ou de la voix du sportif, afin de coller au mieux à la réalité de son métier. M. le rapporteur propose de le rendre plus compréhensible en insistant sur la dualité du contrat et des rémunérations que doivent percevoir les sportifs.

Toujours en vue d’améliorer la compétitivité du sport professionnel, le Gouvernement défendra un amendement – je précise qu’il est le fruit d’une concertation étroite avec mon collègue et ami Jean-Michel Baylet – qui a pour objet de répondre à l’important retard qu’accuse la France par rapport à ses voisins européens en matière d’enceintes sportives.

Afin d’encourager la structuration des clubs professionnels dans la durée, il apparaît indispensable de favoriser le passage d’un modèle de financement public à un modèle de financement privé, et d’accompagner les clubs vers un modèle économique plus soutenable et donc plus durable.

En autorisant les collectivités territoriales à accorder des garanties d’emprunt aux clubs, nous aiderions ces derniers à rénover leurs équipements sportifs, à accéder à la propriété et à exploiter leurs outils eux-mêmes. Cette mesure leur permettrait de développer de nouvelles recettes et leur offrirait une plus grande autonomie, tout en soulageant les finances publiques.

En réalité, si vous adoptiez cet amendement, mesdames, messieurs les sénateurs, vous officialiseriez un dispositif que je qualifierais de « nouveau PPP ».

Le cinquième grand axe de ce texte porte sur la promotion du sport féminin.

La proposition de loi prévoit la création d’une conférence permanente sur le sport féminin dans le but de développer économiquement et structurellement celui-ci et d’encourager sa médiatisation. Grâce à cette consécration législative, la nouvelle instance pourra mener des actions pédagogiques d’évaluation et de conseil auprès des acteurs du sport dans leur globalité en vue d’accompagner le mouvement de soutien au sport féminin.

Plusieurs amendements ayant pour objet d’étendre ce dispositif au handicap ou à d’autres domaines ont été déposés. Or je crois qu’il faut s’en tenir à la médiatisation et au développement du sport féminin en tant que tel pour être vraiment efficace.

En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons avoir à l’esprit que ce texte contient des mesures importantes et qu’il repose sur un consensus. Les acteurs du monde du sport ont mis en évidence la nécessité de moderniser notre législation et d’offrir au sport un cadre juridique plus transparent, plus éthique, mieux régulé et plus en phase avec la réalité économique du sport moderne. Cette proposition de loi nous offre l’opportunité de répondre à ce défi. J’espère que vous la saisirez ! (Applaudissements.)

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Dossier législatif : proposition de loi visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs
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