Sommaire
Présidence de Mme Jacqueline Gourault
Secrétaires :
Mmes Valérie Létard, Catherine Tasca.
2. Dépôt d'un avis de l'Assemblée de la Polynésie française
3. Éthique du sport et compétitivité des clubs. – Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Dominique Bailly, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission de la culture
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture
4. Souhaits de bienvenue à une délégation de Saint-Jeoire
5. Éthique du sport et compétitivité des clubs. – Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État
Clôture de la discussion générale.
Articles additionnels après l'article 1er
Amendement n° 9 de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Amendement n° 10 de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Article 1er bis (nouveau) – Adoption.
Article additionnel après l'article 1er bis
Amendement n° 7 de M. Claude Kern. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article additionnel après l'article 2
Amendement n° 14 rectifié de M. Jean-Jacques Lozach. – Retrait.
Articles 3 et 3 bis (nouveau) – Adoption.
Article additionnel après l'article 4
Amendement n° 20 rectifié bis de Mme Mireille Jouve. – Adoption.
Amendement n° 15 rectifié de M. Jean-Jacques Lozach. – Adoption.
Amendement n° 23 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 16 de M. Jean-Jacques Lozach. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 5
Amendement n° 17 rectifié de M. Jean-Jacques Lozach. – Retrait.
Amendement n° 2 de Mme Christine Prunaud. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 6 bis (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 3 de Mme Christine Prunaud. – Rejet.
Amendement n° 24 rectifié de la commission. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Articles additionnels après l'article 7
Amendement n° 12 de M. Michel Savin. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 27 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture
Amendement n° 21 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Articles 8 et 8 bis (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 6 de Mme Corinne Bouchoux. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Amendement n° 22 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article additionnel après l’article 9 bis
Amendement n° 11 de M. David Assouline. – Retrait.
Amendement n° 25 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Amendement n° 26 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Articles additionnels après l’article 11
Amendement n° 8 rectifié quater de M. Gaëtan Gorce. – Rejet.
Amendement n° 18 rectifié de M. Jean-Jacques Lozach. – Retrait.
Amendement n° 19 rectifié de M. Jean-Jacques Lozach. – Retrait.
Article 12 (nouveau) – Adoption.
Articles additionnels après l’article 12
Amendement n° 4 rectifié ter de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° 5 rectifié ter de M. Jacques Mézard. – Retrait.
M. Dominique Bailly, rapporteur
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
6. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
7. Recomposition de la carte intercommunale. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
Mme Jacqueline Gourault, auteur de la proposition de loi
Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois
Clôture de la discussion générale.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois
Amendement n° 11 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 1er
Amendement n° 2 rectifié quater de M. Michel Canevet. – Rejet.
Amendement n° 7 rectifié ter de M. Jean-Claude Boulard. – Rejet.
Amendement n° 5 de M. Joël Labbé. – Retrait.
Articles additionnels après l'article 2
Amendement n° 3 de M. Jean-Pierre Grand. – Rejet.
Amendement n° 6 rectifié de M. Jacques Mézard. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 9 rectifié de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 10 de la commission. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article 6 (nouveau) – Adoption.
Article 7 (nouveau) – Adoption.
Article additionnel après l'article 7
Amendement n° 12 de la commission. – Retrait.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Suspension et reprise de la séance
9. Retrait d’une question orale
10. Adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
M. Jean-Léonce Dupont, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission de la culture
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 5 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° 6 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° 2 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Adoption.
Amendement n° 1 rectifié bis de M. Jean-Claude Carle. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 1er
Amendement n° 4 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Rejet.
Article 2 (nouveau) – Adoption.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Jacqueline Gourault
vice-présidente
Secrétaires :
Mmes Valérie Létard, Catherine Tasca.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Dépôt d'un avis de l'Assemblée de la Polynésie française
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le président de l’Assemblée de la Polynésie française, par lettre en date du 14 octobre 2016, un avis sur le projet d’ordonnance modifiant la loi du 17 décembre 1926 relative à la répression en matière maritime.
Acte est donné de cette communication.
3
Éthique du sport et compétitivité des clubs
Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs, présentée par MM. Dominique Bailly et Didier Guillaume ainsi que les membres du groupe socialiste et républicain (proposition n° 826 [2015-2016], texte de la commission n° 28, rapport n° 27).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Dominique Bailly, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission de la culture. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Bernard Saugey applaudit également.)
M. Dominique Bailly, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons donne tout son sens au droit d’initiative des parlementaires. Elle constitue un exemple de ce qui peut être fait lorsque toutes les bonnes volontés, les compétences et les talents multiples se rejoignent pour atteindre un objectif commun. Au final, si nous continuons dans cette voie, c’est un grand nombre de haies que nous aurons fait franchir, ensemble, au sport professionnel.
Il y avait urgence à agir, car rien ne justifie que la France continue de voir s’accroître la distance avec ses voisins européens en matière de développement du sport professionnel.
Si le constat est aujourd’hui largement partagé et qu’un consensus se dessine, je l’espère, sur des éléments de réponse, c’est à la fois parce que nous avons, les uns et les autres, beaucoup travaillé et parce que nous avons acté que tout progrès en faveur du développement du sport professionnel devait être accompagné d’une avancée de même ampleur sur le plan de l’éthique et de la transparence.
Permettez-moi de rappeler tout d’abord l’ancienneté des travaux de notre assemblée sur ce sujet.
En juillet 2013, votre rapporteur avait eu l’honneur de rendre publiques les conclusions d’un groupe de travail sur l’éthique du sport, accompagnées de dix propositions. Ce rapport mettait en particulier en évidence les problèmes relatifs aux paris sportifs, à l’activité des agents et à l’éthique financière des clubs.
En ce qui concerne plus particulièrement le modèle économique des clubs professionnels, deux rapports d’information sénatoriaux montrent que les difficultés rencontrées par les clubs français tiennent d’abord au fait qu’ils ne sont pas propriétaires de leurs enceintes sportives, de leurs stades.
Le premier est le rapport d’information que notre ancien collègue Jean-Marc Todeschini et moi-même avons publié en octobre 2013 et dans lequel nous signalions les dangers de la formule des PPP, les partenariats public-privé – l’actualité, on le voit, nous donne raison.
Le second est le rapport de la mission commune d’information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales, dont les travaux se sont déroulés en 2014 sous la présidence de Michel Savin ; il souligne la nécessité d’aider les clubs à devenir propriétaires de leurs enceintes sportives et de réorienter l’action des collectivités territoriales vers des aides à l’investissement.
Ces rapports sénatoriaux ont fourni une base de travail utile à la concertation organisée entre les mois d’octobre 2015 et d’avril 2016, sur votre initiative, monsieur le secrétaire d’État, pour rassembler au sein de la Grande Conférence sur le sport professionnel français l’ensemble des acteurs concernés, fédérations, ligues, syndicats, pouvoirs publics…
Le constat qui ressort de la Grande Conférence, dont le rapport, accompagné de plus de soixante propositions, a été remis le 19 avril dernier, est sans appel : en dépit de son intérêt médiatique et de l’engouement populaire pour certains sports, et alors qu’il constitue un facteur d’activité locale et d’animation territoriale, le secteur du sport professionnel français est en grande difficulté.
Les clubs, qui sont l’unité de base du sport professionnel, connaissent depuis plusieurs années une grande fragilité financière qui tient, en particulier, à l’insuffisante diversification de leurs recettes. Leur dépendance vis-à-vis des subventions d’exploitation accordées par les collectivités territoriales s’explique d’abord par l’insuffisance des recettes de sponsoring et de billetterie, amplifiée par les disparités des droits TV.
Quelles sont les raisons de cette situation ? D’aucuns évoqueront la faiblesse de la culture du sport dans notre pays, qui expliquerait que nos concitoyens n’aient pas l’habitude de prendre le chemin des stades. Mais force est de constater que rares sont en France les stades qui donnent envie de se déplacer… Certes, monsieur le secrétaire d’État, des changements sont en cours, en particulier après le programme d’investissement pour les stades de l’Euro 2016, mais le mouvement est tout de même assez lent à se mettre en place.
Si le modèle d’un club propriétaire de son stade, comme celui de Lyon, que vous connaissez bien, monsieur le secrétaire d’État,…
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Un peu… (Sourires.)
M. Dominique Bailly, rapporteur. … a tant de mal à trouver sa place en France, c’est que sa forte dimension capitalistique a pu heurter compte tenu de certains comportements trop répandus dans le sport professionnel, qui ont provoqué quelques radicalisations. Comment en effet justifier d’accroître – d’accroître encore, oserais-je dire – les sommes déjà importantes investies dans le football, le rugby ou le basket, au vu des dérives de certains joueurs, agents et dirigeants ?
Pendant trop longtemps, c’est cette vision fondée sur l’émotion bien compréhensible suscitée par les excès du sport professionnel qui l’a emporté sur les bénéfices collectifs liés au développement d’activités, à la création d’emplois et à l’attractivité des territoires. Nous avons mésestimé combien le « sport business » – le terme lui-même a longtemps été tabou – pouvait, oui, être bénéfique, s’il était rigoureusement encadré par des principes éthiques et par des garanties de transparence et de contrôle. (M. le secrétaire d’État opine.)
C’est pourquoi la présente proposition de loi engage une nouvelle démarche, à la fois exigeante et responsable : oui à davantage d’attractivité pour les investisseurs et de compétitivité pour les clubs, mais oui aussi à davantage d’éthique, de transparence et de contrôle.
Loin de se contredire, ces deux principes sont devenus inséparables, car aucun investisseur ne souhaiterait apporter des fonds dans une entreprise qui ne serait pas saine dans ses pratiques financières !
Permettez-moi à présent de vous exposer rapidement les principales dispositions du texte adopté par notre commission, en commençant par les mesures destinées à favoriser l’éthique et la transparence.
L’article 1er de la proposition de loi prévoit l’obligation pour chaque fédération et pour chaque ligue de créer, avant le 31 décembre 2017, un comité doté d’un pouvoir d’appréciation indépendant qui aura pour mission, en particulier, de veiller à l’application d’une charte d’éthique et de déontologie.
La commission a adopté un article 1er bis qui soumet les présidents de fédération et de ligue professionnelle aux exigences de la loi relative à la transparence de la vie publique.
L’article 2 a pour objectif de rappeler aux fédérations leur rôle dans la lutte contre la fraude technologique.
L’article 3 étend l’interdiction de parier faite aux acteurs des compétitions sportives à toute leur discipline.
À l’article 5, la commission a confié aux directions nationales du contrôle de gestion, les DNCG, la mission d’assurer le contrôle financier des agents sportifs ; elle a, par voie de conséquence, supprimé l’article 4. Par ailleurs, l’article 5 renforce les moyens de contrôle des DNCG.
La proposition de loi comprend ensuite deux dispositions de nature à améliorer la compétitivité des clubs.
L’article 6 vise à renforcer l’attractivité des clubs aux yeux des investisseurs. Aujourd’hui, les clubs dépendent étroitement des associations sportives qui sont titulaires du numéro d’affiliation émis par les fédérations et qui permet de participer aux compétitions. Des conventions pluriannuelles établissent les conditions dans lesquelles les clubs peuvent disposer de ce numéro d’affiliation. Alors que le code du sport prévoit actuellement une durée comprise entre un et cinq ans pour ces conventions et que l’article 6 prévoyait initialement une durée comprise entre six et douze ans, la commission a finalement opté pour une durée comprise entre dix et quinze ans. Cette évolution est très attendue par les clubs et les ligues, qui considèrent cette étape comme essentielle pour faciliter l’arrivée de nouveaux investisseurs en quête de sécurité juridique, compte tenu des sommes en jeu.
L’article 7 constitue sans doute la principale innovation de la proposition de loi. Dans sa rédaction révisée par la commission, il prévoit la possibilité de rémunérer les attributs de la personnalité des sportifs au travers d’une redevance afin de mieux distinguer deux composantes de la rémunération des sportifs professionnels : le salaire, qui en est la part principale et qui doit dépendre d’abord des performances sportives, et la rémunération de l’image, qui dépendrait de la notoriété du sportif et de son attitude.
Ce mécanisme de redevance a été préconisé dans le rapport Glavany, qui s’est inspiré de ce qui existe déjà dans le code du travail pour certaines professions. Notre commission a voulu reprendre cette proposition en l’entourant de plusieurs précautions. Ainsi, la redevance serait plafonnée et soumise à l’adoption d’un accord collectif par discipline. Notre débat de cet après-midi permettra peut-être de faire encore progresser la réflexion sur ce sujet.
L’article 7 bis élargit le champ de la taxe Buffet aux compétitions internationales. C’est peut-être le seul point de divergence – et encore le mot « divergence » est-il un peu fort – qui est apparu entre nous en commission. Des doutes sérieux existent sur la constitutionnalité de cette mesure, dont on peut craindre qu’elle n’alourdisse le coût des programmes sportifs pour les diffuseurs et ne se traduise, dans les faits, par une réduction de la place du sport à la télévision. Nous y reviendrons puisqu’un amendement de suppression a été déposé par le Gouvernement.
L’article 8 de la proposition de loi vise à permettre le salariat des arbitres, tandis que son article 9 instaure une conférence permanente sur le sport féminin, chargée notamment de favoriser la médiatisation de celui-ci, par exemple en renforçant l’expertise des ligues féminines dans la négociation des droits audiovisuels. Sur le même principe, l’article 9 bis institue une conférence permanente consacrée au handisport. Le Gouvernement a, là encore, déposé un amendement de suppression. De fait, je crains que cet organe ne fasse doublon avec les structures existantes.
Les articles 10 et 11 sont également visés par des amendements de suppression du Gouvernement.
Enfin, la commission a adopté, à l’article 12, une autre disposition phare de la proposition de loi : l’obligation pour les acteurs du sport et de la diffusion de contenus audiovisuels sportifs sur internet de signer un accord professionnel pour lutter contre la diffusion des contenus sportifs illicites.
Mes chers collègues, alors qu’une lecture rapide de cette proposition de loi aurait pu vous donner l’impression d’un ensemble de dispositions hétérogènes, vous constatez qu’il s’agit en réalité de mesures complémentaires, visant à maintenir un équilibre et une cohérence entre l’exigence éthique, sur laquelle j’insiste, et l’exigence économique, bien normale s’agissant du sport professionnel.
Le Gouvernement va mettre en débat d’autres mesures par voie d’amendement, notamment en ce qui concerne le rôle des collectivités territoriales au service du développement du sport et des investissements. Ces propositions s’inscrivent dans le prolongement direct des travaux menés par le Sénat pour favoriser le développement du sport professionnel.
Mes chers collègues, le temps nous est compté pour l’examen de ce texte, mais j’ai confiance dans notre détermination, dans notre volonté collective d’aboutir. Il est possible de mener la navette à son terme avant la suspension des travaux parlementaires à la fin du mois de février prochain ; la date prévue pour le retour de la proposition de loi devant notre assemblée semble d’ailleurs être le 16 février. Si nous y arrivons, nous pourrons dire que, ensemble, nous avons été utiles au développement du sport professionnel ! (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission de la culture et de l’éducation est aussi naturellement celle de la culture et de l’éducation physiques. C’est pourquoi nous accordons dans nos travaux une place essentielle au développement du sport dans toutes ses dimensions, en particulier dans sa dimension professionnelle, depuis plusieurs années. Nous nous attachons aussi beaucoup aux questions d’éthique et de transparence, qui occuperont une large partie de nos débats cet après-midi.
Force est de constater que, au-delà de la valorisation de la performance sportive et de l’exaltation des valeurs qu’il véhicule, le sport professionnel est devenu un spectacle et un business. Cela signifie en particulier que des investissements importants sont nécessaires à sa compétitivité, des investissements qui ne peuvent pas être réalisés uniquement par les diffuseurs audiovisuels, lesquels portent aujourd’hui sur leurs épaules l’essentiel des efforts.
Si nous voulons que le sport professionnel en France devienne attractif et participe au développement de nos territoires, auquel nous sommes tous attachés, il nous faut un maillage de clubs dans toutes les régions et dans toutes les disciplines. Il faut aussi faire émerger le sport féminin et donner un coup d’accélération au handisport. À cette fin, il faut clairement permettre aux clubs professionnels de diversifier leurs ressources et d’accueillir de nouveaux investisseurs.
La proposition de loi présentée par MM. Dominique Bailly et Didier Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain s’appuie sur de nombreux travaux, parmi lesquels les rapports de notre commission figurent en bonne place. Elle vise aussi à donner un débouché législatif à plusieurs conclusions de la Grande Conférence sur le sport professionnel français, à l’origine de laquelle vous avez été, monsieur le secrétaire d’État.
Pendant plus d’un mois, un travail collectif a été mené au sein de notre commission par une équipe pluraliste animée par Dominique Bailly. Ce travail confère une force particulière à la proposition de loi, qui, débattue et enrichie, est devenue celle du Sénat dans toute sa diversité. (M. Jean-Louis Carrère opine.)
Cette méthode de travail partagé a permis de mener à bien un programme d’auditions fourni ; nombre de nos collègues ont pu participer aux auditions, s’approprier les enjeux et interagir avec le rapporteur pour trouver les bons compromis.
Je remercie M. le rapporteur et tous nos collègues qui ont contribué à ce travail, en souhaitant que le débat de cet après-midi préserve l’état d’esprit qui a régné en commission. J’espère que nous mènerons la proposition de loi à son terme avant la suspension de nos travaux, à la fin du mois de février ! (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la présente proposition de loi répond à une attente forte du monde sportif. Le message que celui-ci nous a adressé est clair : la crédibilité et l’attractivité du sport français et de ses compétitions sont en jeu.
Le Gouvernement souscrit entièrement à l’esprit et au contenu de ce texte, destiné à favoriser un sport exemplaire et compétitif.
Je salue l’investissement personnel du rapporteur, Dominique Bailly, qui a fait preuve de réflexion et de détermination tout au long de ses travaux. Il convient de remercier également le groupe socialiste et républicain et son président, Didier Guillaume, qui ont permis l’examen de la proposition de loi dans le cadre de leur espace réservé.
Par ailleurs, je me félicite des discussions préparatoires que j’ai menées avec certains d’entre vous : elles ont montré que la réussite du sport français est un objectif qui dépasse les clivages politiques. Je tiens à adresser des remerciements particuliers à Mme Catherine Morin-Desailly pour son implication et pour la manière dont, en tant que présidente de la commission de la culture, elle a organisé un travail collectif.
La préparation de cette proposition de loi a montré que toutes les forces politiques pouvaient s’unir et travailler de concert quand l’intérêt du sport le réclamait. La loi du 27 novembre 2015 visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale et, plus récemment, la loi du 10 mai 2016 renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme en avaient déjà donné la preuve. Cela a encore été le cas au cours de vos travaux en commission, travaux qui ont permis de renforcer plusieurs dispositions de la proposition de loi.
Je remercie également l’ensemble des participants à la Grande Conférence sur le sport professionnel français, en particulier les six animateurs de celle-ci, qui m’ont remis en avril dernier un précieux rapport : ils seront ravis de constater que certaines de leurs préconisations sont au menu de nos débats de cet après-midi.
Ces préconisations émanent en partie de réflexions unanimement partagées par l’ensemble des acteurs du monde du sport – sportifs, entraîneurs, arbitres, fédérations, ligues professionnelles, clubs, partenaires sociaux et entreprises – et de constats reconnus par tous.
À cet égard, je profite de ma présence à cette tribune pour insister sur l’importance des liens très forts qu’entretiennent le sport professionnel et le sport amateur, en vertu du principe de solidarité qui les unit. Soutenir le sport professionnel, c’est en effet soutenir le sport pour tous, celui du quotidien, que pratiquent plusieurs millions de Français ; c’est également soutenir le sport de haut niveau et nos équipes de France, qui brillent sur la scène internationale, comme elles l’ont montré aux jeux Olympiques et Paralympiques de Rio – à ce propos, la réception que les questeurs du Sénat ont organisée voilà quelques jours pour nos médaillés était magnifique.
Contribuer au développement du sport professionnel, c’est, en somme, soutenir le sport français dans sa globalité. À moins d’un an de l’attribution des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, je ne doute pas que nous souscrivions tous à cet objectif.
La proposition de loi présentée par Dominique Bailly ouvre la voie à des avancées majeures autour de cinq grands axes complémentaires.
L’éthique, tout d’abord. Préserver l’intégrité des compétitions et du comportement de leurs acteurs est capital, comme l’actualité nous le rappelle trop souvent. Face à l’apparition de nouvelles formes de tricherie, il convient de doter les fédérations et les ligues professionnelles de moyens concrets leur permettant de faire respecter les valeurs essentielles à la pratique de leur sport. De ce point de vue, l’instauration au sein des fédérations sportives et des ligues professionnelles de chartes d’éthique et de comités de déontologie chargés de veiller à la bonne application de celles-ci constituera un garde-fou contre les manquements à l’éthique du sport.
Dans la même perspective, l’article 2 de la proposition de loi procède de l’ambition de donner aux fédérations les moyens de contrôler l’application des règles qu’elles édictent et de sanctionner le non-respect de celles-ci. Cet article consacre l’action entreprise l’été dernier par le ministère des sports et de la recherche, en concertation avec la Fédération française de cyclisme, en vue d’un contrôle minutieux du matériel utilisé dans le cadre des compétitions cyclistes professionnelles organisées sur notre territoire. Le Commissariat à l’énergie atomique a prêté son concours à cette lutte contre la fraude technologique en fournissant des caméras thermiques de très haute définition grâce auxquelles la présence de moteurs peut être détectée.
En ce qui concerne les paris sportifs, la proposition de loi élargit le champ des interdictions de parier pour les sportifs. Il s’agit de poursuivre le travail d’encadrement des paris en ligne et de garantir la sincérité des opérations de jeu. Afin de mieux lutter contre la manipulation des compétitions, votre commission a légitimement renforcé le délit de corruption sportive instauré par la loi du 1er février 2012.
La transparence et la régulation du sport professionnel forment le deuxième pilier de la proposition de loi. Celle-ci renforce en effet les organes de contrôle de la gestion des clubs au sein des fédérations et des ligues professionnelles en redéfinissant le périmètre de leurs prérogatives et en élargissant leurs pouvoirs d’investigation. Dans la même logique, le renforcement du contrôle financier des agents sportifs permettra de sécuriser les dispositifs de surveillance existants et d’encadrer plus strictement l’encadrement de l’activité de ces fameux agents. L’indispensable échange d’informations entre les différents organes concernés méritera aussi d’être consacré dans le code du sport.
La régulation doit également porter sur la diffusion des compétitions sportives, laquelle doit être préservée de toute forme de piratage. C’est la raison pour laquelle le nouvel article 12, introduit en commission pour lutter contre le streaming illégal, est salutaire.
Le quatrième axe de la proposition de loi répond à notre volonté de soutenir la compétitivité du sport professionnel et l’attractivité des compétitions françaises. En effet, comme l’a fort bien expliqué Dominique Bailly, les clubs français éprouvent de sérieuses difficultés à exister dans un monde du sport de plus en plus concurrentiel. À de rares exceptions près, ils accusent un retard certain par rapport à leurs homologues européens et peinent à attirer les meilleurs joueurs.
Par ailleurs, vous n’êtes pas sans savoir que le modèle économique du sport professionnel est aujourd’hui très fragile et repose, dans un trop grand nombre de cas, sur le soutien financier des collectivités territoriales. Permettre aux clubs de dégager des ressources nouvelles est une révolution culturelle qui améliorera la qualité du spectacle en attirant les meilleurs joueurs et fera venir un public plus nombreux dans les enceintes sportives. Il en résultera une dynamique économique vertueuse, libérée des ressources publiques et propre à soutenir le sport français dans sa globalité. C’est pourquoi la proposition de loi sécurise dans la durée les relations juridiques qui lient les associations supports aux sociétés sportives, afin de rassurer les investisseurs privés potentiels.
De même, il offre la possibilité de clarifier la gestion de l’image des sportifs par le biais d’un nouveau dispositif sécurisé. Dans l’esprit de la commission, ce dispositif permettrait de distinguer ce qui relève de la prestation de travail de ce qui relève de l’exploitation de l’image, du nom ou de la voix du sportif, afin de coller au mieux à la réalité de son métier. M. le rapporteur propose de le rendre plus compréhensible en insistant sur la dualité du contrat et des rémunérations que doivent percevoir les sportifs.
Toujours en vue d’améliorer la compétitivité du sport professionnel, le Gouvernement défendra un amendement – je précise qu’il est le fruit d’une concertation étroite avec mon collègue et ami Jean-Michel Baylet – qui a pour objet de répondre à l’important retard qu’accuse la France par rapport à ses voisins européens en matière d’enceintes sportives.
Afin d’encourager la structuration des clubs professionnels dans la durée, il apparaît indispensable de favoriser le passage d’un modèle de financement public à un modèle de financement privé, et d’accompagner les clubs vers un modèle économique plus soutenable et donc plus durable.
En autorisant les collectivités territoriales à accorder des garanties d’emprunt aux clubs, nous aiderions ces derniers à rénover leurs équipements sportifs, à accéder à la propriété et à exploiter leurs outils eux-mêmes. Cette mesure leur permettrait de développer de nouvelles recettes et leur offrirait une plus grande autonomie, tout en soulageant les finances publiques.
En réalité, si vous adoptiez cet amendement, mesdames, messieurs les sénateurs, vous officialiseriez un dispositif que je qualifierais de « nouveau PPP ».
Le cinquième grand axe de ce texte porte sur la promotion du sport féminin.
La proposition de loi prévoit la création d’une conférence permanente sur le sport féminin dans le but de développer économiquement et structurellement celui-ci et d’encourager sa médiatisation. Grâce à cette consécration législative, la nouvelle instance pourra mener des actions pédagogiques d’évaluation et de conseil auprès des acteurs du sport dans leur globalité en vue d’accompagner le mouvement de soutien au sport féminin.
Plusieurs amendements ayant pour objet d’étendre ce dispositif au handicap ou à d’autres domaines ont été déposés. Or je crois qu’il faut s’en tenir à la médiatisation et au développement du sport féminin en tant que tel pour être vraiment efficace.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons avoir à l’esprit que ce texte contient des mesures importantes et qu’il repose sur un consensus. Les acteurs du monde du sport ont mis en évidence la nécessité de moderniser notre législation et d’offrir au sport un cadre juridique plus transparent, plus éthique, mieux régulé et plus en phase avec la réalité économique du sport moderne. Cette proposition de loi nous offre l’opportunité de répondre à ce défi. J’espère que vous la saisirez ! (Applaudissements.)
4
Souhaits de bienvenue à une délégation de Saint-Jeoire
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer la présence dans nos tribunes des membres du conseil municipal des jeunes de Saint-Jeoire-en-Faucigny, en Haute-Savoie, naturellement conduit par Mme le maire. (Mmes et MM. les sénateurs applaudissent.)
Soyez les bienvenus dans cette assemblée, qui représente tous les territoires de la République !
5
Éthique du sport et compétitivité des clubs
Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. David Rachline.
M. David Rachline. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il est communément admis que la pratique du sport possède un certain nombre de vertus.
Le sport permet d’apprendre à respecter tout à la fois les règles et l’adversaire. Personne ne me contredira si j’affirme que ce respect fait cruellement défaut à une partie de notre société et, en particulier, à une partie de notre jeunesse !
Le sport permet également d’apprendre non seulement le goût de l’effort et du dépassement de soi, mais aussi l’esprit d’équipe, y compris dans les disciplines individuelles.
Le sport est donc globalement une bonne chose pour notre société, laquelle est tellement modelée par un ultralibéralisme fondé sur le seul appât du gain que tous les secteurs sont touchés, le secteur sportif ne faisant pas exception à la règle, tant s’en faut !
La mondialisation, les nouvelles technologies et la médiatisation, notamment télévisuelle, bien sûr, ont passablement accru l’intérêt des financiers pour les disciplines sportives et ont bouleversé le paysage sportif. Il n’y a qu’à voir ceux qui possèdent les plus grands clubs ou les plus grandes écuries : ce sont bien souvent des personnalités immensément riches. Preuve qu’au-delà de la passion le sport est manifestement un investissement plus que rentable !
Quand je parle de sport, je parle évidemment de sport professionnel et même, plus exactement, de certains sports professionnels. En effet, la disparité entre les sports est criante. Pour le même exploit, un footballeur ou un basketteur n’aura évidemment pas la même vie qu’un kayakiste ou un escrimeur ! Heureusement que les jeux Olympiques mettent ces grands champions de l’ombre à l’honneur tous les quatre ans !
Avec ce texte, le législateur cherche à gommer certains abus nés de l’ultra-libéralisation et de la mondialisation du secteur sportif, devenu, il faut le reconnaître, un secteur économique à part entière. Au-delà du détail des mesures que le rapporteur, également auteur du texte, vient d’exposer, ce texte me paraît appliquer, pour une fois à bon escient, le fameux principe de subsidiarité en renforçant le rôle des ligues, des fédérations et autres organismes gérant chaque discipline.
Comme le souligne le rapporteur, ce texte « n’a pas pour ambition de révolutionner le sport professionnel » et d’autres travaux devront être conduits par la suite.
Je pense par exemple à la réflexion sur le statut du sportif de haut niveau. Tous les quatre ans, au moment des jeux Olympiques, on nous présente de grands champions qui vivent bien souvent plus que chichement. Le modèle des sportifs de la défense, qui a été choisi par un grand nombre de nos médaillés olympiques, constitue une piste à creuser, afin que tous nos champions puissent continuer à participer au rayonnement de la France dans l’ensemble des enceintes sportives du monde.
La réflexion devrait également s’étendre à la place des sportifs français dans les clubs hexagonaux. Nous devrions pouvoir conserver un plus grand nombre de nos meilleurs Français ! En la matière, le funeste arrêt Bosman est un véritable problème. Je suis par exemple désolé de voir que seuls sept des vingt-trois joueurs de la dernière sélection de l’équipe de France de football jouent dans des clubs français…
Bien entendu, une réflexion sur la redistribution entre les disciplines richissimes et les autres, entre clubs professionnels et clubs amateurs, ou plus schématiquement entre « sport-business » et « sport éducatif » est également urgente.
Comme ce texte va dans le sens d’une plus grande régulation du monde sportif sans tomber dans un contrôle étatique étouffant, je conclurai en indiquant que nous allons le voter.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens en premier lieu à remercier mon collègue rapporteur Dominique Bailly : il a conduit un travail commun efficace et a toujours été à notre écoute, ce qui n’a pas toujours été facile ! (Sourires.)
Chaque année, le sport en général draine environ 37 milliards d’euros, soit près de 2 % du PIB national.
Le sport professionnel est un moteur à deux niveaux : d’un côté, il représente une part non négligeable de ce montant ; de l’autre, il sert d’exemple et de modèle. Ainsi, lorsqu’une équipe française réussit un bon parcours dans une compétition internationale, elle jette naturellement un nouvel éclairage et déclenche un engouement pour sa discipline. C’est donc aussi par le biais du sport professionnel que se développe la pratique amateur.
Le groupe communiste républicain et citoyen souscrit à la grande majorité des dispositions figurant dans la proposition de loi.
Après une vingtaine d’années au cours desquelles les législations nationales ont favorisé la dérégulation de la profession d’agent sportif, dans la veine de l’arrêt Bosman, on perçoit enfin une réelle volonté de contrôler cette activité. J’estime qu’il s’agit de l’une des mesures phares de ce texte.
Il semble également plus que logique de sanctionner les cas de corruption avérés et les situations de conflits d’intérêts.
Quant aux paris sportifs, ils soulèvent un véritable enjeu en matière de pédagogie et d’éthique. L’actualité nous a récemment montré que les parieurs considéraient souvent les paris comme une sorte de jeu qui ne relèverait pas de la volonté de truquer le sport. Sur ce point, je dois avouer que je suis très sceptique ! Devra-t-on aller jusqu’à former les sportifs sur la question des paris sportifs et sur les enjeux d’éthique – je dis cela avec un peu d’ironie, bien sûr… – ou, dans l’absolu, en arriverons-nous un jour à supprimer les paris sportifs ?
De la même manière, on ne peut que souscrire aux dispositions prévues aux articles 8 et 8 bis, qui sécurisent la position des arbitres, trop souvent laissés seuls face à l’équation complexe posée par le sport professionnel et les joueurs.
Très sensible à la promotion et la valorisation du sport féminin, je salue également la création d’une conférence permanente à l’article 9. En s’appuyant sur les bons résultats du sport féminin français, cette conférence doit permettre d’ouvrir un chantier trop souvent écarté, celui de la sous-représentation du sport féminin, à de rares exceptions près. En 2012, le sport féminin représentait ainsi à peine 7 % des programmes sportifs diffusés. Aujourd’hui, ce chiffre a presque doublé, ce qui est une bonne nouvelle. Toutefois, nous avons encore un long chemin à parcourir avant d’obtenir une représentation équilibrée des sports dans les médias. Aussi resterons-nous très attentifs aux travaux de la conférence permanente sur le sport féminin.
En commission, nous avons également proposé qu’une conférence permanente sur le handisport soit créée – nous avons cette mesure à cœur –, car il s’agit d’une autre pratique sportive en développement et pourtant sous-médiatisée.
Si ce texte permet des avancées, il comporte aussi plusieurs mesures que nous ne soutenons pas vraiment.
J’évoquerai tout d’abord l’article 11 bis, qui vise à lutter contre la diffusion de rencontres sportives en streaming ou par captation d’écran. La véritable source du problème réside dans la raréfaction des diffusions sportives en clair et des programmes accessibles à tous. On met ainsi le doigt dans l’engrenage de la marchandisation du sport, alors même qu’il s’agit d’un réel enjeu sociétal.
Nous avons par ailleurs déposé des amendements tendant à supprimer les articles 6 et 7.
En effet, l’article 6 risque de fausser encore un peu plus le lien de dépendance entre l’association sportive support et la société sportive de gestion.
L’article 7, quant à lui, vise à défiscaliser une part de la rémunération des sportifs en transformant une partie de leur salaire en redevance. Qu’en est-il alors des cotisations sociales ? La taxe additionnelle mentionnée aux alinéas 11 et 12 compensera-t-elle vraiment les pertes de recettes fiscales ?
En espérant que ses interrogations seront entendues, le groupe CRC ne s’opposera pas au vote d’un texte qui permet de réelles avancées. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la Charte olympique, publiée pour la première fois en 1908 dans l’esprit des règles édictées par Pierre de Coubertin, dispose que « la pratique du sport est un droit de l’homme ».
Toutefois, cette pratique suppose également des devoirs, non seulement au travers de la préservation de certaines valeurs, régulièrement mises à mal ces derniers temps, mais également par la promotion d’une certaine philosophie sociale. Tel qu’imaginé par Coubertin, le sport devait être de la morale en action. En 2015, année de la mise à nu des coulisses peu reluisantes de la planète sport, que ce soit au sein de la FIFA, la fédération internationale de football association, ou de la fédération internationale d’athlétisme, ce vœu est paru bien pieux !
À l’aune de ces scandales et de ceux qui ont également éclaboussé le petit monde du sport hexagonal, « l’éthique, parce qu’elle permet au sport de porter des valeurs positives, doit être au fondement de notre politique sportive », comme l’a très justement rappelé notre rapporteur.
Parce que le sport joue un rôle social majeur, il est nécessaire de le protéger des risques auxquels il est exposé. N’oublions pas, comme le disait l’historien du sport, Pierre Arnaud, qui nous a quittés récemment, que la pratique sportive « est une activité représentée devant les autres et racontée ». Ce « spectacle », si l’on peut dire, met ainsi en jeu tout autant son image auprès du grand public que les conditions matérielles d’organisation de cette représentation.
Préserver l’éthique et les valeurs du sport tout en accompagnant le développement économique des clubs sportifs, tel est le défi auquel il nous faut répondre aujourd’hui et sur lequel la Grande Conférence sur le sport professionnel français que vous avez lancée, monsieur le secrétaire d'État, a « phosphoré » six mois durant, entre le mois d’octobre 2015 et le mois d’avril 2016. Pour nombre d’entre elles, ses préconisations se retrouvent dans le texte que nous examinons.
Le chantier était vaste, l’édifice aurait même pu être plus ambitieux encore, mais gageons que le présent texte permettra de mettre en place un certain nombre de garde-fous et de procéder à des ajustements.
C’est ainsi que toutes les fédérations sportives devront désormais se doter de chartes d’éthiques et de déontologie. Initialement, ces chartes ont été adoptées dans le cadre de la loi du 1er février 2012, dont le groupe du RDSE était à l’origine. Toutefois, le décret qui devait en assurer la mise en œuvre n’a jamais été pris par le Gouvernement. C’est donc pour en garantir une véritable application que l’article 1er prévoit l’établissement de ces chartes par les fédérations sportives délégataires, conformément aux principes définis par le Comité national olympique et sportif français, et ce avant le 31 décembre 2017. Bien qu’établies en interne, ces règles doivent garantir la transparence d’action du mouvement sportif, via un comité indépendant chargé de l’application de ces bonnes pratiques.
Je salue également le fait que les directions nationales du contrôle de gestion, dont les missions sont élargies et dont les avis seront désormais rendus publics, soient enfin chargées d’assurer le contrôle financier des agents sportifs. Les abus parfois considérables constatés sur les flux financiers liés aux transferts de joueurs ne datent pas d’hier. Il était donc capital de légiférer sur le sujet. Reste aussi à mettre en œuvre de réels contrôles pour repérer les « faux » agents qui envahissent les bords des terrains où s’entraînent les jeunes enfants les plus prometteurs.
Dans le même esprit, il est tout à fait salutaire que notre commission ait adopté un article soumettant les présidents de fédérations – délégataires, ne l’oublions pas – et de ligues professionnelles aux exigences de la loi sur la transparence de la vie publique. Ces dirigeants exercent au sein de fédérations qui participent, sous la tutelle de l’État, à l’exécution d’une mission de service public. Là encore, les errements – c’est une litote ! – ne datent pas d’hier. Certains faits, y compris des faits récents, démontrent qu’il est urgent d’étendre les principes de transparence au monde des dirigeants sportifs.
En tant que membre de la délégation aux droits des femmes, je ne peux que me réjouir de la création d’une conférence permanente sur le sport féminin, institution dotée d’une représentation paritaire. Son cadre, ses missions, ainsi que la médiatisation dont elle bénéficiera réellement pour ne pas demeurer une coquille vide, devront être définis avec précision. Le raisonnement peut d’ailleurs s’appliquer à l’identique au handisport.
Enfin, il faut saluer les mesures prises en matière de lutte contre le dopage, via notamment le rétablissement du champ de compétences initial de l’Agence française de lutte contre le dopage, l’AFLD. Le texte prévoit surtout d’étendre le recours au dispositif du profil biologique à l’ensemble des sportifs, afin de se conformer aux nouvelles règles adoptées par l’Agence mondiale antidopage.
Si ces mesures étaient initialement envisagées dans le cadre de cette proposition de loi, il est cependant très probable que, la suite de l’adoption des amendements du Gouvernement, nous ne les adoptions que la semaine prochaine lors de l’examen d’un autre texte.
Je voudrais terminer mon intervention en saluant le travail de notre rapporteur, Dominique Bailly, et plus encore sa méthode, qui a consisté à associer tous les groupes politiques, aussi bien aux auditions qu’aux modifications apportées à la proposition de loi. Puissions-nous à l’avenir reproduire une telle collégialité dans notre approche des textes !
C’est d’ailleurs pour perpétuer cet esprit collectif que le groupe du RDSE dans son ensemble votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Christine Prunaud et M. le rapporteur applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à souligner l’important travail qui a été mené pour aboutir à cette proposition de loi. Celle-ci est largement inspirée des nombreux rapports établis sur le sujet depuis une dizaine d’années.
L’implication des auteurs de ce texte et du secrétaire d'État ainsi que leur volonté d’agir de manière consensuelle tout en conduisant un débat contradictoire méritent d’être saluées.
Ce texte va dans le sens d’un sport plus éthique et vise à préserver les valeurs du sport. Comment être contre ? Les valeurs communes au sport amateur et au sport professionnel doivent être continuellement rappelées et valorisées. Je me demandais d’ailleurs s’il ne serait pas préférable de diffuser une déontologie plus rigoureuse auprès des sportifs professionnels plutôt que de viser au renforcement de l’éthique du sport.
En effet, les dérives sont trop nombreuses : dopage, fraude technologique, tricheries diverses, manipulation des compétitions, corruption dans certains cas, parfois liée à des transferts pharaoniques, opacité d’un certain nombre de transactions et financements plus ou moins occultes… Malheureusement, nous connaissons tous ces faits divers qui polluent le sport professionnel !
Nous saluons tout particulièrement l’articulation assez astucieuse entre deux des préoccupations des auteurs de cette proposition de loi, une meilleure compétitivité des clubs sportifs, d’une part, et une avancée sociétale, la meilleure visibilité du sport féminin, d’autre part.
Nous saluons également la mesure qui tend à soumettre les présidents de fédérations et de ligues aux obligations de transparence de la vie publique, ce qui nous semble constituer une avancée en matière de lutte contre les conflits d’intérêts.
Nous devons également nous féliciter de l’élargissement du champ des interdictions en matière de paris sportifs, qui représente un pas supplémentaire en ce sens.
Enfin, les aménagements relatifs aux contrats à durée déterminée spécifiques, créés par la loi du 27 novembre 2015, vont aussi dans le bon sens : ils adaptent certaines dispositions législatives qui se sont révélées lacunaires – nous avions parfois travaillé un peu vite ! – aux calendriers des différents sports et aux usages.
La constitution d’une conférence permanente sur le sport féminin nous invite à réfléchir à ses futurs moyens d’action. Monsieur le secrétaire d'État, nous souhaitons que cette conférence ne demeure pas un artefact ou une coquille vide, uniquement mise en place pour nous donner bonne conscience et pour faciliter le dialogue – au demeurant tout à fait constructif – lors de l’examen de ce texte.
La question de la présence des femmes dans le sport, amateur ou professionnel, ainsi qu’au sein des instances dirigeantes est très importante. Je vous invite tous à lire l’excellent ouvrage de la sociologue Béatrice Barbusse, Du sexisme dans le sport. On y retrouve les chiffres qui sont en arrière-plan du présent texte et de la création de cette conférence permanente sur le sport féminin. Ainsi, moins de 5 % des agents sportifs sont des femmes, alors que ces agents travaillent aussi pour des sportives. Autre chiffre : les femmes ne représentent que 35 % des licenciés sportifs. Enfin, les sportives de haut niveau ne représentent que 15 % de l’ensemble des sportifs bénéficiant d’une exposition dans les médias. Cherchez l’erreur !
Nous espérons que cette conférence abordera frontalement un certain nombre de questions sociétales, notamment celle des vêtements portés par les sportives. Certains choix de tenues résultent davantage de considérations esthétiques et de contraintes liées aux budgets publicitaires qu’au sport lui-même. Je pense en particulier au beach-volley ! (Sourires.)
La question de l’investissement des collectivités territoriales dans les équipements sportifs et de la garantie qu’elles pourraient accorder pour la réalisation de ces équipements a fait l’objet de discussions animées au sein du groupe écologiste. Nous sommes farouchement opposés à l’ancien modèle des PPP, les partenariats public-privé, modèle que Jean-Pierre Sueur avait fort bien décrié dans un excellent rapport.
De ce point de vue, le modèle qui se met en place peut créer de nouvelles inquiétudes. J’ai d’ailleurs observé un paradoxe en commission : nos amis du groupe socialiste et républicain se sont montrés extrêmement libéraux en ne cherchant pas à imposer de seuils pour la garantie d’emprunt octroyée par les collectivités territoriales, alors que nos collègues situés à la droite de l’hémicycle ont été les premiers à demander des garde-fous et à vouloir limiter les marges de manœuvre en matière d’investissement dans les équipements sportifs des collectivités territoriales !
M. Jean-Louis Carrère. C’est « En marche » ! (Sourires.)
Mme Corinne Bouchoux. Ce paradoxe montre bien les gigantesques enjeux liés au sport professionnel. Nous ne voudrions surtout pas voir se reproduire ce que l’on a pu constater dans une ville de l’ouest qui dispose d’un grand et beau stade de football, mais n’a plus d’équipe… Il est primordial d’éviter ce genre de dérapage à l’avenir.
Nous accorderons donc une attention particulière à la question de l’investissement des collectivités territoriales et, malgré ces critiques, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de loi s’inscrit dans le prolongement des travaux menés par le groupe de travail du Sénat sur l’éthique du sport en 2013. J’ai participé à ce groupe de travail qui a auditionné plus de soixante personnalités. Convaincus de la nécessité d’adapter notre droit face à de nouvelles pratiques et de nouveaux enjeux pour le domaine sportif, nous avions formulé à l’époque un ensemble de propositions, dont certaines figurent dans le présent texte.
Force est de constater que les questions d’intégrité et de transparence sont trop souvent mises à mal dans la pratique du sport de haut niveau et du sport professionnel. Les exemples de dopage, de triche et de pratiques douteuses viennent se répercuter sur l’image générale du sport, alors que celui-ci doit véhiculer des valeurs fortes de courage, d’esprit d’équipe, de respect des règles et surtout de respect des autres.
Dès lors, il appartient à l’État et à la loi de rétablir les règles du jeu. Je me réjouis que le Sénat apporte sa contribution à cet effort et tiens à féliciter tout particulièrement l’auteur et rapporteur de ce texte, notre collègue Dominique Bailly. Nous pouvons également nous réjouir de l’esprit très consensuel qui a animé l’ensemble de nos travaux.
Plusieurs dispositions du texte s’appuient sur les fédérations pour qu’elles veillent au respect de ces règles, que ce soit en élaborant une charte d’éthique, en contrôlant des flux financiers ou en réprimant de nouvelles dérives.
À ce sujet, l’article 5 complète les travaux menés en 2008 par notre collègue Jean-François Humbert sur la situation ambiguë des agents de joueurs. La création par les fédérations concernées d’un organisme spécial et indépendant qui contrôlera l’activité des agents sportifs est incontestablement une mesure nécessaire et bénéfique.
De même, la création d’un organisme qui appréciera et contrôlera les projets d’achat, de cession et de changement d’actionnaires des sociétés sportives va dans le bon sens.
Même si certains amendements abordent le problème, il faudra aller plus loin sur le sujet des contributions financières pour la réalisation d’enceintes sportives ou de stades. Comme le réclame l’Association nationale des élus en charge du sport, l’ANDES, il faut envisager un plafonnement de l’engagement des collectivités territoriales sur le long terme. Il faut réfléchir à une réelle évolution du modèle économique actuel, qui est lié à la propriété et à l’exploitation de grandes infrastructures, que ce soit des stades, des Arenas ou des grandes salles polyvalentes.
Sur le sujet, on gagnerait à s’inspirer des mesures, qui figuraient dans la proposition de loi dont j’étais le rapporteur en 2010, sur les types de financement réservés à la construction et à la rénovation des dix stades qui ont par la suite servi de cadre à l’Euro 2016 de football. Je vous ai d’ailleurs bien entendu, monsieur le secrétaire d'État, lorsque vous nous avez annoncé la fin des PPP sous leur forme actuelle et la possible mise en place de nouvelles formes de partenariats.
Certaines solutions qui ont été retenues à l’époque et qui privilégiaient la mixité des financements publics et privés sont la voie de l’avenir pour les grands équipements sportifs. Simplement, il faut des règles !
Depuis les années 1980, la France est devenue l’un des pays les plus avancés dans la lutte contre le dopage. J’ai été moi-même le rapporteur du Sénat sur le texte qui est devenu la loi du 5 avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs. C’est ce texte présenté par le ministre de l’époque, Jean-François Lamour, qui a donné une vraie indépendance et des pouvoirs accrus à l’AFLD.
Le présent texte étend les pouvoirs d’investigation de l’Agence aux manifestations sportives avec remise de prix en argent. Il serait dommage de supprimer cette disposition, car elle mettrait terme à de nombreuses dérives, notamment celles que l’on observe dans le cadre de l’organisation de certains critériums ou de concours indépendants des fédérations ou des ligues.
Mes chers collègues, d’une manière plus générale, cette proposition de loi maintient notre pays à l’avant-garde sur les enjeux d’éthique.
En effet, elle réprime une nouvelle forme de tricherie, la fraude technologique, dont plusieurs cas ont été dénoncés dans le cyclisme. Les fédérations pourront désormais se saisir de telles affaires et les sanctionner. Ensuite, elle renforce la régulation des paris sportifs. Enfin, elle prévoit un contrôle financier des agents sportifs pour une plus grande transparence des flux financiers.
Outre les questions d’éthique, la proposition de loi s’attache à traiter les maux du sport professionnel français.
Il s’agit d’assurer la compétitivité de notre sport professionnel, considéré comme étant « en grande difficulté financière ». Celui-ci, en effet, ne se réduit pas à quelques clubs de football de haut niveau ; il souffre d’une fragilité financière, due à des recettes insuffisamment diversifiées et aléatoires, et d’une incapacité à assurer son autosubsistance.
Ce texte comprend donc plusieurs mesures visant à encourager et à sécuriser les investissements dans le sport français.
Pour finir, je tiens à souligner l’importance de deux dispositions adoptées en commission, car ces mesures, je le sais, pourraient être remises en cause lors de la navette parlementaire, voire être retirées dès aujourd'hui du texte.
Je veux parler, tout d’abord, de l’instauration d’une distinction entre salaire et redevance pour la rémunération des joueurs.
Le montant élevé des charges sociales pesant sur la rémunération des joueurs professionnels français constitue un désavantage compétitif évident. La valorisation de l’image des sportifs peut alors être un élément clé pour renforcer la compétitivité du sport professionnel français.
Aussi serons-nous attentifs à vos commentaires sur ce dispositif, monsieur le secrétaire d’État, sachant que le régime de la fiducie, envisagé dans un premier temps, s’avère difficile à mettre en œuvre.
Je tiens également à rappeler l’importance de la taxe Buffet. J’ignore le sort qui sera réservé à notre proposition visant à élargir son assiette, mais c’est fondamental pour le sport amateur. On ne peut pas faire abstraction de 17 millions d’euros de recettes supplémentaires en sa faveur, mes chers collègues ! Il serait parfaitement anormal que la diffusion télévisée en France des matchs filmés à l’étranger continue d’échapper à cette taxe.
Certes, l’élargissement de la taxe Buffet avait été censuré par le Conseil constitutionnel dans la loi de finances rectificative pour 2013. Mais je rappelle, monsieur le secrétaire d'État, que votre prédécesseur, Mme Valérie Fourneyron, avait indiqué qu’une solution serait trouvée avant l’Euro 2016. Cela n’a pas été le cas, et nous souhaiterions donc savoir comme ce problème fondamental va pouvoir se régler aujourd'hui.
Mme la présidente. Mon cher collègue, votre temps de parole est dépassé !
M. Alain Dufaut. En conclusion, je me réjouis que le défi majeur d’un sport français compétitif et exemplaire nous rassemble, une fois de plus, au-delà de nos clivages politiques. Notre groupe soutiendra avec conviction l’adoption du présent texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi, me semble-t-il, illustre à la perfection ce que peut être la capacité de collaboration du Gouvernement et du Parlement. Loin des clivages politiques, au service de l’intérêt général, les échanges qui ont eu lieu avec vous, monsieur le secrétaire d’État, et entre les différents groupes, ici, au Sénat, ont permis de déboucher sur ce texte qui, je l’espère, recueillera le soutien de tous.
Je tiens tout particulièrement à saluer l’engagement de l’auteur et rapporteur de cette proposition de loi, Dominique Bailly, et des chefs de file des différents groupes, qui ont largement contribué à la qualité des travaux de notre Haute Assemblée. Une méthode à renouveler, mes chers collègues !
S’agissant du fond, les précédents orateurs l’ont évoqué, cette proposition de loi intervient à la suite des réflexions approfondies engagées au Sénat. Je citerai notamment, pour l’année 2013, les conclusions du groupe de travail relatif à l’éthique sportive créé par notre commission de la culture et le rapport de Dominique Bailly et Jean-Marc Todeschini sur les grands stades et les arénas, ou encore le rapport d’information d’avril 2014 sur le sport professionnel et les collectivités territoriales, établi sous la présidence de notre collègue Michel Savin.
L’examen de ce texte fait également suite aux conclusions de la Grande Conférence sur le sport professionnel français, lancée sur votre initiative, monsieur le secrétaire d’État.
De manière générale, le nombre élevé des travaux sur le sujet révèle à quel point il est urgent de faire évoluer la législation afin de protéger le sport et les compétitions sportives des risques auxquels ils sont exposés. Violences dans les stades, versements frauduleux, conflits d’intérêts, matchs truqués, dopage sont autant de fléaux qui ruinent l’image du sport professionnel, dont l’esprit est pourtant à mille lieues de ces pratiques.
L’urgence tient aussi dans la nécessaire amélioration de la compétitivité de nos clubs, qui doivent pouvoir rivaliser, demain, avec les grands clubs européens.
L’initiative de notre collègue Dominique Bailly était donc nécessaire. En commission, sous son impulsion en tant que rapporteur – et je le remercie de m’avoir étroitement associé aux travaux –, nous avons parfait le dispositif de la proposition de loi. Je tiens également à remercier notre collègue Michel Savin de son étroite collaboration.
Nous avons ainsi soumis les présidents de fédérations et de ligues professionnelles aux exigences de la loi relative à la transparence de la vie publique. Dans le même souci de transparence et d’éthique, nous avons confié aux directions nationales de contrôle de gestion, avec publication de leurs décisions, la mission de contrôle financier des agents sportifs.
Sur le volet relatif à la compétitivité et à la professionnalisation, nous avons relevé la durée minimum de la convention liant la société sportive à l’association sportive. Nous avons aussi proposé d’améliorer le dispositif de rémunération des sportifs professionnels. Pour ce faire, nous souhaitons permettre la rémunération de l’image des sportifs. Après plusieurs propositions, nous sommes ainsi passés du mécanisme de la fiducie à celui, présenté aujourd’hui, de la redevance.
Parmi les principales mesures que nous avons introduites figure également l’élargissement du champ de la taxe Buffet aux compétitions internationales, dans un article bien élaboré par Michel Savin. Si cette disposition est décriée, elle reste néanmoins le meilleur vecteur pour dynamiser le cadre concurrentiel et la compétitivité du sport professionnel, mais nous aurons l’occasion d’en reparler.
Dans le domaine de l’exemplarité, nous avons conforté la création d’une conférence permanente sur le sport féminin et créé une conférence permanente sur le handisport. Ces deux pratiques sont en effet trop peu valorisées et médiatisées aujourd’hui. Les conférences permanentes contribueront à réparer cette inégalité de traitement.
Nous avons évidemment soutenu les mesures de lutte contre le dopage, auxquelles nous avons ajouté une obligation de contractualisation en faveur de la lutte contre la diffusion de contenus sportifs illicites.
L’ensemble de ces mesures, mes chers collègues, contribuent à faire de cette proposition de loi un texte d’équilibre.
Le faible nombre d’amendements déposés sur le texte de la commission prouve que nous avons travaillé dans de parfaites conditions. La proposition de loi reste néanmoins à compléter et les amendements que nous allons examiner dans quelques minutes nous permettront sans doute de l’améliorer encore.
Je tiens tout particulièrement à vous remercier, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir déposé l’amendement n° 27, qui vise à ouvrir la possibilité, pour les collectivités territoriales, de soutenir financièrement les clubs sportifs professionnels, les sociétés sportives avant tout, via des garanties d’emprunt et des cautionnements. J’avais présenté un même amendement, avec le soutien de Michel Savin et de plusieurs autres collègues, mais celui-ci n’avait malheureusement pas survécu au couperet de l’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution.
Mes chers collègues, je vous invite à vous abstenir de toute frilosité et à faire confiance au jugement des élus dans leur choix d’aider ou non les clubs. Cette possibilité, qui n’est en aucun cas une obligation, contribuera à soutenir efficacement nos clubs professionnels en leur permettant de devenir propriétaires de leur équipement et, surtout, d’accroître leur compétitivité au niveau européen.
C’est tout le sens de cette proposition de loi, qui marque une étape importante pour les ligues.
Oui, elle était très attendue par tous. Elle constitue, comme je l’ai dit, une première étape très importante, mais il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la compétitivité, l’éthique et la transparence.
Ainsi, nous devrons traiter dans les prochains mois de mesures tout aussi urgentes, mais peut-être un peu moins consensuelles que celles qui sont proposées ici. Je pense notamment à la publicité dans les enceintes sportives, à certains problèmes de restauration, aux transferts de joueurs et à bien d’autres questions encore.
Quoi qu’il en soit, la qualité de nos travaux dans le cadre de ce texte est de bon augure pour la suite ! Vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe UDI-UC, après avoir contribué à l’évolution positive de ce projet de loi, le soutiendra. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jean-Jacques Lozach. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi sera le dernier grand texte législatif consacré au sport avant l’ouverture des échéances électorales de 2017. Je me réjouis qu’elle trouve son origine dans l’initiative parlementaire du Sénat, ce qui souligne combien notre assemblée a été mobilisée sur cette thématique.
Ce texte rappelle donc la force de proposition qui a été la nôtre, depuis plusieurs années, sur la question du sport et couronne la qualité de nos travaux dans ce domaine, particulièrement dans celui du sport professionnel.
Nous avons été très fortement engagés dans un long et patient travail d’inventaire et de réflexion sur les grandes lignes de force qui traversent le sport : conclusions du groupe de travail relatif à l’éthique sportive en juillet 2013 ; rapport de la commission d’enquête parlementaire sur l’efficacité de la lutte contre le dopage en juillet 2013 ; rapport d’information sur les grands stades et les arénas en octobre 2013 ; rapport d’information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales en avril 2014, sans compter les travaux que nous menons actuellement sur la gouvernance du football.
Par touches successives, nous avons su faire évoluer le cadre législatif, préférant à un hypothétique « grand soir » des travaux peut-être plus modestes, mais aussi plus concertés, plus réfléchis et qui se révéleront, j’en forme le vœu, plus durables.
On peut évoquer la proposition de loi, déposée à l’Assemblée nationale sur l’initiative de nos collègues socialistes, devenue la loi visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale. La mise en place d’une véritable couverture sociale à leur bénéfice constitue un acquis essentiel de cette législature, acquis dont nous pouvons être fiers.
De même, une des avancées législatives particulièrement marquantes fut la prescription d’activités physiques adaptées pour les personnes souffrant d’affections de longue durée. Portée avec succès par notre collègue députée et ancienne ministre Valérie Fourneyron, cette disposition permet un progrès significatif du « sport santé ».
Par ailleurs, notons que, simultanément à l’examen de cette proposition de loi, se tiennent les États généraux du sport de haut niveau, que vous avez lancés le 3 octobre dernier, monsieur le secrétaire d’État, dans le contexte de la candidature olympique de Paris pour 2024 et dans la continuité des jeux Olympiques de Rio.
Vous souhaitez une réflexion approfondie sur les moyens de capitaliser sur les bons résultats des précédents jeux et d’engager dès à présent la génération sportive de 2024 vers la voie de l’excellence olympique et paralympique.
La proposition de loi dont nous débattons trouve son inspiration dans les travaux, de qualité, menés par la Grande Conférence sur le sport professionnel français.
Toutes les recommandations n’ont pu être retenues. Le calendrier parlementaire ne permettait pas de mettre l’ensemble des dispositions sur l’établi législatif, sauf à courir le risque de ne jamais voir cette proposition de loi adoptée avant la fin de la session. C’est pourquoi le choix du pragmatisme a été fait, choix que je partage.
En définitive, nos débats préparatoires ont été fructueux. Ils ont permis l’élaboration d’un texte déjà bien avancé à l’issue de son examen en commission.
Bien entendu, j’ai aussi quelques propositions à vous soumettre, mes chers collègues, et j’espère que les quelques ajustements que je vous proposerai au nom du groupe socialiste et républicain vous sembleront utiles et pertinents.
Une charte d’éthique et de déontologie devra être élaborée, dans le respect des principes définis par le Comité national olympique et sportif français, le CNOSF. Le suivi de son application sera confié à un comité, ce qui nous renvoie à l’importance des décrets d’application de ce texte et aux modifications du code du sport. Ainsi la composition de ce comité sera-t-elle primordiale.
Cette charte offrira une nouvelle occasion aux acteurs concernés de se fédérer autour d’un humanisme du sport, guidé par les principes d’autonomie, d’unité et de solidarité. Son efficience résidera dans une bonne articulation des différents pouvoirs : associatif, politique, économique, médiatique. Ne pourrait-on pas dire, paraphrasant Boileau, que la force et la puissance ne doivent pas servir de droit et d’équité ?
Inspirée des vertus véhiculées par ce phénomène social et culturel qu’est le sport, cette charte trouvera enfin ses déclinaisons concrètes à travers, notamment, les conventions d’objectifs et de moyens liant l’État et les fédérations délégataires. Elle devra les inspirer. Voilà sans doute une opportunité pour leur donner un rayonnement accru.
Le sport doit se montrer irréprochable s’il veut justifier l’autonomie qu’il revendique, une autonomie qui doit être, non pas exclusive, mais discutée avec les autorités publiques.
Dans certaines disciplines, comme le ski, la voile, la course automobile ou le cyclisme, la compétition est le banc d’essai de technologies de pointe, qui se diffusent ensuite dans les produits de consommation courante. En ce sens, le sport est aussi devenu une vitrine technologique.
Mais, parfois, l’accélération du progrès technique est mise au service de la tricherie, d’où l’article 2 de la proposition de loi.
Les articles 2 et 3 visent à renforcer la lutte contre la manipulation des compétitions sportives.
Cette volonté est devenue nécessité. En effet, les trois fléaux les plus souvent mentionnés dans les menaces pesant sur l’équité de la compétition et le bon déroulement des épreuves sont le dopage, la violence et la corruption. La seule réponse possible face à ces comportements « transgressifs » relève de la loi.
Comme rapporteur, en 2010, du projet de loi relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, j’avais défendu un certain nombre d’interdictions, dont la pertinence, à mes yeux, demeure d’actualité.
Je pense notamment à l’interdiction des paris sur les phases de jeu ou sur les compétitions de football amateur, l’interdiction de prises de paris en ligne pour l’ensemble des acteurs de la chaîne d’une compétition sportive ou d’une course hippique dont les résultats font l’objet de paris ou jeux en ligne, ou bien encore l’interdiction aux opérateurs d’effectuer des opérations de parrainage ou de sponsoring sur un événement sportif pour lequel ils proposent des paris ou jeux en ligne.
Ce sont là autant de sujets qui mériteraient débat, mais nous éloigneraient de la proposition de loi que nous examinons. Toutefois, je souhaiterais que l’on puisse, un jour, conférer une réelle assise législative à la notion de « manipulation sportive » et que l’on conforte le rôle de l’Autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL.
C’est précisément l’objet d’un des amendements déposés. Nous rejoignons ainsi les propos de Denis Masseglia, président du CNOSF, quand il écrit que, « manifestement, la possibilité de corruption par les paris est plus importante que par le dopage ».
Par ailleurs, la proposition de loi tend à lier un renforcement du contrôle financier de l’activité des agents sportifs à un élargissement des prérogatives des DNCG, organismes ayant fait la preuve de leur expertise et de leur efficacité. Puisse cette nouveauté lever les suspicions pesant sur le marché des transferts, où l’opacité prévaut trop souvent.
La puissance publique s’efforce de moraliser les conséquences, souvent regrettables, de l’arrêt Bosman, qui a institué, en 1995, la liberté de circulation des joueurs professionnels au sein de l’Union européenne, ouvrant la voie à une libéralisation à outrance, souvent pénalisante pour les clubs formateurs.
On a coutume de dire que les Anglais inventèrent le sport et que les Français l’organisèrent. C’est juste : les plus grandes compétitions internationales – jeux Olympiques, coupe du monde de football, tour de France cycliste – furent des créations hexagonales. Nous devons nous montrer tout aussi innovants dans la recherche d’attractivité et de compétitivité de nos clubs, indépendamment des disciplines concernées.
Je forme le souhait que les avancées permises par cette proposition de loi quant au fonctionnement du sport professionnel bénéficient également au sport amateur, en vertu de l’indispensable lien de solidarité qui doit les unir.
Les résultats d’exploitation des clubs professionnels traduisent leur fragilité. Sur la saison 2014-2015, par exemple, la perte nette s’élève à 56 millions d’euros pour la Ligue 1 de football, 17 millions d’euros pour le Top 14 de rugby ou bien encore 1,5 million d’euros pour la Pro A de basket. Ces résultats interviennent après usage des artifices habituels, le recours aux actionnaires, le soutien des collectivités, ou bien encore les recettes provenant des transferts de joueurs.
Les difficultés rencontrées par de nombreux clubs, leur sous-capitalisation, le manque d’implication de partenaires privés, leur dépendance vis-à-vis du soutien, direct ou indirect, des collectivités territoriales ou des droits de transmission télévisuelle, la concurrence redoutable des clubs et pays comparables aux nôtres, entre autres éléments, conduisent à une réflexion approfondie sur le modèle économique de ces clubs.
On voit bien se dégager une tendance : la nécessité de rendre les clubs plus autonomes dans leurs décisions, en particulier par la maîtrise, voire la propriété des enceintes sportives inhérentes à leur activité.
Des mesures sont prévues à cet effet, mais leur mise en œuvre ne saurait se traduire par un grignotage de la souveraineté des élus.
À ce sujet, je note la réelle méfiance exprimée par l’Association des maires de France, l’AMF, et par l’Association nationale des élus en charge du sport, l’ANDES, quant à la volonté de favoriser la propriété des enceintes sportives par les clubs professionnels. Il faudra donc faire preuve de pédagogie, notamment sur la nouvelle formule de partenariat public-privé que vous avez évoquée, monsieur le secrétaire d’État ; nous vous soutiendrons dans cet effort de pédagogie.
Il est essentiel de responsabiliser les collectivités, mais en leur laissant le libre choix des relations qu’elles entendent déployer avec les clubs professionnels de leur territoire, dans un contexte de rationalisation des finances publiques.
Par ailleurs, il nous faudra aller plus loin dans les impulsions destinées à inciter les initiatives privées, y compris en matière d’enceintes. En Angleterre, sur les vingt clubs de Premier League, dix-huit sont propriétaires de leur stade.
Je me félicite en outre de la réécriture de l’article 7 de la proposition de loi, qui tend à introduire une possibilité de rémunération de l’image du sportif professionnel au moyen d’une redevance.
L’article 8 vise à donner la possibilité aux fédérations de salarier les arbitres et les juges professionnels, sans revenir sur leur indépendance. Ainsi le recours à un contrat de travail à durée déterminée spécifique est maintenant possible. Il s’agit d’une simple option ouverte aux fédérations, qui peuvent, si elles le souhaitent, s’en emparer. C’est un nouvel outil mis à leur destination, offrant plus de souplesse, et non une nouvelle contrainte.
S’agissant de la féminisation du sport, l’article 9 a pour objet de créer une conférence permanente sur le sport féminin. Sur ce point, la proposition de loi va au-delà des conclusions de la Grande Conférence sur le sport professionnel français. Il s’agit, non plus seulement de consacrer les réflexions à la seule médiatisation du sport féminin, mais également de définir les axes de son développement.
Mais, soyons réalistes, mes chers collègues, pour être efficace, la lutte pour l’équité sportive doit être internationale. Le sport étant devenu l’archétype de la mondialisation, sa régulation doit être appréhendée de façon planétaire et, en premier lieu, à l’échelle européenne, afin que le comportement vertueux de quelques pays ne les handicape pas dans un système fortement concurrentiel.
La création de l’Agence mondiale antidopage constitue un exemple à suivre dans cette lutte contre les atteintes à l’intégrité du sport.
Il est grand temps que l’Union européenne traduise dans les faits la spécificité sportive qu’elle reconnaît dans le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Ce texte affirme effectivement, dans son article 165, que l’Union vise à « développer la dimension européenne du sport, en promouvant l’équité et l’ouverture dans les compétitions sportives et la coopération entre les organismes responsables du sport, ainsi qu’en protégeant l’intégrité physique et morale des sportifs, notamment des plus jeunes d’entre eux ».
Mme la présidente. Il vous faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Jacques Lozach. En conclusion, madame la présidente, je tiens à saluer la recherche du consensus qui a prévalu tout au long de nos travaux et qu’a portée le rapporteur Dominique Bailly. J’espère cet état d’esprit propice à une très large adoption du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, et sur certaines travées du groupe CRC et du RDSE.)
M. Jean-Louis Carrère. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Percheron.
M. Daniel Percheron. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, à moi les trois minutes de temps additionnel ! (Sourires.) Mais, puisque l’équipe sénatoriale a été remarquablement soudée, cette figuration est absolument honorable et, puisque vous avez été un capitaine exemplaire, monsieur le rapporteur, cette figuration se voudra constructive !
Toutes mes félicitations, monsieur le secrétaire d’État, pour l’Euro ! Cela vous a déjà été dit, mais cela mérite d’être répété, et amplifié par le micro ! Merci d’avoir célébré l’Europe du sport – et qu’elle est belle !
Toutes mes félicitations à l’État, aussi, pour cette continuité dans l’accompagnement, notamment pour les opérations de construction et de reconstruction, pour l’éclosion des stades de l’Euro. La France en avait besoin !
À cet égard, soyons clairs, en tant qu’élus locaux : un stade est plus qu’un stade !
Voilà deux ou trois décennies, un très grand journaliste, Jacques Ferran, expliquait qu’en voyant, depuis Lisbonne, le peuple portugais monter vers le stade de Luz, l’image d’une procession de pèlerins lui venait à l’esprit.
Il y a, dans les stades, une partie de l’âme des territoires, et il est indéniable que ceux-ci représentent un enjeu considérable dans le développement du sport professionnel et dans le dialogue avec le sport professionnel. Nous avançons sur le sujet, et je m’en félicite !
J’aborderai brièvement la question de la compétitivité. Forcément ! Dans un marché désormais mondial, la France et le modèle français se trouvent en difficulté.
Les Houillères nationales, entreprise publique, ont possédé le club de foot de Lens, celui de Sochaux appartenait à Peugeot et celui de Sedan était adossé à une entreprise textile locale. Mais vous savez ce qu’il en est aujourd'hui, mes chers collègues : le club de Sochaux a été acheté par un investisseur chinois et l’Arabie saoudite, le pays où l’on coupe la main des voleurs – pas des agents, des voleurs –, rode autour de celui de Sedan. Quant au club de Lens, il s’est même permis, à un moment donné, d’appartenir à l’Azerbaïdjan, un pays des bords de la mer Noire.
Est-ce ainsi que nos clubs professionnels vivent ?…
La solution, Dominique Bailly la propose et la commission, soudée, la soutient. Le capitalisme français est bien trop timide. Il y a bien Louis Nicollin, Jean-Michel Aulas ou encore François Pinault, mais le capitalisme français hésite et, comme vous l’avez remarquablement dit, monsieur le secrétaire d’État, c’est une véritable révolution culturelle qui s’impose.
D’ailleurs, en assimilant, dans la suite du rapport Glavany, le sport à la culture, vous faites un pas peut-être décisif… Non, le sport n’est pas une marchandise comme les autres, y compris – je le précise à l’attention de mes collègues écologistes – le sport professionnel, et la redevance permet vraisemblablement de commencer à avancer sur le chemin de la compétitivité.
Un chiffre, pour terminer : 33 000, c’est le nombre de spectateurs pour un match de deuxième division au stade Bollaert de Lens ; c’est aussi le nombre de spectateurs que l’opéra de Lille accueille en un an. Or l’opéra de Lille, qui est de qualité, perçoit 9,5 millions d’euros de subvention publique quand seuls quelques milliers d’euros sont attribués au stade Bollaert et, par cet intermédiaire, à ce qui constitue une véritable culture populaire.
Les émotions procurées par une grande manifestation sportive sont-elles inférieures à la centième ou deux-centième interprétation de La Traviata ? Je ne le crois pas ! Par conséquent, je dis : oui à la compétitivité !
Je n’évoquerai pas la transparence, qui est dans l’air du temps,…
Mme la présidente. Mon cher collègue, vous avez marqué votre but, mais épuisé aussi votre temps de parole ! (Sourires.)
M. Didier Guillaume. Laissez-le terminer, madame la présidente !
Plusieurs sénateurs. Oui, encore !
M. Daniel Percheron. …mais, ayant eu l’occasion de rencontrer la bienveillante fermeté de la DNCG, j’indiquerai simplement ceci : donnons-lui, comme cela est proposé, les moyens d’être totalement la DNCG ! C’est absolument indispensable !
Faisons aussi en sorte que la publicité soit directement adressée aux élus locaux. Après tout, les grands clubs empruntent le nom d’une ville, d’un département ou d’une région. Dès lors, les élus ont le droit de savoir ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens en premier lieu, à l’instar des précédents orateurs, à saluer le travail de notre rapporteur Dominique Bailly, la qualité des échanges et l’état d’esprit dans lequel se sont déroulés nos travaux autour de cette proposition de loi.
C’est effectivement un état d’esprit constructif et respectueux de l’ensemble des opinions qui a permis d’aboutir au texte que nous allons examiner.
Nous partageons tous ce constat : même si de nombreux aspects intéressants sont développés dans ce cadre, la proposition de loi ne répond pas pour autant à l’ensemble des attentes du monde sportif professionnel.
Il est pourtant plus que nécessaire, et le rapporteur l’a souligné, de moderniser notre système sportif afin de le rendre réellement plus compétitif à l’échelle européenne.
Gouvernance, rénovation profonde du statut des agents sportifs, évolutions des relations avec les collectivités territoriales, lutte contre le dopage, développement du sport féminin, soutien plus poussé au handisport, redevances et droits télévisuels sont autant de sujets partiellement abordés, sur lesquels il faudra revenir dans le cadre d’un texte plus large, plus complet et plus ambitieux.
Mais le texte dont nous avons à débattre aujourd’hui permet d’effectuer un premier pas sur plusieurs points.
Tout d’abord, il œuvre à un plus grand respect de l’éthique sportive, une plus grande transparence, avec des dispositions fortes, relatives à la fraude technologique, aux paris ou au dopage.
Il propose aussi, et c’est tout à son honneur, d’améliorer la compétitivité des clubs de sport professionnels, ce qui nous permettra, nous l’espérons, de garder nos meilleurs sportifs en France, au lieu de les voir s’exiler à l’étranger.
Au regard des modifications apportées lors de l’examen en commission, la proposition de loi est aujourd’hui mieux équilibrée.
Fédérations, sport professionnel et amateur, joueurs, salariés, arbitres, médias, collectivités, etc. : en définitive, c’est l’intérêt collectif qui sort gagnant !
Je souhaite insister, mes chers collègues, sur quelques points qui me semblent extrêmement importants et dont, je l’espère, nous prendrons acte durant les votes à venir.
Tout d’abord, mon collègue Claude Kern et moi-même allons soumettre à votre vote un amendement tendant à limiter à 50 % le financement des dépenses de construction d’une nouvelle enceinte sportive pour les collectivités territoriales, si cette structure est destinée à être utilisée majoritairement par une société sportive. Cette décision permettra de couper peu à peu le lien aujourd’hui très fort – trop fort –, mais dépassé, entre collectivités et clubs de sport professionnel.
Cet amendement est pleinement complémentaire avec le dispositif, qui nous sera proposé par le Gouvernement, permettant aux collectivités et à leurs groupements d’apporter des garanties d’emprunts et des cautionnements aux investissements des sociétés sportives.
C’est là une des avancées majeures que va comporter ce texte.
Il s’agit d’une attente de nombreux clubs qui souhaitent pouvoir se munir d’infrastructures modernes et mettre en place une gestion économique viable de celles-ci.
Autre sujet : la question des agents, à propos de laquelle nous avons aussi déposé un amendement, et qui doit être abordée.
Il apparaît que les agents sportifs issus de l’Union européenne ont plus de contraintes pour exercer en France que les agents non communautaires, ce qui semble aller à l’encontre de l’idée que nous nous faisons de l’Europe.
Enfin, différents amendements déposés en commission ont été votés, et j’espère que leur adoption sera confirmée cet après-midi.
En premier lieu, l’amendement élargissant l’assiette de la taxe Buffet est une avancée sensible pour renforcer le financement du sport amateur, qui en a tant besoin, en France. C’est une volonté d’avoir une plus grande solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur.
L’introduction de l’article additionnel concernant la lutte contre le téléchargement illégal des contenus sportifs en ligne répond à une attente des professionnels des médias, mais aussi des professionnels du sport, afin de sécuriser leur activité et le contenu sportif des pirates du web, phénomène qui ampute chaque année de dizaines de millions d’euros les recettes des diffuseurs, et donc des clubs du fait de la redistribution qui est effectuée.
Pour conclure, je souhaite souligner un des regrets que je porte au sujet de cette proposition de loi : l’impossibilité d’élargir le mécénat et de simplifier ce dernier pour le sport féminin.
Un large travail reste à faire à ce sujet, qui relève néanmoins du pouvoir réglementaire. J’appelle donc de tous mes vœux le Gouvernement à s’y atteler afin d’adapter la réglementation concernant le mécénat et d’ainsi contribuer de manière directe au financement du sport féminin, ce qui pourrait lui offrir une plus grande attractivité.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Michel Savin. Mes chers collègues, j’espère donc que la proposition de loi qui sortira de notre hémicycle répondra aux attentes du monde du sport. L’ensemble des acteurs a les yeux rivés sur nous et nous ne devons pas les décevoir. Il s’agit en effet du dernier texte de loi concernant le sport qui sera présenté durant cette mandature, et nous ne pouvons pas ne pas répondre aux besoins du milieu sportif, qui est en pleine mutation et qui doit faire face à des enjeux de plus en plus complexes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’ai bien écouté les précédents orateurs, et sans vouloir contrevenir à la bonne volonté affichée à travers ce texte, je me risquerai néanmoins à poser quelques questions.
Dans son ensemble, cette proposition de loi reprend pour l’essentiel des mesures assez hétéroclites issues de la Grande Conférence sur le sport professionnel français. Cette conférence s’est accordée sur le constat d’une situation dégradée du sport professionnel, sans pour autant exercer sa sagacité sur une dimension importante : la dimension économique, singulièrement occultée.
En effet, le sport professionnel est devenu global. Il est également confronté à une concurrence accrue d’autres compétitions et d’autres acteurs économiques, qui ont su anticiper ce mouvement et se rendre attractifs tant auprès des consommateurs de spectacle sportif que des investisseurs.
Ainsi, il est regrettable qu’une approche systémique n’ait pas été privilégiée, le risque étant que ce texte s’avère au mieux inefficace, au pire attentatoire à certains droits et libertés fondamentaux.
Sur le fond, l’article 1er est naturellement utile ; reste que le mode opératoire retenu pour veiller à l’éthique et à la déontologie et pour prévenir les conflits d’intérêts porte en lui une limite importante. Cette limite, c’est l’absence d’indépendance et d’autonomie réelles de l’organe chargé de la mise en œuvre du contrôle de la charte éthique.
En effet, proclamer, comme le fait la proposition de loi, que le comité ainsi institué est « doté d’un pouvoir d’appréciation indépendant » ne suffit pas à assurer la réelle et effective indépendance de ce comité et de ses membres.
Je ne vois pas, en l’état, comment ce comité fonctionnera. Quels seront ses moyens ? Tout cela n’est pas anecdotique, et il y a fort à parier que cela se fera avec les moyens et les ressources des fédérations et des ligues.
Par exemple, que se passera-t-il dès lors que ce comité devra se prononcer sur des actes concernant des présidents de ligue ou de fédération ? Surtout si l’on ajoute que la composition de ce comité et le mode de désignation de ses membres restent inconnus.
Le milieu du sport, comme tout milieu, est un écosystème endogame par nature et donc rétif à l’arrivée de tiers n’appartenant pas à la « grande famille ». J’aime bien la famille, mais, en l’espèce, y appartenir n’est pas un gage de compétence.
La proposition de loi demeure muette à ce sujet.
L’article 4, consacré aux agents sportifs et au contrôle de leur activité, vise en particulier la transmission et l’échange d’informations en matière de transfert de joueurs, chose qui n’existait réellement à ce jour que dans le football. Il prévoit de lutter contre les carences de la commission des agents de la Fédération française de football, qui, contrairement à son homologue du rugby, est extrêmement passive et ne procède à aucun contrôle effectif des agents, qui sont en principe soumis à son autorité.
Je rappelle que la seule réponse qui a été concrètement apportée en cas de manquements des agents aux règles qui leur sont applicables l’a été exclusivement par les tribunaux, que ce soit sur le plan civil, avec l’annulation des actes accomplis entraînant la perte du droit à rémunération, ou sur le plan pénal, dans le cadre des procédures diligentées par le parquet visant notamment à sanctionner les abus de biens sociaux commis par des dirigeants avec le rôle actif ou non d’agents sportifs, déclarés ou non. Le Parlement le sait pertinemment depuis le rapport rendu en février 2007 par le député Dominique Juillot.
Si l’idée de créer une entité nouvelle dotée de nouveaux pouvoirs peut paraître séduisante, son effectivité dépendra de la réelle volonté politique de la fédération concernée.
S’agissant de l’article 5, la question de l’indépendance des organes de contrôle se posera. Et ce n’est pas le fait de rendre publiques, au nom de la transparence, les décisions que ces organes de contrôle prendraient qui permettra de combler le défaut d’indépendance. L’atteste le récent exemple de la sanction prise par le conseil supérieur de la direction nationale d’aide et de contrôle de gestion du rugby à l’encontre du Rugby Club Toulonnais, alors même que le secrétaire général de ce conseil supérieur est sponsor maillot de l’ASM Clermont Auvergne, un des concurrents principaux du Rugby Club Toulonnais.
En outre, la possibilité d’obtenir la communication d’informations concernant les parties liées se heurtera au principe de la liberté d’entreprendre et à la préservation du secret des affaires.
À cet égard, aucune garantie n’est offerte par la proposition de loi quant aux modalités d’exercice du contrôle. Il serait ainsi étonnant que le Parlement délègue à un tiers, dépourvu de la personnalité morale et ne relevant pas des règles d’indépendance requises, des pouvoirs d’enquête et de sanction qui sont réservés aux institutions judiciaires et aux services de l’État.
Enfin, doter les organes de contrôle financier des pouvoirs d’« apprécier et contrôler les projets d’achat, de cession et de changement d’actionnaire de sociétés sportives » semble contraire à la liberté fondamentale de la circulation des capitaux telle que visée au traité de l’Union européenne.
Sur un plan pratique, si tant est qu’une telle mesure résiste au test de proportionnalité prévu en pareille matière, ce contrôle serait de nature à réduire l’attractivité du marché français au moment même où les besoins de capitaux sont devenus de plus en plus criants. Oublier cette situation et cette dimension ouverte reviendrait à adopter une posture, serait un affichage sans moyen, une intention sans viatique.
L’article 7 vise à répartir entre salaire et paiement de l’exploitation de leur droit à l’image la rémunération des sportifs professionnels. Toutefois, penser que les difficultés françaises résident uniquement dans le coût trop élevé de la main-d’œuvre en raison du montant des charges sociales, c’est manquer l’essentiel.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. François Bonhomme. Enfin, s’agissant de l’article 7 bis, la créativité fiscale s’épanouit avec la volonté de faire peser la taxe Buffet sur les droits télévisuels concernant des compétitions étrangères. Cela se fera nécessairement au détriment de l’achat des droits des championnats moins attractifs, en particulier le Championnat de France.
En conclusion, monsieur le secrétaire d’État, il m’a semblé nécessaire de formuler ces réserves, car les questions que je soulève continueront sans aucun doute à se poser demain. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Je me contenterai de préciser deux points.
M. Savin a déclaré que cette proposition de loi apportait certes des réponses, mais qu’il serait nécessaire de revenir sur ce sujet dans le cadre d’un texte beaucoup plus ambitieux.
Monsieur Savin, j’ai toujours pensé qu’un tiens valait mieux que deux tu l’auras. Bon courage pour un texte plus ambitieux ! Il me semble que l’on peut déjà être fier de celui-ci. Il est globalement conforme aux conclusions de la Grande Conférence du sport professionnel français, et l’on peut se féliciter du travail accompli par Dominique Bailly à partir des travaux menés par celle-ci.
Je reviens également sur les propos de Jean-Jacques Lozach.
Sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que la France a pris des initiatives au niveau européen. Le problème, c’est que, si l’article 165 du traité de Lisbonne dispose que l’Union européenne développe la dimension européenne du sport, il ne définit aucun contenu, ce qui ne va pas sans soulever quelques problèmes.
Je citerai deux exemples.
Premièrement, le principe des jeunes formés localement, auquel, vous le savez, certaines ligues ont essayé de recourir pour limiter le nombre de joueurs étrangers, a été remis en question devant la Commission européenne.
Deuxièmement, le conflit qui oppose la Fédération internationale de basket-ball et l’Euroligue de basket-ball est traité par les instances européennes de la concurrence. C’est bien pourquoi il faut donner du contenu à la politique sportive pour que le commissaire européen chargé du sport dispose d’un réel pouvoir au sein de la Commission européenne.
Je me suis entretenu avec Tibor Navracsics, le titulaire du poste. Un Conseil européen des ministres des sports a lieu le 22 novembre, à l’ordre du jour duquel la France entend inscrire la question de la définition de la politique sportive au niveau de l’Union européenne.
M. Lozach a fort justement soulevé cette question, et je considère en effet que ce qui se passe actuellement au niveau européen en matière sportive n’est pas satisfaisant.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs
Titre Ier
PRÉSERVER L’ÉTHIQUE DU SPORT ET RENFORCER LA LUTTE CONTRE LA MANIPULATION DES COMPÉTITIONS SPORTIVES PROFESSIONNELLES
Chapitre Ier
Préserver l’éthique du sport
Article 1er
I. – Le code du sport est ainsi modifié :
1° L’article L. 131-8-1 est abrogé ;
2° Après l’article L. 131-15, il est inséré un article L. 131-15-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 131-15-1. – Les fédérations sportives délégataires en coordination avec les ligues professionnelles qu’elles ont créées le cas échéant, établissent une charte d’éthique et de déontologie conforme aux principes définis par le Comité national olympique sportif et français.
« Elles instituent en leur sein un comité, doté d’un pouvoir d’appréciation indépendant et habilité à saisir les organes disciplinaires compétents, chargé de veiller à l’application de cette charte et au respect des règles d’éthique, de déontologie, de prévention et de traitement des conflits d’intérêts. »
II. – (Non modifié) Les fédérations sportives délégataires et, le cas échéant, les ligues professionnelles qu’elles ont créées, établissent la charte et instituent le comité prévus à l’article L. 131-15-1 du code du sport, dans sa rédaction issue du présent article, au plus tard le 31 décembre 2017.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l'article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par M. Dantec, Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 3° de l’article L. 131-3 du code du sport, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Des représentants des acteurs amateurs et professionnels du sport, des joueurs, des supporters, des arbitres, des médecins, des formateurs et personnels administratifs ; ».
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement vise à compléter la loi du 10 mai 2016 renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme, loi qui a créé les conditions du dialogue entre les propriétaires de club et l’ensemble des acteurs qui y sont liés, notamment les supporters.
M. le secrétaire d'État, ce dont je le remercie, avait d’ailleurs apporté son soutien à ce texte, à l’origine une proposition de loi, fruit d’un long travail, notamment mené en relation avec la plus importante association nantaise en nombre d’adhérents, à savoir À la nantaise.
Toujours est-il que, malgré le vote de cette loi, les choses n’avancent pas dans les fédérations et les ligues. J’ai moi-même parrainé un colloque ayant pour objet de faire le point sur l’état d’application de la loi et nous n’avons pu que constater qu’il y avait, comme toujours, des chaises vides… D’où cet amendement.
De nombreux orateurs ont souligné, au cours de la discussion générale, que le sport était un bien commun, qu’il était créateur de culture et d’identité collective et qu’il fallait s’extraire d’un sport devenu de plus en plus capitalistique, qui permet à celui qui a le plus d’argent de s’offrir un jouet, au détriment de l’identité collective du club, particulièrement présente dans les clubs de football.
Une proposition de loi sur l’éthique du sport est le bon véhicule législatif pour introduire cette précision dans la loi de mai 2016. Cela nous évitera ainsi d’en passer par une nouvelle proposition de loi et nous fera gagner du temps.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Bailly, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, même si, sur le fond, j’approuve le principe d’une représentation des supporters au sein des fédérations sportives. Vous l’avez dit en conclusion de votre propos, mon cher collègue, ce point ne fait en effet pas encore consensus. Une première étape a néanmoins été franchie et on trouve désormais dans les clubs un référent pour nouer le dialogue avec les supporters et les dirigeants. Cette seconde étape que vous proposez viendra, j’en suis convaincu, car une dynamique a été créée, mais ce texte n’est pas le bon outil législatif.
J’en profite pour indiquer que l’avis de la commission est également défavorable sur l’amendement n° 10, qui suit, lequel vise à instaurer un dialogue régulier entre les ligues et les supporters. Oui, il faut rendre plus efficace le dialogue, avec les ligues en particulier, mais nous sommes en désaccord sur le tempo.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Le Gouvernement demande le retrait des amendements nos 9 et 10 ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Tout d’abord, monsieur Dantec, vous avez oublié les entraîneurs dans votre amendement n° 9. Mais ce n’est pas grave !
Plus précisément, je considère qu’il faut laisser vivre la loi du 10 mai 2016, qui a été votée à l’unanimité du Sénat, et il est de votre devoir d’aider le Gouvernement pour ce faire. Vous le savez, les associations de supporters agréées peuvent désormais prendre part au dialogue avec les clubs. Or, à ce jour, moins de vingt associations ont demandé leur agrément ; se pose donc toujours la question d’une véritable instance représentative. C’est pourquoi j’estime, je le répète, qu’il faut faire vivre cette loi et inciter toutes les associations de supporters à demander leur agrément pour exercer pleinement leurs droits, tout en se conformant à leurs devoirs.
La loi impose à chaque club le recrutement d’une personne chargée des relations avec les supporters, ce recrutement ne pouvant se faire qu’après avis des associations de supporters agréées. Mais, en l’absence d’une telle association, aucun avis ne pourra être délivré et rien ne bougera !
J’ai eu l’occasion de m’exprimer récemment, à l’occasion du colloque organisé par cette association que vous connaissez et auquel participait le directeur général de la Ligue nationale de football, qui était venu dialoguer. Les choses avancent, et je suis d’accord avec vous, monsieur le sénateur : les supporters doivent occuper une place de plus en plus importante !
Mme la présidente. Monsieur Dantec, l'amendement n° 9 est-il maintenu ?
M. Ronan Dantec. Je précise que l’amendement n° 9 fait référence aux « formateurs », terme plus large qui englobe, me semble-t-il, les entraîneurs. Ceux-ci n’ont donc pas été oubliés.
Nous sommes d’accord sur un point : des progrès ont été enregistrés, en particulier grâce à votre soutien, monsieur le secrétaire d’État. Quand M. le rapporteur dit qu’il n’y a pas encore de consensus, il a tout dit. En particulier, la Fédération française de football a la volonté de faire durer les choses, et c’est notre responsabilité de législateur d’amener les fédérations à aller plus vite, de les obliger à structurer le dialogue avec les supporters, à lever les pesanteurs encore très présentes dans ce monde qui, par ailleurs, évolue très vite et brasse des masses d’argent considérables.
J’estime donc que nous sommes là tout à fait dans notre rôle et je maintiens cet amendement, comme le suivant.
Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par M. Dantec, Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 132-1 du code du sport est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Celle-ci assure un dialogue régulier avec les supporters. »
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. M. le secrétaire d’État nous a indiqué qu’un nombre insuffisant d’associations de supporters avait demandé leur agrément. Je veux le rassurer en lui indiquant que, d’après mes informations et celles du Conseil national des supporters de football, des demandes d’agrément devraient émaner rapidement des associations de Saint-Étienne, de Lens, de Rouen et de Marseille. La dynamique a été lancée, et c’est pourquoi je propose que les ligues entretiennent avec ces associations un dialogue régulier.
Sincèrement, cet ajout ne bousculera personne et évitera qu’on reste au milieu du gué.
Mme la présidente. La commission et le Gouvernement ayant déjà donné leur avis, je mets aux voix l'amendement n° 10.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er bis (nouveau)
I. – Après le III de l’article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, il est inséré un III bis ainsi rédigé :
« III bis. – Les dispositions du présent article sont applicables aux présidents des fédérations sportives délégataires mentionnées à l’article L. 131–14 du code du sport et des ligues professionnelles qu’elles créent en application de l’article L. 132-1 du même code, ainsi qu’aux présidents du Comité national olympique et sportif français et du Comité paralympique et sportif français. »
II. – Les personnes mentionnées au III bis de l’article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, dans sa rédaction issue de la présente loi, établissent, au plus tard le 31 décembre 2017, une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts, suivant les modalités prévues au même article 11. – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 1er bis
Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par MM. Kern et Savin, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 132-1 du code du sport, il est inséré un article L. 132-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 132-1-… – Les ligues professionnelles créées en application de l’article L. 132-1 peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs des associations et sociétés sportives qui en sont membres et aux intérêts des acteurs des compétitions sportives à caractère professionnel. »
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Le présent amendement vise à accorder aux ligues professionnelles la possibilité de se porter partie civile pour toute infraction portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif des clubs professionnels et des acteurs des compétitions professionnelles.
La jurisprudence reconnaît d’ores et déjà cette qualité aux ligues. Néanmoins, les juridictions pénales la rejettent lorsque le lien entre l’infraction et la compétition n’est pas clairement établi.
Les exemples sont nombreux : escroquerie aux paris sportifs, exercice illégal de la profession d’agent sportif, ou encore violence à l’égard des arbitres.
Cet amendement permettra donc de renforcer le rôle des ligues professionnelles au côté des fédérations pour le respect de l’éthique du sport et de l’intégrité des compétitions sportives.
Cette mesure me semble essentielle pour conforter la volonté du législateur de professionnalisation et d’exemplarité des ligues.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Bailly, rapporteur. L’adoption de cet amendement permettra de sécuriser, sur le plan juridique, les ligues. Par conséquent, la commission émet un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er bis.
Chapitre II
Renforcer la lutte contre la manipulation des compétitions sportives
Article 2
(Non modifié)
Le 1° de l’article L. 131-16 du code du sport est complété par les mots : « ainsi que les règles ayant pour objet de contrôler leur application et de sanctionner leur non-respect ». – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 2
Mme la présidente. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Lozach, Guillaume et Assouline, Mme Blondin, M. Carrère, Mme Cartron, M. Frécon, Mmes Ghali, D. Gillot et Lepage, MM. Magner et Manable, Mmes D. Michel et Monier, M. Percheron, Mme S. Robert, MM. Courteau, F. Marc, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l’article 12 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne est ainsi rédigé :
« II. – Les paris mentionnés au I peuvent porter sur les résultats finaux des compétitions ou les résultats des phases de jeux de ces compétitions. Ces résultats doivent traduire des performances objectives et quantifiables. Les paris sont exécutés en fonction des résultats de la compétition tels qu'ils sont annoncés par son organisateur. L'exécution des paris est définitive à compter de la première annonce des résultats par l'organisateur de la compétition sportive, nonobstant leurs éventuelles modifications en application des règles applicables à cette compétition.
« Sont interdits les paris ne faisant pas intervenir le savoir-faire et les connaissances, notamment sportives, des parieurs et ceux qui, en raison de leurs caractéristiques, sont manifestement susceptibles de susciter la manipulation d’un des résultats de la compétition sur laquelle ils portent. Le collège de l’Autorité de régulation des jeux en ligne en précise, en tant que de besoin, les caractéristiques.
« Le président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne peut, s’il existe des indices graves et concordants de manipulation d’une compétition inscrite sur la liste définie au I, interdire, pour une durée qu’il détermine, tout pari sur celle-ci. L’organisateur de la compétition peut le saisir à cette fin. »
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Cet amendement porte, d’une part, sur les paris sportifs en ligne et, d’autre part, sur l’Autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL.
Cela étant, je sais les conditions particulièrement défavorables dans lesquelles je présente cet amendement ; par conséquent, et sans plus attendre, je tiens à rassurer M. le secrétaire d’État en lui annonçant que je vais le retirer, avec grand regret cependant.
Cet amendement a un double objectif : clarifier le dispositif juridique qui encadre l’offre de paris, d’une part, préserver l’éthique sportive, d’autre part.
Depuis le vote de la loi d’ouverture et de régulation des paris en ligne, en 2010, la situation a beaucoup évolué, à la fois pour des raisons économiques et des raisons technologiques. Comme cela a été dit, nous examinons le dernier grand texte consacré au sport avant la fin la mandature, et je croyais donc que le moment était venu de procéder à une actualisation de la loi de 2010.
En effet, le premier alinéa de cet amendement définit les caractéristiques des paris que les opérateurs peuvent proposer. Le deuxième alinéa vise à interdire certains types de paris qui aboutissent parfois à des situations grotesques : il arrive que les paris portent sur certains gestes du jeu, et non pas seulement sur les résultats ou les performances !
En second lieu, la loi du 12 mai 2010 n’interdit pas explicitement les paris de nature à donner lieu à des manipulations sportives. Par cet amendement, je proposais de donner une assise législative à la notion de manipulations sportives, inexistante à ce jour.
La loi de 2010, c’est vrai, a fait l’objet d’un certain nombre de corrections, en particulier lors de l’examen de la loi Sapin II et de la loi pour une République numérique. Toujours est-il que les modifications apportées par ces deux textes ne portaient pas sur son volet sportif, d’où l’intérêt, me semble-t-il, de cet amendement, qui fait écho aux observations formulées récemment par la Cour des comptes, laquelle souhaite une remise à plat de l’ensemble de la régulation du secteur des jeux d’argent et un renforcement des acteurs de cette régulation, l’ARJEL, mais pas uniquement.
D’ailleurs, la Cour des comptes va beaucoup plus loin que ce que je proposais à travers cet amendement.
Je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 14 rectifié est retiré.
Article 3
Le code du sport est ainsi modifié :
1° Le 3° de l’article L. 131-16 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Les fédérations délégataires, en coordination avec les ligues professionnelles qu’elles ont créées le cas échéant, édictent également des règles ayant pour objet d’interdire aux acteurs des compétitions sportives dont la liste est fixée par décret : » ;
b) Au c, les mots : « la compétition à laquelle ils participent » sont remplacés par les mots : « l’une des compétitions de leur discipline » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 131-16-1, le mot : « celle-ci » est remplacé par les mots : « l’une des compétitions de sa discipline ». – (Adopté.)
Article 3 bis (nouveau)
Le code pénal est ainsi modifié :
1° À l’article 445-1-1, les mots : « afin que ce dernier modifie, par un acte ou une abstention, » sont remplacés par les mots : « pour que ce dernier accomplisse ou s’abstienne d’accomplir, ou parce qu’il a accompli ou s’est abstenu d’accomplir un acte modifiant » ;
2° À l’article 445-2-1, le mot : « accepte » est remplacé par les mots : « sollicite ou accepte, à tout moment, » et les mots : «, afin qu’il modifie, » sont remplacés par les mots : «, pour modifier ou avoir modifié, ». – (Adopté.)
Titre II
MIEUX CONTRÔLER LES FLUX FINANCIERS DU SPORT PROFESSIONNEL ET L’ACTIVITÉ DES AGENTS SPORTIFS
Article 4
(Supprimé)
Article additionnel après l'article 4
Mme la présidente. L'amendement n° 13, présenté par MM. Savin et Kern, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 2° de l’article L. 222-15 du code du sport, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Lorsqu’il a passé une convention avec un agent sportif ayant pour objet la présentation d’une partie intéressée à la conclusion d’un contrat mentionné à l’article L. 222-7 conforme à l’article L. 222-16. Dans ce dernier cas, le ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ne peut passer que trois conventions de cette nature au cours d’une même saison sportive ».
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. En l’état du droit, le régime des agents sportifs est extrêmement problématique pour les clubs français.
En effet, les agents sportifs ressortissants de l’Union européenne doivent souscrire auprès d’une fédération française afin d’obtenir une attestation d’exercice temporaire et occasionnel de l’activité d’agent sportif en France, alors que les agents sportifs hors Union européenne doivent seulement établir une convention de présentation avec un agent sportif licencié français leur permettant d’intervenir par cet intermédiaire en France.
Si l’idée d’accorder le dispositif des agents hors Union européenne avec celui des agents européens au travers de la demande d’une attestation d’exercice temporaire pour les agents non communautaires est louable, il s’avère que dans les faits elle n’est pas concrètement réalisable. En effet, les délais existants sont déjà très trop longs, les fédérations étrangères très peu réactives, et il faut justifier d’une expérience suffisante de deux ans d’exercice dans les dix dernières années, ce qui est désormais difficilement appréciable.
On le voit, il paraît très difficile de trouver un équilibre entre ces deux régimes, communautaire et extracommunautaire. Cet amendement vise à mettre fin à ce déséquilibre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Bailly, rapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent d’apporter une solution à la différence de traitement qui existe entre les agents communautaires et les agents extracommunautaires, ces derniers étant aujourd’hui favorisés. L’idée est de permettre aux agents sportifs communautaires de recourir également à des conventions de présentation, tout en limitant le nombre de ces recours pour chaque saison. Cet amendement apporte donc une réponse à un problème bien connu.
Dans un premier temps, la commission a émis un avis de sagesse.
À la suite des différentes auditions auxquelles nous avons procédé, je propose, pour nous permettre de nous retrouver sur une rédaction consensuelle, un sous-amendement visant, d’une part, à réduire à un – au lieu de trois – le nombre de conventions pouvant être passées chaque saison, d’autre part, à préciser que la convention qui sera signée entre l’agent communautaire et l’agent français sera adressée à la fédération délégataire, et ce afin d’apporter toute la sécurité juridique requise.
Cet amendement mérite d’être voté pour apporter une réponse à une question de la vie de tous les jours, si je puis dire.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 28, présenté par M. D. Bailly, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Alinéa 4
1° Deuxième phrase
Remplacer les mots :
que trois conventions
par les mots :
qu'une convention
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette convention est envoyée à la fédération délégataire.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Je m’apprêtais à annoncer un avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement, au motif qu’il s’inscrivait dans une optique un peu trop libérale.
Si le sous-amendement de la commission est adopté, j’émettrai un avis de sagesse : limiter à une le nombre de conventions pouvant être signée chaque saison sportive et prévoir que celle-ci sera transmise à la fédération délégataire de manière que cette dernière prenne connaissance de son contenu me paraît beaucoup plus conforme au droit positif.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Lozach. J’entends les modifications que vient d’apporter M. le rapporteur.
D’une manière générale, la question du statut des agents sportifs fait débat. Ce hiatus entre les agents communautaires et les agents extracommunautaires n’est pas normal. Il me paraît souhaitable d’opérer un alignement vers le haut, c’est-à-dire vers plus d’exigences et de contraintes, et non vers plus de libéralisme.
Disant cela, je rejoins les préconisations de la grande conférence sur le sport professionnel, en particulier la préconisation 4.2 : « Mieux encadrer la situation des agents sportifs étrangers ». Il importe de « mieux définir les modalités de reconnaissance des qualifications en vue de l’exercice occasionnel de l’activité d’agents sportifs, de renforcer les obligations pour les agents extracommunautaires afin d’exercer sur le territoire français, et de vérifier les conditions de délégations à des préposés des agents… »
Ne l’oublions pas, il s’agit en l’occurrence d’un milieu très particulier qui brasse énormément d’argent, avec des commissions qui sont légales, mais parfois des rétrocommissions qui le sont beaucoup moins. Je reste sur la même philosophie, à savoir la défense d’un certain nombre de principes comme la transparence, le fair-play financier, etc.
Un point me semble particulièrement grave et mérite réflexion : pour exercer comme agent sportif, il suffira de conventionner avec un autre agent sportif français et l’on met ainsi à mal tout le système actuel de délivrance des licences. Une personne ne parvenant pas à obtenir sa licence en France passera une convention avec un agent français afin de pouvoir exercer sa profession !
Le dispositif n’est pas non plus très transparent à l’échelon européen, puisqu’une très grande partie de ces sociétés d’agents sportifs sont situées à Luxembourg, à des fins d’optimisation fiscale.
Si les clubs de football professionnels en France ont du mal à recruter des footballeurs, c’est sans doute lié aux difficultés à attirer des investisseurs, à la faiblesse des droits de retransmission télévisée ou à celle du merchandising, ou encore, comme le diraient certains, au niveau trop important des charges sociales ou fiscales. Mais je ne pense pas que cela soit lié à la nature même du statut des agents sportifs.
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Si ces amendements ont sûrement leur intérêt, ils illustrent un simple fait : votre loi « sport et compétitivité des clubs » n’embrasse que 20 % du sport dans notre pays, puisque toutes ces dispositions concernent le sport professionnel, peut-être ses excès. Qu’en est-il des grandes disciplines olympiques pour un pays candidat à l’organisation des jeux Olympiques : l’athlétisme, la natation, la gymnastique, le judo, l’escrime, l’haltérophilie, le tir et j’en passe ?
Je dirige un club d’athlétisme qui est le premier de France aux interclubs. Nous n’avons aucun problème concernant les agents ni aucun problème de paris clandestins. En revanche, nous avons de vrais problèmes avec l’INSEP, parce que nous voudrions quelque peu réguler le système en place. Nous souhaiterions, dans une grande loi sur le sport, une décentralisation des pôles, au sein desquels seraient organisées les grandes disciplines olympiques. Aujourd’hui, les jeunes athlètes qui montent à Paris pourraient très bien rester dans leur environnement avec leurs éducateurs, leurs formateurs.
Monsieur le secrétaire d’État, ce texte n’est pas une loi sur le sport, c’est une loi sur le sport professionnel.
M. Dominique Bailly, rapporteur. Oui, vous avez raison : c’est bien cela !
M. Francis Delattre. Je le redis, à partir du moment où l’on est candidat aux jeux Olympiques, il est dommage que les grandes disciplines olympiques soient totalement ignorées dans ce texte. En réalité, les fédérations que je viens d’évoquer vivent essentiellement, vous le savez bien, grâce aux collectivités territoriales. Ce n’est pas parce que cette réalité est admise que nous devons nous en désintéresser, au contraire : il faudrait dynamiser ces disciplines, parfois les récompenser à travers les fédérations, dans la mesure où toutes ces disciplines n’ont pas signé de contrats juteux avec les télévisions. Ce problème aurait pu être traité au travers de ce texte, monsieur le secrétaire d’État.
Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.
M. Gaëtan Gorce. Je rejoins le point de vue exprimé par notre collègue et ami Jean-Jacques Lozach sur la nécessité de rester extrêmement stricts par rapport à la définition et aux moyens donnés aux agents sportifs. Pour avoir participé dans une autre vie, avec mon collègue Alain Néri, à une mission parlementaire sur les agents de joueurs, nous avons constaté les pratiques de ces agents sportifs. C’est un véritable scandale qui est loin d’avoir été réglé ! La plupart de ceux qui se livrent à ces pratiques sont connus et se cachent derrière leur popularité comme une forme d’impunité, quand ils n’agissent pas de manière encore plus ouverte !
Plus nous serons restrictifs et sévères par rapport à ce type de comportement afin de ne pas permettre certaines facilités, mieux cela vaudra. C’est pourquoi il ne faut pas voter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Bailly, rapporteur. Il nous reste encore deux heures pour voter cette proposition de loi. J’y insiste, car certains de ses articles méritent une attention particulière ; ils vont, d’ailleurs, dans le sens voulu par toute la famille du sport professionnel et même du sport amateur.
Je le confirme à M. Francis Delattre : ce texte vise bien le sport professionnel, et non le sport amateur ou l’athlétisme en particulier. Il a donc ses limites et, comme je l’ai souligné, il ne peut pas répondre à toutes les questions.
Avec l’article 5, pour la première fois, nous allons plus loin, pour la première fois, nous encadrons, pour la première fois nous contrôlons les transferts. Grâce à la loi que nous voterons, je l’espère, dans les deux heures, nous pourrons surveiller et contrôler les agents. Si j’ai déposé un sous-amendement à cet amendement, c’est parce que je souhaite répondre de manière ponctuelle, en permettant une seule convention, à une activité commerciale d’un club professionnel.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. Aujourd’hui, les situations de certains clubs professionnels sont telles que certains contrats échappent complètement aux clubs français. Soit on continue à vouloir aligner vers le haut, mais sans apporter aucune proposition ni la moindre solution, et on continue d’appliquer ce système qui est pénalisant pour les clubs professionnels français. Soit on essaie d’avancer. Or un agent qui a obtenu une attestation aux échelons national et européen présente toutes les garanties nécessaires. Sinon, il faudrait remettre en cause le système des agents dans son ensemble.
Nous avions proposé la possibilité, exceptionnelle, de conclure, à trois reprises par saison sportive, une convention de prestation avec un agent sportif étranger. J’entends la proposition de M. le rapporteur de ramener cette possibilité à une convention. Même si une telle disposition est très restrictive, elle va dans le sens de ce que nous souhaitons. Elle est en outre conforme au souhait des clubs sportifs aujourd’hui, à savoir éviter de se retrouver dans des situations de blocage ou d’infériorité par rapport à des clubs étrangers.
Par conséquent, j’accepte le sous-amendement de la commission.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 4.
Article 5
L’article L. 132–2 du code du sport est ainsi modifié :
1° À la fin du premier alinéa, les mots : « participant aux compétitions qu’elles organisent » sont remplacés par les mots : « qui sont membres de la fédération ou de la ligue professionnelle ou en sollicitent l’adhésion » ;
1°bis (nouveau) Le deuxième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Les relevés de décisions de cet organisme sont rendus publics. Il établit chaque année un rapport public qui est transmis au ministre en charge des sports avant le 31 décembre. » ;
2° Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Il est également compétent pour apprécier et contrôler les projets d’achat, de cession et de changement d’actionnaire des sociétés sportives.
Il est chargé du contrôle administratif, juridique et financier de l’activité des agents sportifs autorisés à exercer. Les agents sportifs et les organes concernés de la fédération et de la ligue professionnelle transmettent à cet organisme les informations et les documents juridiques, financiers et comptables relatifs à leur activité.
« Dans l’exercice de ses missions, cet organisme peut notamment procéder à des contrôles sur pièces et sur place des associations et sociétés sportives. Il peut demander à ces associations et sociétés sportives, aux agents sportifs, ainsi qu’à toute personne physique ou morale avec laquelle elles disposent d’un lien juridique la communication de toute information et de tout document utile à son contrôle.
« Lorsqu’un commissaire aux comptes engage une procédure d’alerte en application de l’article L. 234-1 du code de commerce relative à une association ou une société sportive, cette association ou cette société sportive est tenue d’en informer immédiatement cet organisme. »
Mme la présidente. L'amendement n° 20 rectifié bis, présenté par Mme Jouve, MM. Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mme Laborde et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au premier alinéa, après le mot : « créent », sont insérés les mots : « en leur sein » ;
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Il s’agit, au travers de cet amendement, de rappeler que les directions nationales de contrôle de gestion – DNCG –, dont les missions sont renforcées et élargies par cet article, même si elles disposent d’un pouvoir d’appréciation indépendant, font partie intégrante des fédérations sportives ou des ligues professionnelles qui les ont créées.
Par conséquent, les décisions prises par les DNCG relèvent des litiges entre les associations ou sociétés sportives et les fédérations. Elles sont donc soumises au préalable à un mécanisme obligatoire de conciliation, sauf exclusion expressément mentionnée comme c’est le cas pour le dopage.
Autre conséquence, les instances dirigeantes des fédérations peuvent accepter ou refuser une proposition de conciliation de la conférence des conciliateurs du Comité national olympique et sportif français, dès lors qu’une décision de la DNCG est concernée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Bailly, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis très favorable sur cet amendement.
J’aurais voulu répondre à M. Bonhomme, mais après être intervenu, il avait sans doute d’autres occupations plus importantes que de suivre cette discussion. (Mme Nicole Duranton s’exclame.) Je voulais simplement lui dire que, si on veut renforcer le contrôle des investisseurs par la DNCG, ce n’est pas pour les faire fuir, c’est pour éviter que des étrangers ne reprennent un club en n’ayant aucune notion du patrimoine sportif que représente ce club, puis s’en aillent en ne laissant que des miettes. Je laisserai à M. Bonhomme le soin de méditer ce qui s’est passé au club de football de Grenoble. Il reviendra peut-être sur ses propos lors de la discussion d’un prochain texte, si tant est qu’il soit présent dans l’hémicycle à ce moment-là… (Protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. L'amendement n° 15 rectifié, présenté par MM. Lozach, Guillaume et Assouline, Mme Blondin, M. Carrère, Mme Cartron, M. Frécon, Mmes Ghali, D. Gillot et Lepage, MM. Magner et Manable, Mmes D. Michel et Monier, M. Percheron, Mme S. Robert, MM. Courteau, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
avant le 31 décembre
par les mots :
dans un délai de six mois à compter de la fin de la saison sportive telle qu’arrêtée par le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Fixer une date calendaire, à savoir le 31 décembre, pour la remise du rapport public annuel par les DNCG au ministre en charge des sports ne paraît pas approprié à toutes les disciplines sportives. En effet, pour certains sports, la saison s’achève au mois de juin, pour d’autres, au mois de septembre, pour d’autres encore, au 31 décembre. C’est pourquoi cet amendement vise à introduire de la souplesse et à permettre une adaptation aux situations particulières. Il vaut mieux fixer la date de remise du rapport en fonction de la fin de la saison sportive de chaque discipline, en respectant un délai de six mois.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Bailly, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement, compte tenu de la rectification du délai de remise, de neuf à six mois.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 23, présenté par M. D. Bailly, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 7
1° Première phrase
Supprimer les mots :
administratif, juridique et
2° Seconde phrase
Supprimer le mot :
juridiques,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Bailly, rapporteur. Cet amendement de précision vise à éviter toute confusion entre le contrôle financier exercé par la DNCG et le contrôle administratif exercé par la commission des agents, qui relève de la fédération, en supprimant les références à un contrôle administratif et juridique que pourrait exercer la DNCG sur les agents sportifs.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 16, présenté par MM. Lozach, Guillaume et Assouline, Mme Blondin, M. Carrère, Mme Cartron, M. Frécon, Mmes Ghali, D. Gillot et Lepage, MM. Magner et Manable, Mmes D. Michel et Monier, M. Percheron, Mme S. Robert, MM. Courteau, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque la société mentionnée à l’article L. 222-8 du présent code est soumise à l’obligation de certification de ses comptes par un commissaire aux comptes, le rapport sur ses comptes annuels est transmis à cet organisme.
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Cet amendement a pour objet de s’assurer que les comptes annuels des sociétés des agents sportifs soumis à certification par un commissaire aux comptes soient bien transmis aux DNCG, au titre des documents financiers et comptables dont ces organismes ont besoin pour opérer un contrôle effectif de l’activité des agents sportifs. Il s’agit, en quelque sorte, d’imposer par la loi ce qui a cours seulement très partiellement aujourd’hui.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Bailly, rapporteur. La commission émet un avis très favorable sur cet amendement, qui va dans le sens de la transparence.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article additionnel après l'article 5
Mme la présidente. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Lozach, Guillaume et Assouline, Mme Blondin, M. Carrère, Mme Cartron, M. Frécon, Mmes Ghali, D. Gillot et Lepage, MM. Magner et Manable, Mmes D. Michel, Monier et S. Robert, MM. Percheron, Courteau, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 561-2 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les fédérations mentionnées à l’article L. 132-2 du code du sport. »
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Cet amendement vise à étendre aux fédérations sportives ayant créé une ligue professionnelle la liste des professions non financières soumises à l’obligation de déclaration de soupçons à la cellule de traitement du renseignement et de l’action contre les circuits financiers clandestins, TRACFIN, pour renforcer la lutte contre le blanchiment de capitaux. L’opacité entourant les transferts de sportifs et le transit des fonds via des comptes offshore constitue un cadre propice au blanchiment d’argent.
Puisque la proposition de loi confie le contrôle des agents sportifs, en le renforçant, aux DNCG, et que les activités d’agents sportifs via des sociétés offshore sont des vecteurs potentiels de pratiques illégales, il convient de donner les moyens aux fédérations sportives concernées, via leur DNCG, d’alerter TRACFIN des cas de soupçons de transactions frauduleuses. Ce système existe déjà pour la lutte contre le dopage.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Bailly, rapporteur. La commission émet un avis favorable, car cet amendement répond également à l’objectif de transparence.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
En effet, les fédérations sont déjà des personnes chargées d’une mission de service public et qui peuvent ainsi d’ores et déjà alerter TRACFIN sur les opérations suspectes. Par conséquent, la disposition proposée est superfétatoire.
Par ailleurs, les fédérations sportives et, donc, les DNCG qui leur sont rattachées sont également des autorités de contrôles des agents sportifs. Cette circonstance devrait être de nature à renforcer les échanges entre TRACFIN et les fédérations sportives, via les DNCG, dans la mesure où les textes prévoient un dispositif d’échange d’informations entre TRACFIN et les différentes autorités de contrôle des assujettis.
Mme la présidente. Monsieur Lozach, l'amendement n° 17 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Lozach. Non, je le retire, madame la présidente, étant donné les explications convaincantes de M. le secrétaire d’État.
Mme la présidente. L'amendement n° 17 rectifié est retiré.
Titre III
AMÉLIORER LA COMPÉTITIVITÉ DES CLUBS PROFESSIONNELS ET LA PROFESSIONNALISATION DE SES ACTEURS
Article 6
I. – Le code du sport est ainsi modifié :
1° L’article L. 122-14 est complété par les mots : « et d’une durée comprise entre dix et quinze ans » ;
2° Après l’article L. 122–16, il est inséré un article L. 122-16-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 122–16–1. – La société sportive constituée par l’association sportive dispose du droit d’usage du numéro d’affiliation de cette dernière pour la réalisation des activités qui lui ont été confiées par l’association.
« L’association sportive conserve le bénéfice de ce droit pour la réalisation de ses propres activités. » ;
3° L’article L. 122–19 est complété par les mots : « ainsi que les conditions financières accordées à l’association sportive par la société sportive en contrepartie des droits concédés et au titre du principe de solidarité ».
II. – (Non modifié) Les articles L. 122-14, L. 122-16-1 et L. 122-19, dans leur rédaction issue du présent article, s’appliquent à toute nouvelle convention conclue à compter de la publication de la présente loi. Pour les conventions déjà conclues avant cette date, ils s’appliquent à tout renouvellement de convention ayant lieu à compter de la publication de la présente loi.
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par Mme Prunaud, M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Mes chers collègues, la question de cet article 6, pour technique qu’il soit, est avant tout politique. Quelle articulation à long terme voulons-nous entre l’association sportive support et la société sportive de gestion qui lui est adossée ?
En effet, excepté le fonctionnement très spécifique du cyclisme professionnel composé uniquement de sociétés sportives et où le numéro d’affiliation n’est pas nécessaire pour s’inscrire aux compétitions organisées par la fédération, ce sont bien les associations sportives qui permettent aujourd’hui l’inscription d’une équipe à une compétition fédérale.
La circonvolution prévue à l’article R. 122–8 du code du sport n’y change rien, même si elle constitue une distorsion déjà discutable du rôle de la société sportive, déjà chargée d’organiser la participation de l’équipe aux compétitions sportives. Cet article 6 ouvre plus grand encore la porte à une indépendance des sociétés sportives dites « de gestion » à l’égard de leur association support.
Nous comprenons bien l’enjeu de sécuriser des investisseurs potentiels en reconnaissant une légitimité supplémentaire aux sociétés. Toutefois, il nous semble nécessaire de rappeler qu’aujourd’hui l’arrivée d’un investisseur se fait autant grâce à la stabilité financière que peut offrir la société sportive que par l’identité même de l’équipe permise par l’association.
De fait, cet article 6 nous semble porteur d’un risque assez grand, celui de renforcer encore la société sportive vis-à-vis de son association support, et qu’à terme l’existence même de ces dernières ne soit remise en cause, ce qui poserait de nombreuses questions sur notre modèle de formation des sportifs et sur l’accès au sport pour toutes et tous.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Bailly, rapporteur. Cet amendement concerne le numéro d’affiliation et l’allongement de la durée de la convention, qui est comprise, dans le code du sport, entre un et cinq ans. J’avais proposé une durée comprise entre six et douze ans, mais après audition, nous nous sommes rendu compte que, pour être sécurisés, les futurs investisseurs ont aussi besoin de temps. Cet article est au cœur du dispositif législatif.
La commission est donc défavorable à sa suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à la suppression de ce dispositif.
J’entends le raisonnement de Mme Prunaud, mais à mon sens il faut l’inverser. Le texte tend au contraire à sécuriser la relation entre l’association, qui reste propriétaire du numéro d’affiliation, et la société, qui va l’exploiter. Même si le mot « propriété » a disparu dans la rédaction de la commission, contre l’avis du Gouvernement, cette sécurisation des associations est extrêmement importante pour dissuader tout investisseur qui aurait des ambitions non sportives.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article 6 bis (nouveau)
Aux 1° et 3° de l’article L. 122-7 du code du sport, la référence : « L. 233-16 » est remplacée par la référence : « L. 233-17-2 ». – (Adopté.)
Article 7
I. – Le livre Ier de la septième partie du code du travail est complété par un titre III ainsi rédigé :
« TITRE III
« SPORTIFS PROFESSIONNELS ET PROFESSIONS DU SPORT
« CHAPITRE IER
« Sportifs professionnels
« Section 1
« Rémunération
« Art. L. 7131–1. – La rémunération due au sportif professionnel à l’occasion de la vente ou de l’exploitation des attributs de sa personnalité par l’employeur n’est pas considérée comme salaire dès que la présence physique du sportif professionnel n’est plus requise pour cette exploitation et que cette rémunération n’est pas fonction du salaire reçu pour sa performance sportive, mais est fonction du produit de la vente ou de l’exploitation des attributs de sa personnalité.
« Cette rémunération, qui ne peut constituer la part déterminante de la rémunération totale du sportif, est plafonnée à un niveau fixé par décret.
« La mise en œuvre du présent article est conditionnée à l’adoption d’un accord collectif par discipline. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par Mme Prunaud, M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. La question de la fiscalisation des rémunérations des sportifs professionnels est essentielle. Cet article 7 a pour objet de défiscaliser une partie de la rémunération des sportifs. Vous comprendrez aisément que le groupe CRC soit réticent à accepter en l’état ce type de dispositif, s’inspirant librement du droit à l’image collectif, ou DIC, supprimé en 2010 et qui permettait aux clubs d’économiser de fortes sommes : à titre d’exemple, 800 000 euros par an pour le Stade français, 30 millions d’euros pour l’ensemble de la Ligue 1. Ces sommes pourraient être réinvesties dans les clubs de formation des équipes jeunes ou dans d’autres actions avec les ligues départementales.
Comme vous tous, nous serions heureux que plus de clubs français brillent sur le terrain européen. Néanmoins, la qualité sportive d’une équipe ne peut se résumer à la seule question fiscale. Preuve en est, dans mon département, l’équipe de foot de l’En Avant de Guingamp.
En rabattre sur les recettes fiscales de l’État ne nous semble donc pas être une solution en soi. Par ailleurs, la transformation en redevance des rémunérations dues à l’exploitation des attributs des sportifs et des entraîneurs pose quand même une question : quel est le rapport coût/profit de cette exploitation ?
Est évoqué à l’alinéa 9 de cet article 7 un plafond fixé par décret pour lequel nous n’avons pas plus d’informations. C’est sur ce dernier point, monsieur le secrétaire d’État, que nous souhaiterions avoir des précisions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Bailly, rapporteur. Nous sommes au cœur du dispositif législatif : M. le secrétaire d’État a évoqué une révolution culturelle. Évitons les faux procès entre nous : nous ne sommes pas là pour défiscaliser.
Cet article va permettre de sacraliser le salaire, en rémunération de l’activité sportive du joueur professionnel, de son talent, et d’aller chercher un potentiel économique qui aujourd’hui n’est pas exploité et ne peut pas profiter au budget de l’État à travers la fiscalisation. Cette redevance sera fiscalisée – BNC, bénéfices non commerciaux, ou BIC, bénéfices industriels et commerciaux. Elle sera également soumise à l’impôt sur le revenu quand le joueur en aura le bénéfice. En outre, des cotisations sociales seront prélevées sur cette redevance.
Aujourd’hui, il n’existe rien : ni recette fiscale ni recette sociale. Par ce « plus », par cette redevance, par ce nouveau contrat, nous allons, je le répète, chercher un potentiel économique qui aujourd’hui n’est pas exploité. Il ne s’agit pas du tout du retour du DIC, contrairement à ce que certains commentaires laissent entendre. Il ne s’agit pas non plus de défiscaliser. Nous sommes juste en train d’essayer de trouver des outils supplémentaires pour permettre à des joueurs de rester dans les championnats français. En effet, si tel n’est pas le cas, la part salariale ou les cotisations sociales n’entreront pas dans le budget de l’État, car les joueurs iront jouer dans d’autres pays, notamment en Grande-Bretagne et en Espagne.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement. Je proposerai par la suite, à travers un nouvel amendement, une troisième réécriture, dans l’état d’esprit qui nous anime aujourd’hui. J’ai commencé avec un outil qui s’appelle la fiducie, j’ai ensuite réécrit la rédaction en commission en m’appuyant sur les propositions Glavany ; je vous proposerai de nouveau une amélioration du dispositif pour le sécuriser encore plus fortement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis de sagesse.
Madame Prunaud, il ne s’agit pas d’une niche fiscale, comme a pu être perçu le DIC qui avait été abandonné après avoir été mis en place. Là, il s’agit d’un droit individuel. Aujourd’hui, l’image des sportifs est souvent utilisée par leurs clubs sur des panneaux 4x3 ou dans des revues, en dehors de leur activité première qui est de marquer un panier ou un but. La réalité est que cette fonction n’est pas prise en compte actuellement.
Cela pose une difficulté de droit social. Si un joueur venait à user de son image négativement, il ne pourrait pas être sanctionné, car s’il était licencié pour faute grave, le club perdrait sa valeur, car chaque joueur a une valeur. Une telle mesure, permettrait d’exercer un contrôle plus précis sur le comportement des joueurs et sur leur exemplarité par rapport à l’image qu’ils donnent d’eux-mêmes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de vos précisions. Pourriez-vous nous donner dès à présent un chiffre approximatif sur cette fameuse taxe additionnelle qui figure à l’alinéa 9 ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. À ce stade, je ne dispose d’aucun chiffre précis, madame la sénatrice.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. Cet amendement vise à donner la possibilité aux clubs français de garder des joueurs français et d'attirer des joueurs étrangers. Comme l’a rappelé M. le rapporteur, l’objectif est très clair : à côté du salaire, qui est fixe et dépend d’un contrat de travail, il s’agit d’améliorer les revenus des sportifs grâce à cette redevance sur l’exploitation commerciale de leur image.
Lors des discussions que nous avons eues avec M. le rapporteur, le plafonnement a été fixé au départ à 20 %. Nous y étions favorables, car cela nous paraissait un signe fort à l’égard des clubs et des sportifs. Je comprends néanmoins que cela puisse faire peur à certaines administrations. À cet égard, nous avons bien entendu les arguments de M. le rapporteur pour ramener ce plafond de 20 % à 10 %, mais c’est une première avancée. Nous devrons tirer un bilan de cette décision dans quelque temps, pour voir s’il est possible de rendre encore plus attractifs les clubs professionnels français.
Nous ne voterons pas le présent amendement ; nous nous rallierons à la position de la commission, même si nous estimons que nous pouvons encore aller plus loin.
Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.
M. Gaëtan Gorce. Mes chers collègues, la rémunération des joueurs professionnels est toujours un sujet difficile à aborder, et pour cause : dans un certain nombre de cas, ces rétributions atteignent des niveaux indécents, ou qui sont du moins perçus comme tels.
On peut aimer le football. C’est mon cas, et nous sommes nombreux dans cet hémicycle à aimer le sport : peut-être certains parmi nous continuent même à le pratiquer. Cela étant, bien des disciplines sportives ont fini par perdre leur exemplarité, face à des pratiques qui sont d’abord influencées par des logiques commerciales, par des rapports de force impliquant des formes de violence.
Pour notre part, nous nous efforçons de réguler ces pratiques autant que nous le pouvons. Mais si, pour développer les institutions sportives existant au niveau local, nous courons derrière les modèles adoptés par les grands clubs européens, nous nous essoufflerons sans jamais atteindre notre but.
À mon sens – nous y reviendrons sans doute lors d’autres débats consacrés à ces sujets –, il faut avant tout consolider l’armature des clubs amateurs, des centres de formation et de toutes les structures permettant de développer les pratiques sportives autour des valeurs qu’elles incarnent.
Je le répète, à travers cet amendement, nous évoquons des pratiques commerciales le plus souvent indécentes : par ce biais, des êtres humains sont transformés en objets de vente. D’une certaine manière, ils y trouvent leur avantage. Mais, en la matière, rien ne ressemble au sport que nous aimons !
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. Mes chers collègues, disons-le clairement : cet article occupe une place fondamentale au sein de cette proposition de loi. Il lui donne corps et cohérence.
Dans notre démarche de compétitivité du sport professionnel français et compte tenu des pratiques en vigueur à l’échelle européenne, il est urgent de faire évoluer la législation applicable à la rémunération des sportifs de haut niveau.
Le dispositif retenu par la commission m’apparaît, à ce jour, comme le plus équilibré et le plus pertinent pour traiter cette question. Il ne faut donc pas supprimer cet article, mais, au contraire, le faire évoluer dans le temps. Je fais miens les termes du rapport établi par la commission : nous exprimons notre complète détermination à améliorer la compétitivité des clubs professionnels français. Il ne serait pas concevable d’adopter le présent texte s’il était amputé de cet article.
Mme la présidente. L'amendement n° 24 rectifié, présenté par M. D. Bailly, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 222-2-3 du code du sport est complété par neuf alinéas ainsi rédigés :
« Une association ou une société sportive mentionnée aux articles L. 122-1 et L. 122-2 peut conclure avec un sportif ou un entraîneur professionnel un contrat relatif à l’utilisation et à l’exploitation commerciale de son image, de son nom ou de sa voix.
« Les sportifs et entraîneurs professionnels ne peuvent être regardés, dans l’exécution du contrat mentionné au premier alinéa, comme liés à l’association ou à la société sportive par un lien de subordination juridique caractéristique du contrat de travail au sens des articles L. 1221-1 et L. 1221-3 du code du travail, et la redevance qui leur est versée au titre de ce contrat ne constitue ni un salaire ni une rémunération versée en contrepartie ou à l’occasion du travail au sens de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dès lors que :
« – la présence physique des sportifs ou des entraîneurs professionnels n’est pas requise pour utiliser et exploiter commercialement leur image, leur nom ou leur voix ;
« – la redevance des sportifs ou des entraîneurs professionnels n’est pas fonction du salaire reçu dans le cadre du contrat de travail mais fonction des recettes générées par cette utilisation et cette exploitation commerciale de leur image, de leur nom ou de leur voix.
« Le contrat mentionné au deuxième alinéa précise, à peine de nullité :
« – l’étendue de l’utilisation et de l’exploitation commerciale de l’image, du nom et de la voix du sportif ou de l’entraîneur professionnel, notamment la durée, l’objet, le contexte, les supports et la zone géographique de cette utilisation et de cette exploitation commerciale ;
« – les modalités de calcul du montant de la redevance versée à ce titre, notamment en fonction des recettes générées par cette utilisation et cette exploitation commerciale.
« Un décret fixe les modalités d’application du présent article, et notamment le plafond des redevances, par discipline, qui peuvent être versées à ce titre par une association ou une société sportive à l’ensemble de ses sportifs ou entraîneurs professionnels qui ne peut excéder 10 % des recettes générées par cette utilisation et cette exploitation commerciale.
« Une convention ou un accord collectif national, conclu par discipline, précise les modalités d’application des deuxième à neuvième alinéas du présent article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Bailly, rapporteur. Mes chers collègues, le présent article et, plus généralement, cette proposition de loi n’ont pas vocation à répondre à la situation d’un sport particulier, notamment le football.
J’ai encore en tête plusieurs des auditions que nous avons menées. Je pense, en particulier, à nos échanges avec les représentants de la ligue de basket. Ces derniers soutiennent fortement le dispositif de l’article 7, qui leur permettra de conserver divers joueurs dans le championnat de basket professionnel.
M. Dominique Bailly, rapporteur. À l’heure actuelle, ces joueurs se déterminent selon les niveaux de rémunération qu’on leur propose. Ils partent ainsi en Allemagne, en Espagne ou en Italie.
Au demeurant, je fais miens les propos de Daniel Percheron : en la matière, nous nous trouvons à un moment stratégique. Auparavant, les clubs s’appuyaient sur des compagnies industrielles.
Mme Éliane Assassi. De toute manière, il n’y a plus d’industrie…
M. Dominique Bailly, rapporteur. Aujourd’hui, que voulons-nous ? Que, dans les championnats professionnels, demeurent les seuls clubs dépourvus d’une logique économique propre, ne tenant budgétairement que grâce au soutien d’un mécène ? Non !
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas pareil !
M. Dominique Bailly, rapporteur. Avec ces dispositions, nous nous efforçons d’atteindre un point d’équilibre.
Au demeurant, au-delà des rémunérations, il faut tenir compte des enjeux existant en termes d’aménagement du territoire et d’emploi. Gardons à l’esprit qu’un club de football professionnel, c’est entre 150 et 200 emplois.
Ce rappel étant formulé, j’en viens à l’objet du présent amendement.
Comme je l’indiquais le 12 octobre dernier, lors des débats en commission, j’ai souhaité poursuivre la réflexion relative à la rédaction de cet article, qui ouvre la possibilité de rétribuer l’image des sportifs au moyen d’une redevance.
M. Daniel Percheron. Très bien !
M. Dominique Bailly, rapporteur. Le présent amendement tend à consolider le dispositif en précisant que le contrat commercial sera bien distinct du contrat de travail. Ainsi, on évitera tout risque de requalification, éventualité que Daniel Percheron a évoquée lors de son intervention à la tribune.
À rebours de l’ancien droit à l’image collectif, auquel certains font encore référence, ce nouveau dispositif permet de tenir compte de la réalité de l’utilisation, par les clubs, de l’image individuelle des sportifs, laquelle varie en fonction des situations des uns et des autres. Il offre en outre un cadre juridique adapté à la réalité du métier de sportif professionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Daniel Percheron. Très bien !
Mme la présidente. En conséquence, l'article 7 est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l'article 7
Mme la présidente. L'amendement n° 12, présenté par MM. Savin et Kern, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre III du titre Ier du livre Ier du code du sport est complété par un article L. 113-… ainsi rédigé :
« Art. L. 113-… – Les collectivités territoriales et leurs groupements ne peuvent financer plus de 50 % des dépenses de construction d’une nouvelle enceinte sportive lorsque cette enceinte sportive est destinée à être utilisée majoritairement par une association sportive ayant créé une société sportive. »
II. – Le présent article s’applique à compter du 1er juin 2017.
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Le présent amendement est complémentaire du dispositif de garantie d’emprunt que le Gouvernement, via l’amendement n° 27, présentera dans quelques instants.
Il s’agit, à travers notre amendement n° 12, d’encourager les clubs professionnels à devenir, s’ils le souhaitent, propriétaires de leur infrastructure.
À cette fin, cet amendement tend à introduire dans le code du sport un nouvel article en vertu duquel, à compter du 1er juin 2017, les collectivités territoriales et leurs groupements ne pourront financer plus de 50 % du montant total des dépenses de construction d’une nouvelle enceinte sportive lorsque cette enceinte sportive sera destinée à être utilisée majoritairement par un club professionnel.
Cela signifie, en particulier, que les collectivités territoriales ne pourront plus financer seules, avec des fonds publics, des stades dont elles n’ont pas l’utilité elle-même, mais qu’elles mettent à la disposition d’un club professionnel en échange d’une redevance.
Une telle réglementation semble nécessaire pour limiter l’implication financière des collectivités territoriales. M. le secrétaire d’État a précédemment rappelé l’exemple de collectivités qui, pour avoir voulu construire seules un équipement sportif mis à la disposition d’une société professionnelle, sont aujourd’hui lourdement endettées.
Concrètement, cette mesure reviendrait à interdire, à l’avenir, un financement public local intégral des grandes enceintes sportives réservées en priorité au sport professionnel. Ces règles ne concerneraient donc que les équipements comme les stades et les Arenas, dédiés aux clubs professionnels. C’est en ce sens que ce dispositif complétera la garantie d’emprunt.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Bailly, rapporteur. Monsieur Savin, la commission a émis un avis favorable sur votre amendement.
Toutefois, je vous le dis à titre personnel : la garantie d’emprunt, que M. le secrétaire d’État va présenter dans quelques instants, me paraît plus judicieuse.
Il me semble prématuré de voter cette limitation de 50 %. Bien sûr, je suis favorable au principe général de cette disposition, qui va dans le sens de l’histoire, à savoir le désengagement, en la matière, des collectivités territoriales. Toutefois mes réserves se fondent sur des considérations de timing.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Je l’ai déjà dit au cours de mon intervention liminaire : sur le front des infrastructures sportives, le présent texte ouvre la voie à une révolution culturelle. « Le stade du maire » et « la salle de sports du maire », comme on les connaît depuis cinquante ans, vont devenir « le stade du club » et « la salle du club ».
Cette révolution s’appliquera aux clubs eux-mêmes, qui, dès qu’il faut changer un éclairage, restaurer une pelouse ou passer un coup de peinture, ont pris le réflexe d’aller frapper à la porte de la mairie pour demander au maire de s’exécuter.
Toutefois, monsieur Savin, limiter les investissements publics locaux à 50 %, c’est faire comme si ce changement culturel avait déjà eu lieu ; c’est raisonner comme s’il fallait viser uniquement les projets les plus coûteux.
À mon sens, la garantie d’emprunt, qu’il me sera donné de présenter dans un instant, est moins destinée au football qu’à des sports professionnels comme le basketball, le handball ou le volleyball. Souvent, les clubs concernés souffrent de graves difficultés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne peux qu’abonder dans le sens de M. le rapporteur : on ne peut pas réduire le sport professionnel français aux trois plus grands clubs de football, dont les budgets respectifs s’élèvent à 120 millions, 150 millions et 250 millions d’euros. Le sport professionnel, ce n’est pas cela, et vous le savez très bien. La commission a par exemple auditionné les délégués de clubs de sport professionnel féminin qui ne parviennent pas à financer tous les salaires de leurs joueuses, si modestes soient-ils. Voilà la réalité !
Dire à ces clubs que, s’ils souhaitent mener à bien un investissement, ils doivent respecter une telle limitation, ce ne serait pas leur rendre service.
À mon sens, il est encore beaucoup trop tôt pour adopter ce dispositif. Même si je comprends le principe de ces dispositions, j’émets donc, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Lozach. Dans le droit fil de la position exprimée, à titre personnel, par M. le rapporteur, je tiens à manifester mon hostilité à cet amendement.
Au titre des relations entre les clubs professionnels – il est bien sûr question des sports collectifs en général – et les collectivités territoriales, deux avancées nous sont aujourd’hui proposées : d’une part, la garantie d’emprunt, qui sera examinée dans un instant, et, d’autre part, les présentes dispositions relatives à l’investissement direct.
Je constate que le dispositif de la garantie d’emprunt n’est assorti d’aucun plafonnement. Cet aspect aurait pu être évoqué. Mais ce plafonnement n’est, pour l’heure, abordé qu’au titre de l’aide directe apportée par telle ou telle collectivité, ou par tel ou tel établissement public de coopération intercommunale.
Au total, dans la pratique, seul un faible nombre de situations seront concernées : celles dans lesquelles des clubs professionnels, participant en particulier à des compétitions européennes, seront conduits à dialoguer avec des élus locaux. Or ces derniers relèveront essentiellement de structures communautaires, plus précisément de métropoles, voire de communautés d’agglomération.
M. Jean-Jacques Lozach. Ce sont ces élus qui définiront le règlement d’intervention et la nature de la compétence optionnelle qu’ils exerceront demain. Nous n’avons pas à nous substituer à eux. En effet, nous devons respecter le principe de libre administration des collectivités. Nous devons suivre le sens de la décentralisation.
En outre, pourquoi fixer arbitrairement le plafond de financement à 50 % ? Si, demain, un club demande aux acteurs publics locaux de financer un projet à 55 %, que faudra-t-il faire ? Laisser échouer le projet présenté ?
À mon sens, il faut laisser aux élus concernés, qui relèveront essentiellement des EPCI, la possibilité d’intervenir, lorsqu’un club souhaitera devenir propriétaire de son stade ou de son Arena. Ne bridons pas l’intervention de ces structures publiques !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. Je tiens à répondre brièvement aux arguments avancés par M. le rapporteur et par M. le secrétaire d’État. Il a été question d’une « révolution culturelle ». Mais allons au bout du raisonnement ! Jusqu’à présent, nous restons au milieu du gué, et les exemples cités ne s’appliquent pas à l’amendement que M. Kern et moi-même avons déposé. Ils ne concernent ni le sport professionnel pratiqué par les femmes ni des disciplines comme le basket-ball, le handball ou le volley-ball. Ils ne visent que les sociétés sportives.
Certes – Jean-Jacques Lozach a tout à fait raison de le souligner –, aujourd’hui, seul un très petit nombre de clubs sont concernés. Mais ces derniers ont subi de graves dégâts financiers. Il est donc bien nécessaire de protéger les collectivités à cet égard.
J’entends qu’il faut respecter le principe de libre administration des collectivités territoriales. Mais ne soyons pas innocents ou naïfs : nous connaissons les pressions que subissent les élus locaux de la part des dirigeants de clubs sportifs et des représentants des clubs de supporters, ou encore de la part des partenaires. On leur demande de consacrer toujours plus d’argent public à la construction d’infrastructures, qui – M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur l’ont rappelé – devraient être gérées selon le nouveau modèle économique que nous appelons de nos vœux.
On ne peut pas continuer avec des clubs de sport professionnel de haut niveau qui ne sont pas en mesure de créer ce nouveau modèle économique en vertu duquel ils ne dépendraient pas des seules collectivités !
Aujourd’hui, les collectivités territoriales n’ont plus les moyens d’assumer seules des financements de cette nature. En conséquence, nous proposons, non d’interdire purement et simplement le versement de ces crédits, mais de plafonner la participation des collectivités à 50 %. À charge pour les clubs professionnels, notamment les sociétés sportives professionnelles, d’aller chercher des financements complémentaires pour mener à bien la réalisation des équipements auxquels ils aspirent.
Le Parc Olympique Lyonnais a été construit sans qu’aucun financement public ait été apporté au titre de l’équipement : le financement a été à 100 % d’origine privée. Mais, je le répète, nous ne proposons pas d’aller systématiquement aussi loin.
À mes yeux, ces dispositions sont un signal fort adressé aux collectivités territoriales. Ces dernières pourront continuer à agir, et, dans le même temps, la limitation apportée permettra de rassurer les élus. Il y va de la bonne gestion de l’argent public.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Monsieur le secrétaire d’État, il s’agit bien entendu d’un sujet difficile. Mais, techniquement, je ne comprends pas en quoi l’amendement n° 27, que vous vous apprêtez à nous présenter, vise à provoquer une quelconque « révolution culturelle ».
Avec ces dispositions, les collectivités territoriales pourront cautionner intégralement ces infrastructures sportives. M. Lozach l’a judicieusement rappelé : cet amendement ne tend pas à apporter la moindre limitation en la matière.
J’ai la faiblesse de penser que, pour susciter véritablement cette révolution culturelle, mieux vaut garantir une limitation de l’engagement des collectivités territoriales. Ce serait un premier pas.
J’en suis conscient, un seuil de 50 % est sans doute un peu élevé, d’autant que vous souhaitez ménager une période transitoire. Mais il faut bien ouvrir le chantier ! Au reste, je n’ai pas déposé de sous-amendement tendant à réduire ou à augmenter ce taux,…
M. Alain Dufaut. Oui, à l’augmenter !
M. André Reichardt. … selon la situation des localités.
À mon sens, les dispositions proposées par MM. Savin et Kern sont tout à fait cohérentes. De plus, elles permettent d’envoyer un signal, aux clubs sportifs et aux associations, pour qu’ils enclenchent cette fameuse révolution culturelle. À cet égard, ce dispositif me semble beaucoup plus efficace que la garantie d’emprunt.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je soutiens moi aussi l’amendement déposé par MM. Savin et Kern.
Premièrement – M. Reichardt vient de le rappeler –, il est temps d’émettre un signal.
Deuxièmement, et surtout, c’est le plus haut niveau qui donne le la concernant les évolutions des réglementations et les nouveaux investissements en permanence qui doivent être réalisés. On entend sans cesse des collectivités qui doivent constamment consentir de très lourdes dépenses pour respecter de nouvelles normes, tenir compte de l’évolution des réglementations.
Voilà pourquoi il semble nécessaire d’établir un tant soit peu la responsabilité économique des uns et des autres. Ainsi, on évitera des situations de fuite en avant qui, dans la très grande majorité des cas, restent supportées par les seuls contribuables !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Dufaut, pour explication de vote.
M. Alain Dufaut. Lors de la discussion générale, j’ai dit qu’il fallait amorcer un plafonnement de l’engagement des collectivités territoriales : ces dispositions s’inscrivent pleinement dans ce cadre. J’y suis donc tout à fait favorable, d’autant qu’elles constituent un signal très fort.
Sans doute le plafond de 50 % peut-il être débattu. À ce stade, je formulerai cette simple remarque : il conviendrait d’indiquer que ce taux s’applique au coût de l’équipement hors taxes.
M. Alain Dufaut. Cette précision me paraît fondamentale.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Bosino. Il me semble, à moi aussi, nécessaire d’émettre un signal. Aujourd’hui, un certain nombre de collectivités territoriales s’engagent dans la construction d’enceintes sportives, y compris par le biais de partenariats public-privé, ou PPP, dont on peut se demander où ils vont les conduire.
M. André Reichardt. Absolument !
M. Jean-Pierre Bosino. À l’heure actuelle, ce sont effectivement les collectivités qui investissent.
M. André Reichardt. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Bosino. De son côté, quand une société sportive a élaboré un projet de construction, elle vend les droits médias correspondants, notamment les droits télévisés. Il s’agit pourtant d’une enceinte publique !
M. Jean-Marc Gabouty. Exact !
M. Jean-Pierre Bosino. En retour, la collectivité ne perçoit pas un centime des droits télévisés ou des droits médias.
De surcroît, de forts investissements sont imposés aux collectivités territoriales, même aux petites communes, pour des clubs qui ne sont pas professionnels. (Mme Christine Prunaud acquiesce.)
Je citerai à ce titre un autre sport que le football. Dans la ville dont je suis le maire, nous avons dû repeindre les planchers de la salle de basket-ball, au motif que la fédération de basket avait adopté les normes des États-Unis. Ce chantier a coûté la somme de 10 000 euros.
M. André Reichardt. Pour des planchers !
M. Jean-Pierre Bosino. Étant donné la conjoncture dans laquelle se trouve notre pays, il est nécessaire d’émettre un signal de cette nature.
Une autre solution serait bien sûr de mettre un terme à la baisse des dotations et de restituer des moyens aux collectivités territoriales ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)
M. François Bonhomme. Ça, il faut le demander à M. le secrétaire d’État !
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Mes chers collègues, je sais que nous discutons là de sujets importants, mais je dois vous rappeler que nous n’avons plus qu’une heure pour débattre de cette proposition de loi. Or il reste treize amendements à examiner. Aussi, j’attire votre attention sur le tempo qu’il serait sage d’adopter !
M. David Assouline. Tout à fait, il faut achever l’examen de ce texte !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Je le répète, je comprends le bien-fondé de cet amendement, et je ne rejette pas son principe. Simplement, comme l’a dit M. le rapporteur, il faut tenir compte du timing ! Ces dispositions arrivent trop tôt, c’est là mon sentiment. Ce texte, que le Sénat va voter – je l’espère – dans sa globalité, mériterait une étude d’impact à cet égard.
Je ne prendrai qu’un seul exemple : celui du rugby. À Paris, le Stade français a décidé de reconstruire le stade Jean-Bouin. Cet équipement a coûté 160 millions d’euros. À ce jour, le Stade français est dans l’incapacité d’apporter 80 millions d’euros. L’application de la règle proposée à travers cet amendement aurait donc rendu un tel chantier impossible !
Je reviendrai dans un instant sur le dispositif de la garantie d’emprunt. Mais je relève dès à présent que le code général des collectivités territoriales limite déjà à 50 % la possibilité de garantir un emprunt relatif à un équipement. Des dispositions restrictives existent donc déjà, et c’est une très bonne chose.
Bien sûr, il faut protéger les maires face aux présidents de clubs, qui, chaque jour, sont susceptibles de frapper à leur porte pour exiger des interventions toujours plus nombreuses. À ce titre, les auteurs de cet amendement sont animés d’une bonne intention. Toutefois, avant de sceller dans la loi un tel seuil de 50 %, il faut prendre le temps de réaliser une véritable étude d’impact. Aussi, le Gouvernement maintient son avis défavorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 7.
L'amendement n° 27, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 113-1 du code du sport est ainsi modifié :
1° Au second alinéa, les mots : « ou de la réalisation d’équipements sportifs » sont supprimés ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent également accorder leur garantie aux emprunts contractés en vue de l’acquisition, la réalisation ou la rénovation d’équipements sportifs par des associations ou des sociétés sportives. L’association ou la société sportive produit à l’appui de sa demande ses comptes certifiés sur trois exercices tels que transmis à l’organisme prévu à l’article L. 132-2.
« Les garanties d’emprunts prévues au présent article ne peuvent être accordées que dans le respect des articles L. 2252-1, L. 3231-4 et L. 4253-1 du code général des collectivités territoriales. »
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Sauf erreur de ma part, ces dispositions, qui viennent d’être évoquées, ont reçu l’assentiment de tous les sénateurs ayant travaillé sur ce texte.
Il s’agit de permettre aux collectivités territoriales et à leurs groupements de soutenir l’acquisition, la rénovation ou encore la construction d’équipements sportifs par les clubs professionnels via des garanties d’emprunts, dans le cadre du droit commun.
Ce serait là une avancée importante, s’inscrivant dans le cadre de cette « révolution culturelle » dont j’ai déjà parlé : permettre aux clubs de mener à bien les investissements que les collectivités territoriales ne peuvent ou ne veulent plus assumer.
On peut comprendre que, plutôt que de consacrer ses ressources à un équipement utilisé exclusivement par une société sportive professionnelle, une collectivité préfère investir dans un gymnase de proximité. Aussi, il faut responsabiliser les sociétés sportives tout en les accompagnant.
La garantie d’emprunt permettra cette évolution. Surtout, elle assurera la rénovation de nombreux équipements. Indirectement, elle suscitera ainsi de l’emploi pour les entreprises du bâtiment et des travaux publics, ce qui favorisera la croissance économique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Bailly, rapporteur. La commission émet un avis favorable.
Cette disposition est attendue par les collectivités territoriales comme par les sociétés sportives.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. Mes chers collègues, au cours de la discussion générale, j’ai déjà pu faire état de ma position sur ce sujet. Vous l’avez compris, je soutiens ces dispositions, lesquelles reprennent d’ailleurs l’un des amendements que j’ai déposés en commission, puis en séance, avec, notamment, le soutien de Michel Savin.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de poursuivre nos échanges en déposant vous-même cet amendement visant à ouvrir la possibilité pour les collectivités territoriales de soutenir financièrement les clubs sportifs professionnels via des garanties d’emprunts et de cautionnement.
À ce jour, la loi interdit effectivement cette procédure aux collectivités qui souhaiteraient soutenir un club dont les recettes annuelles dépassent 75 000 euros, alors même qu’aucun plafond n’est imposé au titre de la garantie, par les collectivités territoriales, d’emprunts contractés par des entreprises privées.
Il s’agit, à cet égard, d’un amendement de cohérence avec ce dispositif existant au bénéfice des entreprises.
J’en suis conscient, l’Association des maires de France, l’AMF, est défavorable à ces dispositions. Je comprends que la prise de risques suscite certains freins. Mais j’appelle les uns et les autres à faire confiance au jugement des élus dans leur choix d’aider ou non les clubs.
Je le répète, il s’agit là d’une possibilité, en aucun cas d’une obligation. Ce dispositif permettra de donner un véritable coup de pouce à nos clubs professionnels.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. Monsieur le secrétaire d’État, nous soutiendrons bien sûr cet amendement. Toutefois, permettez-moi de revenir brièvement sur l’exemple du stade Jean-Bouin, que vous avez cité.
Avec les dispositions que le Sénat vient de voter, la collectivité pourrait apporter une subvention atteignant 50 % du prix de ce chantier, soit 80 millions d’euros. Les 50° % restants pourraient, dans le même temps, bénéficier de la garantie de la collectivité. (M. le secrétaire d’État acquiesce.)
Si, dans ces conditions, un club ne dispose pas d’un véritable projet économique lui permettant de supporter des investissements de cette nature, il doit se poser la question de son mode de fonctionnement, et même s’interroger sur sa pérennité.
Aujourd’hui, par ces deux amendements, nous disons aux clubs et aux sociétés sportives : « Oui, les collectivités territoriales peuvent vous aider directement à hauteur de 50 %. Et, pour les 50 % restants, vous pouvez bénéficier de la garantie d’emprunt. » Ce signal fort est tout à l’honneur de nos débats de ce jour. Avec ces dispositions, les clubs seront tenus d’élaborer un véritable projet économique pour acquérir ces structures et ces enceintes sportives.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je soutiens également cet amendement. Monsieur le secrétaire d’État, vous m’avez appris que les règles prudentielles établies par le code général des collectivités territoriales seraient applicables. Avec ces 50 %, nous nous trouvons donc exactement dans le cas de figure que nous évoquions au sujet de l’amendement précédent. Ces deux amendements sont ainsi tout à fait complémentaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je remercie M. le secrétaire d’État d’avoir proposé cet amendement. Nous l’avions nous-mêmes déposé, mais la commission des finances nous a opposé l’article 40 et l’a frappé d’irrecevabilité. Merci donc de permettre aux collectivités, sous leur responsabilité, de veiller à l’avenir de nos clubs !
M. Roland Courteau. C’est bien de l’avoir fait, effectivement !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Je ferai juste une remarque. Je suis bien entendu favorable à cet amendement, mais je distingue une contradiction, au regard des règles que l’on impose aux collectivités territoriales, dans la possibilité de couvrir le coût d’un équipement grâce au cumul de 50 % de subventions et de 50 % de garantie d’emprunt. Si elles pouvaient se contenter de 100 % de garantie d’emprunt, les collectivités prendraient moins de risques et engageraient moins de crédits. Il faudrait quand même se poser cette question.
M. André Reichardt. Nous procédons par étapes !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 7.
Article 7 bis (nouveau)
L’article 302 bis ZE du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Cette contribution est due par toute personne qui procède à la cession de tels droits. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les cessions visées au premier alinéa sont réalisées par une personne dont le domicile fiscal ou le siège social n’est pas situé en France, la contribution est perçue par la voie d’une retenue à la source dont le redevable est la cessionnaire des droits. »
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Cet article additionnel vise à élargir la taxe Buffet. Notre commission est compétente sur le sport comme sur l’audiovisuel, ce qui lui confère un point de vue global sur cette question.
Jusqu’à quel point est-il possible de demander au sport professionnel d’aider le sport amateur à travers un prélèvement sur les recettes des droits audiovisuels ? Plusieurs de nos collègues défendent, depuis quelques années, un élargissement de cette taxe aux cessions de droits audiovisuels effectuées par des détenteurs de droits étrangers, au nom de l’équité et du bouclage du dispositif, lequel comporte jusqu’à maintenant une sorte de faille.
Aujourd’hui, face à la révolution en cours en matière de droits sportifs, ce raisonnement est amené à évoluer, ainsi que l’a expliqué ce matin notre rapporteur pour avis du budget de l’audiovisuel, Jean-Pierre Leleux. Dans le marché concurrentiel actuel, il serait illusoire de croire que les détenteurs de droits audiovisuels étrangers paieraient cette taxe. Cette dernière, au contraire, risque d’accroître le prix d’achat pour le diffuseur, déjà confronté, pourtant, à une explosion des droits sportifs.
Une telle disposition, en conséquence, ne ferait qu’accélérer la disparition du sport sur les grandes chaînes généralistes. La Formule 1 a déjà disparu de TF1, comme la Champion’s league ; le service public a perdu la Coupe Davis, dont il n’a pu racheter les droits aux diffuseurs privés que pour une partie de l’épreuve. Ne doutons pas qu’un tel article, en renchérissant encore le prix des droits, accélérera la disparition de ces belles épreuves des chaînes en clair. J’ai en particulier à l’esprit le Tournoi des six nations, dont le service public n’a conservé les droits que de haute lutte.
Rien n’étant acquis pour l’avenir, une étude d’impact apparaît nécessaire. Nous devons prendre en compte ce changement de contexte.
Cet article présente en outre une fragilité juridique, puisqu’une mesure identique inscrite dans la loi de finances rectificative pour 2013 avait été censurée par le Conseil constitutionnel.
Il me semble donc sage de voter l’amendement de suppression de l’article 7 bis présenté par le Gouvernement, dont nous avons longuement débattu en commission la semaine dernière et ce matin.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud, sur l’article.
Mme Christine Prunaud. Vous vous en doutez, mes chers collègues, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC sont toujours très attentifs dès lors qu’il s’agit de toucher à la taxe Buffet. Cette taxe, essentielle pour le sport amateur, constitue un symbole de la solidarité qui doit exister entre sport professionnel et sport amateur. Nous ne pouvons ainsi que souscrire à toute proposition visant à élargir l’assiette de cette taxe.
Concernant la mesure en débat, nous voterons cet article, même si des doutes demeurent quant à son opérabilité. Je ne vois pas comment, par exemple, il serait possible de taxer un média étranger signant un contrat avec une organisation européenne pour les droits de diffusion de matchs en France.
Le mécanisme idéal aurait été l’instauration d’une taxe sur l’installation du matériel de captation au profit du Centre national pour le développement du sport, le CNDS, par le biais du propriétaire de l’enceinte.
Concernant les cessions par les ligues et fédérations nationales à des éditeurs étrangers, j’ai bien compris qu’il existait un doute quant à sa constitutionnalité, relatif à l’égalité devant la contribution publique. En conséquence, ne peut-on pas déjà douter de la constitutionnalité de la pratique en cours ? En effet, celle-ci recèle une iniquité entre éditeurs nationaux et étrangers dont le coût pour le CNDS s’élève à 17 millions d’euros.
Au vu du poids de certains diffuseurs étrangers, en premier lieu, disons-le clairement, beIn Sports, maintenir le statu quo reviendrait à mettre à bas la taxe Buffet. Un prélèvement à la source à la charge du cessionnaire pourrait constituer à ce sujet une piste intéressante.
Certaines questions restent donc en suspens, mais nous voterons tout de même cet article, qui est le fruit d’une initiative partagée.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.
M. David Assouline. Nous avons maintes fois fait valoir dans nos débats notre volonté de ne pas vider de son contenu la taxe Buffet et de ne pas fragiliser ses aspects vertueux en acceptant les pratiques en cours. C’est tout à fait louable.
La formule proposée dans cet article issu des travaux en commission, qui fait peser la charge du comblement de cette faille sur les éditeurs, c’est-à-dire sur les chaînes de télévision, n’est pas la bonne. Je partage à ce sujet les propos de Mme Morin-Desailly, il n’est pas juste de les faire payer.
J’ai été chargé par le Gouvernement d’une mission sur toutes les questions, très diverses, relatives aux droits et, plus généralement, aux relations entre le sport et la télévision. Nous savons que, dans tous les domaines, la médiatisation des sports est un encouragement à la pratique sportive.
Les tendances à l’œuvre actuellement viennent bouleverser les choses et posent des problèmes. Dans le dispositif de la taxe Buffet, la vente des droits par les fédérations, les ligues, etc. était taxée à 5 %. L’argent ainsi récupéré par le CNDS allait au sport amateur. Le système était donc vertueux. Or les grosses fédérations – football ou rugby – cèdent aujourd’hui leurs droits à un organisme international, par exemple l’UEFA, qui revend les droits sur le marché mondial et reverse sa part à la fédération. Il s’agit d’un bouleversement du marché.
Dans ce système, la taxe Buffet n’est plus opérante, puisque nous ne pouvons pas taxer le vendeur étranger. Les plus grosses fédérations parviennent donc à y échapper.
Il reste, dès lors, soit à accepter d’en finir avec ce dispositif, soit à combler cette faille et à mettre un terme à cette situation qui le vide de sens. Il est d’autant plus urgent de réagir que les cessions de droits à des organismes internationaux vont se multiplier et qu’il n’y aura bientôt plus du tout de taxe Buffet.
Le travail que j’ai mené, qui sera rendu public mi-novembre, débouchera sur une proposition qui ne conduira pas à taxer les éditeurs et les chaînes de télévision, tout en ne renchérissant pas la taxe elle-même, puisque ce que reçoit le CNDS aujourd’hui est suffisant.
Il ne s’agira pas de frapper les fédérations du football ou du rugby, il s’agira d’empêcher que le navire ne prenne l’eau. Je soutiens donc la position de la présidente de la commission, et je voterai la suppression de cet article, qui, outre qu’il me paraît inconstitutionnel, ne me semble pas apporter la bonne solution à ce problème.
Mme la présidente. Mes chers collègues, il est dix-sept heures quarante, la niche au sein de laquelle cette discussion prend place s’achève à dix-huit heures trente précises. Beaucoup d’entre vous regretteraient que ce texte ne soit pas voté ce soir, mais les demandes de parole sont encore nombreuses…
La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, sur l’article.
M. Jean-Pierre Leleux. Madame la présidente, je me dois d’intervenir dans ce débat en ma qualité de rapporteur pour avis du budget de l’audiovisuel pour la commission de la culture. Je m’inquiète des conséquences de cet article et je recommande de voter l’amendement de suppression et de reporter à une autre date une décision sur ce point.
Tout le monde partage l’excellent objectif que poursuit cet article : rétablir l’équité en améliorant la collecte au profit du sport amateur. Toutefois, si la collecte de cette taxe est confiée aux diffuseurs, celle-ci finira par être un jour incluse dans le prix de négociation – comme il en va de la taxe de séjour dans l’hôtellerie –, augmentant ainsi le montant des négociations.
Nous devons trouver un autre dispositif de collecte, qui en exonère le diffuseur. Nous pourrions traiter de ce sujet lors de la discussion du projet de loi de finances, en proposant un meilleur dispositif. Je suis donc partisan aujourd’hui de voter la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Dufaut, sur l’article.
M. Alain Dufaut. Je n’aime pas être en désaccord avec la présidente de la commission ! De quoi s’agit-il ? Les matchs retransmis de l’extérieur, cela concerne le football à 80 %. Il s’agit de matchs de coupe d’Europe et des championnats anglais, italien ou espagnol.
M. Jean-Louis Carrère. Il y a aussi le rugby !
M. Alain Dufaut. Ce ne sont pas les chaînes publiques qui les diffusent, elles ne peuvent pas se le permettre.
M. David Assouline. Le problème n’est pas là, sinon pourquoi France Télévisions nous aurait écrit à ce sujet ?
M. Alain Dufaut. On voit bien, dès lors, qui est visé : les chaînes à péage. Celles-ci peuvent bien faire un effort pour abonder ces 17 millions d’euros qui manquent cruellement au sport amateur.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, sur l’article.
M. Michel Savin. J’ai déposé et soutenu l’amendement en commission qui visait à introduire cet article, en faisant valoir les aspects financiers de cette mesure.
Je ne souscris pas aux arguments avancés selon lesquels cette mesure pourrait mettre en péril les chaînes de télévision. Il ne s’agit que de 10 à 15 millions d’euros, à l’échelle de toutes les chaînes. Ce n’est pas cela qui va les fragiliser !
L’objectif était d’apporter une somme supplémentaire au sport amateur, donc de renforcer la solidarité du sport professionnel vers le sport amateur.
En revanche, j’ai bien entendu les arguments de Mme la présidente de la commission, notamment au sujet d’une éventuelle inconstitutionnalité de cette mesure. Il est vrai que le délai dont nous disposions était trop court pour que nous puissions évaluer précisément ce risque. Pour raccourcir les débats, notre groupe s’abstiendra donc sur l’amendement de suppression de cet article.
Je forme le vœu que le travail de David Assouline débouche rapidement sur un texte, et que cette question ne soit pas une fois de plus reportée à une date indéterminée. Le monde sportif, professionnel comme amateur, attend une évolution de cette mesure.
Mme la présidente. L’amendement n° 21, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Thierry Braillard, secrétaire d’État. Tout d’abord, le Gouvernement s’en remet à la position exprimée par la présidente de la commission. Ensuite, il attend avec impatience le rapport du sénateur David Assouline sur ces questions et saura tenir compte de ses conclusions dans l’évolution de ce texte au cours de la navette parlementaire.
Enfin, je souhaite remercier Michel Sapin (Rires.), Michel Savin, veux-je dire, pour la bienveillante attention par rapport au texte qu’il avait fait voter en commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Bailly, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 7 bis est supprimé.
Article 8
Le code du sport est ainsi modifié :
1° L’article L. 222-2-2 est ainsi modifié :
a (nouveau)) À la fin, les mots : « qui les encadrent à titre principal » sont remplacés par les mots : « qui encadrent à titre principal les sportifs membres d’une équipe de France » ;
b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces mêmes articles peuvent, avec l’accord des parties, s’appliquer aux arbitres ou juges professionnels qui sont salariés de leur fédération sportive. » ;
2° À l’article L. 223-3, après les mots : « Les arbitres et juges », sont insérés les mots : « , auxquels ne s’appliquent pas les articles L. 222-2-1, L. 222-2-3 à L. 222-2-5, L. 222-2-7 et L. 222-2-8, ». – (Adopté.)
Article 8 bis (nouveau)
À l’article L. 222-2-1 du code du sport, les références : « L. 1241-1 à L. 1242-9, » sont remplacées par les références : « L. 1241-1 à L. 1242-5, L. 1242-7 à L. 1242-9, ». – (Adopté.)
Titre IV
PROMOUVOIR LE DÉVELOPPEMENT ET LA MÉDIATISATION DU SPORT FÉMININ ET DU HANDISPORT
Article 9
Au début du chapitre II du titre IV du livre Ier du code du sport, il est ajouté un article L. 142-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 142–1. – Est instituée une conférence permanente sur le sport féminin, placée auprès du ministre chargé des sports, ayant pour mission de contribuer aux échanges entre l’ensemble des acteurs participant au développement et à la promotion du sport féminin, de favoriser sa médiatisation et d’être un observatoire des pratiques relevant de ce domaine.
« Un décret détermine la composition, le fonctionnement et les missions de cette conférence. Lors de la désignation des membres de cette conférence par l’autorité compétente, celle-ci doit faire en sorte que, après cette désignation, parmi tous les membres en fonction dans le collège de cet organisme désignés par elle, l’écart entre le nombre de femmes et le nombre d’hommes se soit réduit, par rapport à ce qu’il était avant la décision de désignation, d’autant qu’il est possible en vue de ne pas être supérieur à un. »
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.
M. Roland Courteau. L’article 9 de cette proposition de loi institue une conférence permanente sur le sport féminin, qui a pour objet de définir les axes d’évolution favorables au développement du sport féminin, et d’accompagner, en lien avec l’ensemble des acteurs concernés, ce mouvement indispensable pour le sport français.
Il est heureux que cette conférence soit dotée d’une composition paritaire, grâce à l’amendement de nos collègues Corinne Bouchoux et Marie-Christine Blandin.
Selon moi, cet article est très important pour lutter contre les inégalités entre les hommes et les femmes dans le sport, qui ne sont pas acceptables et contre lesquelles il est prioritaire de lutter. Une impulsion nationale à l’amélioration de la situation est donc nécessaire.
En 2011, la délégation aux droits des femmes du Sénat s’est penchée, dans son rapport d’activité, plus spécifiquement sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans le sport. Ce sujet avait été choisi, car « le sport constitue le révélateur, un miroir grossissant des inégalités auxquelles sont confrontées les femmes en France et dans le monde ».
Parmi ses vingt-quatre propositions, la délégation aux droits des femmes du Sénat avait proposé de développer la pratique sportive féminine et de faire progresser l’égalité dans l’encadrement des politiques sportives et dans le sport de haut niveau.
Je considère que la création d’une conférence permanente sur le sport féminin va dans le bon sens. Elle est le signe de la volonté réelle d’une plus grande médiatisation, mais aussi d’une meilleure promotion du sport féminin. C’est essentiel, dans les médias, mais aussi dans les magazines municipaux ou les documents associatifs, pour faire naître des vocations.
Il faut également tout faire pour féminiser les instances dirigeantes, comme le mentionne la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, mais aussi l’encadrement technique, tout en développant la pratique féminine pour le plus grand nombre jusqu’au plus haut niveau. En 2013, une seule femme était présidente de fédération olympique. Force est de constater, même s’il y a des avancées, que les évolutions sont lentes.
Enfin, il faut continuer à combattre les stéréotypes, et même les violences, dont les femmes qui pratiquent le sport peuvent encore être parfois victimes.
La création, à travers ce texte, d’une conférence permanente sur le sport féminin est une très belle avancée et je la soutiens volontiers.
Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par Mmes Bouchoux, Blandin, Aïchi, Archimbaud et Benbassa et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Au début du chapitre II du titre IV du livre Ier du code du sport, il est inséré un article L. 142-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 142-1. – Est instituée une Conférence permanente du sport féminin, placée auprès du ministre chargé des sports, ayant pour objectif de contribuer aux échanges entre l’ensemble des acteurs aux niveaux national et territorial. Cette conférence permanente a pour missions principales :
« - d’être un observatoire des pratiques sportives féminines ;
« - d’accompagner l’ensemble des acteurs mobilisés sur ce champ en vue de structurer et professionnaliser la pratique sportive féminine ;
« - de favoriser la médiatisation du sport féminin.
« Un décret détermine la composition, le fonctionnement et les missions de cette Conférence. »
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Cet amendement est défendu, je fais confiance à M. le secrétaire d’État pour faire en sorte que le décret qui déterminera la composition, le fonctionnement et les missions de cette conférence soit effectivement paritaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Bailly, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d’État. Le Gouvernement est très favorable à cet amendement et s’engage à respecter la parité dans le décret qui sera publié avant le terme du délai de six mois.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme la présidente. En conséquence, l’article 9 est ainsi rédigé.
Article 9 bis (nouveau)
Au début du chapitre II du titre IV du livre Ier du code du sport, il est ajouté un article L. 142-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 142–2. – Est instituée une conférence permanente sur le handisport, placée auprès du ministre chargé des sports, ayant pour mission de contribuer aux échanges entre l’ensemble des acteurs participant au développement et à la promotion du handisport, de favoriser sa médiatisation et d’être un observatoire des pratiques relevant de ce domaine.
« Un décret détermine la composition, le fonctionnement et les missions de cette conférence. »
Mme la présidente. L’amendement n° 22, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Thierry Braillard, secrétaire d’État. Comme je l’expliquais précédemment, on ne peut pas mettre sur le même plan la féminisation du sport, avec la conférence permanente sur le sport féminin, et la question du handicap.
La loi du 27 novembre 2015 visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale a officialisé dans le code du sport le Comité paralympique et sportif français, qui a aujourd’hui des liens avec le CNDS et, bien sûr, le ministère.
Afin de donner du poids à l’amendement qui vient d’être voté, il ne me semble pas souhaitable d’ajouter une conférence permanente sur le handisport. Cela conduirait ensuite à ajouter d’autres spécificités et le dispositif perdra en efficacité.
Je vous confirme de nouveau que le handisport est pris en compte très sérieusement par le ministère, comme par le Parlement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Bailly, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 9 bis est supprimé.
Article additionnel après l’article 9 bis
Mme la présidente. L’amendement n° 11, présenté par M. Assouline, est ainsi libellé :
Après l’article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début du chapitre II du titre IV du livre Ier du code du sport, il est ajouté un article L. 142-… ainsi rédigé :
« Art. L. 142-… – Est instituée une conférence permanente sur les relations entre sport et médias, placée auprès du ministre chargé des sports, ayant pour mission de contribuer aux échanges entre les acteurs du sport et de l’audiovisuel et de favoriser la médiatisation de l’ensemble des disciplines et pratiques sportives.
« Un décret détermine la composition, le fonctionnement et les missions de cette conférence. Ses membres ne sont ni rémunérés, ni défrayés et la conférence utilise, en tant que de besoin, les moyens mis à sa disposition par le ministère chargé des sports. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Issu des conclusions de la mission dont j’ai été chargé, cet amendement vise à créer une instance rassemblant toutes les fédérations sportives, notamment celles qui gèrent les sports peu vus à la télévision, et l’ensemble des médias afin de débattre des problèmes de droits, de diffusion, de mise en valeur de disciplines peu diffusées, du sport féminin ou du handisport, qui ne sont pas suffisamment valorisés. Cette conférence permettrait ainsi de réguler tout cela dans la transparence plutôt que de traiter de ces questions en tête-à-tête.
Je ne souhaite pas alourdir les débats. Cette proposition n’a pas vocation à être le pendant de ce qui est fait en direction du sport féminin, au risque de troubler les fonctions et les propositions. Si le Gouvernement m’assure que mon objectif pourra être atteint par décret, alors je retirerai cet amendement. Nous irons ainsi plus vite.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Bailly, rapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d’État. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. Je propose que nous attendions le rapport de M. Assouline pour en tirer des conclusions, notamment sur cette question.
M. David Assouline. Je retire mon amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 11 est retiré.
Titre V
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 10
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article L. 232-12-1 du code du sport est ainsi rédigé :
« Les prélèvements biologiques mentionnés au premier alinéa de l’article L. 232-12 peuvent avoir pour objet d’établir le profil des paramètres pertinents dans l’urine ou le sang d’un sportif aux fins de mettre en évidence l’utilisation d’une substance ou d’une méthode interdite en vertu de l’article L. 232-9. »
Mme la présidente. L’amendement n° 25, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Thierry Braillard, secrétaire d’État. Cet amendement et le suivant visent à supprimer les articles 10 et 11. Leurs dispositions figurent en effet déjà dans un autre texte qui va arriver devant le Sénat, puisqu’il a été adopté par l’Assemblée nationale. Il n’est pas souhaitable d’adopter les mêmes articles dans deux textes différents.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Bailly, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 10 est supprimé.
Article 11
(Non modifié)
Le code du sport est ainsi modifié :
1° Le 2° de l’article L. 230-3 est ainsi rédigé :
« 2° Soit à une manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, alors même qu’elle n’est pas organisée par une fédération agréée ou autorisée par une fédération délégataire ; »
2° Le b du 2° du I de l’article L. 232-5 est ainsi rédigé :
« b) Pendant les manifestations sportives donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, alors même qu’elles ne sont pas organisées par une fédération agréée ou autorisées par une fédération délégataire ; »
3° Le I de l’article L. 232-23 est ainsi modifié :
a) Au b du 1°, après le mot : « participer » sont insérés les mots : « à toute manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, de même qu’ » ;
b) À la fin du c du même 1°, les mots : « des compétitions et manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ainsi qu’aux entraînements y préparant » sont remplacés par les mots : « des manifestations sportives et des entraînements mentionnés au b du présent 1° » ;
c) À la fin du b du 2°, les mots : « des compétitions et manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ainsi qu’aux entraînements y préparant » sont remplacés par les mots : « des manifestations sportives et des entraînements mentionnés au b du 1° du présent I ».
Mme la présidente. L’amendement n° 26, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Le Gouvernement s’est déjà exprimé.
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?
M. Dominique Bailly, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 11 est supprimé.
Articles additionnels après l’article 11
Mme la présidente. L’amendement n° 8 rectifié quater, présenté par MM. Gorce, Mohamed Soilihi, Kaltenbach et Madec, Mme Claireaux, MM. Desplan, Antiste, Cornano, Lalande, Duran, Montaugé et Delebarre, Mme Ghali, MM. Manable, Filleul, Masseret et Néri, Mme Schillinger et M. Durain, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 131-4 du code du sport est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le président d’une fédération sportive est élu par l’ensemble des présidents de clubs professionnels et amateurs qui lui sont affiliés. »
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Il s’agit, à travers cet amendement, d’appeler l’attention sur les dysfonctionnements qui affectent un certain nombre de fédérations sportives. Ainsi, dans la fédération française de football – sport auquel je porte une attention particulière, vous l’avez compris –, ce sont une quarantaine de représentants de clubs professionnels qui décident à la place des plus de 15 000 présidents de clubs amateurs. Cette situation n’est pas satisfaisante et elle peut expliquer un ensemble de dysfonctionnements auxquels on peut assister, avec des crises récurrentes, en tout cas des difficultés pour assurer un financement satisfaisant du sport amateur, sans doute liées à l’insuffisance de sa représentation.
On m’opposera que cette question n’est pas l’objet de ce texte. Je considère au contraire qu’elle fait le lien entre vos différentes préoccupations. En effet, si un déséquilibre apparaît parfois dans la gestion de ces organismes, c’est parce que les clubs professionnels exercent une influence à mon sens exorbitante sur une fédération dont l’essentiel des adhérents et des clubs sont pourtant amateurs.
Cette proposition, qui constitue une sorte d’appel, vise à rééquilibrer les choses et à faire en sorte que les clubs amateurs puissent pleinement tenir leur place.
Comme les autres signataires de cet amendement, je suis frappé par les très grandes inégalités qui règnent dans ce domaine. Vous avez raison de souligner, au sein du sport professionnel, celle qui oppose les petits clubs et ceux qui dominent dans les médias, mais le fossé me semble plus grand encore entre ces clubs professionnels et les clubs amateurs que nous connaissons sur le terrain, dont le financement est de plus en plus difficile à assurer et pour lesquels les collectivités locales sont sans arrêt sollicitées, sans que l’on parvienne à exercer des prélèvements plus élevés sur les revenus des clubs professionnels.
Vous avez parlé, évidemment, des droits de télévision, on pourrait aussi évoquer les transferts, sur lesquels des taxations pourraient être envisagées. Toutefois, le souci de la compétitivité du sport professionnel, que vous souligniez, vous conduira à ne pas le faire.
Je souhaite que la fédération puisse retrouver son rôle entier de représentation de ce sport dans son ensemble, ce qui suppose que les présidents de clubs amateurs puissent intervenir complètement.
Sieyès disait : qu’est-ce que le tiers état aujourd’hui ? Rien. Qu’est-ce qu’il doit être à l’avenir ? Tout. Il en va de même pour les clubs amateurs : qu’est-ce qu’ils sont aujourd’hui dans les fédérations sportives ? Rien. Que doivent-ils devenir à l’avenir ? Tout. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Bailly, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable.
Je suis désolé de ne pas répondre aux attentes de notre collègue Gaëtan Gorce, qui pose une véritable question, celle de la gouvernance. Je partage ses vues sur le plan des principes, toutefois, cet outil législatif ne peut pas y répondre.
Je sais que mes propos ne lui donneront pas satisfaction, mais un large mouvement de concertation est nécessaire pour parvenir à cela. On parlait précédemment de révolution culturelle. Pour définir un nouveau projet de gouvernance, il faut une autre révolution culturelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est également défavorable. On ne peut pas légiférer pour une fédération. Dans le rugby, des questions de vote décentralisé se posent. Il faudrait présenter un sous-amendement à ce sujet. Puis un autre pour le basket, qui rencontre également des problèmes de vote ?
Je vous demande de retirer cet amendement et de poursuivre votre suivi de la fédération française de football.
Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.
M. Gaëtan Gorce. Je suis désolé de constater que les bons amendements ne trouvent jamais les bons outils pour se concrétiser. Je regrette que le Gouvernement ne manifeste pas plus d’enthousiasme face à un appel au suffrage universel, qui fait pourtant partie de son histoire.
Si l’on avait opposé la concertation à ceux qui défendaient un suffrage censitaire au XIXe siècle, le suffrage universel n’aurait jamais vu le jour ! C’est bien une révolution qu’il faut faire, mais pour cela il faudra trouver non seulement d’autres supports, mais également un autre ministre ! (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Lozach. Je partage tout à fait, sur le fond, l’intervention de M. Gaëtan Gorce. En effet, dans certaines fédérations, le sport amateur est insuffisamment pris en compte.
Toutefois, le mode d’élection relève du libre arbitre de chaque fédération délégataire. Il est donc impossible aujourd’hui de le modifier par un texte de ce type.
En ce qui concerne le football, les relations ont été extrêmement difficiles entre la fédération, la ligue de football professionnel, le syndicat Première Ligue ou bien encore l’UCPF, l’Union des clubs professionnels de football. Aujourd’hui, une sorte d’équilibre précaire a été trouvé entre les différentes familles du football, à quelques semaines de l’élection de la présidence de la fédération. Il me semble que nous ne pouvons pas prendre le risque de remettre en cause cet équilibre très fragile, en revoyant l’élection des futurs présidents de fédération, même si le problème de la gouvernance est bien réel.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. Je soutiens pleinement l’amendement présenté par M. Gaëtan Gorce, amendement dont je suis cosignataire.
Je ne veux pas faire un peu d’histoire, mais je constate que ce n’est jamais le moment de faire des avancées pour un gouvernement démocratique des fédérations. Ceux qui ont un peu de mémoire se rappellent sans doute que lors de la discussion du projet de loi présenté par Mme Marie-George Buffet sur le sport, l’Assemblée nationale avait voté un amendement visant à instaurer l’élection des présidents de fédération au suffrage universel. Il avait également été envisagé, comme c’est la règle dans la vie politique nationale, que chaque représentant d’une fédération dispose d’un pouvoir et d’un seul.
Nous avons tous connu le temps où, comme le disaient les élus de la fédération de rugby, l’on votait vêtus de grands manteaux munis de grandes poches…
Aujourd'hui les choses ont évolué. Internet permet notamment de faire voter tout le monde, sans discriminer les électeurs les plus éloignés.
Il faudra bien que nous instaurions un mode d’élection démocratique des fédérations. Celles-ci sont délégataires et participent à l’exécution d’une mission de service public. Il est donc normal que le Gouvernement et la représentation nationale donnent leur avis sur leur mode d’élection.
Pour toutes ces raisons, si M. Gorce le maintient, je voterai cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Alain Néri. Encore une occasion manquée !
Mme la présidente. L'amendement n° 18 rectifié, présenté par MM. Lozach, Guillaume et Assouline, Mme Blondin, M. Carrère, Mme Cartron, M. Frécon, Mmes Ghali, D. Gillot et Lepage, MM. Magner et Manable, Mmes D. Michel, Monier et S. Robert, MM. Percheron, Courteau, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 231-2 du code du sport est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La pratique occasionnelle n’est pas soumise à présentation d’un certificat médical. »
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Afin de gagner du temps, et si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai simultanément les amendements nos 18 rectifié et 19 rectifié.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Lozach, Guillaume et Assouline, Mme Blondin, M. Carrère, Mme Cartron, M. Frécon, Mmes Ghali, D. Gillot et Lepage, MM. Magner et Manable, Mmes D. Michel, Monier et S. Robert, MM. Percheron, Courteau, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :
Après l'article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’application des articles L. 231-2 à L. 231-4 du code du sport et leur impact sur le développement des fédérations sportives et de la pratique sportive.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Jean-Jacques Lozach. Ces deux amendements ont pour objet le certificat médical, parfois appelé certificat de non contre-indication.
Il arrive que certains textes législatifs, aussi ambitieux et généreux soient-ils, se heurtent à de grandes difficultés d’application. C’est le cas de la loi de modernisation de notre système de santé, adoptée en janvier dernier, et des décrets relatifs au certificat médical attestant l’absence de contre-indication à la pratique du sport pris en août et en octobre.
Si l’objectif était bien de simplifier les démarches des usagers et des licenciés, ces textes ont entraîné de nombreuses tracasseries administratives pour les fédérations, qui, par exemple, ne comprennent pas les différences entre la licence scolaire et la licence fédérale.
Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur le mouvement de contestation qui touche actuellement des fédérations importantes, celles du tennis, de l’équitation, du golf, de l’athlétisme, du judo, de la voile, etc. Ces fédérations dénoncent des discriminations entre les différentes activités sportives dans les contraintes relatives à la présentation du certificat médical susvisé. Il faut que le Gouvernement s’empare très rapidement de ce problème, qui fait craindre aux fédérations une baisse du nombre de licenciés à un moment où elles ont besoin de recettes supplémentaires – je pense en particulier à la fédération de golf, qui organisera la Rider Cup dans quelques mois.
Par ailleurs, la mise en cohérence de la pratique fédérale et de la pratique scolaire doit également progresser.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Dominique Bailly, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 18 rectifié et 19 rectifié. Ces questions méritent une réponse, mais cette proposition de loi n’est pas le bon véhicule législatif. En effet, ces amendements n’ont pas de lien avec le présent texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Ma position est identique à celle du rapporteur.
Pour vous en avoir parlé, monsieur Lozach, je souhaiterais que vous retiriez ces amendements, au profit du travail qui a été engagé par le Gouvernement sur cette question.
Mme la présidente. Monsieur Lozach, les amendements nos 18 rectifié et 19 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Jean-Jacques Lozach. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie pour votre réponse. Celle-ci rejoint l’objet de l’amendement n° 19 rectifié, qui vise à demander une véritable évaluation de l’application des articles L. 231–2 à 231–4 du code du sport, dans un délai très court, à savoir six mois à compter de la publication de la loi.
Je prends note de votre engagement, et retire donc ces deux amendements.
Mme la présidente. Les amendements nos 18 rectifié et 19 rectifié sont retirés.
Article 12 (nouveau)
Les fédérations sportives et organisateurs de manifestations sportives au sens de l’article L. 333-1 du code du sport, les opérateurs de plateformes en ligne définis à l’article 49 de la loi pour une République numérique, les éditeurs de services de communication au public en ligne définis au III de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, les personnes définies au 1 et 2 du I de l’article 6 de la même loi, les titulaires de droits d’auteur ou de droits voisins sur des contenus audiovisuels, les éditeurs de services de communication audiovisuelle au sens de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui - en leur qualité de cessionnaires - disposent de droits d’exploitation sur des contenus audiovisuels, ou leurs organismes représentatifs, établissent par voie d’accord professionnel les dispositions permettant de lutter contre la promotion, l’accès et la mise à la disposition au public en ligne, sans droit ni autorisation, de contenus sportifs sur internet, ainsi que les bonnes pratiques y afférant.
Cet accord définit notamment les engagements réciproques des intéressés et la mise en place de dispositifs techniques de reconnaissance, de filtrage, de retrait et de déréférencement rapides de tels contenus, ainsi que les mesures utiles pour empêcher l’accès à ces derniers via tout site internet qui les diffuse, les référence ou en fait la promotion. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 12
Mme la présidente. L'amendement n° 4 rectifié ter, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve et Laborde, MM. Requier et Vall et Mme Malherbe, est ainsi libellé :
Après l'article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsque des chaînes de télévision exigent des aménagements dans une enceinte sportive pour les besoins de la retransmission, elles doivent participer à hauteur de 20 % de l'investissement.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jean-Louis Carrère. Personne d’autre ne voulait le présenter !
M. Jacques Mézard. L’observation de mon excellent collègue Jean-Louis Carrère est un peu réductrice !
M. Jean-Louis Carrère. C’est une manière de parler !
M. Jacques Mézard. Il s’agit d’un amendement d’appel, c'est-à-dire d’un message adressé au Gouvernement.
Je sais bien que nous sommes dans la civilisation des médias, mais, pour vivre au quotidien le fonctionnement d’un club professionnel dans une agglomération moyenne, je ne peux que déplorer certains comportements absolument insupportables des chaînes de télévision. Très régulièrement, c'est-à-dire presque chaque année, ces chaînes, au motif qu’elles passent un accord financier avec les fédérations et les ligues, exigent des investissements supplémentaires des collectivités locales propriétaires des enceintes sportives, par exemple pour l’éclairage ou les dispositifs immobiliers accueillant les installations de retransmission.
Sauf à considérer que les événements sportifs professionnels sont réservés aux métropoles – la multiplication des métropoles pourrait bientôt résoudre le problème… (Sourires.) –, ces exigences sont devenues véritablement insupportables pour les collectivités locales. Si Paris, Lyon, Marseille, Lille ou Bordeaux ont les moyens d’effectuer ces investissements, qui entrent de plus dans une stratégie de communication, dans les communes où l’argent est si difficile à trouver, où nous avons de si faibles ressources, c’est extrêmement compliqué.
Le présent amendement a pour objet de demander aux chaînes qui exigent des aménagements dans une enceinte sportive pour les besoins de la retransmission de participer à cet investissement à hauteur de 20 %. Ce ne serait que justice !
Je ne me fais d’illusion ni sur le sort de cet amendement ni sur le soutien du Gouvernement. Monsieur le secrétaire d'État, j’espère toutefois qu’en bon Lyonnais, vous vous ferez notre interprète et que vous nous aiderez à faire cesser ces excès.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Bailly, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
J’en suis désolé pour mon collègue. Toutefois, si je puis me permettre, il me semble que la solution proposée à cette difficulté, à laquelle, il est vrai, les collectivités sont régulièrement confrontées, serait peut-être une fausse bonne idée. Pour des disciplines telles que le rugby et le football qui génèrent des droits de diffusion substantiels, les diffuseurs vont vous dire : on paie déjà, redistribuez aux clubs et ils feront les investissements. Les sociétés sportives pourront d’ailleurs bénéficier de la garantie d’emprunt, proposée par le Gouvernement, que nous avons votée voilà quelques instants.
En revanche, les diffuseurs risquent de ne plus diffuser les disciplines moins exposées au niveau médiatique pour ne pas avoir à financer les investissements à hauteur de 20 %.
M. Jean-Louis Carrère. Pour une moyenne, c’est cher !
M. Dominique Bailly, rapporteur. Il y a un point d’équilibre à trouver, mais je suis sûr que le Gouvernement va parvenir à la solution ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. La solution, nous l’avons trouvée cet après-midi.
Je parlais de révolution culturelle. Dans les grandes agglomérations comme dans les moyennes, les présidents des sociétés sportives professionnelles, les présidents de clubs, doivent prendre conscience qu’ils ne peuvent plus aller frapper à la porte du maire pour lui quémander des travaux dans un stade ou dans une salle.
C’est la raison pour laquelle nous avons voté à la quasi-unanimité les garanties d’emprunts des collectivités qui permettront, pourquoi pas, la rénovation des enceintes. Lorsque les diffuseurs demandent des investissements qui permettront de téléviser une rencontre au mieux, c’est au club qu’il reviendra de faire cet effort financier sous garantie d’emprunt, car il a aussi intérêt à ce que les rencontres de son équipe soient diffusées, notamment vis-à-vis de ses partenaires.
Monsieur Mézard, nous ne pouvons que nous réjouir que tous les matchs de pro-D2, parmi lesquels les matchs du Stade aurillacois, qui est, je crois, deuxième derrière Agen, soient désormais diffusés à la télévision. Il y a dix ans, on ne diffusait que les matchs du Top 14 (Mme Françoise Laborde opine.) et aucun de deuxième division. Cette avancée montre que l’élite se diversifie et permet qu’il y ait de plus en plus de sport, notamment féminin, à la télévision.
Monsieur Mézard, si le Gouvernement, que vous appréciez et que vous soutenez (Mme Françoise Laborde s’esclaffe.), sollicite le retrait de cet amendement, c’est pour ne pas avoir à lui donner un avis défavorable. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. Monsieur Mézard, l'amendement n° 4 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Je suis très sensible aux propos de notre excellent secrétaire d'État, qui a compris le soutien fort que j’apporte à la politique du Gouvernement… En conséquence, pour lui être agréable, je vais bien sûr retirer cet amendement. Je souhaite toutefois lui répondre sur le fond.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie d’avoir rendu hommage aux qualités du Stade aurillacois, qui sont reconnues depuis des décennies dans le monde du rugby. Mais au-delà de ce cas particulier que j’ai honneur à défendre, la difficulté pour les agglomérations moyennes les plus faibles sur le plan économique est que les clubs n’y trouvent plus de partenaires. Ces clubs ne peuvent pas subsister sans le soutien des collectivités. Or les collectivités n’en peuvent mais.
En tant qu’élus locaux, nous faisons le maximum pour les aider, car les clubs sportifs sont des éléments importants de la vie de nos collectivités et du quotidien de nos concitoyens ; il y a une tradition, un attachement. Mais comment faire pour répondre à des exigences qui croissent chaque année et qui sont, pour certaines, véritablement excessives ?
Monsieur le secrétaire d'État, je sais que c’est un combat que vous pouvez faire vôtre. Le Gouvernement doit intervenir pour limiter les exigences de ces chaînes de télévision, qui, par ailleurs, ne donnent pas forcément l’exemple sur tout tous les jours, y compris en termes de bonne gestion. Si certaines de leurs demandes sont légitimes pour améliorer la qualité de la retransmission, d’autres sont absolument excessives et intolérables. (Mme Françoise Laborde applaudit.)
Je retire cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 4 rectifié ter est retiré.
L'amendement n° 5 rectifié ter, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve et Laborde, MM. Requier et Vall et Mme Malherbe, est ainsi libellé :
Après l'article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les dates et les horaires des événements sportifs sont fixés par les fédérations et les ligues, en concertation avec les clubs professionnels.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cela relève du même problème.
Les chaînes de télévision non seulement exigent de nos collectivités des investissements chaque année supérieurs, mais elles décident également, en lieu et place des fédérations et des ligues, des dates et des heures de matchs.
Cet amendement, comme le précédent, visait surtout à faire passer un message.
Nous sommes malheureusement soumis au règne des médias, et il est des moments où le Parlement doit leur dire « Stop ! », quand cela va trop loin.
Je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Le débat a été extrêmement intéressant, mais nous avons peu évoqué le sujet des pratiquants eux-mêmes, qui pose pourtant problème.
Pour certains sports les équipes étaient fondées sur une culture, notamment la couleur du maillot. Certaines équipes sont aujourd'hui constituées exclusivement d’étrangers, ce qui rend parfois difficile de constituer des équipes de France représentatives, d’autant que les sélections se font souvent sous la pression des médias. Je n’ai pas de solution, mais c’est un problème sur lequel il faut se pencher.
Par ailleurs, bien que les garanties d’emprunts soient une bonne chose dans l’immédiat, je crains que les emprunts ne soient jamais remboursés. Les clubs sportifs ont en effet une fâcheuse tendance à considérer que ce qui rentre dans leurs caisses leur appartient en totalité, et je ne sais pas si les municipalités et les communautés de communes permettront très longtemps ces dérives qui vont intervenir de façon quasi automatique.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Bailly, rapporteur. Je remercie toutes celles et tous ceux qui se sont exprimés pendant cette discussion, et tous ceux qui contribueront dans quelques instants à faire que ce vote se fasse dans l’unanimité, pour le développement du sport professionnel français.
Je remercie Mme la présidente de la commission, les chefs de file des différents groupes politiques, Mme la présidente, pour sa vigilance, ainsi que M. le secrétaire d'État et ses collaborateurs, car nous avons tenu les délais.
Je tenais à vous dire que j’ai apprécié de travailler sur ce texte. Ce fut un travail très constructif ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Claude Kern et Jean-Marie Bockel applaudissent également.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)
Mme la présidente. Une très belle unanimité !
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants. Je vous rappelle que la proposition de loi relative à l’action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional, dont l’examen n’a pas pu commencer aujourd'hui, est inscrite à l’ordre du jour du mercredi 23 novembre, à dix-huit heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne signé le 24 février 2015 pour l’engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 26 octobre 2016.
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Recomposition de la carte intercommunale
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe UDI-UC, de la proposition de loi tendant à faciliter la recomposition de la carte intercommunale, présentée par Mme Jacqueline Gourault, M. Mathieu Darnaud et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 632 [2015-2016], texte de la commission n° 54, rapport n° 53).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Jacqueline Gourault, auteur de la proposition de loi.
Mme Jacqueline Gourault, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, après de nombreux changements pour les collectivités, enclenchés notamment par l’adoption de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite NOTRe, cette proposition de loi représente plutôt un ajustement qu’une modification supplémentaire. En effet, on sait que les collectivités sont assez lasses de toutes ces réformes qui les chamboulent et qu’elles veulent de la stabilité, ce que nous comprenons.
Il faut toutefois faire quelques adaptations pour favoriser la bonne application des textes précédents, voire pour rendre leur application possible. C’est dans cet esprit que mon collègue Mathieu Darnaud, que je remercie, et moi-même avons déposé cette proposition de loi tendant à faciliter la recomposition de la carte intercommunale, encouragés en cela par les associations d’élus locaux.
L’objectif premier de cette proposition de loi est simple : il s’agit de renforcer l’égalité entre les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, et faciliter l’évolution des périmètres intercommunaux ; tel est l’objet du premier article. Celui-ci vise à donner à toutes les intercommunalités de France la capacité de procéder à une répartition des sièges entre communes sur le fondement d’un accord local, tout en respectant tant les exigences du Conseil constitutionnel, notamment sa décision Commune de Salbris, que les règles de répartition des sièges instaurées par la loi du 21 mars 2015, issue d’une proposition de loi de nos collègues Jean-Pierre Sueur et Alain Richard.
Nous proposons en revanche d’ajuster le tableau de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, dite RCT, pour un cas bien spécifique : lorsque le nombre prévu, combiné avec les règles de répartition, a pour effet de rendre impossible dans la pratique tout accord local de répartition.
Ces situations sont malheureusement assez nombreuses. Elles découlent de plusieurs facteurs : la configuration du territoire, le nombre de communes ou encore leur dispersion démographique. Ainsi, selon les configurations locales, certaines communautés peuvent organiser une répartition sur un accord local alors que d’autres ne le peuvent pas, d’où une inégalité de traitement entre les territoires.
Bien sûr, la stricte application des tableaux reste toujours possible. On sait néanmoins que certains projets de fusion de communautés peuvent être difficiles, voire rejetés parce qu’un accord local de répartition n’est pas possible. Nous proposons donc, lorsque cela est nécessaire, de compléter le nombre de sièges à répartir en vertu du tableau figurant dans la loi de 2010.
Nous avons amélioré la rédaction initiale grâce au rapporteur, Mme Di Folco, que je remercie de son travail, de grande qualité. Nous avons ainsi trouvé en commission une solution qui semble satisfaisante.
L’article 1er amendé plafonne désormais le nombre de sièges supplémentaires de conseillers communautaires destinés à permettre la conclusion d’un accord local positif afin d’encadrer raisonnablement l’élargissement du conseil communautaire et de préserver son fonctionnement. Le nombre total de sièges supplémentaires serait fixé à 10 sièges au maximum, dans la limite de 20 % au-delà des 25 % de l’effectif légal, lequel comprend, je le rappelle, le nombre du tableau et les sièges de droit, soit une limite finale de 45 %. Il s’agit donc d’une sorte de double plafond, institué pour tenir compte de la diversité de composition des périmètres intercommunaux.
Le deuxième article aligne le régime des communautés de communes sur celui des autres statuts d’intercommunalités en matière d’indemnisation des conseillers communautaires délégués. Nous proposons que les conseillers communautaires disposant d’une délégation et membres du bureau de la communauté de communes puissent percevoir une indemnité, au sein, je le précise, de l’enveloppe globale. Il n’est en effet pas normal que cela soit autorisé dans les communautés d’agglomération et non dans les communautés de communes.
D’autres amendements ont été adoptés en commission sur proposition du rapporteur, Mme Di Folco, afin d’enrichir la proposition de loi. Nous avons ainsi ajouté cinq articles, je lui laisse le soin de les détailler.
Par ailleurs, pour mieux correspondre aux amendements adoptés, l’intitulé du texte a été changé et est désormais le suivant : « proposition de loi tendant à faciliter la mise en place et le fonctionnement des intercommunalités ».
Pour terminer, je veux insister sur un point : cette proposition de loi est une nécessité qui peut permettre de débloquer un certain nombre de situations locales – on ne pourra pas toutes les résoudre, je le dis d’emblée, mais certaines intercommunalités trouveront une solution à leur situation.
J’insiste sur le fait que cette proposition de loi a été déposée à la suite de réactions du terrain. C’est en expérimentant la mise en place de la loi NOTRe au cours de l’année 2016 que les difficultés sont apparues et nous souhaitons corriger ces imperfections.
Le fait qu’elle soit fondée sur les remontées du terrain explique que cette proposition de loi n’intervienne que maintenant et qu’elle paraisse donc un peu tardive – M. Bigot nous en a fait la remarque en commission – puisque beaucoup d’intercommunalités sont en train de négocier une fusion pour respecter les obligations instituées par la loi NOTRe.
Cet argument se tient mais il faut penser à l’avenir. Concrètement, cette proposition de loi pourra faciliter l’accord local pour les modifications de périmètres déjà prévues pour 2018 et 2019. Certaines communautés n’avaient pas obligatoirement besoin de fusionner mais elles ont l’intention de le faire dans les années à venir, avant les prochaines élections municipales.
Ce texte sera également utile à près de 700 communautés de communes, soit un tiers d’entre elles, qui ne fusionnent pas mais qui ont fondé leur accord sur les dispositions de la loi RCT, avant la décision Commune de Salbris du Conseil constitutionnel. Or il suffit que les élections municipales soient annulées, qu’un décès intervienne,…
M. Jean-Claude Lenoir. Celui du maire, par exemple.
Mme Jacqueline Gourault. … entraînant le renouvellement du conseil au travers d’une élection, ou que des vacances de siège adviennent, pour que des intercommunalités n’ayant pas changé de périmètre soient cependant obligées de respecter cette décision du Conseil constitutionnel…
M. Jean-Claude Lenoir. Cela s’est produit !
Mme Jacqueline Gourault. … et de changer le nombre de leurs délégués. Ce texte sera donc bienvenu également dans ce cas.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. C’est le cas de ma communauté de communes !
Mme Jacqueline Gourault. Enfin, autre point très important, nous avons adopté, au travers d’une loi modifiant le code général des collectivités territoriales, une disposition prévoyant que, au plus tard le 31 août de l’année précédant celle du renouvellement général des conseils municipaux, soit le 31 août 2019 pour le prochain renouvellement des conseils municipaux, il soit procédé à la définition d’un nouvel accord local à jour des derniers recensements. Il y a donc une obligation légale à remettre à jour, six mois avant les élections municipales de 2020, les compteurs, afin de respecter les derniers recensements en procédant éventuellement à une nouvelle répartition des sièges.
Vous l’aurez compris, il est utile que cette proposition de loi progresse. J’y insiste, elle ne sera pas applicable aux accords en cours, mais elle servira aux intercommunalités qui signeront de nouveaux accords dans les années qui viennent, quelle qu’en soit la raison – obligation légale, accident de la vie, ou future fusion. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains. – MM. Jean-Pierre Sueur, Hervé Poher et Jean-Claude Requier applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’heureuse initiative des auteurs de cette proposition de loi, Jacqueline Gouraud et Mathieu Darnaud, qui se sont saisis d’un problème d’actualité apparu lors des travaux actuels de composition des organes délibérants des communautés de communes et d’agglomération.
En effet, au 1er janvier 2017, à l’issue de la procédure de révision des schémas départementaux de coopération intercommunale prescrite par la loi NOTRe, la France comptera environ 1 200 communautés de communes et d’agglomération.
Si la répartition des sièges au sein des organes délibérants de ces intercommunalités se fait en principe en fonction de la population de l’établissement public de coopération intercommunale et de celle de ses communes membres, ces dernières ont, conformément à la loi du 9 mars 2015 autorisant l’accord local de répartition des sièges de conseiller communautaire, la faculté de conclure entre elles un accord pour l’attribution à chacune d’un nombre de sièges plus important.
Je rappelle que ces dispositions visaient à réparer les conséquences de la non-conformité à la Constitution des dispositions antérieures résultant de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel avait en effet considéré que l’accord local sur la répartition des sièges, en ce qu’il n’était que « tenu compte » de la population, méconnaissait le principe d’égalité devant le suffrage en tant qu’il permettait de déroger au principe général de proportionnalité démographique dans une mesure manifestement disproportionnée. Le dispositif adopté en 2015 a, quant à lui, été validé par le Conseil constitutionnel.
Toutefois, dans un grand nombre de cas – évalué par la Direction générale des collectivités locales, la DGCL, à environ 50 % du total des intercommunalités –, les critères définis dans ce dispositif ne permettent pas de conclure un accord local positif. Concrètement, pour environ 600 EPCI, le nombre de sièges à répartir entre les communes serait inférieur au nombre de sièges disponibles prévu par le droit commun faute d’un nombre suffisant de sièges à répartir. En outre, pour 24 EPCI, aucun accord, positif ou non, ne pourrait être dessiné.
Ainsi, la variété des situations inscrites dans les cartes intercommunales, les larges disparités de population entre les communes, les configurations nombreuses de peuplement, les spécificités diverses des territoires conduisent souvent à l’interdiction mathématique de dessiner par accord la composition des futurs conseils communautaires. La proposition de loi déposée par nos deux collègues vise donc à remédier à cette difficulté mathématique.
La commission des lois s’est inscrite dans leur démarche en reconnaissant cependant qu’il est tout à fait impossible – Mme Gourault l’a souligné – de résoudre totalement ce problème en raison, d’une part, des contraintes constitutionnelles et, d’autre part, de la nécessité de préserver le fonctionnement des organes délibérants des communautés.
Dans ce cadre contraint, nous avons donc procédé aux ajustements possibles, qui consistent en un gonflement raisonnable et plafonné du panier de sièges à répartir par la voie de l’accord local. Néanmoins, cela permettra de régler dans des proportions non négligeables le problème soulevé.
La proposition de loi comportait à l’origine deux articles, tous deux destinés à « renforcer l’égalité des collectivités devant le droit », à favoriser la mise en place des nouvelles intercommunalités et à faciliter leur fonctionnement.
Ainsi, l’article 1er du texte de la commission prévoit une majoration plafonnée de l’effectif du conseil communautaire pour permettre la conclusion d’un accord local positif. La recherche d’un tel accord peut, dans certains cas, nécessiter la création de plusieurs dizaines de sièges supplémentaires en raison de l’effectif et de la situation démographique de la communauté considérée.
Cet exercice aboutirait à la composition d’organes délibérants pléthoriques, à la gouvernance difficile. Ce risque existe déjà dans de nombreux périmètres résultant des schémas départementaux de coopération intercommunale révisés, en raison du nombre très élevé des communes regroupées. Il convient surtout de ne pas l’aggraver…
Nous avons donc introduit un double plafond qui tient compte de la diversité de composition des intercommunalités. Vous avez été attentifs, je le sais, aux très bonnes explications de Mme Gourault, mais le mécanisme étant compliqué, je vous l’expose à nouveau.
Ainsi, le taux d’augmentation de 25 %, prévu par l’accord local, pourrait être porté au maximum à 45 %, en limitant cependant, dans tous les cas, à dix sièges le surplus de sièges créés par cette disposition, et ce lorsque l’application du mécanisme élaboré par la loi du 9 mars 2015 ne permet pas de répartir plus de sièges que le droit commun.
Cette mesure permettrait, selon les simulations de la DGCL, de résoudre 40 % des blocages et donc de porter de 50 % à 70 % la proportion d’intercommunalités pour lesquelles un accord local positif serait possible ; ce n’est pas négligeable.
L’article 2 a été adopté sans modification. Je ne m’y étends pas, Mme Gourault l’a bien présenté ; il s’agit, sans augmenter l’enveloppe indemnitaire globale, de verser une indemnité aux conseillers disposant d’une délégation et membres du bureau de l’intercommunalité.
Nous avons, en outre, complété le texte par cinq mesures destinées à simplifier le fonctionnement des intercommunalités et à clarifier les compétences, mettant ainsi un terme à des divergences d’interprétation dans le respect de l’intention du législateur.
L’article 3 reporte du 31 mars au 30 avril 2017 la date limite d’adoption du budget des intercommunalités créées au 1er janvier 2017.
L’article 4 unifie le régime de la suppléance en l’élargissant aux communautés urbaines et aux métropoles. Aujourd’hui, en effet, seules disposent d’un conseiller suppléant les communes d’une communauté de communes ou d’agglomération dotées d’un siège unique. Ce conseiller peut participer avec voix délibérative aux réunions de l’organe délibérant en cas d’absence du conseiller titulaire.
L’article 5 clarifie la compétence intercommunale en matière de développement économique. Alors que les communautés s’impliquaient de plus en plus dans des politiques de revitalisation du commerce, le législateur a souhaité, dans le cadre de la loi NOTRe, promouvoir le dynamisme du commerce de proximité en permettant à l’intercommunalité et à ses communes membres de se répartir les mesures de soutien aux activités commerciales locales.
Or la formulation de la compétence telle qu’elle figure dans cette loi donne lieu à des interprétations divergentes, certains considérant que l’intérêt communautaire porte non seulement sur le soutien aux activités commerciales, mais également sur la définition de la politique locale du commerce.
Cet article limite donc expressément l’intérêt communautaire aux actions de soutien aux activités commerciales sans qu’il s’applique à la politique locale du commerce, qui relève pleinement de l’intercommunalité, afin de définir une politique cohérente sur l’ensemble du périmètre communautaire.
L’article 6 clarifie les modalités de détermination de la majorité requise pour définir l’intérêt communautaire des compétences exercées par les EPCI à fiscalité propre en lieu et place de leurs communes membres.
L’article 81 de la loi NOTRe résultait de l’accord intervenu en commission mixte paritaire sur le principe voté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture : les deux tiers des suffrages exprimés. Néanmoins, l’imprécision de la rédaction correspondante soulève des divergences de lecture ; l’article 6 y remédie donc en fondant expressément le calcul de la majorité requise sur les suffrages exprimés au sein du conseil communautaire.
L’article 7, enfin, adopté sur l’initiative des auteurs de la proposition de loi, uniformise la procédure d’adhésion d’un EPCI à fiscalité propre à un syndicat mixte. Il aligne le régime d’adhésion d’une communauté de communes à un syndicat mixte sur celui qui est applicable aux autres catégories d’EPCI en supprimant la nécessité pour la communauté de recueillir l’accord de ses communes membres. Il s’agit ainsi de simplifier la procédure d’adhésion afin notamment de faciliter la réorganisation des compétences dans le cadre de la révision des cartes intercommunales.
En conséquence des dispositions précédemment adoptées, l’intitulé de la proposition de loi a été modifié ; elle tend désormais à faciliter « la mise en place et le fonctionnement des intercommunalités » plutôt que « la recomposition de la carte intercommunale ».
Enfin, lors de l’examen des articles, je vous présenterai un amendement visant à remédier à la censure par le Conseil constitutionnel, le 21 octobre dernier, de la procédure de rattachement à un EPCI d’une commune nouvelle issue de la fusion de communes appartenant à des intercommunalités distinctes et à réparer une malfaçon technique de la proposition de loi sur les communes associées adoptée hier par le Sénat.
La révision des schémas départementaux de coopération intercommunale prescrite par la loi NOTRe impose aux communes concernées un délai de trois mois à compter de l’arrêté préfectoral de périmètre, sans pouvoir dépasser le 16 décembre 2016, pour s’accorder sur la composition du conseil communautaire.
Aussi, à l’instar de ce qu’a fait M. le président Lenoir hier, j’appelle votre attention, monsieur le ministre, sur l’urgence qu’il y a à inscrire cette proposition de loi au calendrier des travaux de l’Assemblée nationale, si l’on veut la voir prospérer et obtenir un vote conforme permettant de débloquer rapidement nombre de situations délicates. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – M. Philippe Bas, président de la commission des lois, et M. Jean-Claude Requier applaudissent également.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Madame la présidente, madame la rapporteur, Catherine Di Folco, monsieur le président de la commission des lois, cher Philippe Bas, mesdames, messieurs les sénateurs, nous célébrerons dans quelques mois le vingt-cinquième anniversaire de la loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République, dite ATR. Je me souviens des difficultés, lorsque j’étais secrétaire d’État aux collectivités locales – Jean-Pierre Sueur, ici présent, qui m’a succédé à ce poste, s’en souvient aussi –, à faire aboutir ce texte, qui marqua pourtant le début de la dynamique intercommunale et qui a, sans conteste, été un puissant levier de la modernisation de notre organisation territoriale.
Au cours de ce quinquennat, le Gouvernement a de nouveau conduit une réforme d’envergure, qui a conforté et renforcé cet échelon, auquel, je le sais, nous sommes tous désormais attachés.
Une nouvelle carte intercommunale verra le jour dès le 1er janvier prochain. Les seuils démographiques adoptés par le Parlement contribueront à bâtir des ensembles intercommunaux disposant de capacités accrues d’action et d’ingénierie.
Partout, le travail de mise en place de ces nouvelles intercommunalités a commencé et un mouvement d’une telle ampleur nécessite bien sûr des ajustements, d’où notre débat de ce soir. Le Gouvernement en a, lui aussi, pleinement conscience et je mesure bien les évolutions importantes que peuvent entraîner une fusion ou une extension d’EPCI, que ce soit en matière de compétences, de budget, de fiscalité ou de ressources humaines.
Je tiens d’ailleurs à rendre hommage aux élus et aux agents des collectivités engagés dans ce délicat travail de mise en place des nouvelles communautés. Pour les accompagner, nous avons transmis aux préfets, depuis le mois de juin dernier, différentes circulaires.
D’autres adaptations viendront bien évidemment – dans le projet de loi de finances, dans le projet de loi de finances rectificative ou dans le cadre du projet de loi « Égalité et Citoyenneté » – afin d’apporter, partout où cela est nécessaire, encore plus de souplesse sur les questions d’urbanisme.
La proposition de loi que nous examinons ce soir aborde une autre question fondamentale pour les élus, celle de la gouvernance. À l’heure des recompositions de périmètre, les conseils communautaires vont nécessairement devoir évoluer, de même que, parfois, leurs exécutifs.
Certaines communes vont bénéficier de sièges supplémentaires tandis que d’autres verront leur nombre de représentants diminuer. Ces évolutions posent bien sûr de nombreuses difficultés. J’en sais moi-même quelque chose, étant en ce moment confronté, dans ma propre communauté de communes, à une recomposition du conseil communautaire en application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel Commune de Salbris.
En effet à l’occasion de cette décision, le Conseil a affirmé que la répartition des sièges entre les communes devait refléter au mieux leur poids démographique tout en permettant de s’en écarter, mais de façon très limitée et très encadrée. Vos collègues Alain Richard et Jean-Pierre Sueur, dont je veux souligner l’engagement sur ces sujets complexes, ont alors traduit cette jurisprudence dans le droit positif.
Toutefois, certaines intercommunalités sont aujourd’hui, en application des textes, dans l’incapacité de recourir à un accord local. Cette inégalité de traitement doit donc être combattue en redonnant des capacités d’initiative aux élus. C’est précisément l’objet de la proposition de loi déposée par vos collègues Jacqueline Gourault et Mathieu Darnaud, et je tiens à les en remercier.
Je veux également saluer le travail de réécriture de l’article 1er réalisé par Mme la rapporteur et les membres de la commission des lois. Le système de double plafonnement va dans le bon sens et permet de ne pas modifier les règles de calcul du nombre de sièges. C’est en effet la pierre angulaire de la jurisprudence constitutionnelle.
Votre rapporteur proposera un amendement visant à préciser explicitement que les nouvelles modalités de répartition des sièges sont réservées aux intercommunalités ne pouvant faire jouer les dispositions actuellement en vigueur. La rédaction de cet amendement respecte bien l’esprit de la proposition de loi ; dès lors, le Gouvernement y sera favorable.
Par ailleurs, le Gouvernement souhaite profiter de ce texte pour tirer les conséquences de la décision récente du Conseil constitutionnel Communauté de communes des sources du lac d’Annecy et autre, qui censure la procédure aujourd’hui en vigueur pour déterminer à quelle intercommunalité à fiscalité propre doit être rattachée une commune nouvelle formée de communes historiques appartenant à des communautés différentes. Un amendement de Mme la rapporteur tend à répondre à cette difficulté.
Toutefois, je vous proposerai quelques améliorations destinées à sécuriser davantage le dispositif pour ne pas subir de nouveau les difficultés constitutionnelles qui nous occupent – nous aurons l’occasion d’y revenir au cours de nos débats.
Au-delà, votre commission a adopté différents amendements afin de mieux accompagner la mise en œuvre de la réforme intercommunale ; je note d’ailleurs que le texte s’intitule désormais « proposition de loi tendant à faciliter la mise en place et le fonctionnement des intercommunalités ».
Nous aurons l’occasion tout à l’heure d’aborder dans le détail les nouvelles dispositions votées en commission ainsi que les amendements complémentaires déposés en vue de l’examen du texte en séance, mais sachez d'ores et déjà, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement veut se montrer ouvert aux mesures tendant à simplifier le fonctionnement des collectivités. La commission des lois a d’ailleurs adopté plusieurs dispositions qui me paraissent pertinentes.
Il en est ainsi du report d’un mois du vote du budget ou des précisions utiles apportées aux conditions de majorité qualifiée pour déterminer l’intérêt communautaire. Il serait désormais explicitement indiqué que le vote doit recueillir les deux tiers des suffrages exprimés, et non les deux tiers des voix des membres du conseil communautaire.
De même, le Gouvernement ne s’opposera pas à la possibilité de désigner un conseiller suppléant qui serait désormais offerte aux communes membres d’une communauté urbaine ou d’une métropole et ne disposant que d’un seul siège.
Enfin, votre commission des lois a adopté sans modification l’article 2, relatif à l’indemnisation des conseillers communautaires délégués. Cet article prévoit de faire bénéficier les communautés de communes des mêmes dispositions que celles qui sont en vigueur dans les autres catégories d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Cette mesure me semble opportune, sous réserve explicite de rester dans l’enveloppe globale indemnitaire, en particulier pour les vice-présidents qui perdraient leur fonction et l’indemnité afférente.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais, pour connaître un peu l’institution sénatoriale, que les débats seront de qualité. Peut-être seront-ils rapides… En tout état de cause, le texte qui en découlera est attendu par les élus de terrain, notamment s’agissant de la question des accords locaux.
Ainsi, sous réserve de l’adoption de l’amendement de Mme la rapporteur à l’article 1er et de l’amendement gouvernemental relatif au rattachement d’une commune nouvelle, le Gouvernement est ouvert à la discussion de toutes les propositions qui permettront de faciliter le fonctionnement des nouvelles intercommunalités et, ce faisant, la vie des élus. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain. – Mme Jacqueline Gourault et M. Mathieu Darnaud applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier. (Mme Françoise Laborde applaudit.)
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Alexis de Tocqueville voyait dans la liberté communale la garantie la plus solide de la liberté politique. « Les institutions communales », écrivait-il dans De la démocratie en Amérique, « sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science ; elles la mettent à la portée du peuple ; elles lui en font goûter l’usage paisible et l’habituent à s’en servir. »
Hélas, la rationalisation « à marche forcée » des périmètres de l’intercommunalité ainsi que le manque de confiance témoigné à l’égard des élus locaux nous éloignent quelque peu de cette perspective. Face au nombre d’incohérences, de difficultés et d’obstacles pratiques qui émergent de l’application de la loi NOTRe – pas la nôtre, celle que les membres du RDSE appellent, entre eux, la « loi Leur », devenue la « loi leurre »… (Sourires.) –,…
M. Jean-Claude Luche. Elle est très bonne ! Une autre !
M. Jean-Claude Requier. … le législateur n’en finit pas de corriger cette loi et de poser des rustines.
Ainsi, dans nombre de départements, l’inquiétude sur le futur des nouvelles intercommunalités a joué sur le rejet des schémas : calendrier de mise en œuvre trop contraint ; absence d’accord sur la gouvernance future de l’EPCI, en raison des règles strictes organisant la recomposition du conseil ; budget à adopter dans des délais trop courts pour permettre de régler sereinement les questions complexes de fiscalité ou de mécanique budgétaire.
Nous avons été un certain nombre, particulièrement ici, au Sénat, à pointer ces difficultés lors des débats, mais le gouvernement d’alors – vous n’en faisiez pas partie, monsieur le ministre – n’en a pas tenu compte, se réservant une procédure de passage en force pour assurer la mise en place de la réforme.
M. Jacques Mézard. Excellent !
M. Jean-Claude Requier. Je rappelle que, afin de redonner de la souplesse aux élus pour la mise en œuvre de la réforme de l’intercommunalité, le groupe du RDSE a fait adopter par le Sénat, le 7 avril dernier, sa proposition de loi permettant de rallonger d’un an le délai d’entrée en vigueur des nouvelles intercommunalités. Qu’attendent nos collègues députés pour adopter ce texte ?
Mme Françoise Laborde. En effet !
M. Jean-Claude Requier. Dans le même esprit, la présente proposition de loi, déposée par nos collègues Jacqueline Gourault et Mathieu Darnaud pour « faciliter la recomposition de la carte intercommunale », a pour objet de redonner de la souplesse au cadre juridique de l’accord local permettant la recomposition des assemblées communautaires, pour assurer son effectivité pratique.
L’incohérence dont il est question aujourd’hui est liée à la règle de l’accord local, encadrée si strictement par la jurisprudence constitutionnelle et la loi qu’elle engendre une quasi-impossibilité mathématique d’obtenir un accord local sur le nombre et la composition du conseil communautaire.
Ce texte, qui permet d’augmenter, tout en le plafonnant, le nombre de sièges de conseillers communautaires pouvant être répartis et destinés à permettre la conclusion d’un accord local, va dans le bon sens. En rendant le recours à l’accord local effectif, la proposition de loi redonne une marge de décision aux communes membres, ce qui leur permet de s’écarter de la méthode légale stricte.
Cependant, on voit déjà se dessiner de nombreux autres cas d’incohérences, qui impactent la gouvernance des intercommunalités nouvellement créées et leur légitimité.
La deuxième incohérence majeure provient de l’interruption des mandats de représentants élus régulièrement en mars 2014 en cas de fusion d’EPCI entre deux renouvellements municipaux. De nombreux conseillers communautaires, régulièrement élus, depuis la loi dite Valls du 17 mai 2013, au scrutin universel direct – par les électeurs – en 2014 pour une durée de six ans, perdront leur siège en 2017, au mépris du choix des électeurs et de la sincérité du scrutin.
Mme Françoise Laborde et M. Jacques Mézard. C’est vrai !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Hélas !
M. Jean-Claude Requier. Cela aurait pu être évité, en faisant concorder les prochaines élections municipales et communautaires avec l’entrée en vigueur des nouvelles intercommunalités. Une fois de plus, le Gouvernement a confondu vitesse et précipitation.
La troisième incohérence résulte de la règle qui s’applique lors de la démission ou du décès d’élus communaux, nécessitant d’organiser des élections partielles ou totales et remettant en cause l’accord local de répartition des sièges au conseil communautaire qui existait à la suite des élections de 2014 – il semble que cette situation soit celle de votre communauté de communes, monsieur le ministre. (M. le ministre opine.) Ainsi, la décision du Conseil constitutionnel Commune de Salbris prévoit explicitement l’impossibilité de maintenir des accords locaux intervenus antérieurement à cette décision. Cela a abouti à ce que des conseillers communautaires régulièrement élus en mars 2014 soient démis de leurs fonctions, ce qui méconnaît encore une fois le choix des électeurs. Une solution doit être trouvée pour garantir la stabilité juridique.
Mme Françoise Laborde et M. Jacques Mézard. Très bien !
M. Jean-Claude Requier. La quatrième incohérence résulte du choix du critère démographique pour désigner le nombre de représentants au sein du conseil communautaire, ce qui a nécessairement pour corollaire un déficit de représentation des communes rurales. C’est ainsi au détriment de ces communes, dont le poids démocratique est plus faible, que s’opère peu à peu la refonte de la carte intercommunale.
D’évidence, l’objectif affiché par le Gouvernement d’une plus grande représentation démocratique au sein des intercommunalités est encore loin d’être atteint. Si l’on veut que la démocratie soit pleinement démocratique, il faut qu’elle s’accompagne de bon sens, de simplicité et d’imagination.
M. Jacques Mézard. Excellent !
M. Jean-Claude Requier. Aussi, le groupe du RDSE votera à l’unanimité en faveur de cette proposition de loi, et ne doute pas que d’autres textes de précision, voire de rafistolage, seront encore nécessaires dans les prochains mois. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – MM. Hervé Poher et Joël Labbé applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Luche. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Jean-Claude Luche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier Jacqueline Gourault et Mathieu Darnaud de cette proposition de loi, qui, il est important de le rappeler, ne doit pas être envisagée comme un énième texte modifiant encore les règles applicables aux intercommunalités.
Cette proposition de loi constitue au contraire une réponse nécessaire et attendue par les acteurs locaux aux problèmes rencontrés sur le terrain dans la mise en œuvre de l’accord local tel qu’il est conçu aujourd’hui.
Pour vous en convaincre, je vais prendre l’exemple de mon département de l’Aveyron, parce que je le connais particulièrement bien, mais aussi parce qu’il illustre tant la difficulté à parvenir à un accord local dans de nombreuses configurations que la nécessité de permettre autant que possible cet accord dans nos territoires.
S’agissant d’abord des difficultés à parvenir, dans la pratique, à un accord local sur la composition du conseil communautaire, en Aveyron, comme certainement dans beaucoup d’autres départements, particulièrement ruraux, les écarts de population sont souvent très importants. Nombreuses sont les communautés de communes qui se structurent autour d’un bourg-centre dont la population est bien supérieure à celle des autres communes membres. Or, dans ce cas comme dans celui des intercommunalités dites XXL, un accord local s’avère souvent impossible à trouver.
Je veux citer l’exemple, dans mon département, de la communauté de communes de Millau-Grands Causses. Structurée autour de la ville de Millau, que tout le monde connaît,…
M. Vincent Capo-Canellas. Belle ville !
M. Jean-Claude Luche. … qui compte 22 000 habitants, la communauté de communes a une population de 29 000 habitants. La commune-centre représente donc plus de 75 % de la population totale de la communauté de communes.
Il faut par ailleurs ajouter un siège de droit pour chaque commune membre, dans la limite du nombre de sièges à répartir selon la loi, sans s’écarter excessivement de l’équilibre démographique et de la proportionnalité, qui doivent primer. Voilà une équation mathématiquement insoluble.
Face à cette situation problématique au regard de l’égalité des territoires et qui est amenée à se multiplier avec l’adoption de la nouvelle carte intercommunale, le présent texte apporte une solution satisfaisante, efficace et bienvenue, tout en respectant les exigences constitutionnelles.
Dans mon département, cette solution permettrait de résoudre au moins trois cas de communautés de communes pour lesquelles un accord local paraît aujourd’hui très difficile à obtenir.
De nouveau envisageable, l’accord local, et c’est le second point qui me paraît important, permet une meilleure acceptation du regroupement intercommunal par les élus et les citoyens. C’est, en cela, un enjeu majeur sur le territoire. Il est en effet essentiel que la recomposition de la carte intercommunale et la mise en place des nouveaux périmètres qui en résulte se fassent dans les meilleures conditions possible et soient accompagnées de façon volontaire et bienveillante par les maires.
Certes, ce texte n’exclura pas les désaccords que je qualifierai de « politiques », qui empêchent parfois de se mettre d’accord au niveau local. Mais, lorsque la volonté de déterminer ensemble la composition du conseil communautaire existe, nous devons permettre cet accord le plus largement possible.
Impliquer les maires est une exigence d’autant plus primordiale que les candidats à ces fonctions se font de plus en plus rares dans nos milieux ruraux, comme on l’a vu lors des dernières élections municipales de 2014. La charge fait peur, nous le savons, et les intercommunalités, amenées à occuper une part croissante dans la vie des communes, vont peser dans les choix à venir.
Le mandat de maire est, dans les faits, intimement lié aux fonctions de conseiller communautaire. C’est particulièrement vrai dans les communes de moins de 1 000 habitants, où le maire est, d’office, suivant l’ordre du tableau, membre du conseil communautaire. Même dans le cadre de l’élection par fléchage, dans les communes de plus de 1 000 habitants, le maire est, en pratique, très souvent conseiller communautaire.
N’oublions pas que, sur le terrain, ce sont les maires qui, au premier chef, font vivre les intercommunalités et en sont l’intermédiaire pour nos concitoyens. Ils doivent véritablement être au cœur de leur constitution, dès le début, lors de la composition du conseil communautaire.
C’est pour ces raisons que le groupe UDI-UC votera ce texte, qui améliore sensiblement la mise en œuvre de l’accord local dans les intercommunalités et, plus généralement, l’organisation du travail sur le territoire dans le cadre de celles-ci. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du RDSE. – M. Daniel Chasseing et Mme Colette Mélot applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Poher.
M. Hervé Poher. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez que j’aborde le sujet d’une façon un peu spécifique, sans me focaliser véritablement sur le problème de la représentativité ni sur l’aspect formel de la proposition de loi, d’autant que d’autres le feront bien mieux que je ne pourrais le faire.
Je voudrais m’attacher à la symbolique de ce texte et au contexte dans lequel il survient.
Ce qui m’amène à cette attitude, c’est une discussion que j’ai eue la semaine dernière, alors que j’avais soumis le texte de la proposition de loi et de ses amendements à des élus d’une petite communauté de communes, qui s’est déjà mariée deux fois en trois ans. Ces élus intercommunaux m’ont répondu en souriant, un tantinet moqueurs : « On est ravis de voir que Mmes et MM. les sénateurs s’intéressent à notre représentativité… Cela veut peut-être dire qu’ils vont enfin s’intéresser à nos finances… (M. Joël Labbé sourit.) Cela veut peut-être dire qu’on va enfin arrêter, pour un moment, cette cascade de réformes territoriales ! Vous, vous réformez ; nous, on assume ! » Pour être franc avec vous, je n’étais pas très à l’aise.
Quand on se renseigne un peu sur le sujet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, proposition dont la commission a très intelligemment modifié l’intitulé lors de ses travaux, on tombe immanquablement sur des notions très juridiques – critères, représentativité, distorsion, conformité à la Constitution –, le tout mâtiné de notions indigestes de mathématiques.
Or une intercommunalité, ce n’est pas que cela ; ce n’est surtout pas que cela.
Je veux vous parler de ce que je connais le mieux : les communautés de communes, ces structures qui sont souvent restées à taille humaine et qui représentent la grande majorité des EPCI. Force est de constater que, dans ces communautés de communes, on ne fait pas souvent de juridisme et on n’a pas toujours l’obsession de la règle à calcul.
Non, pour les élus de ces intercommunalités, être membre d’un EPCI, c’est avant tout un état d’esprit, une envie de construire et un besoin de solidarité territoriale. Comme je me plais à le rappeler, une communauté de communes, ce n’est pas uniquement un trait de Stabilo sur une carte au 1/50 000e !
Dans beaucoup de ces EPCI, vous le savez bien, le rapport de force n’a que peu d’intérêt : pour bâtir une dynamique collective, il faut avant tout de la discussion, des explications, de la persuasion et, parfois, des concessions.
L’adhésion à un projet ne s’acquiert pas à coups de mentons, mais à coups de clins d’œil. On n’est pas dans une communauté d’agglomération, une communauté urbaine, ni une métropole ! On est en communauté de communes.
Pourtant, malgré des décennies d’évolution, de lois multiples et variées, malgré les efforts des gouvernements, quels qu’ils soient, la plupart du temps, la population ne s’approprie pas l’intercommunalité. Les individus restent viscéralement attachés à leur commune et à leur maire.
L’intercommunalité ? Au pire, les habitants ne savent pas ce que c’est. Au mieux, ils évoquent un truc informe, un bidule administratif ou une invention machiavélique pour pomper encore plus d’impôts.
Ce « non-amour » à l’égard des intercommunalités est sans doute dû à de nombreuses raisons, qu’il serait trop long de développer, mais les responsabilités sont multiples, et le législateur n’en est pas exempt.
Or nous sommes nombreux à subodorer que la loi NOTRe n’est qu’une étape – ce qui implique qu’il y en aura d’autres…
Mais, avant d’aller plus loin, il faut savoir faire le bilan de nos fautes de frappe,…
M. Jacques Mézard. Vous les avez votées !
M. Hervé Poher. … pour redonner du sens à ces réformes, pour redonner confiance aux collectivités et, avouons-le, pour les laisser souffler un peu. En effet, quand on verse trop dans le juridisme et le réglementaire, on finit par oublier d’inventer, ce qui est bien dommage, car un EPCI, ce n’est pas qu’une structure de gestion !
En ce moment, les EPCI sont en train de se préparer à l’application de la loi NOTRe, à partir du 1er janvier 2017.
Comme on le lit dans les journaux, les recompositions des conseils communautaires se font dans la douleur et, souvent, avec de la rancœur. Un représentant, ce n’est qu’un représentant, certes ! Mais, souvent, pour les petites communes, c’est symboliquement très important.
Si l’on veut que les EPCI ne soient plus, pour la population, des « trucs informes », il faut redonner aux élus une envie de construire, et non l’impression de subir. Et c’est à nous, législateur, d’effacer de nos textes les erreurs de frappe et de nos têtes la tentation de trop et de tout cadrer.
Si cette proposition de loi oublie sans doute certains points, elle tend à réparer quelques erreurs. C’est déjà ça, mais il faudra sans doute remettre encore l’ouvrage sur le métier, à l’aune des expériences locales.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Encore ?
M. Hervé Poher. En effet, mes chers collègues, j’ai la faiblesse de croire que la force de la loi, c’est aussi de savoir s’adapter au vécu. Je me trompe peut-être, mais personne ne nous reprochera d’instiller un peu de vécu ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC. – M. Bernard Fournier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous franchissons une nouvelle étape – la plus importante – de la mise au point de nos structures intercommunales. Cette étape succède à beaucoup d’autres : celle de 1992, que M. le ministre a rappelée, celle de 1999, bien entendu, mais aussi la réforme de 2010, qui, au fond, a marqué une nouvelle phase, en décidant de rendre l’intercommunalité obligatoire, quand elle n’était jusqu’alors que volontaire, sur la base d’incitations. Cette réforme a logiquement engendré des situations d’une complexité inédite, là où il y avait eu le plus de réserves. Enfin, nous avons vu la fixation d’un seuil accru de population pour entrer en intercommunalité.
Nous avons alors constaté, dans les territoires, un mouvement global d’acceptation de la coopération intercommunale et de volontariat pour s’y engager, la recherche de cadres efficients, d’unités de vie, qui fassent vivre des intercommunalités pertinentes. Ce mouvement fait souvent débat dans cet hémicycle, mais c’est une réalité qu’il ne faudrait pas occulter ; de nombreux collègues l’ont d'ailleurs évoqué. Nous avons ensuite vu des obstacles de terrain, qui n’ont pas toujours été bien traités, puis un risque, qui a diverses origines, mais dont nous devons prendre conscience, de basculement vers un schéma de supracommunalité.
Il faut que nous gardions bien en tête, même à l’occasion d’une modeste discussion législative comme celle, très pragmatique, que nous avons aujourd'hui, qu’il n’existe pas de volonté majoritaire, ni au Parlement ni a fortiori dans le pays, pour que l’intercommunalité, sous ses différentes formes, remplace et dépasse les communes. Il me semble que cette réalité doive être rediscutée avec les gouvernements successifs.
Nous sommes dans le cadre fixé par le Conseil constitutionnel, dont nous avons eu maintes occasions de discuter. Si les EPCI sont, comme leur nom l’indique, des établissements publics et n’ont donc, à ce titre, pas de responsabilité immédiate à l’égard des électeurs, il est logique, comme l’a expliqué le Conseil constitutionnel dans son considérant de base, que le principe « un homme, une voix », qui joue à l’intérieur de la commune, se retrouve au niveau de l’intercommunalité puisqu’elle exerce des compétences communales. Telle est la contrainte qui nous a été fixée, et nous la respectons.
Comme cela a déjà été évoqué par Jacqueline Gourault et par plusieurs orateurs, de nombreux regroupements et de nombreuses fusions d’intercommunalités sont en train de se nouer en cette fin d’année. De ce point de vue, la question du calendrier est délicate : il ne faut pas nourrir l’illusion que la proposition de loi – je fais confiance au Gouvernement, qui a été très positif, pour faire en sorte qu’elle entre en vigueur rapidement – offrira des solutions immédiates à des difficultés qui se poseront, pour les plus importantes fusions, au cours du prochain mois ou, au plus tard, au début du mois de décembre.
Il n’empêche que le présent texte comporte de bonnes mesures, sur lesquelles nous convergerons facilement. Je pense à l’extension de la taille des conseils, notamment dans les zones rurales, où les conseils, loin d’être pléthoriques, restent de dimension raisonnable.
Avec Jacqueline Gourault, nous avions réfléchi à une amélioration supplémentaire, qui aurait consisté à appliquer autrement le barème permettant de comparer la représentativité des différentes communes, en écartant les communes bénéficiant du minimum en la matière. Le Gouvernement nous a fait observer que cette solution était risquée en termes d’égalité des suffrages, raison pour laquelle nous ne sommes pas allés plus loin. L’amélioration sera donc limitée.
Je veux tout de même souligner que, comme le calcul s’opère sur la base d’un système de proportionnelle à la plus forte moyenne, la création de sièges supplémentaires et leur répartition suivant un barème qui tient compte de la population bénéficie souvent aux communes les plus peuplées. Ce n’est d'ailleurs pas du tout illégitime lorsque la ville-centre s’est trouvée largement mise en minorité du fait de l’élargissement de l’intercommunalité à de nombreuses communes rurales. Cependant, il faut savoir que le système ne va pas bénéficier qu’aux plus petites communes : il profitera souvent à celles qui sont situées dans les tranches intermédiaires ou supérieures de population.
La proposition de loi comporte d’autres améliorations utiles. Nous devons donc, me semble-t-il, la saluer.
Pour conclure, je veux revenir sur le mouvement de regroupement auquel nous venons d’assister. Il a dépassé, dans certains départements, l’objectif fixé par le Parlement. Je rappelle que, après de longues discussions, nous nous étions mis d’accord sur un seuil de population à 15 000 habitants, un peu au-delà – mes propos sont mesurés – de la volonté exprimée du législateur, laquelle résultait d’un compromis trouvé dans un certain nombre de départements, souvent sur l’initiative des préfets, mais aussi, parfois, sur l’initiative de certains leaders locaux. Or on voit aujourd'hui des regroupements si grands que les intercommunalités qui en découlent ne sont plus guère visibles pour les communes qui en sont membres. De tels regroupements peuvent s’avérer heureux, mais ils ne manqueront pas, dans certains cas, de poser des problèmes de sentiment d’appartenance et de viabilité des intercommunalités concernées.
Il me semble donc que nous devons déjà penser à fixer des rendez-vous afin de trouver des correctifs, compte tenu du caractère parfois excessif et déroutant, pour les communes – qui, par définition, sont la base de l’intercommunalité –, de certains regroupements, probablement un peu trop larges. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains. – Mme Jacqueline Gourault ainsi que MM. Vincent Capo-Canellas et Jean-Claude Requier applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis six ans, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen n’ont cessé de s’opposer à l’intercommunalité imposée, inscrite dans la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales et renforcée par les lois de 2012, 2014 et 2015.
Ces réformes se sont inscrites dans le contexte de réductions budgétaires drastiques invitant chaque maire à réduire ses dépenses, ce qui a eu des conséquences lourdes sur la qualité de services publics pourtant indispensables aux besoins des populations.
Nous nous sommes toujours opposés à tout ce qui peut contribuer à la suppression de la commune, que ce soit sur le plan budgétaire, sur le plan fonctionnel ou sur celui des compétences. N’en déplaise aux grands argentiers, aux partisans coûte que coûte de la réduction des dépenses publiques, 36 000 communes, c’est une chance pour la France. Ce sont autant de foyers de démocratie, qui constituent les véritables piliers de la République.
Le besoin d’aménager les règles de vie de l’intercommunalité dont témoigne la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui exprime bien à quel point les réformes que j’ai citées ont été impulsées de manière trop technocratique, sans suffisamment tenir compte de l’avis des élus locaux et des citoyens.
Principe de réalité oblige, nous ne pouvons que nous inscrire dans la volonté d’améliorer le fonctionnement des intercommunalités, en leur donnant les capacités de faire vivre leur projet de territoire.
L’article 1er du texte, qui constituait le principal enjeu de la version initiale, caractérise bien à quel point les élus locaux ont besoin de plus de liberté dans les mécanismes de gestion des intercommunalités. En effet, le tableau de répartition de la loi de 2010 cadenasse les possibilités de représentation des différentes communes au sein de l’intercommunalité. Cet article va donc dans le sens d’un fonctionnement plus démocratique, mais, si le texte améliore la loi, la volonté de cadrage de la commission montre la réticence à laisser aux élus locaux plus de liberté pour s’organiser.
Pourtant, la démonstration a été faite, au fil des années, de la capacité des élus à innover pour mieux répondre à leurs concitoyens.
En fait, la difficulté à laquelle nous sommes confrontés est la tendance des intercommunalités à rassembler de plus en plus de communes, sans que cela réponde véritablement à un choix de territoire. À cet égard, je partage complètement les propos qu’a tenus notre collègue Alain Richard à la fin de son intervention : les intercommunalités ont atteint une dimension qui ne permet pas aux élus de se retrouver dans ces territoires.
L’article 2, en alignant le régime indemnitaire des conseillers communautaires délégués des communautés de communes sur celui des autres EPCI, va également dans le bon sens.
Cependant, je veux attirer votre attention sur la nécessité de mettre en place un véritable statut de l’élu, donnant la capacité aux actifs de participer à la vie de la collectivité. Si elle marque un progrès, la mesure proposée reste insuffisante pour permettre à chacune et chacun d’être réellement en mesure d’exercer un mandat dans des conditions optimales. Nous restons persuadés que la mise en place du statut de l’élu constituerait une étape fondamentale dans l’avènement du renouveau démocratique dont notre pays a besoin.
Permettez-moi à présent de m’attarder sur les mesures qui ont été insérées par la commission des lois. Je veux évoquer particulièrement les articles 6 et 7.
En instituant, dans la prise de certaines décisions d’intérêt intercommunautaire, un vote non plus de la majorité qualifiée du conseil, mais de la majorité des suffrages, l’article 6 nous semble pénaliser les élus absents et, de ce fait, les petites communes, qui, bien souvent, n’ont qu’un seul élu.
Enfin, l’article 7 supprime la nécessité, pour la communauté, de recueillir l’accord de ses communes membres avant l’adhésion de la communauté à un syndicat mixte. Sous couvert d’une « simplification de la procédure » et d’une « facilitation » de la réorganisation des compétences dans le cadre de la révision des cartes intercommunales, cette proposition va à l’encontre du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Je rappelle que les conseillers communautaires sont les représentants des communes. Il me semble donc important de conserver cette relation.
Initialement, cette proposition de loi répondait à un véritable besoin des élus locaux. Le texte comportait au départ deux mesures pragmatiques, bien qu’insuffisantes, allant dans le sens d’intercommunalités de coopération.
Malgré la subsistance d’un certain nombre de mesures intéressantes, je ne peux que déplorer le changement opéré par la commission des lois. Cela participe d’une vision de l’intercommunalité, inscrite dans les textes depuis six ans, à laquelle nous ne pouvons souscrire et qui tend à engager peu à peu un processus d’effacement des communes.
Nous continuons de porter une vision de l’intercommunalité choisie sur la base de projets répondant aux besoins des populations et des territoires. Une vision démocratique, respectueuse du principe constitutionnel de non-tutelle d’une collectivité sur une autre et du maintien de la place des communes dans la vie démocratique.
Nous regrettons ces articles 6 et 7 qui ne nous permettent pas de voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, la révision des schémas départementaux de coopération intercommunale prescrite par la loi NOTRe du 7 août 2015 doit conduire à la mise en place, au 1er janvier 2017, d’environ 1 200 communautés de communes et d’agglomération.
Les communes concernées disposent d’un délai de trois mois à compter de l’arrêté préfectoral de périmètre, sans pouvoir aller au-delà du 16 décembre 2016, pour s’accorder sur la composition du conseil communautaire.
Pour un certain nombre d’entre nous, élus communautaires, la mise en place de cette nouvelle carte ne va pas sans engendrer de nombreuses difficultés localement.
Aussi, je me félicite de l’initiative de nos collègues Jacqueline Gourault et Mathieu Darnaud, qui cherche, au travers de cette proposition de loi, à renforcer l’égalité des collectivités devant le droit et à faciliter l’évolution des périmètres intercommunaux en améliorant certaines dispositions relatives à la composition des assemblées intercommunales et à l’indemnisation des conseillers communautaires délégués.
Il est important de souligner aussi l’excellent travail du rapporteur de la commission des lois, notre collègue Catherine Di Folco, qui a également permis de compléter utilement ce dispositif.
La gouvernance et le pacte financier sont au cœur des préoccupations des élus locaux. Chacun de nous peut constater, dans son département, que les nouveaux périmètres intercommunaux sont sujets à interrogations, voire à polémiques. Il importe donc de faciliter la mise en œuvre d’accords locaux.
Je me réjouis de voir que le Sénat, à travers ce texte, cherche à améliorer le jeu des règles encadrant ce dispositif.
Comme vous le savez, en l’absence d’accord, la loi dispose que le nombre de sièges à répartir entre les communes est inférieur au nombre de sièges disponibles.
Ce résultat provient de l’impossibilité de répartir les sièges disponibles au moyen des diverses combinaisons auxquelles ils peuvent donner lieu en se conformant à la totalité des critères fixés par la loi pour respecter le principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage.
Par ailleurs, le rapport démographique entre les communes constitue une autre difficulté entre très petites communes et communes intermédiaires ou entre communes-centres et petites communes.
Compte tenu de la grande disparité en termes de population et des nombreuses spécificités des territoires, les modalités d’accord doivent être assouplies pour remédier, par la création de sièges supplémentaires, aux difficultés techniques de mise en œuvre de l’accord local.
Dans le respect du principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage, l’introduction d’un double plafond tenant compte de la diversité d’effectif communal et de peuplement des périmètres intercommunaux devrait permettre de régler un grand nombre de situations aujourd’hui inextricables.
Outre la possibilité d’indemniser les élus ayant une délégation dans le respect de l’enveloppe indemnitaire globale, on peut légitimement se réjouir des autres mesures visant à faciliter la vie communautaire : report au 30 avril 2017 de la date limite d’adoption du budget ; unification du régime de la suppléance ou encore clarification du format de la compétence intercommunale en matière de politique locale du commerce.
La détermination de la majorité requise pour la définition de l’intérêt communautaire a donné lieu à des différences d’interprétation dans bon nombre de territoires.
C'est pourquoi les nécessaires précisions introduites par ce texte sont de nature à assouplir les conditions de majorité en calculant les deux tiers du conseil communautaire par rapport aux suffrages exprimés et non plus en fonction de l’effectif des membres composant le conseil, comme le prévoit la loi NOTRe.
Par ailleurs, je me réjouis que ce texte supprime l’obligation faite aux communautés de communes de recueillir l’accord de leurs communes membres pour adhérer à un syndicat mixte. À ce jour, plus de 80 % des projets de fusion ont été validés par les communes et près de 20 % ont donc été rejetés par les élus.
Le calendrier, tel qu’il a été validé, n’a laissé que très peu de temps aux exécutifs locaux pour réellement anticiper l’organisation des différentes compétences de proximité ou la gestion des ressources humaines, par exemple. Les cinq années prévues pour harmoniser les taxes et les modes de gestion ne seront pas de trop pour finaliser un dispositif cohérent et efficace.
L’intercommunalité doit rester un projet de territoires dans lequel le rôle des communes reste fondamental. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi tendant à faciliter la mise en place et le fonctionnement des intercommunalités
Article 1er
Le 2° du I de l’article L. 5211–6–1 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au a et pour permettre l’application du présent 2°, le nombre total de sièges répartis entre les communes est, le cas échéant, augmenté sans pouvoir excéder de plus de 45 % celui qui serait attribué en application des III et IV du présent article et dans la limite de dix sièges supplémentaires par rapport à l’effectif résultant du a. »
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Comme M. le ministre me le rappelait voilà quelques instants, il s’agit du septième texte en deux ans qui vise à modifier le régime des intercommunalités. Cela fait tout de même beaucoup et je plains nos malheureux maires de devoir sans arrêt reconsidérer les règles applicables.
Je voudrais aussi souligner que, pour faire bien fonctionner une intercommunalité, il faut rechercher non pas des minorités de blocage, mais des majorités motrices. À cet égard, si la question de la représentation de chaque commune est importante, elle n’est tout de même pas essentielle.
Les intercommunalités qui marchent bien ne fonctionnent pas avec une majorité et une opposition, mais dans le consensus des communes. C’est ce que nous pratiquons les uns et les autres dans de très nombreuses intercommunalités.
Il me paraît également important de dire que les établissements publics de coopération intercommunale ne sont pas des collectivités locales. Ce sont des associations ou des fédérations de communes, sous le statut d’établissement public. Il est donc légitime de tenir compte du nombre d’habitants des communes membres pour déterminer le nombre de représentants de chacune de ces communes, mais ce ne devrait pas être le critère principal, sauf à dénaturer l’intercommunalité elle-même.
Le Conseil constitutionnel n’a malheureusement pas la même approche. Il fait application d’une jurisprudence qui n’a pas été forgée pour l’intercommunalité, mais pour les circonscriptions – circonscriptions législatives, circonscriptions d’assemblées territoriales d’outre-mer ou circonscriptions de cantons… Or ce n’est pas du tout la même question qui est posée quand il s’agit de déterminer le nombre de sièges par communes dans les conseils communautaires.
Face à cette interprétation du Conseil, que je crois, sinon tout à fait excessive, à tout le moins exagérément extensive, du principe d’égalité devant le suffrage, la seule solution est de pondérer ce principe par un principe de représentation équitable des territoires.
Mes chers collègues, je voudrais vous rappeler que, sur mon initiative et celle du président Larcher, vous avez adopté, le 3 février 2015, par une majorité de 205 suffrages sur 345 suffrages exprimés, une proposition de loi constitutionnelle. Or ce texte n’a toujours pas été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement ? Cette proposition de loi constitutionnelle est la seule solution qui nous reste ouverte pour apporter réellement de la souplesse aux accords locaux afin de composer les conseils communautaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, sur l'article.
M. Daniel Gremillet. C’est avec amertume que je souhaiterais m’exprimer et redire mon étonnement face à une réforme territoriale menée en dépit du bon sens. Le Sénat avait pourtant tiré la sonnette d’alarme au moment de l’examen de cette réforme.
Nous avions notamment insisté sur la nécessité de doter les territoires d’intercommunalités pertinentes, sur la base des bassins de vie, des identités partagées et des projets.
Mais les calculs mathématiques l’ont emporté. Pour quel résultat ? Aujourd’hui, les élus locaux sont nombreux à dénoncer un calendrier à marche forcée et la difficulté des questions à résoudre. Ils sont bien souvent animés, tout comme nos concitoyens, d’un véritable sentiment d’incompréhension et d’abandon, notamment dans les territoires ruraux.
La procédure du « passer outre » conduit notamment à des situations de blocage et à de tensions dans les territoires. Nous avons tous pu le constater dans nos départements respectifs.
La problématique reste donc entière : il nous faut desserrer le carcan et permettre l’émergence de collectivités de proximité et de projets en confortant la place des communes au sein de cette nouvelle gouvernance et en jouant sur la complémentarité entre les territoires.
En ce sens, je salue l’initiative portée par Jacqueline Gourault et Mathieu Darnaud, en particulier l’article 1er de cette proposition de loi qui vise à majorer le nombre de sièges afin de garantir non seulement que toutes les intercommunalités auront la capacité de conclure un accord local positif, mais aussi l’équité de traitement des territoires.
Ce texte a le mérite de proposer une nouvelle voie. L’appréciation des territoires doit pouvoir s’opérer au-delà des calculs démographiques, et dire cela au Sénat a tout son sens.
Dans les Vosges, nous passons de 27 structures intercommunales à 11 structures et je peux vous assurer que les choses sont bien compliquées.
Je salue également les travaux menés par Mme la rapporteur Catherine Di Folco, qui propose une augmentation raisonnable et plafonnée du panier de sièges à répartir par la voie de l’accord local en faveur d’une participation effective de toutes les communes et de leurs représentants.
Les élus ne disposent plus que de quelques semaines pour anticiper les enjeux liés à l’évolution de la carte intercommunale. Dans ces conditions, quel avenir pour cette proposition de loi ? Quelle capacité auront les élus de corriger la répartition des sièges ?
Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud, sur l'article.
M. Mathieu Darnaud. Je voudrais à mon tour saluer l’initiative de Jacqueline Gourault, à laquelle je me suis volontiers joint.
Si le président du Sénat et le président de la commission des lois ont souhaité que nous menions une mission de contrôle et de suivi de l’ensemble des lois de réforme territoriales, c’est justement pour corriger les « fautes de frappe » évoquées par M. Poher et, plus encore, les blocages qui se font jour sur l’ensemble de nos territoires.
Nous sommes allés à la rencontre des élus, qui nous ont fait part des problèmes rencontrés, notamment dans l’application de la loi NOTRe. Ce texte a pour vertu principale de chercher à y répondre de manière très pragmatique.
Si l’on peut corriger les « fautes de frappe » ou les problèmes que je viens d’évoquer, seul le temps ne se rattrape pas.
J’ai entendu, monsieur le ministre, votre volonté de donner un écho favorable à ce texte. J’aurais toutefois préféré, je le dis sans malice aucune, que la proposition de M. Mézard qui visait à accorder un peu plus de temps à la constitution des communautés de communes et d’agglomération sans remettre en cause le périmètre ni les travaux des commissions départementales de la coopération intercommunale soit acceptée.
Le calendrier est aujourd’hui si serré qu’il engendre de nouveaux problèmes en raison du retard pris par certaines CDCI dans leurs travaux.
Je regrette que le présent texte, qui apporte de réelles solutions, même s’il ne règle pas tout, se retrouve lui aussi confronté à ce problème de calendrier. Nous devons prendre ce problème à bras-le-corps.
Mme la présidente. L'amendement n° 11, présenté par Mme Di Folco, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
Par dérogation au a et pour permettre l'application du présent 2°,
par les mots :
Lorsque l'application des premier à neuvième alinéas du présent 2° ne permet pas de répartir plus de sièges que le nombre résultant, dans le cadre du 1°, de l'application des III à V,
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Il s’agit d’une précision rédactionnelle : le surplus de sièges ouvert par l'article 1er ne peut être utilisé que si les règles encadrant l'accord local ne permettent pas de répartir plus de sièges que le nombre résultant, dans le cadre du droit commun, de l'application du tableau, des sièges de droit et des 10 % supplémentaires prévus lorsque plus de 30 % de l'effectif sont des sièges de droit.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable, car cet amendement complète utilement le dispositif de double plafonnement adopté en commission des lois.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l'article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 2 rectifié quater, présenté par MM. Canevet, Bonnecarrère, Cadic, Kern, Médevielle, Longeot, Maurey et D. Dubois, Mmes Gatel et Loisier, MM. Guerriau et Bockel et Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2° du I de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de fusion de communautés de communes ou d’agglomération dont certains membres sont titulaires d’un mandat en cours, celles-ci peuvent choisir, jusqu’à échéance de celui-ci et dans le respect des modalités prévues au présent 2°, d’agréger l’ensemble de leurs sièges. Dans tous les cas, le montant cumulé des indemnités des membres de l’organe délibérant de la nouvelle communauté de communes ou communauté d’agglomération ne peut excéder le montant cumulé des indemnités maximales auxquelles auraient droit les membres de l’organe délibérant composé dans les conditions prévues au I du présent article. »
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Nous avons constaté dans les territoires que les processus de regroupement à marche forcée généraient souvent des insatisfactions chez les élus.
Et pour cause, un certain nombre d’entre eux ont été choisis par les électeurs en 2014 pour siéger à la fois au conseil municipal et, pour un grand nombre d’entre eux, au conseil communautaire en raison du fléchage.
Or, deux ans après le début de leur mandat, on leur demande d’y renoncer parce que le regroupement des collectivités engendre une baisse significative du nombre d’élus.
Pour inciter au regroupement des communes sous la forme de communes nouvelles, un système simple a été mis en place : l’ensemble des effectifs des conseils municipaux des communes agrégées a été conservé jusqu’à la fin du mandat, ce qui a permis d’éviter qu’une partie de ceux qui s’étaient engagés dans la vie de leur commune ne doivent renoncer à leur mandat en cours d’exercice et ne deviennent de véritables laissés-pour-compte.
Il s’agit ici non pas d’un processus décidé démocratiquement, mais imposé au titre de l’application du schéma départemental de coopération intercommunale. Bien évidemment, ce dispositif ne doit pas conduire à des blocages. Il doit s’agir d’une faculté.
Tel est le sens de cet amendement qui tend à permettre aux conseils communautaires issus de fusions entre communautés de communes ou d’agglomération de conserver librement, dans le respect des règles de majorité qualifiée, l’ensemble des élus formant le conseil communautaire, ou une partie de l’ensemble des élus formant le conseil communautaire, jusqu’au terme de leur mandat.
Nous voulons éviter qu’un certain nombre d’élus ne soient « éjectés » de la nouvelle assemblée communautaire en raison de regroupements autocratiques. Liberté et autonomie doivent être laissées autant que possible aux collectivités territoriales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Je comprends votre préoccupation, monsieur le sénateur. L’interruption d’un mandat en cours est fâcheuse. Toutefois, comme nous l’avons souligné lors de la discussion générale, cette situation résulte de la mise en application de la loi dont le calendrier ne suit pas le rythme de renouvellement.
Cependant, on ne peut comparer cette situation à celle des communes nouvelles. En effet, dans ce dernier cas, il s’agit d’un mandat initial – celui de conseiller municipal – qui peut être interrompu. Dans le cas de l’intercommunalité, c’est le mandat « fléché » qui est perdu, c’est-à-dire celui de conseiller communautaire. L’élu perd un mandat, mais en garde un autre. Il n’est donc pas déchu de tous ses mandats.
Contrairement à la composition transitoire du conseil municipal de la commune nouvelle regroupant les conseillers des communes fusionnées, l’agrégation au sein du conseil communautaire déséquilibrerait la représentation respective de chacune des communes membres au sein de l’intercommunalité et conduirait à la composition d’organes délibérants plutôt pléthoriques, ce qui ne paraît pas opportun. Nous nous sommes attachés, dans l’article 1er, à limiter également le nombre de conseillers communautaires.
Aussi, la commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Monsieur Canevet, vous proposez de permettre le maintien au sein d’un organe délibérant d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération issue d’une fusion l’ensemble des conseillers communautaires sortants jusqu’au terme de leur mandat.
Le Gouvernement est opposé à cet amendement en ce qu’il est contraire au principe de répartition des sièges selon des critères essentiellement démographiques déjà affirmé par le Conseil constitutionnel dans sa célèbre QPC Commune de Salbris.
Le dispositif actuel de répartition des sièges a été validé par le Conseil d’État et par le Conseil constitutionnel à plusieurs reprises. Il est donc sécurisé juridiquement.
Le Gouvernement ne souhaite pas y revenir, a fortiori à quelques semaines de l’entrée en vigueur des évolutions prévues dans le cadre des CDCI.
Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je serais contraint d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je soutiens cet amendement, dont l’application poserait toutefois un certain nombre de problèmes.
Il n’en reste pas moins que nous avons soulevé ici même, à plusieurs reprises, la question qui vient d’être posée.
En 2014, les citoyens ont démocratiquement voté pour des élus « fléchés ». Il s’agit d’une réalité, mais aussi d’un principe : normalement, on va au bout de son mandat, on ne le raccourcit pas. Or il n’en va pas de même pour eux : leur mandat va prendre fin le 1er janvier 2017.
Dans le même temps, d’autres élus, qui n’ont pas été « fléchés » par les électeurs en mars 2014, vont se retrouver conseillers communautaires.
Cette situation, tout à fait anormale, relève une fois de plus de l’incohérence absolue. J’évoquais ce matin, en commission, le capharnaüm qu’est devenue cette réforme territoriale.
Voilà une nouvelle démonstration de la réalité des problèmes sur lesquels nous avions attiré l’attention du Gouvernement à l’époque. Je sais combien le ministre, lorsqu’il siégeait dans nos rangs, était sensible à ces questions. Malheureusement, Mme Lebranchu ne nous a jamais écoutés.
Voilà la situation tout à fait anormale à laquelle nous arrivons. Il s’agit d’une situation totalement antidémocratique, car on ne respecte pas le choix des électeurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. J’ajouterai à l’argumentaire qui vient d’être développé par M. Mézard que beaucoup de conseillers communautaires sont très impliqués dans la vie de leur communauté. Or ils n’auront plus les mêmes responsabilités en revenant à l’échelon communal.
C'est pourquoi nous aussi, nous voterons cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. J’approuve totalement cet amendement, dont je suis l’un des cosignataires.
Je trouve absolument anormal de revenir sur une élection au suffrage universel. Il ne fallait pas alors mettre en place un tel fléchage en 2014.
Nous devons laisser aux intercommunalités qui se regroupent la liberté soit de renoncer à un certain nombre de représentants parmi eux, soit de leur permettre d’aller au bout de leur mandat.
Cet amendement me paraît judicieux et cohérent.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Je voudrais mettre en garde ceux qui sont favorables à cet amendement. Un tel dispositif peut fonctionner en milieu rural, pour une petite intercommunalité de dix ou douze communes. Dans ce cas, le conseil communautaire reste « gérable ».
Il n’en va pas de même dans une communauté d’agglomération constituée d’une commune-centre et de nombreuses autres communes. Le risque est alors de se retrouver avec un conseil communautaire ingérable en raison du trop grand nombre de personnes autour de la table.
Il faut réfléchir à tous les cas de figure. À population égale de la communauté d’agglomération, certaines structures vont regrouper dix communes quand d’autres en regrouperont cinquante. Ce ne sera donc pas du tout le même type de conseil.
C'est la raison pour laquelle je ne voterai pas cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je comprends bien l’intérêt de cet amendement et sa cohérence eu égard au fléchage des délégués communautaires.
Toutefois, j’ai une inquiétude. Nous sommes en fin de législature et je ne suis pas sûr qu’à compliquer le texte – Yves Détraigne a souligné les difficultés que pourrait soulever l’adoption de cet amendement – nous conservions les meilleures chances de faire aboutir cette proposition de loi en temps utile.
Comme l’a dit Mathieu Darnaud, il est déjà tard. Et s’il est tard, c’est parce que la proposition de loi de M. Mézard, qui nous aurait permis de reculer les échéances, n’a pas été adoptée.
M. Jacques Mézard. Le Gouvernement a refusé !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Les communautés de communes sont sur le point de se former. Si nous rentrons dans un processus de navette interminable sur ce point, je crie casse-cou !
Aussi, mes chers collègues, malgré l’intérêt de cet amendement, je vous recommande de ne pas l’adopter.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je partage totalement la sagesse du président.
Néanmoins, monsieur le président, puisque vous m’interrogez sur votre proposition de révision constitutionnelle, je ne crois pas qu’il soit dans les intentions du Président de la République de convoquer un Congrès à quelques mois de l’élection présidentielle.
Au-delà, je ne vais pas reprendre le débat avec mon excellent ami le président Mézard. Nous avons, des heures durant, débattu de l’opportunité ou non d’accorder un délai supplémentaire d’un an pour la composition des conseils communautaires et la définition des périmètres intercommunaux.
Nous sommes en désaccord, c’est ainsi. Lui a fait valoir ses arguments ; moi, j’ai fait valoir les miens, au nom du Gouvernement.
J’en ajouterai un, qui correspond davantage à ma personnalité : quand les choses sont difficiles, reculer l’échéance ne fait que les complexifier encore davantage.
C’est d’ailleurs ce que nous constatons sur le terrain. Monsieur Requier, dans votre beau département du Lot, par exemple, où les délais, beaucoup plus contraints, courent jusqu’à la fin de l’année, certains élus qui avaient pris des positions au sein de la CDCI ont changé d’avis et vont même jusqu’à combattre les positions qu’ils avaient prises voilà quelques semaines ou quelques mois.
À quelles situations allons-nous être confrontés si nous accordons un délai supplémentaire d’un an ? Si nous voulons simplifier les choses, nous devons respecter la loi et en appliquer les termes.
Je suis prêt à tout faire pour que cette proposition puisse prospérer, mais je voudrais rappeler au Sénat qu’elle a été déposée en mai et qu’elle ne vient en discussion qu’au mois d’octobre…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est le jeu des niches, monsieur le ministre !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Sénat n’a donc pas fait preuve de beaucoup de diligence pour accélérer le mouvement.
Mme Jacqueline Gourault. Les niches !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Si l’urgence était telle que je l’entends ce soir, entre le mois de mai et la mi-octobre, vous auriez eu le temps d’agir ! Car le Sénat n’est pas en vacances permanentes, même si quelques méchantes âmes prétendent le contraire. Le Sénat travaille beaucoup et bien, je l’ai dit.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Vous en savez quelque chose !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Bien entendu ! J’ai en effet contribué à tout cela pendant des années. Toutefois, on ne peut pas dire que, pour ce qui concerne l’ordre du jour, le Sénat ait beaucoup précipité les choses.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Le Gouvernement n’a pas beaucoup aidé !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Enfin, je le précise, l’interruption des mandats a été jugée constitutionnelle par le Conseil d’État, qui n’a pas transmis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur ce sujet, à l’occasion de l’adoption du schéma régional de coopération intercommunale en Île-de-France. (M. le président de la commission des lois s’exclame.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 7 rectifié ter, présenté par MM. Boulard, F. Marc, J.C. Leroy, Vaugrenard, Montaugé, Cabanel, Courteau, Manable et Duran, Mme Emery-Dumas, M. Bigot et Mme Schillinger, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsque le périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale est étendu en application des dispositions des articles L. 5210-1-1, L. 5215-40 ou L. 5215-40-1 du code général des collectivités territoriales, le conseil de communauté peut être composé jusqu’à son prochain renouvellement général par un nombre de délégués différent de celui résultant de l’application du droit commun de l’article L. 5211-6-1 du même code. Ce nombre, fixé de telle sorte que chaque commune dispose au moins du même nombre de sièges que celui résultant de l’application du dernier renouvellement des assemblées délibérantes, est arrêté par accord des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes intéressées représentant les deux tiers de la population, la majorité qualifiée comprenant nécessairement le conseil municipal de la commune dont la population est supérieure à la moitié de la population totale ou, à défaut, de la commune dont la population est la plus importante.
Dans tous les cas, le montant cumulé des indemnités des membres de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale ne peut excéder le montant cumulé des indemnités maximales auxquelles auraient droit les membres de l’organe délibérant composé dans les conditions prévues au I de l’article L. 5211–6–1 précité.
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. L’objet de cet amendement étant identique à celui de l’amendement précédent, la commission émet également un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 5211-7 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’organe délibérant de la commune peut également désigner des délégués supplémentaires ne bénéficiant pas de voix délibérante. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Dans les grandes intercommunalités futures, les petites communes ne seront souvent représentées que par le maire de la commune. Or celui-ci ne peut assister à l'ensemble des travaux des différentes commissions. Aussi, afin d'améliorer la qualité de ces travaux et des décisions des intercommunalités, cet amendement prévoit la possibilité de désigner des délégués des communes n'ayant pas voix délibérante, qui pourront assister aux différentes réunions de l'intercommunalité.
Il s’agit d’une demande locale émanant d’un certain nombre de maires ruraux, qui se sentent submergés. Un seul délégué ne peut pas tout suivre.
Par ailleurs, au regard du fonctionnement démocratique, le fait que des adjoints délégués dans un domaine puissent représenter la commune au sein de l’intercommunalité, certes sans voix délibérative, constituerait une avancée, qui ne bousculerait rien. Ceux qui seraient écartés pourraient quand même continuer d’assister aux travaux de l’intercommunalité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Je comprends votre préoccupation, mon cher collègue. Parfois, au sein de l’organe communautaire, il n’y a effectivement qu’un seul représentant par commune.
Toutefois, il est tout à fait possible de remédier à ce problème sans passer par la voie législative, en créant notamment des comités consultatifs, qui sont adjoints à une commission de travail, en puisant dans les conseils municipaux. Cela fonctionne très bien.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Monsieur Labbé, même s’il n’y a qu’un seul délégué communautaire par commune, des suppléants sont prévus par la loi.
Pour ce qui concerne les syndicats de communes, il ne semble pas utile de prévoir des délégués avec voix délibérative.
Sur le fond, cet amendement visant à modifier les dispositions applicables non pas aux EPCI à fiscalité propre, mais aux syndicats de communes, il ne permet pas d’atteindre le but que vous visez.
Par conséquent, pour ces raisons à la fois de forme et de fond, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Labbé, l’amendement n° 5 est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Madame la rapporteur, il est effectivement possible de créer des comités consultatifs. Pour ma part, je souhaite que l’ensemble des intercommunalités ait l’obligation de mettre en place de tels comités, afin que les élus communaux participent véritablement aux travaux de l’intercommunalité.
Ne l’oublions pas, avec le fléchage des conseillers communautaires, les intercommunalités ne bénéficient pas du même suffrage universel que les communes ! On sait l’importance, aux yeux de nos concitoyens, du maire, des adjoints et des conseillers municipaux. Une telle disposition permettrait de les associer fermement et obligatoirement.
J’en ai bien conscience, cela ne se décidera pas aujourd'hui. Mais peut-être serai-je à même, à l’avenir, de vous présenter une proposition de loi en ce sens.
Quoi qu’il en soit, je vais retirer cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Me fondant sur ma propre expérience, mon propos ira dans le sens de Joël Labbé.
En tant que président d’une communauté d’agglomération, je suis engagé dans une fusion d’EPCI, qui n’est pas facile. Pour contourner la question de la disparition – c’est le terme qui convient – de certains délégués communautaires, nous avons mis en place une charte de gouvernance permettant de prévoir la participation des délégués communautaires qui disparaîtraient, voire des conseillers municipaux qui souhaiteraient s’intéresser à la vie de la communauté d’agglomération.
La proposition de Joël Labbé serait confortée si elle trouvait une place dans notre législation. Cela permettrait de créer un véritable sens communautaire, qui fait défaut à nos territoires, d’autant que ces derniers sont amenés à grandir, notamment à l’issue des regroupements que nous organisons.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je ne voulais pas rouvrir le débat, mais puisque M. Montaugé revient sur le sujet, je précise que l’article L. 5211–40 du code général des collectivités territoriales prévoit d’ores et déjà la possibilité d’associer les élus communaux aux commissions intercommunales.
Cet amendement est donc satisfait.
M. Joël Labbé. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 5 est retiré.
Article 2
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article L. 5214–8 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « ainsi que le II », sont insérés les mots : « et le III ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 2
Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par M. Grand, Mme Procaccia, MM. Bouchet et Huré, Mme Micouleau, MM. Raison, Perrin, Pinton, Panunzi, Pillet, Mandelli, Vasselle, B. Fournier, Milon et Chaize, Mmes Morhet-Richaud et Canayer, MM. Rapin, Houel, Cambon, Charon, Masclet, P. Leroy, Delattre, Savin, G. Bailly, de Raincourt et de Legge, Mme Deroche, MM. Mayet, Laufoaulu, Lemoyne et Chasseing, Mme Giudicelli, M. Laménie et Mme Lamure, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 5° de l’article L. 5211-43 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les sénateurs du département peuvent assister, sur leur demande, à toute réunion de la commission départementale de la coopération intercommunale. »
La parole est à Mme Brigitte Micouleau.
Mme Brigitte Micouleau. En vertu de l’article 24 de la Constitution, le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République.
Par ailleurs, la loi organique n° 2014–125 du 14 février 2014 interdit le cumul de fonctions exécutives locales avec un mandat de député ou de sénateur à compter de 2017.
Il est donc proposé que les sénateurs puissent désormais assister officiellement aux réunions de la commission départementale de la coopération intercommunale, la CDCI, de leur département d’élection. Les séances des CDCI sont ouvertes au public, mais ne permettent pas aux sénateurs de participer aux débats sans voix délibérative.
Il s’agit donc de permettre aux sénateurs de veiller à la bonne application de la loi au niveau local et ainsi d'éclairer les membres de la commission de la volonté du législateur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Rien n’interdira aux sénateurs, après le 1er janvier 2017, de siéger dans une CDCI. Ils seront peut-être conseillers municipaux…
Par ailleurs, un sénateur peut, à tout moment, demander à participer à la CDCI, comme on a d’ores et déjà pu le constater. Il serait tout de même extraordinaire qu’on le lui refuse !
J’émets donc un avis défavorable, tout en saluant la constance de notre collègue Jean-Pierre Grand, qui a déjà déposé plusieurs fois cet amendement, chaque fois rejeté.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Madame la sénatrice, cet amendement est satisfait, dans la mesure où les séances, vous l’avez vous-même souligné, sont publiques. Par conséquent, les sénateurs, comme les députés ou les autres personnes qui le souhaitent, peuvent y assister.
Certes, l’objet de cet amendement va un peu plus loin, en précisant que les séances de la CDCI « ne permettent pas aux sénateurs de participer aux débats sans voix délibérative ». L’amendement lui-même, en revanche, vise simplement à préciser que « les sénateurs du département peuvent assister […] à toute réunion de la commission départementale de la coopération intercommunale ». Or tel est déjà le cas.
Cet amendement étant satisfait, je vous demande donc, madame Micouleau, de bien vouloir le retirer.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je veux d’abord saluer cette proposition de loi, qui, si elle ne règle pas tous les problèmes, vise à satisfaire les souhaits des petites communes et de leurs maires, souvent découragés par le chamboulement dont il est ici question et leur nouvelle représentation dans les EPCI.
Ensuite, pour en revenir à cet amendement, les sénateurs sont souvent maires ou représentés à la CDCI, à la suite d’une désignation par le préfet, sur proposition de l’Association des maires. Toutefois, à l’avenir les sénateurs ne seront plus maire. Il serait pourtant souhaitable qu’ils puissent continuer à être membres de la CDCI ou tout du moins y être présents, pour donner leur avis. Je suis donc favorable à cet amendement.
Vous dites, monsieur le ministre, que les sénateurs ont le droit d’assister aux séances de la CDCI. Jusqu’à présent, tel n’était pas le cas.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Je comprends l’esprit de cet amendement. Il serait en effet de bon ton que le préfet invite les sénateurs à la CDCI. Mais s’il les invite à être dans le public, c’est un peu gênant. Il serait préférable qu’il les invite, comme cela se fait parfois, à s’installer autour de la table et à intervenir, sans voter.
Si cet amendement ne devait pas être adopté, il faudrait inciter les préfets à agir en ce sens.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. J’ai bien entendu les arguments selon lesquels les sénateurs peuvent assister aux réunions de la CDCI dans le public.
Toutefois, le fait d’en être un acteur me paraît revêtir une autre signification. J’estime d’ailleurs que cet amendement ne va assez loin. Selon moi, les sénateurs devraient être membres de droit des commissions départementales de la coopération intercommunale.
En effet, dans le cadre d’un débat sur l’évolution de la collectivité territoriale, il est préférable d’être acteur, là où les choses se font. Pour ma part, en tant que premier assesseur de ma CDCI, je peux vous dire qu’il y a eu beaucoup à apprendre dans le cadre des échanges qui ont eu lieu en vue de la construction des schémas départementaux. S’éloigner du terrain et perdre la capacité, en raison du non-cumul des mandats, d’être proche des réalités ne me paraît pas une bonne chose.
Je ne suis d’ailleurs pas favorable à la loi qui nous interdira, demain, d’exercer une fonction exécutive de maire. C’est la raison pour laquelle cet amendement a du sens à mes yeux, bien qu’il n’aille pas assez loin.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Il serait tout de même curieux que je n’intervienne pas, pour démontrer une fois de plus – je suis sûr que j’aurai le soutien de M. le ministre – l’absurdité de la loi sur le non-cumul.
Cette absurdité a d’ailleurs conduit nos collègues du groupe socialiste et républicain à présenter en commission une proposition de loi visant à pallier les errements qu’elle engendre sur ce problème spécifique. Bien évidemment, j’avais rappelé, et notre collègue Mathieu Darnaud l’a souligné à l’instant, que l’assassin revient toujours sur les lieux de son crime ! (Sourires. – M. Georges Labazée s’exclame.)
Nous avons déjà défendu devant la Haute Assemblée, par voie d’amendement, la nécessité pour les sénateurs, en application de l’article 24 de la Constitution, d’être présents, avec voix délibérative, dans les CDCI. Cela a été rejeté ! Je me souviens encore de la position exprimée par le Gouvernement. Je précise que vous n’êtes pas en cause, monsieur le ministre.
Il y a effectivement là un réel problème. À force de vouloir écarter les parlementaires de la vie locale, on aboutit à une nouvelle incohérence. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Luche applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Bouchet, pour explication de vote.
M. Gilbert Bouchet. Je suis cosignataire de cet amendement. Dans mon département, la Drôme, lors des dernières consultations, il n’a pas été fait appel aux sénateurs, et j’ai été évincé. Pourtant, selon moi, nous devrions pouvoir non pas siéger, mais avoir une voix délibérante au sein des CDCI.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Je veux également témoigner en faveur de cet amendement, que je n’ai pas cosigné. Je pensais en effet que le fait de le cosigner me faisait confirmer un accord concernant la loi sur le non-cumul. Or, en la matière, je partage la position du président Mézard.
Cependant, tous les arguments avancés en faveur de cet amendement sont bons. Rappelons que, souvent, dans les territoires, les présidents des intercommunalités, notamment dans les difficultés qu’ils rencontrent pour fusionner et faire évoluer les structures, font appel aux sénateurs, et parfois aux députés, pour les aider à éclaircir un certain nombre de situations.
Il faut donc être cohérent. Puisqu’on a donné la possibilité aux intercommunalités d’avoir un échange privilégié avec leur sénateur, il faut que celui-ci puisse participer aux débats !
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Gourault. Je suis conseillère communautaire de base, et je suis à la CDCI. Je le répète, car Mme la rapporteur l’a déjà dit, il n’est pas besoin d’être maire, ou d’avoir un mandat exécutif, pour siéger à la CDCI !
Ce texte ne peut, un certain nombre d’orateurs l’ont dit, accueillir toutes les revendications. Sinon, il n’aboutira pas.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Nous discutons fort longuement d’un amendement qui, en vérité, mes chers collègues, n’a pas la portée que vous voulez lui donner, puisqu’il ne prévoit pas que l’on puisse participer en tant que parlementaire à la CDCI. Il vise simplement à indiquer que les sénateurs peuvent y assister. Or tel est d’ores et déjà le cas !
J’en suis convaincu, l’adoption de cet amendement ne servirait à rien. S’il s’agissait de faire des sénateurs des membres à part entière de la CDCI, on pourrait en discuter. Au demeurant, je n’y serais pas favorable non plus. En l’occurrence, il s’agit seulement d’assister à la CDCI, alors que tel est déjà le cas, les réunions étant publiques.
Mes chers collègues, je vous prie instamment de ne pas adopter cet amendement, qui alourdirait encore ce texte et diminuerait ses chances d’aboutir dans le cadre du processus législatif.
Mme la présidente. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme Gourault et M. Darnaud, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le 4° du I de l’article L. 5214-16 est ainsi rédigé :
« 4° Création, aménagement, entretien et gestion des aires d’accueil des gens du voyage » ;
2° Le 6° du I de l’article L. 5216-5 est ainsi rédigé :
« 6° Création, aménagement, entretien et gestion des aires d’accueil des gens du voyage » ;
3° Le 7° du I de l’article L. 5215-20 est ainsi rédigé :
« 7° Création, aménagement, entretien et gestion des aires d’accueil des gens du voyage » ;
4° Le 13° du I de l’article L. 5215-20-1 est ainsi rédigé :
« 13° Création, aménagement, entretien et gestion des aires d’accueil des gens du voyage » ;
5° Le d du 3° du I de l’article L. 5217-2 est ainsi rédigé :
« d Création, aménagement, entretien et gestion des aires d’accueil des gens du voyage ».
La parole est à M. Mathieu Darnaud.
M. Mathieu Darnaud. La compétence obligatoire « aménagement, entretien et gestion des aires d’accueil des gens du voyage » des communautés de communes, communautés d'agglomération, communautés urbaines et métropoles de droit commun est source d’ambiguïté. Une interprétation stricte de la loi pourrait conduire à considérer que la création de ces aires continue de relever des communes et non du groupement dont elles sont membres.
Il s’agit donc simplement d’apporter une précision.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 2.
Article 3 (nouveau)
Le III de l’article 35 de la loi n° 2015–991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux articles L. 1612–3 et L. 1612–20 du code général des collectivités territoriales, l’organe délibérant de l’établissement public issu de la fusion adopte le budget pour l’année 2017 au plus tard le 30 avril 2017. »
Mme la présidente. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
Les I, II et III de l’article 35 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement vise à donner plus de temps aux élus locaux – cet aspect intéressera certainement M. le ministre – pour la mise en œuvre de la réforme de la carte intercommunale, en repoussant le délai d’adoption du budget pour toutes les nouvelles intercommunalités, qu’elles soient issues de fusion, de création ou de modification de périmètre d’EPCI.
L’article 3 de la présente proposition de loi permet de reporter du 31 mars 2017 au 30 avril 2017 la date limite d’adoption du budget 2017 dans les nouveaux EPCI à fiscalité propre issus uniquement d’une fusion.
Nous y sommes favorables, car les délais légaux d’adoption du budget des nouvelles intercommunalités sont bien trop courts pour permettre de régler sereinement les questions complexes de fiscalité ou de mécanique budgétaire.
Nous estimons cependant qu’il faut aller plus loin et étendre ces ajustements aux créations d’EPCI et aux modifications de périmètre d’EPCI, qui sont parfois tout aussi difficiles à conduire que les fusions.
Nous vous proposons donc, mes chers collègues, par le présent amendement, d’étendre le report du délai limite d’adoption du budget prévu à l’article 3 pour les fusions d’EPCI aux créations d’EPCI et aux modifications de périmètre d’EPCI.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Il s’agit d’une simplification : avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4 (nouveau)
Au début du dernier alinéa de l’article L. 5211–6 du code général des collectivités territoriales, les mots : « Dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération, » sont supprimés.
Mme la présidente. L'amendement n° 9 rectifié, présenté par Mme Di Folco, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…° Au début du huitième alinéa de l’article L. 5211-6-2, les mots :
Dans les communautés de communes et dans les communautés d’agglomération, sont supprimés.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5 (nouveau)
Le titre Ier du livre II de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Au 2° du I de l’article L. 5214–16, les mots : « politique locale du commerce et soutien aux activités commerciales d’intérêt communautaire » sont remplacés par les mots : « politique locale du commerce ; soutien aux activités commerciales d’intérêt communautaire » ;
2° Au 1° de l’article L. 5214–23–1, dans sa rédaction en vigueur au 1er janvier 2017, les mots : « politique locale du commerce et soutien aux activités commerciales d’intérêt communautaire » sont remplacés par les mots : « politique locale du commerce ; soutien aux activités commerciales d’intérêt communautaire » ;
3° Au 1° du I de l’article L. 5216-5, les mots : « politique locale du commerce et soutien aux activités commerciales d’intérêt communautaire » sont remplacés par les mots : « politique locale du commerce ; soutien aux activités commerciales d’intérêt communautaire ».
Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par Mme Di Folco, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cet amendement tire les conclusions de la réforme de la dotation globale de fonctionnement du bloc communal, selon laquelle, au 1er janvier 2017, les communautés de communes à DGF bonifiée seront supprimées.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Madame la rapporteur, il est prévu dans le projet de loi de finances pour 2017 de supprimer l’article 150 de la loi de finances du 29 décembre 2015.
Il me paraît donc préférable de retirer cet amendement, car le projet de loi de finances pour 2017, qui sera fatalement adopté avant que cette proposition de loi ait prospéré, permettra de régler la question.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Vous anticipez un peu !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. J’anticipe la possibilité que le projet de loi de finances soit voté, mais peut-être pas par le Sénat ! (Sourires.) Au demeurant, cela me semble plus simple au regard des objectifs que nous visons.
Mme la présidente. Madame la rapporteur, l’amendement n° 10 est-il maintenu ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 10 est retiré.
Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6 (nouveau)
Le titre Ier du livre II de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa du IV de l’article L. 5214-16 est complété par les mots : « des suffrages exprimés » ;
2° La première phrase du dernier alinéa du I de l’article L. 5215-20 est complétée par les mots : « des suffrages exprimés » ;
3° La première phrase du III de l’article L. 5216-5 est complétée par les mots : « des suffrages exprimés » ;
4° La première phrase du dernier alinéa du I de l’article L. 5217-2 est complétée par les mots : « des suffrages exprimés ».
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6.
Mme Marie-France Beaufils. Le groupe CRC vote contre !
(L'article 6 est adopté.)
Article 7 (nouveau)
L’article L. 5214–27 du code général des collectivités territoriales est abrogé.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7.
Mme Marie-France Beaufils. Le groupe CRC vote contre !
(L'article 7 est adopté.)
Article additionnel après l'article 7
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 13 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. –Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le sixième alinéa de l’article L. 2113-2 est ainsi rédigé :
« Lorsque les communes incluses dans le périmètre de la commune nouvelle envisagée appartiennent à des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre distincts, les délibérations des conseils municipaux précisent l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles souhaitent que la commune nouvelle soit membre. À défaut, elles sont réputées favorables au rattachement de la commune nouvelle à l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres. » ;
2° Le II de l’article L. 2113-5 est ainsi rédigé :
« II. – Lorsque la commune nouvelle est issue de communes contiguës membres d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre distincts, et qu’au moins la moitié des conseils municipaux des communes incluses dans le périmètre de la commune nouvelle représentant au moins la moitié de sa population ont délibéré en faveur de son rattachement à un même établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, le représentant de l’État dans le département saisit pour avis l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre en faveur duquel les communes constitutives de la commune nouvelle ont délibéré, ceux des autres établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont sont membres les communes constitutives de la commune nouvelle, ainsi que les conseils municipaux des communes membres de ces établissements, qui disposent d’un délai d’un mois pour se prononcer sur le rattachement envisagé.
« À défaut d’un souhait de rattachement formé dans les conditions de majorité prévues au premier alinéa, ou en cas de désaccord avec le souhait exprimé par les communes constitutives de la commune nouvelle, le représentant de l’État dans le département saisit la commission départementale de la coopération intercommunale, dans un délai d’un mois à compter de la dernière délibération intervenue en application de l’article L. 2113-2 ou, le cas échéant, de l’expiration du délai de trois mois prévu aux septième et huitième alinéas du même article, d’une proposition de rattachement de la commune nouvelle à un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Cette proposition est soumise pour avis par le représentant de l’État dans le département à l’organe délibérant de l’établissement auquel le rattachement est envisagé, aux autres organes délibérants des établissements dont sont membres les communes constitutives de la commune nouvelle, ainsi qu’aux conseils municipaux des communes membres de ces établissements, qui disposent d’un délai d’un mois pour se prononcer.
« En cas de désaccord avec le souhait de rattachement formulé par les conseils municipaux des communes constitutives de la commune nouvelle, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés ou leurs communes membres peuvent également, dans un délai d’un mois à compter de la dernière délibération intervenue en application de l’article L. 2113-2 ou, le cas échéant, de l’expiration du délai de trois mois prévu aux septième et huitième alinéas du même article, saisir la commission départementale de coopération intercommunale.
« En cas de saisine de la commission départementale de coopération intercommunale dans les délais précités, celle-ci dispose d’un délai d’un mois pour se prononcer.
« Lorsque cette saisine a été effectuée à l’initiative du représentant de l’État dans le département et, le cas échéant, des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés ou de leurs communes membres, la commune nouvelle ne devient membre de l’établissement proposé par les conseils municipaux des communes constitutives de la commune nouvelle que si la commission départementale se prononce en ce sens à la majorité des deux tiers de ses membres. À défaut, elle devient membre de l’établissement proposé par le représentant de l’État dans le département.
« Lorsque cette saisine a été effectuée à l’initiative des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés ou de leurs communes membres, la commission peut adopter, à la majorité des deux tiers de ses membres, un amendement proposant de rattacher la commune nouvelle à un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre que celui en faveur duquel ont délibéré ses communes constitutives.
« Cette proposition est soumise pour avis par le représentant de l’État dans le département à l’organe délibérant de l’établissement auquel la commission départementale propose que la commune nouvelle soit rattachée, aux autres organes délibérants des établissements dont sont membres les communes constitutives de la commune nouvelle, ainsi qu’aux conseils municipaux des communes membres de ces établissements, qui disposent d’un délai d’un mois pour se prononcer. À défaut, elles sont réputées favorables à la proposition de rattachement formulée par la commission départementale.
« La commune nouvelle n’est rattachée à l’établissement proposé par la commission départementale que si l’établissement concerné et au moins la moitié de ses communes membres, représentant la moitié de sa population, ont délibéré en faveur de ce rattachement.
« À défaut d’amendement adopté par la commission départementale à la majorité des deux tiers de ses membres, ou à défaut d’accord de l’établissement concerné et de la moitié de ses communes membres représentant la moitié de sa population, la commune nouvelle devient membre de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre proposé par les conseils municipaux des communes constitutives de la commune nouvelle.
« L’arrêté de création de la commune nouvelle mentionne l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elle est membre. Le retrait du ou des autres établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre s’effectue dans les conditions prévues à l’article L. 5211-25-1. Il vaut réduction du périmètre des syndicats mixtes dont le ou les établissements publics précités sont membres, dans les conditions fixées au troisième alinéa de l’article L. 5211-19. »
II. – Par dérogation aux articles L. 2113-2 et L. 2113-5 du code général des collectivités territoriales, lorsqu’une commune nouvelle est issue de communes appartenant à des établissements publics de coopération intercommunale distincts, qu’elle a été créée avant la publication de la présente loi et qu’elle n’a pas encore été rattachée à un seul et même établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, le conseil municipal de la commune nouvelle délibère dans un délai d’un mois à compter de la publication de la présente loi sur l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre auquel il souhaite que la commune nouvelle soit rattachée.
En cas de désaccord avec le souhait de rattachement de la commune nouvelle, le représentant de l’État dans le département saisit la commission départementale de coopération intercommunale, dans un délai d’un mois à compter de la délibération de la commune nouvelle, d’un projet de rattachement à un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.
Le projet de rattachement émis par la commune nouvelle et celui proposé par le représentant de l’État dans le département sont transmis pour avis par le représentant de l’État aux organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés ainsi qu’aux conseils municipaux de leurs communes membres, qui disposent d’un délai d’un mois pour se prononcer.
En cas de désaccord avec le souhait de rattachement formulé par la commune nouvelle, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés ou leurs communes membres peuvent également, dans un délai d’un mois à compter de la délibération de la commune nouvelle, saisir pour avis la commission départementale de coopération intercommunale.
En l’absence de saisine de la commission départementale de coopération intercommunale dans un délai d’un mois à compter de la délibération de la commune nouvelle sur son souhait de rattachement, le représentant de l’État prononce le rattachement de la commune nouvelle à l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre en faveur duquel son conseil municipal a délibéré. En cas de saisine dans les délais précités, la commission départementale de coopération intercommunale dispose d’un délai d’un mois pour se prononcer.
En cas de saisine de la commission départementale de coopération intercommunale à l’initiative du représentant de l’État dans le département, la commune nouvelle ne devient membre de l’établissement en faveur duquel elle a délibéré que si la commission départementale se prononce en ce sens à la majorité des deux tiers de ses membres. À défaut, elle devient membre de l’établissement proposé par le représentant de l’État.
Un arrêté du représentant de l’État dans le département prononce le rattachement de la commune nouvelle à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Jusqu’à l’entrée en vigueur de cet arrêté, par dérogation à l’article L. 5210-2, la commune nouvelle reste membre de chacun des établissements publics auxquels les communes appartenaient dans la limite du territoire de celles-ci, et les taux de fiscalité votés par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre auxquels les anciennes communes appartenaient continuent de s’appliquer sur le territoire de celles-ci.
Le retrait du ou des autres établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre s’effectue dans les conditions prévues à l’article L. 5211-25-1. Il vaut réduction du périmètre des syndicats mixtes dont le ou les établissements publics précités sont membres, dans les conditions fixées au troisième alinéa de l’article L. 5211-19.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Par cet amendement, il s’agit de tirer les conséquences de la censure du Conseil constitutionnel, dans sa décision du 21 octobre dernier, Communauté de communes des sources du lac d’Annecy et autre, qui a estimé que la procédure actuelle porte atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités, et ce pour deux motifs.
D’abord, la consultation des EPCI n’était pas prévue ; ensuite, la procédure ne donnait pas la possibilité aux EPCI de saisir la CDCI en cas de désaccord avec le souhait de rattachement à la commune nouvelle.
Cet amendement vise donc à réécrire les dispositions censurées, en les rendant conformes à la décision du Conseil constitutionnel.
Mme la présidente. L'amendement n° 12, présenté par Mme Di Folco, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 2113-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas mentionné au 1° , les délibérations des conseils municipaux des communes, lorsque celles-ci sont membres d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre distincts, précisent de façon concordante l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre auquel elles souhaitent que la commune nouvelle soit rattachée au moment de sa création, dans le respect des obligations, objectifs et orientations mentionnés aux I à III de l’article L. 5210-1-1. » ;
2° Le II de l’article L. 2113-5 est ainsi rédigé :
« II. – Sous réserve du dernier alinéa de l’article L. 2113-2, lorsque la commune nouvelle est issue de communes contiguës membres d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre distincts, le conseil municipal de la commune nouvelle délibère dans le mois de sa création sur l’établissement public dont elle souhaite être membre.
« Le représentant de l’État dans le département saisit pour avis les conseils municipaux des communes membres des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés ainsi que les organes délibérants de ces derniers du souhait de rattachement exprimé dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article L. 2113-2 ou au premier alinéa du présent II.
« À compter de cette saisine, les conseils municipaux et les organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre disposent d’un délai d’un mois pour se prononcer.
« À l’issue de ce délai, à défaut d’avis défavorable des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes membres des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés représentant la moitié au moins de la population totale de celles-ci ou la moitié au moins des conseils municipaux des communes membres des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés représentant les deux tiers au moins de la population totale de celles-ci, ou de l’organe délibérant d’un des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés, le représentant de l’État dans le département rattache, par arrêté, la commune nouvelle à l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre déterminé selon la procédure prévue au premier alinéa du présent II.
« À défaut, le représentant de l’État émet une proposition de rattachement de la commune nouvelle à un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, qu’il soumet pour avis aux conseils municipaux des communes et aux organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés. À compter de leur saisine, ceux-ci disposent d’un délai d’un mois pour se prononcer.
« À l’expiration du délai prévu à l’alinéa précédent, en cas d’avis défavorable du conseil municipal de la commune nouvelle ou des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes membres des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés représentant la moitié au moins de la population totale de celles-ci ou de la moitié au moins des conseils municipaux des communes membres des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés représentant les deux tiers au moins de la population totale de celles-ci, le représentant de l’État dans le département saisit la commission départementale de la coopération intercommunale de la proposition de rattachement de la commune nouvelle exprimée dans les conditions prévues au premier alinéa du présent II ainsi que, le cas échéant, de sa proposition de rattachement.
« La commission départementale de la coopération intercommunale dispose d’un délai d’un mois à compter de sa saisine pour se prononcer. La commune nouvelle ne devient membre de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre déterminé dans les conditions prévues au premier alinéa du présent II que si la commission départementale s’est prononcée en ce sens à la majorité des deux tiers de ses membres. À défaut, elle devient membre de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre proposé par le représentant de l’État dans le département.
« Un arrêté du représentant de l’État dans le département prononce le rattachement de la commune nouvelle à l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Jusqu’à l’entrée en vigueur de cet arrêté, par dérogation à l’article L. 5210-2, la commune nouvelle reste membre de chacun des établissements publics auxquels les communes appartenaient dans la limite du territoire de celles-ci. Jusqu’à l’entrée en vigueur de cet arrêté, les conseillers communautaires représentant les anciennes communes en fonction à la date de la création de la commune nouvelle restent membres de l’organe délibérant de l’établissement public et les taux de fiscalité votés par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre auxquels les anciennes communes appartenaient continuent de s’appliquer sur le territoire de celles-ci.
« Le retrait du ou des autres établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre s’effectue dans les conditions prévues à l’article L. 5211-25-1. Il vaut réduction du périmètre des syndicats mixtes dont le ou les établissements publics précités sont membres, dans les conditions fixées au troisième alinéa de l’article L. 5211-19. »
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cet amendement est très proche de celui que vient de présenter M. le ministre, même si sa rédaction diffère légèrement.
D’abord, il vise à remédier à une non-conformité à la Constitution, à la suite de la décision du 21 octobre 2016 du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité.
Ensuite, il permet de réparer une malfaçon technique résultant de l’article 7 de la loi tendant à permettre le maintien des communes associées, sous forme de communes déléguées, en cas de création d’une commune nouvelle, que nous avons adoptée hier.
Je retire cet amendement, au profit de l’amendement n° 13 rectifié, sur lequel j’émets bien sûr un avis favorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 12 est retiré.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l'amendement n° 13 rectifié.
Mme Marie-France Beaufils. Mes chers collègues, vous connaissez notre opposition au texte portant création des communes nouvelles.
Pour notre part, nous sommes favorables au maintien des communes. Que certaines communes veuillent s’associer, c’est une chose, mais la « forme » de la commune nouvelle conduit à la disparition d’un certain nombre d’entre elles.
Nous ne sommes donc pas favorables à la forme proposée, pas plus aujourd'hui que lors de l’adoption du texte initial.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 7.
Je vais mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi tendant à faciliter la mise en place et le fonctionnement des intercommunalités.
(La proposition de loi est adoptée.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
8
Dépôt de documents
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la contre-expertise de l’évaluation socio-économique du projet de reconstruction du centre hospitalier universitaire de Caen, accompagnée de l’avis du Commissariat général à l’investissement.
Acte est donné du dépôt de ces documents.
Ils ont été transmis à la commission des affaires économiques, à celle des affaires sociales et à celle des finances.
9
Retrait d’une question orale
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la question orale n° 1493 de M. Michel Savin est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.
10
Adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système Licence-Master-Doctorat
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe UDI-UC, de la proposition de loi portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat, présentée par M. Jean-Léonce Dupont et plusieurs de ses collègues (proposition n° 825 [2015-2016], texte de la commission n° 30, rapport n° 29).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Léonce Dupont, auteur de la proposition de loi et rapporteur.
M. Jean-Léonce Dupont, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, mes chers collègues, « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. »
La proposition de loi que vous examinez ce soir ne dément pas cette sage affirmation de Nicolas Boileau. Son texte est court : le Sénat n’aime guère les « lois bavardes ». Pourtant, sans fausse modestie, je peux l’affirmer : quand cette proposition fera loi, elle sera la réponse attendue à une préoccupation devenue majeure au sein de nos établissements d’enseignement supérieur et, singulièrement, de nos universités. Avec ce texte, nous adaptons enfin réellement l’organisation du cursus post-licence français aux exigences du LMD et d’abord du deuxième cycle, ou master.
En 2002, notre pays s’inscrit pleinement dans le système européen d’enseignement supérieur et de recherche. Une réforme en profondeur s’impose, mais elle ne sera que très imparfaitement réalisée.
Pour mieux apprécier l’économie du texte que je vous présente, il me semble utile de rappeler la situation pré-LMD.
Les parcours universitaires s’organisaient autour du DEUG, premier cycle en deux ans, suivi de la licence, obtenue après une année d’études, puis de la maîtrise, en une année également.. Licence et maîtrise constituaient le deuxième cycle. L’étudiant pouvait alors envisager un troisième cycle : il s’inscrivait, selon son projet et sous réserve qu’il soit retenu par l’équipe pédagogique en charge du diplôme, soit en DEA, formation plutôt théorique, soit en DESS, formation à vocation professionnelle. Au terme de cette année d’études, la porte, de préférence celle du DEA, s’ouvrait vers le doctorat.
En 2002, le LMD a produit ses effets sur cette organisation, mais, en réalité, d’une manière que j’oserais dire cosmétique. DEUG et licence sont « fusionnés » pour constituer ensemble les six semestres de la « nouvelle licence », soit le premier cycle. Le deuxième cycle de quatre semestres a priori insécables résulte du rapprochement de la maîtrise et du DEA/DESS, avec une distinction entre « master recherche » et « master professionnel », vite dénommé « master pro », qui n’était pas sans renvoyer à celle entre DEA et DESS. Le troisième cycle est composé du seul doctorat.
S’agissant du deuxième cycle, on comprend bien que l’étiquette « master » avait été apposée sur deux diplômes distincts, qui se retrouvaient faire diplôme unique sans réelle remise en question. Dans ce paysage, les établissements avaient continué de pratiquer une sélection à l’entrée de la seconde année de master, comme cela se pratiquait à l’entrée du DEA ou du DESS.
Cette sélection, en plein milieu du diplôme, devenait vaguement ubuesque. Les inconvénients étaient légion, pour les étudiants placés dans l’incertitude de leur devenir au terme du M1 comme pour les équipes pédagogiques, qui ne pouvaient pas réellement proposer une progression cohérente de la spécialisation sur les quatre semestres menant au diplôme. Il convient en effet d’ajouter qu’avec le temps les maquettes des masters avaient traversé plusieurs campagnes d’habilitation et qu’elles avaient forcément évolué : nouveaux projets, nouvelles évaluations ; les équipes porteuses des diplômes de masters se heurtaient à l’incohérence de la construction. Ainsi allait la vie universitaire.
C’est un avis contentieux du Conseil d’État, en février dernier, certes bien tardif, qui porte le coup de grâce à cette architecture en trompe-l’œil. Le Conseil d’État avait été saisi d’une demande d’avis par un tribunal administratif confronté à un recours d’étudiant sur un refus d’inscription en master. Il a alors estimé que la sélection pratiquée était illégale, faute d’un décret listant les masters concernés, conformément à ce que la loi prévoyait.
Le Gouvernement a préparé en urgence le fameux décret. Le texte, pris en mai 2016, s’est retrouvé plaqué sur l’offre de formation pour tenter de sécuriser l’actuelle rentrée universitaire. Je dis « plaqué » sans que cela soit une critique du travail effectué : celui-ci était très compliqué à mener et le temps imparti très court. La nomenclature des masters n’est en effet pas unifiée. Ce travail est en cours. Nous constatons, au sein d’une même discipline, la coexistence de mentions de masters, dont certaines sont très générales et d’autres très spécialisées. C’est peu dire que la lisibilité n’est pas au rendez-vous.
Le décret de mai 2016 n’a pas apporté un apaisement juridique suffisant : la rentrée qui vient d’avoir lieu a été le théâtre de contentieux qui le démontrent. Il fallait donc très vite agir, pour sécuriser la rentrée de 2017. Le texte que j’avais déposé s’y attachait, avec un dispositif simple, non contraignant et transparent : d’une part, les universités choisissent, pour chacun des masters qu’elles offrent, le dispositif d’entrée, sélectif ou non ; d’autre part, les masters pour lesquels le dispositif de sélection demeurerait à l’entrée du M2, ce qui peut se justifier pour certaines filières, en particulier le droit et la psychologie, sont listés par décret – ces filières préparent à des concours ou à une certification professionnelle à bac+4, soit au niveau M1.
Dans le même temps, au terme d’une concertation engagée par le Gouvernement et qui ne fut pas – je crois pouvoir le dire – un long fleuve tranquille, un accord était trouvé au sein de la communauté universitaire pour accompagner cette sélection, admise, voire attendue par le plus grand nombre, grâce à l’introduction d’un dispositif destiné aux étudiants titulaires d’une licence non retenus dans un master sélectif et qui souhaiteraient néanmoins poursuivre leur formation. Ce sont les principes de ce dispositif qui ont été inscrits dans ma proposition de loi par voie d’amendement lors de l’examen du texte en commission, le mercredi 12 octobre.
J’ai accepté cet ajout, que je trouvais initialement contradictoire, sur lequel je conserve de vraies réserves, mais que je soutiens en définitive complètement, pour des raisons que je veux prendre ici le temps d’expliquer et dont je souhaite qu’elles retiennent favorablement l’attention de ceux de nos collègues qui ont des interrogations, déjà exprimées en commission.
La première raison est clairement pratique. Je l’ai dit, la rentrée de 2016 des masters a montré les fragilités juridiques du décret pris en urgence en mai ; il est finalement apparu indispensable de modifier préalablement la loi. Or une rentrée en master se prépare dès le printemps et s’accompagne très vite, en cas de mobilité géographique de l’étudiant, de questions matérielles, de logement notamment.
Mais, nous le savons bien, la session parlementaire sera suspendue le 27 février prochain. Il convient donc d’aller vite. Les étudiants et leur famille, pas plus que les responsables universitaires des masters, ne doivent être les otages du calendrier électoral.
La seconde raison me conduit à interroger la situation de nos universités, qui sont les principaux établissements porteurs de l’offre de masters, autant que celle de notre économie et des besoins de notre pays.
Après la grave crise économique dont nous peinons à voir l’issue, l’avenir et le redressement de la France passent par la jeunesse ; la question posée est celle du niveau de qualification qu’elle atteint lorsque, à l’issue de sa formation initiale, elle prépare son insertion professionnelle. C’est un défi qui doit être relevé ; cela suppose une élévation du niveau de qualification et de diplômation bien au-delà du seul baccalauréat. Tel est d’ailleurs l’un des objectifs de la StraNES, ou stratégie nationale de l’enseignement supérieur, dont nous avons débattu ici même au premier semestre. J’ai même dit à cette tribune que, si j’en partageais le postulat de départ et les finalités, j’avais quelques sérieux doutes sur la capacité à les atteindre au vu des moyens mis en œuvre. La voie que nous nous préparons à emprunter, via le texte qui vous est soumis, peut y aider, partiellement certes, mais réellement.
J’ajoute toutefois – cela est important pour notre débat – qu’il ne faut pas confondre élévation du niveau de qualification et surdiplômation. Des diplômés qui auraient étudié cinq ans après le baccalauréat et peineraient à accéder à un emploi utilisant leurs compétences vivraient un véritable déclassement professionnel. Ils en seraient légitimement frustrés, et ce serait pour nous, politiques, un échec cuisant, pour ne pas dire une faute.
C’est dans ce contexte économique et social que fonctionne notre modèle français de formation post-baccalauréat. Il repose sur une double logique.
La première est une logique sélective, plutôt omniprésente : accès par concours aux grandes écoles ; accès sur dossier en STS et, au sein même des universités, en IUT ; poursuite d’études après concours en formations de santé ; accès sur moyens financiers dans des établissements privés dont il se dit qu’ils sont de plus en plus recherchés.
La seconde logique est celle du libre accès, en licence générale après traitement des demandes via le portail d’admission post-bac, avec, pour quelques filières de quelques universités, des capacités d’accueil limitées.
Cette logique de libre accès conduit en licence un certain nombre de néobacheliers non retenus dans des voies sélectives, souvent non armés pour réussir. Les « plans licence » déployés par les établissements ne sont pas une remédiation suffisante. Les universités et leurs enseignants ne peuvent, en dépit d’efforts réels de leur part, « rattraper » des étudiants que leurs études au lycée n’ont pas tous armés pour des études en licence, avec un niveau d’abstraction et de conceptualisation auquel certains ne s’adaptent pas. J’ajouterai que la remédiation à ce niveau n’est pas le métier des enseignants-chercheurs.
Nous savons les taux d’échec, les réorientations sauvages, les étudiants qui ne viennent aux examens que pour émarger et conserver leurs bourses d’études ; nous en mesurons le coût humain d’abord, économique ensuite, pour les familles autant que pour l’État. Où que nous siégions dans cet hémicycle, nous avons échoué à proposer un dispositif d’orientation positive.
Bon an mal an, bon gré mal gré, des étudiants cheminent, parfois lentement, et obtiennent leur licence. Je vous rassure : il y a aussi d’excellents étudiants qui mènent à bien leurs trois années d’études, réussissant dès la première session tous leurs examens. Mais ils sont rares. La compensation entre semestres et entre unités d’enseignement, la capitalisation des matières, les deux sessions ou le poids du contrôle continu y contribuent, et les universitaires constatent que des étudiants obtiennent leur licence sans être toujours au point sur les fondamentaux de leur discipline.
Se pose alors la question de la suite : recherche d’emploi, complément dans une filière voisine et, naturellement, master.
On ne saurait donc affirmer, au terme de ces parcours, que tout étudiant désireux de s’inscrire en master en possède les prérequis suffisants. Or les masters placent leurs titulaires au niveau de sortie – bac+5 – des diplômés de grandes écoles et, dans certains champs disciplinaires, ceux-ci seront en concurrence pour des emplois d’encadrement de niveau supérieur et des postes à responsabilités. Il y va indirectement de l’image même de nos universités.
En outre, n’oublions pas que le master ouvre la porte du doctorat, troisième marche du système LMD, et qu’il convient de préparer les futurs thésards à la recherche. Là aussi, nos équipes de recherche, notre recherche dans son ensemble, ont besoin d’excellence. Sa jouvence est essentielle pour préparer nos futurs Nobel et médailles Fields – notre pays, cette année encore, peut s’enorgueillir de figurer au palmarès.
L’accès sélectif au master ou, au moins, à un certain nombre de masters est donc une condition nécessaire à la construction de l’avenir et à la qualité de notre recherche scientifique.
Mais que faire pour tous ceux qui ne seraient pas retenus au terme d’un processus sélectif ? Ils sont pour la plupart, sans doute, les « maillons faibles » du cursus universitaire, passés vaille que vaille d’une année à l’autre du parcours licence.
Dès lors que nous n’avons su ni construire avec eux, depuis le début même de leurs études au lycée, un parcours solide ni leur permettre de mieux s’orienter, nous avons à leur égard un devoir d’accompagnement. C’est cette conviction d’une responsabilité qui a finalement, malgré toutes mes réserves, guidé mon choix de soutenir l’amendement de notre collègue Dominique Gillot. Présenté en commission, il reprend la partie législative de l’accord trouvé au début de ce mois, au sein de la communauté universitaire, par ses représentants.
Il ne s’agit pas de créer un droit au master pour tous, comme le soutiendraient les tenants d’un raccourci forcément caricatural ; il s’agit de ne pas laisser sans soutien des diplômés, certes parvenus au niveau bac+3, mais dont les compétences sont fragiles. Faut-il les orienter vers un autre master que celui ou ceux qu’ils convoitaient ? Oui, mais sans bouleverser l’économie de masters « rares » qu’il convient de préserver ! Oui, mais sans laisser non plus se constituer dans nos universités des masters « refuges », car je refuse, mes chers collègues, d’utiliser le terme de « poubelles », particulièrement dégradant pour les étudiants, leur famille, leurs enseignants et l’université dans son ensemble ! Oui, mais sans oublier que le bénéfice de ce droit au master peut être différé dans le temps : la formation continue tout au long de la vie existe !
Il faut laisser aux établissements le soin de veiller à la mise en œuvre de ce droit ; c’est leur autonomie pédagogique qui est en jeu, et je sais aussi leur éthique de responsabilité à l’égard des étudiants. Les recteurs seront associés dans leur rôle traditionnel de chanceliers des universités.
Le texte que la commission a examiné et amendé s’efforce donc de concilier la légalisation du droit à la sélection avec l’obligation d’une réponse à ceux qui seraient sans solution.
S’agissant du premier point, la possibilité d’une sélection dès l’entrée en première année de master, sélection liée aux capacités d’accueil fixées par les établissements, est affirmée et l’entrée en master, le cas échéant, subordonnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat. Vous noterez qu’il ne s’agit pas d’une obligation, mais d’une possibilité laissée à l’appréciation de chaque établissement pour chacun des masters qu’il propose.
Les modalités de la sélection sont elles aussi ouvertes. Mais le droit existe de manière incontestable. Les étudiants ayant réussi les épreuves sanctionnant les deux premiers semestres de leur master accèdent de droit à la seconde année.
La loi réserve la possibilité d’une sélection à l’entrée de la seconde année pour certaines disciplines. Je n’y reviens pas : ces disciplines sont connues.
S’agissant du second point, introduit par amendement en commission, la loi permettra que, sur demande d’un étudiant non admis en première année de master, il lui soit proposé une inscription dans une autre formation de deuxième cycle, sur la base de son projet professionnel et en fonction de l’établissement dans lequel il étudiait en licence. Les modalités d’exercice de ce nouveau droit seront fixées par voie réglementaire, en l’espèce un décret en Conseil d’État, pris après consultation du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche. Elles ne sauraient en effet relever du domaine de la loi.
J’appelle toutefois l’attention du Gouvernement sur la distinction nécessaire, dans la démarche en cours, entre ce qui relève de l’information sur l’offre de master, extrêmement légitime et même attendue, et ce qui relèverait d’une volonté de gérer les vœux des étudiants en lieu et place des établissements et des équipes pédagogiques de chaque master. Ce serait là un coin enfoncé de manière inacceptable dans l’autonomie universitaire. Nous aurons l’occasion d’examiner tout à l’heure un amendement de notre collègue Jean-Claude Carle sur l’inscription dans la loi d’un dispositif spécial d’information et d’orientation des étudiants. C’est l’une des missions de l’université, et j’y attache beaucoup d’importance.
J’ajoute que j’ai souhaité, au regard de la nouveauté de ce dispositif et des réserves qu’il fait naître non seulement chez votre rapporteur, mais également chez plusieurs de nos collègues, que figure dans la loi un engagement d’évaluation de son fonctionnement après la troisième rentrée sous ce régime, soit à la fin de 2019. Cette évaluation, confiée au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, autorité administrative indépendante, comme vous le savez, sera transmise au Parlement au plus tard le 1er mars 2020 ; elle portera sur l’impact mesurable de ce dispositif sur la qualité de l’offre de formation de deuxième cycle et sur la réalité de la sécurité juridique qu’il doit apporter.
Mes chers collègues, le dispositif que je vous propose d’adopter ce soir ne saurait être ni une fin ni le simple moyen de surmonter les difficultés que j’évoquais au début de mon propos. Il nous oblige. Et il nous oblige sur toutes les travées, eu égard à la responsabilité partagée que nous portons sur la situation actuelle ! Il nous oblige à réfléchir à ce qui se passe en amont du master et, plus encore qu’à réfléchir, à agir.
Notre collègue Guy-Dominique Kennel a remis en juin au Sénat son rapport d’information intitulé Une orientation réussie pour tous les élèves, témoignant de l’urgence d’en finir avec l’orientation par l’échec. Sachons ici nous en souvenir. Si nous voulons, à l’avenir, que des étudiants en licence cessent d’échouer aux portes du master ou qu’ils puissent plus facilement, avec leur licence, s’insérer dans la vie active et si nous voulons que le dispositif que je vous propose d’adopter ne soit qu’une transition nécessaire et devienne un jour inutile, car alors chacun aura su trouver la voie positive de son parcours personnel, nous devons modifier le modèle actuel des parcours, du lycée à la licence.
La sélection, selon le Larousse, est notamment l’action de choisir les personnes qui conviennent le mieux. C’est donc une démarche positive et constructive. Mais elle impose aussi, lorsqu’il s’agit de notre jeunesse, de nos enfants, qu’aucun d’eux ne soit laissé seul et sans espérance. C’est tout le sens de l’équilibre recherché par ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – Mmes Maryvonne Blondin et Corinne Bouchoux applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà une semaine à peine, nous étions réunis pour débattre des conclusions de l’excellent rapport intitulé Une orientation réussie pour tous les élèves de notre mission d’information présidée par Jacques-Bernard Magner et rapportée par Guy-Dominique Kennel. Sur toutes les travées de l’hémicycle comme au banc du Gouvernement, nous avions déploré une orientation qui se fait essentiellement « par l’échec » et dont le coût, avant tout humain, est terrible pour nos enfants et leur famille.
Ce soir, nous abordons en quelque sorte les « travaux pratiques ». Nous avons collectivement l’occasion de refuser cette orientation par l’échec dans l’enseignement supérieur, en adoptant la proposition de loi de notre collègue Jean-Léonce Dupont, qui instaure enfin le principe de sélection à l’entrée du master.
Permettez-moi de rendre un hommage très appuyé au travail que Jean-Léonce Dupont a accompli sur ce délicat dossier et à la clairvoyance qui a été la sienne quand, au début du mois de septembre, il nous a collectivement incités à prendre le sujet de la sélection en master à bras-le-corps. J’ai immédiatement adhéré à sa démarche, à son audace, en cosignant sa proposition de loi.
Dans cette dynamique impulsée par Jean-Léonce Dupont, un protocole d’accord a ensuite été signé entre le Gouvernement et la communauté universitaire, le 4 octobre dernier. Nous voici aujourd’hui, à peine trois semaines plus tard, réunis pour donner puissance législative à cet accord, qui constitue une indéniable avancée. Le Parlement, en particulier le Sénat, a montré sa réactivité.
Dans quelques semaines, deux ou trois mois tout au plus, ce texte devrait être définitivement adopté et permettre de sécuriser enfin la prochaine rentrée universitaire, et ce, en dépit d’un calendrier parlementaire terriblement contraint par les prochaines échéances électorales. Je voudrais remercier ici l’ensemble des collègues des différents groupes de notre commission, qui ont tous mesuré l’enjeu de cette réforme et eu une attitude très constructive dans nos débats et l’élaboration de notre réflexion commune.
Je soutiens sans réserve le cœur de la proposition de loi de Jean-Léonce Dupont : l’instauration du principe de sélection à l’entrée en master. Il était temps que nous en parlions. En effet, depuis 2002, notre organisation, avec cette césure en plein milieu du diplôme de master, était bancale ; ni la loi LRU ni la loi ESR n’avaient pu y remédier. Il était donc plus que temps de remettre notre organisation la « tête à l’endroit » !
Comme l’a rappelé notre rapporteur voilà quelques minutes, nous sommes nombreux ici à émettre des réserves sur l’instauration du mécanisme dit de « poursuite d’études » et à refuser tout « droit au master », tout « droit inconditionnel » à la poursuite des études ; cela ne signifie évidemment pas qu’il ne faut pas se préoccuper de l’avenir et de l’accompagnement de nos jeunes. Je soutiens en tout point ce que notre rapporteur nous a dit à l’instant. Une poursuite d’études ? Oui, mais pour les étudiants qui ont un véritable projet professionnel en ce sens, avec une perspective de débouchés professionnels à l’arrivée ! Oui, mais sans dévaloriser le diplôme de master et en gardant toujours à l’esprit cette exigence de qualité, voire d’excellence, qui fait notre fierté française !
Voilà pourquoi notre commission est très attachée au dispositif d’évaluation qu’elle a inséré dans cette proposition de loi. Les trois prochaines rentrées universitaires en master devront être analysées, évaluées, décortiquées par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, le HCERES. Cette évaluation devra être remise au Parlement avant le mois de mars 2020. Soyez assuré, monsieur le secrétaire d’État, que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sera particulièrement vigilante aux enseignements qui pourront en être tirés. Bien entendu, si besoin est, le législateur prendra ses responsabilités et remettra l’ouvrage sur le métier ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – Mmes Maryvonne Blondin et Corinne Bouchoux applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, le 1er janvier prochain, la France assurera la présidence du processus de Bologne. Ce processus permet la construction d’un espace européen de l’enseignement supérieur. Cela s’est traduit en France par la réforme licence-master-doctorat de 2002 visant à réorganiser l’offre de formation supérieure en fonction de ces trois niveaux de qualification.
D’une certaine manière, cette adaptation est une course d’obstacles pour notre monde universitaire, qui a besoin d’évolutions. Voilà quelques mois, nous nous sommes attaqués, avec les partenaires, au chantier des contrats doctoraux et de la formation doctorale. Aujourd'hui, nous nous réunissons sur la question du master. Dans un futur que j’espère proche, même s’il dépasse le terme de la présente législature, il faudra probablement travailler sur la licence. Nous devrons innover pour combiner les principes qui – j’en ai la conviction à vous entendre – nous servent de boussole commune. Il y a une volonté de démocratisation, car c’est sur le terrain de l’élévation des niveaux de qualification des jeunes que la compétition entre les nations se développe aujourd'hui. Mais il faut veiller à faire en sorte que cette démocratisation se conjugue avec l’excellence et la qualité des diplômes : nos jeunes doivent être armés pour leur vie personnelle et professionnelle, dont les aléas seront, à n’en pas douter, multiples dans les années à venir.
Depuis 2002, le cursus conduisant au diplôme national de master, constitué de quatre semestres répartis sur deux années consécutives, dites M1 et M2, a été conçu à partir des cycles et diplômes qui existaient antérieurement : maîtrise, diplôme d’études approfondies, ou DEA, et diplôme d’études supérieures spécialisées, ou DESS. L’organisation de ce cursus recouvre aujourd’hui une hétérogénéité de situations, certaines permettant de déployer une formation complète sur quatre semestres, d’autres conservant une procédure sélective à l’entrée de nombreux M2, héritée de l’accès limité qui existait à l’entrée des DEA et des DESS.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, cette situation est insatisfaisante pour tout le monde. Elle est contraire à la règle de l’indivisibilité des quatre semestres du master, dont la validation des deux premiers conditionne seule le passage en seconde année. Elle pénalise les étudiants placés devant l’impossibilité d’obtenir leur diplôme de master faute parfois d’admission en M2 et elle les contraint trop souvent à redoubler leur première année même s’ils l’ont validée. Elle est un frein à la poursuite d’études, notamment pour les étudiants issus de milieux défavorisés. Elle est juridiquement insoutenable, car elle crée des contentieux récurrents, sources d’instabilité aussi bien pour les requérants que pour les établissements mis en cause ; ayons l’actualité récente à l’esprit. Cela a d’ailleurs conduit certains établissements à organiser à l’usage l’orientation à l’entrée de la première année de master, sans base juridique ni réglementation claire, ce qui pénalisait les étudiants les moins informés. Je ne leur jette pas la pierre ; ils l’ont parfois fait parce qu’ils ne savaient pas comment gérer la situation.
La publication du décret du 25 mai 2016 relatif au diplôme national de master a, certes, permis de sécuriser les procédures d’admission à l’entrée en M2 pratiquées par certaines universités pour la rentrée universitaire de 2016. Toutefois, à l’époque, la ministre Najat Vallaud-Belkacem et moi-même avions indiqué très clairement ici même, en réponse à vos interpellations légitimes, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous souhaitions une réponse pérenne et équilibrée aux difficultés d’organisation de l’ensemble du cursus de master, à l’issue d’une large concertation rassemblant l’ensemble des acteurs de la communauté universitaire.
J’insiste sur ce point. Nous n’en avons pas fini avec les défis qui pèsent sur l’enseignement supérieur français, qu’il s’agisse de sa modernisation ou de son nouveau modèle économique. Mais, à mon sens, il faut privilégier la voie de l’accord entre les membres de la communauté universitaire. Ayons une attitude adulte, une démarche de réflexion et de projection, qui conjugue l’intérêt des étudiants, de leur famille et les capacités des établissements et des enseignants-chercheurs. La recherche systématique du consensus est, me semble-t-il, la seule voie sérieuse.
Cette concertation a permis de dégager un compromis et d’aboutir à la position commune du 4 octobre 2016 entre le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et les principales organisations représentant les étudiants – UNEF, FAGE, PDE –, les enseignants et personnels – SNESUP-FSU, SGEN-CFDT, Sup’ Recherche UNSA, SNPTES – et les établissements d’enseignement supérieur, en l’occurrence la CPU et la CDEFI.
Je souhaite remercier chaleureusement ces différents acteurs. Certains ont joué un rôle moteur dans cet accord, que plusieurs parmi eux réclamaient depuis longtemps. Tous ont fait preuve de maturité, passant outre les très nombreux obstacles, qui ont parfois pu faire s’interroger sur la finalisation du processus. Je veux aussi, parce que c’est justice, remercier mes collaborateurs et ceux de Najat Vallaud-Belkacem qui ont accompagné cette démarche. Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, tout n’a pas été simple.
Le compromis a été approuvé – ce fut un autre moment fort – par une très large majorité du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche lors de sa séance du 17 octobre 2016. Telle qu’adoptée par votre commission, la présente proposition de loi est la traduction législative de cette position commune visant à permettre une nouvelle organisation du master.
Monsieur le rapporteur, cette proposition de loi, amendée par Dominique Gillot en commission, prend appui sur votre initiative. Vous l’avez formalisée avec vos cosignataires à la fin de l’été ou au début du mois de septembre. L’ensemble des acteurs de la communauté et nous-mêmes avons d’ailleurs interprété votre initiative comme un appel à aboutir, de la part de personnalités ayant des convictions fortes. Je tenais à vous en remercier.
Le texte, ainsi amendé par la sénatrice Gillot, a pour principal objectif de permettre la construction d’une offre de formation de master qui se déroule pleinement sur deux années, en supprimant la barrière sélective actuelle entre la première et la seconde année de master, conformément aux attendus de la réforme LMD et aux standards internationaux, afin de permettre la nécessaire élévation du niveau de qualification des jeunes. Pour ce faire, le texte permet aux universités de mettre en place un recrutement à l’entrée de la première année du deuxième cycle, tout en garantissant à tout titulaire d’un diplôme national de licence un droit à la poursuite d’études dans un cursus conduisant au diplôme national de master. Il sécurise donc les établissements – c’était indispensable – et élargit les possibilités d’orientation des jeunes. Il vise à orienter sans empêcher. Aucun étudiant titulaire de la licence souhaitant poursuivre ses études en master ne sera laissé sans solution, sans choix, sans droit.
Tel est l’objet de l’article 1er tel que vous l’avez modifié en commission. Il permet aux universités de fixer des capacités d’accueil, après un dialogue avec le recteur, et de subordonner l’admission en première année du deuxième cycle au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat. Ainsi, il facilite un choix fondé sur des critères objectifs, transparents et vérifiant le niveau pédagogique ou le projet professionnel des étudiants. Les réponses à leurs candidatures devront être motivées et communiquées aux candidats. Là aussi, c’est très important.
Cet article encadre également la procédure de poursuite d’études. En effet, tout étudiant titulaire d’un diplôme national de licence qui n’aura pas reçu de réponse positive à ses demandes d’admission en première année de master se verra assurer une inscription. Il reviendra au recteur de région académique de formuler trois propositions d’inscription, dont l’une au moins concernera en priorité l’établissement dans lequel l’étudiant a obtenu sa licence lorsque l’offre de formation le permet et, à défaut, un établissement de la même région académique pour éviter une mobilité trop lourde et imposée. Ces propositions tiendront notamment compte des capacités d’accueil des établissements, du projet professionnel de l’étudiant, mais également de la compatibilité entre les mentions du diplôme national de licence et les mentions du diplôme national de master, assurant ainsi que les étudiants disposeront des prérequis nécessaires au cursus de master dans lequel une admission leur sera proposée. Vous l’avez rappelé, un décret en Conseil d’État, pris après avis du CNESER, précisera les modalités de mise en œuvre de ce droit à la poursuite d’études.
Suite à cela, ce même article supprime la barrière sélective entre M1 et M2, en précisant que « l’accès en deuxième année d’une formation du deuxième cycle conduisant au diplôme national de master est de droit pour les étudiants qui ont validé la première année de cette formation ». Cela confirme la référence à une organisation du master sur quatre semestres.
Cet article permet enfin de maintenir la possibilité de fixer par un décret pris après avis du CNESER la liste des formations dont l’accès est libre en première année de master et pour lesquelles l’admission à poursuivre en deuxième année peut dépendre des capacités d’accueil des établissements et, éventuellement, être subordonnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat. Une telle disposition permettra de maintenir de manière transitoire l’organisation actuelle du master pour tenir compte de la spécificité de certaines filières dont l’inscription dans les attendus de la réforme LMD nécessitera une réingénierie importante des formations.
En commission, vous avez souhaité prévoir une évaluation par une agence indépendante, évaluation qui vous sera présentée. Cet ajout recueille pleinement notre accord. À titre personnel, je considère même qu’il faut développer les stratégies d’évaluation indépendantes des textes que nous prenons et, si nécessaire, revenir devant le Parlement pour corriger ce qui, à l’usage, mérite de l’être.
Cette réforme ne se limite pas à une simple modification législative. Il s’agit d’un ensemble de mesures concertées avec la communauté universitaire, qui en font un tout cohérent. La loi évoque le décret qui fixera plus précisément le rôle du recteur de région académique. Au-delà de ce cadre réglementaire, nous proposerons une plateforme décrivant la carte nationale des formations conduisant au diplôme national de master, afin de faciliter les candidatures des étudiants.
Lorsque la poursuite d’études s’accompagnera pour l’étudiant d’une mobilité géographique, un dispositif d’aide à la mobilité très précis et sérieux sera mis en place par l’État. Il viendra compenser ce qui peut parfois être vécu comme une sélection sociale.
Enfin, nous lancerons prochainement une réflexion avec la CPU et les organisations représentatives sur l’effet de cette réforme sur le cursus de licence, notamment sur le renforcement du suivi personnalisé prévu par l’arrêté licence du 1er août 2011 et sur les perspectives d’insertion professionnelle. Ce sera également l’occasion d’avancer vers une meilleure articulation avec la licence professionnelle.
Vous l’aurez compris, ce texte étant le résultat d’un travail de coconstruction avec les acteurs de la communauté universitaire, je me fais en quelque sorte le garant de cet accord, comme vous l’avez d’ailleurs fait vous-même, dans cet hémicycle. Si l’amélioration du texte est possible, un amendement dont l’adoption aurait pour effet de dénaturer la portée du compromis ne pourrait évidemment pas recueillir notre accord.
Je me réjouis que, pour l’examen de cette proposition de loi amendée, le Sénat ait fait la démonstration de son agilité. Le texte a été déposé en septembre, et il est examiné en séance publique à la fin du mois d’octobre. Je salue cet exercice d’intelligence parlementaire.
Un tel processus n’est pas le fruit du hasard. C’est la preuve que les parlementaires sont capables de faire avancer la loi, parce qu’ils partagent des convictions essentielles pour l’avenir de notre pays. C’est ce qui nous réunit aujourd'hui, au-delà de nos divergences politiques. Cela rend cette réforme forte, puissante. Dans le même temps, c’est prometteur pour d’autres réformes indispensables à notre système d’enseignement supérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est des sujets auxquels on ne touche pas sans trembler.
Au mois de décembre 1986 décédait, à quelques rues d’ici, le jeune Malik Oussekine, tombé sous les coups de « policiers voltigeurs ». Le ministre Devaquet, chargé des universités, démissionna… Une partie de la jeunesse étudiante était dans la rue pour s’opposer à la « sélection à l’université ». Depuis lors, c’est la sélection « par l’échec » et « l’abandon anormal » aboutissant à des parcours universitaires singuliers que nous constatons, faute d’avoir pu mettre en place collectivement une remédiation et une orientation.
Je tiens à saluer les efforts de tous, en particulier du rapporteur Jean-Léonce Dupont, en amont et lors de l’examen de ce texte. Ces efforts, nous pouvons les expliquer par un constat sur lequel nous nous rejoignons tous : le deuxième cycle de l’enseignement supérieur français rencontre des dysfonctionnements et des difficultés juridiques majeurs. Il est insuffisamment soucieux du processus de Bologne et de la logique de LMD, en raison de la distinction, très franco-française, entre le master 1 et le master 2, source d’insécurité juridique non seulement pour les universités, mais aussi pour les étudiants, notamment depuis l’arrêt du 10 février 2016 du Conseil d’État. Il était urgent d’agir. Pour autant, peut-on résoudre en six mois ce que l’on n’a pas résolu en trente ans ?
Mme Maryvonne Blondin. Bonne question !
Mme Corinne Bouchoux. Le texte initial a été réécrit et revu par notre commission, afin de tenir compte de l’accord du 4 octobre 2016. Ce dernier instaure une possible, mais non obligatoire, sélection à l’entrée du master, et non plus en cours de cycle. Parallèlement, il prévoit un « droit à la poursuite d’études » pour les titulaires d’un diplôme de licence validé qui le souhaitent.
La portée du droit à la poursuite d’études a soulevé d’importants et intéressants débats au sein de notre commission. Pour certains, ce droit aurait gagné à être opposable, car il se limiterait sinon à une illusion ; pour d’autres – plutôt du côté droit de l’hémicycle –, il annihilerait le principe de sélection posé par l’accord. Néanmoins, force est de constater que l’accord initial entre différentes parties a suscité l’adhésion de la plupart des acteurs de l’enseignement supérieur. Je pense aux organisations étudiantes et aux présidents d’université, dont certains sont présents dans nos tribunes, ainsi qu’au ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et à d’autres acteurs dont le rôle a visiblement été apaisant ; ils ont fait en sorte qu’il n’y ait pas de malentendu de communication sur ce texte. En plus, cet accord a été approuvé à une large majorité par le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, ce qui n’est plus si fréquent.
Cet accord est donc le fruit d’une réelle concertation et propose une solution aux difficultés rencontrées par notre deuxième cycle. Je suis convaincue de la nécessité que cette proposition de loi, ainsi parvenue à une forme d’équilibre, aboutisse. Dans un souci de mettre le plus vite possible fin au flou juridique signalé, je rejoins l’idée selon laquelle le texte devrait s’appliquer dès la prochaine rentrée universitaire. Néanmoins, ne soyons pas naïfs, sa mise en œuvre dans un laps de temps très court nécessitera un très gros travail de pédagogie auprès de tous les acteurs du monde universitaire, mais surtout auprès des lycéens, qui sont toujours prompts à se mobiliser autour de leurs établissements au nom de causes plus ou moins importantes. Autrement dit, nous devrons maintenir le dialogue pour expliquer le sens de cet accord, qui n’est pas un renoncement. Au contraire, il est le résultat d’un consensus ; la démarche est beaucoup plus positive.
Nous sommes convaincus que la sélection à l’entrée du master doit s’accompagner d’un droit à la poursuite d’études ; ce dernier doit être effectif. Tel qu’il est prévu dans l’accord, ce droit semble relativement facile à mettre en œuvre dans les métropoles, mais peut-être moins dans les villes de taille moyenne. Chacun le sait, l’offre universitaire est plus importante dans les premières ; les étudiants issus des métropoles auront donc plus de chances de trouver sur place des possibilités de deuxième ou troisième choix.
La question, cruciale, de la mobilité se pose donc pour un certain nombre de villes en région. Selon nous, elle doit attirer toute notre attention dans la mise en œuvre du texte ; il y va de l’effectivité du droit à la poursuite d’études et de la réussite du processus. Il faudra mener une réflexion sur le coût des transports, des déménagements et du logement ; tous les étudiants ne pourront peut-être pas y faire face. L’effectivité de la réforme pour toutes les étudiantes et tous les étudiants, quelles que soient leurs origines sociales, dépendra donc du déploiement de moyens et de l’accompagnement, notamment pour les boursiers.
À nos yeux, la solution apportée pour l’entrée en M1 masque en réalité une autre question beaucoup plus profonde : celle de l’orientation tout au long de la vie. Mme la présidente de la commission de la culture y a fait référence. Nous pensons qu’il faut en France une orientation beaucoup plus individualisée – cela nécessite des moyens –, beaucoup plus souple, avec un droit à l’erreur.
Vous l’avez compris, nous souhaitons donner une chance à la traduction législative de l’accord du 4 octobre 2016. Nous remercions donc les auteurs de cette proposition de loi, qui est désormais un texte à deux voix : celle de Jean-Léonce Dupont et celle de Dominique Gillot.
Nous espérons que, pour l’avenir, nous formerons à la pédagogie les enseignants-chercheurs. À l’heure de la formation tout au long de la vie, être capable de remédier aux lacunes des étudiants et à leurs difficultés d’adaptation est un défi que nous devrons tous relever. Nous faisons confiance à l’intelligence collective.
Certains voudraient supprimer le Sénat ; je me permets de leur dire que ce n’est peut-être pas une très bonne idée. (Marques d’approbation sur plusieurs travées.)
Mme Maryvonne Blondin. Bravo !
Mme Corinne Bouchoux. La soirée d’aujourd'hui montre que le Sénat est aussi le lieu de l’intelligence collective, où nous avons, pour l’essentiel, notre carrière derrière nous, et pas devant nous.
Monsieur le secrétaire d’État, nous espérons que la pédagogie sera mise en œuvre au retour des vacances. Aujourd'hui, les lycéens et les étudiants sont en vacances. Mais, dans dix jours, nous devrons leur expliquer que ce texte, loin d’être un signe de défiance, est au contraire une chance pour notre jeunesse ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dès 1999, la France s’est engagée dans le processus de Bologne, qui vise à harmoniser l’architecture du système européen d’enseignement supérieur. Cette architecture est basée sur trois cycles – licence, master et doctorat –, définis en 2002. Elle s’est précisée au fil des années et des sommets, d’ailleurs difficilement ; l’intervention détaillée de notre rapporteur en décrivait bien les aléas.
En 2013, la loi Enseignement supérieur et recherche a introduit l’insertion professionnelle dans les missions de l’enseignement supérieur, insistant sur la réussite en premier cycle, avec le plan consacré à la licence, l’accompagnement des parcours, la qualité de vie étudiante et la synergie entre enseignement supérieur et recherche.
Depuis ces années, un grand nombre de difficultés perdurent : une disparité inacceptable dans le deuxième cycle, y compris sur un même site ; un étranglement entre le M1 et le M2 ; une angoisse récurrente chez les étudiants qui ne sont pas assurés de pouvoir poursuivre sereinement en deuxième année de leur master engagé.
L’entrée en deuxième cycle universitaire, période décisive, peut être bien complexe pour un étudiant. Il doit définir son périmètre de mobilité, rechercher sur les sites des établissements visés les formations correspondant à son projet professionnel, prendre connaissance des évaluations du HCERES, rédiger autant de lettres de motivation et de dossiers de candidature que nécessaire, puis attendre de savoir s’il sera retenu, et où ! Il doit aussi anticiper que toutes ces étapes pourront se reproduire l’année suivante pour entrer en deuxième année de ce master et poursuivre son cycle.
Pour les établissements, notamment pour ceux qui ont choisi de limiter le nombre de places de leur master pour assurer un certain niveau de suivi pédagogique, un certain niveau d’accompagnement des stages, d’encadrement de la rédaction des mémoires, chaque rentrée se fait avec le risque d’être poursuivis devant le tribunal administratif.
La situation n’est satisfaisante pour personne. Le décret ministériel que vous avez signé au mois de mai dernier, monsieur le secrétaire d’État, pour sécuriser la rentrée de 2016 ne pouvait pas tenir bien longtemps. La polémique, dogmatique, risquait d’enfler et de compromettre toute recherche d’équilibre.
Il aura fallu le courage du Gouvernement pour ouvrir les discussions avec des partenaires jugés inconciliables et faire preuve d’une volonté pugnace pour aboutir à un accord avec tous les acteurs de la communauté universitaire autour d’un recrutement en master respectant les enjeux dégagés et partagés : assurer l’élévation du niveau de qualification de nos étudiants ; relever le pari que l’essor de notre pays passe par la diversification des origines sociale et géographique de ses cadres ; respecter, enfin, les engagements du processus de Bologne ; ne laisser personne sans diplôme et impérativement assurer une continuité avec la licence, en sécurisant bien les parcours ; prendre en compte les contraintes liées aux flux entrants ; rechercher une plus grande équité entre les parcours d’enseignement supérieur et rendre les filières universitaires plus attractives grâce à un meilleur recrutement, à un meilleur accompagnement et en imposant des exigences de réussite.
La proposition de loi de Jean-Léonce Dupont visant à instaurer une sélection dès l’entrée en master, déposée en septembre 2016, a devancé l’accord conclu le 4 octobre dernier. C’est le respect de cet accord qui a conduit la commission, après avis favorable du rapporteur, à adopter un amendement que j’avais déposé tendant à transcrire l’accord dans le texte de la proposition de loi dont nous débattons ce soir. Ce texte, lorsqu’il sera adopté, garantira le processus master sur ses quatre semestres, sans barrière en fin de premier cycle. Il s’appuiera sur une vraie carte des masters, plateforme qui rendra visible l’ensemble des filières sur tout le territoire, et permettra des choix éclairés et une orientation transparente.
Enfin, ce texte, qui reprend les termes d’un compromis issu de la concertation loyale et sincère de l’ensemble de la communauté universitaire, instaurera le droit à la poursuite des études.
Les établissements procéderont par concours ou sur dossier au recrutement en première année de master quand leur conseil d’administration aura voté une capacité d’accueil, négociée avec l’État et validée par le recteur, chancelier des universités. Chaque décision des jurys de recrutement sera motivée et notifiée à l’étudiant. Un étudiant qui n’aura pas été admis se verra proposer une inscription dans trois formations tenant compte de son projet professionnel, en privilégiant autant que faire se peut son établissement d’origine.
La mise en œuvre de ce droit à la poursuite des études, sous la responsabilité du recteur de la région académique, suppose trois conditions.
Elle suppose tout d’abord une meilleure visibilité de l’offre de formation pour chaque domaine. La cartographie nationale de l’offre de formation, déjà en expérimentation dans certaines régions, répondra à cette nécessité, réduisant les biais dans les choix des candidatures, et garantira que les propositions des recteurs seront au plus proche des attentes des étudiants.
Elle suppose ensuite un travail en bonne intelligence entre les recteurs et les établissements pour offrir la meilleure solution possible aux étudiants. Depuis le début de l’été, afin de trouver des pistes pour les étudiants malheureux du tirage au sort à l’entrée en licence, les équipes ont fait preuve d’engagement et de solidarité. Elles ont su augmenter leur capacité d’accueil et même contacter d’autres établissements quand il leur restait des places à pourvoir. Nous sommes donc quelque peu rassurés sur ce point, qui suscite encore des craintes.
Elle suppose enfin que la mobilité encouragée des étudiants sur le territoire ne soit pas tributaire de leur capacité financière pour être épanouissante. L’État devra veiller à la possibilité de poursuivre en deuxième cycle. Monsieur le secrétaire d’État, nous attendons vos engagements sur ce point.
Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il me semble que ces trois conditions sont aujourd'hui réunies, et je ne suis pas la seule à le penser. L’ensemble des organisations étudiantes représentatives, sans aucune exception, défendent ce texte qu’elles ont signé. Les enseignants, les enseignants-chercheurs, les présidents et les directeurs d’établissement, via leurs syndicats et leurs conférences, le soutiennent aussi.
Le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, réuni en session plénière le 17 octobre dernier, a voté très majoritairement, à 71,4 %, pour la mise en œuvre réglementaire du texte issu des travaux de la commission. Un tel niveau d’adhésion est suffisamment rare au CNESER pour le signaler, s’appuyer dessus et s’en réjouir !
Le calendrier parlementaire est connu de tous. Défenseurs de l’enseignement supérieur de qualité dans notre pays, de l’égalité d’accès aux études supérieures réussies, nous devons mobiliser nos efforts pour sécuriser la rentrée universitaire prochaine, dont les inscriptions, vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, commencent à la fin du printemps. Pour cela, il importe de permettre l’instauration de cette réforme souhaitée et attendue en adoptant ici, au Sénat, ce texte, qui devra ensuite être voté conforme à l’Assemblée nationale.
Le groupe socialiste et républicain, auquel j’appartiens, votera cette proposition de loi dans un esprit de responsabilité et avec le sentiment, monsieur le secrétaire d'État, de contribuer au mouvement engagé de progrès et de modernisation de l’enseignement supérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin.
M. Jacques Grosperrin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après avoir débattu, la semaine dernière, des conclusions du rapport de notre collègue Guy-Dominique Kennel consacré à l’orientation scolaire, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de notre collègue Jean-Léonce Dupont portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système LMD.
Ces questions pourraient sembler étrangères l’une à l’autre ; il n’en est rien, elles sont intimement liées. Je signalais, la semaine dernière, la situation difficile des universités françaises, qui résulte de la massification de l’enseignement supérieur et du doublement des effectifs étudiants depuis les années quatre-vingt. Je tiens néanmoins à rendre hommage à Thierry Mandon pour la sanctuarisation des crédits cette année. Je serai néanmoins vigilant, gardant à l’esprit le coup de rabot qui avait été donné l’année dernière par les députés. Nous espérons tous que cela ne se reproduira pas cette année.
On peut, bien sûr, se féliciter de constater que la proportion d’enfants d’une classe d’âge diplômés de l’enseignement supérieur a atteint des sommets autrefois inaccessibles. Cependant, toute médaille a son revers : en la matière, le revers est effrayant, et à double titre. Pour affronter l’échec et le décrochage, la solution passerait peut-être non pas seulement par la massification, mais également par la diversité des parcours.
D’abord, le diplôme ainsi obtenu ne constitue plus, tant s’en faut, une garantie de trouver un emploi. Ainsi que l’expose très justement notre collègue Dupont dans son rapport, la situation des diplômés de l’enseignement supérieur ne trouvant pas leur juste place sur le marché du travail est doublement difficile, car ils doivent souvent choisir entre le chômage et le déclassement.
Ensuite, les universités n’ont pas vu leurs dotations croître dans des proportions comparables à l’augmentation des effectifs. Qu’il s’agisse de moyens humains ou financiers, on demande donc aux universités de faire beaucoup plus, à moyens constants. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez reçu une lettre de la CPU dans laquelle il était question d’insécurité, d’insincérité et surtout peut-être de budgets déficitaires.
Une telle situation est littéralement intenable à long terme, soyons-en conscients. Elle porte en elle le germe d’une détérioration de la qualité du service offert et fait craindre l’avènement d’un système d’enseignement supérieur à deux vitesses : d’un côté, l’université gratuite non sélective dispensant un enseignement de masse de faible qualité ; de l’autre, les établissements payants sélectifs disposant de moyens considérables pour offrir une formation de qualité à des étudiants choisis parmi les meilleurs. Est-ce vraiment cela que nous souhaitons construire ?
Je félicitais, la semaine dernière, notre collègue Kennel de proposer la mise en place d’une sélection raisonnable à l’entrée de l’université dans les filières sous tension. Jean-Léonce Dupont a évoqué trois filières : le droit, la psychologie et les STAPS. Est-il normal qu’il y ait un droit de tirage ?
Je renouvelle mes félicitations, mais je souhaiterais insister sur le lien entre, d’une part, le refus dogmatique et socialement injuste de la sélection à l’entrée de l’université et, d’autre part, la nécessité d’une sélection en master : l’absence de la première rend la seconde absolument nécessaire.
Faut-il que cette sélection ait lieu en première ou en seconde année de master ? J’avoue qu’il me semblerait raisonnable, sur une telle question, de reconnaître la plus grande liberté aux universités. Toutefois, dans la mesure où les dispositions de ce texte, telles qu’elles résultent des travaux en commission, confèrent une certaine souplesse en prévoyant le principe de la sélection à l’entrée en M1 et la possibilité transitoire d’une sélection retardée à l’entrée en M2, celles-ci me semblent très acceptables.
L’instauration d’un droit à la poursuite d’études en master m’interpelle, notamment en raison du risque de dévalorisation du master. J’ai bien compris, monsieur le secrétaire d'État, que le véhicule législatif emprunté par notre collègue Jean-Léonce Dupont était peut-être une aubaine. Quoi qu’il en soit, nous nous interrogeons sur cet accord historique, car nous avons peur de cette université à deux vitesses. Nous avons auditionné ce matin des étudiants qui craignaient l’émergence de masters « poubelles » opposés à des masters de qualité. Nous voudrions attirer votre attention sur cette inquiétude. Le risque est grand, surtout, de conduire à la création de masters spécifiquement tournés vers l’accueil des refusés.
Nous sommes inquiets de cette université à deux vitesses, mais inquiets aussi de la mise en place opérationnelle par le recteur, chancelier des universités, qui aura une lourde tâche. La formulation retenue par la commission pour l’article L. 612-6, alinéa 3, du code de l’éducation me semble toutefois de nature à éviter ces risques.
J’aimerais, enfin, vous faire part d’une réserve d’interprétation quant à une phrase relevée dans le rapport. Celui-ci mentionne que « la sélection est aussi l’assurance de recruter des étudiants de haut niveau dans les formations de haut niveau que sont les masters puis, a fortiori, les doctorats ». Cette affirmation est tout à fait pertinente, et je la fais mienne sans hésiter. Cependant, la phrase qui suit immédiatement me semble susceptible d’une interprétation que j’aimerais écarter. Il y est affirmé que c’est « à partir de ce niveau de formation universitaire » – c'est-à-dire le master – « que les étudiants bénéficient pleinement de l’activité de recherche de leurs enseignants ».
Une lecture a contrario de cette phrase pourrait conduire à relativiser l’importance de la recherche pour les universitaires enseignant en premier cycle, ce qui me semblerait infondé. Je crois en effet très important d’affirmer l’immense intérêt et la chance inouïe des étudiants de pouvoir bénéficier, dès la première année, de cours dispensés par des enseignants de très haut niveau, parce qu’ils sont pleinement investis dans leurs missions de recherche. Je suis convaincu que, parce qu’ils constituent le socle sur lequel reposent toutes les matières enseignées par la suite, les enseignements de licence doivent se nourrir, en permanence, des recherches menées par l’enseignant.
Le premier cycle universitaire ne peut pas et ne doit pas être réduit à un prolongement du lycée. Il me semble dès lors capital de maintenir l’intérêt, pour les professeurs les plus brillants et les mieux investis dans leurs activités scientifiques, qu’il peut y avoir à prendre en charge de jeunes étudiants. C’est aussi cela qui permettra à l’université française de remplir ses importantes missions.
Monsieur le secrétaire d'État, en commission, nous avons beaucoup débattu, notamment avec Bruno Retailleau, que je salue, du droit à poursuivre des études, sujet qui nous inquiétait et sur lequel nous éprouvions des réserves. Nous ne sommes ni dupes ni complices, mais tout simplement pragmatiques. Depuis 2002, l’ensemble de la communauté éducative et surtout les étudiants attendent une sécurité plus importante dans le suivi des études. Après les prochaines échéances électorales de 2017, viendra peut-être le temps d’une refondation pas simplement de l’école, mais aussi de l’université. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, personne ne conteste plus aujourd’hui l’exigence d’élévation du niveau des connaissances. Nous revendiquons pour notre part cette élévation pour tous et toutes, considérant qu’il s’agit d’une condition pour que notre société puisse faire face à son propre développement. La France a d’ailleurs pris dans ce domaine des orientations importantes via la stratégie nationale de l’enseignement supérieur. Celle-ci fixe un cap clair : porter à 60 % d’une classe d’âge, contre 42 % aujourd’hui, la proportion de diplômés de l’enseignement supérieur. Cela impose, selon nous, de réinterroger la question des capacités d’accueil et des moyens budgétaires.
La StraNES propose de consacrer 2 % du PIB à l’enseignement supérieur et, surtout, d’exclure ces dépenses des calculs des déficits publics. Les derniers projets de loi de finances nous placent bien loin de cette ambition ! De plus, les difficultés budgétaires des universités consécutives à la loi LRU et au passage aux RCE ne sont pas derrière nous. De nouvelles inquiétudes s’expriment en cette rentrée 2016 face à l’inadaptation des moyens par rapport à l’afflux de nouveaux étudiants, d’autant qu’après cette rentrée se profilent 30 000 à 40 000 nouvelles arrivées pour 2017. Voilà dans quel contexte nous débattons aujourd’hui !
L’accord du 4 octobre signé par la quasi-totalité des organisations représentatives prévoit la mise en place d’une plateforme sur laquelle les étudiants saisiront leurs vœux de master et sur laquelle les universités se sont engagées à rendre publics et transparents les capacités d’accueil, les prérequis… Cette plateforme est une bonne chose. Cette transparence devrait d’ailleurs être généralisée à l’ensemble des cycles.
Que prévoit le texte que nous examinons ce soir ?
Conformément à l’accord du 4 octobre, il vise à apporter une réponse à la mise en œuvre inachevée du système LMD, issu du processus de Bologne, processus auquel, je le rappelle, mon groupe était opposé. Il s’agit donc de légaliser la barrière « sélective », actuellement pratiquée par les universités entre le M1 et le M2, pour la déplacer à l’entrée du master, et de modifier en conséquence le code de l’éducation. Or nous continuons de défendre le principe d’une non-sélection dans la poursuite des études supérieures, ce qui n’exclut pas – bien au contraire ! – d’améliorer les processus d’orientation.
Certes, l’accord prévoit en contrepartie un « droit à la poursuite d’études en master », fruit du compromis obtenu le 4 octobre. Cela fait d’ailleurs réagir les partisans de la sélection sèche, qui la revendiquent dès l’entrée à l’université, couplée à une hausse des frais d’inscription.
Comment pourrait se déployer ce « droit » à la poursuite d’études en master qui, dans la proposition de loi, n’est pas nommé comme tel, étant entendu que ce sont les conseils d’administration des universités qui fixent leurs capacités d’accueil ? Ce dernier point, en revanche, est bien précisé dans le texte.
L’étudiant dont les premiers vœux de master n’auront pas abouti devra demander au recteur le déclenchement du dispositif qui comprendra trois propositions. L’une, au moins, devra tenir compte de son projet professionnel et de l’établissement où il a obtenu sa licence. Il appartiendra au recteur, en « dialogue » avec les universités, de lui trouver une place en master.
L’accord prévoit que cette demande formulée par l’étudiant pourra se faire immédiatement après l’obtention de la licence ou de manière différée. La proposition de loi omet cette précision importante ; nous avons déposé un amendement pour y remédier.
Deux propositions pourront donc concerner une place en master hors de son établissement d’origine, dans des régions académiques, pour certaines, très élargies du fait de la loi NOTRe. Dès lors, notre inquiétude fondamentale réside dans la capacité d’accompagnement pédagogique et d’aide à la mobilité géographique des étudiants, notamment au travers du volet financier.
Le Gouvernement a indiqué qu’il n’ouvrirait pas dans le projet de loi de finances pour 2017 une ligne budgétaire dédiée, donc pérenne, et que le financement s’opérera par redéploiement budgétaire, grâce à une sous-consommation « estimée » du dispositif ARPE, voté cet été. Autant dire que les capacités de mobilité risquent d’être faibles. C’est pourquoi je propose une solution pour abonder ce fonds d’aide à la mobilité via un redéploiement, très partiel je vous rassure, du dispositif du crédit d’impôt recherche dédié – faut-il le rappeler ? – aussi à l’embauche de jeunes docteurs, donc à leur formation.
Mme Annie David. Très bien !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je rappelle qu’un étudiant sur deux travaille pour financer ses études. Une prime d’installation, dont le montant évoqué tournerait autour de 1 000 à 1 500 euros, ne prend pas, à mon sens, la mesure des besoins imposés par une mobilité géographique. S’agissant des boursiers, l’aide prendra la forme d’une surpondération du critère « géographique ».
Ce dispositif s’apparente, selon moi, à une tentative de régulation et de gestion des flux, loin de l’ambition de la StraNES et de ses objectifs pour une « réelle démocratisation de l’accès aux études supérieures ». Il s’agirait, au contraire, de défendre une réforme qui réponde aux besoins avec un cadre national des diplômes et qui lutte contre les déterminismes sociaux. En licence, 28 % des étudiants sont des enfants de cadres et 26 % des enfants d’ouvriers ; mais, en master, 34 % des étudiants sont des enfants de cadres et 17 % des enfants d’ouvriers.
Mes chers collègues, telles sont les réserves et les inquiétudes qui nous empêcheront de voter en l’état le texte qui nous est proposé ce soir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je crains toujours l’unanimisme fondé sur des ambiguïtés revendiquées.
La proposition de loi de notre collègue Jean-Léonce Dupont est l’aboutissement synthétique d’une excellente analyse de la situation. Je ne peux, comme d’habitude, que rendre hommage à son travail.
Je ne vous cacherai pas plus longtemps que je ne suis pas convaincu qu’il ait été opportun que ce bon véhicule législatif soit envahi par le contenu de l’accord obtenu le 4 octobre dernier par le Gouvernement avec certaines organisations syndicales et le président de la conférence des présidents d’université. La caractéristique du bernard-l’ermite ou du coucou législatif, c’est de se glisser dans une enveloppe en changeant le texte initial. (Rires sur les travées de l'UDI-UC.)
Je suis convaincu que nous partageons presque tous le même constat sur la situation de l’université française. Elle a une capacité incontestable à former des étudiants de grande qualité, dont un certain nombre d’ailleurs vont ensuite exercer leurs talents à l’étranger, dans des pays heureux d’accueillir ces jeunes brillants qui sont le produit, certes, de leur travail, mais aussi des efforts de la nation française.
Pour autant, les classements internationaux, en vérité discutables, doivent nous alerter sur l’impérieuse nécessité de donner les moyens nécessaires à l’enseignement supérieur et à la recherche.
Dans le bilan, on ne saurait occulter, comme le souligne le rapport, que 55 % de l’offre de formation supérieure est sélective, en regroupant 65 % des étudiants, et que la place de l’enseignement supérieur privé augmente fortement, représentant 19 % des effectifs, avec une croissance de 45 % en douze ans. Voilà quel est le résultat de la politique menée par les gouvernements successifs !
La réalité, la triste réalité, relevée par le rapport, c’est que ce sont les étudiants issus des classes moyennes et modestes qui remplissent les formations non sélectives. L’ascenseur social, fierté des Républiques précédentes, est en panne. Songez qu’ils ne sont que 34 % à obtenir leur licence en trois ans et 43 % à ne jamais l’obtenir.
Oui, la non-sélection est devenue la sélection par l’échec, c’est-à-dire la pire : celle du temps perdu, de la dévalorisation de soi-même, de la désespérance et aussi du rejet du système social et institutionnel ! L’une des causes fondamentales de cette situation relève de notre responsabilité collective, d’une absence de courage des gouvernements successifs et de nous-mêmes depuis un demi-siècle. En fait, elle relève de notre incapacité à assumer et à expliquer le mot « sélection ». Pour avoir été membre pendant cinq ans du premier CNESER, monsieur le secrétaire d'État, et pour avoir passé onze années de ma vie comme étudiant et enseignant à Paris-I et à Paris-II, j’ai certainement participé à cette incapacité. J’assume donc ma part de responsabilité.
Ce qui est inadmissible, ce n’est pas de sélectionner par le mérite, mais c’est de ne pas donner à chacun sa chance, quelle que soit son origine sociale ou géographique. À force d’assimiler le mot « sélection » à un instrument de lutte des classes, d’aucuns, dont certains syndicats, ont de fait contribué à créer une situation où fractures sociale et territoriale se sont aggravées. Dans ce contexte, remettre sur la table l’idée de la sélection est un élément positif de l’accord du 4 octobre 2016.
Passer au système LMD dans une optique européenne calée sur la tradition anglo-saxonne n’était pas forcément la meilleure solution. Par exemple, nos IUT, pourtant très performants, en font les frais, comme ils subissent les conséquences de l’autonomie des universités.
Je persiste à considérer que la solution logique, de bon sens, est de mettre en place la sélection à l’entrée du master 1. Maintenir un système boiteux au milieu du parcours master est aberrant !
Quant au système découlant de l’accord du 4 octobre 2016, il est malheureusement dans la logique de ce que nous vivons au niveau de l’exécutif ces dernières années : je dis oui et je fais non ; j’avance un pied et je recule l’autre !
M. Loïc Hervé. Excellent ! Bravo !
M. Jacques Mézard. On dit à la fois oui à la sélection et au droit de poursuivre des études. Reconnaissez que c’est tout de même original !
En réalité, ce que nous propose le Gouvernement, suite à l’accord syndicat et président de la CPU, c’est l’affirmation d’un principe de sélection, suivi dans la pratique de l’inverse.
Si ce compromis fait consensus, c’est qu’il permet à chaque partie de revendiquer la sauvegarde de sa doctrine. Comme se plaisait à le dire Édouard Herriot : « Appuyons-nous sur les principes, ils finiront par céder » ! (Sourires.) Mais c’était un optimiste, car, ici, l’exécutif s’appuie sur deux principes contradictoires pour construire une voie dont je crains qu’elle ne soit une impasse !
Comme le relevaient à juste titre les professeurs Beau et Galderisi dans Le Monde du 7 octobre dernier : « Admirons ce paradoxe ubuesque : les équipes pédagogiques auront le droit de ne pas accueillir les étudiants de leur propre université dont elles estiment qu’ils ne possèdent pas les prérequis, mais elles devront accepter d’inscrire dans leurs filières des étudiants refusés ailleurs ! Il n’y a plus de sélection pour tous, mais au contraire l’admission pour chacun, voulue et décidée par l’État contre les universités, au terme d’une combinazione absurde et coûteuse. » Ils ajoutaient : « Ce projet de loi aurait pour effet, s’il était adopté, de retirer aux universités le peu d’autonomie didactique dont elles bénéficiaient encore. Que le recteur décide au nom de l’État d’affecter des étudiants dans des masters contre la volonté des équipes pédagogiques signifie que l’autonomie des universités n’existe plus. »
La réalité, c’est que cet accord, une fois de plus, sera préjudiciable aux étudiants issus de classes défavorisées. Certes, ils auront un diplôme de papier, mais il sera difficilement négociable dans le monde du travail. Là encore, comme pour la réforme territoriale, la fracture entre Paris, les grandes métropoles et les universités puissantes, et les autres s’approfondira.
Un bon accord est celui qui permet à toutes les parties de s’élever, d’où les préoccupations et les interrogations qui sont les nôtres. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Claude Kern. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la présente proposition de loi est un texte important. Elle a deux objets qu’il convient de bien distinguer.
Le premier est de déplacer le curseur de la sélection actuellement effectuée entre le master 1 et le master 2 à l’entrée en master 1.
Une fois encore, le mot terrible est lâché : « sélection » ! Un mot qui ne nous fait pas plus peur qu’au rapporteur, car il y a une véritable hypocrisie dans ce débat. Pour certains, l’université ne devrait pas sélectionner. Or que se passe-t-il quand on ne sélectionne pas ? La sélection a tout de même lieu, mais pas comme on le voudrait. D’une part, les meilleurs tentent d’échapper à l’université en se réfugiant dans les grandes écoles. D’autre part, la sélection se fait à l’université par l’échec.
En n’assumant pas le fait que l’université a aussi vocation à sélectionner, on renforce le système français d’un enseignement supérieur à deux vitesses. Alors que chacun sait qu’il faut tendre vers une convergence entre l’université et les grandes écoles, on laisse nombre de jeunes perdre leur temps dans des cursus qui ne leur conviennent pas.
In fine, le paradoxe est frappant : en ne fixant pas nous-mêmes les critères de la sélection, celui du mérite, du travail et de l’excellence, on laisse le champ libre au darwinisme social. En effet, le plus souvent, ce ne sont pas les jeunes les plus défavorisés qui se retrouvent dans les grandes écoles. En revanche, ce sont eux qui, lorsqu’ils sont brillants, peinent à être distingués par un système universitaire réputé non sélectif. Pour eux, la sélection au mérite n’est pas une pénalité, mais est une chance, voire un droit. Oui, il y a un droit à être sélectionné, c’est-à-dire à être valorisé pour sa compétence ! Oui, il y a un droit à sortir du lot !
Cela dit, ne nous trompons pas de combat. Le présent texte n’a pas vocation à instaurer une sélection qui ne lui préexistait pas. Pas du tout ! Il s’agit juste de déplacer le curseur d’une sélection existante.
La problématique est bien connue. Alors que le système LMD a été mis en place en France à partir de 2002, la sélection qui s’opérait traditionnellement à l’entrée des DEA et DESS a perduré. Le résultat est kafkaïen : la sélection s'opère entre le M1 et le M2, ce qui aboutit à une situation intenable à la fois sur le plan pédagogique et sur le plan juridique.
Sur le plan pédagogique, la sélection en M2 revient à couper en deux un cursus conçu comme un tout indissociable de quatre semestres.
Sur le plan juridique, elle a conduit des étudiants ayant validé leur M1 à être refusés dans le M2 de leur choix. Certains de ces étudiants ont attaqué cette décision devant les tribunaux et ont obtenu gain de cause, c'est-à-dire leur inscription forcée.
La situation est évidemment intenable. Pour y remédier temporairement, le décret du 25 mai dernier dispose que la sélection ne peut être opérée en M2 que pour les étudiants s'inscrivant dans un M2 différent de leur M1 ou qui changent d'établissement entre le M1 et le M2. C'est évidemment une rustine destinée à faire passer le cap de la rentrée de 2016 sans trop de heurts. L'intervention du législateur était inévitable et urgente.
Déplacer le curseur de la sélection à l'entrée du master est une mesure de bon sens, qui aurait dû être prise depuis au moins dix ans. Cela n’a pas été le cas, car elle a été couplée à une autre question, qui constitue le second objet du texte : la création d'un droit à la poursuite d'études après la licence.
De fait, le dépôt de la proposition de loi de Jean-Léonce Dupont a donné un coup de pied dans la fourmilière. Alors que les négociations sur le droit à la poursuite d'études s'enlisaient, l'inscription de ce texte dans la niche du groupe UDI-UC les a débloquées. Un accord qualifié d'« historique » par la ministre de l'éducation nationale a été conclu le 4 octobre dernier entre le Gouvernement et les organisations représentant les étudiants, les personnels et les universités sur le droit à la poursuite d'études. Par l'adoption d'un amendement de Dominique Gillot, l'accord a été intégré à la proposition de loi de Jean-Léonce Dupont, qui en était le véhicule législatif naturel.
Concrètement, en vertu de cet accord, lorsqu'un étudiant se verra refuser l’accès aux masters de son choix, il pourra demander au rectorat de lui présenter des propositions alternatives. Le rectorat devra alors lui faire trois propositions, dont au moins une dans la région académique où l'étudiant a obtenu sa licence, sauf en l'absence de places disponibles. Des fonds d'aide à la mobilité seront créés pour les étudiants obligés de se déplacer et qui en auront économiquement le plus besoin.
Ce dispositif soulève deux questions de principe et deux questions pratiques.
Sur le plan des principes, on peut se demander s'il n'est pas contradictoire d'entériner le fait que certains masters sont sélectifs pour, en contrepartie, consacrer un droit à la poursuite d'études. Ça l'est potentiellement, mais pas nécessairement.
En l'occurrence, la manière dont ce droit est conçu nous semble de nature à vider la critique de sa substance. En effet, il ne s'agit pas d'un droit opposable, comme en témoignent les garde-fous qui l'accompagnent. Notre rapporteur l'a déjà indiqué : les propositions du rectorat devront correspondre au projet professionnel de l'étudiant ; l'étudiant devra remplir des prérequis ; des places devront être disponibles et le chef d'établissement concerné devra donner son accord explicite au recteur.
Sur le plan des principes toujours, mais cette fois sur un terrain un peu plus philosophique, on peut se demander si la société doit accorder un droit au master. Ce qui revient à s'interroger sur le rôle de l'université : doit-elle seulement préparer à la vie professionnelle ou aussi donner une ouverture culturelle et intellectuelle, même non professionnalisante ? « Les deux, mon capitaine ! », répondrons-nous en bons centristes.
Mais le système proposé pose aussi deux problèmes pratiques : un problème administratif et un problème pédagogique.
D'un point de vue administratif, il faut garantir l'effectivité de ce nouveau droit. Le rectorat aura-t-il les moyens de répondre aux demandes des étudiants qui se verront refuser leurs premiers choix de master ? Les propositions faites par le rectorat satisferont-elles les étudiants ou bien seront-elles de nouveau génératrices de contentieux ? Les fonds d'aide à la mobilité seront-ils suffisants pour ne pas vider le droit de sa substance ?
D'un point de vue pédagogique, il est à craindre que la dynamique du « droit au master » conduise à la constitution d'une filière master à deux niveaux : un niveau sélectif et un niveau non sélectif. C'est la problématique des masters « poubelles ».
Évidemment, on ne peut pas éluder ces questions, mais seule l'expérience permettra d'y répondre. C'est pourquoi notre commission, sous la houlette de notre rapporteur, a incorporé un dispositif d'évaluation.
À la fin de 2019, le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur réalisera une évaluation du droit à la poursuite d'études. L'évaluation portera sur l'impact du droit sur la qualité de l'offre de formation en deuxième cycle ainsi que sur la sécurisation juridique des parcours. C'est fondamental ! C'est une véritable clause de revoyure.
Merci et félicitations à Jean-Léonce Dupont d'avoir eu le courage et la ténacité de vraiment faire bouger les choses sur un sujet aussi important et aussi sensible ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains. – Mmes Corinne Bouchoux et Claudine Lepage applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Berson.
M. Michel Berson. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis 2002, les universités françaises se conforment officiellement au système européen licence-master-doctorat. Dans la réalité, elles ont conservé la césure entre la quatrième année – la maîtrise d’autrefois, le master 1 d’aujourd'hui – et la cinquième année – le DEA ou le DESS de naguère, c'est-à-dire le master 2 actuel. À l’issue de la première année de master, les étudiants doivent passer devant un jury ou présenter un dossier pour entrer dans les masters 2 les plus réputés.
Ainsi, depuis quinze ans, dans les masters où la compétition est la plus vive et le nombre de places limitées, les universités ont mis en place une véritable sélection, qu’aucun texte législatif n’autorise. Il convient de souligner qu’il ne s’agit pas là d’un problème de places disponibles, puisque le nombre est pratiquement le même : 130 000 en master 1 et 120 000 en master 2. Non, il s’agit plutôt de l’orientation des étudiants, qui, aujourd'hui, est souvent synonyme de sélection par l’échec !
L’organisation du cycle de master devait donc être sérieusement réformée. Quinze ans après l’instauration en France du LMD, notre système d’enseignement supérieur devait se mettre en cohérence avec le modèle européen. Les deux années de master constituant un seul et même bloc, c’est à l’entrée, en M1 et non en M2, que doit s’opérer l’orientation sélective des étudiants.
Pour sécuriser juridiquement le master, un accord, qu’il convient de saluer, car il n’est pas habituel, a été conclu sous votre impulsion, monsieur le secrétaire d'État, entre les présidents d’université, les syndicats d’enseignants et les organisations étudiantes. C’est cet accord que reprend la présente proposition de loi de Jean-Léonce Dupont, amendée par Dominique Gillot. Cet accord va permettre de concilier deux principes : subordonner l’admission en master à l’obtention d’un concours ou à l’examen d’un dossier, ce qui préservera la qualité des diplômes ; instaurer un droit à la poursuite d’études en master.
La mise en œuvre de cette réforme nécessitera le respect de trois règles : les critères fixant les capacités d’accueil en master devront être précis et transparents ; le fonds d’aide à la mobilité des étudiants devra être financé par des crédits significatifs et pérennes ; la plateforme d’orientation en master devra non pas gérer les propositions faites aux étudiants sur le modèle d’admission post-bac, mais permettre de connaître précisément les formations qui, à la fois, disposent de places disponibles et correspondent peu ou prou au projet professionnel de l’étudiant.
Pour conclure, je voudrais faire une observation, monsieur le secrétaire d'État. Parallèlement à cette réforme des masters, il faudrait refondre le cycle des licences et des formations courtes, du type BTS et DUT, afin de pouvoir développer massivement les licences professionnelles, car les formations bac+3 professionnalisantes constituent une très bonne alternative pour les étudiants qui s’engagent en master par défaut et connaissent un risque élevé d’échec.
Avec cette réforme ambitieuse des masters, la France fait la démonstration qu’elle est capable de surmonter un tabou – la sélection – et de se réformer, dès lors qu’elle est animée par une volonté politique forte, appuyée par les partenaires sociaux. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je félicite Jean-Léonce Dupont pour sa proposition de loi portant adaptation du deuxième cycle de l'enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat, proposition de loi juste et pragmatique.
Le système licence-master-doctorat est issu du processus de Bologne et permet la construction d'un espace européen de l'enseignement supérieur. Le parcours de master est constitué de quatre semestres sur deux années consécutives, qui sont normalement indivisibles et où la réussite des deux premiers semestres conditionne seule le passage en seconde année. Or cette procédure est remise en question, ce qui a d'ailleurs été souligné par le Conseil d'État en février dernier.
Le texte proposé par Jean-Léonce Dupont permet de définir clairement et durablement les critères d'admission en deuxième cycle. Les universités qui le souhaitent pourront désormais conditionner l'admission en première année de master à l'examen d'un dossier de candidature et à une épreuve spécifique ou un entretien.
Cette proposition de loi va nous permettre d'alerter le Gouvernement sur un sujet extrêmement lié à la sélection en master. Le taux de réussite en licence, en France, a toujours été le talon d'Achille des études à l'université. Seulement 27 % des inscrits en première année obtiennent leur licence trois ans plus tard. L’université ne fait donc pas de sélection à l'entrée : la sélection a lieu pendant la licence. Malheureusement, c’est une sélection par l’échec. Là est le véritable problème de la sélection à l'université. C'est d'ailleurs, permettez-moi de le dire ici, une cruelle désillusion pour les étudiants et pour le principe de l'éducation républicaine ouverte à tous.
Le véritable échec de l'université est le lycée et notamment l'orientation, qui est quasiment inexistante. Le constat n'est pas nouveau. Il est même frappant de voir que les rapports sur ce sujet, dont le dernier a été rendu par Guy-Dominique Kennel, se répètent au mot près : on y lit des termes tels qu’« orientation par l'échec » ou encore « orientation subie ».
Le système est défaillant et il est devenu incompréhensible, notamment pour les lycéens qui ont des difficultés ou les excellents élèves issus de milieux socialement défavorisés. À titre d'exemple, il est difficile d'y voir clair parmi les trop nombreux opérateurs de l'orientation et leurs acronymes : CIO, ONISEP, PIJ, CRIJ…
La sélection pourrait intervenir comme un moyen d'orientation, et cela dès l'entrée à l'université. Si un étudiant, avec de bons ou de mauvais résultats, se présente à un entretien de manière obligée et non pas parce qu'il s'est lui-même orienté, alors les professeurs d'université verront qu’il s'est trompé d’orientation.
Au fond, la sélection en master n'est pas scandaleuse. C'est l'absence de sélection et d'orientation pour l'entrée à l'université qui l'est. Au collège un peu, mais surtout au lycée, l'orientation doit être prise en compte autant que les cours d'histoire, de français ou de mathématiques. Elle doit être une matière en tant que telle, avec des cours et des explications. Cela obligerait les élèves à s'impliquer, à s'interroger sur leur avenir, à se poser les bonnes questions.
Aujourd'hui, nous sommes les champions du monde des forums de l'orientation, des présentations par des professionnels de l’orientation dans les lycées. Le résultat de tout cela est affligeant.
Sans être hors sujet, il me semble nécessaire, avant d’envisager la problématique du master, de s’interroger sur le fonctionnement du collège et du lycée. Le conseiller d'orientation-psychologue est peu présent, parce qu'il est surchargé de missions. Il ne passe qu'une journée et demie par semaine dans un collège ou un lycée. Comment voulez-vous que cela fonctionne ? Comment voulez-vous qu'un conseiller d'orientation travaille dans de bonnes conditions et puisse connaître le lycéen qu'il a en face de lui, quand on sait que le ratio est d’un conseiller pour 1 300 lycéens ?
Les enseignants ne sont ni formés au conseil en orientation, ni initiés à la diversité des métiers, ni même parfois, et c'en est la conséquence, prêts à exercer cette mission. Bref, l'orientation est un métier, une mission particulière, qui doit prendre une place prépondérante au lycée.
Dès lors, clarifier l'admission en master est une excellente initiative. Il est néanmoins urgent de clarifier l’admission dans le cursus universitaire de façon générale. Je l'ai dit, je le redis, la sélection à l'université doit être vue non pas comme une contrainte mais comme un moyen qui permet de mieux orienter nos lycéens après le bac et d’éviter ainsi ce taux d'échec en licence qui est l'un des plus scandaleux de toute l'Union européenne.
La question de l’orientation scolaire, comme celle de la réussite à l’université, était une promesse faite par le Président de la République, une de plus qu’il n’a pas tenue. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat
Article 1er
I. – La section 2 du chapitre II du titre Ier du livre VI de la troisième partie du code de l’éducation est ainsi modifiée :
1° L’article L. 612-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 612-6. – Les formations du deuxième cycle sont ouvertes aux titulaires des diplômes sanctionnant les études du premier cycle ainsi qu’à ceux qui peuvent bénéficier de l’article L. 613-5 ou des dérogations prévues par les textes réglementaires.
« Les établissements peuvent fixer des capacités d’accueil pour l’accès à la première année du deuxième cycle. L’admission est alors subordonnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat.
« Cependant, s’ils en font la demande, les titulaires du diplôme national de licence sanctionnant des études du premier cycle qui ne sont pas admis en première année d’une formation du deuxième cycle de leur choix conduisant au diplôme national de master se voient proposer l’inscription dans une formation du deuxième cycle en tenant compte de leur projet professionnel et de l’établissement dans lequel ils ont obtenu leur licence, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État pris après avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche.
« Les capacités d’accueil fixées par les établissements font l’objet d’un dialogue avec l’État. » ;
2° (nouveau) Il est ajouté un article L. 612-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 612-6-1. – L’accès en deuxième année d’une formation du deuxième cycle conduisant au diplôme national de master est de droit pour les étudiants qui ont validé la première année de cette formation.
« Un décret pris après avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche peut fixer la liste des formations du deuxième cycle conduisant au diplôme national de master pour lesquelles l’accès à la première année est ouvert à tout titulaire d’un diplôme du premier cycle et pour lesquelles l’admission à poursuivre cette formation en deuxième année peut dépendre des capacités d’accueil des établissements et, éventuellement, être subordonnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat. »
II (nouveau). – Au cours du dernier trimestre 2019, le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur réalise une évaluation de l’application du troisième alinéa de l’article L. 612-6 du code de l’éducation relatif à la poursuite d’études en deuxième cycle. Cette évaluation porte sur l’impact de ces dispositions sur la qualité de l’offre de formation en deuxième cycle ainsi que sur la sécurisation juridique des parcours. Elle est transmise au Parlement au plus tard le 1er mars 2020.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat et Fortassin et Mme Malherbe, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
L'amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat et Fortassin et Mme Malherbe, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Remplacer les mots :
du diplôme national de licence
par les mots :
des diplômes
et les mots :
l’inscription dans une formation du deuxième cycle en tenant compte de leur projet professionnel et de l’établissement dans lequel ils ont obtenu leur licence
par les mots :
par l’établissement dans lequel ils ont obtenu leur licence l’inscription dans une formation du deuxième cycle
II. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La proposition d'inscription tient compte des prérequis disciplinaires, du projet professionnel de l'étudiant et de la capacité d'accueil et d'encadrement de la formation du deuxième cycle.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter ces deux amendements.
M. Jacques Mézard. Autant le dire, je les retirerai tous les deux – je n’ai pas un goût immodéré du sacrifice, et je sais par avance que mes arguments ont peu de chances d’être entendus par le Gouvernement –, mais je tiens à expliquer une nouvelle fois les raisons pour lesquelles nous sommes inquiets.
On nous dit que le système sera évalué dans trois ans. Or on sait pertinemment ce qui se passera alors. Envoyer des jeunes dans des voies sans issue, ce n’est pas bien !
Qu’est-ce qui ne va pas dans ce système ? On met en place une sélection – c’est une nouveauté, il faut le reconnaître –, mais, dans le même temps, on prévoit un droit à la poursuite des études : si l’étudiant ne peut pas être inscrit dans le master où il désire poursuivre ses études, on doit lui faire trois propositions alternatives. Mais tout cela se fera dans des conditions qui poseront de nombreux problèmes et donneront donc lieu à de multiples contentieux.
Voilà pourquoi nous avons déposé ces deux amendements. L’amendement n° 5 rectifié tend à supprimer l’alinéa 5 de l’article 1er et l’amendement n° 6 rectifié, qui est un amendement de repli, vise à ce que les étudiants n’ayant pas obtenu l'inscription dans le master 1 de leur choix se voient proposer par l'établissement dans lequel ils ont obtenu leur licence une proposition d'inscription dans une autre formation en fonction des prérequis disciplinaires, de leur projet professionnel et de la capacité d'accueil et d'encadrement de la formation concernée.
Je comprends que l’on se réjouisse d’un accord qui réunit les organisations syndicales étudiantes et la conférence des présidents d’université. Je ne dis pas que tout cela est négatif. Je crois seulement que combiner dans un même texte principe de sélection et droit à la poursuite des études posera des problèmes techniques et aboutira à agrandir le fossé déjà considérable séparant les grandes écoles et certaines universités performantes, qui ne savent plus que faire des demandes d’admission, avec les autres universités, dans lesquelles le niveau de formation est très différent.
Je tenais donc à présenter ces amendements pour exposer nos inquiétudes. Nous en garderons ainsi la trace, que nous pourrons retrouver quand il s’agira de faire le bilan.
Pour l’heure, je les retire, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 5 rectifié et 6 rectifié sont retirés.
L'amendement n° 2, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Abate et P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Cette demande est faite par l’étudiant immédiatement après l’obtention de la licence sanctionnant des études du premier cycle ou de manière différée.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le compromis trouvé le 4 octobre et validé par le CNESER le 17 octobre prévoit que le droit à la poursuite d’études en master peut être déclenché par l’étudiant dans la foulée de l’obtention de sa licence ou de manière différée. Or ni le texte que nous examinons ni le projet de décret dont j’ai eu connaissance ne font référence à cette possibilité de différer le déclenchement de ce droit.
Cela étant, il m’a été indiqué par le Gouvernement que ce déclenchement différé serait autorisé pour tous les étudiants qui en feront la demande, et ce, pour une durée indéterminée. Un étudiant ayant obtenu sa licence et n’ayant pas fait valoir son droit à la poursuite de ses études en master immédiatement après – parce qu’il aura décidé de travailler ou de voyager, par exemple – pourra le faire sans aucune limite dans le temps. S’il le fait quand il est salarié, cela pourra prendre la forme d’une validation des acquis de l’expérience.
Le présent amendement tend donc à inscrire dans la loi cette disposition, prévue dans l’accord du 4 octobre, pour lui donner toutes les garanties d’application nécessaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Je vais peut-être vous surprendre, mes chers collègues, mais je ne suis pas mécontent des propos tenus par Jacques Mézard. Les questions qu’il pose traversent notre assemblée. Je le remercie donc de les exprimer.
Pour répondre à ses interrogations légitimes, je tiens à dire, même si je sais que j’aurai peut-être un peu de mal à le convaincre, que des précautions ont été prévues dans les décrets et que le dispositif spécifique d’évaluation vise à corriger ce qui doit l’être.
Quelles sont ces précautions ? D’une part, si sa candidature a été refusée, l’étudiant doit personnellement faire une demande auprès du recteur de la région académique dans laquelle il a obtenu sa licence et produire un projet professionnel. D’autre part, les propositions qui lui sont faites doivent tenir compte de l’offre de formation existante, des capacités d’accueil des masters existants, de son projet professionnel et des prérequis des formations.
On peut toujours s’interroger sur l’évaluation. Je pense que celle que nous avons prévu de mener après trois rentrées universitaires a vraiment pour objet de s’intéresser à la façon dont le système fonctionne. Nous posons une première pierre, mon cher collègue, dont on ne dit pas qu’elle est définitive. Nous prendrons en compte les atouts et les insuffisances du système.
L’amendement n° 2 tend à ce que le mécanisme de poursuite d’études puisse être déclenché dans la foulée de l’obtention de la licence ou de manière différée.
Le dispositif envisagé est intéressant, car il pose le principe d’une poursuite d’études éventuellement différée après quelques années d’expérience professionnelle, qui auront pu apporter de la maturité supplémentaire et contribuer à définir plus finement le projet professionnel. C’est tout à fait conforme à notre souhait de développer la reprise d’études en cours de carrière professionnelle, dans le cadre de la formation tout au long de la vie.
L’avis est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Je me réjouis de vos propos, monsieur Mézard, non seulement par goût de l’esprit critique, mais aussi par attachement à Édouard Herriot, qui a dit, je crois, que si, dans un État, on n’entend le bruit d’aucun conflit cela veut dire que la liberté n’existe pas. Votre position critique montre que ces débats sont libres.
Le dispositif de l’amendement n° 2 précise utilement le texte. Le droit à la poursuite d’études doit s’exprimer dans la continuité du diplôme national de licence, mais aussi de manière différée, en cas de césure par exemple.
L’avis est donc favorable.
Mme la présidente. Je constate que l’amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Carle et Grosperrin, Mme Mélot, MM. Retailleau et Leleux, Mme Duchêne, MM. Bouchet, Danesi, Soilihi, Commeinhes, Panunzi, Kennel et Allizard, Mmes Lopez et Duranton et M. Dufaut, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les titulaires du diplôme national de licence sanctionnant des études du premier cycle qui ne poursuivent pas une formation du deuxième cycle sont informés des différentes perspectives qui s’offrent à eux en matière d’insertion professionnelle ou de poursuite de leur formation. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de cette information. » ;
La parole est à M. Jacques Grosperrin.
M. Jacques Grosperrin. Comme Jacques Mézard, nous sommes très attentifs à ce que recouvre le principe du droit de poursuite des études en master. Ce dispositif risque en effet d’entraîner une offre à deux vitesses : les étudiants les plus brillants iront dans un master sélectif et les autres dans un master moins demandé, voire nouvellement créé.
Cet amendement vise à apporter une information complète aux titulaires d’une licence par la présentation des différentes perspectives qui s’offrent à eux en matière d’insertion professionnelle ou de poursuite de leur formation. Cela permettra aux étudiants de faire leur choix en toute connaissance de cause et, ainsi, d’éviter les désillusions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Cet amendement vise à apporter aux titulaires d’une licence une information utile sur les perspectives d’évolution, en particulier en matière d’insertion sur le marché du travail. La commission ne peut qu’y être favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Cette explication de vote vaudra aussi pour l’ensemble de la proposition de loi.
Le groupe que j’ai l’honneur de présider est évidemment favorable à la partie de l’accord qui, dans la logique du processus de Bologne, admet la sélection après la licence plutôt qu’entre le M1 et le M2. La situation n’était en effet pas tenable. Les efforts faits par le Gouvernement et toutes les parties doivent donc être salués. Je tiens également à saluer le travail de M. le rapporteur, qui a prévu une clause de revoyure.
Cela étant, vous avez discerné nos réticences sur le principe du droit à la poursuite des études en master. Jacques Mézard, avec ses mots et son tempérament, a exprimé les craintes que nous avons et qui sont motivées par trois éléments : un réflexe de parlementaire, une exigence légistique et une inquiétude plus philosophique.
Quand un parlementaire entend qu’un accord est à prendre ou à laisser, il ne veut qu’une chose : prendre un peu de distance, aller au-delà des apparences. Il était dès lors parfaitement normal que nous ne nous rendions pas tout à fait au texte de l’accord et que nous essayions de percevoir la logique qui le sous-tendait.
Concernant l’exigence légistique, il faut savoir que le Conseil d'État nous reproche de faire trop de lois et de mal les préparer. En l’occurrence, il nous est proposé d’instaurer un droit nouveau, important, sans fournir aucune étude d’impact, sans qu’on sache s’il s’agira d’un vœu pieux ou s’il trouvera à s’appliquer.
J’ai entendu les arguments quantitatifs. Reste que, dans la région que je préside, même si j’ai un nombre suffisant de places pour accueillir tous les lycéens, cela ne m’empêche pas de devoir construire d’autres lycées. En effet, il n’y a pas nécessairement adéquation entre l’emplacement des lycées actuels et le choix, notamment d’installation, des familles. La seule arithmétique ne résout pas tout !
Notre crainte, enfin, était de voir émerger un droit au master pour tous, qui aurait conduit, au bout du compte, à une université à deux vitesses, certains diplômes valant de l’or et d’autres n’étant que monnaie de papier.
Dans ces conditions, je pense que nous avons adopté une position sage, que Jacques Grosperrin a bien expliquée : tous les étudiants ne poursuivront sans doute pas en master, ce qui rend impérative une orientation améliorée. Cette exigence que nous devons avoir ne brise pas, je crois, l’esprit de l’accord et tient compte des craintes que nous pouvions nourrir, ainsi que de la vitesse à laquelle nous avons été obligés de légiférer.
J’ai cosigné la proposition de loi de notre collègue Jean-Léonce Dupont. Quand on est cosignataire, on essaie d’aller un peu au-delà des apparences !
J’invite nos collègues à voter cet amendement, et je vous indique dès à présent que, bien entendu, les membres du groupe Les Républicains voteront l’ensemble de la proposition de loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel après l’article 1er
Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Abate et P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article 244 quater B du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase du I, les mots : « 30 % », « 100 millions » et « 5 % » sont remplacés respectivement par les mots : « 25 % », « 80 millions » et « 4 % » ;
2° Aux premier et deuxième alinéas du d ter du II, le montant : « 10 millions » est remplacé par le montant : « 15 millions ».
II - Les dispositions du I ne s'appliquent qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
III - La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement allait de pair avec un amendement n° 3 visant à inscrire dans la loi la création d’un fonds spécifique d’aide à la mobilité géographique, mais qui, sans surprise, a été jugé irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.
Nous n’en entendons pas moins soulever la question du financement de l’aide à la mobilité géographique. La création d’un fonds spécifique étant mentionnée dans l’accord du 4 octobre dernier, je me suis d’abord demandé si le Gouvernement l’inscrirait par voie d’amendement dans le projet de loi de finances pour 2017. Le Gouvernement a fait un autre choix : les crédits mobilisés pour cette aide seront pris sur le programme 231, « Vie étudiante », au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur », par redéploiement des crédits – surévalués, m’a-t-on dit… – alloués à l’aide à la recherche du premier emploi, l’ARPE, créée l’été dernier par la loi Travail.
Le ministère estime disposer de marges de manœuvre suffisantes, mais que deviendront-elles une fois l’ARPE popularisée et comment l’aide à la mobilité sera-t-elle alors financée ? À moins, évidemment, qu’on ne table sur un non-recours à ces aides…
J’ai bien entendu que, selon les estimations du Gouvernement, la proportion d’étudiants sans affectation devrait avoisiner 2 % seulement. Reste qu’une prime à l’installation de 1 000 à 1 500 euros est tout de même maigre, vous en conviendrez, pour financer une véritable mobilité géographique. Peut-être aurait-elle un effet incitatif sur des étudiants qui ne rencontrent pas de difficultés pour financer leurs études, mais nous savons que nombre d’étudiants sont obligés de travailler. On manquerait donc à nouveau l’objectif d’une réelle démocratisation de l’accès aux études supérieures, singulièrement au master.
Voilà pourquoi les auteurs de cet amendement proposent de minorer le crédit d’impôt recherche, afin qu’une partie des crédits alloués à ce dispositif – une partie infime – soit réorientée au bénéfice de la formation et de la réussite des étudiants. L’un des objectifs assignés au crédit d’impôt recherche est de favoriser l’embauche de jeunes docteurs. Or, avant le doctorat, il y a le master. Je rappelle que la StraNES fixe l’objectif de 20 000 docteurs par an d’ici à 2025, dont 12 000 Français. L’adoption de notre amendement irait dans le sens de cet objectif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Je sais combien Mme Gonthier-Maurin est attachée à une réforme du crédit d’impôt recherche… Je ne doute pas qu’elle reviendra sur la question à de nombreuses reprises dans les semaines qui viennent. (Sourires) Il s’agit, de fait, d’un véritable sujet. Toujours est-il que cette proposition de loi ne me paraît pas être le cadre approprié pour procéder à une réforme d’envergure du CIR.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Il n’est nul besoin d’une disposition législative pour assurer le financement de l’aide.
Madame Gonthier-Maurin, nous travaillons actuellement de manière approfondie sur l’architecture globale du dispositif, ainsi que sur l’estimation des besoins. L’aide que nous envisageons peut prendre plusieurs formes. Pour les boursiers, elle peut consister en une revalorisation du critère de mobilité géographique déjà pris en compte dans le calcul des bourses accordées sur critères sociaux, une revalorisation susceptible d’entraîner un changement d’échelon. Pour les non-boursiers, il est possible de créer une aide spécifique, ponctuelle, qui sera versée en début d’année ; le CROUS peut être l’opérateur de cette aide, comme il est celui de l’ARPE.
En tout cas, madame la sénatrice, l’engagement pris par le Gouvernement est très ferme : l’accompagnement des éventuelles mobilités géographiques – qui, au demeurant, seront très probablement assez limitées – est un corollaire de l’accord, et nous en assurerons le financement.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2 (nouveau)
Au premier alinéa de l'article L. 681-1 et aux articles L. 683-1 et L. 684-1 du code de l’éducation, les mots : « dans leur rédaction résultant de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique » sont remplacés par les mots : « dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat ». – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Guy-Dominique Kennel, pour explication de vote.
M. Guy-Dominique Kennel. Je comptais prendre la parole pour explication de vote sur l’amendement n° 1 rectifié bis, mais M. Retailleau, notre primus inter pares, a été plus rapide que moi…
À cette heure presque matinale,…
M. Michel Berson. Oh !
M. Guy-Dominique Kennel. … je vous ferai simplement part de deux regrets.
D’abord, je constate que les questions ayant trait à l’éducation sont systématiquement ou presque débattues la nuit. J’en conçois une réelle frustration, parce que ce sont des questions importantes, qui devraient concerner tout le monde.
Ensuite, je regrette que le Gouvernement ait utilisé l’excellente proposition de notre collègue Jean-Léonce Dupont comme véhicule pour introduire dans la loi le droit à la poursuite d’études. Je pense, comme Bruno Retailleau, que cette question aurait mérité une analyse beaucoup plus approfondie et des réponses beaucoup plus larges que celles que nous pouvons apporter ce soir.
Je félicite M. le rapporteur pour son travail, en particulier pour l’initiative qu’il a prise – lui et non le Gouvernement – de prévoir une évaluation au bout de trois ans. Cette évaluation, du reste, on peut déjà entrevoir les constats sur lesquels elle débouchera… Il est dommage que M. Mézard ait retiré son amendement, parce que, à titre personnel, je l’aurais voté. De fait, les effets du droit à la poursuite d’études sont prévisibles : des masters « parkings », sous-évalués par rapport aux autres, et des abandons par défaut de mobilité, ce que j’aurai du mal à accepter.
J’entends bien les engagements de M. le secrétaire d’État en ce qui concerne la mobilité, mais celle-ci n’est pas assurée, ni accompagnée à la hauteur de ce qui serait nécessaire. C’est pour cette raison aussi que le droit à la formation aurait mérité une approche beaucoup plus large, comme Mme Gonthier-Maurin l’a souligné à juste titre.
Je terminerai, monsieur le secrétaire d’État, en exprimant un souhait, étant entendu que votre temps est compté. Il faudrait revoir l’approche en amont, parce que l’échec que nous enregistrons au niveau des licences est un scandale dans notre République – les taux de réussite annoncés par M. Mézard sont même surévalués. Je forme le vœu que l’on tienne un peu compte des propositions que nous avons faites à Mme la ministre de l’éducation nationale à l’issue des travaux de notre mission d’information sur l’orientation scolaire. Je remercie nos collègues qui ont fait référence à ce travail, ainsi que tous ceux qui y ont contribué.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
M. Jean-Claude Requier. On va dépasser l’heure !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce débat est extrêmement révélateur de nos différences de perception : certains voient le verre à moitié vide, d’autres, le verre à moitié plein. D’aucuns parmi nous ne dissimulent pas leur intention de taper encore plus fort, peut-être, dans quelques mois.
De manière générale, l’élévation du niveau des connaissances et des qualifications n’est pas pour notre pays une question de détail. C’est à juste titre que la StraNES fait de cette élévation une exigence, que je fais mienne, en tant qu’elle conditionne la capacité de notre société à relever les défis qui se présentent à elle aujourd’hui.
Je reste extrêmement sceptique sur les possibilités de mise en œuvre de ce dispositif. Remarquez que je ne parle pas de « droit », car ce mot, promu par beaucoup, ne figure pas dans le texte de la proposition de loi ; il s’agit d’un dispositif conçu pour organiser une poursuite d’études pour chacun et chacune. Je forme le vœu que ce dispositif s’avère très fructueux ; nous verrons ce qui résultera de l’évaluation, qu’on a eu raison de prévoir.
Reste qu’on ne pourra évidemment pas progresser dans ce domaine sans se poser la question des moyens pour l’accompagnement pédagogique et géographique. Avec les membres de mon groupe, je demeure donc inquiète. C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur la proposition de loi.
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous signale que le temps prévu pour ce débat sera écoulé dans quelques minutes, à minuit. Je veux bien donner la parole à ceux qui me la demandent pour une minute, mais je vous rappelle que, si je ne peux pas mettre aux voix la proposition de loi avant minuit, je devrai renvoyer la suite de la discussion à une prochaine séance.
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Une minute me suffira, madame la présidente, pour indiquer que mon groupe votera la présente proposition de loi avec un enthousiasme réel et sans regret.
Cela étant, je ne peux pas laisser dire qu’il n’y a pas eu de concertation ni d’étude d’impact. L’accord est le fruit d’un dialogue social qui, débuté dès avant l’été dernier, s’est poursuivi pendant plusieurs mois, jusqu’à ce qu’un équilibre soit trouvé entre les différentes parties, autour d’un engagement du ministère dont la mise en œuvre est déjà en cours. En effet, le comité de suivi du cursus master mis en place à la suite de la loi de 2013 publie un rapport chaque année pour montrer à quel point les choses évoluent. Cette proposition de loi est une pierre de plus dans la construction de la mise en œuvre de la loi de 2013 !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin.
M. Jacques Grosperrin. Il me faudra moins d’une minute, madame la présidente, pour indiquer que le groupe Les Républicains, même si le droit à la poursuite d’études lui pose problème, n’entend pas bloquer l’accord et, par esprit de responsabilité, votera la proposition de loi.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UDI-UC et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Je tiens à remercier l’ensemble de nos collègues, car un point d’équilibre n’est pas facile à atteindre. Parvenir à celui-ci a demandé des efforts aux uns et aux autres.
Mes chers collègues, nous avons exercé un vrai devoir de vigilance ; nous devrons, demain et dans trois ans, l’exercer avec la même acuité que ce soir.
Mme Corinne Bouchoux. Très bien !
11
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 27 octobre 2016 :
À dix heures trente :
Explications de vote, puis vote sur l’ensemble du projet de loi (n° 864, 2015-2016), adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l’ordonnance n° 2016-462 du 14 avril 2016 portant création de l’Agence nationale de santé publique et modifiant l’article 166 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, ainsi que sur l’ensemble du projet de loi (n° 12, 2016-2017) ratifiant l’ordonnance n° 2016-966 du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en œuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions sur les produits de santé (procédure accélérée) ;
Rapport de M. Gilbert Barbier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 55, 2016-2017) ;
Textes de la commission (nos 56 et 57, 2016-2017).
Ces deux textes ont été examinés par la commission des affaires sociales, conformément à la procédure d’examen en commission, en application de l’article 47 ter du règlement, selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.
À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.
De seize heures quinze à vingt heures quinze :
(Ordre du jour réservé au groupe communiste républicain et citoyen)
Proposition de loi visant à garantir la mixité sociale aux abords des gares du Grand Paris Express (n° 467, 2015-2016) ;
Rapport de Mme Sophie Primas, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 48, 2016-2017) ;
Résultat des travaux de la commission (n° 49, 2016-2017).
Débat relatif à l’organisation d’une conférence internationale sur l’évasion fiscale.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD