Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud, sur l'article.
Mme Christine Prunaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon sens, il faut voir cet article comme une simple transposition, pour les étudiants, de l’article 8.
Toutefois, cette mesure pourrait constituer une grande bouffée d’air pour une sphère associative qui a vu la jeunesse s’engager massivement en sa faveur : la part de jeunes inscrits dans les associations a augmenté d’un tiers depuis 2010.
À l’heure actuelle, les associations ont du mal à rajeunir leur équipe dirigeante. En permettant un aménagement des études, on pourrait leur faciliter la vie.
Par ailleurs, cet article contribue à reconnaître, le rôle que peuvent jouer les élus étudiants au sein des conseils universitaires. C’est louable. Représentants de leurs pairs, mais aussi voix de ceux qui sont les plus nombreux sur les campus, ils permettent d’enrichir la vision des présidences d’université.
Si l’utilité des responsables associatifs et des élus étudiants n’est plus à démontrer, l’organisation parfois rigide des études, couplée à un développement inquiétant du salariat étudiant, rend difficile, voire impossible, l’engagement de jeunes volontaires dans des structures associatives et syndicales, étudiantes ou autres. L’ensemble du secteur associatif devrait ainsi bénéficier de l’amplification de la dynamique d’engagement des jeunes.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14 quinquies.
(L’article 14 quinquies est adopté.)
Article 14 sexies
(Non modifié)
Le chapitre Ier du titre Ier du livre VI de la troisième partie du code de l’éducation est complété par un article L. 611-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 611-10. – Les établissements d’enseignement supérieur élaborent une politique spécifique visant à développer l’engagement des étudiants au sein des associations. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, sur l’article.
Mme Sylvie Robert. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 14 sexies introduit par l’Assemblée nationale impose aux établissements d’enseignement supérieur de mettre en œuvre une politique spécifique visant le développement de l’engagement des étudiants au sein d’associations.
Avant que ne tombe le couperet de l’article 41 de la Constitution, nous avions proposé de préciser cet article par un amendement, soutenu par le groupe socialiste et républicain, afin que cette nouvelle obligation d’initiative parlementaire n’ignore pas deux éléments importants.
Le premier est que le principal opérateur de la vie étudiante est le centre régional des œuvres universitaires et scolaires, le CROUS. Dans chacune de ses initiatives, le législateur ne doit pas l’oublier. Cette précision est d’autant plus importante que se développent, insidieusement ou non, avec ou sans la complicité des gouvernances des établissements d’enseignement supérieur de tout statut, des initiatives parfois très éloignées de l’esprit des œuvres universitaires.
Le deuxième élément est que cette mission doit être mise en œuvre par les premiers intéressés eux-mêmes, c’est-à-dire par les étudiants, comme le prévoit d’ailleurs le plan national de vie étudiante.
Ces deux points, qui ne sont pas de simples détails dans les textes, puisqu’ils en changent l’ADN, ont été jugés irrecevables au titre de l’article 41.
Nous n’aurons donc pas, mes chers collègues, de débat de fond sur ce sujet qui est pourtant tout à fait dans l’esprit de ce texte. J’espère toutefois que le Gouvernement saura mener cette discussion avec les acteurs de la vie étudiante afin que l’ambition que nous portons pour eux ne soit pas tout simplement oubliée.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14 sexies.
(L’article 14 sexies est adopté.)
Article 14 septies
(Non modifié)
L’article L. 714-1 du code de l’éducation est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Le développement de l’action culturelle et artistique. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, sur l’article.
Mme Sylvie Robert. L’article 14 septies modifie les missions pour lesquelles les universités ont la possibilité d’ouvrir des services communs internes. Cet amendement vise à ajouter deux missions à celles que sont susceptibles d’exercer ces services.
La première est l’action sportive. Les établissements disposent de services universitaires – ou, parfois, interuniversitaires – des activités physiques et sportives, les SUAPS, qui jouent un rôle important dans l’accès ou le maintien d’une pratique corporelle.
Les jeunes qui quittent le domicile familial pour un logement autonome afin de suivre leurs études quittent souvent également le tissu associatif au sein duquel ils pratiquaient leur sport. La diversité de l’offre de pratiques physiques et sportives des SUAPS permet aux jeunes comme aux personnels des établissements de découvrir de nouvelles activités.
L’ajout de cette mission vise à reconnaître l’importance de ces services, en complément des associations sportives des établissements, regroupées au sein de la Fédération française du sport universitaire, la FFSU, pour la pratique sportive des étudiants.
La seconde mission que nous vous proposons d’ajouter est la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle, laquelle découle directement de la nouvelle mission de service public de l’enseignement supérieur que le Sénat avait inscrite, il y a trois ans, dans la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite loi ESR.
Cette mission joue un rôle fondamental dans l’élévation du niveau de connaissance de l’ensemble des citoyens et participe du débat public sur les nombreux enjeux scientifiques en plein développement, parmi lesquels le réchauffement climatique et la transition énergétique.
La communauté universitaire, consciente de sa responsabilité sociale et environnementale, est donc engagée dans la diffusion de la connaissance auprès du plus grand nombre.
Cet ajout encouragerait les établissements à se doter de services dédiés à la diffusion de cette culture scientifique, technique et industrielle, y entraînant donc les étudiants à tous les niveaux de leur parcours, afin de leur donner des moyens à la hauteur des enjeux de leur mission.
Mme la présidente. L’amendement n° 417 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, MM. Magner et Guillaume, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur, Vandierendonck et Vaugrenard, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 6° Le développement de l’action culturelle, sportive et artistique, et la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle. »
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Cet amendement vise à étendre le champ de compétence des services communs internes aux universités.
J’en profite, madame la présidente, pour saluer dans les tribunes, avec beaucoup d’amitié et de plaisir, un quarteron d’universitaires en retraite (Sourires.) originaires de mes universités lilloises.
Il s’agit donc de développer les compétences de ces services dans l’action sportive.
Comme citoyen et comme ministre des sports, je considère que le développement du sport dans les universités devrait donner lieu à une analyse des équipements sportifs existants, qui sont sûrement insuffisants au regard des ambitions de notre pays en matière de médailles et de résultats sportifs.
Vous évoquez l’action sportive, d’une part, et, d’autre part, la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle. Je comprends parfaitement l’intention des auteurs de cet amendement. L’activité sportive dans l’enseignement supérieur est régie par le code de l’éducation, dans son article L. 841–1, lequel oblige les établissements de l’enseignement supérieur à organiser et à développer la pratique des activités sportives et physiques des étudiants et de leur personnel. Un esprit sain dans un corps sain !
Cela se traduit, notamment, par l’existence de services universitaires, les SUAPS, au sein de chaque établissement, services dont je souhaite qu’ils puissent se développer conformément à nos ambitions, en particulier dans la perspective de la candidature de Paris à l’organisation des jeux Olympiques de 2024.
En ce qui concerne la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle, l’engagement du Gouvernement est avéré : la loi de 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche l’a érigée au rang de mission de service public et a attribué une nouvelle compétence aux régions pour assurer une véritable approche territoriale.
J’ai donc le sentiment que la préoccupation qui a présidé à la rédaction de cet amendement est très largement satisfaite par les textes en vigueur et leur mise en œuvre, je m’en remets néanmoins à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14 septies, modifié.
(L’article 14 septies est adopté.)
Article 14 octies
(Non modifié)
L’article L. 811-2 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour contribuer à l’animation de la vie étudiante, les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires peuvent recruter des étudiants dans les mêmes conditions. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud, sur l’article.
Mme Christine Prunaud. On assiste à un renversement intéressant de la logique suivie jusqu’ici par le code électoral, même si les cas concernés sont rarissimes.
De la même manière que la question du cumul des mandats en exercice et dans le temps, la mesure proposée doit participer, à son échelle, à un renouvellement politique. Alors que le stéréotype du « jeune sans conviction » se renforce, elle offre l’occasion de laisser aux jeunes une place en politique.
N’oublions pas en effet que cette question et celle du cumul des mandats, dont la réforme va s’appliquer à partir du 1er janvier malgré les regrettables tentatives d’aménagement de quelques parlementaires, sont porteuses d’un véritable enjeu démocratique, en termes de renouvellement politique et de partage du pouvoir, et contribuent à la lutte contre l’absentéisme dans les instances élues et à un meilleur investissement.
Nous sommes à un moment crucial où il faudra rappeler notre attachement républicain au partage du pouvoir et à la représentation des citoyens, dans l’intérêt général.
Pour revenir à la version proposée par l’article 15 decies, car, comme vous l’aurez compris, c’est sur cet article que je m’exprime, je n’ai qu’une réserve : sa constitutionnalité. Mes doutes sont certainement infondés, dans la mesure où le Conseil constitutionnel a toujours toléré la discrimination en sens inverse, mais cette rédaction ne constitue-t-elle pas une entorse au principe d’égalité devant la loi qu’impose l’article 1er de la Constitution ?
L’article 15 decies n’indique explicitement que les distinctions d’origine, de race et de religion, mais le principe d’égalité est compris plus largement par les juridictions compétentes.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14 octies.
(L’article 14 octies est adopté.)
Article 14 nonies
À la première phrase de l’article 48 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre ».
Mme la présidente. L’amendement n° 246, présenté par Mme Prunaud, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Le but affiché de l’expérimentation lancée en 2013 était louable. Il s’agissait d’impliquer plus fortement les parents dans la scolarisation et dans l’orientation des élèves.
Toutefois, nous ne pouvons que nous interroger sur sa prolongation, alors même qu’elle a montré ses limites dans les 101 collèges concernés. Ainsi, le taux d’échec des élèves orientés de force – le contraire d’une orientation choisie – serait de l’ordre d’un tiers, voire de la moitié dans quelques académies.
La disparition de la commission d’appel a pris ici toute son importance, faute d’un réel suivi des parents, lesquels considèrent encore trop souvent le redoublement comme un échec et une sanction. Cette dramatisation nuit à une formule qui devrait constituer un filet de sécurité ou offrir une chance de rebondir. Il existe, certes, d’autres solutions, comme la pédagogie différenciée ou la mise en place de classes intermédiaires.
Cet échec tient aussi beaucoup aux motivations qui ont animé les collèges qui expérimentent. Ainsi, le rapport de l’Inspection générale de l’éducation nationale montrait que le choix des collèges concernés s’est fait avant tout selon des critères bureaucratiques et économiques, et en aucun cas pédagogiques.
Certaines académies ont usé des préjugés des familles pour renforcer ou désengorger les secondes générales, technologiques et professionnelles. En effet, les études montrent dans les établissements à population scolaire aisée une hausse des orientations vers la seconde générale et technologique, alors que les établissements dits populaires connaissent une hausse des demandes de secondes professionnelles. Cette expérimentation a clairement montré ses limites.
En outre, l’absence des « espaces parents » n’a pas permis l’instauration de lieux où tenir les discussions entre les parents et les enseignants, que l’expérimentation avait pour objectif de développer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mon cher collègue, vous évoquez dans cet amendement ce que l’on appelle « le dernier mot aux familles ». Cela signifie que les familles peuvent accepter ou non que leurs enfants redoublent.
À mon sens, l’éducation revient d’abord aux familles. Cela n’enlève rien à la compétence des enseignants.
Pardonnez-moi un mot désagréable, mais juste : si l’éducation nationale avait fait la preuve de son infaillibilité et de sa capacité à conduire tout le monde à un niveau acceptable, nous nous poserions peut-être moins de questions de cette nature !
Je propose que l’expérimentation en cours soit poursuivie, parce que l’analyse qui en est faite ne me semble pas encore donner de résultats suffisamment fiables.
J’ai donc le regret d’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. J’entends les craintes ici exprimées, et je ne doute pas de leur sincérité. Je souhaite toutefois vous rassurer : la prolongation de l’expérimentation engagée en 2013 ne se traduit pas par une mise en échec massive des élèves concernés, comme vous sembliez l’affirmer dans votre propos liminaire, monsieur le sénateur.
Depuis plusieurs années, on observe une nette diminution du nombre de désaccords entre les demandes d’orientation des familles et les décisions prises par les chefs d’établissement.
Les chiffres précis issus de l’éducation nationale ainsi que le taux de désaccords pour le passage en seconde générale et technologique est passé de 2 % en 2011 à seulement 1,4 % en 2015 ; le taux d’appel est, quant à lui, passé de 0,8 % à 0,5 % sur la même période, tandis que le taux d’appels satisfaits a augmenté en passant de 50 % à 52 % entre 2011 et 2015. Les points de vue semblent donc se rapprocher.
Ces éléments chiffrés témoignent de l’amélioration significative de la qualité du dialogue sur l’orientation entre les familles et les équipes éducatives. Un climat de confiance s’instaure au sujet de l’avenir des enfants, ce qui me semble positif.
C’est pour cela que je sollicite le retrait de votre amendement ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.
M. Jacques-Bernard Magner. Le groupe socialiste et républicain votera contre cet amendement.
Il me semble me souvenir, madame la présidente, que vous étiez vous-même rapporteur de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. Cette expérimentation du « dernier mot aux familles » en matière d’orientation est issue d’un amendement que vous aviez alors proposé.
M. le ministre vient de rappeler que les résultats ne sont pas aussi négatifs que ce que M. Le Scouarnec nous indiquait. Lors de la mission que j’ai menée avec mon collègue Guy-Dominique Kennel sur l’orientation, nous n’avons pas constaté de rejet important, de la part des uns et des autres, de ce système de choix d’orientation laissant le dernier mot aux familles.
Cet amendement ne me semble donc pas devoir être adopté.
Mme la présidente. Monsieur Le Scouarnec, l’amendement n° 246 est-il maintenu ?
M. Michel Le Scouarnec. Non, je le retire, madame la présidente, car je vois bien que mon intervention ne correspond pas tout à fait à la réalité !
Mme la présidente. L’amendement n° 246 est retiré.
Je mets aux voix l’article 14 nonies.
(L’article 14 nonies est adopté.)
Article 14 decies
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° (nouveau) Le chapitre Ier du titre IV du livre IV de la deuxième partie est ainsi rédigé :
« CHAPITRE IER
« L'ouverture des établissements d'enseignement privés
« Art. L. 441-1. – Tout Français ou ressortissant d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’espace économique européen, âgé de vingt-cinq ans au moins, et n’ayant encouru aucune des incapacités mentionnées à l’article L. 911-5, peut ouvrir un établissement d’enseignement privé.
« Le demandeur doit préalablement déclarer son intention au maire de la commune où il souhaite établir l’établissement et lui désigner les locaux affectés à l’établissement.
« Le maire remet immédiatement au demandeur un récépissé de sa déclaration et fait afficher celle-ci pendant deux mois.
« Si le maire juge que les locaux ne sont pas convenables pour des raisons tirées des bonnes mœurs, de l’hygiène, des exigences de sécurité et d’accessibilité, il forme, dans un délai de deux mois, opposition à l’ouverture de l’école et en informe le demandeur.
« Art. L. 441-2. – Le demandeur adresse une déclaration à l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, qui lui en donne récépissé et la transmet au représentant de l’État dans le département et au procureur de la République.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de la déclaration et la liste des pièces qui la constituent. Elle comprend le nom et les titres du chef d’établissement et des enseignants, le projet pédagogique et les modalités de financement de l’établissement, les programmes et l’horaire de l’enseignement devant être dispensé, le plan des locaux affectés à l’établissement et, si le déclarant appartient à une association ou si l’établissement projeté est financé par une association, une copie des statuts de cette association.
« L’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, le représentant de l’État dans le département et le procureur de la République peuvent former opposition à l’ouverture de l’établissement, dans l’intérêt de l’ordre public, des bonnes mœurs, de l’hygiène, si les conditions de titres et de moralité du chef d’établissement ou des enseignants ne sont pas remplies ou s’il résulte des programmes de l’enseignement que le projet de l’établissement ne correspond pas à l’enseignement qu’il prévoit de dispenser ou que l’établissement projeté n’a pas le caractère d’un établissement scolaire.
« À défaut d’opposition, l’établissement est ouvert à l’expiration d’un délai de trois mois, sans autre formalité ; ce délai a pour point de départ le jour où la déclaration a été adressée par le demandeur à l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation.
« Art. L. 441-3. – L’ouverture d’un établissement d’enseignement privé en dépit d’une opposition formulée par les autorités compétentes ou sans remplir les conditions prescrites par le présent chapitre ainsi que par l’article L. 911-5 est punie de 15 000 euros d’amende et de la fermeture de l’établissement.
« L’autorité compétente de l’État en matière d’éducation saisit le procureur de la République des faits constitutifs d’infraction aux dispositions du présent chapitre. Dans cette hypothèse, elle met en demeure les parents des élèves scolarisés dans l’établissement d’inscrire leur enfant dans un autre établissement, dans les quinze jours suivant la notification. » ;
2° (nouveau) L’article L. 442-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « peut prescrire » sont remplacés par le mot : « prescrit » ;
b) Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« S’il apparaît à l’occasion de ce contrôle que l’enseignement dispensé est contraire à la moralité ou aux lois, que des activités menées au sein de l’établissement sont de nature à troubler l’ordre public ou en cas de refus de ce contrôle, l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation en informe le représentant de l’État dans le département et le procureur de la République. » ;
c) Au cinquième alinéa, les mots : « sa part » sont remplacés par les mots : « de la part du directeur de l’établissement ».
3° (nouveau) L’article L. 914-5 est ainsi modifié :
a) Aux premier, deuxième et dernier alinéas, le mot : « technique » est supprimé ;
b) Aux premier, deuxième et dernier alinéas, après le mot : « privé », sont insérés les mots : « du second degré ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur, sur l’article.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous arrivons à une étape particulière de ce débat.
Nous avons été surpris par un amendement déposé en première lecture, contournant quelque peu l’avis du Conseil d’État, par lequel le Gouvernement exige que nous l’habilitions à revoir par ordonnance les conditions d’ouverture des établissements privés, alors même qu’une demande identique formulée par l’AMF, l’Association des maires de France, avait été refusée par le ministère, sous prétexte d’inconstitutionnalité.
Par cet amendement, le Gouvernement souhaite remplacer les régimes de déclaration en vigueur, instaurés par des lois datant du siècle dernier, par un régime d’autorisation préalable.
Monsieur le ministre, vous mettez tout en œuvre pour nous convaincre de la faible portée de ce changement en nous assurant qu’un régime d’autorisation est déjà en vigueur en Alsace-Moselle et que, l’absence de réponse de l’administration valant acceptation, rien ne distinguera le futur régime de l’actuel.
N’y a-t-il pas pourtant une différence, en matière d’exercice d’une liberté fondamentale, entre une déclaration à l’administration et la demande d’une permission ?
Mes chers collègues, il s’agit en effet bien de déterminer les conditions d’exercice d’une liberté fondamentale : l’enseignement. Notre commission a choisi, avec beaucoup de rigueur, de conserver le principe d’une déclaration et d’unifier les règles en les renforçant, afin de sécuriser ce dispositif.
En outre, contrairement à vous, monsieur le ministre, nous avons prévu un renforcement des contrôles a posteriori en faisant obligation au recteur de contrôler au moins une fois par an les classes hors contrat.
Mes chers collègues, le durcissement du dispositif d’ouverture que nous proposons est le fruit de la lucidité nécessaire face aux dévoiements auxquels nous assistons ; dans le même temps, il respecte la liberté constitutionnelle.
Monsieur le ministre, qui serait suffisamment ingénu pour croire que des personnes mal intentionnées commettraient la maladresse de ne pas remplir correctement un dossier d’autorisation d’ouverture ?
Ici même, il y a plus d’un siècle, le 17 novembre 1903, notre assemblée examinait le projet de loi Chaumié, qui avait pour dessein de remplacer, pour l’ouverture des écoles privées, le régime de déclaration par un régime d’autorisation préalable. Permettez-moi de citer ici, comme d’autres avant moi, un de nos plus illustres prédécesseurs, Georges Clemenceau. S’élevant contre cette initiative, qu’il qualifiait de liberticide, il s’adressa en ces termes à ses collègues : « Vous avez fait la liberté de la presse, vous avez fait la liberté de réunion, vous ferez […] la liberté de conscience. Vous aurez le courage de faire la liberté de l’enseignement. »
Alors mes chers collègues, je vous en conjure, en ce jour, ne défaites pas ce qui est une liberté constitutionnelle, mais sécurisez, dans l’intérêt des enfants, la procédure d’ouverture. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. L’amendement n° 663, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi ayant pour objet de modifier les dispositions du code de l’éducation relatives aux établissements privés d’enseignement scolaire, afin de remplacer les régimes de déclaration d’ouverture préalable en vigueur par un régime d’autorisation, de préciser les motifs pour lesquels les autorités compétentes peuvent refuser d’autoriser l’ouverture, de fixer les dispositions régissant l’exercice des fonctions de direction et d’enseignement dans ces établissements et de renforcer la liberté d’enseignement dont bénéficient ces établissements une fois qu’ils sont ouverts.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de cette ordonnance.
La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Je rejoins Mme la rapporteur sur un fait : nous en arrivons à un point fort de notre débat de ce jour.
Sur la forme, madame la rapporteur, je souhaite vous rappeler que le droit d’amendement existe aussi pour le Gouvernement, selon la Constitution de 1958, et que nous pouvons nous dispenser d’un avis préalable du Conseil d’État. Ce sont là les fondamentaux de la règle générale qui nous anime toutes et tous ici.
Afin de vous rassurer, je répondrai à un point de votre intervention en vous confirmant que les contrôles a posteriori seront renforcés par l’éducation nationale, au travers d’un vade-mecum d’inspection qui m’a été remis par les collaborateurs de la ministre de l’éducation nationale. Ce document indique bien que, si nous voulons changer de régime sur l’ouverture des écoles privées hors contrat, nous renforcerons en même temps les contrôles a posteriori une fois que ces écoles existent.
Sur le fond, madame la présidente, je serai un peu long, et je m’en excuse, mais le sujet mérite l’exhaustivité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cet amendement a pour objet de rétablir l’article 14 decies dans sa rédaction initiale et d’autoriser le Gouvernement à modifier le code de l’éducation en matière d’ouverture des établissements hors contrat. Votre rapporteur a réécrit le dispositif en prolongeant le régime actuel de déclaration. Le Gouvernement propose de revenir à l’habilitation initiale.
Permettez-moi de rappeler le contexte et les raisons qui justifient de modifier les dispositions relatives à l’enseignement privé hors contrat. Aujourd’hui, ces écoles peuvent être ouvertes très facilement, chacun le sait, sur simple déclaration. Il suffit de remplir certaines conditions : avoir plus de dix-huit ans, être titulaire du baccalauréat, être de nationalité française et ne pas avoir été condamné par la justice.
Le droit n’offre donc qu’un régime d’opposition, que l’on peut qualifier d’inopérant dans ces conditions, dans un délai de huit jours pour le maire et d’un mois pour l’État.
Ce régime est inadapté à la réalité dans laquelle nous vivons, votre commission l’a constaté, comme en témoignent les évolutions du texte qu'elle a acceptées.
Ce sujet n’est pas anodin, la scolarisation hors contrat concernant 56 000 jeunes dans notre pays. On dénombre à ce jour environ 1 000 établissements scolaires hors contrat, dont plus de 300 à caractère confessionnel. À titre de comparaison, 7 900 établissements privés sont sous contrat, dont 7 500 à caractère confessionnel. Le rythme d’ouverture des établissements hors contrat atteint quelques dizaines par an, mais l’on observe une concentration dans le premier degré ainsi qu’une accélération du nombre de demandes.
Le Gouvernement est saisi de signalements de plus en plus nombreux au sujet d’enseignements dont l’indigence est attentatoire aux droits à l’éducation des enfants ; ils encouragent des embrigadements idéologiques ou confessionnels hostiles aux valeurs républicaines et sont la manifestation d’une volonté de soustraire l’éducation d’enfant au regard de la société. Il faut faire face à ce phénomène avec lucidité.
C’est donc pour nous permettre d’agir rapidement et efficacement que nous proposons un régime d’autorisation préalable d’ouverture dans le cadre de ce projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.
Cette procédure d’autorisation ne servira naturellement pas à refuser par principe l’ouverture d’une école hors contrat, mais simplement à vérifier que ses enseignements ne portent pas atteinte aux valeurs de la République et sont de nature à faire progresser les élèves en leur permettant d’acquérir les fondamentaux nécessaires pour évoluer dans la vie.
Nous conservons, bien entendu, la possibilité de renforcer a posteriori les contrôles, ainsi que je l’ai dit au début de mon propos.
Une telle modification mesdames, messieurs les sénateurs, permettra d’unifier le régime d’ouverture de tous les établissements d’enseignement privé du premier degré, du second degré général et du second degré technologique et professionnel, en fixant des règles de procédures et de contrôle identiques et des conditions identiques d’exercice des fonctions de direction et d’enseignement.
Cette modification permettra également de renforcer le contrôle de l’État – et je le revendique ! – sur l’ouverture d’établissements d’enseignement privés, en substituant au régime de déclaration un régime d’autorisation, sans pour autant interdire qu’une décision implicite d’acceptation naisse au terme d’un délai adapté, que nous avons fixé à quatre mois. Une telle disposition ne porte pas atteinte à la liberté constitutionnelle de l’enseignement.
L’ordonnance qui prévoira ces quatre mois est absolument nécessaire non seulement pour procéder à l’examen approfondi des pièces du dossier, mais aussi pour se rendre sur place. Il faudra tout simplement quatre mois pour faire notre travail de contrôle a priori, ce qui ne constitue pas une remise en cause de la liberté de l’enseignement.
Le régime d’autorisation que nous appelons de nos vœux renforcera également la sécurité juridique pour les familles et pour les enfants, ainsi aussi que pour les établissements. Plus précisément, il permettra, notamment, d’accompagner les créateurs de l’établissement, en les invitant à réfléchir en amont, par exemple, à la compatibilité de leurs projets pédagogiques avec les exigences du socle commun de connaissances, de compétences et de culture.
De surcroît, l’approfondissement de l’instruction des dossiers que permettra ce régime d’autorisation préalable souhaité par le Gouvernement ne dispensera évidemment pas de vérifier la qualité de l’enseignement après l’ouverture de l’établissement.
Enfin, si le Gouvernement demande au législateur de l’habiliter à recourir à une ordonnance, madame la rapporteur, c’est parce qu’il estime nécessaire de recueillir l’avis du Conseil d’État sur une refonte du régime qui devrait tout à la fois fusionner les trois régimes existants et unifier les motifs d’opposition, mais qui impose également des modifications fastidieuses, essentiellement techniques, d’autres dispositions du code de l’éducation, qui sont celles qu’a retenues la commission.
Nous faisons donc œuvre de simplification en demandant à réaliser ces modifications par voie d’ordonnance.
La préparation de l’ordonnance permettra également de prendre le temps de la concertation avec l’ensemble des acteurs intéressés de l’enseignement privé.
Telle est la philosophie de cet amendement de rétablissement.
Madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement n’est animé que par une seule motivation : la protection de l’intérêt des enfants par un dispositif qui nous apparaît plus compatible avec la réalité du fait scolaire, notamment avec l’augmentation du nombre des demandes d’ouverture d’écoles hors contrat.