Sommaire
Présidence de Mme Françoise Cartron
Secrétaires :
Mmes Valérie Létard, Catherine Tasca.
2. Dépôt du rapport d’une commission d’enquête
3. Candidatures à la commission spéciale chargée du contrôle et de l’évaluation interne
4. Égalité et citoyenneté. – Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
Articles additionnels après l'article 14 bis A
Amendement n° 625 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° 629 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 632 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 415 rectifié de M. Jacques-Bernard Magner. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 710 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 309 rectifié bis de Mme Colette Giudicelli. – Retrait.
Adoption, par scrutin public, de l’article modifié.
Adoption de l’article.
Adoption de l’article.
Amendement n° 417 rectifié de Mme Dominique Gillot. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 246 de Mme Christine Prunaud. – Retrait.
Adoption de l’article.
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission spéciale
Amendement n° 663 du Gouvernement. – Rejet par scrutin public.
PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille
Amendement n° 711 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 247 de Mme Christine Prunaud. – Devenu sans objet.
Amendement n° 626 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 623 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 624 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 712 de la commission. – Adoption.
Adoption, par scrutin public, de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 14 decies
Amendement n° 627 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Article 14 undecies – Adoption.
L’article demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 15
Amendement n° 295 rectifié de M. Maurice Antiste. – Retrait.
Amendement n° 46 rectifié de M. Jean-Pierre Grand. – Rejet.
Amendement n° 275 rectifié de M. André Reichardt. – Retrait.
Amendement n° 274 rectifié de M. André Reichardt. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 15 bis A
Amendement n° 381 de M. David Rachline. – Non soutenu.
Amendement n° 490 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
L’article demeure supprimé.
L’article demeure supprimé.
Article 15 quinquies (supprimé)
Amendement n° 321 rectifié de Mme Jacky Deromedi. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 15 sexies
Amendement n° 673 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 421 de M. Jacques-Bernard Magner. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Article 15 octies A (supprimé)
Amendement n° 422 de M. Jacques-Bernard Magner. – Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Amendement n° 285 de M. Jean-Pierre Leleux. – Non soutenu.
Amendement n° 177 rectifié de M. Michel Raison. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 15 decies
Amendement n° 57 rectifié bis de Mme Gisèle Jourda. – Rejet.
Amendement n° 58 rectifié ter de Mme Gisèle Jourda. – Rejet.
Amendement n° 59 rectifié bis de Mme Gisèle Jourda. – Rejet.
Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale
Article 15 undecies (supprimé)
Amendement n° 349 rectifié ter de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 248 de Mme Christine Prunaud. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 3 rectifié quater de M. Philippe Kaltenbach. – Rejet.
Amendement n° 691 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 486 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 277 rectifié bis de Mme Evelyne Yonnet. – Rejet.
Amendement n° 279 rectifié bis de Mme Evelyne Yonnet. – Rejet.
Amendement n° 280 rectifié bis de Mme Evelyne Yonnet. – Rejet.
Amendement n° 282 rectifié bis de Mme Evelyne Yonnet. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 16 bis
Amendement n° 4 rectifié quater de M. Philippe Kaltenbach. – Rejet.
Amendement n° 423 de Mme Dominique Gillot. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 249 de Mme Christine Prunaud. – Retrait.
Amendement n° 487 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 488 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles 16 sexies, 16 septies et 16 octies A (supprimés)
6. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
8. Décisions du Conseil constitutionnel sur quatre questions prioritaires de constitutionnalité
Suspension et reprise de la séance
9. Candidatures à un organisme extraparlementaire
10. Organisme extraparlementaire
11. Égalité et citoyenneté. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 713 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 16 nonies
Amendement n° 315 de Mme Corinne Bouchoux. – Retrait.
Amendement n° 714 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 17
Amendement n° 96 rectifié de Mme Gisèle Jourda. – Retrait.
Amendement n° 426 de M. Jacques-Bernard Magner. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 88 de M. Roland Courteau. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 494 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
L’article demeure supprimé.
Article 19 (suppression maintenue)
Amendement n° 628 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 715 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 683 rectifié du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Article 19 septies A (supprimé)
Amendement n° 428 de M. Jacques-Bernard Magner. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Articles additionnels après l'article 19 octies
Amendement n° 613 rectifié de M. Claude Kern. – Retrait.
Demande de priorité des articles 48, 49 et 50 après l’amendement n° 92 portant article additionnel après l’article 33 quindecies. – M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale ; Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable. – La priorité est ordonnée.
Articles additionnels avant l’article 20
Amendement n° 134 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendement n° 382 de M. David Rachline. – Non soutenu.
Amendement n° 178 rectifié de M. Roger Karoutchi. – Retrait.
Amendement n° 498 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 114 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendement n° 366 de M. Daniel Dubois. – Retrait.
Amendement n° 363 de M. Daniel Dubois. – Rejet.
Amendement n° 364 de M. Daniel Dubois. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
12. Nomination de membres d’un organisme extraparlementaire
13. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Secrétaires :
Mmes Valérie Létard, Catherine Tasca.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Dépôt du rapport d’une commission d’enquête
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu hier un rapport de M. Philippe Dallier au nom de la commission d’enquête sur les chiffres du chômage en France et dans les pays de l’Union européenne, ainsi que sur l’impact des réformes mises en place par ces pays pour faire baisser le chômage, créée le 25 avril 2016, sur l’initiative du groupe Les Républicains, en application de l’article 6 bis du règlement.
Ce dépôt a été publié au Journal officiel, édition « Lois et Décrets », de ce jour. Cette publication a constitué, conformément au paragraphe III du chapitre V de l’Instruction générale du bureau, le point de départ du délai de six jours nets pendant lequel la demande de constitution du Sénat en comité secret peut être formulée.
Ce rapport sera publié sous le n° 3, le mardi 11 octobre 2016, sauf si le Sénat, constitué en comité secret, décide, par un vote spécial, de ne pas autoriser la publication de tout ou partie de ce rapport.
3
Candidatures à la commission spéciale chargée du contrôle et de l’évaluation interne
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des onze membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne.
En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 103 bis de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
4
Égalité et citoyenneté
Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’égalité et à la citoyenneté (projet n° 773 [2015-2016], texte de la commission n° 828 [2015-2016], rapport n° 827 [2015-2016]).
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre Ier, aux amendements portant article additionnel après l'article 14 bis A.
TITRE Ier (suite)
ÉMANCIPATION DES JEUNES, CITOYENNETÉ ET PARTICIPATION
Chapitre Ier (suite)
Encourager l’engagement républicain de tous les citoyens et les citoyennes pour faire vivre la fraternité
Articles additionnels après l'article 14 bis A
Mme la présidente. L'amendement n° 625 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Fortassin, Guérini, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 14 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 111-1-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 111-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 111-1-… – Le règlement intérieur des écoles et des collèges définit la tenue uniforme, propre à chaque établissement, portée par les élèves. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, un sondage paru au mois de septembre dernier établissait que près des deux tiers des Français étaient favorables à l’instauration de l’uniforme à l’école. La raison d’un tel engouement résiderait dans le fait que les personnes interrogées estiment qu’il s’agit d’une bonne mesure pour lutter contre les inégalités.
Si l’uniforme n’efface bien sûr pas les inégalités, il comporte toutefois des avantages certains. Il permet de masquer les différences de statut social et, aux élèves les plus démunis, de les oublier le temps de la classe. Il constitue un outil de prévention des discriminations et des harcèlements fondés sur la tenue vestimentaire et de lutte contre le racket. Il favorise en outre une meilleure intégration des élèves en créant un sentiment d’appartenance à une même institution. Enfin, il coûte moins cher aux familles par rapport à des vêtements classiques.
Le port obligatoire de l’uniforme se substituerait alors aux codes vestimentaires véhiculés par les médias et favoriserait l’expression de l’identité personnelle des élèves autrement que par leur apparence extérieure ou leurs possessions.
Cet amendement vise donc à instaurer le port obligatoire de l’uniforme dans les écoles et les collèges et s’inscrit ainsi dans l’objectif du projet de loi puisqu’il constitue un vecteur d’égalité et de laïcité. Il n’est ni militariste ni ringard. En fait, les élèves ont déjà un uniforme pour le bas : un jean et des baskets ! (Sourires.)
M. Jacques-Bernard Magner. Voilà !
M. Jean-Claude Requier. Il s’agit de prévoir un uniforme pour le haut, blouson ou blouse, ce qui permettrait une certaine uniformité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Mon cher collègue, j’ai beaucoup apprécié votre proposition et je confirme qu’elle n’est pas ringarde du tout. Je suis heureuse que vous ne sacrifiiez pas à l’éloge de la différence.
Toutefois, si cet amendement relève d’une bonne intention, il me semble préférable de laisser aux établissements la liberté d’instaurer le port obligatoire d’un uniforme. Une telle initiative mérite d’être expliquée. Je vous encourage donc à promouvoir cette idée.
J’émets cependant un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je l’ai constaté récemment encore outre-mer, un uniforme peut créer un sentiment d’appartenance à un même groupe. De là à en rendre le port obligatoire, il y a néanmoins un pas que je me garderai bien de franchir : je crois plus à une démarche d’adhésion qu’à une démarche d’obligation.
Monsieur Requier, vous rappelez que l’école, qui est parfois le réceptacle des tensions de la société, est en première ligne dans la transmission des valeurs de la République. Par toutes les mesures prises en direction de l’école, Najat Vallaud-Belkacem et moi-même essayons de placer la lutte contre les inégalités et le déterminisme social au cœur de la promesse républicaine. C’est pour ne plus accepter les inégalités sociales que nous avons fait de l’école un des volets essentiels des choix du Gouvernement : le budget de l’éducation nationale est ainsi redevenu le premier de la nation, comme vous le constaterez prochainement, mesdames, messieurs les sénateurs.
Je ne crois pas que le sentiment d’appartenance à la République – c’est bien l’objet de cet amendement – sera renforcé par le port d’un uniforme. Nous ne sommes pas les seuls à partager cette appréciation : il n’est qu’à rappeler le sentiment unanime des fédérations de parents d’élèves et des syndicats d’enseignants sur cette question, même si, monsieur Requier, je n’ignore pas le sondage que vous avez mentionné.
Je sais que ce n’est pas du tout votre intention, mais l’enjeu de la transmission des valeurs de la République ne saurait se réduire à une question d’habillement : il suppose plutôt l’engagement de moyens. C’est le sens de la politique éducative du Gouvernement.
Je rejoins donc la position de la commission spéciale et émets – à regret – un avis défavorable sur cet amendement que je vous invite à retirer.
Mme la présidente. Monsieur Requier, l'amendement n° 625 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, madame la présidente. C’est bien évidemment un amendement d’appel et de réflexion.
Élève, je portais une blouse grise ; enseignant, je portais une blouse blanche ;…
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Moi aussi !
M. Jean-Claude Requier. … aujourd’hui, je suis sénateur. La blouse n’empêche donc rien ! (Sourires.)
Mme la présidente. Il n’y a pas d’uniforme au Sénat ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Claude Requier. J’espère tout de même que cette idée fera son chemin.
M. Jean Desessard. Tu as été blousé ! (Rires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 625 rectifié est retiré.
L'amendement n° 629 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Mézard, Amiel, Barbier, Castelli, Collin, Fortassin, Guérini et Hue, Mme Jouve et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 14 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l’article L. 131-1-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le mot : « prioritairement » est supprimé ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« L’instruction dans la famille doit faire l’objet d’une autorisation préalable de l’autorité compétente en matière d’éducation et doit être justifiée par un motif réel et sérieux. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Si elle ne représente qu’une infime partie des élèves soumis à l’obligation scolaire, l’instruction en famille doit faire l’objet de toute notre attention afin de garantir le droit de l’enfant à l’instruction, droit reconnu dans notre pays et par les conventions internationales. Face à un accroissement de 30 % de cette modalité d’enseignement en quelques années, il convient de s’interroger sur l’efficacité des contrôles auxquels elle est soumise en vertu du code de l’éducation.
Les chiffres cités par le rapport de la commission spéciale démontrent que les contrôles effectués sont insuffisants : un quart des élèves instruits en famille en dehors d’une inscription réglementée au Centre national d’enseignement à distance, le CNED, n’ont pas été convoqués pour le premier contrôle et près de 40 % des contrôles qui n’ont pas été jugés satisfaisants n’ont pas fait l’objet d’un second contrôle.
Cet amendement tend à inverser le raisonnement appliqué dans le droit en vigueur en instaurant un régime d’autorisation. Cela permettrait d’obtenir un meilleur suivi des élèves et de connaître a priori les raisons pour lesquelles l’enfant n’est pas scolarisé : soins médicaux en famille, handicap de l’enfant, activités sportives ou artistiques, parents itinérants, éloignement géographique d’un établissement scolaire… La liste peut être élargie.
La liberté d’enseignement n’est pas entravée, car il n’est pas question d’interdire l’instruction en famille. Il ne s’agit ni de pointer quiconque du doigt ni de dénigrer l’excellent travail et l’investissement des parents pour l’éducation de leurs enfants, parents qui s’efforcent d’appliquer des méthodes innovantes ou offrent un meilleur accompagnement à des enfants en décrochage scolaire ou en situation de handicap.
Cet amendement vise à l’inverse d’éventuels phénomènes de radicalisation, d’intégrismes en tout genre ou de dérives sectaires. Nous souhaitons garantir le droit de l’enfant à l’éducation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Madame la présidente, avec votre permission, je saluerai d’abord les jeunes qui se trouvent dans les tribunes et qui, pour reprendre l’expression de Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale, portent le plus bel uniforme de la République, à savoir l’écharpe tricolore. (Mmes et MM. les sénateurs applaudissent.)
Avec l’amendement n° 629 rectifié, nous entamons un volet très sérieux de notre discussion, qui sera vraisemblablement animée…
Il n’est pas dans mes intentions d’être désagréable,…
M. Alain Gournac. Ah !
M. Loïc Hervé. Bonne nouvelle ! (Sourires.)
Mme Françoise Gatel, rapporteur. … mais il m’arrivera de contrarier certains d’entre vous, mes chers collègues, ou vous-même, monsieur le ministre.
L’examen de l’article 14 bis sera l’occasion d’approfondir la question de l’instruction en famille. Je rappelle qu’il s’agit là d’une liberté constitutionnelle et qu’un certain nombre de familles ont fait le choix de scolariser leurs enfants ainsi. On peut se demander pourquoi, d’autant que le nombre d’enfants scolarisés en famille ne cesse d’augmenter. Il faut se rendre à l’évidence : une partie de ces choix tienne à l’échec de l’éducation nationale à prendre en compte les intelligences différentes des enfants et certaines spécificités.
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Un certain nombre d’enfants ont des phobies scolaires, mais sont capables de se développer en dehors des programmes standards. On peut évoquer ici, sans faire de publicité, les pédagogies Freinet et Montessori, dont personne ne saurait discuter la pertinence.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Restons toutefois lucides : on note aujourd’hui un dévoiement de ces possibilités d’instruction en famille, qui ne doit pas masquer le sérieux d’un grand nombre de familles que j’ai rencontrées tout au long de l’été, comme plusieurs de mes collègues.
Il n’est qu’à voir les chiffres : en 2008, on recensait environ 13 000 enfants scolarisés en famille, contre près de 25 000 en 2014. L’augmentation est significative. Il faut par ailleurs distinguer deux catégories de situations, celle des enfants qui sont inscrits au CNED, dont on peut considérer que l’instruction est davantage sous contrôle, et celle des autres.
Je rappelle par ailleurs qu’un contrôle doit être exercé annuellement par l’éducation nationale, ainsi que le prévoit la loi. Or, monsieur le ministre, et c’est maintenant que je vais être désagréable…
M. Jacques-Bernard Magner. C’est trop long ! Ce n’est pas un discours !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ce n’est pas trop long ! Le sujet est grave et j’aborde toute la question de l’école.
MM. Alain Gournac et Loïc Hervé. Très bien !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Aujourd'hui, l’éducation nationale a pour obligation de procéder à un contrôle annuel, lequel n’a pas systématiquement lieu. Pourquoi ? On constate dans la loi un flou sur le lieu du contrôle, soit en famille, soit dans un autre lieu désigné par l’éducation nationale. Cette imprécision a été relevée en 1998 par le Sénat, qui a souligné le risque de contentieux qu’elle pouvait entraîner et mis en garde sur le fait que des parents l’utiliseraient…
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue. Il y a des règles !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Madame la présidente, je respecte la rigueur. Je poursuivrai donc cette analyse tout à l’heure.
La disposition prévue par cet amendement va à l’encontre du principe de liberté constitutionnelle et de choix éducatif. C’est la raison pour laquelle la commission spéciale émet un avis défavorable sur l’amendement n° 629 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Les débats promettent d’être riches…
L’État doit garantir l’exercice de deux droits importants, consubstantiels à l’éducation nationale : le droit des enfants à recevoir une instruction de qualité – le droit à l’éducation –, d’une part, le droit des parents de choisir le mode d’instruction de leur enfant – la liberté de l’enseignement –, d’autre part.
L’amendement n° 629 rectifié vise à introduire une autorisation préalable à l’instruction dans la famille. Or une telle autorisation serait en contradiction avec l’un des principes que je viens de mentionner sur la responsabilité de l’État en matière d’éducation nationale et s’opposerait à la liberté des parents de choisir le mode d’éducation.
Si le choix des parents d’instruire leurs enfants dans la famille doit être respecté, il n’en reste pas moins, madame la rapporteur, qu’une autre obligation s’impose, celle de respecter le droit de l’enfant à l’instruction, et à une instruction de qualité, d’où l’importance des contrôles de l’État pour les instructions faites en famille.
Par conséquent, l’appréciation d’un motif réel et sérieux qui justifierait l’instruction domicile – tel est bien l’objet de cet amendement – paraît très difficile à mettre en œuvre.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, dont le retrait serait d’ailleurs préférable.
Mme la présidente. Madame Laborde, l'amendement n° 629 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Non, je vais le retirer, madame la présidente.
Si la disposition prévue par cet amendement est anticonstitutionnelle, il est inutile de prendre un risque. J’ai bien entendu la différence entre recevoir et choisir.
J’espère qu’au cours de ce débat nous affirmerons tout de même que l’éducation nationale n’est pas si mauvaise que cela. Les débats risquent sinon de manquer de convivialité et de très vite devenir conflictuels.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Non !
Mme Françoise Laborde. L’augmentation du nombre d’enfants instruits en famille, de 13 000 à 25 000, n’est pas seulement due au fait que les parents considèrent que l’éducation nationale n’est pas à la hauteur. C’est aussi parce qu’il y a des dérives en tout genre, et j’assume ces propos.
Je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 629 rectifié est retiré.
M. Jacques-Bernard Magner. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.
M. Jacques-Bernard Magner. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite appeler l’attention de chacun d’entre vous sur la nécessité de respecter les temps de parole.
Il reste plus de 500 amendements à examiner. Si chacun explique sa position aussi longuement que Mme la rapporteur, nous n’y arriverons pas ! Je connais sa courtoisie habituelle et le soin qu’elle prend à enrober ses réponses et ses avis défavorables (M. Alain Gournac s’exclame.), mais je crois que chacun doit s’en tenir au temps qui lui est imparti.
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Article 14 bis
L’article L. 131-10 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« L’autorité compétente de l’État détermine les modalités du contrôle. Le contrôle est effectué sur le lieu où est dispensée l’instruction, sauf décision motivée de l’autorité compétente de l’État. » ;
b) Au début de la seconde phrase, le mot : « Il » est remplacé par le mot : « Elle » ;
2° Au sixième alinéa, après le mot : « connaissances », sont insérés les mots : « et des compétences » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorité compétente de l’État en matière d’éducation met également en demeure les personnes responsables de l’enfant de l’inscrire dans les quinze jours dans un établissement d’enseignement public ou privé lorsqu’ils ont refusé deux fois de suite, sans motif légitime, de soumettre leur enfant au contrôle annuel prévu au troisième alinéa et de faire connaître au maire l’établissement scolaire qu’ils auront choisi. »
Mme la présidente. L'amendement n° 632 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Amiel, Bertrand, Castelli, Collin, Fortassin, Guérini et Hue, Mme Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le troisième alinéa est complété par les mots : « et que l'enseignement moral et civique défini à l'article L. 312-15 a été dispensé. » ;
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Il s’agit d’un amendement de précision. Le contrôle de l’instruction de l’enfant en famille porte sur les connaissances et les compétences.
Il convient à mon sens de s’assurer que l’enseignement moral et civique a été dispensé, notamment pour garantir le droit de l’enfant à l’instruction défini à l’article L. 131-1-1 du code de l’éducation, lequel prévoit que cet enseignement doit lui permettre de développer son sens moral et son esprit critique, de s’insérer dans la vie sociale, de partager les valeurs de la République et d’exercer sa citoyenneté. C’est un garde-fou comme un autre…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je termine l’analyse commencée précédemment.
Un quart des contrôles réalisés sur l’instruction en famille n’ont pas été réalisés et 456 contrôles effectués ont été jugés non satisfaisants. Or la loi en vigueur prévoit qu’un contrôle non satisfaisant doit donner lieu à un second contrôle, ce qui n’est pas souvent le cas dans les faits.
Je m’interroge donc sur le respect de la loi aujourd'hui et sur les demandes de durcissement que nous proposerons tout à l’heure.
L’article L. 131-10 renvoie au pouvoir réglementaire la définition du contenu des connaissances requises des élèves, à savoir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, dont l’enseignement moral et civique constitue l’une des composantes. Le contrôle tend à vérifier que l’enfant bénéficie du droit à l’instruction énoncé aux articles visés du code de l’éducation.
Outre la portée essentiellement réglementaire de ces dispositions, cet amendement me semble satisfait par le droit existant, dès lors qu’il est respecté et contrôlé.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Nous aurons tout à l’heure un débat sur les moyens de l’éducation nationale pour assurer sa mission de contrôle de l’instruction à domicile.
Je rappelle que l’article L. 131-10 du code de l’éducation prévoit que les interrogations de ce type sont traitées par décret et non par la loi. Les enfants instruits dans la famille doivent maîtriser l’ensemble des exigences du socle commun de connaissances, de compétences et de culture ; un domaine du socle porte d’ailleurs sur la formation de la personne et du citoyen. Ce domaine du socle fait appel à l’apprentissage et à l’expérience des principes qui garantissent la liberté de tous, comme la liberté de conscience et d’expression, la tolérance réciproque, l’égalité, notamment entre les hommes et les femmes, le refus des discriminations et l’affirmation de la capacité à juger et à agir par soi-même.
Il est préférable de ne pas définir dans la loi ce qui relève du domaine réglementaire. En outre, l’objet de cet amendement est largement satisfait par le droit existant, comme vient de le rappeler Mme la rapporteur.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Laborde, l'amendement n° 632 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Non, je le retire, madame la présidente.
Monsieur le ministre, je vous remercie de vos précisions : cela va mieux en le disant ! Je remercie également Mme la rapporteur de n’avoir pas invoqué l’article 41.
Mme la présidente. L'amendement n° 632 rectifié est retiré.
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 415 rectifié, présenté par MM. Magner et Guillaume, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur, Vandierendonck et Vaugrenard, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 4
Rédiger ainsi ces alinéas :
a) La première phrase est ainsi rédigée :
« L’autorité de l’État compétente en matière d'éducation détermine les modalités et le lieu du contrôle. » ;
La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.
M. Jacques-Bernard Magner. S’il est nécessaire de lever le flou juridique sur le lieu du contrôle de l’instruction à domicile induit par la rédaction actuelle de l’article L. 131-10 du code de l’éducation, il n’est pas opportun de faire du domicile le lieu exclusif de ce contrôle.
Aller plus loin que le cadre actuel et fixer obligatoirement le lieu du contrôle là où est donnée l’instruction ne se justifie en aucune façon : le contrôle de la conformité de l’enseignement dispensé à domicile au droit de l’enfant à l’instruction étant a minima annuel, l’inspecteur n’a pas besoin, dans tous les cas et à chaque contrôle, d’apprécier l’aménagement des locaux utilisés pour l’enseignement ou le matériel pédagogique.
Pour l’efficacité du contrôle de l’instruction à domicile, il est plus judicieux de laisser à l’inspection académique la possibilité de décider du lieu du contrôle au cas par cas, dans l’intérêt de l’enfant.
Quel que soit le mode d’instruction choisi, le droit à l’éducation doit permettre non seulement l’acquisition des instruments fondamentaux du savoir, des connaissances de base, des éléments de la culture générale, soit à l’issue de la période de l’instruction obligatoire : l’ensemble des connaissances et des compétences du socle commun, définies à l'article L. 131-10 du code de l’éducation, mais également de développer sa personnalité, son sens moral et son sens civique, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, de partager les valeurs de la République et d’exercer sa citoyenneté.
C’est tout cela que doit garantir le contrôle par l’État et, pour ce faire, il peut être justifié que ce contrôle n’ait pas lieu là où est dispensée l’instruction, mais où le décide l’inspection académique.
Mme la présidente. L'amendement n° 710, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première et deuxième phrases
Après le mot :
État
insérer les mots :
en matière d'éducation
La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme la présidente. L'amendement n° 309 rectifié bis, présenté par Mme Giudicelli, MM. Cornu, Vaspart, Mayet, Vasselle, Chasseing et Lefèvre, Mmes Canayer et Hummel, MM. G. Bailly, Panunzi, Bouchet et Milon, Mme Lopez, M. Leleux, Mmes Di Folco et Micouleau, M. Laufoaulu, Mme Garriaud-Maylam et M. Charon, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
dans le respect des choix pédagogiques des parents
La parole est à Mme Colette Giudicelli.
Mme Colette Giudicelli. Nous comprenons parfaitement la position du Gouvernement sur la nécessité de mieux contrôler l’enseignement des enfants instruits dans leurs familles. Aujourd’hui, 27 000 élèves en France sont inscrits au Centre national d’études à distance. On estime entre 3 000 et 4 000 le nombre d’élèves qui, instruits dans leur famille, ne suivent pas un programme scolaire.
En effet, les diverses approches éducatives ou de pédagogies alternatives sont parfaitement légitimes. Certains parents utilisent en famille des pédagogies particulières comme Montessori, Steiner, Freinet…
Concernant l’obligation scolaire, la circulaire ministérielle actuellement en vigueur rappelle que « les personnes responsables de l’enfant peuvent faire connaître leurs choix éducatifs à l’inspecteur d’académie […] afin de lui permettre d’en prendre connaissance et d’organiser le contrôle en conséquence ».
Or, en renforçant les modalités de contrôles, certaines familles, qui ont fait des choix alternatifs, sont inquiètes non seulement sur le contenu, mais aussi sur les modalités de ces contrôles.
Pour cette raison, la loi doit rappeler que ce contrôle doit être aménagé en tenant compte des choix éducatifs des parents. Tel est l’objet de cet amendement qui répond à une légitime inquiétude des familles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Comme vous le savez, mes chers collègues, la commission spéciale a adopté une nouvelle rédaction de l’alinéa 4 de l’article 14 bis qui inscrit explicitement dans la loi le principe d’un contrôle sur le lieu où est dispensée l’instruction, pour éviter les contentieux qui naissent au prétexte que les familles contestent la possibilité d’avoir un contrôle à l’extérieur.
Toutefois, le texte de la commission permet au directeur académique des services de l’éducation nationale, le DASEN, d’y déroger sur une décision motivée de sa part.
Pour ma part, j’estime que le contrôle sur le lieu où est dispensée l’instruction permet aussi d’apprécier un certain nombre d’éléments du contexte et de l’environnement dans lesquels se déroule cette instruction.
C’est la raison pour laquelle la commission spéciale émet un avis défavorable sur l’amendement n° 415 rectifié. Et il n’est pas vrai que, ce faisant, je cherche la polémique. Je pense que l’on peut parler ici de l’école. J’ai énormément de respect pour les enseignants, mais si l’éducation nationale était aussi performante qu’on le souhaiterait, cela se saurait ! C’est pourquoi je souhaite pouvoir m’exprimer sur ce sujet sans être taxée de polémiste ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Jacques-Bernard Magner. Vous polémiquez !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je ne polémique pas, je m’explique. Encore une fois, je souhaite avant tout que l’éducation nationale exerce les contrôles que la loi lui impose.
Madame Giudicelli, nous savons que, dans le cadre de l’instruction à domicile, beaucoup de familles respectent tout à fait la loi, qu’elles font des choix positifs et responsables. Toutefois, nous devons être lucides : force est de constater que cette méthode d’éducation donne lieu aussi des dévoiements.
M. Philippe Dallier. Bien sûr !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il faut prévenir les risques de contentieux en évitant les recours formés au titre des contrôles.
Vous souhaitez préciser que ces contrôles doivent prendre en compte les choix pédagogiques des parents. Mais, en procédant ainsi, on ouvrirait la porte à toutes sortes de contentieux, au motif que les inspecteurs n’auraient pas eu suffisamment d’empathie ou de neutralité lors du contrôle.
Cela étant, ces dispositions me donnent l’occasion d’attirer l’attention sur les difficultés propres à de tels contrôles. D’une part, les inspecteurs de l’éducation nationale ne sont pas toujours suffisamment informés des pédagogies particulières appliquées : en conséquence, ils peuvent parfois se montrer un peu hostiles aux choix familiaux qui ont été faits. D’autre part, je le reconnais, certaines familles sont susceptibles de créer des situations de tension.
Voilà pourquoi il me semble nécessaire que l’éducation nationale réfléchisse aux moyens de former réellement à la fois les inspecteurs et des enseignants pour effectuer ces contrôles. Ces derniers doivent conduire à analyser les situations de manière aussi factuelle que possible, ce dans l’intérêt des enfants.
J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 309 rectifié bis.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Madame Gatel, je souscris au diagnostic que vous émettez, mais je n’adhère pas aux solutions que vous proposez.
Je ne polémique pas,…
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Personne ne polémique !
M. Patrick Kanner, ministre. … mais j’exprime une divergence par rapport à votre analyse. La Haute Assemblée tranchera dans quelques minutes.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Absolument !
M. Patrick Kanner, ministre. À l’instar de la commission, et pour les raisons que vous venez d’exposer, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 309 rectifié bis.
Naturellement, il émet un avis favorable sur l’amendement rédactionnel n° 710.
En revanche, contrairement à la commission, il est favorable à l’amendement n° 415 rectifié.
Monsieur Magner, face aux nombreuses difficultés qui ont été évoquées depuis le début de cette discussion, votre amendement tend à garantir de la souplesse. Il vise à laisser à l’inspection académique la possibilité de décider des modalités et du lieu de contrôle, au cas par cas, et dans l’intérêt de l’enfant.
Vous l’avez très justement rappelé : depuis plusieurs années, les services du ministère de l’éducation nationale rencontrent des difficultés croissantes pour contrôler l’instruction donnée par les familles. Je me suis fait confirmer que le Gouvernement allait renforcer les moyens de contrôle, dans cette période qui verra, nous l’espérons, une modification du droit en la matière. C’est un enjeu important au regard des difficultés relevées par Mme Gatel.
En effet, il arrive que des parents refusent que le contrôle prévu par la loi se déroule hors du domicile familial. Les intéressés s’appuient sur les dispositions actuelles du code de l’éducation, en vertu desquelles le contrôle doit avoir lieu « notamment » au domicile des parents de l’enfant,…
Mme Françoise Laborde. Tout est dans ce « notamment » !
M. Patrick Kanner, ministre. … alors même que le juge administratif a d’ores et déjà eu l’occasion de statuer qu’en adoptant cette rédaction le législateur entendait que le contrôle ne se déroule pas exclusivement au domicile des parents. Je vous renvoie, à cet égard, à l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en date du 18 décembre 2007.
Si 80 % des contrôles ont lieu au domicile familial, ce qui semble naturel, certaines situations exigent en effet que l’enfant soit contrôlé dans un autre lieu qu’au domicile de ses parents, lieu laissé à l’appréciation de l’administration, pour l’intérêt des enfants.
Il importe donc que l’article L. 131-10 du code de l’éducation, auquel il a déjà été fait référence depuis l’ouverture de cette séance, permette sans ambiguïté que le lieu du contrôle puisse être déterminé par les services du ministère de l’éducation nationale, dont c’est la compétence, sans que les familles puissent s’y opposer, quand bien même, le ministère souhaite, je vous le confirme, laisser la priorité aux contrôles au domicile.
Dans sa rédaction issue des travaux de la commission spéciale du Sénat, le présent article maintient le principe d’un contrôle exclusif à domicile sauf décision motivée de l’autorité compétente.
Madame la rapporteur, nul ne peut nier qu’en procédant ainsi vous visez l’efficacité. Mais, en définitive, ces dispositions produiraient l’effet inverse ! Il est en effet fort probable que les parents qui s’opposent aujourd’hui déjà aux contrôles en invoquant l’imprécision de la loi utilisent demain la nécessité, pour l’autorité compétente, de motiver sa décision, afin de repousser encore le contrôle. En l’état actuel, l’article 14 bis crée manifestement des sources supplémentaires de contentieux.
M. Magner a présenté un amendement de bon sens. Favorables à l’efficacité, ses dispositions permettent de parer, pour l’avenir, à toutes manœuvres dilatoires, de renforcer les contrôles et de traduire concrètement, pour tous les enfants de la République française, le droit à l’éducation. Ce dispositif est d’autant plus important qu’un nombre de plus en plus élevé de familles choisissent, pour des raisons diverses, d’instruire leurs enfants à domicile.
Aussi, le Gouvernement est très favorable à l’amendement n° 415 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Mes chers collègues, vous pensez bien que nous sommes favorables à l’amendement n° 415 rectifié.
On m’a fait remarquer qu’en matière de scolarisation à domicile les termes « choisir » et « recevoir » figuraient déjà dans la législation pour ce qui concerne les choix pédagogiques des parents. Il n’est donc pas nécessaire de les reproduire.
Avec l’amendement de M. Magner, on constate les limites du « notamment », que l’on relève d’ailleurs assez souvent, qu’il s’agisse des lois, des décrets ou des règlements.
M. Philippe Dallier. En effet !
Mme Françoise Laborde. Je suis donc ravie que nous puissions modifier cette disposition.
J’en viens aux modalités du contrôle. Il est clairement indiqué que ce dernier n’aura pas lieu exclusivement à l’extérieur ou exclusivement à domicile : ainsi, une ouverture est garantie, sans avoir recours aux « peut-être » ou aux « notamment ».
Sur cet article, j’avais en outre déposé un amendement qui est tombé sous le coup de l’article 40 de la Constitution… Je saisis cette occasion pour rappeler ses dispositions : peut-être pourraient-elles être mises en œuvre par décret. Je sais bien que la médecine scolaire a déjà ses limites à l’école, mais peut-être un contrôle médical à domicile permettrait-il de mieux analyser l’état de santé, tant physique que mentale, des enfants. Que l’on m’excuse de revenir sur ce dernier point, mais je songe toujours aux dérives que les enfants peuvent subir, et en particulier aux dérives sectaires !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, je pense à tous ceux qui, comme Victor Hugo, ont plaidé pour l’école publique, laïque et obligatoire, pour tous les enfants de la République, cette école de la République protectrice, émancipatrice, qui permet à tous les jeunes d’être les uns à côté des autres dans la même école.
Madame Gatel, vous affirmez que certains enfants restent chez eux du fait des déficiences et des problèmes que connaît l’éducation nationale.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. C’est vrai !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté ». On ne peut pas le nier !
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne suis pas sûr que ce soit là la cause principale de ce phénomène aujourd’hui.
Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Nous n’avons pas dit cela !
M. Jean-Pierre Sueur. Interrogez, comme je l’ai fait dans plusieurs départements, les DASEN, et vous verrez que la vérité est la suivante : il existe des mouvements intégristes, sectaires et idéologiques selon lesquels il faut « préserver » les enfants de l’école en les maintenant à la maison. C’est la réalité ! Il faut voir cette réalité en face, et il faut la dire, ici, au Sénat ! Il faut la dire publiquement, en toute transparence.
Notre devoir, c’est bien sûr de respecter la loi, mais c’est également d’être vigilants. Certains déclarent que les parents doivent exercer un contrôle sur la pédagogie, alors que la pédagogie relève des enseignants, de l’instruction publique.
M. Alain Néri. Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur. Bien sûr, plusieurs pédagogies sont possibles, et le ministère doit en tenir compte. Mais il faut faire très attention au mouvement de déscolarisation qui est mené pour des raisons intégristes, sectaires et idéologiques.
M. Alain Néri. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. Je le dis en ces termes, car le problème se pose en ces termes !
Voilà pourquoi je soutiens de tout cœur l’amendement présenté par Jacques-Bernard Magner, qui tend à donner à l’éducation nationale les moyens de définir le lieu et les modalités de l’indispensable contrôle à mener dans l’intérêt des enfants. Ces derniers ont tous droit à l’école de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur plusieurs travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. M. Sueur peut se faire applaudir en exprimant sa position, mais je ne crois pas que quiconque, dans cet hémicycle, ait la volonté de supprimer tout contrôle de la qualité et du contenu de l’éducation assurée aux enfants, quel que soit le lieu où elle est dispensée.
Je suis prêt à admettre que l’éducation nationale soit seule à même de définir les modalités du contrôle. Mais en aucun cas elle ne doit être seule à pouvoir en définir le lieu.
À mon sens, nous aurions bien tort d’éviter à l’éducation nationale de se rendre au domicile des parents, là où l’enseignement est effectué.
M. Jacques-Bernard Magner. Mais il ne s’agit pas de cela !
M. Alain Vasselle. Bien au contraire, il est bon que l’éducation nationale ait connaissance de l’environnement dans lequel cet enseignement est assuré : opérer ces contrôles dans les seuls locaux de l’inspection académique, ou dans un autre lieu qui serait défini par l’éducation nationale, me paraît être une fausse bonne idée.
Aussi, je m’inscris en faux contre cette idée que M. Sueur semble développer, ou qui pourrait du moins être interprétée comme telle : celle selon laquelle nous serions opposés à toute forme de contrôle.
Les modalités du contrôle se discutent. Pour ce qui concerne le lieu, je fais partie de ceux qui considèrent que Mme le rapporteur a tout à fait raison de s’opposer à l’amendement n° 415 rectifié ! (Mme Jacky Deromedi applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Il y a le droit, il y a l’application du droit, et puis il y a ce que nous, élus locaux, voyons sur le terrain. Or, en tant que sénateur de Seine-Saint-Denis, je confirme que ce que M. Sueur a affirmé clairement se vit sur le terrain.
Cela étant, faut-il rendre obligatoire le contrôle sur place dans la famille ? À mon sens, la réponse est oui. À partir d’un même constat, je tire donc les conclusions exactement inverses de celles auxquelles aboutit M. Sueur ! Il est impératif d’aller au domicile. Il faut peut-être aussi tenir compte du fait que certaines administrations – on peut les comprendre – ne sont pas forcément enchantées à l’idée de se rendre dans certains quartiers.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Absolument !
M. Philippe Dallier. Aussi, je préfère que le contrôle dans la famille soit obligatoire et assorti des possibilités de dérogation que Mme le rapporteur a introduites. Il faut aller voir sur place ! En dehors du contexte, on ne comprend pas forcément ce qui se passe.
Je soutiens donc le texte de la commission, et je vous invite, mes chers collègues, à examiner la question sous l’angle que je viens de pointer. Même pour la police nationale, il est parfois difficile de se rendre dans certains quartiers. Imaginez ce qu’il en est pour toutes les autres administrations ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Sans allonger ce débat, je tiens à répondre à M. Sueur que l’intervention à domicile se pratique déjà très largement, dans un souci de protection des enfants. Que se passe-t-il pour les agréments des assistantes maternelles ? Que se passe-t-il en matière d’adoption ? Une visite à domicile a toujours lieu à un moment donné, pour évaluer le cadre dans lequel la famille accueille les enfants. Une telle démarche est également nécessaire en matière pédagogique !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.
M. Jacques-Bernard Magner. Mes chers collègues, il ne faut pas extrapoler : dans notre esprit, il n’a jamais été question de supprimer le contrôle à domicile ! J’ose espérer que, dans le cours d’une année, il est possible de mener à la fois un contrôle à domicile et un autre contrôle, au lieu que l’inspection académique aura choisi.
En outre, il serait délirant de comparer ce contrôle pédagogique avec celui dont font l’objet les assistantes maternelles : les deux sujets n’ont rien à voir ! En l’occurrence, il s’agit de contrôler l’acquisition de connaissances et de compétences. Il s’agit de s’assurer que le socle commun, qui est fixé par l’éducation nationale et que nous connaissons tous, est bien acquis.
Effectivement, la visite à domicile permet de connaître l’endroit où vit l’enfant. Mais, en l’occurrence, les conditions sanitaires et l’environnement de vie ne sont pas l’enjeu essentiel.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.
Mme Annie Guillemot. Mes chers collègues, je ne suis plus maire depuis un an, mais je l’ai été pendant dix-sept ans, et il me semble que tout enfant scolarisé à domicile doit faire l’objet d’une enquête sociale par le maire. (M. Philippe Dallier le confirme.)
Ces enquêtes sont appliquées : j’en ai fait mener une cinquantaine, par l’intermédiaire des assistants sociaux. Aussi, je rejoins tout à fait M. Sueur quand il insiste sur la nécessité de contrôler l’acquisition des connaissances dans un lieu extérieur. On rencontre beaucoup d’enfants qui n’osent pas parler à domicile. Dans un certain nombre de quartiers, ils subissent une véritable pression.
Je suis étonnée que ces enquêtes sociales, ordonnées par le maire, ne soient pas mentionnées dans nos débats d’aujourd’hui ! Je le répète, j’ai dû en demander une cinquantaine en dix-sept ans. Elles ont été menées par des assistants sociaux, et elles ont toutes donné lieu à des rapports que j’ai systématiquement fait suivre à l’éducation nationale.
M. Philippe Dallier. Et après ?
Mme Annie Guillemot. Des enquêtes ont été déclenchées !
Les enquêtes sociales demandées par les maires sont mises en œuvre sur le terrain. On sait exactement dans quel environnement se trouvent ces enfants. Mais il faut que l’éducation nationale les sorte de chez eux pour contrôler leur niveau d’acquisition des connaissances. Ces deux procédures sont possibles, et il faut absolument les mener.
Je ne comprends pas comment, aujourd’hui, des sénateurs qui observent la réalité de la ségrégation en France, qui constatent ce qui se passe, peuvent être hostiles à cette mesure. Il ne s’agit pas de supprimer des dispositifs existants, mais de permettre à des enfants de sortir de chez eux, pour parler à d’autres adultes que leurs parents ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mes chers collègues, il faut que l’on m’explique pourquoi un contrôle de la capacité à lire ou à écrire ne peut pas être effectué au domicile, mais doit être mené à l’école ! Sincèrement, je ne comprends pas.
De plus, monsieur Magner, je rappelle qu’en l’occurrence il ne s’agit pas de contrôler les méthodes pédagogiques, mais l’acquisition des connaissances. À cet égard, je suis très sensible aux propos de M. Dallier : que l’éducation nationale ne se rende pas dans les quartiers où ce type d’instruction subit des dévoiements, cela me pose un grave problème !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je trouve ce débat un peu surréaliste… (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Stéphanie Riocreux. Nous aussi !
M. Patrick Kanner, ministre. J’espère que nous n’avons tous qu’un seul et même but, à savoir l’intérêt de l’enfant. Celui-ci est au cœur de toutes nos démarches. Dès lors, il faut plus particulièrement se demander comment protéger les enfants d’entreprises idéologiques qui seraient contraires aux valeurs de la République. Vous voyez bien ce à quoi je fais allusion, notamment pour ce qui concerne la Seine-Saint-Denis.
Dès la loi Ferry de 1882, le législateur a prévu deux types de contrôle : un contrôle portant sur l’environnement social, enclenché par le maire, dont l’existence vient d’être rappelée ; et un contrôle portant sur les acquis pédagogiques, mené sous l’autorité de l’éducation nationale.
En soutenant l’amendement présenté par M. Magner et les membres du groupe politique auquel il appartient, que cherche le Gouvernement ? Que l’on soit en mesure d’effectuer ce contrôle de manière efficace. Chacun reconnaît que le statu quo est insatisfaisant. Ce que nous demandons, c’est que le contrôle pédagogique soit mené sans exclusive, et qu’il puisse être effectué ailleurs qu’au domicile si l’éducation nationale en justifie la nécessité. Voilà tout !
J’ai précédemment rappelé que 80 % des contrôles avaient lieu à domicile. Il ne s’agit pas d’exclure cette procédure à l’avenir. Nous souhaitons simplement donner à l’éducation nationale d’autres moyens de vérifier que notre but, à savoir la protection de l’enfant, est bel et bien atteint grâce à l’intervention des pouvoirs publics.
En conséquence, je vous confirme mon soutien total à l’amendement de M. Magner.
M. Jean-Claude Carle. Nous avions compris !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 415 rectifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 2 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 334 |
Pour l’adoption | 146 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 710.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 309 rectifié bis.
Mme Colette Giudicelli. Je le retire, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 309 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour explication de vote sur l'article.
M. Jean-Claude Carle. Cet article 14 bis a un but tout à fait louable, auquel nous ne pouvons que souscrire : lutter contre les risques de radicalisation et protéger nos enfants.
En la matière, l’arsenal juridique, notamment législatif, existe déjà. M. le ministre a cité la loi de 1882. Mais il ne faut pas oublier la loi du 18 décembre 1998 tendant à renforcer le contrôle de l’obligation scolaire, dite loi Royal. Ce texte fixe les modalités, notamment en termes de sanctions, de la lutte contre les phénomènes sectaires, dont la radicalisation est en quelque sorte le summum.
Or cette loi de 1998 précise que les contrôles doivent être effectués au domicile familial. Je m’en souviens d’autant mieux que j’étais rapporteur de ce texte, que le Sénat avait adopté à l’unanimité.
Mme le rapporteur souhaite que ces contrôles soient menés systématiquement sur le lieu où l’instruction est effectuée. Je souscris tout à fait à son souhait.
Monsieur le ministre, je ne nie pas que certaines familles veulent se soustraire à ces contrôles. Mais, à mon sens, elles constituent une minorité. La plupart des familles respectent cette procédure. Il ne faudrait pas inverser la charge de la preuve, en stigmatisant l’ensemble des familles, dont celles qui se montrent coopératives !
En définitive, la véritable question est la suivante : pourquoi un nombre grandissant de familles souhaitent-elles assurer elles-mêmes l’instruction de leur enfant ? Mme Gatel y a très bien répondu. C’est parce que ces familles ne trouvent pas auprès de l’éducation nationale les réponses à leurs interrogations.
Voilà pourquoi je soutiendrai le texte proposé en commission par Mme le rapporteur. Cette rédaction permet les contrôles tout en respectant ce droit constitutionnel qu’est le libre choix de l’école !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 14 bis, modifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 3 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Pour l’adoption | 208 |
Contre | 125 |
Le Sénat a adopté.
Article 14 ter
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article L. 231-3 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le scrutin est organisé de manière à ce qu’un nombre égal de représentants des lycéens de chaque sexe soit élu. » ;
2° Après l’article L. 511-2, il est inséré un article L. 511-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 511-2-1. – Les commissions consultatives nationales et académiques exclusivement compétentes en matière de vie lycéenne sont composées de manière à ce qu’un nombre égal de représentants des lycéens de chaque sexe soit élu, dans les conditions prévues par décret.
« La même règle de parité s’applique aux représentants élus des collégiens dans les commissions consultatives des collèges exclusivement compétentes en matière de vie collégienne, lorsqu’elles existent. » – (Adopté.)
Article 14 quater
(Supprimé)
Article 14 quinquies
Le chapitre Ier du titre Ier du livre VI de la troisième partie du code de l’éducation est complété par un article L. 611-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 611-11. – Des aménagements dans l’organisation et le déroulement des études et des droits spécifiques liés à l’exercice de responsabilités particulières sont prévus par les établissements d’enseignement supérieur, dans des conditions fixées par décret, afin de permettre aux étudiants exerçant des responsabilités au sein du bureau d’une association, aux étudiants accomplissant une activité militaire dans la réserve opérationnelle prévue au livre II de la quatrième partie du code de la défense, aux étudiants réalisant une mission dans le cadre du service civique mentionné à l’article L. 120-1 du code du service national et de l’engagement citoyen ou un volontariat militaire prévu à l’article L. 121-1 du même code, aux étudiants exerçant une activité professionnelle et aux étudiants élus dans les conseils des établissements et des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires de concilier leurs études et leur engagement. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud, sur l'article.
Mme Christine Prunaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon sens, il faut voir cet article comme une simple transposition, pour les étudiants, de l’article 8.
Toutefois, cette mesure pourrait constituer une grande bouffée d’air pour une sphère associative qui a vu la jeunesse s’engager massivement en sa faveur : la part de jeunes inscrits dans les associations a augmenté d’un tiers depuis 2010.
À l’heure actuelle, les associations ont du mal à rajeunir leur équipe dirigeante. En permettant un aménagement des études, on pourrait leur faciliter la vie.
Par ailleurs, cet article contribue à reconnaître, le rôle que peuvent jouer les élus étudiants au sein des conseils universitaires. C’est louable. Représentants de leurs pairs, mais aussi voix de ceux qui sont les plus nombreux sur les campus, ils permettent d’enrichir la vision des présidences d’université.
Si l’utilité des responsables associatifs et des élus étudiants n’est plus à démontrer, l’organisation parfois rigide des études, couplée à un développement inquiétant du salariat étudiant, rend difficile, voire impossible, l’engagement de jeunes volontaires dans des structures associatives et syndicales, étudiantes ou autres. L’ensemble du secteur associatif devrait ainsi bénéficier de l’amplification de la dynamique d’engagement des jeunes.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14 quinquies.
(L’article 14 quinquies est adopté.)
Article 14 sexies
(Non modifié)
Le chapitre Ier du titre Ier du livre VI de la troisième partie du code de l’éducation est complété par un article L. 611-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 611-10. – Les établissements d’enseignement supérieur élaborent une politique spécifique visant à développer l’engagement des étudiants au sein des associations. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, sur l’article.
Mme Sylvie Robert. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 14 sexies introduit par l’Assemblée nationale impose aux établissements d’enseignement supérieur de mettre en œuvre une politique spécifique visant le développement de l’engagement des étudiants au sein d’associations.
Avant que ne tombe le couperet de l’article 41 de la Constitution, nous avions proposé de préciser cet article par un amendement, soutenu par le groupe socialiste et républicain, afin que cette nouvelle obligation d’initiative parlementaire n’ignore pas deux éléments importants.
Le premier est que le principal opérateur de la vie étudiante est le centre régional des œuvres universitaires et scolaires, le CROUS. Dans chacune de ses initiatives, le législateur ne doit pas l’oublier. Cette précision est d’autant plus importante que se développent, insidieusement ou non, avec ou sans la complicité des gouvernances des établissements d’enseignement supérieur de tout statut, des initiatives parfois très éloignées de l’esprit des œuvres universitaires.
Le deuxième élément est que cette mission doit être mise en œuvre par les premiers intéressés eux-mêmes, c’est-à-dire par les étudiants, comme le prévoit d’ailleurs le plan national de vie étudiante.
Ces deux points, qui ne sont pas de simples détails dans les textes, puisqu’ils en changent l’ADN, ont été jugés irrecevables au titre de l’article 41.
Nous n’aurons donc pas, mes chers collègues, de débat de fond sur ce sujet qui est pourtant tout à fait dans l’esprit de ce texte. J’espère toutefois que le Gouvernement saura mener cette discussion avec les acteurs de la vie étudiante afin que l’ambition que nous portons pour eux ne soit pas tout simplement oubliée.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14 sexies.
(L’article 14 sexies est adopté.)
Article 14 septies
(Non modifié)
L’article L. 714-1 du code de l’éducation est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Le développement de l’action culturelle et artistique. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, sur l’article.
Mme Sylvie Robert. L’article 14 septies modifie les missions pour lesquelles les universités ont la possibilité d’ouvrir des services communs internes. Cet amendement vise à ajouter deux missions à celles que sont susceptibles d’exercer ces services.
La première est l’action sportive. Les établissements disposent de services universitaires – ou, parfois, interuniversitaires – des activités physiques et sportives, les SUAPS, qui jouent un rôle important dans l’accès ou le maintien d’une pratique corporelle.
Les jeunes qui quittent le domicile familial pour un logement autonome afin de suivre leurs études quittent souvent également le tissu associatif au sein duquel ils pratiquaient leur sport. La diversité de l’offre de pratiques physiques et sportives des SUAPS permet aux jeunes comme aux personnels des établissements de découvrir de nouvelles activités.
L’ajout de cette mission vise à reconnaître l’importance de ces services, en complément des associations sportives des établissements, regroupées au sein de la Fédération française du sport universitaire, la FFSU, pour la pratique sportive des étudiants.
La seconde mission que nous vous proposons d’ajouter est la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle, laquelle découle directement de la nouvelle mission de service public de l’enseignement supérieur que le Sénat avait inscrite, il y a trois ans, dans la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite loi ESR.
Cette mission joue un rôle fondamental dans l’élévation du niveau de connaissance de l’ensemble des citoyens et participe du débat public sur les nombreux enjeux scientifiques en plein développement, parmi lesquels le réchauffement climatique et la transition énergétique.
La communauté universitaire, consciente de sa responsabilité sociale et environnementale, est donc engagée dans la diffusion de la connaissance auprès du plus grand nombre.
Cet ajout encouragerait les établissements à se doter de services dédiés à la diffusion de cette culture scientifique, technique et industrielle, y entraînant donc les étudiants à tous les niveaux de leur parcours, afin de leur donner des moyens à la hauteur des enjeux de leur mission.
Mme la présidente. L’amendement n° 417 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, MM. Magner et Guillaume, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur, Vandierendonck et Vaugrenard, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 6° Le développement de l’action culturelle, sportive et artistique, et la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle. »
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Cet amendement vise à étendre le champ de compétence des services communs internes aux universités.
J’en profite, madame la présidente, pour saluer dans les tribunes, avec beaucoup d’amitié et de plaisir, un quarteron d’universitaires en retraite (Sourires.) originaires de mes universités lilloises.
Il s’agit donc de développer les compétences de ces services dans l’action sportive.
Comme citoyen et comme ministre des sports, je considère que le développement du sport dans les universités devrait donner lieu à une analyse des équipements sportifs existants, qui sont sûrement insuffisants au regard des ambitions de notre pays en matière de médailles et de résultats sportifs.
Vous évoquez l’action sportive, d’une part, et, d’autre part, la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle. Je comprends parfaitement l’intention des auteurs de cet amendement. L’activité sportive dans l’enseignement supérieur est régie par le code de l’éducation, dans son article L. 841–1, lequel oblige les établissements de l’enseignement supérieur à organiser et à développer la pratique des activités sportives et physiques des étudiants et de leur personnel. Un esprit sain dans un corps sain !
Cela se traduit, notamment, par l’existence de services universitaires, les SUAPS, au sein de chaque établissement, services dont je souhaite qu’ils puissent se développer conformément à nos ambitions, en particulier dans la perspective de la candidature de Paris à l’organisation des jeux Olympiques de 2024.
En ce qui concerne la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle, l’engagement du Gouvernement est avéré : la loi de 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche l’a érigée au rang de mission de service public et a attribué une nouvelle compétence aux régions pour assurer une véritable approche territoriale.
J’ai donc le sentiment que la préoccupation qui a présidé à la rédaction de cet amendement est très largement satisfaite par les textes en vigueur et leur mise en œuvre, je m’en remets néanmoins à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14 septies, modifié.
(L’article 14 septies est adopté.)
Article 14 octies
(Non modifié)
L’article L. 811-2 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour contribuer à l’animation de la vie étudiante, les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires peuvent recruter des étudiants dans les mêmes conditions. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud, sur l’article.
Mme Christine Prunaud. On assiste à un renversement intéressant de la logique suivie jusqu’ici par le code électoral, même si les cas concernés sont rarissimes.
De la même manière que la question du cumul des mandats en exercice et dans le temps, la mesure proposée doit participer, à son échelle, à un renouvellement politique. Alors que le stéréotype du « jeune sans conviction » se renforce, elle offre l’occasion de laisser aux jeunes une place en politique.
N’oublions pas en effet que cette question et celle du cumul des mandats, dont la réforme va s’appliquer à partir du 1er janvier malgré les regrettables tentatives d’aménagement de quelques parlementaires, sont porteuses d’un véritable enjeu démocratique, en termes de renouvellement politique et de partage du pouvoir, et contribuent à la lutte contre l’absentéisme dans les instances élues et à un meilleur investissement.
Nous sommes à un moment crucial où il faudra rappeler notre attachement républicain au partage du pouvoir et à la représentation des citoyens, dans l’intérêt général.
Pour revenir à la version proposée par l’article 15 decies, car, comme vous l’aurez compris, c’est sur cet article que je m’exprime, je n’ai qu’une réserve : sa constitutionnalité. Mes doutes sont certainement infondés, dans la mesure où le Conseil constitutionnel a toujours toléré la discrimination en sens inverse, mais cette rédaction ne constitue-t-elle pas une entorse au principe d’égalité devant la loi qu’impose l’article 1er de la Constitution ?
L’article 15 decies n’indique explicitement que les distinctions d’origine, de race et de religion, mais le principe d’égalité est compris plus largement par les juridictions compétentes.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14 octies.
(L’article 14 octies est adopté.)
Article 14 nonies
À la première phrase de l’article 48 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre ».
Mme la présidente. L’amendement n° 246, présenté par Mme Prunaud, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Le but affiché de l’expérimentation lancée en 2013 était louable. Il s’agissait d’impliquer plus fortement les parents dans la scolarisation et dans l’orientation des élèves.
Toutefois, nous ne pouvons que nous interroger sur sa prolongation, alors même qu’elle a montré ses limites dans les 101 collèges concernés. Ainsi, le taux d’échec des élèves orientés de force – le contraire d’une orientation choisie – serait de l’ordre d’un tiers, voire de la moitié dans quelques académies.
La disparition de la commission d’appel a pris ici toute son importance, faute d’un réel suivi des parents, lesquels considèrent encore trop souvent le redoublement comme un échec et une sanction. Cette dramatisation nuit à une formule qui devrait constituer un filet de sécurité ou offrir une chance de rebondir. Il existe, certes, d’autres solutions, comme la pédagogie différenciée ou la mise en place de classes intermédiaires.
Cet échec tient aussi beaucoup aux motivations qui ont animé les collèges qui expérimentent. Ainsi, le rapport de l’Inspection générale de l’éducation nationale montrait que le choix des collèges concernés s’est fait avant tout selon des critères bureaucratiques et économiques, et en aucun cas pédagogiques.
Certaines académies ont usé des préjugés des familles pour renforcer ou désengorger les secondes générales, technologiques et professionnelles. En effet, les études montrent dans les établissements à population scolaire aisée une hausse des orientations vers la seconde générale et technologique, alors que les établissements dits populaires connaissent une hausse des demandes de secondes professionnelles. Cette expérimentation a clairement montré ses limites.
En outre, l’absence des « espaces parents » n’a pas permis l’instauration de lieux où tenir les discussions entre les parents et les enseignants, que l’expérimentation avait pour objectif de développer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mon cher collègue, vous évoquez dans cet amendement ce que l’on appelle « le dernier mot aux familles ». Cela signifie que les familles peuvent accepter ou non que leurs enfants redoublent.
À mon sens, l’éducation revient d’abord aux familles. Cela n’enlève rien à la compétence des enseignants.
Pardonnez-moi un mot désagréable, mais juste : si l’éducation nationale avait fait la preuve de son infaillibilité et de sa capacité à conduire tout le monde à un niveau acceptable, nous nous poserions peut-être moins de questions de cette nature !
Je propose que l’expérimentation en cours soit poursuivie, parce que l’analyse qui en est faite ne me semble pas encore donner de résultats suffisamment fiables.
J’ai donc le regret d’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. J’entends les craintes ici exprimées, et je ne doute pas de leur sincérité. Je souhaite toutefois vous rassurer : la prolongation de l’expérimentation engagée en 2013 ne se traduit pas par une mise en échec massive des élèves concernés, comme vous sembliez l’affirmer dans votre propos liminaire, monsieur le sénateur.
Depuis plusieurs années, on observe une nette diminution du nombre de désaccords entre les demandes d’orientation des familles et les décisions prises par les chefs d’établissement.
Les chiffres précis issus de l’éducation nationale ainsi que le taux de désaccords pour le passage en seconde générale et technologique est passé de 2 % en 2011 à seulement 1,4 % en 2015 ; le taux d’appel est, quant à lui, passé de 0,8 % à 0,5 % sur la même période, tandis que le taux d’appels satisfaits a augmenté en passant de 50 % à 52 % entre 2011 et 2015. Les points de vue semblent donc se rapprocher.
Ces éléments chiffrés témoignent de l’amélioration significative de la qualité du dialogue sur l’orientation entre les familles et les équipes éducatives. Un climat de confiance s’instaure au sujet de l’avenir des enfants, ce qui me semble positif.
C’est pour cela que je sollicite le retrait de votre amendement ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.
M. Jacques-Bernard Magner. Le groupe socialiste et républicain votera contre cet amendement.
Il me semble me souvenir, madame la présidente, que vous étiez vous-même rapporteur de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. Cette expérimentation du « dernier mot aux familles » en matière d’orientation est issue d’un amendement que vous aviez alors proposé.
M. le ministre vient de rappeler que les résultats ne sont pas aussi négatifs que ce que M. Le Scouarnec nous indiquait. Lors de la mission que j’ai menée avec mon collègue Guy-Dominique Kennel sur l’orientation, nous n’avons pas constaté de rejet important, de la part des uns et des autres, de ce système de choix d’orientation laissant le dernier mot aux familles.
Cet amendement ne me semble donc pas devoir être adopté.
Mme la présidente. Monsieur Le Scouarnec, l’amendement n° 246 est-il maintenu ?
M. Michel Le Scouarnec. Non, je le retire, madame la présidente, car je vois bien que mon intervention ne correspond pas tout à fait à la réalité !
Mme la présidente. L’amendement n° 246 est retiré.
Je mets aux voix l’article 14 nonies.
(L’article 14 nonies est adopté.)
Article 14 decies
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° (nouveau) Le chapitre Ier du titre IV du livre IV de la deuxième partie est ainsi rédigé :
« CHAPITRE IER
« L'ouverture des établissements d'enseignement privés
« Art. L. 441-1. – Tout Français ou ressortissant d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’espace économique européen, âgé de vingt-cinq ans au moins, et n’ayant encouru aucune des incapacités mentionnées à l’article L. 911-5, peut ouvrir un établissement d’enseignement privé.
« Le demandeur doit préalablement déclarer son intention au maire de la commune où il souhaite établir l’établissement et lui désigner les locaux affectés à l’établissement.
« Le maire remet immédiatement au demandeur un récépissé de sa déclaration et fait afficher celle-ci pendant deux mois.
« Si le maire juge que les locaux ne sont pas convenables pour des raisons tirées des bonnes mœurs, de l’hygiène, des exigences de sécurité et d’accessibilité, il forme, dans un délai de deux mois, opposition à l’ouverture de l’école et en informe le demandeur.
« Art. L. 441-2. – Le demandeur adresse une déclaration à l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, qui lui en donne récépissé et la transmet au représentant de l’État dans le département et au procureur de la République.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de la déclaration et la liste des pièces qui la constituent. Elle comprend le nom et les titres du chef d’établissement et des enseignants, le projet pédagogique et les modalités de financement de l’établissement, les programmes et l’horaire de l’enseignement devant être dispensé, le plan des locaux affectés à l’établissement et, si le déclarant appartient à une association ou si l’établissement projeté est financé par une association, une copie des statuts de cette association.
« L’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, le représentant de l’État dans le département et le procureur de la République peuvent former opposition à l’ouverture de l’établissement, dans l’intérêt de l’ordre public, des bonnes mœurs, de l’hygiène, si les conditions de titres et de moralité du chef d’établissement ou des enseignants ne sont pas remplies ou s’il résulte des programmes de l’enseignement que le projet de l’établissement ne correspond pas à l’enseignement qu’il prévoit de dispenser ou que l’établissement projeté n’a pas le caractère d’un établissement scolaire.
« À défaut d’opposition, l’établissement est ouvert à l’expiration d’un délai de trois mois, sans autre formalité ; ce délai a pour point de départ le jour où la déclaration a été adressée par le demandeur à l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation.
« Art. L. 441-3. – L’ouverture d’un établissement d’enseignement privé en dépit d’une opposition formulée par les autorités compétentes ou sans remplir les conditions prescrites par le présent chapitre ainsi que par l’article L. 911-5 est punie de 15 000 euros d’amende et de la fermeture de l’établissement.
« L’autorité compétente de l’État en matière d’éducation saisit le procureur de la République des faits constitutifs d’infraction aux dispositions du présent chapitre. Dans cette hypothèse, elle met en demeure les parents des élèves scolarisés dans l’établissement d’inscrire leur enfant dans un autre établissement, dans les quinze jours suivant la notification. » ;
2° (nouveau) L’article L. 442-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « peut prescrire » sont remplacés par le mot : « prescrit » ;
b) Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« S’il apparaît à l’occasion de ce contrôle que l’enseignement dispensé est contraire à la moralité ou aux lois, que des activités menées au sein de l’établissement sont de nature à troubler l’ordre public ou en cas de refus de ce contrôle, l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation en informe le représentant de l’État dans le département et le procureur de la République. » ;
c) Au cinquième alinéa, les mots : « sa part » sont remplacés par les mots : « de la part du directeur de l’établissement ».
3° (nouveau) L’article L. 914-5 est ainsi modifié :
a) Aux premier, deuxième et dernier alinéas, le mot : « technique » est supprimé ;
b) Aux premier, deuxième et dernier alinéas, après le mot : « privé », sont insérés les mots : « du second degré ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur, sur l’article.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous arrivons à une étape particulière de ce débat.
Nous avons été surpris par un amendement déposé en première lecture, contournant quelque peu l’avis du Conseil d’État, par lequel le Gouvernement exige que nous l’habilitions à revoir par ordonnance les conditions d’ouverture des établissements privés, alors même qu’une demande identique formulée par l’AMF, l’Association des maires de France, avait été refusée par le ministère, sous prétexte d’inconstitutionnalité.
Par cet amendement, le Gouvernement souhaite remplacer les régimes de déclaration en vigueur, instaurés par des lois datant du siècle dernier, par un régime d’autorisation préalable.
Monsieur le ministre, vous mettez tout en œuvre pour nous convaincre de la faible portée de ce changement en nous assurant qu’un régime d’autorisation est déjà en vigueur en Alsace-Moselle et que, l’absence de réponse de l’administration valant acceptation, rien ne distinguera le futur régime de l’actuel.
N’y a-t-il pas pourtant une différence, en matière d’exercice d’une liberté fondamentale, entre une déclaration à l’administration et la demande d’une permission ?
Mes chers collègues, il s’agit en effet bien de déterminer les conditions d’exercice d’une liberté fondamentale : l’enseignement. Notre commission a choisi, avec beaucoup de rigueur, de conserver le principe d’une déclaration et d’unifier les règles en les renforçant, afin de sécuriser ce dispositif.
En outre, contrairement à vous, monsieur le ministre, nous avons prévu un renforcement des contrôles a posteriori en faisant obligation au recteur de contrôler au moins une fois par an les classes hors contrat.
Mes chers collègues, le durcissement du dispositif d’ouverture que nous proposons est le fruit de la lucidité nécessaire face aux dévoiements auxquels nous assistons ; dans le même temps, il respecte la liberté constitutionnelle.
Monsieur le ministre, qui serait suffisamment ingénu pour croire que des personnes mal intentionnées commettraient la maladresse de ne pas remplir correctement un dossier d’autorisation d’ouverture ?
Ici même, il y a plus d’un siècle, le 17 novembre 1903, notre assemblée examinait le projet de loi Chaumié, qui avait pour dessein de remplacer, pour l’ouverture des écoles privées, le régime de déclaration par un régime d’autorisation préalable. Permettez-moi de citer ici, comme d’autres avant moi, un de nos plus illustres prédécesseurs, Georges Clemenceau. S’élevant contre cette initiative, qu’il qualifiait de liberticide, il s’adressa en ces termes à ses collègues : « Vous avez fait la liberté de la presse, vous avez fait la liberté de réunion, vous ferez […] la liberté de conscience. Vous aurez le courage de faire la liberté de l’enseignement. »
Alors mes chers collègues, je vous en conjure, en ce jour, ne défaites pas ce qui est une liberté constitutionnelle, mais sécurisez, dans l’intérêt des enfants, la procédure d’ouverture. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. L’amendement n° 663, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi ayant pour objet de modifier les dispositions du code de l’éducation relatives aux établissements privés d’enseignement scolaire, afin de remplacer les régimes de déclaration d’ouverture préalable en vigueur par un régime d’autorisation, de préciser les motifs pour lesquels les autorités compétentes peuvent refuser d’autoriser l’ouverture, de fixer les dispositions régissant l’exercice des fonctions de direction et d’enseignement dans ces établissements et de renforcer la liberté d’enseignement dont bénéficient ces établissements une fois qu’ils sont ouverts.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de cette ordonnance.
La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Je rejoins Mme la rapporteur sur un fait : nous en arrivons à un point fort de notre débat de ce jour.
Sur la forme, madame la rapporteur, je souhaite vous rappeler que le droit d’amendement existe aussi pour le Gouvernement, selon la Constitution de 1958, et que nous pouvons nous dispenser d’un avis préalable du Conseil d’État. Ce sont là les fondamentaux de la règle générale qui nous anime toutes et tous ici.
Afin de vous rassurer, je répondrai à un point de votre intervention en vous confirmant que les contrôles a posteriori seront renforcés par l’éducation nationale, au travers d’un vade-mecum d’inspection qui m’a été remis par les collaborateurs de la ministre de l’éducation nationale. Ce document indique bien que, si nous voulons changer de régime sur l’ouverture des écoles privées hors contrat, nous renforcerons en même temps les contrôles a posteriori une fois que ces écoles existent.
Sur le fond, madame la présidente, je serai un peu long, et je m’en excuse, mais le sujet mérite l’exhaustivité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cet amendement a pour objet de rétablir l’article 14 decies dans sa rédaction initiale et d’autoriser le Gouvernement à modifier le code de l’éducation en matière d’ouverture des établissements hors contrat. Votre rapporteur a réécrit le dispositif en prolongeant le régime actuel de déclaration. Le Gouvernement propose de revenir à l’habilitation initiale.
Permettez-moi de rappeler le contexte et les raisons qui justifient de modifier les dispositions relatives à l’enseignement privé hors contrat. Aujourd’hui, ces écoles peuvent être ouvertes très facilement, chacun le sait, sur simple déclaration. Il suffit de remplir certaines conditions : avoir plus de dix-huit ans, être titulaire du baccalauréat, être de nationalité française et ne pas avoir été condamné par la justice.
Le droit n’offre donc qu’un régime d’opposition, que l’on peut qualifier d’inopérant dans ces conditions, dans un délai de huit jours pour le maire et d’un mois pour l’État.
Ce régime est inadapté à la réalité dans laquelle nous vivons, votre commission l’a constaté, comme en témoignent les évolutions du texte qu'elle a acceptées.
Ce sujet n’est pas anodin, la scolarisation hors contrat concernant 56 000 jeunes dans notre pays. On dénombre à ce jour environ 1 000 établissements scolaires hors contrat, dont plus de 300 à caractère confessionnel. À titre de comparaison, 7 900 établissements privés sont sous contrat, dont 7 500 à caractère confessionnel. Le rythme d’ouverture des établissements hors contrat atteint quelques dizaines par an, mais l’on observe une concentration dans le premier degré ainsi qu’une accélération du nombre de demandes.
Le Gouvernement est saisi de signalements de plus en plus nombreux au sujet d’enseignements dont l’indigence est attentatoire aux droits à l’éducation des enfants ; ils encouragent des embrigadements idéologiques ou confessionnels hostiles aux valeurs républicaines et sont la manifestation d’une volonté de soustraire l’éducation d’enfant au regard de la société. Il faut faire face à ce phénomène avec lucidité.
C’est donc pour nous permettre d’agir rapidement et efficacement que nous proposons un régime d’autorisation préalable d’ouverture dans le cadre de ce projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.
Cette procédure d’autorisation ne servira naturellement pas à refuser par principe l’ouverture d’une école hors contrat, mais simplement à vérifier que ses enseignements ne portent pas atteinte aux valeurs de la République et sont de nature à faire progresser les élèves en leur permettant d’acquérir les fondamentaux nécessaires pour évoluer dans la vie.
Nous conservons, bien entendu, la possibilité de renforcer a posteriori les contrôles, ainsi que je l’ai dit au début de mon propos.
Une telle modification mesdames, messieurs les sénateurs, permettra d’unifier le régime d’ouverture de tous les établissements d’enseignement privé du premier degré, du second degré général et du second degré technologique et professionnel, en fixant des règles de procédures et de contrôle identiques et des conditions identiques d’exercice des fonctions de direction et d’enseignement.
Cette modification permettra également de renforcer le contrôle de l’État – et je le revendique ! – sur l’ouverture d’établissements d’enseignement privés, en substituant au régime de déclaration un régime d’autorisation, sans pour autant interdire qu’une décision implicite d’acceptation naisse au terme d’un délai adapté, que nous avons fixé à quatre mois. Une telle disposition ne porte pas atteinte à la liberté constitutionnelle de l’enseignement.
L’ordonnance qui prévoira ces quatre mois est absolument nécessaire non seulement pour procéder à l’examen approfondi des pièces du dossier, mais aussi pour se rendre sur place. Il faudra tout simplement quatre mois pour faire notre travail de contrôle a priori, ce qui ne constitue pas une remise en cause de la liberté de l’enseignement.
Le régime d’autorisation que nous appelons de nos vœux renforcera également la sécurité juridique pour les familles et pour les enfants, ainsi aussi que pour les établissements. Plus précisément, il permettra, notamment, d’accompagner les créateurs de l’établissement, en les invitant à réfléchir en amont, par exemple, à la compatibilité de leurs projets pédagogiques avec les exigences du socle commun de connaissances, de compétences et de culture.
De surcroît, l’approfondissement de l’instruction des dossiers que permettra ce régime d’autorisation préalable souhaité par le Gouvernement ne dispensera évidemment pas de vérifier la qualité de l’enseignement après l’ouverture de l’établissement.
Enfin, si le Gouvernement demande au législateur de l’habiliter à recourir à une ordonnance, madame la rapporteur, c’est parce qu’il estime nécessaire de recueillir l’avis du Conseil d’État sur une refonte du régime qui devrait tout à la fois fusionner les trois régimes existants et unifier les motifs d’opposition, mais qui impose également des modifications fastidieuses, essentiellement techniques, d’autres dispositions du code de l’éducation, qui sont celles qu’a retenues la commission.
Nous faisons donc œuvre de simplification en demandant à réaliser ces modifications par voie d’ordonnance.
La préparation de l’ordonnance permettra également de prendre le temps de la concertation avec l’ensemble des acteurs intéressés de l’enseignement privé.
Telle est la philosophie de cet amendement de rétablissement.
Madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement n’est animé que par une seule motivation : la protection de l’intérêt des enfants par un dispositif qui nous apparaît plus compatible avec la réalité du fait scolaire, notamment avec l’augmentation du nombre des demandes d’ouverture d’écoles hors contrat.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je ferai le lien dans cette intervention avec l’amendement qui vous sera soumis par la suite.
Monsieur le ministre, vous affirmez vouloir unifier les régimes d’ouverture. Il en existe aujourd’hui trois. Vous souhaitez sécuriser et contrôler.
Unifier, nous l’avons fait dans la rédaction très construite issue de nos travaux. Les trois régimes y sont unifiés.
Sécuriser, pardonnez-moi, monsieur le ministre, mais il me semble que nous le faisons davantage que vous. Nous avons, comme vous, allongé les délais en amont ; nous exigeons même que les écoles répondent aux obligations en matière de sécurité et d’accessibilité ; nous demandons communication du mode de financement de l’école ; lorsqu’il s’agit d’une association, nous demandons son statut. Nous avons donc construit un processus très complet qui répond à vos objectifs.
Monsieur le ministre, vous affirmez que vous sécurisez le système, mais pas du tout ! Vous avez, certes, l’impression de le faire, mais cette impression ne tient pas à l’épreuve des faits, ce qui explique que mon impression soit toute différente.
J’ai cité des chiffres qui dérangent – j’en suis navrée. On sait que l’instruction en famille est soumise à une obligation de contrôle annuelle, mais 456 contrôles jugés insatisfaisants n’ont pas fait l’objet d’un deuxième passage… Que l’on m’explique comment l’éducation nationale va contrôler a posteriori !
Monsieur le ministre, on peut lire dans l’objet de votre amendement que, « après l’ouverture de l’établissement », « les contrôles a posteriori continueront évidemment d’être diligentés comme ils le sont de manière systématique depuis plus d’un an ».
Je suis moins bavarde, mais plus exigeante et plus carrée, et j’affirme qu’il doit y avoir un contrôle a minima pendant un an. Que ferons-nous, lorsque les gens auront fourni des dossiers répondant à tous vos critères ? Sans une exigence de contrôle, cela ne fonctionnera pas !
L’avis de la commission est donc défavorable sur cet amendement et, afin de gagner du temps, j’indique dès maintenant que je propose, par un amendement dont nous discuterons ensuite, de compléter le texte que la commission a construit avec beaucoup de rigueur et qui me semble respectueux de la liberté constitutionnelle tout en mettant en place un dispositif préventif contre les dévoiements qui existent.
(M. Hervé Marseille remplace Mme Françoise Cartron au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille
vice-président
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je suivrai l’avis de Mme le rapporteur, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, je ne fais aucunement confiance à ce gouvernement. L’expérience montre que les intentions du parti politique que vous représentez, monsieur le ministre, étaient plutôt malveillantes à l’égard de l’enseignement catholique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Rappelez-vous les manifestations qui ont obligé François Mitterrand à faire marche arrière !
Aujourd'hui, vous êtes donc mal placé pour défendre la position qui est la vôtre, même si je comprends l’objectif.
Nous vivons, il est vrai, une période particulièrement difficile et délicate. On peut en effet se poser des questions au sujet de l’enseignement confessionnel, en fonction de la confession concernée, car il y a un certain nombre de risques.
Mme Catherine Génisson. Vous stigmatisez !
M. Alain Vasselle. Mais Mme le rapporteur vous a apporté une réponse à ce sujet. Ce n’est pas en passant d’un régime de simple déclaration à un régime d’autorisation que l’on maîtrisera mieux l’enseignement privé. C’est bien l’effectivité du contrôle qui permettra de s’assurer que l’enseignement est dispensé dans de bonnes conditions, sur le plan moral comme sur celui du contenu pédagogique, et qu’il n’y a pas de déviance.
La déviance à laquelle vous avez, à juste raison, fait référence constitue une préoccupation majeure qui devrait inciter l’éducation nationale à renforcer ses contrôles dans l’enseignement confessionnel. C’est cette réponse qu’il faut apporter !
Nous ne voulons absolument pas vous donner un chèque en blanc en vous autorisant à procéder par ordonnance dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Je n’avais pas prévu de prendre la parole, mais l’intervention de mon collègue me fait réagir.
Les bras m’en tombent ! Nous étions dirigés il n’y a pas si longtemps par un gouvernement de droite, qui a fait son travail, bien ou mal fait, je vous laisse juge, mais jamais, monsieur Vasselle, je ne me serais permis de citer l’enseignement confessionnel catholique.
On ne peut pas être hypocrite. Quand il s’agit des catholiques, on pense quelque chose ; quand il s’agit des musulmans, on pense autre chose ; quand il s’agit des sectes, autre chose encore. L’éducation est nécessaire à tous les enfants français. Il faut donc prévoir des contrôles a posteriori et a priori. Mais, par pitié, ne ciblez pas des individus, ou bien c’est mal parti ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Christine Prunaud applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.
Mme Annie Guillemot. Permettez-moi de revenir sur trois points.
Concernant le diagnostic, il s’agit des écoles hors contrat, ainsi que l’a indiqué M. le ministre. Je me souviens des débats que nous avons eus au sein de l’Association des maires de France, auxquels avait d’ailleurs participé Françoise Gatel. Force est de constater que ce sont toujours les maires, quelle que soit leur position, sans esprit partisan, qui se retrouvent face à ce problème : en huit jours, ils doivent trouver des problèmes ou d’accessibilité ou de sécurité pour empêcher l’ouverture de certaines écoles. L’Association des maires de France a très souvent demandé une modification de la loi sur ce sujet.
Comme Mme Laborde, à entendre mes collègues, les bras m’en tombent !
Mme Françoise Laborde. Il est en effet inadmissible d’entendre de tels propos !
Mme Annie Guillemot. Le maire ne peut faire opposition que dans un délai de huit jours à compter d’une simple déclaration d’ouverture. Aujourd'hui, la loi c’est ça ! Je l’ai vécu voilà un an encore dans ma commune ; je sais donc de quoi je parle. Vous ne connaissez pas le demandeur, mais celui-ci peut ouvrir une école hors contrat. L’éducation nationale dispose d’un mois et le conseil départemental de l’éducation nationale ne peut agir qu’a posteriori.
Voilà pour le diagnostic. Tous les maires de France vous diront la même chose.
Ensuite, alors que nous sommes en état d’urgence, pourquoi ne pas vouloir accorder quatre mois à l’éducation nationale pour décider de l’ouverture d’une école hors contrat ?
M. le ministre l’a rappelé, 7 900 écoles sont sous contrat avec l’éducation nationale, dont 7 500 écoles confessionnelles. Il n’y a donc pas de crainte à avoir : toutes les écoles confessionnelles qui ont voulu ouvrir ont été ouvertes, et ce en lien avec l’éducation nationale.
Mme Françoise Laborde. Très bien !
Mme Annie Guillemot. Mes chers collègues, nous sommes, je le répète, en état d’urgence. Nous avons tous ici, dans cette assemblée, voté des dispositions bien plus sévères ! Alors, ne nous dites pas aujourd'hui qu’il n’est pas possible d’accorder quatre mois à l’éducation nationale pour décider de l’ouverture de telle ou telle école, quelle qu’elle soit, hors contrat !
Eu égard à ce qui se passe dans certains quartiers ou départements – M. Dallier me rejoindra, me semble-t-il, sur un certain nombre de points –, je vous demande d’être attentifs à l’importance du vote que vous allez émettre et j’insiste sur sa solennité.
L’école ouvrira au bout de quatre mois si tout va bien. Mais ne laissons pas les maires dans la situation actuelle. En huit jours, après une simple déclaration, on ne peut rien faire ! Reconnaissons que le délai de quatre mois est important au regard de l’état d’urgence que nous avons voté ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour explication de vote.
M. Gilbert Roger. Moi aussi, les bras m’en tombent ! Je partage les propos de mon collègue et ami Philippe Dallier.
Pendant plus de dix-sept ans, j’ai été maire d’une commune voisine de la sienne. Je puis vous dire que l’installation de la plupart des écoles hors contrat était totalement improvisée au départ et que ce n’est qu’après coup que j’en découvrais l’ouverture. Les seules possibilités que j’avais alors, comme maire, étaient de vérifier qu’il y avait bien une issue de secours et de contrôler un peu la sécurité, notamment face aux incendies, avant que l’éducation nationale ne puisse faire son rapport.
Prévoir une déclaration a priori pour les écoles hors contrat me semble normal. Cela constituerait un progrès pour éviter que des enfants ne se retrouvent dans des situations complexes. Cela éviterait aussi que des familles ne viennent manifester ici et là, une fois l’école ouverte, en demandant que l’on continue à les laisser faire au nom de la liberté de chacun d’éduquer comme il veut ses enfants.
Franchement, les propos que vous avez tenus sont inadmissibles.
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour explication de vote.
M. Alain Gournac. Les bras m’en tombent !
M. Yannick Vaugrenard. Je suis étonné de la teneur de nos échanges.
On devrait placer l’enfant, son avenir et ses droits au cœur du débat, et non pas rallumer une espèce de guerre scolaire qui n’a aucun sens en la matière.
Par ailleurs, ainsi que l’a rappelé notre collègue Annie Guillemot, nous sommes en état d’urgence. C’est donc au regard de cette situation que nous débattons et que nous prenons des décisions.
Permettez-moi de revenir sur les propos tenus par M. le ministre. Que ce soit une école de la République, une école privée sous contrat ou une école hors contrat, quel est l’objectif que nous devons assigner aux enseignants ? C’est de permettre aux enfants de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’avoir un sens critique, de développer leur sens moral et de partager les valeurs de la République pour pouvoir exercer leur citoyenneté.
Je ne comprends pas que l’on s’oppose à accorder au minimum quatre mois à l’éducation nationale pour s’assurer que les personnes ayant la possibilité d’ouvrir une école, au-delà du fait qu’elles aient dix-huit ans et qu’elles soient de nationalité française, soient en capacité de permettre aux enfants de partager les valeurs fondamentales de la République et de développer leur esprit critique pour être les citoyens de demain.
Enfin, madame Gatel, je voudrais revenir sur un certain nombre de propos que vous avez tenus à plusieurs reprises, mettant souvent en cause l’éducation nationale.
Ceux qui exercent le beau métier d’enseignant ne font pas le même métier qu’il y a dix, quinze, vingt ou trente ans. Aujourd'hui, il est beaucoup plus compliqué d’être enseignant ; il faut tenir compte de cette donnée. Ces hommes et ces femmes qui donnent beaucoup de leur temps au service de nos enfants et font preuve d’une grande disponibilité doivent être soutenus et non pas brocardés.
D’ailleurs, ce n’est pas en supprimant 80 000 emplois que l’on peut véritablement soutenir l’éducation nationale, mais c’est en en créant 60 000, comme nous l’avons fait. Ce n’est sans doute pas suffisant ; il faudra continuer dans cette voie. Et il faudra continuer à plutôt se préoccuper de l’enfant dès l’âge de deux, trois, quatre ou cinq ans, et pas seulement au collège, comme ce fut le cas précédemment. Cet aspect des choses est essentiel.
Je profite de cette intervention, qui n’était pas prévue, pour apporter un soutien fort à l’ensemble du personnel enseignant de l’éducation nationale : les personnels ont besoin de soutien et non pas de critiques systématiques. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je souhaiterais que M. le ministre m’apporte son éclairage, car je ne suis pas sûr de comprendre l’amendement du Gouvernement.
Plusieurs de nos collègues ont pointé, si je puis dire, les écoles hors contrat. À l’évidence, le problème se situe essentiellement là.
Permettez-moi de relire l’amendement : « Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi ayant pour objet de modifier les dispositions du code de l’éducation relatives aux établissements privés d’enseignement scolaire. »
Monsieur le ministre, pourquoi ne pas avoir établi de distinguo entre les écoles hors contrat et les écoles sous contrat ? Peut-être y aurait-il eu moins de doutes dans l’esprit de nos collègues, doutes que je comprends aussi… Le problème est peut-être là.
Pointez-vous uniquement les écoles hors contrat ou tout l’enseignement privé ? En lisant l’amendement, j’ai le sentiment que vous visez tout l’enseignement privé. Pourquoi n’avez-vous pas dissocié les deux ?
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Cet article est extrêmement important.
J’ai bien entendu les propos de M. Vasselle et de mes autres collègues. M. Vasselle n’a pas dit qu’il était contre les contrôles. Selon moi, il est essentiel qu’il y ait des contrôles. Certes, il a évoqué l’école catholique, mais il convient de parler de toutes les écoles confessionnelles. Je souhaiterais que Mme le rapporteur précise que l’amendement de la commission spéciale mentionne bien que des contrôles seront réalisés pour autoriser l’ouverture d’une école.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Sans aucun esprit polémique, je tiens à dire qu’il me semble important que nous choisissions les mots que nous employons, que nous lisions ce qui est écrit et que nous entendions ce qui est dit.
Monsieur Vaugrenard, cher collègue, je n’ai jamais méprisé les enseignants. Vous ne m’avez jamais entendu parler des enseignants. (M. Yannick Vaugrenard fait une moue dubitative.) Non ! Il y a, d’un côté, l’éducation nationale et, de l’autre, ceux qui essaient de faire fonctionner le système.
Mme Françoise Laborde. C’est bien de le préciser !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. On demande aux enseignants de remplir une mission impossible. On leur demande d’abord – c’est leur job ! – de faire acquérir aux enfants le socle commun des connaissances et des compétences, les fondamentaux. Il y a aujourd'hui dans ce pays 130 000 enfants qui décrochent du système scolaire et nous ne savons pas où ils sont. Ce ne sont pas les enseignants qui sont responsables. On demande aux enseignants de remplacer la famille, la société, de remplacer tout le monde. On en est presque à leur demander de former les élèves au permis de conduire ! Soyons sérieux !
Sérieusement, je n’ai pas du tout été libérale dans mon propos, vous le savez, cher collègue, car vous avez longuement participé à nos travaux. Si nous acceptons de dépasser nos esprits partisans – et j’endosse le mien –, nous devons reconnaître qu’il y a plus d’exigence et de précision dans les mots que j’ai écrits, dans la proposition que nous avons construite, que dans le texte du Gouvernement.
Pour répondre à la question de notre collègue, tous les établissements privés, confessionnels ou non, sont ici visés. En effet, ce n’est qu’après cinq ans d’exercice qu’un établissement peut demander à bénéficier d’un contrat d’association.
Cher collègue, vous parlez du délai. Je suis sûr que vous avez tout lu, mais la nuit a été longue : des choses ont pu être oubliées.
Nous avons porté le délai pour l’examen par le maire de huit jours à deux mois, celui par le directeur académique des services de l’éducation nationale à trois mois. En outre, si ce dernier constate que l’école est ouverte malgré son opposition, il aura le droit de retirer les enfants de l’école dans la minute qui suit, mesure que le Gouvernement ne propose pas. Nous avons aussi augmenté le montant des amendes prévues.
Je le dis et je le répète, cher collègue, soyez objectif. Sur un sujet comme l’école, dont on dit qu’elle est le creuset de la République, ce n’est pas le droit de l’enfant qui est visé : c'est la République ! Et c’est pour cette raison que nous sommes là aujourd'hui.
Enfin, nous avons instauré un principe de contrôle annuel. Encore une fois, mes chers amis, vous évoquez l’état d’urgence. Je l’entends bien, mais, pour prendre un exemple à peine caricatural,…
M. le président. Veuillez conclure, madame le rapporteur !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. … si l’on découvrait avant même qu’ils aient commis leur crime tous ceux qui sont malhonnêtes, les choses seraient réglées !
M. le président. Je vous demande de conclure, madame le rapporteur !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. On ne pourra empêcher une personne animée de mauvaises idées qui remplira un dossier extrêmement favorable d’ouvrir une école.
J’insiste donc sur l’objectivité, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale.
Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté ». J’apporte évidemment tout mon soutien à Mme le rapporteur. Ne faisons pas ici de procès d’intention ! Chacun d’entre nous a à cœur de prendre en compte l’intérêt de l’enfant, quelle que soit la travée sur laquelle il siège. Je m’inscris en faux contre toute accusation contraire.
Si l’on regarde bien les choses, le problème n’est pas tant celui de l’ouverture d’une école que celui de la fermeture, madame Guillemot. La fermeture ne peut être que la conséquence de contrôles qui doivent être réalisés. Or je crois que nous pouvons dire avec Mme le rapporteur que les contrôles manquent aujourd'hui.
MM. Charles Revet et Alain Vasselle. Très bien !
Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale. Je suis maire d’une commune située près des Mureaux, dans la vallée de la Seine. Les maires font des signalements, mais soit les contrôles font défaut, soit ils ont bien lieu, mais ils ne permettent pas de faire fermer l’école.
Le problème est donc non pas l’ouverture, mais la fermeture des écoles.
M. Yannick Vaugrenard. Les deux !
Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale. Entre une déclaration qui serait renforcée par la proposition de Mme le rapporteur et une autorisation, il y a finalement très peu de différence, sauf du point de vue de la Constitution.
Mme Annie Guillemot. C’est l’ouverture qui pose problème !
Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale. Le problème, c’est le contrôle, avec ses conséquences, et c’est sur ce point que nous devons faire porter nos efforts. C’est pourquoi je soutiens avec force le texte de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Dubois applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. Je n’avais pas du tout l’intention d’intervenir dans ce débat, mais je veux apporter tout mon soutien à Mme la rapporteur.
Monsieur Vaugrenard, vous avez véritablement fait un procès d’intention à Mme la rapporteur, qui n’a jamais parlé des enseignants ; elle a effectivement parlé de l’éducation nationale. Ne nous mettons pas la tête dans le sable pour refuser de comprendre que se posent des problèmes dans l’éducation nationale !
Je suis marié à une enseignante, qui exerce son travail avec passion, à l’instar de nombreux enseignants. Mais, aujourd'hui, tout est compliqué. Voilà une semaine, les gendarmes lui ont fait remarquer qu’ils avaient pu se rendre facilement dans son bureau de directrice, alors que le plan Vigipirate était activé, et lui ont reproché de ne pas assurer correctement la sécurité de l’école !
Que demande-t-on aux enseignants ? Je crois qu’il faut remettre l’église au milieu du village (Rires.)…
M. Yannick Vaugrenard. La mairie !
M. Jean-François Longeot. … et ne pas faire un procès d’intention à Mme la rapporteur. Elle n’a pas du tout attaqué les enseignants, mais elle a voulu appeler à une prise de conscience de la situation actuelle dans l’éducation nationale.
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.
M. Christian Favier. Pour notre part, nous voterons l’amendement du Gouvernement, bien que nous ne soyons pas, par principe, favorables aux ordonnances.
Nous considérons que nous sommes actuellement dans une situation très particulière : les écoles privées hors contrat s’ouvrent de manière extrêmement rapide, et les contrôles sont insuffisants, à notre sens.
Un délai de quatre mois nous paraît donc absolument nécessaire, ce qui n’est pas en contradiction, bien évidemment, avec le souhait exprimé par plusieurs de nos collègues pour qu’il y ait d’autres mesures de contrôle ensuite. C'est la raison pour laquelle nous sommes aussi favorables à ce qu’il y ait un contrôle au moins annuel de ces établissements.
Un délai de quatre mois permettra aux autorités d’exercer leur contrôle dans de bonnes conditions.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Mon explication de vote sera brève : vu le contenu du débat, notre groupe votera l’amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, merci pour ce beau débat « qui clive », pour reprendre la formule consacrée. Et, puisque l’on parle de clivage, je préfère pour ma part, monsieur Longeot, mettre la mairie au milieu du village (Sourires.), mais chacun ses opinions en la matière.
Je suis par ailleurs moi aussi marié à une enseignante, et j’ai donc l’occasion de débattre avec elle régulièrement du sujet.
Avant d’évoquer le fond, permettez-moi de revenir sur quelques interrogations, voire imprécisions, voire inexactitudes.
Tout d’abord, j’évoquerai un procès d’intention. Monsieur Vasselle, merci de rappeler l’histoire, mais elle n’a rien à voir avec le présent débat. Revenir au débat de 1984 relève d’un véritable procès d’intention, que je n’accepte pas au nom de ce que je suis et du combat que j’avais mené à l’époque, peut-être contre vous. La loi a tranché, et nous sommes aujourd'hui dans un régime de respect de la liberté d’enseignement, que l’amendement du Gouvernement ne remet en aucun cas en cause.
Monsieur Dallier, toutes les écoles privées sont au départ hors contrat, comme l’a expliqué Mme la rapporteur.
M. Philippe Dallier. Oui !
M. Patrick Kanner, ministre. Il faut attendre cinq ans de validation pour que l’école puisse obtenir un contrat d’association avec l’État, qui permet la prise en charge, vous le savez, de moyens de fonctionnement importants.
Madame Primas, la fermeture d’une école relève non pas de l’administration, mais de la justice,…
Mme Annie Guillemot. Tout à fait !
M. Patrick Kanner, ministre. … avec les délais nécessaires à une décision de justice juste et applicable. Pendant ce temps-là, les enfants peuvent être soumis à des forces négatives que nous voulons combattre. Je vous demande d’intégrer cet état de fait.
Dès lors que l’école est ouverte, elle ne peut pas être fermée par l’administration ; elle ne peut être fermée que par décision de justice.
Mme Annie Guillemot. Tout à fait !
Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale. Donnez le pouvoir à l’administration de fermer une école !
M. Patrick Kanner, ministre. Durant cet intervalle, l’enfant peut être mis en danger. Or nous ne voulons pas qu’il en soit ainsi.
Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale. Eh bien, changez cela !
M. Patrick Kanner, ministre. C’est pourquoi j’ai l’honneur de vous présenter cet amendement.
L’éducation nationale, ce sont d’abord les enseignants, madame la rapporteur. Je sais bien que ce rappel vous fait mal,…
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Oh non !
M. Patrick Kanner, ministre. … mais, supprimer 80 000 postes ainsi que les instituts de formation des maîtres, c’était affaiblir l’éducation nationale ! (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Que vous le vouliez ou non, mesdames, messieurs les sénateurs de droite et du centre, c’est votre bilan ! (Mêmes mouvements.) C’est dérangeant, mais c’est la réalité !
J’en viens maintenant au fond.
Le dispositif que vous proposez, madame la rapporteur, reste un régime de déclaration.
Mme Annie Guillemot. Oui !
M. Patrick Kanner, ministre. L’ouverture reste potentielle à compter de la date du dépôt de la demande, que vous le vouliez ou non. Pour notre part, nous proposons la démarche inverse.
Quatre mois pour instruire les dossiers et ainsi prendre le temps de former une éventuelle opposition motivée, quoi de plus normal dans une République organisée ? Si l’État ne dit mot d’ailleurs, silence vaudra naturellement accord. Nous sommes dans l’efficacité, une efficacité qui tient compte de l’environnement politique qui est le nôtre.
Enfin, je citerai l’exposé des motifs d’une proposition de loi présentée à l’Assemblée nationale par Éric Ciotti en avril 2016 : « Certains établissements présentent non seulement de graves faiblesses pédagogiques mais également des risques de radicalisation… » Une fois n’est pas coutume, nous pouvons être d’accord avec certains membres de notre opposition, qu’ils siègent au Sénat ou à l'Assemblée nationale, parce que l’intérêt des enfants suppose que nous soyons efficaces.
C’est le sens de cet amendement, et je vous remercie de le soutenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Monsieur le ministre, je ne demande qu’à vous rendre service. Si ça vous arrange et que vous estimez qu’un mois fait une différence, nous pouvons porter le délai que nous avons proposé à quatre mois.
J’ai, en plus, la solution à votre problème. Vous expliquez que, pendant que la procédure en justice se déroule, les enfants restent soumis à des ondes négatives et malfaisantes, pour être « poétique ». Comme je partage votre souci de l’intérêt de l’enfant, je vous renvoie à l’alinéa 14 de l’article 14 decies : « L'autorité compétente de l'État en matière d'éducation saisit le procureur de la République des faits constitutifs d'infraction aux dispositions du présent chapitre. Dans cette hypothèse, elle met en demeure les parents des élèves scolarisés dans l'établissement d'inscrire leur enfant dans un autre établissement, dans les quinze jours suivant la notification. »
Le DASEN n’a pas le droit de fermer l’école, vous avez parfaitement raison, monsieur le ministre. Mais, je vous le dis, nous faisons tout pour vous rendre service : nous lui offrons la possibilité d’enlever les enfants de l’école et les parents seront alors mis en demeure de les inscrire dans une autre école dans un délai de quinze jours.
Mme Annie Guillemot. Il faut une décision de justice !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mais non !
Mme Annie Guillemot. Sans décision de justice, ils ne voudront pas le faire !
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.
M. Jacques-Bernard Magner. Bien entendu, nous soutiendrons l’amendement présenté par M. le ministre.
Rappelez-vous, mes chers collègues, nous l’avons tous mentionné dans le cadre de la discussion générale, ce texte fait essentiellement suite aux graves attentats du mois de janvier 2015. Lorsque le Parlement s’est réuni à Versailles, nous voulions que toutes les précautions soient prises pour assurer une sécurité maximale dans notre pays. La commission d’enquête qui s’est constituée sur ce sujet a beaucoup travaillé sur les responsabilités éventuelles de l’école concernant les problèmes de la radicalisation de certains jeunes. Nous apportons là une réponse, en contrôlant plus et mieux l’ouverture des écoles privées hors contrat.
C’est pourquoi nous approuvons cet amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Carle. Madame le rapporteur, vous avez dit, en reprenant mes propos lors de la discussion générale, que le diable se cachait souvent dans les détails. C’est le cas ici.
L’article 14 decies, comme l’article 14 bis, émane d’une ambition tout à fait louable, celle de lutter contre la radicalisation. Pour ce faire, le Gouvernement propose, entre autres mesures, de passer d’un régime de déclaration à un régime d’autorisation. Or, là, c’est toucher à une liberté constitutionnelle, monsieur le ministre.
D’ailleurs, le Conseil constitutionnel, dans un arrêté du 16 juillet 1971 concernant la liberté d’association, qui est une liberté constitutionnelle, a confirmé qu’elle ne pouvait être soumise à une autorité administrative, ni même à une autorité judiciaire. Vous l’avez d’ailleurs implicitement reconnu lors de la discussion de l’article 14 bis. Votre proposition me semble donc contraire à la Constitution.
Si le législateur a voulu à plusieurs reprises, en 1881, en 1886 et en 1950, un système déclaratif, c’est bien pour garantir cette liberté fondamentale. D’ailleurs, l’Association des maires de France réclame elle aussi qu’on s’en tienne à un régime déclaratif mieux encadré, ce que propose Mme le rapporteur.
Monsieur le ministre, ne voyez aucune malice dans ma question, mais qu’est-ce qui se cache derrière tout cela ? Sans doute – et c’est votre droit – votre peu d’appétence pour l’enseignement privé. Ce n’est pas nouveau : en 1983, M. Savary avait agi de façon tellement voyante que les gens étaient descendus dans la rue. Aujourd’hui, vous agissez de façon plus cachée, mais non moins efficace…
On doit se poser une seule question : pourquoi tant de parents mettent-ils leurs enfants dans des établissements privés, sous contrat ou hors contrat ? Parce qu’ils n’ont pas la garantie de la réussite de leurs enfants dans l’enseignement public. Voilà le vrai problème : notre système éducatif n’assure plus l’égalité des chances. Je suis d’autant plus à l’aise pour en parler que je suis moi-même un pur produit de l’enseignement public, tout comme mes enfants.
Plutôt que de remettre en cause la liberté de l’enseignement, Mme la ministre de l’éducation nationale devrait plutôt se consacrer à la réussite de tous les élèves. Je le dis sans idéologie (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain.) : l’école n’est ni de droite ni de gauche, elle appartient à l’ensemble de la Nation ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Monsieur Carle, chacun appréciera votre soutien actif à l’école de la République au travers de votre propos.
J’ai bien entendu que vous étiez un enfant de l’école publique de votre village ou de votre ville. Cela étant, ce sont les actes qu’il faut juger. Le rétablissement des moyens affectés à l’école publique montre qui soutient aujourd’hui l’école de la République de manière efficace. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
L’alinéa 14 de l’article 14 decies tel que vous l’avez rédigé, madame la rapporteur, ne change rien au droit en vigueur : en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale, tout agent public ayant connaissance d’une infraction doit en aviser le procureur de la République. En revanche, vous l’avez souligné vous-même, dans le cas où un établissement d’enseignement privé ayant ouvert sans autorisation serait amené à fermer, les enfants y étant scolarisés devraient être inscrits dans un autre établissement. Imaginez-vous le traumatisme que cela peut représenter pour un enfant d’être brutalement changé d’école ? (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC. – Mme Françoise Gatel, rapporteur, proteste.)
Madame la rapporteur, je n’ai pas de leçon à recevoir de vous et je n’accepte pas le ton que vous avez employé.
M. Ladislas Poniatowski. Quel sectarisme ! C’est insupportable !
M. Patrick Kanner, ministre. Je vous le dis avec beaucoup de respect.
Ce débat nous permet de constater que certains, dans cet hémicycle, ont manifestement adopté une posture idéologique. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Alain Vasselle. Balayez devant votre porte !
M. Ladislas Poniatowski. Petit ministre sectaire !
M. Patrick Kanner, ministre. Sachez non seulement que je maintiens cet amendement, mais encore que je défendrai cette position devant l’Assemblée nationale, parce que le Gouvernement a à cœur de protéger les intérêts de l’enfant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Christine Prunaud applaudit également.)
M. Ladislas Poniatowski. Tout petit ministre !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je n’avais pas l’intention d’intervenir, mais, comme vous estimez que je vous ai manqué de respect, monsieur le ministre,…
M. Alain Vasselle. C’est un provocateur !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. … je tiens à dire que je trouve incroyable que, dans ce pays, on ne puisse s’exprimer sur l’éducation nationale sans se faire qualifier de toutes les épithètes.
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je vous ai expliqué hier, avec beaucoup de respect – je ne suis pas énervée, je ne fais que m’expliquer –, que votre texte dérivait. Mais là, vous coulez ! Vous êtes à la peine !
Mme Françoise Férat. Eh oui !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je vous prie de m’excuser, monsieur le ministre, je vais adopter un ton plus aimable.
Vous l’avez rappelé, nous proposons à l’alinéa 14 de cet article que, dès lors qu’un établissement aurait enfreint l’interdiction d’ouverture, le recteur d’académie puisse « vider » celui-ci de ses élèves, à charge pour les parents d’inscrire ceux-ci dans un autre établissement scolaire, et ce dans un délai de quinze jours. Vous me dites que ce n’est pas possible, mais alors expliquez-moi pourquoi le DASEN peut faire obligation à des parents assurant l’instruction de leur enfant à domicile et qui n’auraient pas satisfait dans les formes requises, successivement, à deux contrôles d’inscrire celui-ci dans un établissement scolaire dans un délai de quinze jours ?
Monsieur le ministre, j’ai beaucoup de respect pour vous et nous avons toujours bien travaillé ensemble. Si vous n’avez pas apprécié le ton que j’ai employé, je vous prie de m’en excuser, mais, quant à moi, je trouve que vos propos dépassent le fond de votre pensée, ce que je vous pardonne. (Rires et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Alain Vasselle. Excellent rapporteur !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 663.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 4 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 154 |
Contre | 189 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 711, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
La même déclaration doit être faite en cas de changement des locaux de l’école, ou en cas d’admission d’élèves internes. Un décret fixe la liste des pièces constitutives du dossier de déclaration.
II. – Alinéa 8
Remplacer le mot :
école
par le mot :
établissement
III. – Alinéa 9, au début
Insérer le mot :
Simultanément,
IV. – Alinéa 10, seconde phrase
Remplacer le mot :
pédagogique
par le mot :
d’établissement
V. – Alinéa 13
Après le mot :
chapitre
insérer les mots :
, les articles L. 914-4 et L. 914-5
VI. – Alinéa 16
Remplacer le mot :
premier
par le mot :
deuxième
VII. – Alinéa 19
Supprimer le mot :
de
VIII. – Compléter cet article par sept alinéas ainsi rédigés :
4° a) Au II de l’article 7 de l’ordonnance n° 2007-1801 du 21 décembre 2007 relative à l’adaptation à Mayotte de diverses dispositions législatives, la référence : « L. 441-13 » est remplacée par la référence : « L. 441-3 » ;
b) Le a) du 4° du 4 de l’article 261 du code général des impôts est ainsi modifié :
- Au deuxième alinéa, la référence : « L. 441-9 » est remplacée par la référence : « L. 441-3 » ;
- Au quatrième alinéa, les références : « L. 441-10 à L. 441-13 » sont remplacées par les références : « L. 441-1 à L. 441-3 » ;
c) Au 1° du I de l’article L. 234-6 du code de l’éducation, les mots : « les articles L. 441-5 et L. 441-6 » sont remplacés par les mots : « l’article L. 914-5 » ;
d) Au 2° du I du même article, la référence : « L. 441-8 » est remplacée par la référence : « L. 914-5 » ;
e) Aux articles L. 6234-1 et L. 6234-2 du code du travail, la référence : « L. 441-13 » est remplacée par la référence : « L. 441-3 ».
La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° 247, présenté par Mme Prunaud, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Rédiger ainsi cet alinéa :
a) Au deuxième alinéa, les mots : « peut prescrire chaque année » sont remplacés par les mots : « prescrit au moins une fois par an » ;
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Cet amendement vise à permettre aux autorités compétentes de ne pas se limiter à un contrôle unique par an dans les cas où un doute subsisterait quant à l’honnêteté ou à la représentativité du contrôle effectué.
Il s’agit ici d’un filet de sécurité pour l’éducation nationale, combinant à la fois le respect de la liberté d’instruction et l’obligatoire prudence des services de l’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 247 ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mon cher collègue, votre amendement est satisfait par le texte de la commission, lequel dispose que le contrôle a lieu au moins une fois par an.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 711.
Concernant l’amendement n° 247, comme Christian Favier, nous sommes tous convaincus qu’il faut renforcer le contrôle des établissements déjà ouverts, ce que le Gouvernement fait déjà. Il poursuivra dans cette voie en y consacrant des moyens supplémentaires. Cette action passe par une meilleure sélection des établissements inspectés, en particulier, même s’ils sont une minorité, ceux dont le fonctionnement manque de transparence – ils existent manifestement. Il faut donc saluer les élus locaux quand ils signalent à l’État ces établissements scolaires qui posent problème, car ce sont bien eux qui sont le plus à même de repérer ceux qui ne respecteraient ni leurs obligations légales ni leurs obligations vis-à-vis des enfants.
Monsieur le sénateur, j’estime préférable de ne pas rigidifier le système en imposant des obligations parfois difficiles à faire respecter. Par conséquent, je sollicite le retrait de votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 247 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 626 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Collombat, Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Guérini et Hue, Mmes Jouve et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 10, seconde phrase
Après les mots :
nom et les titres du chef d’établissement et des enseignants,
insérer les mots :
leur acte de naissance, un extrait de leur casier judiciaire, l’indication des lieux où ils ont résidé et des professions qu’ils ont exercées pendant les dix dernières années,
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Comme l’a rappelé la ministre de l’éducation nationale, « il est plus facile d’ouvrir une école qu’un restaurant ou un bar ».
Afin de garantir le droit de l’enfant à l’éducation, le Gouvernement proposait de modifier par ordonnance le régime d’ouverture des établissements privés. Si les dysfonctionnements ou les dérives sont minoritaires, elles existent. C’est pourquoi nous saluons la méthode adoptée par la rapporteur de la commission spéciale, qui a mis en place un régime de déclaration unique, renforcé le contrôle en allongeant les délais d’opposition et complété les motifs d’opposition, mais nous estimons que ces mesures ne vont pas assez loin : il faut faire la différence entre écoles sous contrat et écoles hors contrat, même si nous avons bien compris qu’il fallait être hors contrat pendant cinq ans avant de passer sous contrat.
Les dispositions du code de l’éducation en vigueur prévoient que, pour ouvrir un établissement d’enseignement du premier degré privé, le demandeur adresse son acte de naissance, ses diplômes, l’extrait de son casier judiciaire, l’indication des lieux où il a résidé et des professions qu’il a exercées pendant les dix années précédentes. Le présent amendement vise à exiger ces justificatifs, qui sont essentiels, pour vérifier que le chef d’établissement et les enseignants – et non un demandeur – remplissent les conditions de moralité et qu’ils sont en capacité de garantir le droit de l’enfant à l’instruction. Il vise ainsi à étendre les dispositions en vigueur à l’ensemble des établissements et aux enseignants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Les dispositions que vous évoquez, ma chère collègue, sont de nature réglementaire.
Vous l’aurez remarqué, nous avons particulièrement durci les règles et augmenté le nombre de pièces à fournir. Il y a notamment le projet pédagogique et les modalités de financement de l’établissement, les programmes et l’horaire de l’enseignement devant être dispensé. Toutefois, la commission a fait le choix de renvoyer à un décret en Conseil d’État la fixation des modalités de la déclaration et la liste des pièces qui la constituent. Par conséquent, votre amendement est satisfait, et je vous invite à le retirer ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. La fixation des modalités d’examen d’une déclaration de demande relève du domaine réglementaire ; le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Par ailleurs, le Gouvernement considère que le dispositif adopté par la commission n’est pas abouti.
M. le président. Madame Laborde, l'amendement n° 626 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Non, je le retire, monsieur le président, puisque ce que nous proposons est d’ordre réglementaire. Cela étant, nous serons attentifs au contenu du décret.
M. le président. L'amendement n° 626 rectifié est retiré.
L'amendement n° 623 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’établissement ne peut être ouvert qu’après décision favorable de l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation rendue dans les trois mois à compter du jour de la réception de la déclaration adressée par le demandeur. L’absence de réponse vaut rejet de la demande d’autorisation.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Dans le même esprit que le précédent, cet amendement vise à instaurer un régime d’autorisation pour l’ouverture des établissements d’enseignement privé. Il tend à maintenir la possibilité pour le maire, l’autorité académique, le préfet et le procureur de la République de s’opposer à l’ouverture de l’établissement. Cela laisserait ainsi le temps à l’administration d’évaluer le projet pédagogique, cependant que l’absence de réponse vaudrait rejet de la demande – ce qui est assez sévère, j’en conviens.
L’autorisation ne constituerait pas un blanc-seing octroyé à ces établissements, puisque le non-respect des conditions fixées par la loi, vérifié lors des contrôles a posteriori, entraînerait la fermeture de l’établissement, après mise en demeure.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’adoption de cet amendement permettrait à l’administration de refuser à un citoyen, sans se justifier, l’exercice d’une liberté constitutionnelle.
Pour cette raison, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Chacun l’aura bien compris, nous reviendrons sur ces débats à l’Assemblée nationale.
Le Gouvernement propose un régime d’autorisation, le silence valant accord au bout de quatre mois. Nous voulons laisser le temps aux services de l’État d’instruire les dossiers, mais nous ne souhaitons pas allonger ce délai afin d’éviter d’enjamber trop aisément les vacances scolaires.
Madame Laborde, il existe plusieurs régimes d’ouverture d’écoles privées hors contrat, et les dispositions qui les régissent sont pour certaines plus que centenaires.
L’ordonnance que nous présenterons le moment venu sera examinée par le Conseil d’État, ce qui permettra de vérifier sa conformité aux principes constitutionnels et d’assurer une coordination parfaite du dispositif dans chacun des textes qui seront ainsi impactés.
Compte tenu de cette procédure à venir et de cette analyse juridique précise que délivrera le Conseil d’État – si l’Assemblée nationale rétablit son texte –, je sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Madame Laborde, l'amendement n° 623 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Non, je le retire, monsieur le président ; je fais confiance à M. le ministre.
M. le président. L'amendement n° 623 rectifié est retiré.
L'amendement n° 624 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Après le montant :
15 000 euros d'amende
insérer les mots :
, de 1 000 euros par jour de retard après signification de l'opposition de l'autorité administrative compétente
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Je pense que le présent amendement va également plaire… (Sourires.) Il vise à instaurer une astreinte financière plus importante afin de renforcer le caractère dissuasif des sanctions applicables en cas d’ouverture d’un établissement d’enseignement privé malgré l’opposition des autorités compétentes ou lorsque les conditions fixées par la loi ne sont pas respectées. Cette sanction devrait inciter l’établissement à se mettre rapidement en conformité, dans l’intérêt des enfants qui y sont accueillis.
Cette disposition rejoint ce qui figure aux alinéas 13 et 14, en renforçant, j’en conviens, les sanctions financières.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. J’apprécie vos commentaires, chère collègue, sur les propositions que nous avons faites. Toutefois, votre amendement – vous avez d’ailleurs anticipé mon avis au début de votre intervention – soulève quelques difficultés.
D’une part, s’agissant de l’exercice d’une liberté publique, seul le juge est compétent pour prononcer ces sanctions.
D’autre part, l’astreinte que vous proposez d’introduire aurait un effet rétroactif, ce qui est contraire à la législation en la matière.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. En dépit de la confiance que m’accorde Mme Laborde, j’émets également un avis défavorable sur cet amendement.
Dans le régime actuel comme dans le régime projeté, une peine correctionnelle est prévue si un établissement ouvre alors que l’administration y a opposé un refus. Prévoir en plus de cette peine une astreinte administrative apparaît comme contraire au principe traditionnel du droit français non bis in idem, principe selon lequel nul ne peut être poursuivi ou puni à raison des mêmes faits. Une telle disposition serait jugée disproportionnée au regard de l’objectif visé.
M. le président. Madame Laborde, l'amendement n° 624 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Non, je vais le retirer, monsieur le président, et, même si j’ai une prédisposition pour le comique de répétition, je retire dès à présent l’amendement n° 627 rectifié, qui est dans la même veine. En effet, chacun l’aura compris, je suis pour le régime d’autorisation et non pour le régime de déclaration.
Je retire donc l’amendement n° 624 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 624 rectifié est retiré.
L'amendement n° 712, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
…) Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Il fournit un certificat de stage constatant qu'il a rempli, pendant cinq ans au moins, les fonctions de professeur ou de surveillant dans un établissement d'enseignement du second degré public ou privé d'un État membre de l’Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'espace économique européen. Ce certificat de stage est délivré par le recteur sur l'attestation des chefs des établissements où le stage a été accompli, après avis du conseil académique de l'éducation nationale.
« Le fait, pour un chef d'établissement d'enseignement du second degré privé ou public, de délivrer une fausse attestation, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. »
La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement vise à renforcer les exigences dans la procédure d’ouverture d’une école en rétablissant l'obligation, pour le directeur d'un établissement d'enseignement du second degré privé, d'avoir exercé pendant cinq ans au moins les fonctions de professeur ou de surveillant dans un établissement scolaire du second degré.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Sans surprise, le Gouvernement émet un avis défavorable, par cohérence avec la position qu’il a défendue précédemment.
Je souhaite que le travail de recodification puisse être soumis en premier lieu au Conseil d’État dans le cadre de l’ordonnance qui sera présentée.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour explication de vote sur l'article.
M. Jean-Claude Carle. Notre groupe votera cet article dans sa rédaction issue des travaux de la commission, et ce pour trois raisons.
Premièrement, il respecte la liberté constitutionnelle en conservant le régime déclaratif.
Deuxièmement, il rallonge les délais – huit jours, c’était effectivement trop court – et renforce les contrôles.
Troisièmement, il harmonise les différents régimes.
À cet égard, je remercie Mme le rapporteur de l’important travail qu’elle a fait dans un temps très réduit.
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.
M. Jacques-Bernard Magner. Nous l’avons dit lors du long débat que nous avons eu : l’amendement présenté par le Gouvernement avait notre agrément. Par conséquent, le groupe socialiste et républicain ne votera pas cet article compte tenu des modifications qui lui ont été apportées.
M. le président. Je mets aux voix l'article 14 decies, modifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 5 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Pour l’adoption | 189 |
Contre | 124 |
Le Sénat a adopté.
Article additionnel après l'article 14 decies
M. le président. L'amendement n° 627 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l'article 14 decies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après les mots : « six mois d'emprisonnement », la fin de la première phrase du second alinéa de l’article 227-17-1 du code pénal est ainsi rédigée : « , 15 000 euros d'amende et de 1 000 euros d'astreinte par jour de retard. »
Cet amendement a été précédemment retiré.
Article 14 undecies
(Non modifié)
À titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter de la rentrée universitaire 2017 et dans des conditions déterminées par décret, les bacheliers professionnels des régions académiques déterminées par les ministres chargés de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur peuvent, par dérogation à l’article L. 612-3 du code de l’éducation, être admis dans les sections de techniciens supérieurs par décision du recteur d’académie prise au vu de l’avis rendu par le conseil de classe de leur établissement d’origine, pour chacune des spécialités de sections de techniciens supérieurs demandées par les candidats au baccalauréat professionnel au cours de la procédure d’orientation. – (Adopté.)
Article 15
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 418 est présenté par MM. Magner et Guillaume, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur, Vandierendonck et Vaugrenard, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 493 est présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – L’avant-dernier alinéa de l’article 6 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Par dérogation, un mineur âgé de seize ans révolus peut être nommé directeur ou codirecteur de la publication de tout journal ou écrit périodique réalisé bénévolement, sans préjudice de l’application de la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse. La responsabilité des parents d’un mineur âgé de seize ans révolus nommé directeur ou codirecteur de publication ne peut être engagée, sur le fondement de l’article 1384 du code civil, que si celui-ci a commis un fait de nature à engager sa propre responsabilité civile dans les conditions prévues par la présente loi. »
II. – Le quatrième alinéa de l’article 93-2 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Par dérogation, un mineur âgé de seize ans révolus peut être nommé directeur ou codirecteur de la publication réalisée bénévolement. La responsabilité des parents d’un mineur âgé de seize ans révolus nommé directeur ou codirecteur de publication ne peut être engagée, sur le fondement de l’article 1384 du code civil, que si celui-ci a commis un fait de nature à engager sa propre responsabilité civile dans les conditions prévues par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »
III. – Le présent article est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour présenter l’amendement n° 418.
M. Jacques-Bernard Magner. Actuellement, seuls les mineurs lycéens peuvent créer leurs propres journaux et être directeurs ou codirecteurs de publications diffusées uniquement au sein de leur établissement scolaire. Le projet de loi étendait ce droit à l’ensemble des mineurs de seize ans et plus, y compris pour les publications en ligne. Cet article a été supprimé en commission spéciale. Contrairement à ce qu’avance Mme Gatel dans son analyse pour justifier cette suppression, il s’agissait non pas d’une remise en cause de la majorité à dix-huit ans, mais simplement d’une extension d’un droit en vigueur pour une partie des mineurs seulement. En outre, le droit reconnaît déjà des prémajorités économiques ou pénales.
Concernant la question de la responsabilité des mineurs, qui justifierait également, pour la rapporteur, la suppression de cet article, le Conseil d’État a été très clair sur ce point dans son avis sur le présent texte. Il a « estimé nécessaire de compléter le projet de loi afin de préciser que la responsabilité civile des représentants légaux du mineur nommé directeur de publication ne puisse être engagée qu’à raison d’une faute du mineur dans les conditions prévues par la loi du 29 juillet 1881 et sur le fondement de l’article 1384 alinéa 4 du code civil ».
Afin d’éviter que la responsabilité des parents ne soit engagée en l’absence de faute du mineur et du simple fait de l’existence d’un préjudice causé par la publication, il est donc précisé explicitement que la responsabilité parentale pourra être recherchée sur le fondement de l’article 1384 du code civil uniquement si le fait à l’origine du dommage est susceptible d’engager la responsabilité civile du directeur de la publication, dans les conditions prévues par la loi du 29 juillet 1881.
Il n’y a donc aucune ambiguïté et aucun risque juridique à étendre ce droit ; il faut juste opérer un changement de regard vis-à-vis de la jeunesse pour lui faire plus confiance. Car, même dans la presse lycéenne, qui bénéficie pourtant d’un cadre juridique encourageant et protecteur, un changement de regard serait nécessaire là aussi pour que les adultes laissent vraiment les lycéens prendre les responsabilités auxquelles ils aspirent. Ainsi, selon l’Observatoire des pratiques de presse lycéenne, en 2010, 73 % des journaux lycéens avaient un responsable de publication adulte, qui, en plus, n’avait généralement pas été choisi par la rédaction.
En moyenne, 45 % des journaux lycéens sont soumis à un contrôle avant publication, et ce contrôle concerne même jusqu’à 68 % des journaux dont le responsable est un élève. Pourtant, depuis 1991, les lycéens, mineurs compris, ont le droit d’assumer la responsabilité juridique de leur publication « sans autorisation ni contrôle préalable du chef d’établissement ».
Nous avons donc encore des progrès à faire en matière de liberté d’expression. Ce projet de loi nous en offre l’occasion. Le journalisme jeune est un véritable atelier de pratique démocratique qui mériterait d’être mieux valorisé, développé et, surtout, le droit de publication doit devenir un droit accessible à l’ensemble de la jeunesse, conformément à nos engagements internationaux.
Les jeunes de plus de seize ans non scolarisés, les jeunes d’un conseil de jeunes ou d’un club de sport, par exemple, ne peuvent pas publier leur propre journal. Pourquoi une telle discrimination ?
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jacques-Bernard Magner. Si j’en juge par les excès de Mme la rapporteur, je peux continuer… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Sur la question des nouveaux droits aux plus de seize ans, une forte divergence nous oppose : nous n’avons pas la même conception du droit à la parole des jeunes ni de leur autonomie. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Votre temps de parole est écoulé !
M. Jacques-Bernard Magner. Vous avez supprimé tous ces nouveaux droits et, par là même, vous avez amputé le titre Ier de mesures qui concouraient à sa cohérence. C’est tout le volet « émancipation et autonomie des jeunes » qui est ainsi mis à mal.
M. le président. Mon cher collègue, je vous rappelle que, aux termes du règlement, la rapporteur peut prendre la parole quand elle le souhaite.
La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l’amendement n° 493.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement, identique à celui qui vient d’être présenté, vise à rétablir l’article 15 du projet de loi dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale pour accorder aux jeunes de seize ans et plus le droit de devenir directeur de publication d’un journal ou d’un périodique de façon bénévole.
Activité courante dans les établissements scolaires, la réalisation d’un journal est un excellent moyen de donner plus d’autonomie aux jeunes, qui ont envie de s’exprimer et de partager avec les autres leurs idées, leurs passions et leurs découvertes. Or si les journaux lycéens sont autorisés par la loi, que se passe-t-il pour tous ceux qui ont quitté l’école à seize ans et qui voudraient créer une publication ?
Le projet de loi Égalité et citoyenneté sert l’ambition de garantir à tous les mêmes droits, et son titre Ier vise à favoriser l’autonomie, l’initiative et l’engagement des jeunes. En parfaite cohérence avec ces deux objectifs, l’article 15 y a toute sa place. Aussi est-il fondamental que le Sénat le rétablisse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il convient d’avoir confiance dans les jeunes, mais aussi de les protéger. De ce point de vue, il ne faut pas sous-estimer le risque que l’article 15 faisait courir aux jeunes, sur le plan pénal comme sur le plan civil. C’est en considération de ce risque non négligeable que la commission spéciale a supprimé l’article.
J’ajoute que le jeune peut tout à fait prendre des responsabilités et s’engager en écrivant des articles, ce qui est plus facile et moins risqué que d’être directeur de publication.
J’émets donc un avis défavorable sur les deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Vous ne serez pas surpris qu’il diverge de celui de la commission spéciale.
À l’heure où des jeunes, y compris de moins de treize ans, peuvent ouvrir un compte Facebook et y écrire ce qu’ils souhaitent, l’article 15 relève du pragmatisme et traduit, madame la rapporteur, une vraie confiance à l’égard de notre jeunesse. La jeunesse attend des preuves de notre confiance ; essayons de lui en donner !
Le Gouvernement est totalement favorable au rétablissement de l’article 15, parce que la participation des jeunes à la réalisation de journaux leur donne l’occasion de vivre pleinement leur citoyenneté en faisant entendre leur voix.
Aujourd’hui déjà, les mineurs peuvent écrire dans une publication bénévole, sous couvert d’un directeur de publication majeur, et, en vertu d’une circulaire de 1991 actualisée en 2002, être directeur de publication, mais seulement dans le strict cadre privé du lycée.
Or la liberté d’expression constitue un apprentissage concret de la démocratie, ainsi que de la construction du citoyen et de ses opinions. Elle est aussi sûrement un moyen de lutter contre l’abstentionnisme des jeunes en donnant à ceux-ci des responsabilités. Elle est l’un des droits affirmés, en son article 13, par la convention internationale des droits de l’enfant de 1989, que la France a été le deuxième État à ratifier.
Il importe donc que tous les mineurs souhaitant s’engager dans une publication et prendre leurs responsabilités en la dirigeant puissent le faire dans un cadre sécurisé pour eux et pour leurs représentants légaux.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 418 et 493.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 15 demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 15
M. le président. L’amendement n° 295 rectifié, présenté par MM. Antiste, Cornano et J. Gillot, Mme Jourda et MM. Karam, S. Larcher et Patient, est ainsi libellé :
Après l'article 15
Insérer un article ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 114-2 du code du service national est ainsi rédigé :
« La journée défense et citoyenneté a lieu au plus tard trois mois après la date de recensement. »
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. La journée défense et citoyenneté, obligatoire pour l’ensemble des citoyens français, est l’occasion non seulement de sensibiliser les participants au civisme et au secourisme, mais également d’évaluer leur maîtrise des apprentissages fondamentaux de la langue française et d’orienter les jeunes vers différentes formes d’engagement, selon les difficultés rencontrées. La convocation intervient entre la date de recensement, comprise entre la date des seize ans et la fin du troisième mois suivant, et celle des dix-huit ans.
Compte tenu du nombre de jeunes en situation de décrochage ne maîtrisant pas le socle de base, les auteurs de l’amendement proposent, afin de détecter au plus tôt leurs difficultés et de les orienter vers des dispositifs de remédiation adaptés, d’organiser cette journée au plus tard trois mois après la date de recensement, comme c’est déjà le cas pour les jeunes obtenant la nationalité française entre dix-huit et vingt-cinq ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Le présent amendement vise à fixer la JDC dans les trois mois suivant le seizième anniversaire du jeune. Je ne suis pas sûre que cette mesure soit utile, vu que les jeunes en décrochage scolaire ont déjà la possibilité d’effectuer cette journée bien avant leur majorité. Il me semble donc, mon cher collègue, que votre demande est satisfaite.
Par ailleurs, l’amendement comporte une contrainte supplémentaire par rapport au système actuel, dans lequel les jeunes peuvent attendre jusqu’à leur dix-huitième anniversaire pour effectuer leur JDC.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Je rappelle que les appelés participant à la JDC ont en moyenne dix-sept ans et trois mois et que les listes de recensement sont transmises trimestriellement par les mairies aux centres du service national, qui les traitent dans la foulée. Ce délai permet aux mairies de rationaliser les tâches liées aux opérations de recensement des jeunes en concentrant les travaux sur le mois suivant le trimestre de recensement.
Même si la périodicité de l’envoi des listes de recensement était modifiée, convoquer les jeunes dans les trois mois suivant leur recensement ne laisserait que quarante-cinq jours, au mieux, à l’administration chargée du service national pour réaliser de très nombreuses opérations : intégration de données personnelles, affectation et convocation, notamment.
Pour ces raisons, toutes pratiques, monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; s’il était maintenu, j’y serais défavorable.
M. Maurice Antiste. Je retire l’amendement !
M. le président. L’amendement n° 295 rectifié est retiré.
M. Patrick Kanner, ministre. Merci, monsieur le sénateur !
Article 15 bis A
I. – Le parrainage républicain d’un enfant est célébré à la mairie à la demande de ses parents lorsqu’ils exercent en commun l’autorité parentale ou à la demande de celui qui l’exerce seul.
La célébration a lieu dans la commune où l’un des parents au moins à son domicile ou sa résidence, établie par un mois au moins d’habitation continue à la date de la cérémonie.
Toute personne, à l’exception de celle déchue de ses droits civiques ou à qui l’autorité parentale a été retirée, peut s’engager en qualité de parrain ou marraine à concourir à l’apprentissage par l’enfant de la citoyenneté dans le respect des valeurs républicaines.
Au jour fixé, le maire, un adjoint ou un conseiller municipal agissant par délégation du maire reçoit, publiquement et en présence de l’enfant, la déclaration des parents du choix des parrain et marraine ainsi que le consentement de ces derniers à assumer leur mission.
Acte de ces déclarations est dressé sur le champ dans le registre des actes de parrainage républicain et signé par chacun des comparants et par le maire, l’adjoint au maire ou le conseiller municipal.
L’acte de parrainage républicain énonce :
1° Les noms, prénoms, domiciles, dates et lieux de naissance des parents ;
2° Les noms, prénoms, date et lieu de naissance de l’enfant parrainé ;
3° Les noms, prénoms, domiciles, dates et lieux de naissance des parrain et marraine ;
4° La déclaration des parents de choisir pour leur enfant les parrain et marraine désignés par l’acte ;
5° La déclaration des parrain et marraine d’accepter ce rôle.
À l’issue de la cérémonie, il est remis aux parents, ainsi qu’aux parrain et marraine, une copie de l’acte consigné dans le registre.
II. – Le 4° du I de l’article L. 213-2 du code du patrimoine est complété par un f ainsi rédigé :
« f) Pour les registres de parrainage républicain, à compter de la date d’établissement de l’acte ; ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 46 rectifié, présenté par MM. Grand, Joyandet, Bouchet et Huré, Mme Micouleau, MM. Raison, Perrin, Pinton, Panunzi, Pillet, Mandelli, Vasselle, B. Fournier, Milon, Houel, Cambon, Charon, Masclet, P. Leroy, Delattre, Savin, de Legge et Reichardt, Mme Deroche, MM. Mayet, Laufoaulu et Lemoyne, Mme Giudicelli, M. Laménie et Mme Lamure, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – Il est institué un prélèvement sur les recettes de l’État destiné à soutenir les communes pour la mise en place obligatoire du parrainage républicain accompagnée d’une cérémonie publique, de la tenue d’un registre et l’établissement d’actes.
Le montant de ce prélèvement est égal aux éventuelles charges directes qui résulteraient pour les communes de la mise en œuvre du I.
… – La perte de recettes résultant pour l’État du III est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je présente cet amendement au nom de notre collègue Jean-Pierre Grand, qui en est le premier signataire.
Introduit en séance à l’Assemblée nationale, l’article 15 bis A inscrit le parrainage civil dans la loi en permettant à une personne choisie par les parents de « concourir à l’apprentissage par l’enfant de la citoyenneté dans le respect des valeurs républicaines ». La rédaction de cet article s’inspire en grande partie des termes de la proposition de loi relative au parrainage civil adoptée par le Sénat le 21 mai 2015.
Même si le parrainage civil n’est pas en tant que tel un acte d’état civil, son inscription dans la loi n’est pas neutre pour les communes, dans la mesure où l’officialisation de ces cérémonies va nécessairement en accroître le nombre. Les demandes sont d’ailleurs déjà de plus en plus nombreuses, comme nous le constatons dans nos collectivités territoriales. De fait, la préparation des dossiers, l’organisation de la cérémonie en présence de l’enfant, de ses parents, de ses parrain et marraine et de leurs invités, la rédaction d’un acte et la tenue d’un registre sont autant de charges nouvelles pour les communes. C’est la raison pour laquelle nous proposons que l’État compense aux communes, au moyen d’un prélèvement sur ses recettes, la charge que cette mission nouvelle représentera pour elles.
Notre collègue André Reichardt a déposé deux amendements comparables ; si Mme le rapporteur considère que l’un d’entre eux est mieux rédigé que le nôtre, mes collègues et moi-même nous soumettrons bien entendu à son avis.
M. le président. L’amendement n° 275 rectifié, présenté par MM. Reichardt et Joyandet, Mme Imbert, MM. Huré, Calvet, Kennel et Masclet, Mme Des Esgaulx, M. Panunzi, Mme Troendlé, MM. A. Marc et D. Laurent, Mme Giudicelli, MM. Lefèvre, Bonhomme, Savin, Dufaut, Mandelli et Laménie et Mme Deromedi, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
III. – Il est institué un prélèvement sur recettes de l’État afin de compenser l’accroissement net de charges résultant pour les communes de la création d’une nouvelle compétence en matière de parrainage républicain, au sens de l’article L. 1614-1-1 du code général des collectivités territoriales.
Le montant de ce prélèvement est égal aux charges directes résultant pour les communes de la mise en œuvre du I.
… – La perte de recettes résultant pour l’État du III est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Je présente cet amendement et le suivant au nom de notre collègue André Reichardt, qui en est le premier signataire.
Je n’ai pas grand-chose à ajouter au propos de M. Vasselle, si ce n’est que, d’un acte facultatif laissé à la discrétion des maires, le parrainage républicain va devenir une obligation pour les communes. Il est donc normal que l’État compense les charges qui en résulteront pour elles.
M. le président. L’amendement n° 274 rectifié, présenté par MM. Reichardt et Joyandet, Mme Imbert, MM. Huré, Calvet, Kennel et Masclet, Mme Des Esgaulx, M. Panunzi, Mme Troendlé, MM. A. Marc, D. Laurent, Dufaut, Savin, Bonhomme et Lefèvre, Mmes Giudicelli et Deromedi et MM. Laménie, Mandelli et Husson, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
III. – La dotation globale de fonctionnement est augmentée afin de soutenir les communes pour la mise en place obligatoire du parrainage civil accompagnée d’une cérémonie publique et de la tenue d’un registre et l’établissement d’actes de parrainage.
Le montant de cette augmentation est égal aux charges directes résultant pour les communes de la mise en œuvre du I.
… – La perte de recettes résultant pour l’État du III est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Les amendements nos 46 rectifié et 275 rectifié visent à instaurer un prélèvement sur recettes pour s’assurer que le parrainage républicain n’entraînera pas un transfert de charges vers les collectivités territoriales.
À propos de transfert de charges, n’oublions pas celles qui résulteront bientôt des cartes d’identité, alors que la contribution de l’État sera toute symbolique !
M. Gérard César. Très juste !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Quant à l’amendement n° 274 rectifié, il suit la même logique, mais en visant l’augmentation de la dotation globale de fonctionnement.
À titre personnel, j’étais favorable à une mesure de précaution qui me paraissait intéressante. Toutefois, je me dois d’informer le Sénat que la commission spéciale n’a pas suivi mon analyse. Elle a considéré que, le Sénat ayant pris soin d’éviter l’accroissement des charges des collectivités territoriales lors du vote de la proposition de loi relative au parrainage civil, la création d’un prélèvement sur recettes n’était pas nécessaire.
L’avis de la commission est donc défavorable sur les trois amendements.
L’un des amendements est, en effet, monsieur Vasselle, préférable aux deux autres : il s’agit de l’amendement n° 46 rectifié. Je dois toutefois rappeler que la commission s’y est déclarée défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux trois amendements. Qu’il n’y ait pas de malentendu : l’inscription dans la loi du parrainage civil n’entraînera pas un transfert de charges.
M. Philippe Dallier. Non, elle entraînera une charge nouvelle !
M. Patrick Kanner, ministre. Il s’agit simplement de reconnaître dans la loi une procédure déjà largement pratiquée dans toutes les mairies de France et de Navarre. Cette reconnaissance, qui doit être saluée, est l’aboutissement d’un engouement croissant, que la Haute Assemblée a reconnu en adoptant très largement la proposition de loi du sénateur Yves Daudigny.
De très nombreuses communes organisent déjà cette manifestation, qui est une forme d’encouragement à une vie familiale élargie au travers du choix d’un parrain ou d’une marraine ; cela peut se comprendre pour des citoyens qui n’ont pas d’engagement religieux, ce qu’il faut respecter.
Les charges qui résulteront de cette mesure seront, permettez-moi de le dire, modestes. Pour avoir été adjoint au maire de Lille, je sais que les cérémonies de parrainage sont noyées dans les mariages du samedi matin ; elles ne posent aucun problème particulier et ne requièrent aucune mobilisation supplémentaire des personnels municipaux. De surcroît, il serait très compliqué d’estimer les dépenses induites. À vrai dire, l’estimation de ces coûts coûterait sans doute plus cher que la mesure elle-même…
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Le parrainage civil est une cérémonie apaisante. Nous en organisons un certain nombre et il y a des demandes même dans les communes rurales. C’est, de fait, un acte supplémentaire.
Je pense qu’il est important d’inscrire dans la loi et d’officialiser cette cérémonie, qui place l’enfant sous la protection de la République et, partant, renforce la République. Au cours de cette cérémonie, on rappelle aussi, de façon officielle, les valeurs de la République et les termes de sa devise : liberté, égalité, fraternité.
Si notre République doit être une protection pour l’enfant, j’ajoute toujours, lorsque je préside une telle cérémonie, que l’école doit absolument permettre à celui-ci de maîtriser la lecture – ce qui, nous le voyons bien, n’est pas toujours le cas –, afin qu’il puisse accéder à des informations, réfléchir et acquérir l’ouverture d’esprit nécessaire pour faire des choix dans sa vie dans le cadre de la laïcité.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale.
Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale. Il ne s’agit pas, en effet, d’un transfert de charges, mais d’une charge nouvelle.
Sans doute les parrainages ne représentent-ils pas à eux seuls une charge très lourde ; mais il faut tenir compte aussi des nouvelles cartes d’identité, qui engorgeront les états civils de certaines mairies sans compensation, sans oublier les PACS, dont l’accumulation nécessite des formations juridiques. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale. Le mariage pour tous est un mariage comme un autre, monsieur le ministre ; il n’en résulte donc aucune charge supplémentaire.
En revanche, les actes juridiques supplémentaires dont j’ai parlé entraînent pour les communes de nouvelles charges, sans qu’aucune compensation ne soit prévue. Or nous commençons à voir nos états civils s’engorger, ce qui nous oblige à prévoir des rendez-vous pour les cartes d’identité ou les passeports : c’est tout sauf le service public !
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.
M. Jacques-Bernard Magner. Ces actes d’état civil qui n’en sont pas vraiment, je ne crois pas qu’il soit possible de les compenser financièrement. Le coût des parrainages civils – j’en organise moi aussi dans ma commune – n’est au demeurant pas élevé.
On parle aujourd’hui beaucoup d’intercommunalité et de la perte de compétences que certains redoutent pour les communes. Je pense que la commune est le creuset de la citoyenneté et de la proximité. Lui confier un acte encore plus officiel qu’il ne l’est actuellement souligne son importance en même temps que celle des valeurs de la République.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. On nous enlèvera bientôt les permis de construire, à nous les maires, mais nous aurons le parrainage civil… Réjouissons-nous donc !
Le parrainage civil n’est pas, bien sûr, une charge colossale. Seulement, on nous en demande toujours plus, encore et toujours plus, goutte après goutte, tandis que la DGF décroît de manière impressionnante. Résultat : les maires, de droite et de gauche, sont sans cesse montrés du doigt par l’État, qui leur reproche de trop embaucher et d’avoir des dépenses de fonctionnement trop élevées, après quoi les journalistes le répètent et ça n’en finit pas…
Il y a là un exemple de plus de ce procédé, qui s’ajoute à l’affaire des cartes d’identité, qui a été rappelée. C’est toujours pareil : un peu plus de responsabilités et un peu moins de moyens !
M. Gérard César. Très juste !
M. Philippe Dallier. Il y a bien un moment où tout cela aura une fin, j’espère.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Mme le rapporteur s’est dite favorable, à titre personnel, à l’amendement n° 46 rectifié, même si elle n’a pas été suivie par la commission spéciale. J’encourage donc nos collègues à voter cet amendement, que j’ai présenté au nom de M. Grand, pour que la compensation financière soit au rendez-vous.
Vous n’avez pas tort, monsieur le ministre, de signaler que, aujourd’hui déjà, cette dépense est supportée par les communes. Le parrainage civil ne date pas d’aujourd’hui, ni même de la proposition de loi adoptée par le Sénat. Moi-même, en qualité de maire d’une petite commune de 230 habitants, j’en ai déjà présidé trois ou quatre. La formule est donc entrée dans les faits. Reste que notre secrétaire de mairie consacre du temps aux démarches administratives, un temps que l’on peut très bien chiffrer.
Les transferts de charges et charges nouvelles sont multiples et, les uns s’ajoutant aux autres, comme l’a expliqué notre collègue Philippe Dallier, les collectivités territoriales sont victimes d’un effet de ciseau : les dotations de l’État baissent, tandis que les charges non compensées s’accroissent incessamment. Souvenez-vous, mes chers collègues, que, récemment encore, l’obligation nous a été imposée d’instruire tous les dossiers de permis de construire, sans la moindre compensation de l’État !
De même, nous instruisons les dossiers d’assainissement sans aucune compensation de l’État ! Je me souviens de Martine Aubry, alors ministre, nous répondant à propos des dossiers d’assainissement : vous ferez appel aux emplois jeunes, compensés à 95 % par une subvention d’État. Sans doute, mais, au bout de la période de trois ou cinq ans, nous avons supporté la dépense plein pot !
Toutes ces charges s’ajoutent les unes aux autres ; il faudrait encore parler, entre autres frais, de la franchise postale. Les petits ruisseaux faisant les grandes rivières, nos charges deviennent aujourd’hui insupportables. Mes chers collègues, il faut donner un coup d’arrêt à cette dérive en décidant la compensation de cette dépense nouvelle.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.
Mme Corinne Imbert. Je souscris pleinement aux propos de mes collègues Dallier et Vasselle. Le parrainage républicain ne représente peut-être qu’une goutte d’eau, mais c’est la goutte de trop !
M. Alain Vasselle. Oui !
Mme Corinne Imbert. La commune est la cellule de base de notre démocratie et les maires sont corvéables à merci. L’une et les autres méritent un minimum d’attention !
Je retire les amendements nos 275 rectifié et 274 rectifié au profit de l’amendement n° 46 rectifié.
M. le président. Les amendements nos 275 rectifié et 274 rectifié sont retirés.
La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote sur l’amendement n° 46 rectifié.
M. Joël Labbé. Je ne comptais pas intervenir dans cette discussion, mais je trouve que le symbole de la goutte d’eau est vraiment très mal choisi, s’agissant d’une mesure aussi noble et aussi belle pour la République : enfin, le parrainage civil est reconnu dans la loi ! Qu’on le compare aux charges d’assainissement est insensé. La petitesse de l’argument est à mille lieues de ce que représente le parrainage républicain ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Gérard César, pour explication de vote.
M. Gérard César. Je soutiens sans réserve l’amendement qui a été présenté par notre collègue Vasselle. En effet, comme de nombreux intervenants l’ont déjà signalé, l’État se désengage de plus en plus vis-à-vis des collectivités territoriales ; en particulier, les dotations financières ne cessent d’être diminuées.
Aux charges qui ont déjà été évoquées, j’ajouterai celles liées au PACS (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.), qui va devoir être enregistré dans les mairies, alors même qu’un problème juridique se pose.
Pour couronner le tout, le SDIS de mon département se désengage lui aussi et souhaite que les hydrants, en particulier, soient pris en charge par les intercommunalités ou les communes. Une goutte de plus qui fait déborder le vase…
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Je ne comptais pas non plus prendre la parole, mais je trouve que le débat est en train de dériver quelque peu.
Je comprends que certains maires s’inquiètent de problèmes budgétaires et de l’accroissement de leurs responsabilités. Seulement, voyez-vous, de telles choses se passent tous les jours dans la vie des entreprises, qui sont soumises à des contraintes et doivent s’adapter.
Il me semble que nous sommes en face d’un conflit d’intérêt : d’un côté, nous raisonnons en tant que sénateurs défendant l’intérêt général et la loi de tous et, de l’autre, nous défendons des intérêts particuliers liés au fonctionnement d’une collectivité. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
La comparaison qui a été établie n’était, disons, pas très habile, s’agissant d’un dispositif qui concourt à l’intégration républicaine, un dispositif très important au moment où l’on insiste sur le renforcement des liens entre les citoyens. N’y voir qu’une charge supplémentaire, ne l’envisager que comme un coût me semble réducteur.
M. Alain Vasselle. L’un n’empêche pas l’autre !
Mme Corinne Bouchoux. Je le regrette, car, jusqu’à présent, les débats étaient plutôt de qualité sur ce projet de loi destiné à renforcer la citoyenneté. De tels raisonnements n’élèvent ni nos débats ni la perception qu’on peut en avoir.
M. Alain Vasselle. On n’a pas critiqué le parrainage !
M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.
Mme Annie Guillemot. Que les collectivités territoriales aient de plus en plus de responsabilités à assumer, notamment en ce qui concerne les passeports et les cartes d’identité, il y a là un problème qu’il faut régler.
Je veux simplement rappeler à certains d’entre nous que les maires ne sont pas tous logés à la même enseigne. J’ai été, pendant dix-sept ans, maire d’une commune qui compte une maternité où 4 500 naissances ont lieu chaque année, ainsi que des services hospitaliers de cardiologie et de neurologie. Or rien n’est prévu pour en tenir compte. Cela ne gêne personne qu’il n’y ait qu’une commune à s’occuper des décès et des naissances – 50 000 naissances au bout de dix ans !
Voilà six mois que je ne suis pas revenue dans cet hémicycle, car, malheureusement, j’ai dû être arrêtée. Aujourd’hui, je voudrais vraiment que, les uns et les autres, nous écoutions ce que nous sommes en train de dire. En l’occurrence, je trouve que ce qui a été dit sur le parrainage n’est pas bien normal, même si je puis comprendre l’argument dans d’autres domaines.
Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale. Nous n’avons pas besoin de leçons !
Mme Annie Guillemot. Peut-être faudrait-il que les communes qui n’accueillent pas puissent accueillir.
Tout à l’heure, M. Carle a pris la défense du régime déclaratif. Notre amendement visait pourtant à retirer une tâche aux maires et à donner à l’éducation nationale quatre mois pour autoriser ou non l’ouverture d’une école. Les maires auront beaucoup plus de travail pour s’opposer à l’ouverture d’une école hors contrat d’association, avec leurs services techniques et contentieux, que pour organiser un parrainage civil… Vous verrez si vous y gagnerez de l’argent ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. Alain Vasselle. Les communes en ont marre d’être les vaches à lait de l’État !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Ce débat extrêmement utile m’inspire quelques remarques.
D’abord, lorsque la proposition de loi relative au parrainage civil, présentée par Yves Daudigny, a été votée par le Sénat en 2015 – avec, donc, un équilibre politique identique à ce qu’il est aujourd’hui –, la commission des lois, qui en avait été saisie, n’a pas jugé nécessaire de prévoir une compensation.
Ensuite, la majorité sénatoriale profite manifestement de ce débat pour évoquer la catastrophe annoncée des collectivités territoriales, en particulier des communes, à la suite des évolutions des dotations. Mesdames, messieurs les sénateurs de la droite et du centre, la situation est aujourd’hui ce qu’elle est, même si elle devrait s’améliorer grâce aux décisions qui ont été annoncées devant le congrès de l’AMF, pour un montant de 1 milliard d’euros. Mais, puisque le coût d’un parrainage civil vous donne de telles frayeurs, quelle ne doit pas être votre inquiétude à lecture des programmes présidentiels de vos champions… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Louis Pinton. Hors sujet !
M. Patrick Kanner, ministre. Certains promettent de supprimer 300 000 fonctionnaires ; d’autres vont jusqu’à 1 million.
M. Alain Vasselle. Restez dans le sujet !
M. Patrick Kanner, ministre. Les 100 milliards d’euros d’économies, il faudra bien les trouver quelque part ! Si je devais voter à votre primaire, je ferais des cauchemars la nuit…
M. Philippe Dallier. Des cauchemars, on en fait depuis quatre ans, et ça commence à faire long !
M. Patrick Kanner, ministre. Je confirme l’avis défavorable du Gouvernement sur l’amendement n° 46 rectifié, et je ne doute pas que Mme la rapporteur continuera de soutenir l’avis de la commission spéciale, qui est également défavorable.
M. Roger Karoutchi. Oh !
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Ayant été rapporteur de la proposition de loi relative au parrainage civil, à laquelle M. le ministre a fait référence, je crois devoir rappeler que le texte a été adopté sans qu’il y ait tous ces hurlements dans l’hémicycle. Reste que cette proposition de loi n’a pas été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Nous avions encadré comme il convenait cette coutume qui reprend de la vigueur, sans que cela pose de problèmes particuliers.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, avec tout le respect que j’ai pour votre fonction, je vous rappelle que ce n’est pas à vous de dire à Mme la rapporteur la position qu’elle doit prendre.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Absolument !
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas au Gouvernement de dire au Parlement ce qu’il doit penser et décider ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Pour le reste, j’ai du bonheur à participer à des cérémonies de parrainage – lorsqu’on m’invite, car je ne suis pas maire. Toujours est-il que, franchement, si on ne peut pas, dans l’assemblée qui, de par la Constitution, représente de manière éminente les collectivités territoriales, souligner que chaque acte supplémentaire confié aux communes – je ne parle pas du parrainage républicain en particulier – entraîne pour elles des besoins accrus en moyens, notamment de personnel, à un moment où les dotations sont en baisse, où le dira-t-on ?
Ce n’est pas une attaque politique contre le parrainage ou contre quelque mission des communes que ce soit ; c’est une attaque contre une politique globale fondée sur cette idée : les communes doivent faire, les départements doivent faire, les régions doivent faire, et, par-dessus le marché, on diminue leurs moyens !
Les maires sont, dans l’ensemble, contents d’organiser des parrainages et, d’ailleurs, ils y invitent les sénateurs. Pour ma part, j’y vais toujours très volontiers, parce que c’est un acte de citoyenneté qui me paraît important et marquant, en plus d’être généralement convivial et sympathique.
Quoi qu’il en soit, dire « halte au feu ! » au Gouvernement, c’est-à-dire lui demander de cesser de baisser les dotations dès lors qu’il augmente les charges – quelles qu’elles soient – en parallèle, ne me paraît pas indécent. C’est pourquoi je voterai l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote sur l'article.
M. Daniel Chasseing. J’ai indiqué il y a un instant que j’avais participé à beaucoup de parrainages, même si je suis maire d’une petite commune. Ce fut à chaque fois un acte fort de placer l’enfant sous la protection de la République, en présence de ses parents et parrains.
Cela étant, l’amendement n° 46 rectifié visait à dire autre chose : les communes ont de plus en plus de charges et, dans le même temps, la DGF diminue. L’adoption de cet amendement n’aurait donc pas été incompatible avec le principe posé à l’article 15 bis A.
M. le président. Je mets aux voix l'article 15 bis A.
(L'article 15 bis A est adopté.)
Article additionnel après l’article 15 bis A
M. le président. L'amendement n° 381, présenté par MM. Rachline et Ravier, n’est pas soutenu.
Article 15 bis
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 490, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Avant la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 114-3 du code du service national, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Ils bénéficient d’une présentation des droits et aides sociales ouverts aux personnes âgées de dix-huit ans au moins et de trente ans au plus, des conditions pour y accéder et des services publics qui en sont gestionnaires. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Les jeunes sont particulièrement touchés par le non-recours aux droits, notamment parce qu’ils les méconnaissent. Ce constat a été fait à de nombreuses reprises, notamment par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, qui a mené une étude à ce sujet en janvier 2013, et par le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, qui a travaillé sur l’écart existant entre les droits formels et les droits réels des jeunes.
Or cet écart est grand ! Selon les chiffres du CESE, 20 % des jeunes vivent en dessous du seuil de pauvreté, soit près de 10 points de plus que pour la population dans sa globalité. Un jeune sur six n’a pas de complémentaire santé. Enfin, un tiers des personnes accueillies dans les centres d’hébergement d’urgence sont des jeunes. On voit bien que, en pratique, l’accès aux droits est éloigné de la théorie.
L’une des difficultés principales qui a été identifiée dans ces études est que la pluralité des conditions d’accès aux prestations sociales ou aux dispositifs, en particulier celles relatives aux seuils d’âge, rend leur identification plus difficile par les jeunes, lesquels se perçoivent le plus souvent comme des ayants droit avant tout. À dix-huit ans, peu d’entre eux ont dû se plonger dans le « maquis » des critères d’obtention des droits, et peu d’entre eux le feront dans les années qui suivent.
Il paraît donc indispensable de renforcer l’information des jeunes sur leurs droits. Or la seule occasion de pouvoir fournir cette information à tous les jeunes, y compris à ceux qui n’occupent pas d’emploi, qui ne suivent pas d’études ou de formation – ils sont près de 13 % dans notre pays –, c’est la journée défense et citoyenneté. Les jeunes citoyens ont des devoirs et des droits. C’est pourquoi cette journée nous paraît être le meilleur moment.
Par cet amendement, nous proposons de rétablir l’article 15 bis, qui prévoit que les jeunes bénéficieront d’une présentation des droits et aides sociales ouverts aux jeunes entre dix-huit et trente ans lors de cette journée défense et citoyenneté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous avons supprimé l’article 15 bis en commission spéciale pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, un module d’information sur les droits des jeunes est dispensé lors de la journée défense et citoyenneté depuis le 1er janvier 2016.
Ensuite, une mission de réflexion sur l’extension de la JDC est en cours, sous la conduite du haut-commissaire à l’engagement civique. Aussi, en l’état actuel des choses, il me semble peu pertinent d’en modifier le contenu.
Enfin, ne brouillons pas trop le message de cette journée, qui doit d’abord être consacrée au lien entre le citoyen et son armée.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Sachez, madame la sénatrice, que j’ai demandé que soit mené un travail de réflexion sur l’évolution de la journée défense et citoyenneté dans son ensemble, dans le cadre du mandat confié au haut-commissaire à l’engagement civique, M. Yannick Blanc.
Ce travail, conduit sous l’autorité du Président de la République, est en cours. Il me semble opportun d’en attendre les résultats avant d’aller plus loin sur ce que doit être le contenu de la journée défense et citoyenneté, et ce d’autant plus que la JDC prévoit un module d’information « jeunesse citoyenne » depuis le 1er janvier 2016. Je vous en rappelle les trois thèmes : il existe, tout d’abord, des informations sur l’ensemble des dispositifs d’insertion, comme les missions locales, les établissements pour l’insertion dans l’emploi, les EPIDE, ou les plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs ; on trouve ensuite des informations sur les mesures en faveur de l’emploi des jeunes ; enfin, vous avez des informations sur l’accès au droit à l’information.
Votre demande étant satisfaite, je vous invite à retirer votre amendement.
J’ajoute que beaucoup de voix se sont élevées sur toutes les travées pour dire que la JDC n’était pas un système parfait, loin de là, notamment pour favoriser l’intégration des jeunes et la mixité sociale. C’est sûrement l’un des débats que nous aurons au cours des échéances à venir.
M. le président. Madame Archimbaud, l'amendement n° 490 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Compte tenu de la réponse de M. le ministre, je le retire. Nous resterons toutefois très vigilants quant aux résultats de la réflexion en cours, de sorte que nous ne tardions pas trop à prendre les décisions concrètes qui s’imposent.
M. le président. L'amendement n° 490 est retiré.
En conséquence, l’article 15 bis demeure supprimé.
Article 15 ter
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 419 est présenté par MM. Magner et Guillaume, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur, Vandierendonck et Vaugrenard, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 491 est présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article 2 bis de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association est ainsi rédigé :
« Art. 2 bis. – Tout mineur capable de discernement peut librement participer à la constitution d’une association ou en devenir membre dans les conditions définies par la présente loi.
« Il peut également être chargé de son administration dans les conditions prévues à l’article 1990 du code civil. Les représentants légaux du mineur en sont informés sans délai, dans des conditions fixées par décret.
« Sauf opposition expresse des représentants légaux, le mineur peut, seul, accomplir tous les actes utiles à l’administration de l’association, à l’exception des actes de disposition. »
La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour présenter l’amendement n° 419.
M. Jacques-Bernard Magner. En 2011, le législateur a réduit la portée de l’article 2 bis de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association en restreignant le champ de la liberté associative des mineurs par rapport à la jurisprudence en vigueur. Adhérer à une association et y exercer des responsabilités en dehors des actes de disposition constitue pourtant un acte de la vie courante dont ne peuvent être écartés les mineurs, d’autant que la convention internationale des droits de l’enfant ratifiée par la France en 1990 précise bien, en son article 15, que les « États parties reconnaissent les droits de l’enfant à la liberté d’association ».
Faire vivre une association, prendre sa part dans la gestion collective de celle-ci et y développer des projets c’est concourir à l’expérimentation du fonctionnement démocratique et de l’action collective, apprentissage qui devrait s’intégrer dans le parcours citoyen que nous avons souhaité mettre en place. La participation des mineurs à la vie associative doit être reconnue comme un élément du processus d’apprentissage d’une citoyenneté active, ce que promeut ce projet de loi. Tel était le sens de l’article 15 ter, qui a été supprimé en commission spéciale et que nous souhaitons rétablir.
Soumettre la participation d’un mineur à une responsabilité associative à l’accord de ses parents nous paraît déséquilibré au regard de la responsabilité reconnue à un mineur en matière pénale, par exemple. Il convient donc de trouver un meilleur équilibre entre la protection des jeunes mineurs et l’exercice de leurs droits. Pour ce faire, nous proposons d’abaisser l’âge de cette prise de responsabilité et de passer d’un dispositif d’autorisation préalable des parents à un dispositif d’opposition éventuelle.
Dans les faits, la prémajorité associative est expérimentée, existe et ne pose aucun problème. C’est l’expérience du réseau des Juniors associations depuis plus de quinze ans.
Nous nous inscrivons exactement dans la même logique qu’en matière de droit de publication des mineurs. Partons donc de l’expérience des jeunes eux-mêmes, de ce qu’ils revendiquent eux-mêmes pour l’exercice de leur citoyenneté et faisons leur confiance dans un cadre juridique adapté !
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 491.
Mme Aline Archimbaud. Je serai brève, car mon amendement est identique.
Il convient de donner des signaux concrets dans le cadre du titre Ier du présent projet de loi « Émancipation des jeunes, citoyenneté et participation » et de tenir compte des réalités : dans la vie de tous les jours, il existe de jeunes mineurs très actifs !
L’article supprimé en commission spéciale permettait à un mineur de créer et d’administrer une association. Rétablir cet article permettrait d’adresser un message de confiance à ces jeunes, de leur donner la possibilité de prendre des initiatives en lien avec la société et de s’investir pour défendre des causes auxquelles ils croient. D’un point de vue plus pragmatique, c’est un bon moyen pour eux d’acquérir des compétences extrascolaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous souhaitons nous aussi encourager les jeunes à prendre des responsabilités, mais nous voulons également les protéger contre des risques qu’il ne faut pas sous-estimer.
Je rappelle que, en l’état actuel du droit, les jeunes peuvent participer sans difficulté à la vie des associations. Les actes d’administration nécessitent seulement l’accord préalable de leurs parents, dès lors que leur responsabilité peut être engagée.
L’adoption de ces deux amendements identiques permettrait à des enfants âgés de treize ans, par exemple, d’être trésoriers d’une association sans l’accord préalable de leurs parents. Or la responsabilité pénale et civile des parents serait engagée en cas de faute de gestion, quand bien même ils n’auraient pas été informés de l’activité associative de leurs enfants.
Ma position rejoint celle qui avait été exprimée par le Sénat en 2014, en un temps où la majorité de notre assemblée était différente. Notre collègue Alain Anziani déclarait alors que, « au vu de la responsabilité qu’ils encourent, il est préférable de requérir l’autorisation des parents en amont ». Le président de la commission des lois de l’époque, Jean-Pierre Sueur, avait également précisé au cours de la séance publique que la commission des lois suivait cette position à l’unanimité.
Par cohérence, la commission est donc défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Ces amendements tendent à rétablir l’article 15 ter supprimé par la commission spéciale, qui permettait aux mineurs capables de discernement de passer seuls les actes d’administration utiles à l’association, l’autorisation préalable des représentants légaux n’étant plus nécessaire dans ce cadre et ces derniers ne disposant plus que d’un simple droit d’opposition.
Le Défenseur des droits s’est prononcé en faveur d’une telle disposition. Par ailleurs, je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’aucune condition d’âge n’était exigée pour créer une association jusqu’en 2011.
Cette mesure favoriserait l’autonomisation des jeunes en leur donnant les moyens de s’investir davantage dans la vie publique et dans le milieu associatif. Elle encouragerait également l’engagement citoyen.
Je souscris à cet objectif, comme vous avez pu le constater à l’instant au travers du débat sur le droit de publication des mineurs. Toutefois, et je reprends ainsi l’argumentation que j’ai développée lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, le mécanisme de droit d’opposition des représentants légaux prévu par l’article 15 ter semble complexe à imaginer. C’est pourquoi je m’en remets à la sagesse de votre assemblée.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 419 et 491.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 15 ter demeure supprimé.
Article 15 quater
(Non modifié)
Le I de l’article 63 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire est ainsi modifié :
1° L’avant-dernier alinéa est complété par les mots : « , de simplifier le cadre législatif et réglementaire applicable aux associations ainsi que d’améliorer l’accompagnement des bénévoles par les pouvoirs publics » ;
2° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il publie chaque année une synthèse des recommandations qu’il a formulées au titre de ses missions explicitées par le présent article. » – (Adopté.)
Article 15 quinquies
(Supprimé)
Article 15 sexies
(Non modifié)
L’ordonnance n° 2015-904 du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations est ratifiée.
M. le président. L'amendement n° 321 rectifié, présenté par Mme Deromedi, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – La loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique est ainsi modifiée :
1° L’article 3 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « faire », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « appel à la générosité publique dans le cadre d’une campagne menée à l’échelon national soit sur la voie publique, soit par l’utilisation de moyens de communication, sont tenus d’en faire la déclaration préalable auprès de la préfecture du département de leur siège social » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « public à la générosité » sont remplacés par les mots : « à la générosité publique » ;
c) Au troisième alinéa, les mots : « appels au cours de la même année civile » sont remplacés par les mots : « campagnes successives » ;
d) Il est ajouté par un alinéa ainsi rédigé :
« Les moyens mentionnés ci-dessus sont les supports de communication audiovisuelle, la presse écrite, les modes d’affichage auxquels s’appliquent les dispositions de l’article 2 de la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes ainsi que la voie postale et les procédés de télécommunications. » ;
2° L’article 3 bis est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « l’appel est mené » sont remplacés par les mots : « la campagne est menée » ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « l’appel » sont remplacés par les mots : « la campagne » ;
3° Les trois premiers alinéas de l’article 4 sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les organismes visés à l’article 3 de la présente loi établissent un compte d’emploi annuel des ressources collectées auprès du public, qui précise notamment l’affectation des dons par type de dépenses.
« Ce compte d’emploi est déposé au siège social de l’organisme ; il peut être consulté par tout adhérent ou donateur de cet organisme qui en fait la demande. »
III. – Le code des juridictions financières est ainsi modifié :
1° L’article L. 111-8 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
- après les mots : « du public », sont insérés les mots : « , dans le cadre de campagnes menées à l’échelon national » ;
- les mots : « un appel public à la générosité » sont remplacés deux fois par les mots : « appel à la générosité publique » ;
b) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « dans le cadre de ces campagnes » ;
c) À la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « public à la générosité » sont remplacés par les mots : « à la générosité publique ».
2° Au second alinéa de l’article L. 143-2, les mots : « public à la générosité » sont remplacés par les mots : « à la générosité publique ».
IV. – À la première phrase du I de l’article L. 822-14 du code de commerce, les mots : « public à la générosité » sont remplacés par les mots : « à la générosité publique ».
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. L’ordonnance du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations, qu’il est proposé de ratifier à l’article 15 sexies du projet de loi, a réformé, par ses articles 8 à 10, les règles relatives à l’appel à la générosité publique.
Comme je l’ai indiqué hier, lors de l’examen en séance publique de l’article 8 bis du présent projet de loi, qui portait sur les dispositions de coordination relatives à cette réforme, ces modifications excédent le champ de l’habilitation consentie au Gouvernement par le Parlement en 2014. En effet, les règles modifiées par les articles 8 à 10 de l’ordonnance s’appliquent à tous les organismes qui font appel à la générosité publique et pas seulement aux associations et aux fondations. Par exemple, elles s’appliquent aussi aux mutuelles.
Sur le fond, l’allégement notable prévu par l’ordonnance du 23 juillet 2015 des contraintes imposées à ces organismes pour assurer la traçabilité des fonds collectés et favoriser l’exercice de contrôles n’est pas sans soulever des interrogations au regard des scandales passés, comme celui de l’ARC, par exemple.
Par cohérence avec l’adoption, hier, de mon amendement tendant à supprimer l’article 8 bis du projet de loi, le présent amendement tend à rétablir les dispositions relatives à l’appel à la générosité publique dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance. Je rappelle que cet amendement traduit une position exprimée à l’unanimité par la commission des lois la semaine dernière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement. Nous avons effectivement évoqué le sujet hier dans le cadre de l’examen de l’article 8 bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Nous avons en effet eu cette discussion hier en débattant de l’article 8 bis. Je reprendrai donc les mêmes arguments.
En matière d’appel à la générosité publique, la loi du 7 août 1991 n’est plus adaptée à la situation que connaissent de nombreuses associations caritatives et l’ensemble du secteur associatif en général. Ce milieu fait de plus en plus appel à des collectes sur internet, et ce tout au long de l’année. On ne peut donc raisonnablement limiter le cadre de ces collectes à la voie publique ou à des campagnes de communication audiovisuelle.
Comme hier, le Gouvernement est défavorable à cette disposition.
M. le président. Je mets aux voix l'article 15 sexies, modifié.
(L'article 15 sexies est adopté.)
Article additionnel après l’article 15 sexies
M. le président. L'amendement n° 673, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 15 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le cinquième alinéa de l’article L. 213-1-1 du code de l’urbanisme, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Au profit des fondations, des congrégations, des associations ayant la capacité de recevoir des libéralités et, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, des établissements publics du culte et des associations inscrites de droit local. »
La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. L’ordonnance du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations avait exclu les biens de ces dernières du champ du droit de la préemption urbaine. Or la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a récrit l’article L. 213-11 du code de l’urbanisme avec pour effet involontaire de faire disparaître cette mesure et de soumettre de nouveau ces biens au droit de préemption. Cet amendement vise donc simplement à corriger les effets de cette suppression malencontreuse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement vise à répondre à un problème d’articulation entre la loi Macron et l’ordonnance du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations.
Il convient de confirmer que les donations aux fondations, congrégations et associations ne peuvent pas faire l’objet d’une préemption, ce qui permettrait de sécuriser les ressources de ces organismes.
C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 15 sexies.
Article 15 septies
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 421, présenté par MM. Magner et Guillaume, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur, Vandierendonck et Vaugrenard, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 1er janvier 2017, un rapport sur l’opportunité d’affecter les dépôts et avoirs des comptes inactifs des associations sur un compte d’affectation spéciale au bénéfice du fonds pour le développement de la vie associative.
La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.
M. Jacques-Bernard Magner. Tout comme Mme la rapporteur – vous voyez que nous cherchons des points de convergence –, nous sommes peu adeptes des demandes de rapport. Toutefois, ce rapport concerne un sujet important pour le secteur associatif. C’est pourquoi cet amendement fait partie de nos rares demandes d’établissement d’un rapport.
La loi Eckert du 13 juin 2014 a mis en œuvre un dispositif de recherche et d’information par les banques concernant les comptes bancaires inactifs et les contrats d’assurance vie en déshérence.
Le rapport demandé vise à tirer les conséquences de ce dispositif pour les comptes associatifs en déshérence, dans le but d’affecter ceux des dépôts et avoirs acquis à l’État au terme d’un délai de trente ans, comme c’est la règle, au Fonds pour le développement de la vie associative, le FDVA.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Le sujet que vous abordez, mon cher collègue, est extrêmement délicat. Par conséquent, l’avis défavorable que j’émets sur cet amendement ne doit pas être mal interprété.
Le Fonds pour le développement de la vie associative est sous-doté. Aussi, toute mesure qui viserait à augmenter ses crédits doit être examinée avec beaucoup d’attention.
La loi Eckert du 13 juin 2014, que vous avez citée, nous a montré qu’il existait un nombre important de comptes inactifs. Il serait opportun de récupérer l’argent qui traîne sur les comptes d’associations inactives pour qu’il profite à d’autres associations.
La question posée est donc claire et pertinente. Alors, me direz-vous, pourquoi émettre un avis défavorable ?
M. Jacques-Bernard Magner. En effet ? (Sourires.)
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je vais vous répondre. Ce n’est pas simplement parce qu’il s’agit là d’un énième rapport au Parlement, même si je considère qu’il s’agit d’une injonction qui ne sera pas nécessairement opérationnelle. La vraie raison réside dans le fait que le Parlement a voté en juin 2014 une loi, dite « loi Eckert », qui vise non seulement à éviter de léser les propriétaires de comptes inactifs ou leurs ayants droit, mais surtout à réduire le nombre de ces comptes inactifs, qu’ils soient la propriété d’un particulier ou d’une association.
Or ce dispositif est entré en vigueur assez récemment, le 1er janvier 2016. Il ne me paraît donc pas raisonnable de demander dès maintenant un rapport sur un dispositif qui méritera certes d’être évalué, mais plutôt dans deux ou trois ans. À cet égard, je rappelle que la loi a imposé aux banques l’obligation de fournir des statistiques annuelles sur le nombre de comptes inactifs et le montant des avoirs.
On avance, même si vous pensez que cela ne va pas assez vite. C’est pourquoi je vous propose de laisser la loi produire ses effets, puis, le cas échéant, de la revoir en invitant le ministre des finances à prendre en considération l’utilité qu’il y aurait à laisser des fonds dits inactifs profiter aux associations.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Nous soutiendrons cet amendement, non parce que nous sommes en faveur des demandes de rapport, mais parce que nous avons bel et bien besoin d’un tel rapport pour expertiser ce dossier très sensible.
Ce rapport est très attendu par le monde associatif, madame la rapporteur. Le nombre de comptes inactifs pourrait s’élever à plusieurs millions, voire plusieurs dizaines de millions, et cet argent pourrait être réinjecté vers le monde associatif au travers du FDVA.
Je le répète, l’adoption d’une telle mesure faciliterait la compréhension d’une situation qui a été mise sous le tapis depuis de très nombreuses années. Cet argent doit bénéficier à nos concitoyens.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale.
Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale. Le sujet est certes très important, mais les arguments de Mme la rapporteur sont parfaitement justes, notamment concernant la « jeunesse » de la loi Eckert.
En outre, il me semble que le ministère peut se saisir tout seul, sans qu’il soit besoin d’inscrire une telle mesure dans la loi.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très juste !
Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale. Cet amendement ne me paraît donc pas très utile.
M. le président. En conséquence, l’article 15 septies demeure supprimé.
Article 15 octies A
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 422, présenté par MM. Magner et Guillaume, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur, Vandierendonck et Vaugrenard, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le II de l’article L. 312-19 du code monétaire et financier est complété par les mots : « , en distinguant les personnes physiques des personnes morales, et pour ces dernières, les différents statuts juridiques ».
La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.
M. Jacques-Bernard Magner. Si l’Assemblée nationale rétablit l’article 15 septies, ce que nous n’avons pas fait, le rapport dont nous venons de parler constituera une première étape dans le processus d’affectation des sommes des comptes associatifs en déshérence, déjà acquises à l’État, au Fonds pour le développement de la vie associative.
Une telle mesure répondrait à une demande récurrente du milieu associatif, comme cela vient d’être rappelé. J’insiste donc pour que le Haut Conseil à la vie associative puisse travailler sur ce sujet et que les fonds puissent être versés, comme nous le souhaitons, au FDVA.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je suis d’accord avec vous : avec des « si », on peut changer la vie ! Cependant, compte tenu de l’avis que j’ai émis précédemment, vous comprendrez que je ne peux être que défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Nous sommes constants. J’ajouterai même : qui peut le plus, peut le mieux !
Chaque année, les établissements bancaires sont tenus de rendre publics le nombre de comptes inactifs ouverts dans leurs livres, ainsi que le montant des dépôts et avoirs inscrits sur ces comptes. Ce dispositif est récent et se met en place sans que l’on distingue les titulaires des comptes.
L’amendement proposé par M. Magner vise à imposer aux établissements bancaires le fait de dissocier au sein de cette publication annuelle ce qui relève des personnes physiques de ce qui relève des personnes morales et, pour ces dernières, d’établir un classement en fonction de leur statut juridique. Il vise donc à fournir une meilleure information sur le statut des titulaires des comptes en déshérence notamment, ce qui ne peut qu’être bénéfique dans le cadre du secteur associatif. Si un rapport est établi, ce que je souhaite, cela nous permettra de surcroît d’avancer.
J’exprime la position du Gouvernement dans son ensemble en déclarant être très favorable à l’amendement. Nous avons besoin de cette disposition pour parvenir à déterminer si les fonds associatifs en déshérence sont importants ou non et pour mieux les réaffecter à leur objet initial.
M. le président. En conséquence, l'article 15 octies A est rétabli dans cette rédaction.
Article 15 octies
(Supprimé)
Article 15 nonies
(Non modifié)
Au dernier alinéa du I de l’article L. 310-2 du code de commerce, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « quatre ». – (Adopté.)
Article 15 decies
I. – Le code électoral est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du dernier alinéa des articles L. 193, L. 253, L. 262, L. 273-8, L. 294 et L. 366, au dernier alinéa de l’article L. 126 et à la dernière phrase du premier alinéa des articles L. 288 et L. 338-1, le mot : « âgé » est remplacé par le mot : « jeune » ;
2° À la troisième phrase du deuxième alinéa des articles L. 262 et L. 366, à la seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 288 et à la troisième phrase du troisième alinéa et à la seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 338, le mot : « plus » est remplacé par le mot : « moins ».
II. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° À la fin du cinquième alinéa de l’article L. 2121-21, au dernier alinéa de l’article L. 2122-7, à l’avant-dernière phrase du quatrième alinéa de l’article L. 3122-5, à la fin de la dernière phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 3631-5, à l’avant-dernière phrase du quatrième alinéa de l’article L. 4133-5 et à l’avant-dernière phrase du cinquième alinéa de l’article L. 4422-9, le mot : « âgé » est remplacé par le mot : « jeune » ;
2° À la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 2122-7-2, à la dernière phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 3122-5, à la dernière phrase du troisième alinéa de l’article L. 3631-5, à la dernière phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 4133-5 et à la dernière phrase du troisième alinéa de l’article L. 4422-18, le mot : « plus » est remplacé par le mot : « moins » ;
3° À la fin de la dernière phrase du dernier alinéa de l’article L. 3122-1, de la dernière phrase de l’article L. 3631-4, de la dernière phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 4133-1 et de la dernière phrase du troisième alinéa de l’article L. 4422-8, les mots : « bénéfice de l’âge » sont remplacés par les mots : « plus jeune ».
III (nouveau). – La loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen est ainsi modifiée :
1° À la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article 3 et à la seconde phrase du sixième alinéa de l’article 3-1, le mot : « plus » est remplacé par le mot : « moins » ;
2° À la dernière phrase de l’antépénultième alinéa du même article 3-1, le mot : « âgé » est remplacé par le mot : « jeune ».
M. le président. L'amendement n° 285, présenté par MM. Leleux et Retailleau, n’est pas soutenu.
L'amendement n° 177 rectifié, présenté par MM. Raison et Longuet, Mme Troendlé, MM. Reichardt, Joyandet, Mouiller, Carle et Perrin, Mme Morhet-Richaud, MM. Vasselle et Rapin, Mme Garriaud-Maylam, M. Chaize, Mme Gruny, MM. Trillard et Pellevat, Mme Micouleau, MM. Houel, Gremillet, Grosdidier, Revet, Cigolotti et Danesi, Mmes Deroche et Joissains, MM. de Legge, Vogel et de Raincourt, Mme N. Goulet, MM. Chasseing, A. Marc, Houpert, Kennel et Saugey, Mme M. Mercier, MM. Morisset, del Picchia, Gabouty, Longeot et Adnot, Mme Giudicelli, M. Mandelli et Mme Lamure, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code électoral est ainsi modifié :
1° Les troisième et dernière phrases du deuxième alinéa de l’article L. 262 sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :
« En cas d’égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, une nouvelle élection est organisée dans les mêmes conditions que les précédentes. » ;
2° La seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 253 est ainsi rédigée :
« Si plusieurs candidats obtiennent le même nombre de suffrages, une nouvelle élection est organisée dans les mêmes conditions que les précédentes. »
La parole est à M. Michel Raison.
M. Michel Raison. Cet amendement vise à introduire une nouveauté en cas d’égalité de suffrages aux élections municipales.
Des discussions se sont engagées pour savoir si la victoire devait revenir au plus jeune ou au plus âgé des candidats.
Première remarque : la compétence d’un élu n’a jamais de lien avec son âge. Le choix est donc forcément cornélien.
Deuxième remarque : lorsqu’il existe une différence d’âge entre les candidats, elle n’est parfois que de quelques jours ou de quelques mois. On ne peut donc pas dire que l’un est beaucoup plus ou beaucoup moins expérimenté que l’autre.
Troisième remarque : lorsqu’il s’agit d’un scrutin de liste, ce qui est de plus en plus fréquent, compte tenu de l’abaissement du seuil à 1 000 habitants, c’est pire encore ! Dans ce cas, on calcule la moyenne d’âge des listes arrivées à égalité. Or il arrive que la liste dont la moyenne d’âge est la moins élevée comporte le maire le plus âgé. Et inversement !
Le choix ne peut donc pas se faire entre le plus jeune et le plus âgé des élus. Cela reste forcément une loterie pour la municipalité.
J’ajoute que, en cas d’égalité des suffrages, un recours est dans 99 % des cas intenté auprès du tribunal administratif. Or la justice est longue à trancher, ce qui entraîne une forme d’instabilité de fait et conduit au manque de légitimité de l’élu qui est amené à diriger la commune en attendant le jugement du tribunal, ce qui est très inconfortable pour lui.
Pour moi, la seule solution pour régler cette incertitude née du vote des électeurs – au passage, je précise que trois listes peuvent parfois s’affronter dans le cadre du scrutin de liste et que l’égalité de suffrages peut être relative –, c’est de recommencer l’élection.
Certains m’opposeront que c’est compliqué, parce que les élections des conseillers des communautés de communes succèdent aux élections municipales. C’est vrai, mais je rappellerai tout d’abord que ce type de situation est très rare. Ensuite, dans le cas où le tribunal déciderait d’invalider les résultats, la complexité serait strictement la même qu’en cas de nouvelle élection.
D’autres objecteront également qu’une nouvelle élection aurait un coût.
Mme Catherine Génisson. Oui, comme pour le parrainage civil ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Michel Raison. Oui, mais ce serait un coût moins élevé que celui qu’entraînerait un recours auprès du tribunal administratif et du Conseil d’État, ce qui s’est produit il y a peu dans ma commune. Les tribunaux sont encombrés, manquent généralement de personnel et de moyens. Recommencer tout simplement l’élection serait donc un moyen de les soulager.
Tel est l’objet du présent amendement qui, je le souligne, a été cosigné par beaucoup de mes collègues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Notre collègue Raison pose une question et y apporte une réponse.
Je préciserai simplement que la situation évoquée est très peu fréquente – selon notre collègue Danesi, seuls deux scrutins auraient été concernés lors des dernières élections municipales.
Par ailleurs, je m’interroge – sans humour, juste avec bon sens : s’il y a encore égalité après la seconde élection, comment nous en sortons-nous ?
Mon cher collègue, je vous remercie de votre contribution pertinente, mais je ne vais pas retenir votre solution.
Je suis donc au regret d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Cet amendement est à l’exact opposé de l’esprit de confiance et de reconnaissance de la jeunesse que nous souhaitons insuffler au travers de ce texte et, en particulier, de la réforme des règles de séniorité. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Nous proposons une mesure emblématique du renouvellement de la vie politique. Certes, il existe des « jeunes » de tous âges, mais ce sera de toute façon le plus jeune des candidats qui sera retenu. C’est un progrès pour la démocratie de notre pays.
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. Vous n’avez pas bien entendu mes explications, monsieur le ministre. En cas de scrutin de liste, c’est la moyenne d’âge des listes qui est prise en compte : le plus jeune ne sera donc pas forcément choisi.
Par ailleurs, pour vous répondre, madame le rapporteur, je connais un peu les lois de la statistique, étant élu d’une ville casinotière : il est déjà très peu probable qu’une élection municipale se solde par une égalité – vous-même évoquez seulement deux cas, chiffre dont je ne suis d’ailleurs pas certain –, mais la probabilité qu’il y ait une deuxième égalité est quasi nulle. Il n’est donc pas nécessaire que vous vous inquiétiez.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je voterai cet amendement. Au cours de ma vie politique, j’ai connu plusieurs situations de cette nature, notamment dans des petites communes : sur un total, disons, de quinze élus, une égalité de voix entre la droite et la gauche est constatée sur le huitième élu. Dans ce cas, je trouve anormal que le plus âgé soit déclaré élu. Je suis donc favorable à l’organisation d’une nouvelle élection pour pourvoir le poste. De tels cas peuvent être plus fréquents dans les communes de moins de 1 000 habitants.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. J’ai cosigné cet amendement, car son adoption nous permettrait d’échapper à un dilemme impossible à résoudre.
Faut-il soutenir les jeunes ? La jeunesse, nous le savons, est un défaut que chaque jour corrige… Cependant, ce n’est pas une excuse suffisante pour prétendre à toutes les responsabilités. A contrario, un élu âgé qui ne parviendrait pas à s’imposer largement aurait sans doute, dans sa vie précédente, fait insuffisamment preuve de réussite et d’autorité pour pouvoir gagner les élections.
D’un côté, on donne une prime à l’inexpérience et on refuse de reconnaître le travail ; de l’autre, en consacrant systématiquement les plus âgés, on finit par considérer qu’une personne âgée et expérimentée n’ayant pas recueilli l’écoute de son électorat doit l’emporter sur une personnalité nouvelle qui a su rassembler des électeurs.
La proposition de notre collègue Michel Raison, et c’est pour cela que je la soutiens de bon cœur, redonne la parole aux seuls décisionnaires, les électeurs. Confrontés eux-mêmes au dilemme que je viens de poser, ces derniers choisiront librement, et en toute responsabilité, ou l’expérience de l’un, ou l’enthousiasme de l’autre, étant précisé qu’il existe des vieux enthousiastes et des jeunes expérimentés. Il revient bien aux électeurs de choisir !
Mme Colette Mélot. Très bien !
M. le président. La parole est à M. René Danesi, pour explication de vote sur l'article.
M. René Danesi. L’article 15 decies du projet de loi, au demeurant conforté par deux votes en commission spéciale, tend à prévoir le renversement de la majorité élective. En cas d’égalité de suffrages, c’est donc le candidat le plus jeune qui serait élu, et non le plus âgé.
Le bénéfice de l’âge est évidemment motivé par l’expérience ; la priorité accordée à la jeunesse favoriserait modestement le renouvellement. Cela peut se concevoir lors des élections au suffrage universel, mais paraît bien peu raisonnable lorsqu’il s’agit, pour une assemblée divisée, de désigner son exécutif – maire ou président.
J’avais déposé en commission un amendement de suppression de cet article et démontré, à cette occasion, que les cas d’égalité de suffrages au deuxième tour sont très rares. J’en ai conclu que l’élection au bénéfice de la jeunesse relevait, dès lors, du symbole.
Symbole pour symbole, j’ai observé en commission que le renouvellement des élus se ferait plus sûrement en remplaçant le traditionnel discours du doyen d’âge en début de mandature par le discours du benjamin de l’assemblée. En effet, bien des seniors se représentent pour prononcer ce discours, qui est d’ailleurs généralement d’une grande qualité littéraire.
Par ailleurs, ayant constaté une belle unanimité sur ma gauche pour la prime à la jeunesse, je me fais un plaisir de conseiller à mes collègues d’aller jusqu’au bout de leur logique et de se mettre en marche derrière le plus jeune des candidats à l’élection présidentielle, jeune qui, en plus, a le grand avantage de ne pas être encombré de l’expérience d’un élu local ou national !
Je voterai donc contre l’article 15 decies.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je voterai également contre cet article, notamment pour les mêmes raisons que celles qui viennent d’être évoquées.
Chaque jour un peu plus, nous nous retrouvons piégés par des mesures dont la démagogie va croissant. Ainsi ai-je pu entendre en commission que, prendre une disposition telle que celle qui nous occupe, c’était faire preuve de modernisme. Cela me rappelle le temps où nous avons eu à débattre de l’opportunité de ramener la durée du mandat sénatorial de neuf à six ans : à court d’arguments, certains invoquaient – j’ai encore en tête les propos que le président du Sénat de l’époque m’avait tenus – la nécessité de vivre avec son temps, d’être moderne. Donc être moderne, c’est raccourcir les mandats !
Il en est ainsi de nombre de mesures prises, qui ne sont ni fondées ni pertinentes.
Que je sache, le fait que le plus âgé préside une assemblée en cas d’égalité de voix n’a jamais posé de problème majeur.
Maintenant, si vous voulez, mes chers collègues de la majorité gouvernementale, que cette présidence soit demain assurée par le plus jeune, il faut tirer tous les enseignements de cette disposition : dorénavant, le doyen d’âge n’assurera plus la présidence de l’assemblée – municipale, départementale ou régionale – pour l’élection du président et vous confierez la fonction de secrétaire de séance, non plus au plus jeune, mais au plus âgé. Allons-y ! Nous ne sommes plus à une démagogie près !
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. N’oublions pas, mes chers collègues, que le Sénat est une vieille institution démocratique (Rires sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.), créée par Rome, et que sa racine latine est senex, terme désignant une personne âgée, une personne pleine de sagesse. Je rejoins donc les propos de mon ami Alain Vasselle et je ne voterai pas cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 15 decies.
(L'article 15 decies est adopté.)
Articles additionnels après l'article 15 decies
M. le président. L'amendement n° 57 rectifié bis, présenté par Mme Jourda, MM. D. Bailly et Yung, Mme Riocreux, M. Chiron, Mme Lepage, M. Patriat, Mme Conway-Mouret, M. Lalande, Mmes Tocqueville et Khiari, MM. Duran, Marie, M. Bourquin et Raoul, Mme Bataille, M. Jeansannetas, Mme Monier, M. Labazée, Mmes Schillinger et Perol-Dumont et MM. Kaltenbach, Filleul, J.C. Leroy, Mazuir, Gorce, Cornano, Manable et Carvounas, est ainsi libellé :
Après l’article 15 decies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article L. 1 du code électoral est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il est obligatoire. »
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2018.
La parole est à Mme Gisèle Jourda.
Mme Gisèle Jourda. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos 58 rectifié ter et 59 rectifié bis. Tous trois sont liés.
M. le président. J’appelle donc en discussion les amendements nos 58 rectifié ter et 59 rectifié bis.
L'amendement n° 58 rectifié ter, présenté par Mme Jourda, MM. D. Bailly et Yung, Mme Riocreux, M. Chiron, Mme Lepage, M. Patriat, Mme Conway-Mouret, M. Lalande, Mmes Tocqueville et Khiari, MM. Duran, Marie et M. Bourquin, Mme Bataille, M. Jeansannetas, Mme Monier, M. Labazée, Mmes Schillinger et Perol-Dumont et MM. Kaltenbach, Filleul, J.C. Leroy, Gorce, Cornano, Manable et Carvounas, est ainsi libellé :
Après l’article 15 decies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après la première phrase du premier alinéa de l’article 131-5-1 du code pénal, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Le stage de citoyenneté comporte également un volet sur le caractère fondamental du vote et le fonctionnement de la démocratie. »
II. – Le chapitre VII du titre Ier du livre Ier du code électoral est complété par un article L. 117-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 117-3. - La première abstention non justifiée à un tour de scrutin est sanctionnée d’un rappel à la loi.
« La deuxième abstention non justifiée est sanctionnée d’un rappel à la loi.
« La troisième abstention non justifiée est sanctionnée par l’accomplissement d’un stage de citoyenneté tel que défini à l’article 131-5-1 du code pénal.
« L’absence non justifiée au stage de citoyenneté est constitutive d’une contravention de 3e classe sanctionnée d’une amende telle que définie à l’article 131-13 du code pénal.
« Si l’abstention non justifiée se produit une cinquième fois, l’électeur est rayé des listes électorales pour dix ans. »
III. – Les dispositions du II s’appliquent à l’élection présidentielle.
IV. – Les I, II et III s’appliquent au 1er janvier 2018.
L'amendement n° 59 rectifié bis, présenté par Mme Jourda, MM. D. Bailly et Yung, Mme Riocreux, M. Chiron, Mme Conway-Mouret, M. Patriat, Mme Tocqueville, M. Lalande, Mme Khiari, MM. Duran, Marie et M. Bourquin, Mme Bataille, M. Jeansannetas, Mme Monier, M. Labazée, Mmes Schillinger et Perol-Dumont et MM. Kaltenbach, Filleul, J.C. Leroy, Mazuir, Gorce, Cornano, Manable et Carvounas, est ainsi libellé :
Après l’article 15 decies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À l’article L. 69 du code électoral, après le mot : « enveloppes », sont insérés les mots : « et des bulletins blancs ».
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2018.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Gisèle Jourda. Parce que voter est l’acte le plus citoyen qui soit, quoi de plus logique que de déposer trois amendements tendant à créer des articles additionnels à ce projet de loi si bien nommé.
Le premier amendement vise à instituer le caractère obligatoire du vote et le deuxième à instaurer une sanction innovante en cas d’abstention, notamment en développant le stage de citoyenneté. Nous voulons donner à ce stage, qui existe déjà dans notre code pénal, une dimension liée à l’apprentissage du fonctionnement de la démocratie. Notre objectif est de ramener les citoyens vers le vote, non de sanctionner financièrement et de manière systématique leur abstention, ce qui, en plus d’être profondément injuste, apparaît comme parfaitement inefficace.
Le dernier amendement, relatif au vote blanc, appelle une révision constitutionnelle nécessaire.
L’amendement n° 57 rectifié bis, que nous sommes nombreux à avoir cosigné, tend donc à rendre le vote obligatoire à compter du 1er janvier 2018, ce qui exclut les échéances électorales imminentes.
Le pouvoir, la légitimité des institutions étatiques sont sans cesse remis en cause, leurs capacités à proposer des solutions détériorées. Nombre de citoyens contestataires affichent pourtant un comportement politique paradoxal, souhaitant de plus en plus participer aux affaires politiques, mais s’abstenant lors des élections. L’abstention dramatique qui en découle éloigne chaque jour le peuple des élus, pourtant chargés de le représenter.
Allons-nous continuer à laisser ces citoyens se marginaliser ? Non ! Nous sommes convaincus que le vote obligatoire modifiera et assainira les règles du jeu politique. Grâce à l’inscription sur les listes de l’intégralité de la population en droit de participer aux élections, il permettra de mieux tenir compte de ceux qui sont aujourd'hui hors-jeu, oubliés des meetings électoraux, des rencontres sur les marchés, des réunions publiques et qui, désormais, iront voter.
L’enjeu est là, gage de liberté. Nous pensons que le vote est un droit, mais également un devoir. Il n’est pas unilatéral. Les Français auront le devoir de voter ; les candidats aux élections auront le devoir de les convaincre, du moins d’essayer.
C’est pourquoi, à l’heure où le Parlement examine ce projet de loi, nous pensons avec conviction que la partie du texte relative à la citoyenneté n’aura de sens que si elle renforce l’exercice de la démocratie, en restaurant le lien entre les citoyens et leurs représentants. Ce lien, c’est le vote.
Il y a urgence ! Ne nous dérobons plus ! Rassemblons-nous autour des valeurs de la République ! Agissons en faveur du vote obligatoire ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ces trois amendements traitent effectivement du même sujet.
Rendre le vote obligatoire, comme le prévoit l’amendement n° 57 rectifié bis, est une proposition qui mérite qu’on en débatte. Pour autant, ce projet de loi n’est pas forcément le bon véhicule pour renverser la table en matière électorale, étant précisé qu’une telle disposition a déjà été rejetée par le Sénat, en juin dernier, lors de l’examen de la proposition de loi rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales, inscription facilitée, d’ailleurs, par différentes mesures. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
L’amendement n° 58 rectifié ter, je l’avoue, me laisse perplexe. En guise de sanction, ma chère collègue, vous prévoyez une radiation des listes électorales, pendant dix ans, des personnes qui ne sont pas allées voter. C’est votre proposition pour les ramener aux urnes… (Rires sur quelques travées du groupe Les Républicains.) Je vous le dis avec beaucoup de respect, je ne suis pas certaine d’avoir bien compris et, surtout, je ne suis pas certaine que cette sanction soit la bonne. L’avis sur cet amendement est donc défavorable.
Enfin, l’amendement n° 59 rectifié bis tend à prévoir que l’État fournisse des bulletins blancs – c’est un sujet que nous avons déjà un peu évoqué. Or, je le rappelle, une enveloppe vide déposée dans l’urne est aujourd'hui considérée comme un vote blanc, et les bulletins blancs sont décomptés. Donc autant faire une économie de papier ! L’avis est également défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. J’aborderai ces trois amendements avec sérieux, et sans suffisance, car le sujet évoqué par les sénateurs Gisèle Jourda et Dominique Bailly, que je salue, est important.
Le vote obligatoire en France soulève des difficultés, tant sous l’angle des principes – j’y reviendrai – que sur un plan pratique.
Un premier obstacle, peut-être le plus important, provient de la tradition politique française, laquelle résulte de notre texte fondamental, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Son article 6 dispose que « la loi est l’expression de la volonté générale » et que « tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation ». Voter constitue donc un droit, et quiconque possède un droit possède également celui de ne pas l’exercer. Je crains donc qu’un tel amendement, en cas d’adoption, ne passe pas la barre d’une éventuelle censure du Conseil constitutionnel.
Mais beaucoup d’autres arguments peuvent être opposés au vote obligatoire. Pour ma part, je ne voudrais pas que l’on traite le grave symptôme de l’abstention, notamment chez les jeunes, par un remède qui n’aurait aucun effet sur la désaffection réelle et durable pour la participation aux élections.
S’agissant d’une éventuelle mise à disposition de bulletins blancs, il ne faut pas laisser entendre aux électeurs que, du fait d’une telle mise à disposition, les bulletins blancs seraient comptabilisés. Ces votes sont décomptés, mais non comptabilisés, et comme cela a été rappelé, il est possible de voter blanc en glissant dans l’urne une enveloppe vide.
Ma position sur l’amendement n° 58 rectifié ter sera cohérente avec ma première prise de position. Par conséquent je souhaiterais un retrait global de ces trois amendements, auxquels je suis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote sur l’amendement n° 59 rectifié bis.
M. Roland Courteau. Il faudra bien, un jour, adopter toutes les mesures nécessaires à la prise en compte des bulletins blancs parmi les suffrages exprimés.
Au contraire de l’abstentionniste, l’électeur estimant devoir exprimer son insatisfaction face aux alternatives qui lui sont proposées ou souhaitant émettre un signe de protestation en ne votant pour aucun candidat accomplit, par le vote blanc, un acte réfléchi et exprime une opinion. Ce vote n’est donc pas la marque d’un désintérêt ou d’une indifférence à la chose publique. Un tel électeur fait l’effort de se déplacer le jour du vote ; il accomplit ainsi son devoir civique et montre qu’il entend participer à la vie démocratique.
Je le répète, selon moi, cette forme de participation devrait être pleinement reconnue. J’ai d’ailleurs déposé, en 2015, une proposition de loi ordinaire afin que le vote blanc, expression de l’opinion d’un citoyen, soit comptabilisé parmi les suffrages exprimés.
J’appelle votre attention, mes chers collègues, sur le fait que cette disposition devra s’accompagner d’une autre mesure : une modification de la Constitution. En effet, imaginons un instant que, lors de l’élection présidentielle, le meilleur score obtenu au deuxième tour soit celui des bulletins blancs : l’élection serait à refaire, puisque, selon la Constitution, le Président de la République doit être élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Il faudrait donc modifier la Constitution afin de préciser que, à défaut de majorité absolue au premier tour, le second tour serait soumis à la règle de la majorité relative. C’est le sens de la proposition de loi constitutionnelle que j’ai déposée, depuis un an, environ, sur le bureau du Sénat.
Ces démarches, je le sens, semblent aujourd’hui prématurées. Mais il faudra bien, et peut-être plus rapidement qu’on ne le croit, légiférer en ce sens afin de respecter l’effort accompli par les électeurs qui votent blanc. Une telle mesure éviterait, en outre, l’abstention, ainsi que certains votes purement protestataires. Cet amendement constitue donc une première étape et, par conséquent, je le soutiens volontiers.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Il y a bien un sujet derrière ces trois amendements, qui sont régulièrement présentés à notre examen. Moi-même, j’ai posé une question écrite au ministre de l’intérieur ; j’ai reçu une réponse satisfaisante sur le plan des arguments, mais qui, bien sûr, ne l’est pas tout à fait au regard de la problématique des personnes qui votent ou qui ne votent pas.
Les sanctions proposées ici sont probablement un peu excessives, mais ces dispositions nous permettent d’évoquer un sujet important et, notamment, de prendre conscience de la nécessité de multiplier les conseils – municipaux, départementaux ou régionaux – de jeunes afin, précisément, d’initier les uns et les autres, de manière progressive, à l’acte de vote.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour explication de vote.
Mme Gisèle Jourda. Je souhaiterais dire à Mme le rapporteur, qui a directement mis en avant la sanction finale, que notre démarche repose sur une progression dans les sanctions, pour un cheminement que nous voulons pédagogique. Nous avons en effet prévu deux rappels à la loi, puis le stage citoyen, suivi éventuellement de l’amende, et ce n’est qu’au terme de l’accumulation de ces sanctions qu’intervient l’interdiction de vote pendant dix ans.
Je ne voudrais pas voir notre proposition caricaturée. Notre démarche est une démarche de réflexion ; peut-être est-elle prématurée, peut-être le véhicule n’est-il pas le bon, mais ces dispositions ont le mérite de nous avoir permis de discuter, en cette fin d’après-midi, d’un sujet qui, je le redis, revêt un caractère d’urgence.
Nous ne pourrons pas toujours différer ! À force de s’employer à ne pas trouver de solution, de reporter sans cesse la question aux calendes grecques, on se retrouve avec une abstention galopante et des citoyens qui, chaque jour un peu plus, s’éloignent des valeurs de la République.
Ainsi faut-il entendre les trois amendements que nous avons présentés. Loin de nous l’idée de donner des leçons, les solutions miracles n’existent pas, mais, à ne rien faire, on laisse les situations s’enkyster. Il est ensuite très difficile de trouver des solutions, et l’incompréhension de nos concitoyens envers nous grandit.
Je rappelle tout de même, mes chers collègues, que nous sommes tous issus du vote obligatoire, puisque les grands électeurs ont obligation de voter sous peine d’une sanction de 100 euros. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Je ne suis absolument pas partisan de rendre le vote obligatoire.
Nous avons la chance dans ce pays – c’est notre culture démocratique – d’avoir le droit de voter, et même de ne pas voter. Certes, voter est un devoir moral et civique, mais c’est à nous, responsables politiques – et ce à tous les niveaux, en particulier au plus haut niveau –, de nous reconnecter avec la population pour lui donner envie de se déplacer jusqu’aux urnes.
En revanche, je partage totalement les arguments de notre collègue Roland Courteau concernant la prise en compte du vote blanc. Cette mesure est attendue par un grand nombre de nos concitoyens ; il faudra, j’en suis convaincu, la mettre rapidement en œuvre. Mais je ne pense pas qu’une fois que nous y serons parvenus le vote blanc sera forcément majoritaire, car les campagnes électorales ne seront plus les mêmes.
À mes yeux, les prochaines campagnes ne se présentent pas vraiment bien. J’espère que le tir va être rectifié, que les discours vont évoluer et que l’on va se remettre à faire de la politique, au sens le plus noble du terme.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Notre collègue Labbé a parfaitement exprimé ce que je m’apprêtais à dire sur le vote obligatoire. Je ne pense pas que nous rapprocherons les Français de la politique en rendant le vote obligatoire. Ceux qui ne votent pas ont des raisons d’agir ainsi : ils nous en veulent ! Cherchons à comprendre pourquoi, plutôt que de les conduire de force dans les bureaux de vote, où, là, je ne sais pas très bien ce qu’ils feraient, ni quel bulletin ils utiliseraient…
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je voterai l’amendement n° 59 rectifié bis. Pour autant, je ne pense que, en cas de vote blanc majoritaire au deuxième tour d’une élection présidentielle, il faudrait refaire l’élection. Vers quoi irions-nous alors ? Aux deux tours de primaire, suivis de deux tours d’élection présidentielle, il faudrait ajouter un troisième tour pour cause de vote blanc… Ce serait, non plus de la démocratie, mais du scrutin en continu ! Mais, après tout, on a bien inventé les chaînes d’information en continu ; pourquoi pas les scrutins en continu…
Le fait de comptabiliser très clairement les votes blancs exprimés dans chacune des élections me paraît correspondre à une demande profonde d’un certain nombre de nos concitoyens, qui peuvent considérer que l’offre politique ne leur convient pas et ont, démocratiquement, le droit de le faire savoir.
J’ajouterai, s’agissant du vote obligatoire, qu’il est expérimenté dans quelques pays, sans, me semble-t-il, donner des résultats très positifs. On préfère généralement, aux radiations des listes électorales, les sanctions financières, qui fonctionneraient mieux. Mais, dans les faits, les résultats ne sont pas non plus au rendez-vous.
Pour ma part, je partage l’opinion émise par un certain nombre de nos collègues : c’est aux formations politiques, aux élus, aux candidats d’être convaincants, de remobiliser, de se remettre en question et de raviver l’intérêt des citoyens pour la vie publique. Pour le reste, laissons-leur la liberté de choisir, y compris celle de voter blanc.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale.
Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale. Mes chers collègues, nous avons encore 507 amendements à examiner ; depuis hier, nous en avons examiné 81. Sans vouloir brimer personne en termes de temps de parole, ni porter préjudice à la qualité de nos débats, je suggère que nous accélérions un peu le rythme de notre discussion.
M. le président. L'amendement n° 349 rectifié ter, présenté par Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi et MM. del Picchia et Cantegrit, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La section 4 du chapitre unique du titre Ier du livre III de la première partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L. 1311-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1311-… – Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale et les consulats de France à l’étranger mettent à la disposition du député, du sénateur ou du conseiller consulaire qui en fait la demande, dans des conditions définies par décret, un local lui permettant de rencontrer les citoyens.
« Les lieux, dates et horaires des permanences parlementaires ou des permanences des conseillers consulaires sont affichés dans chaque mairie de la circonscription électorale du député et du département où est élu le sénateur et dans chaque consulat. »
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je serai très brève, ayant entendu l’appel qui vient d’être lancé et sachant, au demeurant, le sort qui sera réservé à cet amendement. Mais je voudrais tout de même, pour une question de principe, présenter cette demande de réintroduction dans le texte de l’article 15 undecies, dont la commission a souhaité la suppression, ce que je regrette.
Les problèmes auxquels nous faisons face sont nombreux : abstention, délitement du lien entre électeurs et élus, etc. Les élus des Français de l’étranger, en particulier, sont confrontés à une réelle difficulté : la taille des circonscriptions est telle qu’il existe un vrai problème de proximité. Il est donc vraiment regrettable de ne pas leur offrir, au travers de dispositions inscrites dans la loi, la possibilité de recevoir leurs compatriotes dans les consulats, ceux-ci étant, je le rappelle, l’équivalent des mairies françaises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement tend à réintroduire un article qui avait pour objet d’obliger les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les consulats de France à l’étranger à mettre à la disposition des parlementaires des moyens pour accueillir leurs électeurs.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement à la quasi-unanimité, considérant que les sénateurs et députés ont déjà des permanences, financées à partir de l’IRFM. Il ne nous a donc pas semblé utile d’instaurer des charges supplémentaires pour les collectivités territoriales. En outre, des accords de principe peuvent déjà être passés avec les consulats pour la mise à disposition de locaux.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Je prendrai l’exemple de mes deux départements de cœur : le Nord compte onze sénateurs et vingt et un députés ; le Pas-de-Calais compte sept sénateurs et douze députés. Imaginez la difficulté que l’adoption d’une telle mesure poserait dans ces départements très peuplés.
En outre, sur le plan juridique, une telle mesure risquerait d’entraîner une rupture d’égalité entre les candidats aux élections politiques si l’avantage que constitue la mise à disposition de moyens ou de locaux lors des campagnes électorales n’était pas équivalent pour tous.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. J’ai bien entendu les arguments de la commission et du Gouvernement, mais ils ne concernent absolument pas les Français de l’étranger, bien au contraire.
Je le répète, les élus des Français de l’étranger ont des circonscriptions extrêmement vastes. L’adoption de cet amendement permettrait de leur offrir les moyens, sans aucun surcoût, de répondre à l’attente de leurs concitoyens. La circonscription d’un député, par exemple, peut couvrir quarante-neuf pays. Les sénateurs et les députés ne peuvent absolument pas louer une permanence avec leur IRFM dans chaque pays.
Les consulats pourraient permettre de renforcer le lien entre les expatriés et les élus, ce qui serait un moyen d’éviter l’abstention galopante. Sachez que beaucoup de Français de l’étranger ignorent le nom de leurs élus consulaires, parce que ces circonscriptions sont bien trop grandes.
J’aurais presque envie de rectifier mon amendement pour ne viser que les Français de l’étranger ; je sais néanmoins que le sort ne lui serait pas favorable.
M. Roger Karoutchi. Pas forcément…
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 349 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 15 undecies demeure supprimé.
Chapitre II
Accompagner les jeunes dans leur parcours vers l’autonomie
Article 16 A
(Supprimé)
Article 16
I. – (Supprimé)
II. – La section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la sixième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° L’article L. 6111-3 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
a bis) Le troisième alinéa est complété par les mots : « et garantissent à tous les jeunes l’accès à une information généraliste, objective, fiable et de qualité ayant trait à tous les aspects de leur vie quotidienne » ;
b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – La région coordonne également, de manière complémentaire avec le service public régional de l’orientation et sous réserve des missions de l’État, les initiatives des structures d’information des jeunes labellisées par l’État dans des conditions prévues par décret. Ces structures visent à garantir à tous les jeunes l’accès à une information généraliste, objective, fiable et de qualité touchant tous les domaines de leur vie quotidienne. » ;
2° L’article L. 6111-5 est ainsi modifié :
a) Le 2° devient le 3° ;
b) Le 2° est ainsi rétabli :
« 2° S’agissant des jeunes de seize ans à trente ans, de disposer d’une information sur l’accès aux droits sociaux et aux loisirs ; ».
III. – (Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 248, présenté par Mme Prunaud, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rétablir le III dans la rédaction suivante :
III. – Les politiques publiques en faveur de la jeunesse menées par l’État, les régions, les départements, les communes et les collectivités territoriales à statut particulier font l’objet d’un processus annuel de dialogue structuré entre les jeunes, les représentants de la société civile et les pouvoirs publics coordonnés au sein de la conférence territoriale de l’action publique mentionnée à l’article L. 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales. Ce débat porte notamment sur l’établissement d’orientations stratégiques et sur l’articulation et la coordination de ces stratégies entre les différents niveaux de collectivités territoriales et l’État.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Cet amendement vise à réintroduire, dans le cadre des conférences territoriales de l’action publique, la phase de concertation entre chaque échelon territorial et les associations de jeunesse.
L’organisation de ces débats, supprimée par la commission spéciale, représente un enjeu fondamental, tant pour les élus territoriaux que pour les organisations. Cet objectif de concertation est d’autant plus important qu’un nombre toujours plus élevé de Français ne croient plus en la politique – nous avons abordé ce thème précédemment – et considèrent souvent les élus comme une caste isolée des citoyens, peu en phase avec leurs aspirations. Si ce dialogue n’est certes pas la solution idéale pour le rapprochement entre citoyens et politiques, il reste à même d’y contribuer.
Par ailleurs, ces discussions constituent un atout pour les élus locaux dans la poursuite d’une politique locale dédiée, en ce qu’elles permettent la réunion en un lieu et en un temps donnés de toutes les organisations représentatives de jeunesse.
Nous ne pouvons que regretter la suppression de cette disposition, compte tenu du contexte politique difficile, dans un projet de loi fondé sur l’ambition de rénover, du moins de renforcer notre modèle citoyen. En effet, la méfiance que ressentent de plus en plus les citoyens, particulièrement les jeunes, à l’égard des élus pourrait se trouver amoindrie par la multiplication de ces dispositifs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Dans la loi NOTRe, que nous avons adoptée voilà quelque temps, nous avons prévu une conférence territoriale de l’action publique. Ne complexifions pas le dispositif. Il nous semble préférable de laisser les collectivités territoriales et l’État déterminer les instances et les modalités de dialogue. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le Gouvernement est favorable, par principe, au dialogue à tous les niveaux entre les jeunes et les pouvoirs publics. Cet amendement va dans ce sens. Toutefois, comme à l’Assemblée nationale, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée, car l’absence de définition juridique du dialogue structuré mérite, disons, plus de recherche.
M. le président. Je mets aux voix l'article 16.
(L'article 16 est adopté.)
Article 16 bis
La section 2 du chapitre II du titre unique du livre Ier de la première partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L. 1112-22-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1112-22-1. – Une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale peut créer un conseil de jeunes pour émettre un avis sur les décisions relevant notamment de la politique de jeunesse. Cette instance peut formuler des propositions d’actions.
« Elle est composée de jeunes de moins de vingt-trois ans domiciliés sur le territoire de la collectivité ou de l’établissement ou qui suivent un enseignement annuel de niveau secondaire ou post-baccalauréat dans un établissement d’enseignement situé sur ce même territoire.
« Ses modalités de fonctionnement et sa composition sont fixées par délibération de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale. »
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié quater, présenté par M. Kaltenbach, Mme Yonnet, MM. Marie, Patriat et Sutour, Mme Khiari, M. Botrel, Mmes Féret et Tocqueville, M. Courteau et Mme Bataille, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le chapitre II du titre III du livre Ier de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Le conseil régional des jeunes
« Art. L. 4132-… – Un conseil régional des jeunes est instauré dans chaque région.
« Le conseil régional des jeunes fait connaître au conseil régional ses propositions pour la jeunesse dans les domaines qui relèvent de la compétence des régions. Il formule des projets de délibérations qui sont mis à l’ordre du jour du conseil régional.
« Le conseil régional des jeunes est composé de membres tirés au sort pour deux ans sur une liste de candidats volontaires âgés de quinze à vingt-trois ans. Leur nombre correspond aux deux tiers du nombre de conseillers régionaux.
« Ses membres ne sont pas rémunérés et aucun frais lié au fonctionnement du conseil régional des jeunes ne peut être pris en charge par une personne publique.
« Un décret fixe les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Cet amendement vise à rendre obligatoire dans les treize grandes régions un conseil régional des jeunes. Composé de membres âgés de quinze à vingt-trois ans au moment de l’élection, désignés par tirage au sort parmi les candidats, son rôle consisterait à formuler des propositions sur les politiques régionales.
Pourquoi instaurer une telle instance dans le cadre des conseils régionaux ? Parce que les régions sont des collectivités importantes qui mènent, entre autres politiques, des actions directement tournées vers la jeunesse. Je pense à l’apprentissage, aux lycées, à la vie universitaire ou aux politiques en matière de transports.
L’idée est de favoriser la participation des jeunes à la vie politique. Sur toutes les travées, nous constatons en effet une désaffection très importante de la jeunesse à l’égard de la vie politique. Lors du premier tour des élections régionales, 75 % des jeunes de dix-huit à vingt-quatre ans se sont malheureusement abstenus.
Nous souhaitons tous que les jeunes s’impliquent dans la vie politique locale. En rendant obligatoire la création de ces conseils régionaux des jeunes, nous apporterons notre pierre à l’édifice. Ce ne sera pas la solution miracle, mais, ayant été vice-président de la région d’Île-de-France, qui a créé un conseil régional des jeunes, j’ai pu constater que cela avait favorisé la participation de jeunes à la vie politique régionale.
J’ai bien noté que le projet de loi comprend un dispositif visant à rappeler que les collectivités territoriales peuvent créer des conseils de jeunes. C’est en effet déjà le cas. Cette incitation est intéressante, mais il faut aller plus loin et prévoir, pour certaines grandes collectivités – les régions au travers de cet amendement et les communes de plus de 100 000 habitants dans un autre amendement –, de rendre ces conseils des jeunes obligatoires. Les jeunes doivent entendre ce message : nous souhaitons leur donner la parole, entendre leurs propositions ; nous leur faisons confiance et voulons les associer pleinement aux politiques menées par les collectivités territoriales.
Certains ont fait valoir qu’il ne fallait pas imposer une telle mesure, en opposant la libre administration des collectivités locales. Or je rappelle que nous avons oublié la libre administration des collectivités locales lorsque nous avons imposé des conseils de quartier aux communes de plus de 80 000 habitants ou des conseils de développement durable aux agglomérations de plus de 100 000 habitants. Par conséquent, sur des sujets aussi importants que la vie de quartier ou le développement durable, on a imposé aux collectivités locales la création de conseils permettant l’expression de citoyens et leur association.
M. le président. Mon cher collègue, il vous faut conclure !
M. Philippe Kaltenbach. Pour les jeunes, c’est au moins aussi important. Le Sénat s’honorerait de créer des conseils régionaux des jeunes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je ne pense pas déshonorer le Sénat en émettant un avis défavorable, d’autant que votre intervention contient déjà ma réponse : tout cela est déjà possible. Or je crois plus à la conviction et à l’adhésion qu’à l’obligation.
En outre, si cette disposition est si utile, pourquoi ne figure-t-elle pas dans la loi NOTRe ?
Enfin, cher collègue, vous ouvririez la voie à une longue liste de conseils : conseil de sages, conseil de jeunes… Au final, la démocratie participative risquerait de prendre plus d’importance que la démocratie représentative. Voilà pourquoi je dis : prudence !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Je n’opposerai pas démocratie participative et démocratie représentative, madame la rapporteur, car les deux sont complémentaires si l’on veut que nos concitoyens s’engagent dans le débat public. Je partage néanmoins votre réserve sur l’obligation imposée aux collectivités territoriales, en l’occurrence les régions, de créer des conseils des jeunes.
Ces conseils présentent une valeur éducative, car c’est le moyen de « mettre dans le coup » les jeunes – permettez-moi l’expression –, de les aider à entrer dans le débat démocratique. Notre expérience d’élu local nous montre que leur réussite repose en grande partie sur la volonté politique de celles et de ceux qui président aux destinées de ces collectivités ; leur installation et leur animation doivent s’inscrire dans une logique volontariste. Nombre de régions sont déjà engagées dans cette voie ; il convient de les encourager et non de les forcer. Créer une obligation n’est pas le souhait du Gouvernement et risquerait, je le crois, de produire des effets contraires à ce que nous visons.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Patrick Kanner, ministre. En conséquence, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Kaltenbach, l'amendement n° 3 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Philippe Kaltenbach. Oui, je le maintiens, parce qu’il faut aller plus loin que la simple incitation.
Je ne peux pas adhérer au discours que je viens d’entendre. Les conseils de quartier sont obligatoires dans les communes de plus de 80 000 habitants et les conseils de développement durable dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants. En cherchant bien, je suis sûr qu’on trouvera encore d’autres conseils dont la création a été rendue obligatoire parce que s’il s’était simplement agi de s’en remettre au volontariat l’effet n’aurait pas été le même.
Pourquoi ces conseils seraient-ils obligatoires dans certains cas mais pas pour les jeunes, qui représentent l’avenir et dont tout le monde dit qu’il est essentiel qu’ils participent à la vie locale ? En obligeant les collectivités importantes à créer des conseils des jeunes, on enverrait un message clair en direction des jeunes, pour leur témoigner notre confiance, leur dire que leur avis et leur participation sont importants pour nous.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Je voudrais donner un argument contre la généralisation de ces conseils.
De tels conseils peuvent être créés sur la base du volontariat. D’ailleurs, nombre de nos communes ont des conseils municipaux de jeunes. Mais si on les généralise, si l’on impose leur création, je crains qu’on n’affaiblisse la légitimité du conseil municipal, pour ne prendre que l’exemple de la commune.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Absolument !
M. Yves Détraigne. On laisserait à penser que le conseil municipal n’est pas représentatif de l’ensemble de la population et que les personnes âgées, les jeunes ou les chefs d’entreprise doivent donner leur avis sur les questions qui les concernent. Cette solution constituerait plus à mes yeux une remise en cause de la démocratie telle qu’elle fonctionne aujourd’hui dans notre pays qu’un encouragement.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Tout à fait !
M. Yves Détraigne. J’y suis donc tout à fait défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 691, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le mot :
vingt-trois
par le mot :
trente
La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Comme aurait pu le dire M. Longuet, la jeunesse n’est pas un bien durable… C’est pourquoi je vous propose de fixer à trente ans l’âge maximum pour participer à un conseil de jeunes, âge qui a été ramené à vingt-trois ans par la commission spéciale.
Je comprends la raison qui pousse à limiter à dix-huit ans ou à vingt-trois ans l’âge auquel on peut participer à un conseil de jeunes. Dans un monde idéal, les conseils de jeunes seraient l’espace d’attente de jeunes mineurs avant – pourquoi pas ? – de pouvoir progressivement les amener à des fonctions électives. Mais, dans le monde qui est le nôtre, accéder à de telles fonctions n’est pas aisé pour eux. Il nous revient donc d’encourager la participation des jeunes à la vie démocratique.
En outre, une limite d’âge trop basse exclurait, de fait, les expériences intéressantes menées en France de manière volontariste par diverses collectivités.
Trente ans, c’est, nous semble-t-il, la limite d’âge optimale pour participer à ces conseils. Ce n’est pas une lubie du Gouvernement : c’est le seuil retenu non seulement par l’INSEE, mais aussi par l’Union européenne pour désigner la jeunesse. Nous ne faisons donc que nous mettre en phase avec la pratique habituelle, qui tient compte du vieillissement démographique. Cela nous laisse plein d’espoir pour l’avenir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je ne pense pas qu’un conseil de jeunes soit une salle d’attente pour d’autres fonctions. Si nous avons choisi le seuil de vingt-trois ans, c’est par cohérence avec la mission éducative de ces conseils, que vous avez vous-même évoquée. Il s’agit de permettre à des jeunes qui n’ont pas le droit de vote et qui ne sont pas éligibles de pouvoir s’engager dans la vie collective.
Pourquoi fixer l’âge à vingt-trois ans ? Tout simplement parce qu’un jeune de vingt-sept ou vingt-huit ans a le droit de vote depuis longtemps et aura déjà eu l’occasion de s’engager.
Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. René Danesi, pour explication de vote.
M. René Danesi. L’article 16 bis du projet de loi d’origine prévoyait la possibilité pour les collectivités territoriales et les EPCI de créer un conseil de jeunes comprenant des représentants âgés de moins de trente ans. J’ai présenté un amendement en commission visant à abaisser cet âge à vingt-trois ans.
Cet amendement a été adopté à l’unanimité, selon le raisonnement suivant : un conseil de jeunes se justifie s’il est un espace de discussion et de concertation avec une population qui ne peut pas s’exprimer par la voie classique de l’élection. En toute logique, il s’agit des personnes âgées de moins de dix-huit ans le jour de l’élection. Au terme du mandat auquel ces jeunes n’auront pas pu accéder, ils ont alors au maximum vingt-trois ans révolus.
Aller au-delà de cet âge reviendrait à reconnaître une qualité spécifique aux jeunes qui conduirait à leur « surreprésentation ». Dans ce cas, il faudrait également prévoir un conseil des aînés obligatoire pour bénéficier de leur sagesse, de même qu’un conseil des actifs pour leurs capacités contributives, etc.
Fixer l’âge limite à vingt-trois ans vise à permettre au conseil de jeunes de représenter ceux qui ne peuvent pas encore se présenter au suffrage universel et ceux qui n’ont pas pu se présenter aux dernières élections. Le conseil de jeunes est et doit rester une école de la citoyenneté et une incitation à s’engager pour le bien commun.
Je constate que le Gouvernement persiste et signe avec un amendement qui reprend l’âge limite de trente ans avec des arguments pour le moins curieux, tels que les critères de l’INSEE. Je ne voterai donc pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Actuellement, une exposition très intéressante à Paris célèbre l’œuvre d’Hergé, ce dessinateur belge. Je rappelle que les albums de Tintin s’adressent aux jeunes de sept à soixante-dix-sept ans. Adoptons un « amendement Tintin », et tout le monde sera content ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 486, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’organe délibérant veille à ce que l’écart entre le nombre des hommes et des femmes siégeant dans ce conseil ne soit pas supérieur à un et que sa composition reflète la population visée dans sa diversité de catégories socioprofessionnelles et de lieux de résidence.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. La concrétisation par la loi de la possibilité pour les collectivités territoriales d’instaurer un conseil de jeunes est un élément appréciable. Elle laisse espérer une multiplication de ces initiatives, pour le moment encore trop rares, permettant d’impliquer davantage les jeunes dans les affaires locales et de les éduquer à la citoyenneté.
Il semble toutefois essentiel de formaliser dans la loi que ces conseils ont vocation à représenter la jeunesse dans toute sa diversité. Cet amendement a donc pour objet de prendre en compte dans leur composition les critères de la catégorie socioprofessionnelle et du lieu de résidence, qui sont de nature à permettre une représentation équitable de la jeunesse dans sa diversité. Il s’agit, par exemple, de garantir une représentation équitable aux jeunes sans activité, résidant le plus souvent en banlieue, voire en milieu périurbain ou rural. Les deux critères proposés se recoupent en effet largement.
Si l’on souhaite faire de ces conseils un levier d’accès à une citoyenneté pleine et entière, il faut s’assurer qu’ils ne soient pas l’apanage de ceux qui, résidant souvent dans les grands centres urbains, disposent du capital culturel et sont déjà sensibilisés au débat public.
Au-delà d’une exigence de représentativité, c’est aussi un impératif de cohérence qui justifie cet amendement. La politique de la jeunesse est indissociable des problématiques d’égalité des chances et d’insertion. Un conseil qui a vocation à s’exprimer en la matière doit donc représenter la population visée dans sa diversité.
Enfin, la problématique de l’égalité des sexes ne doit pas être laissée de côté, non seulement parce qu’elle est voisine de celles d’égale représentation, d’égalité des chances et d’insertion, mais aussi parce qu’elle est, légitimement, une préoccupation majeure de nos sociétés modernes. C’est pourquoi cet amendement vise également à introduire une exigence de parité dans la composition de ces conseils.
Par la diversité et la parité, cet amendement tend donc non seulement à rendre ces conseils représentatifs de la jeunesse, mais aussi à leur permettre de jouer efficacement leur rôle de levier d’accès à la citoyenneté et de conseiller des élus locaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous sommes aussi très attentifs à la parité, mon cher collègue, puisque, vous l’aurez remarqué, cet après-midi, nous étions trois femmes au banc de la commission.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Avant que je n’arrive !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. En fait, nous devrions peut-être présenter nos excuses, car nous n’avons pas tout à fait respecté la parité. (Sourires.)
Cela étant, votre amendement me gêne beaucoup. Je rappelle que ces conseils sont composés de jeunes qui sont volontaires. Imaginez les difficultés dans lesquelles vous allez mettre les collectivités si vous leur imposez des quotas. Nous sommes d’accord pour encourager les collectivités à mettre en place ces structures, mais nous préférons les laisser libres de les composer à leur souhait.
L’adoption de cet amendement aboutirait à créer des contraintes très difficiles à mettre en œuvre. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le Gouvernement est, comme vous, monsieur le sénateur, attentif à la mixité sociale et à la parité des instances de dialogue. Pour autant, une telle mesure pourrait être contre-productive. En tout cas, elle est prématurée. Il faut avant tout convaincre.
Trop de contraintes risquent de décourager les collectivités locales à mettre en place ce type de structure. Il faut d’abord expérimenter, développer les structures, sans forcer le trait.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement n’est pas favorable à votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. J’ai l’honneur d’être maire d’une ville qui a été la première, en région des Pays de la Loire, à instaurer un conseil de jeunes, plus tard élargi à d’autres tranches d’âges. Or, même en laissant la porte largement ouverte à toutes les bonnes volontés, je me suis rendu compte combien il était difficile de mobiliser les jeunes au quotidien et de les intéresser à des dossiers qui n’ont rien à voir avec ce qui les préoccupe dans leur vie culturelle, sportive et leurs choix de vie. C’est pourquoi il faut être très souple et veiller à ne pas être péremptoires en posant des règles trop strictes.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je voudrais juste dire quelques mots dans le même esprit.
Nous qui sommes les représentants des collectivités territoriales, nous rencontrons tous les jours les maires de nos départements. Or que nous demandent-ils ? Ils nous demandent de la simplicité, d’arrêter de complexifier les choses et de les embêter.
Je comprends l’esprit de cet amendement, qui vise à favoriser la mixité, mais cette mesure serait extrêmement complexe à mettre en œuvre. Si l’une des deux chambres du Parlement pouvait être assez sympathique pour laisser les maires tranquilles et arrêter de leur complexifier la vie, c’est bien la nôtre !
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Avant de retirer mon amendement, qui est un amendement d’appel, car nous devons vraiment avancer sur le sujet de la représentativité, de l’accroche des jeunes et, bien entendu, de la parité, je voudrais répondre à Mme Primas que nous, élus nationaux, avons tous été – je parle au passé pour ceux qui ne cumulent pas différents mandats – des élus locaux. Nous savons que ceux-ci ne veulent pas de contraintes, mais il faut avancer et essayer de tirer les choses vers le haut. Nous y arriverons pas à pas, comme l’a dit M. le ministre, car c’est une nécessité.
En attendant, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 486 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 277 rectifié bis, présenté par Mmes Yonnet et Bataille, M. Cornano, Mme Schillinger et MM. Filleul et Manable, est ainsi libellé :
Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 1112-22-… – Une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale peut créer un conseil des sages chargé d’émettre des avis et de formuler des propositions d’actions dans tous les domaines relevant de la compétence ou des centres d’intérêt de ladite collectivité ou dudit établissement.
« Le conseil des sages est composé de personnes ayant atteint un âge fixé par la collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération intercommunale, sans pouvoir être inférieur à cinquante-cinq ans, ayant fait acte de candidature et ayant établi l’existence d’un lien avec ladite collectivité ou ledit établissement, dont la nature est déterminée par la collectivité ou l’établissement concerné.
« Ses modalités de fonctionnement et sa composition sont fixées par délibération de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale.
« Le conseil des sages ne peut disposer d’un secrétariat administratif. Ses membres ne sont pas rémunérés et les frais de déplacement qu’ils engagent dans le cadre de leur mission ne peuvent être pris en charge par une personne publique. »
La parole est à Mme Evelyne Yonnet.
Mme Evelyne Yonnet. En cette période où la méfiance à l’égard des politiques et, plus largement, de la sphère publique grandit, je salue la volonté du Gouvernement d’engager de nombreuses actions pour pallier cette situation dramatique qui profite aux extrêmes et à l’obscurantisme.
Dans le cadre de l’examen du projet de loi Égalité et citoyenneté, il me paraît indispensable d’aborder divers outils de démocratie participative afin non seulement d’inclure le plus grand nombre de citoyens possible dans les affaires publiques, mais aussi de créer une culture commune de la participation pour tous et par tous, pour que chacune et chacun soit pleinement acteur de la vie publique. Parmi ceux-ci figure le conseil des sages.
Cet amendement vise à poser dans ce texte l’existence de conseils des sages. Il s’agit d’un outil important, d’abord pour les seniors soucieux de s’impliquer sur des sujets qui les concernent directement ou indirectement, sujets qui peuvent aller de l’aménagement du mobilier urbain aux projets intergénérationnels avec les conseils des jeunes en passant par leurs consultations, prospectives, dues à leurs expériences dans la ville où ils résident. Cet outil peut également aider à rompre certaines formes d’isolement que vivent certains seniors. En effet, nos seniors peuvent être des appuis de taille, pour la vie publique, dans l’aide à la décision ou à la transformation des villes ou des agglomérations.
Mes chers collègues, vous savez l'importance des propositions, de l’information, de tout ce qui contribue à notre réflexion dans la prise de décision. Cet amendement, et j’attire votre attention sur ce point, ne tend pas à proposer l’instauration obligatoire d’un conseil des sages pour les villes de plus de 80 000 habitants ou les agglomérations. Il se limite à créer un véritable cadre juridique pour un outil important tant pour la population que pour les élus.
M. le président. L'amendement n° 279 rectifié bis, présenté par Mmes Yonnet et Bataille, M. Cornano, Mme Schillinger et MM. Filleul et Manable, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… Après l’article L. 2143-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2143-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2143-1-… – Le conseil municipal peut créer un conseil des sages chargé d’émettre des avis et de formuler des propositions d’actions dans tous les domaines relevant de la compétence ou des centres d’intérêt de la commune. Le conseil des sages peut être associé à la mise en œuvre et à l’évaluation des actions menées par la commune.
« Le conseil des sages est composé de personnes ayant atteint un âge fixé par le conseil municipal sans pouvoir être inférieur à cinquante-cinq ans, ayant fait acte de candidature et ayant établi l’existence d’un lien avec la commune, dont la nature est déterminée par le conseil municipal.
« Ses modalités de fonctionnement et sa composition sont fixées par délibération du conseil municipal.
« Le conseil des sages ne peut disposer d’un secrétariat administratif. Ses membres ne sont pas rémunérés et les frais de déplacement qu’ils engagent dans le cadre de leur mission ne peuvent être pris en charge par une personne publique. »
… – Après l’article L. 5211-49-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 5211-49-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 5211-49-1-… – L’organe délibérant d’un établissement public de coopération intercommunale peut créer un conseil des sages intercommunal chargé d’émettre des avis et de formuler des propositions d’actions dans tous les domaines relevant de la compétence ou des centres d’intérêt dudit établissement public. Le conseil des sages intercommunal peut être associé à la mise en œuvre et à l’évaluation des actions menées par l’établissement public.
« Le conseil des sages intercommunal est composé de personnes ayant atteint un âge fixé par l’organe délibérant sans pouvoir être inférieur à cinquante-cinq ans, ayant fait acte de candidature et ayant établi l’existence d’un lien avec le territoire communautaire, dont la nature est déterminée par l’organe délibérant.
« Sous ces réserves et en s’efforçant de représenter l’ensemble du territoire communautaire, l’organe délibérant fixe la composition et les modalités de fonctionnement du conseil des sages intercommunal.
« Le conseil des sages ne peut disposer d’un secrétariat administratif. Ses membres ne sont pas rémunérés et les frais de déplacement qu’ils engagent dans le cadre de leur mission ne peuvent être pris en charge par une personne publique. »
La parole est à Mme Evelyne Yonnet.
Mme Evelyne Yonnet. Cet amendement vise à introduire les dispositions concernant les conseils des sages dans les chapitres portant sur l'information et la participation des habitants des communes et des établissements publics de coopération intercommunale.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 280 rectifié bis, présenté par Mme Yonnet, M. Marie, Mme Bataille, M. Cornano, Mme Schillinger et MM. Filleul et Manable, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 1112-22-… – Une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale peut créer un conseil des résidents étrangers chargé d’émettre des avis et de formuler des propositions d’actions dans tous les domaines relevant de la compétence ou des centres d’intérêt de ladite collectivité ou dudit établissement.
« Le conseil des résidents étrangers est composé de personnes étrangères ayant fait acte de candidature et ayant établi l’existence d’un lien avec ladite collectivité ou ledit établissement, dont la nature est déterminée par la collectivité ou l’établissement concerné.
« Ses modalités de fonctionnement et sa composition sont fixées par délibération de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale.
« Le conseil des résidents étrangers ne peut disposer d’un secrétariat administratif. Ses membres ne sont pas rémunérés et les frais de déplacement qu’ils engagent dans le cadre de leur mission ne peuvent être pris en charge par une personne publique. »
La parole est à Mme Evelyne Yonnet.
Mme Evelyne Yonnet. Cet amendement a pour objet de créer une autre instance de démocratie participative, très importante pour les villes de plus de 80 000 habitants et les grandes agglomérations, à savoir un conseil des résidents étrangers.
Dans nos villes cosmopolites, la richesse liée à la présence de résidents étrangers n’est souvent qu’économique, comme toutes les études le démontrent, ou culturelle. Elle est aussi parfois citoyenne, mais, comme pour les jeunes, pas suffisamment.
Certains parlent d’intégration, d’autres d’assimilation ; je préfère parler d’inclusion.
À l’image de ce qui existe pour les conseils de jeunes ou les conseils de sages, il me semble important de pouvoir associer à la vie publique, de manière plus importante qu’aujourd’hui, les résidents étrangers. Eu égard aux contraintes que ceux-ci rencontrent parfois tous les jours, leur regard est différent de celui des élus et des autres habitants.
Si les conseils de jeunes ont été créés, entre autres raisons, pour inciter les jeunes à s’intéresser et surtout à participer à la vie publique, parce qu’elle les concerne, il n’y a pas de raison que des volontaires étrangers intéressés par la vie de leur territoire ne disposent pas, à titre de moyen d’inclusion, de ce formidable outil de démocratie participative.
Cet amendement – j’attire une nouvelle fois votre attention sur ce point, mes chers collègues – ne vise pas à proposer l’instauration obligatoire d’un conseil des résidents étrangers dans les villes de plus de 80 000 habitants ou les agglomérations. Il se limite à créer un véritable cadre juridique pour un outil important, destiné tant aux étrangers résidents, qui ne se voient offrir que peu d’espaces pour rencontrer les élus ou collaborer avec eux, qu’aux élus eux-mêmes.
Nos résidents étrangers paient des impôts, notamment des impôts locaux ; ils ressentent le même besoin d’inclusion dans la vie politique locale que les jeunes, pour lesquels ce besoin a motivé la création des conseils de jeunes. Un tel dispositif leur permettrait d’engager un travail d’éveil à la citoyenneté.
M. le président. L'amendement n° 282 rectifié bis, présenté par Mme Yonnet, M. Marie, Mme Bataille, M. Cornano, Mme Schillinger et MM. Filleul et Manable, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – Après l’article L. 2143-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2143-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2143-1-… – Le conseil municipal peut créer un conseil des résidents étrangers chargé d’émettre des avis et de formuler des propositions d’actions dans tous les domaines relevant de la compétence ou des centres d’intérêt de la commune. Le conseil des résidents étrangers peut être associé à la mise en œuvre et à l’évaluation des actions menées par la commune.
« Le conseil des résidents étrangers est composé de personnes ayant fait acte de candidature et ayant établi l’existence d’un lien avec la commune, dont la nature est déterminée par le conseil municipal.
« Ses modalités de fonctionnement et sa composition sont fixées par délibération du conseil municipal.
« Le conseil des résidents étrangers ne peut disposer d’un secrétariat administratif. Ses membres ne sont pas rémunérés et les frais de déplacement qu’ils engagent dans le cadre de leur mission ne peuvent être pris en charge par une personne publique. »
… – Après l’article L. 5211-49-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 5211-49-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 5211-49-1-… – L’organe délibérant d’un établissement public de coopération intercommunale peut créer un conseil des résidents étrangers intercommunal chargé d’émettre des avis et de formuler des propositions d’actions dans tous les domaines relevant de la compétence ou des centres d’intérêt dudit établissement public. Le conseil des résidents étrangers intercommunal peut être associé à la mise en œuvre et à l’évaluation des actions menées par l’établissement public.
« Le conseil des sages intercommunal est composé de personnes ayant fait acte de candidature et ayant établi l’existence d’un lien avec le territoire communautaire, dont la nature est déterminée par l’organe délibérant.
« Sous ces réserves et en s’efforçant de représenter l’ensemble du territoire communautaire, l’organe délibérant fixe la composition et les modalités de fonctionnement du conseil des résidents étrangers intercommunal.
« Le conseil des résidents étrangers ne peut disposer d’un secrétariat administratif. Ses membres ne sont pas rémunérés et les frais de déplacement qu’ils engagent dans le cadre de leur mission ne peuvent être pris en charge par une personne publique. »
La parole est à Mme Evelyne Yonnet.
Mme Evelyne Yonnet. Cet amendement a également pour objet la mise en place d’un conseil citoyen des résidents étrangers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Dans la même logique que précédemment, nous préférons encourager plutôt qu’imposer. En effet, la mise en place de tels conseils est déjà possible. Nous considérons en outre que les sages sont largement représentés dans les instances locales. La commission a donc émis un avis défavorable sur les amendements nos 277 rectifié bis et 279 rectifié bis.
La commission a également émis un avis défavorable sur l’amendement n° 280 rectifié bis, relatif à la création de conseils des résidents étrangers. Nous trouvons son principe un peu contestable, car les citoyens des États membres de l’Union européenne ont la faculté de voter et de se présenter aux élections locales. Nous finirons, comme je le disais, par être confrontés à des risques de concurrence entre tous nos conseils.
Enfin, s’agissant de l’amendement n° 282 rectifié bis, dont l’objet est de viser les communes et les EPCI, la commission a émis un avis défavorable. Cela n’enlève rien à l’intérêt de cet objet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Au sujet de l’intérêt de l’objet de ces amendements, je voudrais rassurer Mme Yonnet en lui confirmant que l’article L. 2143-2 du code général des collectivités territoriales prévoit déjà qu’un conseil municipal peut créer des comités consultatifs sur toute une série de questions. Moi-même, en tant qu’ancien adjoint au maire de Lille, j’ai créé un conseil des sages au sein de la ville de Lille, qui dispose également d’un conseil des résidents étrangers.
Par ailleurs, je vous rappelle, madame la sénatrice, que la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a créé les conseils de quartier dans les villes de plus de 80 000 habitants et que la loi du 21 février 2014 a créé les conseils citoyens dans les 1 500 quartiers prioritaires de la politique de la ville. Nous disposons donc d’outils efficaces de représentation, qui sont autant d’espaces de dialogue, répondant à cette volonté que nous partageons d’associer les habitants aux décisions et aux questions d’intérêt local.
Force est cependant de souligner que nous examinons un texte dont l’objet est la jeunesse ; sans nier les difficultés de représentation subies par telle ou telle partie de la population, nous estimons que d’autres supports législatifs seraient plus appropriés pour que votre requête soit prise en considération.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Monsieur le ministre, vous avez émis un jugement, mais je n’ai pas bien compris si vous étiez favorable ou défavorable…
M. Patrick Kanner, ministre. Il me semble bien, monsieur le président de la commission, avoir émis un avis défavorable.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Peut-être le ton n’y était-il pas, ou peut-être me suis-je laissé prendre au jeu de votre verbe…
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Au moins les choses sont-elles très claires : M. le ministre est défavorable. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 277 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour explication de vote sur l’amendement n° 279 rectifié bis.
Mme Evelyne Yonnet. J’ai bien entendu tout ce qui s’est dit autour de ces amendements – je le pressentais, puisque nous en avions déjà discuté en commission.
Pour moi, ces amendements ne sont pas superflus. Je comprends bien que leur objet ne peut entrer dans le cadre de ce projet de loi et devrait plutôt être traité au sein d’un autre texte. Mais je rappelle que, dans le droit français, il n’a pas fallu attendre l’ajout constitutionnel de la laïcité en 2008 pour que celle-ci existe, la loi s’appliquait déjà depuis 2005, mais il était très symbolique de l’inscrire dans le droit français au niveau le plus élevé.
Je pense donc que toutes les initiatives qui vont dans le bon sens et qui ont fait leur preuve au bénéfice de la citoyenneté méritent d’être encadrées a minima. Tel était le sens de ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 279 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 280 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 282 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 16 bis.
(L'article 16 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 16 bis
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié quater, présenté par M. Kaltenbach, Mme Yonnet, MM. Marie, Patriat et Sutour, Mme Khiari, M. Botrel, Mmes Féret et Tocqueville, M. Raoul, Mme Bataille et M. Courteau, est ainsi libellé :
Après l’article 16 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complété par une section 8 ainsi rédigée :
« Section 8
« Le conseil municipal des jeunes
« Art. L. 2121-… – Un conseil municipal des jeunes est institué dans chaque commune de plus de 100 000 habitants.
« Le conseil municipal des jeunes fait connaître au conseil municipal ses propositions pour la jeunesse dans les domaines qui relèvent de la compétence des communes. Il formule des projets de délibérations qui sont mis à l’ordre du jour du conseil municipal.
« Le conseil municipal des jeunes est composé de membres tirés au sort pour deux ans sur une liste de candidats volontaires âgés de quinze à vingt-trois ans. Leur nombre correspond au tiers du nombre de conseillers municipaux.
« Ses membres ne sont pas rémunérés et aucun frais lié au fonctionnement du conseil régional des jeunes ne peut être pris en charge par une personne publique.
« Un décret fixe les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Cet amendement vient compléter celui qui a été rejeté par la Haute Assemblée il y a quelques minutes ; je ne me fais donc pas trop d’illusions. Il visait à rendre obligatoire la création d’un conseil municipal des jeunes, parallèlement au conseil régional des jeunes, dans les villes de plus de 100 000 habitants.
Inciter, c’est bien ; obliger, dans les grandes collectivités, afin de lancer le mouvement et d’engager une démarche exemplaire, c’est mieux ! Je considérais que cela devait permettre d’envoyer un message fort à destination de notre jeunesse, laquelle, bien entendu, est à l’écoute de toutes les belles déclarations, mais aimerait également qu’elles soient suivies d’actes.
J’ai eu l’occasion de rencontrer un certain nombre d’associations de jeunes ; j’ai donc pu constater que les jeunes sont véritablement très motivés à l’idée que nous rendions rapidement obligatoires la création de ces conseils de jeunes dans les grandes collectivités.
Je dois dire que j’attends toujours la réponse à ma question : pourquoi la création de conseils de quartier est-elle obligatoire ? Sans doute considère-t-on que la vie de quartier est très importante. Très bien, j’y suis favorable ! Mais pourquoi, s’agissant des jeunes, on se contente d’un simple rappel de dispositions existantes, qui ont d’ailleurs déjà, par le passé, permis la création de conseils des jeunes dans de nombreuses collectivités ?
Sur certains sujets, les conseils de quartier, les conseils de développement durable, nous rendons les choses obligatoires ; pourquoi, au sujet des jeunes, cette même exigence ne s’applique-t-elle pas ? Pourquoi ne faisons-nous pas davantage confiance à notre jeunesse ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je tiens à dire que je trouve l’intention louable. Permettez-moi, chers collègues, une référence personnelle : dans ma commune existent à la fois un conseil de jeunes et un conseil de sages. Ne vous méprenez donc pas sur mon propos !
Quoi qu’il en soit, mon cher collègue, j’ai noté avec intérêt que vous aviez employé l’imparfait pour présenter votre amendement. Vous aviez donc sans doute deviné que l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. L’avis du Gouvernement est le même que sur l’amendement visant à créer des conseils régionaux des jeunes.
Je rappelle à M. Kaltenbach que rien n’empêche des jeunes d’être partie prenante d’un conseil de quartier. Ils peuvent se porter candidats et y être associés. Je ne vous cache pas d’ailleurs – je le dis en prenant ma casquette de ministre de la ville – que je suis parfois étonné du peu d’entrain des jeunes à intégrer les conseils citoyens dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, lesquels sont caractérisés par une moyenne d’âge, disons-le, assez élevée.
Nous faisons donc nôtre votre interrogation, monsieur le sénateur. À cet égard, je ne suis pas certain que l’obligation soit la meilleure des réponses : nous risquons très certainement de n’attirer que des jeunes non pas, certes, professionnels, mais engagés, y compris dans des partis politiques, et qui bloqueraient peut-être l’expression démocratique de jeunes venus d’horizons plus larges.
Encourageons le volontariat ! J’ai le sentiment que l’absence d’un conseil de jeunes n’est pas nécessairement, pour une ville, le signe d’une très belle dynamique – cela peut être une forme d’encouragement.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. À trop vouloir normer les choses, on les fait entrer dans une boîte unique, et on contraint tout le monde à faire de la même manière !
Dans la réalité, les communes de France sont toutes créatives, et chacun, dans sa commune, fait comme il l’entend, en créant qui des conférences de sages, qui un conseil des jeunes, qui un conseil économique, social et environnemental local, qui un office des relations internationales, qui un office de la culture. Chacun peut faire ce qu’il veut sur son territoire, et ces expériences sont autant de richesses qui nous permettent de mesurer ce qui est le plus déterminant et le plus efficace.
Pourquoi faudrait-il absolument créer une sorte de rail que tout le monde devrait suivre ? Je trouve ça dommage ; cela revient à brider la créativité et les spécificités locales, et, en définitive, à freiner le goût de l’initiative en quoi doit aussi consister le mandat d’élu local, en particulier celui de maire.
Après tout, les électeurs peuvent choisir, départager les programmes que nous leur soumettons, soit qu’ils considèrent que nous allons dans la bonne direction en créant des outils consultatifs les plus larges possibles, soit, au contraire, qu’ils jugent que ce n’est pas utile.
Mais laissons à notre vie locale le loisir de s’exprimer, d’exister, de créer ce qui lui paraît utile ! Je rejoins, à cet égard, ce qu’a dit M. le ministre sur la question de la mobilisation des jeunes : pour en avoir fait l’expérience depuis un certain nombre d’années, je peux vous assurer que les choses ne sont pas aussi simples que certains le laissent entendre. Les jeunes ne revendiquent pas nécessairement la création de conseils en bonne et due forme.
Dans ma collectivité, les jeunes ont créé une sorte de club virtuel ; ils communiquent et réfléchissent entre eux par le biais des outils d’aujourd’hui, qui sont des outils virtuels, sur des bases qui ne sont plus forcément celles d’une réunion autour d’une table : ils utilisent d’autres moyens, désormais, pour communiquer avec les élus que nous sommes.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 16 ter
Après les mots : « de l’environnement », la fin de la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 4134-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigée : « , des personnalités qualifiées, choisies en raison de leur compétence en matière d’environnement et de développement durable, et des représentants d’associations de jeunesse et d’éducation populaire ayant fait l’objet d’un agrément par le ministre chargé de la jeunesse. »
M. le président. L'amendement n° 423, présenté par Mme D. Gillot, MM. Magner et Guillaume, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur, Vandierendonck et Vaugrenard, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par les mots :
dont l’instance dirigeante est composée de membres dont la moyenne d’âge est inférieure à 30 ans pour au moins la moitié d’entre eux
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. L’article 16 ter, introduit dans le texte par l’Assemblée nationale, assure la représentation des jeunes et des organisations œuvrant au sein des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, les CESER.
L’Assemblée nationale, en limitant l’accès aux CESER, excluait de fait de nombreuses associations de jeunesse et d’éducation populaire qui accomplissent, sur leur territoire, un travail important à destination des jeunes. Ces organisations ont développé une expertise tirée de leur action quotidienne sur le terrain, dont la plus-value pour les débats du CESER n’est plus à démontrer.
La commission spéciale du Sénat, en supprimant la référence à la moyenne d’âge des instances dirigeantes des organisations de jeunesse, exclut la représentation des jeunes par des jeunes au sein du CESER.
Mon amendement vise à trouver un compromis entre la position de l’Assemblée nationale et celle de la commission spéciale. En effet, alors qu’une circulaire prévoit déjà d’assurer une représentation effective des jeunes dans les CESER, vingt conseillers seulement avaient moins de trente ans dans les vingt-sept CESER issus du renouvellement de 2013, soit moins d’un par ancienne région.
Le CESE, le Conseil économique, social et environnemental, quant à lui, dispose d’un groupe des organisations étudiantes et mouvements de jeunesse, qui a produit des avis importants et reconnus depuis sa création.
Le débat ne doit donc pas être de savoir qui des organisations de jeunes ou des associations de jeunesse sont les plus qualifiées pour faire vivre les CESER. Les deux le sont ! C’est la loi qui doit garantir leur juste représentation au sein de ces chambres territoriales.
Tel est l’objectif des auteurs de cet amendement, qui vise à fixer une limite d’âge à trente ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ma chère collègue, je vous sais gré d’avoir retravaillé votre amendement pour trouver une voie de compromis. Toutefois, le maintien de la condition liée à l’âge des membres de l’instance dirigeante de l’association, même réduite à la moitié de ses membres, ne me semble ni légitime ni utile, et je crains que son application ne soit difficile. En effet, le renouvellement des instances dirigeantes d’une association peut être annuel – il l’est très souvent –, alors que les mandats des représentants nommés pour siéger au CESER durent six ans.
Compte tenu de cette précision et de la complexité qui entourerait la mise en œuvre de votre amendement, je vous prie de bien vouloir le retirer. À défaut, je serai contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement présenté par Mme Gillot, car il vise à rétablir partiellement une disposition que les députés avaient adoptée afin de s’assurer que les représentants d’associations de jeunesse et d’éducation populaire soient des jeunes de moins de trente ans.
Je constate que la participation au CESER des associations de jeunesse et d’ « éduc pop », comme l’on dit, ne fait pas débat, et je m’en réjouis. La question de les adjoindre aux associations agissant dans le domaine de l’environnement et du développement durable peut se poser.
En revanche, et en cohérence avec ce qui a toujours été la position du Gouvernement, nous sommes attachés à ce que des jeunes investissent effectivement les CESER. Nous souhaitons ouvrir aux jeunes toutes les portes qu’il leur sera possible de pousser. Celle des CESER, pour l’instant – chacun peut le constater –, n’est qu’entrouverte par la rédaction retenue par la commission spéciale du Sénat. Je suis donc favorable à ce que nous allions plus loin pour reconnaître ce poids des jeunes. Cela répond d’ailleurs aussi en partie à la préoccupation de M. Kaltenbach, qui proposait d’utiliser les CESER comme un bon moyen de mobilisation de la jeunesse française.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.
Mme Dominique Gillot. Tout en remerciant M. le ministre pour l’avis favorable qu’il a émis, je voudrais m’adresser à Mme la rapporteur.
Ce n’est pas parce que c’est difficile qu’il ne faut pas tâcher d’y parvenir ! Nous sommes bien placées pour le savoir, nous qui sommes des femmes élues : si aucun objectif de parité, d’égalité de représentation, n’était fixé par la loi, je pense que nous serions toujours, à l’heure qu’il est, réduites à la portion congrue. C’est compliqué, parfois, y compris dans une assemblée comme le Sénat, dont les sièges sont renouvelables par moitié ! Mais je pense que des objectifs ambitieux doivent être défendus.
Celui que je défends, soutenue par l’avis favorable de M. le ministre, me semble tout à fait raisonnable et accessible, propre à faire avancer la bonne représentation des jeunes – nous fixons la limite à trente ans – qui s’investissent dans les instances chargées de débattre des sujets qui les concernent.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Dans le droit fil des observations qui ont été faites, je ferai remarquer que si nous commençons à assurer une représentation par strate d’âge et par catégorie socioprofessionnelle de l’ensemble de la population, franchement, nous n’y arriverons pas !
J’ajoute qu’aujourd’hui les CESER sont installés au centre des nouvelles régions : il faut parcourir un grand nombre de kilomètres pour participer à leurs réunions. Je ne suis pas certain que la population concernée par cet amendement soit en mesure d’assumer de telles responsabilités, qui représentent un coût en temps extrêmement important.
Il s’agit une nouvelle fois d’une proposition dont les limites sont patentes au premier coup d’œil et qui ne pourra absolument pas être appliquée.
M. le président. Je mets aux voix l'article 16 ter, modifié.
(L'article 16 ter est adopté.)
Article 16 quater
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 249, présenté par Mme Prunaud, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 4134-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La composition des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux tend à refléter la population du territoire régional, telle qu’issue du dernier recensement, dans ses différentes classes d’âge. »
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Nous ne pouvons que nous interroger sur la suppression de cet article. Dans un temps où chacune et chacun d’entre nous approuvent un renouvellement, notamment générationnel, des élus et représentants politiques – nous en avons déjà parlé longuement –, la commission spéciale a choisi de supprimer une mesure allant pourtant en ce sens.
Certes, les CESER ne sont pas des structures délibérantes ; elles ont toutefois vocation à être représentatives de la population. Or c’est là que le bât blesse ! Aujourd’hui, les femmes ne représentent que 15 % des membres des CESER – je rejoins ce qu’a dit Mme Gillot –, la moyenne d’âge étant de soixante-deux ans ; autant dire que nous sommes très loin d’une représentation équilibrée de la population.
La mesure que nous proposons, qui consiste à réintroduire l’article dans le projet de loi, loin de suffire, constituerait un premier pas. Notre préférence irait à une véritable prise de conscience du besoin de représentativité ; mais, en complément d’une telle prise de conscience, le fait d’imposer une représentativité stricte devrait permettre à la fois de pallier l’urgence de la situation et de démontrer l’efficacité d’une telle ambition.
En un temps sociétal où certaines et certains, toujours plus nombreux, remettent en cause notre modèle représentatif, tous les dispositifs permettant de le renforcer et d’y inclure toutes les catégories de la population sont bons à prendre. Tel est le sens de cet amendement : remettre au cœur du système le principe de représentativité de la population dans les instances. Les CESER, par leur expertise et l’écoute qu’on leur apporte au quotidien, sont des outils essentiels de notre démocratie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il me semble impossible que nous exigions des CESER qu’ils constituent une photographie des résultats du recensement. Une telle exigence serait difficile à mettre en œuvre et reviendrait à instaurer des quotas fondés sur l’âge, dont l’intérêt et la constitutionnalité me paraissent discutables.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur l’amendement suivant, l’amendement n° 487.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le Gouvernement partage l’avis selon lequel les CESER doivent représenter la diversité de la population de la région concernée. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons été favorables à l’amendement n° 423 visant à introduire un critère d’âge et qui, à ma grande satisfaction, a été adopté par la Haute Assemblée.
Néanmoins, imposer des critères relatifs à la distribution de la population par catégorie socioprofessionnelle ou par lieu de résidence me paraît très contraignant. Je comprends la philosophie qui sous-tend votre démarche, madame la sénatrice, mais je suis très perplexe, en pratique, quant à son applicabilité. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. Madame Prunaud, l'amendement n° 249 est-il maintenu ?
Mme Christine Prunaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 249 est retiré.
L'amendement n° 487, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 4134-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La composition des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux tend à refléter la population du territoire régional, telle qu’issue du dernier recensement, dans ses différentes classes d’âge, dans sa diversité de catégories socioprofessionnelles et de lieux de résidence. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. J’ai entendu les arguments en faveur de la mesure que nous proposons. J’ai également entendu les contre-arguments. Pour notre part, nous allons encore plus loin : nous demandons qu’on tienne compte des catégories socioprofessionnelles et des lieux de résidence. Il ne s’agit peut-être que d’un amendement d’appel, mais c’est un appel qui vise à limiter les effets de toutes les fractures qui existent dans notre société et qui continuent de se creuser.
Dans beaucoup d’assemblées, nous constatons que la pensée est de plus en plus tournée vers les zones urbaines. Les ruraux se sentent de moins en moins bien représentés. Certes, au Sénat, ils le sont particulièrement bien. Nous n’allons pas nous en plaindre… Mais tout ça est une question d’équilibre !
Nos collègues du groupe CRC ayant retiré leur amendement et, dans la mesure où nous allons encore plus loin, nous retirons également le nôtre.
M. le président. L’amendement n° 487 est retiré.
En conséquence, l’article 16 quater demeure supprimé.
Article 16 quinquies
Le premier alinéa du II de l’article L. 5211-10-1 du code général des collectivités territoriales est complété par les mots : « , de telle sorte que l’écart entre le nombre des hommes et des femmes ne soit pas supérieur à un. »
M. le président. L'amendement n° 488, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots :
et afin de refléter la population du territoire concerné, telle qu’issue du dernier recensement, dans ses différentes classes d’âge, dans sa diversité de catégories socioprofessionnelles et de lieux de résidence.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Dans la même logique que les deux amendements que j’ai précédemment défendus, nous voulons rétablir l’exigence que les conseils de développement représentent la diversité générationnelle du territoire, ce qui a été supprimé par la commission spéciale du Sénat. Nous voulons également ajouter, là encore, l’exigence de diversité en matière de catégories socioprofessionnelles et de lieux de résidence.
Dans la continuité de ce que nous avons proposé au sujet du CESER, cet amendement vise à garantir la recherche d’une réelle diversité, fondée sur les critères déjà évoqués, dans la nomination des représentants des différents domaines visés par la loi, sans pour autant remettre en cause l’économie générale de la désignation de l’instance.
Ici aussi, les sujets sur lesquels ces conseils ont vocation à s’exprimer justifient que leur composition reflète dans toute sa diversité la population de l’établissement public à fiscalité propre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Je me permets de rappeler – puisqu’il est question dans cet amendement d’un reflet de la population telle qu’issue du dernier recensement – que le recensement ne fonctionne plus comme autrefois : une année précise, on avait une photographie de l’ensemble de la population française. Le recensement est désormais glissant. Il est donc effectué en permanence.
Ma remarque est destinée aux auteurs éventuels de toute initiative qui viserait le « dernier recensement » : jamais vous ne disposerez d’une photographie figée de la population sur l’ensemble du territoire.
Mme Françoise Laborde. C’est vrai !
M. le président. Je mets aux voix l'article 16 quinquies.
(L'article 16 quinquies est adopté.)
Article 16 sexies
(Supprimé)
Article 16 septies
(Supprimé)
Article 16 octies A
(Supprimé)
5
Nomination des membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées, et je proclame Mme Marie-France Beaufils, MM. Vincent Capo-Canellas, Pierre Charon, Éric Doligé, André Gattolin, Charles Guené, Bernard Lalande, Gérard Miquel, Claude Raynal, Jean-Claude Requier et Michel Vaspart membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne.
6
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-966 du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en œuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions relatives aux produits de santé, déposé ce jour sur le bureau du Sénat.
7
Dépôt d’un document
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre l’avenant n° 1 à la convention du 23 juin 2014 entre l’État et l’Agence nationale de la recherche relative au programme d’investissements d’avenir, action « IDEX/I-SITE ».
Acte est donné du dépôt de ce document.
Il a été transmis à la commission des finances, ainsi qu’à celles des affaires économiques et de la culture.
8
Décisions du Conseil constitutionnel sur quatre questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 5 octobre 2016, quatre décisions relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :
- L’extinction des créances pour défaut de déclaration dans les délais en cas d’acceptation de la succession à concurrence de l’actif net (n° 2016-574/575/576/577/578 QPC) ;
- Le renvoi à un accord collectif pour la détermination des critères de représentation syndicale (n° 2016-579 QPC) ;
- L’expulsion en urgence absolue (n° 2016-580 QPC) ;
- L’obligation de relogement des occupants d’immeubles affectés par une opération d’aménagement (n° 2016-581 QPC).
Acte est donné de ces communications.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures.)
M. le président. La séance est reprise.
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Candidatures à un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs appelés à siéger au sein du Conseil supérieur de l’éducation routière.
La commission des lois a proposé les candidatures de M. Yves Détraigne, en tant que titulaire, et de Mme Cécile Cukierman, en tant que suppléante.
Ces candidatures ont été publiées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
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Organisme extraparlementaire
M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de la mutualité.
La commission des affaires sociales a été invitée à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
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Égalité et citoyenneté
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’égalité et à la citoyenneté.
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.
Article 16 octies
L’article 12 de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « national de la jeunesse » sont remplacés par les mots : « d’orientation pour les politiques de jeunesse, chargé de proposer les politiques à mettre en œuvre pour l’ensemble des jeunes » ;
2° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il est consulté sur les projets de loi concernant, à titre principal, la jeunesse. » ;
3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce conseil peut décider de la création de formations spécialisées en son sein. » ;
4° Le troisième alinéa est complété par les mots : « , du Conseil économique, social et environnemental, de conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux ainsi que des organismes intéressés par les politiques en faveur de la jeunesse ».
M. le président. L'amendement n° 713, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
de conseils
par les mots :
des conseils
La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 16 octies, modifié.
(L'article 16 octies est adopté.)
Article 16 nonies
L’article 6 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine est complété par un V ainsi rédigé :
« V. – Les contrats de ville conclus à partir du 1er janvier 2017 définissent des actions stratégiques dans le domaine de la jeunesse. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 16 nonies
M. le président. L'amendement n° 315, présenté par Mme Bouchoux et MM. Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :
Après l’article 16 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans toutes les dispositions législatives où l’exercice d’un droit civil est subordonné à une condition d’âge de dix-huit ans, le mot : « dix-huit » est remplacé par le mot : « seize ».
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Le projet de loi Égalité et citoyenneté vise, comme son nom l’indique, à faire en sorte que chaque individu puisse trouver ou retrouver sa place de citoyen ou de citoyenne.
Le présent amendement s’adresse aux plus jeunes. La notion de citoyenneté ne doit pas être abstraite ; il faut qu’elle soit bien réelle, et ce dès seize ans. Pour nous, à partir de seize ans, les jeunes sont tout à fait aptes à exercer les droits civils aujourd’hui accordés à partir de dix-huit ans.
Une telle mesure s’inscrit également dans la volonté d’autonomisation des jeunes, de plus en plus prégnante. La société évolue à grands pas, et la jeunesse avec. De plus en plus matures, les jeunes se sont adaptés au rôle plus important qui leur est conféré, aux choix qu’ils doivent formuler, aux responsabilités qui leur reviennent. Une partie d’entre eux revendique ainsi l’exercice de droits aujourd’hui réduits par la nécessité de l’accord des parents. Si l’autorisation parentale n’est qu’une formalité pour certains, elle bloque l’action pour d’autres.
Accorder les droits civils à partir de seize ans permettrait aux jeunes de seize ans et de dix-sept ans de se positionner en acteurs plutôt qu’en observateurs d’une situation pouvant parfois leur paraître abstraite et hors d’atteinte. Cela leur permettra de devenir pleinement citoyens, et ce dès le lycée ou l’apprentissage pour ceux qui sont concernés.
Cette mesure va dans le même sens que l’amendement tendant à abaisser le droit de vote à seize ans. Selon nous, les jeunes sont aujourd’hui en mesure d’agir et de faire. Nous proposons de les laisser prendre des initiatives en leur ouvrant le champ des possibles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mon cher collègue, je vous félicite de votre franchise. Plusieurs amendements tendant à établir la majorité à seize ans ont été déposés sur ce projet de loi, mais par petites touches, et non de la manière dont vous le faites. Toutefois, vous comprendrez que je fasse preuve de cohérence. L’adoption de cet amendement modifierait en effet considérablement notre droit civil. Or tel n’est pas l’objet de ce texte. L’avis de la commission est donc défavorable.
Vous avez aussi soulevé la question de la majorité pénale. C’est un vrai sujet. Des protections spécifiques doivent être prévues pour les jeunes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. J’ai un avis très proche de celui de Mme la rapporteur.
L’adoption de cet amendement, qui a déjà été rejeté en commission, poserait un problème juridique. Certes, M. Labbé a démontré ce soir l’esprit de progrès qui l’anime, et je l’en félicite.
Il me paraît très délicat de modifier toutes les dispositions législatives relatives à la majorité civile en une seule phrase. Vous en conviendrez, monsieur le sénateur, la coordination des majorités civile, pénale, électorale, successorale, ainsi que les questions relatives au droit des étrangers, au droit des conflits armés, à l’articulation avec les conventions internationales, nécessite une étude préalable et, surtout, un débat approfondi au Parlement, sur un sujet sans doute plus large que l’objet du présent projet de loi. Bien entendu, la Haute Assemblée a toute légitimité pour débattre d’un tel sujet.
Pour ma part, j’ai une autre approche, plus pragmatique. Comme vous l’avez vu, je suis favorable à l’ouverture d’une série de droits aux mineurs de seize ans et plus. Je pense notamment aux questions liées à l’émancipation ou au droit à la publication, même si le Gouvernement et ses soutiens ont été mis en minorité au sein de cet hémicycle.
Je terminerai sur un argument auquel vous serez peut-être sensible. En cas d’adoption de votre amendement, il deviendrait difficile de s’opposer à l’abaissement de la majorité pénale à seize ans. Or je suis certain que vous êtes, comme moi, très attaché à la spécificité de la justice des mineurs, à laquelle Mme la rapporteur a fait référence.
Pour toutes ces raisons, je souhaiterais le retrait de cet amendement ; faute de quoi, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 315 est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir salué l’esprit progressiste qui anime nos propositions.
J’ai bien entendu votre argument sur la justice des mineurs. J’y suis sensible, comme vous toutes et tous ici. Néanmoins, nous devons réfléchir pour avancer.
Permettez-moi de vous faire part d’une anecdote. À la pause, je suis allé au bistrot du coin. (Exclamations amusées sur diverses travées.) J’aime bien les bistrots ; les gens y parlent facilement. Je discutais des vacances avec une personne derrière le bar. À un moment, il me dit : « La France, c’est quand même un beau pays, mais elle est en train de tomber en ruines ! » Interloqué, je lui ai demandé pourquoi. Il m’a répondu : « Tout le monde déprime ! » Je lui ai rétorqué : « Mais si tout le monde continue à déprimer, c’est sûr que notre pays va tomber en ruines ! »
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Joël Labbé. Il est temps d’être lucide et de regarder les choses en face. La France est un beau pays. Nous avons beaucoup de richesses, non seulement des richesses palpables, mais aussi des richesses en matière culturelle, voire spirituelle ! C’est important de le souligner.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Joël Labbé. Monsieur Kanner, vous qui êtes ministre de la jeunesse et des sports, vous le savez, notre pays doit regarder différemment sa jeunesse. La France s’honorera de reconnaître – je vous fais confiance pour cela – que nos jeunes ont une parole et qu’il faut l’entendre !
Nos jeunes ont besoin que le monde des adultes regarde vers l’avenir et arrête de se prendre la tête dans des querelles politiciennes de bas étage. Affirmons que, si la situation de la planète est grave, nous avons un projet magnifique pour eux, qui ont besoin de se projeter dans l’avenir : faire en sorte que les choses aillent dans le bon sens ! Quand on leur tient ce discours, les jeunes ne s’en désintéressent pas. On entend souvent dire que les jeunes s’en foutent. Au contraire ! Ces sujets sont au cœur de leurs préoccupations ! Simplement, ils ont besoin de se projeter dans l’avenir. Notre devoir, c’est de leur permettre de le faire.
Quoi qu’il en soit, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 315 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 87 est présenté par M. Courteau.
L'amendement n° 314 est présenté par Mme Bouchoux et MM. Gattolin et Labbé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 16 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 2 du code électoral, le mot : « dix-huit » est remplacé par le mot : « seize ».
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 87.
M. Roland Courteau. Cet amendement vise à abaisser l’âge du droit de vote de dix-huit à seize ans. Chacun l’aura compris, il s’agit d’un amendement d’appel, pour susciter le débat. Une telle proposition est défendue par des élus, mais aussi par un certain nombre de jeunes.
Les expériences de nos voisins européens ont montré que le fait d’accorder le droit de vote à seize ans faisait diminuer l’abstention. À cet âge, les jeunes sont encore dans un cadre stable, et ils se sentent valorisés par une telle reconnaissance de leur opinion.
Les jeunes Français de seize ou dix-sept ans ont une plus grande probabilité d’aller voter que ceux de dix-huit ans. En effet, vivant chez leurs parents, ils baignent dans un environnement où le vote est, en principe, connoté positivement.
Le droit de vote à seize ans ou dix-sept ans a été mis en place avec succès en Autriche, au Brésil, en Argentine et dans plusieurs länder allemands. Les jeunes de cet âge ont aussi été invités à participer au référendum sur l’indépendance de l’Écosse de 2014, et avec succès, puisque 80 % des jeunes de seize à dix-huit ans ont voté à cette occasion.
Au demeurant, alors que les responsabilités pénales sont de plus en plus pesantes sur les épaules des jeunes de seize à dix-huit ans, il semble légitime de favoriser leur engagement et de remettre l’acte citoyen du vote au cœur de leur participation dans notre société.
Les obligations pénales des jeunes de seize à dix-huit ans sont de plus en plus proches de celles des majeurs ; ils sont susceptibles de passer aux assises et peuvent aller en prison. Si l’on juge ces jeunes suffisamment solides pour affronter de telles réalités, on ne peut pas estimer qu’ils ne sont pas assez matures pour s’exprimer lors des élections.
Dès lors, pourquoi ne pas souhaiter que la responsabilisation pénale s’accompagne d’une responsabilisation citoyenne ? Cette question interpelle de plus en plus de jeunes et d’élus. Je crois qu’elle mérite un véritable débat. C’est l’objet du présent amendement.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l'amendement n° 314.
M. Joël Labbé. M. Courteau a très bien défendu cet amendement. Je vais toutefois en rajouter une petite couche. (Sourires.)
En leur ouvrant des droits nouveaux au fil des années, nous considérons de plus en plus les jeunes concernés comme des citoyens plus précoces que l’on nous considérait au même âge ; je parle pour notre génération, celle de leurs grands-parents…
La participation de ces jeunes au débat citoyen prouve qu’ils ne se désintéressent nullement des débats qui animent le pays et que leur conscience politique est réelle, dès lors qu’on leur permet de s’exprimer.
Parmi les jeunes eux-mêmes, certains pourraient douter de leur capacité à choisir. Mais je crois qu’il faut leur faire confiance et leur permettre de s’exprimer quand ils en sont capables. Nous ne pouvons pas nier leur droit d’avoir une opinion, de la faire valoir et, le cas échéant, de manifester une opposition.
L’autonomisation des jeunes va crescendo. La question de la remise en cause de l’âge du droit de vote mérite donc d’être posée. L’abaissement à seize ans pour certaines élections a été expérimenté et approuvé en Suisse ou en Allemagne, pour ne citer que des pays voisins. L’Autriche, pionnière en la matière, permet aux jeunes de voter dès seize ans à toutes les élections. À ma connaissance, l’Autriche n’est pas un pays sinistré !
L’octroi du droit de vote aux jeunes de seize et dix-sept ans permettra également de lutter contre l’abstentionnisme – cela a été évoqué tout à l’heure –, en mobilisant une nouvelle force vive, d’avenir, plus encline à voter aux prochaines élections, mais également aux suivantes. Face au désenchantement de leurs aînés du fait de la situation économique, sécuritaire et politique, les jeunes constitueront, nous l’espérons, le vivier du renouveau démocratique.
Bien évidemment, une telle mesure doit être assortie d’une réelle volonté d’éduquer les plus jeunes à la citoyenneté, au débat d’idées et au bien commun. N’oublions pas de les accompagner, afin qu’ils puissent construire et développer leur intérêt pour la chose publique, leur esprit critique et leur capacité d’analyse.
Je propose donc a minima qu’une étude de faisabilité et une expérimentation soient mises en place pour examiner les possibilités ouvertes par l’élargissement du droit de vote aux jeunes de seize et dix-sept ans.
Je souhaite répondre à ceux qui craignent que les jeunes votent comme leurs parents, voire ne votent pas. Jadis, on craignait bien que les femmes votent comme leur mari ; au regard de l’Histoire, ce n’est pas si vieux !
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Joël Labbé. Le candidat ou la candidate à l’élection présidentielle qui, à condition d’être crédible et de ne pas tomber dans le populisme ou le jeunisme, intégrerait cette idée dans son programme et s’engagerait à la mettre en œuvre avant la fin de son mandat aurait ma voix !
M. Bruno Retailleau. Je le note ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Monsieur Labbé, je ne suis pas candidate à l’élection présidentielle… (Sourires.)
J’ai apprécié votre propos et la cohérence de vos convictions. Mais je voudrais vous rassurer. Ici, il n’y a aucune déprime ! Je l’ai indiqué lors de la discussion générale. Nous l’avons démontré en adoptant les dispositions du titre Ier sur la réserve civique ou le service civique. Nous avons considéré qu’il était de notre devoir d’intégrer les jeunes dans la société, mais aussi de les protéger.
Les amendements identiques nos 87 et 314, qui visent à abaisser le droit de vote de dix-huit à seize ans, sont contraires à l’article 3 de la Constitution, qui réserve le droit de suffrage aux « nationaux français majeurs des deux sexes ». La loi ne peut pas accorder le droit de vote à des personnes qui resteraient mineures en matière civile et pénale.
Enfin, l’âge de dix-huit ans fait, me semble-t-il, consensus dans les démocraties européennes. C’est l’âge de la majorité électorale dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, à la seule exception de l’Autriche, que vous avez évoquée.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Je salue également MM. Courteau et Labbé, dont les interventions ont fait apparaître la grande sincérité des convictions.
Mon analyse complétera celle de Mme la rapporteur. Je ne vous le cache pas, le sujet m’interpelle. L’article 3 réserve effectivement le droit de vote aux Français des deux sexes ayant atteint l’âge de la majorité civile. C’est ainsi que l’âge de la majorité civile, donc celui de la capacité électorale, a été ramené de vingt et un ans à dix-huit ans par une loi de 1974.
Certes, il est possible de séparer majorité civile et majorité électorale. Mais chacun comprend bien qu’une telle réforme exigerait une révision préalable de la Constitution.
Par conséquent, au-delà de l’opinion que l’on peut avoir sur le fond – j’ai entendu les arguments sur la mobilisation de la jeunesse de notre pays et la conviction que l’ouverture de nouveaux droits contribuerait à la réalisation de la promesse républicaine rappelée par les auteurs des deux amendements –, les conditions nécessaires à la mise en œuvre d’une telle réforme ne me semblent pas réunies aujourd'hui. Je sollicite donc le retrait de ces deux amendements identiques ; faute de quoi, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Monsieur le ministre, j’entends votre argument sur la nécessité d’une révision constitutionnelle. Quoi qu’il en soit, le débat est lancé ; je sais que vous n’y êtes pas indifférent.
Madame la rapporteur, je suis d'accord avec vous lorsque vous indiquez que nous sommes également là pour protéger nos jeunes. Mais, justement, tout est lié ! Protéger nos jeunes, c’est aussi préserver l’intérêt des générations futures. Dans tous les textes que nous avons examinés, comme celui sur la biodiversité ou celui sur la transition énergétique, nous avons toujours visé l’intérêt des générations futures et le bien commun ! Nous avons eu beaucoup de discussions à ce propos.
Je retire mon amendement, heureux que le débat soit lancé.
M. le président. L'amendement n° 314 est retiré.
Monsieur Courteau, l’amendement n° 87 est-il maintenu ?
M. Roland Courteau. Mon amendement était également une invitation au débat. Je n’envisage pas à ce stade de proposer une révision de la Constitution.
Au demeurant, je n’ignore pas que certains jeunes de seize et dix-sept ans sont pour, mais que d’autres sont contre. Selon une mini-enquête réalisée au lycée Jacques-Ruffié de Limoux, dans l’Aude, 20 % des jeunes entre seize et dix-sept ans sont pour le vote à seize ans, tandis que 42 % sont contre et que 38 % ne se prononcent pas.
Certains des partisans de cette idée mettent en avant le fait que, à partir de seize ans, beaucoup de jeunes s’émancipent des idées de leurs parents et voient la politique sous un jour nouveau. D’autres affirment que le droit de vote à seize ans rendrait les jeunes « plus autonomes et responsables », en les incitant à s’engager et à s’impliquer dans la société. D’autres encore indiquent que cela permettrait à la jeunesse de se faire entendre et que cette liberté supplémentaire ouvrirait l’esprit des jeunes à la politique, un domaine qu’ils croient réservé aux anciens.
À l’inverse, les opposants aux droits de vote à seize ans évoquent le « manque de maturité, de réflexion ou de recul » de certains jeunes ou considèrent que les connaissances politiques sont « peu affirmées » à cet âge. Certains ajoutent être trop influençables ou facilement manipulables, avec des opinions « plus influencées que fondées ». En résumé, ils regrettent de n’avoir que trop peu de contacts avec l’extérieur, d’être « incultes politiquement », d’avoir une mauvaise compréhension des enjeux ou encore de manquer de repères et de sens critique.
Ceux qui ne se prononcent pas – ils sont près de 40 % – s’interrogent ; ils demandent à réfléchir, à s’informer. Enfin, et cela rejoint les propos de Joël Labbé, certains prônent une « expérimentation grandeur nature » sur une élection avant de décider de quoi que ce soit.
Le sujet n’est évidemment pas des plus faciles. Raison de plus pour en débattre ! Le temps qui passe nous incitera, je le crois, à y revenir. En attendant, je retire bien volontiers mon amendement.
M. Joël Guerriau. Nous venons d’assister à un débat formidable : deux de nos collègues, faisant eux-mêmes les questions et les réponses, viennent de nous apporter les éléments qui justifient le retrait de leurs propres amendements… (Sourires sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Roland Courteau. Je vous ai fait part des résultats d’une enquête ! Il fallait écouter !
M. Joël Guerriau. Chaque fois qu’il y a eu des évolutions relatives au droit de vote, c’est parce qu’il y avait eu des revendications en ce sens. Or, et vous le reconnaissez vous-même, mon cher collègue, il n’y a pas de revendication en faveur du droit de vote à seize ans de la part des concernés. D’ailleurs, pourquoi seize ans, et pas dix-sept ans, ou même quatorze ans ou quinze ans ?
Pour voter, il faut au moins s’intéresser aux sujets qui font l’objet de votes. Or ce ne sont pas nécessairement ces sujets qui intéressent les jeunes de seize ans aujourd'hui. Je le vois bien : les préoccupations de mes deux plus jeunes enfants, qui ont dix-sept ans – ce sont des jumeaux –, en sont très éloignées.
M. Roland Courteau. Ce n’est pas le cas de tous les jeunes !
M. Joël Guerriau. Laissons donc les jeunes eux-mêmes s’exprimer, par exemple dans les conseils de jeunes. J’en rencontre beaucoup dans ce cadre, et je les écoute. Honnêtement, je n’ai pas le sentiment que le droit de vote à seize ans soit pour eux une attente forte.
Je trouve donc un peu curieux de la part de certains d’entre nous de vouloir parler à leur place, d’autant que, selon vos propres chiffres, les premiers concernés sont loin d’être convaincus de l’utilité d’une telle mesure.
En revanche, il me semblerait utile de s’interroger sur l’abstention chez les jeunes de dix-huit ans. Le droit de vote permet de s’exprimer, mais encore faut-il l’utiliser !
M. Joël Labbé. Il faut que ces jeunes en aient envie !
Article 16 decies
(Supprimé)
Article 17
Toute personne, âgée de seize ans, lors de sa sortie du statut d’ayant droit à l’assurance maladie puis à l’âge de vingt-trois ans, bénéficie d’une information individualisée, délivrée par les organismes gestionnaires des régimes obligatoires d’assurance maladie, sur ses droits en matière de couverture du risque maladie ainsi que sur les dispositifs et programmes de prévention dont elle peut bénéficier.
Un décret précise le contenu de cette information ainsi que les modalités de sa diffusion.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. L’article 17 prévoit une information individualisée pour aider les jeunes de seize ans, dix-huit ans et vingt-trois ans à connaître leurs droits, ainsi que les dispositifs de prévention et examens de santé auxquels ils peuvent prétendre gratuitement.
L’accès aux droits en matière de santé étant un sujet important, le fait de cibler l’ensemble d’une classe d’âge constitue véritablement un progrès. Cet article représente donc une grande avancée.
Toutefois, je regrette que la rédaction de l’Assemblée nationale, en vertu de laquelle l’information délivrée aux jeunes devait comprendre un relais à l’éducation à la sexualité, à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse, ait été supprimée par la commission spéciale du Sénat. En effet, ce volet me semble essentiel. Si l’âge des jeunes au premier rapport sexuel reste relativement stable depuis les années 2000, il subsiste de fortes inégalités chez les jeunes en termes de connaissance de leurs droits et d’information sur la sexualité. Plusieurs rapports, dont récemment celui de l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales, pointent le besoin d’information des jeunes filles sur leurs droits, les méthodes de contraception et les lieux pour y avoir accès.
Par ailleurs, les pratiques et représentations sexuelles des jeunes restent très marquées par des stéréotypes de sexe, parfois en lien avec des violences sexistes et sexuelles : forte méconnaissance de leur corps par les jeunes filles, violences sexuelles, cyberharcèlement, homophobie…
Si la loi du 4 juillet 2001 a rendu obligatoire une information à l’éducation à la sexualité à l’école, avec trois séances annuelles de la maternelle à la terminale, cette disposition est mise en œuvre de manière très inégale selon les territoires et, globalement, de manière très parcellaire.
De même, la disposition que j’avais fait introduire dans la loi du 9 juillet 2010, à savoir qu’une information consacrée à l’égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple soit dispensée à tous les stades de la scolarité, n’est pas forcément appliquée partout.
Un temps d’information obligatoire serait donc le bienvenu pour garantir l’accès de tous les jeunes à une information complète et de qualité. Ce sera l’objet d’un sous-amendement que je présenterai au nom du groupe socialiste et républicain.
M. le président. L'amendement n° 725, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Chaque jeune bénéficie d’une information individualisée, délivrée par les organismes gestionnaires des régimes obligatoires d’assurance maladie, sur les droits en matière de couverture du risque maladie, sur les dispositifs et programmes de prévention, sur les consultations accessibles aux jeunes consommateurs proposées par les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie mentionnés au 9° de l’article L. 312-1 du code l’action sociale et des familles ainsi que sur les examens de santé gratuits, notamment celui prévu à l’article L. 321-3 du code de la sécurité sociale, dont il peut bénéficier. Elle est délivrée à seize ans, lors de la sortie du statut d’ayant droit à l’assurance maladie puis à vingt-trois ans, selon les modalités prévues par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.
La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. La commission spéciale a modifié la rédaction de l’article 17, rendant sa compréhension plus difficile pour les jeunes concernés par l’information qui a été évoquée avec justesse par M. le sénateur Courteau. Elle a également supprimé diverses précisions quant au contenu de cette information.
Le Gouvernement propose donc de rétablir le texte de l’Assemblée nationale. Ce dernier me semble plus lisible et plus complet. Il prévoit explicitement que l'information est délivrée à trois moments : à seize ans, puis au moment de la sortie du statut d'ayant droit, dans la plupart des cas à dix-huit ans, et à vingt-trois ans. La commission spéciale a aussi supprimé la mention de l'examen de santé gratuit, qui nous semble nécessaire.
La rédaction retenue par l’Assemblée nationale nous paraît donc plus conforme à l’esprit de l’article 17.
M. le président. Le sous-amendement n° 424 rectifié, présenté par MM. Courteau, Magner et Guillaume, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur, Vandierendonck et Vaugrenard, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Amendement 725
I. – Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le chapitre II du titre VI du livre II du code de la sécurité sociale est complété par un article L. 262-1-… ainsi rédigé :
II. – Alinéa 2
1° Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Art. L. 262-1-… – Chaque jeune…
2° Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Cette information comporte un volet relatif à l’éducation à la sexualité, à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Ce sous-amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Monsieur le ministre, les bras m’en tombent !
Mme Françoise Laborde. Chacun son tour !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Certes, il était temps que cela m’arrivât. (Sourires.)
Vous proposez de rétablir le texte de l’Assemblée nationale. L’article 17 concerne bien – nous en sommes tout à fait d'accord – l’information qui doit être donnée à des jeunes entre seize et vingt-trois ans à trois moments. Or, pas plus tard qu’hier, vous avez supprimé la phrase selon laquelle l’information qui va être donnée aux jeunes à trois reprises comporte un volet relatif à l’éducation à la sexualité, à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse. C’est pourtant sur cette phrase que le Gouvernement avait souhaité prendre appui pour déposer son amendement sur l’extension du délit d’entrave à l’IVG. De là – pardonnez mon audace – à y voir une validation rétroactive de notre sage décision de déclarer irrecevable cet amendement, il n’y a qu’un pas, que j’ose franchir !
Sur le fond, je considère sincèrement que notre rédaction est meilleure. D’abord, je ne sais pas ce qu’est un « jeune » ; on a du mal à situer la limite.
M. Yannick Vaugrenard. De sept à soixante-dix-sept ans ! (Sourires.)
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ce terme ne me paraît donc pas suffisamment précis pour figurer dans la loi.
Ensuite, il est toujours aventureux d’introduire des énumérations dans la loi ; on risque fort d’oublier des éléments. En plus, lorsqu’on est amené par la suite à faire des modifications, on est obligé de revenir à la loi. En l’occurrence, le mécanisme du décret permettrait de lister de manière précise le contenu de l’information.
Vous le voyez, je ne nie pas l’utilité du volet relatif à l’information. J’offre simplement plus de marges de manœuvre pour permettre un ajustement au fur et à mesure, en fonction des besoins.
Enfin, vous évoquez le fait que la suppression des dispositions relatives aux examens de santé gratuits pose problème. Or, encore une fois, avec une lecture attentive, vous verrez sûrement que notre rédaction prévoit que l’information porte également sur les programmes de prévention, qui comprennent les examens de santé gratuits.
Avec beaucoup de regrets et de respect, j’émets un avis défavorable sur votre amendement, monsieur le ministre.
M. le président. J’imagine que l’avis est également défavorable sur le sous-amendement…
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Oui, tout en indiquant que vous pouvez remercier votre majorité, qui essaie de vous sauver en reprécisant les choses. Toutefois, par cohérence, je suis également défavorable au sous-amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 424 rectifié ?
M. Patrick Kanner, ministre. Manifestement, nous n’avons pas la même lecture du texte. Vous parlez d’examen gratuit, madame la rapporteur, mais permettez-moi de vous lire l’article 17 tel qu’il est issu de vos travaux : « Toute personne, âgée de seize ans, lors de sa sortie du statut d'ayant droit à l'assurance maladie puis à l'âge de vingt-trois ans, bénéficie d'une information individualisée, délivrée par les organismes gestionnaires des régimes obligatoires d'assurance maladie, sur ses droits en matière de couverture du risque maladie ainsi que sur les dispositifs et programmes de prévention dont elle peut bénéficier. » Je suis désolé, la gratuité n’est pas mentionnée, mais peut-être avez-vous une lecture sélective des articles issus de la commission spéciale.
Pour ma part, je préfère mon amendement, qui précise les dates exactes auxquelles le droit à ces contrôles de santé, extrêmement utiles, pourront être mises en œuvre au profit de la jeunesse.
Vous avez essayé de me convaincre, mais c’est loupé, si vous me permettez cette expression.
M. Bruno Retailleau. C’est dommage !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je ne désespère pas ! (Sourires.)
M. Patrick Kanner, ministre. J’espère bien ! Ce débat nous en donne l’occasion rêvée…
Monsieur Courteau, votre sous-amendement vise à rétablir le volet « information » relatif à l’éducation à la sexualité, à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse, qui prévoit une information individualisée délivrée à tous les jeunes pas les organismes gestionnaires de régimes obligatoires d’assurance maladie.
J’entends ceux qui soulignent qu’il n’est pas indispensable en droit d’apporter cette précision, mais en ces temps où même ce qui paraissait le plus inébranlable recule – je vais vous donner un exemple concret dans quelques instants –, il n’est pas inutile de graver dans le marbre que l’éducation à la sexualité et l’information sur le droit à l’IVG sont indispensables pour que chacun puisse maîtriser sa vie, faire ses choix, disposer de son corps. Il n’est pas anodin de l’indiquer dans la loi pour le conforter ; il n’est pas anodin de dire que l’IVG est un droit pour toutes les femmes ; il n’est pas anodin non plus de poser des actes forts dans la loi de la République.
Je voudrais rappeler ce qu’il s’est passé hier soir lors d’une émission de télévision.
Mme Élisabeth Doineau. On n’a pas le temps de regarder la télé ! (Sourires sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Patrick Kanner, ministre. J’étais ici avec vous, je le sais, mais je peux vous apprendre comment fonctionne le replay. (Sourires.)
L’émission en question s’appelle Touche pas à mon poste ! Un groupe anti-IVG a envahi le plateau, avec la complaisance d’un animateur bien connu, Cyril Hanouna.
Je veux redire ici avec force que l’on a le droit d’être moralement, intellectuellement, religieusement opposé à l’IVG, mais cela ne change rien au fait qu’il s’agit avant tout d’un droit ouvert aujourd’hui à toutes les femmes dans la République française.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Patrick Kanner, ministre. Nous devons garantir une information spécifique, ambitieuse et dédiée sur ce droit.
Madame la rapporteur, j’espère que vous vous rallierez à mes arguments en appelant finalement à voter le sous-amendement et l’amendement. Au nom de la cause des femmes, nous ferons front dans cette période où certains veulent tout remettre en cause.
M. Roland Courteau. Bien dit !
M. Patrick Kanner, ministre. Nous avons là l’occasion de faire en sorte que tous les jeunes reçoivent cette information sur l’IVG, qui résistera, parce qu’elle est dans la loi, aux circonstances politiques malheureuses qui peuvent survenir, aujourd’hui et demain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. Jacques-Bernard Magner. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour explication de vote.
Mme Christine Prunaud. Le groupe CRC est plus que satisfait de votre volonté, monsieur le ministre, de transmettre aux jeunes ces informations et de conserver tous ces acquis que sont l’égalité, la contraception ou l’IVG, qui ont été obtenus de haute lutte et qui sont maintenant consacrés par la loi. C’est un plaisir d’entendre de tels mots dans l’hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 424 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 714, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le début de cet article :
Le chapitre II du titre VI du livre II du code de la sécurité sociale est complété par un article L. 262-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 262-1-… – Toute personne…
La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Au préalable, je conseillerais à M. le ministre, dont nous avons évoqué hier les goûts musicaux, de regarder davantage Arte… Je pense aussi que certains s’ingénient à créer un buzz autour de ce sujet délicat. Or on récolte ce que l’on sème.
J’en viens à l’amendement n° 714, qui vise à inscrire dans le code de la sécurité sociale cette obligation, sur laquelle nous sommes d’accord, monsieur le ministre, de délivrer une information à trois reprises aux jeunes assurés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Rassurez-vous, madame la rapporteur, il m’arrive aussi de regarder Arte,…
Mme Sophie Primas. Vous en avez du temps ! (Sourires.)
M. Patrick Kanner, ministre. … en particulier le soir, quand je rentre tard, après avoir exercé mes fonctions ministérielles. Vous le voyez, ma culture se forme aussi en regardant la chaîne franco-allemande ou d’autres émissions culturelles, mais il faut aussi savoir suivre, de temps en temps, les émissions que regardent les jeunes.
Mme Sophie Primas. Sympa pour Arte ! (Rires.)
M. Patrick Kanner, ministre. Pour en revenir à votre amendement, cette inscription du dispositif d’information, qui figure dans le code de la santé publique, ne me semble pas indispensable, mais je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée, ce qui devrait vous faire plaisir.
M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié.
(L'article 17 est adopté.)
Article additionnel après l'article 17
M. le président. L'amendement n° 96 rectifié, présenté par Mme Jourda, M. D. Bailly et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, est mise en place dans des académies sélectionnées une expérimentation visant à mettre en place des modules de formation aux droits du travail pour les élèves lycéens de l’ensemble des filières. Cette formation a lieu dans le cadre de l’enseignement moral et civique mentionné à l’article L. 312-15 du code de l’éducation.
Un arrêté ministériel précise la liste des académies sélectionnées ainsi que les conditions dans lesquelles cette formation sera dispensée.
Un rapport est remis par le Gouvernement au Parlement à la fin de cette expérimentation.
La parole est à Mme Gisèle Jourda.
Mme Gisèle Jourda. Accompagner les jeunes dans leur parcours vers l’autonomie, telle est l’ambition de ce chapitre II, à laquelle nous souscrivons pleinement. Nous entendons d’ailleurs y contribuer.
Notre amendement a pour objet de prévoir une expérimentation de modules de formation au droit du travail, dispensés durant les cours d’éducation civique, juridique et sociale et s’adressant aux lycéens des filières générales, techniques et professionnelles.
On me rétorquera que le contenu des programmes n’a pas sa place dans ce projet de loi. Je répondrai très clairement : si permettre aux lycéens de toutes les filières de découvrir les généralités du droit du travail et de savoir lire une fiche de paie n’est pas une composante essentielle de l’accompagnement des jeunes dans leur parcours vers l’autonomie, alors nous n’avons rien à faire ici !
Voilà pourquoi Dominique Bailly et moi-même portons ce projet dans cet hémicycle. Il est l’aboutissement d’un long travail entre diverses organisations syndicales et associatives. Ce projet était sur le point d’aboutir, puisque l’éducation nationale, après avoir validé les cinq modules de formation proposés, avait donné son accord pour lancer l’expérimentation dans cinq académies : Saint-Denis, Marseille, Tours, Poitiers et Strasbourg. Puis, plus de nouvelles ! L’expérimentation a, malgré de nombreuses interventions de parlementaires, brutalement été stoppée, sans sommation ni explication. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons qu’elle soit inscrite dans le projet de loi.
Cette formation se compose de cinq modules réalisés de manière chronologique et qui peuvent être vus indépendamment les uns des autres : découvrir les généralités du droit du travail ; approfondir les règles en termes de temps de travail, de rémunération et comprendre une fiche de paie ; découvrir les différents types de repos liés au travail ; parler de santé au travail ; enfin, découvrir les recours possibles en cas de litige.
Nous avons à cœur de rendre la transition entre vie scolaire et vie professionnelle moins brutale. Préparer les jeunes à la connaissance de leurs droits lors de leur entrée dans le monde du travail, c’est aussi les accompagner dans l’apprentissage de la citoyenneté. Notre amendement va dans ce sens. C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à l’adopter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Comme vous l’avez deviné, cette disposition n’a pas sa place dans le projet de loi. En outre, je rappelle que les programmes de l’enseignement moral et civique, créés à la rentrée de 2015, ont moins de deux ans.
Très sincèrement, à bien lire le détail du programme que vous proposez, il m’apparaît que cet enseignement relève non pas d’un apprentissage à la citoyenneté, mais d’un apprentissage à l’affirmation et à la revendication de ses droits. En parlant de découverte des recours possibles, du repos lié au travail, vous placez la relation avec l’entreprise sur le terrain du contentieux. Toutes ces connaissances sont nécessaires, je n’en doute pas, mais je vous avoue que je trouve ce programme un peu réducteur.
Indépendamment du mon avis personnel sur le fond, je vous invite à retirer votre amendement, ce point relevant de la responsabilité du Gouvernement. À défaut de retrait, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Je comprends le souci de Mme Jourda d’ajuster la formation des élèves pour leur permettre de mieux comprendre les questions relatives au droit du travail. Néanmoins, ces sujets sont pour partie déjà abordés dans plusieurs enseignements au cours de la scolarité.
Il y a l’enseignement moral et civique, qui propose à tous les lycéens une première approche des principes de la démocratie locale, même si c’est de manière globale, je vous le concède.
Les droits de salariés sont également abordés dans les programmes de la filière économique et sociale, ainsi que dans les formations de la filière sciences et technologie du management et de la gestion, aussi appelée STMG, ou dans les séries professionnelles, notamment dans le cadre de l’enseignement « droit et grands enjeux du monde contemporain » en série littéraire. Toutes ces précisions m’ont été données par le ministère de l’éducation nationale.
Dans la voie professionnelle, le droit du travail et la législation sociale sont aussi enseignés, dans le cadre de l’enseignement « prévention, santé, environnement », qui concerne tous les CAP et baccalauréats professionnels.
Par ailleurs, depuis la rentrée de 2015, le parcours Avenir invite les élèves des lycées à appréhender l’organisation du travail et les droits sociaux dans les entreprises, en abordant les questions des rémunérations, des horaires, de la mobilité professionnelle, des syndicats, des formes de l’action collective.
Madame la sénatrice, s’il est essentiel que les questions relatives aux droits des salariés soient connues de tous les élèves, cet enseignement doit s’inscrire dans une approche plus large du droit. Il ne serait pas raisonnable d’intégrer de nouveaux modules dans les programmes existants, sauf à les rendre trop lourds et donc partiellement appliqués.
Au bénéfice de ces quelques explications, j’espère que vous accepterez de retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. M. le ministre vient de nous dire qu’il fallait envisager cette question dans une approche plus large du droit. Madame Jourda, j’ai envie de vous dire qu’il faut l’envisager dans une approche plus générale de l’économie et de l’entreprise. J’aimerais bien que nous discutions aussi d’amendements visant à faire venir les entrepreneurs et les salariés qui travaillent dans leurs entreprises devant les lycéens pour parler du plaisir de leur métier, de la passion avec laquelle ils l’exercent. Je refuse de ne voir le monde du travail qu’à travers le prisme du code du travail et des voies de recours des salariés contre les entreprises.
Votre proposition est certes intéressante, car il faut que les jeunes soient informés sur ces problématiques, mais elle est formidablement réductrice par rapport à ce qu’est le monde du travail, qui apporte beaucoup plus de variété et de plaisir que n’en procurent les seuls recours. Pour ces raisons, je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. Madame Jourda, l’amendement n° 96 rectifié est-il maintenu ?
Mme Gisèle Jourda. Les propos de M. le ministre m’ont rassurée sur la qualité de l’enseignement dispensé. Nos jeunes semblent bénéficier des éléments de réflexion nécessaires.
Madame le rapporteur, j’y insiste, je ne trouve pas que le fait de vouloir faire connaître aux jeunes le monde du travail dans sa réalité soit un obstacle. Connaître le droit du travail ne veut pas forcément dire revendiquer ; cela peut tout aussi bien signifier que l’on est très bien dans son univers professionnel. Je respecte l’entreprise, mais j’ai quand même entendu des propos que j’estime disproportionnés. On peut avoir des programmes équilibrés qui mettent la connaissance de tous les domaines du droit du travail à la portée de tous les élèves, sans que cela soit antinomique avec la vie du monde de l’entreprise.
Néanmoins, convaincue par M. le ministre, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 426, présenté par MM. Magner et Guillaume, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur, Vandierendonck et Vaugrenard, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 861-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les conditions de rattachement au foyer prévues par le décret en Conseil d’État mentionné au deuxième alinéa du présent article prennent fin entre la date de la dernière déclaration fiscale et la demande mentionnée à l’article L. 861-5, les personnes majeures dont l’âge est inférieur à celui fixé par ce même décret peuvent bénéficier, à titre personnel, de la protection complémentaire dans les conditions définies à l’article L. 861-3, sous réserve d’attester sur l’honneur qu’elles établiront, pour l’avenir, une déclaration de revenus distincte de celle du foyer fiscal auquel elles étaient antérieurement rattachées. »
La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.
M. Jacques-Bernard Magner. L’accès personnel des jeunes à la CMU-C participe de leurs conditions d’accès à l’autonomie. Ce droit donc être pérennisé et codifié.
Dans le cadre de ce dispositif, les organismes de sécurité sociale se doivent d’examiner les demandes de CMU-C à titre individuel des jeunes de moins de vingt-cinq ans dès lors qu’ils attestent sur l’honneur ne plus dépendre fiscalement du foyer parental et à condition qu’ils établissent ensuite une déclaration de revenus distincte.
Par cet amendement, nous souhaitons rétablir la sécurisation de ce droit personnel à la CMU-C pour les jeunes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je ne vais pas apporter une réponse sur l’objet même de votre amendement.
L’article 17 bis, que vous évoquez, prévoyait d’inscrire dans la loi une règle de gestion qui existe depuis une circulaire de 1999. Il ne s’agit pas pour nous de supprimer cette disposition, mais, la circulaire fonctionnant très bien et n’ayant pas été contestée, il ne me semble pas utile de faire figurer cette règle dans la loi.
D’autre part, si je puis me permettre, je vous signale que votre amendement est incomplet, car une partie seulement des cas évoqués dans la circulaire y sont repris. Outre les enfants de moins de vingt-cinq ans, la circulaire vise les conjoints à charge, que vous ne mentionnez pas.
M. Jacques-Bernard Magner. On parle des jeunes !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Il est vrai que, dans un souci d’égalité de l’accès aux soins et aux droits liés à la santé, le Gouvernement avait souhaité faciliter l’accès à la CMU-C des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans – on parle bien des jeunes, madame la rapporteur – à faibles ressources et ne vivant plus avec leurs parents.
Je voudrais vous donner des chiffres qui ne sont pas neutres : au dernier trimestre de 2014, 57 % des jeunes âgés de dix-huit à vingt-quatre ans résidaient de façon permanente chez leurs parents, proportion parmi les plus faibles d’Europe, et 21 % des jeunes au chômage ou en activité ne cohabitaient plus avec leurs parents et étaient donc dans une situation manifeste de précarité potentielle.
Dans la première année qui suit le départ du foyer familial, et dans l’attente de l’élaboration d’une nouvelle déclaration fiscale, ce qui correspond à une période un peu creuse sur le plan juridique, les jeunes qui prennent leur indépendance demeurent rattachés fiscalement à leurs parents. Cette situation les empêche de demander l’accès personnel à la CMU-C et à l’ACS pendant cette période, même s’ils ne vivent plus avec leurs parents.
Pour tenir compte de ce cas de figure, les pouvoirs publics avaient autorisé par circulaire – mais une circulaire ne crée pas le droit, madame la rapporteur – les organismes d’assurance maladie à étudier à titre individuel la demande de CMU-C et d’ACS des enfants majeurs de moins de vingt-quatre ans sur la base d’une déclaration sur l’honneur attestant qu’ils ne dépendent plus fiscalement du foyer parental et les engageant pour l’avenir à établir une déclaration de revenus distincte leur permettant d’ouvrir leurs droits en matière de santé.
L’amendement que propose M. Magner, et que le Gouvernement soutient, tend à rétablir l’article 17 bis, introduit à l’Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement, ce qui est de nature à graver dans le marbre cette pratique et à accélérer l’accès à la CMU-C et à l’ACS pour ces jeunes.
À mon sens, il s’agit d’une mesure de progrès social que la loi conforterait – le conditionnel s’impose manifestement ce soir. Je suis donc favorable à l’adoption de cet amendement. Le rétablissement de cet article, je crois, ne pose pas de difficultés, puisque, sur le fond, nous sommes manifestement d’accord. Pour notre part, nous voulons simplement conforter juridiquement le dispositif.
M. le président. La parole est à M. René Danesi, pour explication de vote.
M. René Danesi. Mme le rapporteur et moi-même avions déposé un amendement en commission visant à supprimer l’article 17 bis dans sa rédaction d’origine. La commission nous a suivis et elle a supprimé cet article étendant la CMU aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans. En effet, cette extension est prévue dès lors qu’ils font savoir qu’ils deviennent indépendants et sans attendre qu’ils produisent le justificatif de leur déclaration d’impôts.
Je reprends mon argumentaire développé en commission.
Lorsqu’un jeune prend son autonomie, cela s’accompagne de toutes les obligations afférentes, y compris celle de chercher et de trouver un emploi pour lequel l’employeur sera tenu de cotiser à une complémentaire santé.
L’article 17 bis d’origine prévoyait en l’espèce qu’un jeune puisse prendre son indépendance du foyer familial sans pour autant chercher d’emploi, mais on ne voit pas très bien comment on peut être indépendant du foyer familial sans revenus.
Rétablir l’article 17 bis n’est pas de nature à inciter les jeunes à entrer dans le monde actif. Il y a donc lieu d’en rester au traitement des cas individuellement. Je voterai donc contre l’amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Votre argument, monsieur le sénateur, me conforte totalement dans la volonté d’inscrire dans la loi les éléments que j’ai évoqués. Vous semblez ignorer – c’est en tout cas le sentiment que j’ai – qu’il y a des jeunes qui sont en rupture sans aucun revenu. Ils peuvent avoir été mis dehors par leurs parents.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Patrick Kanner, ministre. Il faut donc les protéger, d’où l’importance d’inscrire ce dispositif dans la loi en rétablissant l’article 17 bis. Il s’agit, je le répète, de protéger ces jeunes qui sont en rupture, en difficulté, et qui, je l’espère, auront un avenir meilleur demain. Nous devons au moins leur assurer un droit à la santé. Tel est l’objet de cet amendement présenté par le groupe socialiste et républicain.
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour explication de vote.
M. Yannick Vaugrenard. Je soutiens fortement cet amendement.
Je ne comprends pas la position de la commission spéciale. Le constat est simple, mes chers collègues, ceux qui, aujourd’hui, souffrent le plus de l’exclusion, du manque de travail ou de pauvreté, voire de très grande pauvreté, sont les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans. Ce constat est terrible, car il révèle l’échec de notre société et de la manière dont elle fonctionne.
Il se trouve que nous donnons la majorité politique dès dix-huit ans, mais que nous ne donnons pas pour autant la majorité sociale, qui permet de profiter d’une protection sociale, puisqu’on en bénéficie qu’à partir de vingt-cinq ans.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Yannick Vaugrenard. Cet amendement vise donc à procéder à une correction.
M. le ministre a eu raison d’employer l’expression « graver dans le marbre » au sujet de l’introduction de cette mesure dans la loi. En effet, une circulaire peut être supprimée du jour au lendemain.
Nous devons bien avoir conscience qu’aujourd’hui, dans notre société, une partie de la population, pour beaucoup des jeunes, se trouve sans emploi. Par ailleurs, nous le savons, l’évolution sociétale fait qu’il y a de plus en plus de familles monoparentales – le plus souvent des femmes seules avec enfants –, ce qui est souvent la cause de l’exclusion des jeunes de leur famille. Ces jeunes ont donc besoin d’un soutien collectif que nous devons leur apporter. En votant cet amendement soutenu par le Gouvernement, c’est ce que nous ferions.
Je le répète, je ne comprends pas qu’il puisse y avoir des oppositions sur le sujet, qui est véritablement transpartisan. Il n’a rien à voir avec le clivage droite-gauche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Peut-être me suis-je mal fait comprendre. Pourtant, je croyais avoir clairement dit en commission, et encore ici ce soir, qu’il ne s’agissait pas de rejeter cette mesure.
M. Yannick Vaugrenard. Bah si !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Non ! Écoutez-moi attentivement. J’ai dit, et c’est écrit dans le rapport, que nous ne contestons pas cette couverture. Nous constatons qu’elle est mise en œuvre depuis le siècle dernier, à la suite d’une circulaire. Si vous avez été attentifs aux propos que j’ai tenus au cours de la discussion générale, vous vous souvenez que j’ai énuméré six critères d’analyse du texte. Ainsi, lorsque les mesures peuvent être prises par la voie réglementaire, j’ai proposé qu’on ne les inscrive pas dans la loi. Je vous rappelle que le Conseil d’État nous a enjoint d’éviter les lois bavardes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Mes chers collègues, je le dis très calmement, même si je suis un peu chagrinée par ce débat, nous construisons trop souvent – c’est un peu le cas ce soir – des lois par défiance et par méfiance, comme si nous n’avions pas confiance dans les gouvernements successifs, quels qu’ils soient, pour porter la cause des jeunes.
Je le répète, je souhaiterais que mes propos ne soient pas mal interprétés. Nous sommes favorables à ce que ce dispositif perdure sous la forme réglementaire. Monsieur le ministre, à force de graver dans le marbre, nous allons finir par vider les carrières… (Rires sur les travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Dubois. Oh !
M. Patrick Kanner, ministre. Je vous rappelle que nous parlons de la santé des jeunes. Vous semblez considérer qu’une simple circulaire est suffisante pour les protéger, mais je vous réponds que non. Une circulaire peut être changée ou annulée du jour au lendemain.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. La loi aussi !
M. Patrick Kanner, ministre. La loi, c’est un peu plus compliqué.
Inscrire ce dispositif dans la loi Égalité et citoyenneté apportera plus d’égalité et de protection aux jeunes. Si vous maintenez votre position et si le Sénat, dans sa sagesse, vous suit, nous en prendrons acte, mais c’est surtout la jeunesse française qui en pendra acte ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Trop, c’est trop ! Nous passons notre temps à voter des textes inutiles, peut-être pourrions-vous en voter quelques-uns qui soient utiles.
Si nous pérennisons cette obligation, qui tombe sous le sens, je ne vois pas où est le scandale. Je ne vois même pas pourquoi nous perdons autant de temps là-dessus. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. En conséquence, l’article 17 bis demeure supprimé.
Article 18
(Suppression maintenue)
Article 18 bis
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par M. Courteau, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 1er janvier 2017, un rapport étudiant la possibilité de créer une allocation d’études et de formation, sous conditions de ressources, dans le cadre d’un parcours d’autonomie.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement vise à rétablir cet article, qui a été supprimé par la commission spéciale, et qui prévoit la remise d’un rapport étudiant la possibilité de créer une allocation d’études et de formation, sous condition de ressources, dans le cadre d’un parcours d’autonomie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’avis est défavorable.
Il existe actuellement une mission commune d’information sénatoriale sur l’intérêt et les formes possibles de mise en place d’un revenu de base, qui devrait rendre prochainement ses conclusions. Elle ne manquera sûrement pas de s’interroger sur la possibilité de l’étendre aux étudiants. Je suggère donc d’attendre le résultat de ces travaux.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 494, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi, un rapport sur la création d’un observatoire régional du suicide en Guyane.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Je vous prie, monsieur le ministre, mes chers collègues, de bien vouloir excuser l’absence de Mme Archimbaud, qui assiste dans son département à une réunion importante sur la radicalisation.
Le présent amendement, qui lui tient particulièrement à cœur, vise à rétablir un article adopté par l’Assemblée nationale pour demander un rapport sur l’opportunité de créer un observatoire régional du suicide en Guyane, faute de pouvoir en demander la création directe et immédiate.
Le suicide en Guyane est un sujet d’une grande sensibilité, malheureusement d’une grande actualité, et ce depuis des années, principalement dans les communautés amérindiennes et bushinengé.
Il touche particulièrement les très jeunes, des enfants âgés de 12, 13 ou 14 ans, qui se suicident dans des circonstances dramatiques, et dans des proportions dix à vingt fois plus importantes que celles qui sont constatées dans l’Hexagone.
Aline Archimbaud et la députée Marie-Anne Chapdelaine ont été chargées l’année dernière de rendre au Premier ministre et à la ministre des outre-mer, George Pau-Langevin, un rapport sur ce sujet.
De nombreuses causes sont à l’origine de ce phénomène. Parmi elles, on trouve le sentiment d’être à la croisée de deux mondes, ni dans l’un ni dans l’autre, la difficulté de faire reconnaître sa culture, le manque d’infrastructures dans les communes de l’intérieur, les conditions difficiles dans lesquelles se passe la scolarité des enfants, l’absence d’opportunités de travail ou de possibilités de prendre des initiatives. Tout cela concourt à créer un mal-être chez ces jeunes Amérindiens.
Les associations de défense des populations amérindiennes sont unanimes pour demander la création d’un observatoire du mal-être ou du suicide en Guyane. Le présent projet de loi, qui traite de la jeunesse, de son autonomie et de ses initiatives est donc le vecteur idéal pour inscrire dans la loi la nécessité de travailler sur ce sujet.
Nous vous invitons donc, mes chers collègues, à voter en faveur de cet amendement. Ce serait un signal fort de reconnaissance que nous enverrions à ces jeunes, qui se sentent réellement et dramatiquement abandonnés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je ne remets absolument pas en cause la légitimité de la question d’un tel observatoire, qui est une piste qu’a étudiée Aline Archimbaud dans le rapport qu’elle a remis au Premier ministre.
Toutefois, je crois y avoir lu qu’une réflexion sur la création d’un observatoire régional du suicide a déjà été menée par l’agence régionale de santé à l’échelon local, et que ce travail n’a pas abouti en raison d’une réticence du Conseil consultatif des peuples amérindiens et bushinengé. Cette réflexion importante est donc à poursuivre.
En l’état, la commission spéciale émet par conséquent un avis défavorable sur l’amendement n° 494.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Aline Archimbaud et Marie-Anne Chapdelaine ont beaucoup travaillé sur ce sujet et présenté un rapport au Premier ministre l’année dernière.
Je reviens de Guyane, monsieur Labbé, et il est vrai que les populations de l’intérieur connaissent un nombre de suicides très élevé.
Cela étant, l’Observatoire national du suicide a été instauré en 2013, aux fins, notamment, de développer la connaissance des facteurs de risque.
Je vous propose que cet observatoire puisse, en 2017, inscrire à son programme de recherches un travail spécifique sur la Guyane, en lien avec l’Agence nationale de santé publique et les instances régionales, en particulier l’agence régionale de santé.
Cela permettra de garder une envergure nationale à cette réflexion, tout en s’appuyant sur les données locales. Cette solution me semble en outre beaucoup plus immédiatement opérationnelle que celle d’un rapport sur le sujet.
Je vous demande donc, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Monsieur Labbé, l'amendement n° 494 est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Le ministre s’étant engagé devant notre assemblée à saisir les instances nationales pour qu’elles inscrivent ce sujet dans leur programme de recherches prioritaires, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 494 est retiré.
En conséquence, l’article 18 ter demeure supprimé.
Article 19
(Suppression maintenue)
M. le président. L'amendement n° 628 rectifié, présenté par M. Collombat, Mme Laborde, MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – L’article L. 612-3-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° La première phrase est complétée par les mots : « ou, dans le respect des critères définis au deuxième alinéa de l’article L. 612-3, dans les formations dont les capacités d’accueil sont insuffisantes au regard du nombre de candidatures » ;
2° La dernière phrase est complétée par les mots : « dans le respect du pourcentage maximal des places contingentées fixé chaque année par décret dans la limite de 15 % des capacités d’accueil » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le respect des critères prévus à l’article L. 612-3 et des résultats au baccalauréat, la qualité d’élève boursier est prise en compte pour l’inscription dans ces formations. »
II. – Le I est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
III. – Au premier alinéa de l’article L. 681-1 et aux articles L. 683-1 et L. 684-1 du code de l’éducation, la référence : « l’ordonnance n° 2015-24 du 14 janvier 2015 portant extension et adaptation dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche » est remplacée par la référence : « la loi n° …du …relative à l’égalité et à la citoyenneté ».
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Les capacités d’accueil de certaines formations d’enseignement supérieur ne permettent pas de respecter les vœux d’orientation de tous les bacheliers. Un système de tirage au sort a donc été mis en place, qui a certes pour lui de rappeler les antiques pratiques athéniennes, mais qu’il est curieux de voir appliquer à l’enseignement supérieur du XXIe siècle.
Par conséquent, le présent amendement vise à rétablir la possibilité d’intégrer, dans la limite de 15 % des capacités d’accueil, les bacheliers ayant eu les meilleurs résultats. C’est certes un pis-aller, je le concède, mais c’est peut-être mieux que rien. Disons que c’est une solution un peu bancale pour faire s’accorder l’élitisme républicain avec les contraintes budgétaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Au-delà de l’accès à des formations supérieures, cet amendement traite d’une question très importante : celle de l’orientation des jeunes.
Le dispositif que vous proposez, mon cher collègue, est un « pis-aller », vous l’avez concédé.
Pour être tout à fait honnête, je ne me satisfais pas du refus hypocrite d’une sélection à l’université, refus qui a pour conséquence de laisser des jeunes s’engouffrer dans des formations qui sont pour eux des impasses.
Le système de tirage au sort a été redécouvert. À mon sens, l’extension que vous proposez en faveur des meilleurs bacheliers aux filières universitaires à capacité d’accueil limité ne règle rien. Elle mènerait à un empilement des dispositifs visant à détourner la sélection à l’entrée, ce qui rendrait moins lisible et moins juste encore l’accès à ces filières.
Je suis donc au regret de vous dire que la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le ministère de l’éducation nationale a proposé cette mesure pour répondre aux attentes formulées par certains jeunes qui, les années précédentes, ne pouvaient bénéficier d’un droit privilégié pour entrer dans une filière dont le tirage au sort les avait évincés, alors qu’ils étaient les meilleurs bacheliers.
Face aux craintes qui ont été exprimées à l’Assemblée nationale sur une introduction implicite de la sélection dans les filières libres de l’université, le Gouvernement n’a pas souhaité réintroduire cette disposition.
Le dispositif actuel repose donc toujours sur les principes qui ont été définis par la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche du 22 juillet 2013.
Par conséquent, le Gouvernement vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, il y sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour explication de vote.
M. Michel Le Scouarnec. Avec cet amendement tendant à réinstaurer une sélection déguisée à l’entrée de l’université, nous touchons à deux problèmes.
Premièrement, si nous partageons le constat formulé par Pierre-Yves Collombat, qui déplorait le sous-encadrement et le manque de locaux dans les établissements supérieurs, la solution passe, à nos yeux, non pas par la restriction de l’accès à l’enseignement supérieur, mais par un réinvestissement à la hauteur des enjeux essentiels tant à notre modèle social qu’à notre économie.
Nous ne pensons pas que la rareté d’un diplôme en fasse sa qualité. Nous voyons également les avantages que constituerait 60 % d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur.
Deuxièmement, selon nous, sélectionner à l’entrée de l’université, c’est maintenir les inégalités sociales. Ce constat s’étend aujourd'hui à l’enseignement supérieur.
Plus de la moitié des étudiants en filières sélectives sont enfants de cadres et de professions intellectuelles supérieures. En parallèle, l’université n’accueille que 25 % à peine d’enfants d’ouvriers et d’employés en licence. Cette proportion descend à 17 % et 12 % dans les cycles suivants. C’est plus de deux fois moins que pour les enfants de cadres et de professions intellectuelles supérieures.
Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour ouvrir les portes de l’enseignement supérieur. Alors, autant ne pas les refermer brusquement. Notre priorité, c’est notre jeunesse, toute notre jeunesse.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Entre ceux qui ne veulent aucune sélection et ceux qui en veulent une très stricte, je réalise que j’avais peu de chance de faire adopter cet amendement ! (Sourires.)
C’eût été un pis-aller, certes, mais aussi un moindre mal, notamment pour ceux qui ont un beau parcours. Je veux bien que les uns et les autres campent sur leurs principes – il m’est arrivé de le faire –, mais ces étudiants ont travaillé, et ils pourraient intégrer une filière qui les intéresse particulièrement. Au lieu de cela, ce faisant, vous leur dites d’aller voir ailleurs…
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. La question de la sélection déguisée se pose. Mais entre un tirage au sort et une dose de méritocratie, j’ai tendance à préférer la seconde solution.
Il faudra que le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche finisse par s’interroger sur ce sujet : la qualité de boursier d’un élève performant pourrait être prise en compte, par exemple. Ce système de tirage au sort est vraiment trop démotivant.
M. le président. En conséquence, l’article 19 demeure supprimé.
Article 19 bis
(Supprimé)
Article 19 ter
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 427 est présenté par MM. Magner et Guillaume, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur, Vandierendonck et Vaugrenard, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 634 rectifié est présenté par MM. Collombat, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Fortassin, Guérini et Hue, Mme Malherbe et M. Requier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code civil est ainsi modifié :
1° Après le mot : « mère », la fin du deuxième alinéa de l’article 413-2 est ainsi rédigée : « , de l’un d’eux ou du mineur lui-même. » ;
2° L’article 413-3 est complété par les mots : « ou du mineur lui-même ».
La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour présenter l'amendement n° 427.
M. Jacques-Bernard Magner. Actuellement, l’émancipation des mineurs de plus de 16 ans ne peut être demandée que par le père, la mère ou le conseil de famille en cas de décès des parents, et non pas par l’intéressé lui-même.
L’Assemblée nationale s’est prononcée à deux reprises pour l’extension de la demande d’émancipation au mineur lui-même – lors de l’examen de la proposition de loi déposée par le groupe socialiste sur l’autorité parentale il y a deux ans de cela, et lors de la première lecture du présent texte –, sans que cette disposition soulève d’opposition.
Nous proposons donc le rétablissement de celle-ci. Il existe déjà des dispositions de « pré » ou « sur »-majorité sans que cela remette en cause le principe de la majorité à 18 ans. Un enfant âgé de 13 ans peut – malheureusement – aller en prison ; sa majorité sexuelle est fixée à 15 ans ; à 16 ans, il peut travailler et conduire un véhicule.
Soyons cohérents : renforçons les droits en matière civile des grands mineurs de plus de 16 ans, afin qu’ils les fassent mieux valoir.
Le dispositif proposé prévoit d’ailleurs l’intervention du juge des tutelles qui garantit que l’émancipation sera prononcée pour des motifs sérieux, après appréciation de la maturité du mineur.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 634 rectifié.
M. Pierre-Yves Collombat. J’insiste sur un seul point : la décision finale appartiendra bien au juge.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Les amendements nos 427 et 634 rectifié visent à modifier une disposition extrêmement importante du droit civil, et ce sans étude d’impact préalable.
Ils soulèvent une question. Pourquoi n’avoir pas élargi au procureur et au juge la capacité de demander l’émancipation ?
J’avoue ensuite mon profond désaccord sur un point : dans le dispositif proposé, les parents ne seraient pas automatiquement auditionnés si leur enfant demande son émancipation, alors que cette décision les concerne.
J’ajoute que, si ces amendements étaient adoptés, ils contribueraient à judiciariser un peu plus les relations familiales.
M. Jacques-Bernard Magner. Ce sont des cas exceptionnels !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. J’ai vraiment du mal à vous comprendre, madame la rapporteur. Quand un jeune de 16 ans a besoin de quitter son domicile familial, car il y vit mal, pour des raisons diverses, et parfois graves, pourquoi l’empêcher de solliciter directement le juge des tutelles, surtout si celui-ci estime également que son émancipation serait adaptée ?
Cela ne remet pas du tout en cause les procédures existantes, qui ont été rappelées par Jacques-Bernard Magner, et ce serait toujours le juge qui aurait autorité pour décider de cette émancipation. Ce ne serait donc pas un droit automatique. Il s’agit seulement de renforcer l’esprit de la loi.
Ce débat révèle néanmoins une grande différence entre vous et nous : pour nous, on peut faire confiance à un jeune de 16 ans. Il peut avoir le droit de demander son émancipation, pourvu que le juge l’autorise à prendre ce qui sera pour lui une responsabilité nouvelle.
Le Gouvernement est donc très favorable à ces deux amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 427 et 634 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 19 ter demeure supprimé.
Article 19 quater
I. – Le code du tourisme est ainsi modifié :
1° Le chapitre V du titre II du livre III est ainsi modifié :
a) L’intitulé est ainsi rédigé : « Villages de vacances et auberges de jeunesse » ;
b) La section 2 est ainsi rédigée :
« Section 2
« Auberges de jeunesse
« Art. L. 325-2. – Une auberge de jeunesse est un établissement agréé au titre de sa mission d’intérêt général dans le domaine de l’éducation populaire et de la jeunesse, exploité par des personnes morales de droit public ou des organismes de droit privé bénéficiaires de l’agrément prévu à l’article 8 de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel, en vue d’accueillir principalement des jeunes pour une ou plusieurs nuitées, de faciliter leur mobilité dans des conditions qui assurent l’accessibilité de tous et de leur proposer des activités éducatives de découverte culturelle, des programmes d’éducation non formelle destinés à favoriser les échanges interculturels ainsi que la mixité sociale, dans le respect des principes de liberté de conscience et de non-discrimination. » ;
2° Le chapitre II du titre Ier du livre IV est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Agrément délivré aux auberges de jeunesse pour leurs activités d’intérêt général
« Art. L. 412-3. – L’agrément prévu à l’article L. 325-2 est délivré par l’État dans les conditions et selon les modalités fixées par décret en Conseil d’État. »
II. – Les organismes constitués avant la publication de la présente loi qui utilisent dans leur dénomination les mots : « auberge de jeunesse » doivent se conformer aux articles L. 325-2 et L. 412-3 du code du tourisme dans les six mois suivant la publication du décret prévu au même article L. 412-3. – (Adopté.)
Article 19 quinquies
(Non modifié)
Le chapitre III du titre II du livre III de la sixième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 6323-6 est ainsi modifié :
a) Le I est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’accompagnement à la validation des acquis de l’expérience mentionnée à l’article L. 6313-11 est également éligible au compte personnel de formation, dans des conditions définies par décret. » ;
b) Le III est ainsi rédigé :
« III. – La préparation de l’épreuve théorique du code de la route et de l’épreuve pratique du permis de conduire des véhicules du groupe léger est éligible au compte personnel de formation, dans des conditions déterminées par décret. » ;
2° À la dernière phrase du second alinéa de l’article L. 6323-17, les références : « aux I et III » sont remplacées par la référence : « au I ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 715, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Après le mot :
travail
insérer les mots :
, dans sa version issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels,
II. – Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
b) Le 1° du III est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
III. – Alinéa 6
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« 1° La préparation de l’épreuve théorique du code de la route et de l’épreuve pratique du permis de conduire des véhicules du groupe léger. Le décret mentionné au premier alinéa du III du présent article précise les modalités d’alimentation par anticipation du compte personnel de formation ouvert au début du contrat d’apprentissage ;
« 1° bis La préparation de l’épreuve pratique du permis de conduire des groupes deux-roues ou lourds, lorsqu’il est acquis en complément d’une qualification elle-même éligible au compte personnel de formation ; »
III. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2017.
La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je suis particulièrement attachée à cet amendement, qui vise d’abord à élargir les formations éligibles au compte personnel de formation aux épreuves pratiques du permis de conduire des deux-roues et des groupes de véhicules lourds, lorsque ce permis est acquis en complément d'une qualification elle-même éligible au compte personnel de formation.
Aujourd'hui, un mécanicien travaillant dans un garage spécialisé ne peut déplacer de poids lourds dans la cour de ce dernier s’il n’a pas de permis adapté. C’est donc pour lui une nécessité absolue.
Cet amendement tend ensuite à faire bénéficier les apprentis de l'élargissement au permis de conduire des groupes de véhicules légers des formations éligibles au compte personnel de formation en leur permettant d'alimenter celui-ci par anticipation avec des heures destinées au financement de leur permis.
De nombreux jeunes apprentis ne peuvent se rendre de leur domicile à leur lieu de travail. Pour faciliter leur mobilité et leur accès à l’emploi, nous proposons donc de pré-alimenter leur compte personnel de formation. Un décret précisera les modalités de cette alimentation par anticipation et son financement par les organismes paritaires collecteurs agréés.
Cet amendement a enfin pour objet la coordination du présent article avec la rédaction de l’article L. 6323-6 du code du travail issue de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours.
M. le président. L'amendement n° 683 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Après le mot :
travail
insérer les mots :
, dans sa version issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels,
II. - Alinéa 5
Après le mot :
Le
insérer les mots :
deuxième alinéa du
III. - Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° La préparation de l’épreuve théorique du code de la route et de l’épreuve pratique du permis de conduire des véhicules du groupe léger ; ».
III. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2017.
La parole est à M. le ministre, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 715.
M. Patrick Kanner, ministre. L’article 19 quinquies du présent projet de loi ouvre à l’ensemble des salariés dotés d’un compte personnel de formation la possibilité de financer leur permis de conduire pour véhicules légers, aussi bien le code que la conduite, sur les fonds de la formation professionnelle.
Cette mesure est très forte, puisqu’elle vise à lever les freins à l’accès et au maintien dans l’emploi, en permettant que toute personne, jeune ou moins jeune, puisse accéder plus facilement au permis de conduire. On le sait, l’absence de permis est un handicap majeur pour des jeunes qui cherchent un travail ou souhaitent seulement être mobiles.
Nous allons donc tout faire pour que la mobilisation du compte personnel de formation soit la plus simple possible, tant pour le bénéficiaire que pour les organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, et pour les auto-écoles.
L’amendement du Gouvernement, quant à lui, tend à introduire une simple coordination légistique, pour tenir compte, dans le présent article, de la nouvelle numérotation du code du travail. Il est donc de nature purement rédactionnelle et ne posera pas de problème.
En revanche, l’amendement de la commission spéciale soulève quelques questions.
Concernant les permis poids lourd et deux-roues, les formations certifiantes menant aux métiers du transport de marchandises ou de voyageurs comprennent déjà la préparation aux permis spécialisés, indispensables à l’exercice de l’activité. Il n’est donc pas nécessaire de prendre une disposition qui les détacherait de ces formations, sans discussion préalable avec les partenaires sociaux responsables de la composition des listes de formations éligibles au compte personnel de formation, dont vous savez qu’ils sont durs en négociation, madame la rapporteur ! On ouvrirait la porte à bien des difficultés !
En outre, il ne serait pas pertinent de viser à cet endroit du code du travail un titre de la formation professionnelle, alors que des milliers figurent en bonne place sur la plupart des listes régionales des formations financées par les branches professionnelles.
Je suis naturellement favorable au développement du permis de conduire véhicules légers chez les jeunes, mais extrêmement réservé à l’extension à leur bénéfice des permis poids lourd et deux-roues.
Avis défavorable, donc, sur l’amendement n° 715.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 683 rectifié ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous avons travaillé sur ce sujet avec les fédérations professionnelles. Vous avez parlé, monsieur le ministre, des agréments qui permettent des financements des OPCA pour ce type de formation. Mais le processus se déroule à l’échelle régionale !
Pour garantir l’employabilité et l’évolution des apprentis, il pourrait être intéressant de leur permettre d’avoir accès à des formations financées par les OPCA.
Le texte du Gouvernement rend éligible au compte personnel de formation la préparation au permis de conduire pour l’ensemble des salariés. J’en comprends la pertinence pour encourager la mobilité.
Toutefois, les fonds des OPCA sont destinés à financer des formations professionnelles. Financer le permis de conduire de millions de salariés est une excellente chose, mais nous allons ainsi – vous connaissez le prix d’un permis, monsieur le ministre – vider les caisses des OPCA !
Nous ne cessons de dire, tous autant que nous sommes, qu’il faut encourager l’intégration des jeunes dans la société. Nous parlons beaucoup des étudiants, et je m’en réjouis ; mais j’aimerais qu’on parle aussi beaucoup des apprentis.
M. Bruno Retailleau. Très bien !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ce sont des jeunes extrêmement courageux, qui parcourent parfois des dizaines de kilomètres, dans des conditions très dures, pour se rendre de leur domicile à leur travail. Ils sont parfois obligés d’avoir trois lieux de résidence, en quelque sorte : celui de leurs parents, celui de leur travail, celui où ils suivent leur formation.
Au nom de l’égalité réelle entre tous les jeunes, faisons cet effort pour les apprentis : ils sont aussi la France de demain et méritent d’être encouragés ! (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Les apprentis sont en formation initiale ; nous ne visons donc pas les mêmes populations.
J’ajoute qu’il n’y a pas plus de raison de viser le permis poids lourd plutôt que d’autres formations, comme la formation d’électricien ou d’aide-soignant.
Tous les titres de la formation professionnelle sont mentionnés sur les listes régionales. Faisons confiance aux régions, qui en ont la compétence, pour mener à bien ce projet.
Le mieux est l’ennemi du bien, madame la rapporteur. Le dispositif prévu dans le texte et par l’amendement du Gouvernement me semble plus à même d’apporter une réelle satisfaction aux jeunes qui cherchent à passer leur permis de conduire.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 683 rectifié n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 19 quinquies, modifié.
(L'article 19 quinquies est adopté.)
Article 19 sexies
(Supprimé)
Article 19 septies A
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 428, présenté par MM. Magner et Guillaume, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur, Vandierendonck et Vaugrenard, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La sous-section 2 de la section 3 du chapitre Ier du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est complétée par un article L. 5131-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5131-6-1. – Tout bénéficiaire de l’allocation mentionnée à l’article L. 5131-6 est éligible de droit, sous réserve de ne pas bénéficier de caution parentale ou d’un tiers, au dispositif de la caution publique mis en place pour les prêts délivrés par les établissements de crédit ou les sociétés de financement dans le cadre de l’aide au financement de la formation à la conduite et à la sécurité routière prévue par le décret n° 2005-1225 du 29 septembre 2005 instituant une aide au financement de la formation à la conduite et à la sécurité routière. »
La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.
M. Jacques-Bernard Magner. Je reprendrai les termes utilisés à l’instant par Mme la rapporteur.
Cet amendement vise en effet à réintroduire dans la loi le principe selon lequel tout bénéficiaire d’une allocation prévue par le contrat d’insertion dans la vie sociale au titre de l’accompagnement personnalisé vers l’emploi – auquel la garantie jeunes, que vous avez créée, monsieur le ministre, va se substituer – est éligible de droit, sous réserve de ne pas bénéficier de caution parentale ou d’un tiers, au dispositif de la caution publique mis en place pour les prêts décaissés, dans le cadre du permis dit « à un euro par jour ».
J’imagine, madame la rapporteur, que vous ne pouvez être que favorable à cet amendement !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’amendement n° 715 que j’ai défendu était différent : il visait à mettre en place un dispositif qui n’existe pas. Or votre amendement tend à graver dans le marbre de la loi un dispositif qui existe depuis 2009 sur une base réglementaire : le financement du permis à un euro par jour.
Quand les choses fonctionnent bien à l’étage réglementaire, il n’y a pas de nécessité de les élever à l’étage supérieur, l’étage législatif.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Il s’agit d’inscrire dans la loi une nouvelle garantie pour les jeunes bénéficiaires de la garantie jeunes : celle d’être éligibles au permis à un euro par jour, existant certes d'ores et déjà sur la base d’une circulaire. Nous revenons ainsi au débat que nous avons eu il y a un instant, madame la rapporteur.
Mais depuis 2009, la garantie jeunes a été adoptée. Elle concernera potentiellement 100 000 jeunes à la fin de l’année 2016 et 200 000 à la fin de l’année 2017. Les crédits de la loi de finances pour 2017 vous démontreront la priorité accordée par le Gouvernement à ce plan.
Il s’agit d’un dispositif extrêmement utile, qui sera généralisé à tout le territoire au 1er janvier 2017 ; nous souhaitons donc que tous les jeunes qui en sont bénéficiaires soient également éligibles au permis à un euro par jour, dispositif par lequel l’État prend en charge les intérêts du prêt nécessaire au financement du permis.
Le Gouvernement émet par conséquent un avis très favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Je voudrais appeler votre attention, mes chers collègues, sur les effets de manche auxquels nous assistons.
Le Gouvernement, soutenu par la majorité présidentielle, minoritaire au Sénat, laisse accroire aux Français et aux jeunes qu’il a décidé certaines mesures favorables à cette catégorie de la population.
En réalité, il ne s’agit pas de droits nouveaux !
M. Jacques-Bernard Magner. Ce sont des droits pour les jeunes !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Le Gouvernement, par un tour de passe-passe, transforme ce qui figure dans une circulaire en une disposition d’une loi de la République. Il affichera ainsi demain la volonté d’aller dans le sens des mesures revendiquées par les jeunes.
Or cette mesure existe : elle a été créée en 2009, par une majorité qui n’était pas de votre obédience, monsieur le ministre, et vous voulez la présenter comme une disposition extrêmement généreuse vis-à-vis des jeunes.
Cela, mes chers collègues, vous l’aviez bien compris. Vous n’avez pas besoin d’en être instruits.
M. Jacques-Bernard Magner. Merci !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Ce n’est donc pas tant à vous qu’à l’opinion que je m’adresse. Je m’adresse à tous ceux qui regardent actuellement Public Sénat, à ces jeunes qui sont extrêmement attentifs à nos travaux,…
M. Yannick Vaugrenard. Des millions ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. … et leur demande de ne pas se laisser abuser ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Monsieur le président de la commission spéciale, je voudrais vous rassurer : je ne suis pas hémiplégique. Quand une mesure prise par un précédent gouvernement est bonne, il faut non seulement la conserver, mais encore l’amplifier.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. C’est trop d’honneur !
M. Patrick Kanner, ministre. C’est exactement ce que nous faisons !
Je vous donne un autre exemple très concret. Le service civique a été imaginé dans cette assemblée.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Par Martin Hirsch !
M. Patrick Kanner, ministre. Non, monsieur le président de la commission spéciale, par un sénateur du groupe du RDSE : Yvon Collin. Et ce service civique a été mis en œuvre dans une loi soutenue par Martin Hirsch… Aujourd'hui, l’universalisation du service civique est le fait du présent gouvernement. J’espère d’ailleurs que si, par malheur, il y avait une alternance dans quelques mois,…
M. Roland Courteau. C’est peu probable !
M. Patrick Kanner, ministre. … l’extension du service civique ne serait pas remise en cause.
Je m’adresse moi aussi aux jeunes, dont je ne doute pas qu’ils soient nombreux à regarder Public Sénat.
Non seulement nous voulons garantir le mécanisme du permis à un euro par jour, y compris pour les jeunes les plus en difficulté, lesquels bénéficient de la garantie jeunes – dispositif qui n’existait pas, permettez-moi de vous le dire, avant 2012 ! –, mais nous permettons, en outre, le financement du permis de conduire dans le cadre du compte personnel de formation, ce qui est aussi une nouveauté.
Tout ce qui va dans le sens du progrès des droits des jeunes est une bonne chose. C’est en tout cas dans ce cadre que je me situe en vous présentant ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Si ce que vous avez dit, monsieur le président de la commission des affaires économiques, est confirmé et exact, c’est-à-dire que cette disposition était déjà en vigueur, mais par voie de circulaire ou par voie réglementaire, alors vous auriez pu invoquer l’article 41 de la Constitution afin de balayer, d’un revers de main, une mesure qui s’appliquait antérieurement ! Pourquoi légiférer ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Une circulaire, mon cher collègue, n’a aucune portée normative. On ne peut donc pas s’opposer à un amendement visant à modifier ou à conforter une circulaire. L’article 41 de la Constitution ne porte que sur le règlement, soit un décret ou un arrêté.
M. le président. En conséquence, l’article19 septies A demeure supprimé.
Article 19 septies
(Supprimé)
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.
M. Jacques-Bernard Magner. J’aurais souhaité défendre mon amendement n° 429 visant à rétablir l’article 19 septies supprimé par la commission spéciale. Or il a malheureusement été déclaré irrecevable en vertu de l’article 41 de la Constitution, dont nous venons de voir combien il est discutable et arbitraire. Je regrette vivement cette décision…
M. le président. Mon cher collègue, vous ne pouvez pas intervenir sur un article qui a été supprimé !
Article 19 octies
(Supprimé)
Articles additionnels après l'article 19 octies
M. le président. L’amendement n° 612, présenté par M. Kern, est ainsi libellé :
A. – Après l’article 19 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La section 6 du chapitre IV du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi rétablie :
« Section 6
« L’emploi d’appoint jeune
« Sous-section 1
« Contrat de travail
« Art. L. 5134-80. – L’emploi d’appoint jeune s’adresse aux jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans inclus à la date de signature du contrat.
« La durée hebdomadaire de travail stipulée au contrat emploi d’appoint jeune est au maximum égale à quinze heures.
« Les particuliers employeurs sont exclus des contrats emploi d’appoint jeune.
« Le salaire minimal d’un emploi d’appoint jeune est équivalent au taux horaire du salaire minimum de croissance multiplié par le nombre d’heures de travail.
« Le contrat emploi d’appoint jeune est conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. Dans le cas d’une durée indéterminée, le contrat est rompu le jour du vingt-sixième anniversaire du jeune.
« Pour la rupture du contrat de travail, il est fait application des articles L. 1243-1 à L. 1243-4 pour les contrats à durée déterminée et des articles L. 1231-1 à L. 1238-5 pour les contrats à durée indéterminée.
« Le nombre d’emplois d’appoint jeune par entreprise est au maximum de :
« 1° Deux emplois pour une entreprise de dix salariés au plus ;
« 2° Quatre emplois pour une entreprise de dix à cinquante salariés ;
« 3° Six emplois pour une entreprise de plus de cinquante salariés.
« Sous-section 2
« Exonération des charges patronales
« Art. L. 5134-81. – « Les embauches réalisées à titre d’emploi d’appoint jeune donnent droit à l’exonération des cotisations à la charge de l’employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales, dans la limite du montant forfaitaire du revenu de solidarité active défini par décret en application de l’article L. 262-3 du code de l’action sociale et des familles. »
II. – Le II de la section V du chapitre Ier du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complété par un 35° ainsi rédigé :
« 35° Exonération d’impôt accordée au titre des revenus perçus dans le cadre d’un emploi d’appoint jeune
« Art. 200 sexdecies. – Les revenus perçus au titre d’un contrat emploi d’appoint jeune sont exonérés d’impôts dans la limite du montant forfaitaire du revenu de solidarité active défini par décret en application de l’article L. 262-3 du code de l’action sociale et des familles. »
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre III
Accompagner les jeunes vers l’emploi
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Près d’un jeune Français sur cinq vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, ainsi que l’a souligné France Stratégie dans une note d’analyse publiée au mois de mars dernier et qui préconise l’ouverture rapide d’un débat sur des réformes permettant d’accompagner « plus efficacement la jeunesse vers l’âge adulte ».
Dans cette optique, il est régulièrement évoqué d’accorder de nouvelles aides aux jeunes âgés de 18 à 25 ans. Le rapport intitulé Repenser les minima sociaux : vers une couverture socle commune du député, devenu ministre, Christophe Sirugue, propose ainsi l’ouverture du revenu de solidarité active, ou RSA, à tous les jeunes âgés de moins de 25 ans. Quel est l’argument ? Limiter l’accès au RSA aux jeunes de plus de 25 ans empêcherait de lutter efficacement contre la pauvreté des plus jeunes. L’intention est sans doute louable, mais il est permis de douter de la pertinence de cette approche.
En réalité, l’attribution d’un RSA aux jeunes, outre son coût élevé, ne serait pas une réponse efficace à la détresse que connaissent actuellement nombre d’entre eux. C’est par l’emploi que l’on réussira à tirer les jeunes âgés de 18 à 25 ans d’une précarité issue d’un contexte économique morose.
C’est dans cet esprit qu’ont été créés, en 2012, les emplois d’avenir et, en 2015, les contrats CIE-Starter. En permettant aux employeurs de bénéficier d’une aide de l’État, ces dispositifs ont pu avoir une certaine efficacité. Néanmoins, mes chers collègues, je suis convaincu que c’est avec un dispositif simple et accessible à tous les jeunes que l’on suscitera une dynamique d’insertion professionnelle de la jeunesse.
Bien plus que d’une allocation qui coûterait, selon les estimations, de 4 à 7 milliards d’euros, c’est de mettre un pied dans le monde du travail, qu’il s’agisse de « petits jobs » ou d’emplois pérennes, dont les jeunes ont besoin. C’est tout le sens du présent amendement, visant à employer les ressources qui seraient dédiées à un « RSA jeunes » pour créer une nouvelle forme de contrat aidé, s’inspirant à certains égards du modèle allemand des « mini-jobs ». Ces emplois partiels, malgré certains inconvénients, contribuent en effet très largement, de par leur souplesse, à faire de l’Allemagne le pays de l’Union européenne ayant le plus faible taux de chômage des jeunes.
À l’instar du contrat jeune en entreprise, le CJE, les emplois d’appoint jeune permettraient aux employeurs de bénéficier d’une exonération des charges patronales dans la limite du montant forfaitaire du RSA.
Comme les emplois d’avenir, les emplois d’appoint jeune s’adresseraient à tous les employeurs, sans qu’il soit fait de différence entre ceux du secteur marchand et ceux du secteur non marchand.
Comme les contrats CIE-Starter, il pourrait s’agir de contrats à durée déterminée ou indéterminée.
Limités à une durée hebdomadaire de 15 heures, ces nouveaux emplois ne pourraient concurrencer des emplois déjà en place. Ils permettraient en outre à chacun de commencer, de continuer, ou bien de reprendre des études, une formation…
Ils s’adresseraient, par ailleurs, à tous les jeunes âgés de 18 à 25 ans, et non seulement à la part de ceux qui sont reconnus en grande difficulté.
Bref, toutes les précautions me semblent ainsi prises, afin de soutenir efficacement l’emploi des jeunes, tout en limitant les effets pervers des dispositifs.
Mes chers collègues, la jeunesse a besoin de signaux forts. Adopter cet amendement en serait un.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je suis heureuse que nous terminions l’examen du titre Ier du présent projet de loi par cet amendement, qui résume ce que l’on fait de mieux pour les jeunes : les aider à acquérir leur autonomie par le travail.
La philosophie de cet amendement, qui vise à créer une nouvelle catégorie de contrat aidé dans l’entreprise à destination des jeunes âgés de 18 à 25 ans, me paraît très légitime. Il s’agit de privilégier le travail en tant que facteur d’intégration des jeunes dans l’emploi, plutôt que d’envisager une extension du RSA aux jeunes âgés de 18 à 25 ans.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement, en souhaitant que le plus grand nombre possible de jeunes accèdent à l’autonomie par le travail.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Je vous remercie chaleureusement, monsieur Kern, car votre amendement permet d’envoyer un signal fort sur ce qui sépare la droite et la gauche dans ce pays et me donne l’occasion de le confirmer solennellement devant cette assemblée. (Mme Éliane Giraud applaudit.)
M. Roland Courteau. La différence existe !
M. Patrick Kanner, ministre. Merci, monsieur le sénateur, car ces contrats de 15 heures pour les jeunes sont vraiment un beau signal ! Vous le proposez au moment où, pour notre part, nous adoptons une série de mesures visant à la réinsertion des jeunes – la garantie jeunes – et à la mobilisation des jeunes par le service civique et par le contrat CIE-Starter, lequel est un contrat « normal » sur le plan du droit du travail.
Quant à vous, vous proposez une forme de sous-contrat. Je suis scandalisé qu’un représentant de la Haute Assemblée fasse une telle proposition ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Cela nous rappelle des débats plus anciens, comme celui qui était relatif au contrat première embauche, le CPE, qui ont conduit la jeunesse à se battre pour opposer son refus d’accepter de tels contrats.
M. Bruno Retailleau. La jeunesse était aussi dans la rue il y a quelque temps, monsieur le ministre !
M. Patrick Kanner, ministre. Le Gouvernement est naturellement tout à fait défavorable à votre amendement, monsieur Kern.
Vous prendrez vos responsabilités, mesdames, messieurs les sénateurs de droite et du centre, je n’en doute pas un seul instant !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Absolument, et avec fierté !
M. Patrick Kanner, ministre. Je tiens à vous dire que, dans ce pays, la jeunesse est non pas un handicap, mais une chance. (Mme Sophie Primas s’exclame.) L’âge ne peut pas servir de prétexte pour conférer aux jeunes des droits inférieurs à ceux de n’importe quel autre salarié. C’est votre choix, ce n’est pas le nôtre !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Patrick Kanner, ministre. Encore une fois, cet amendement nous permet, ce soir, de montrer la différence qui existe entre ce que l’on peut appeler les forces de progrès et les représentants du conservatisme, pour ne pas dire davantage… (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roland Courteau. C’est la vérité !
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. J’ai beaucoup entendu dire ce soir qu’il fallait faire confiance aux jeunes, qu’il fallait leur apprendre le droit au travail. Il a même été dit, par le biais d’un amendement, qu’ils avaient « droit au travail ». On peut en effet – pourquoi pas ? – enseigner tout cela dans les lycées, les lycées professionnels et les CFA. Mais il faudrait aussi leur expliquer comment se crée le travail, combien les PME sont difficiles à gérer, et leur indiquer quelles sont les conditions à mettre en place pour que le plein emploi soit rétabli en France.
L’emploi industriel représente 15 % du total des emplois dans notre pays, et 25 % en Allemagne. Il faut le dire !
Oui, monsieur le ministre, les jeunes sont une chance. Mais ils ne nous feront confiance qu’à condition que nous mettions en place des formations adéquates, et que nous permettions aux jeunes à la scolarité brillante de poursuivre leurs études à l’université, sans être tirés au sort.
Bien sûr, il faut demander leur avis aux jeunes. On ne va pas leur imposer un travail dont ils n’ont pas envie ! Il s’agit de les orienter vers des métiers qui existent et vers des formations en rapport avec ces métiers.
Ce n’est pas en ouvrant l’université à tous, ce qui aboutit aujourd’hui à 70 % d’échecs, que nous leur permettrons de nous faire confiance.
Les jeunes sont une chance, c’est vrai ! Mais, j’y insiste, ils ne nous feront confiance que si nous mettons en place une politique qui leur donne du travail. La confiance viendra avec l’emploi, car il n’y aura pas d’autonomie des jeunes sans le travail. La précarité, c’est le chômage, et donc l’absence d’autonomie !
Pour ces raisons, je voterai en faveur de l’amendement de Claude Kern.
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour explication de vote.
Mme Christine Prunaud. Nous nous opposerons, monsieur Kern, à cette nouvelle forme de contrat aidé que vous proposez, pour les raisons que vient d’énoncer M. le ministre, entre autres.
Le chômage des jeunes est une préoccupation nationale depuis quelques années, mais cela ne justifie pas l’adoption d’une telle mesure, qui ne ferait que déplacer le problème : on passerait d’un chômage de masse des 18-25 ans à un éventuel chômage de masse des 26-30 ans et plus.
Par ailleurs, la mesure que vous nous soumettez suscite une question simple : combien de temps encore allons-nous offrir des « cadeaux fiscaux » aux entreprises sans réelles contreparties, lesquelles seraient pourtant bien utiles pour mettre en place des plans de relance et lutter contre le chômage des jeunes ?
De nombreux jeunes connaissent une situation de grave précarité, soit parce qu’ils occupent des emplois à temps partiel rémunérés sur la base du SMIC, soit parce qu’ils sont au chômage. La mesure que vous nous présentez, monsieur Kern, me semble donc très injuste, pour ne pas dire incorrecte. Pas plus que les autres membres de mon groupe, je n’oserai proposer aux jeunes un tel dispositif.
Votre proposition ne maintient que l’existant.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je serai bref, monsieur le ministre, mais nous ne pouvons pas laisser passer des propos caricaturaux.
Ne laissez pas croire qu’il y a un parti de la jeunesse et un autre qui serait contre la jeunesse ! Vous savez très bien que c’est caricatural.
Il y a quelques mois, vous le savez aussi, une grande partie de la jeunesse était dans la rue, contestant des dispositifs législatifs décidés par le gouvernement auquel vous appartenez.
Ce qu’attend la jeunesse, ce ne sont pas des écrans de fumée, ce n’est pas « toujours plus de droits » !
Lorsque le quart à peu près d’une classe d’âge, celle des 15-24 ans, se trouve au chômage, ce que la jeunesse attend, ce ne sont pas ces contrats aidés, que la Cour des comptes vient de qualifier dans un rapport de « coûteux et inefficaces » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.), c’est du travail !
M. Jean-Yves Leconte. Vous étiez dans la rue avec les jeunes ?
M. Bruno Retailleau. Votre gouvernement, en raison des mesures qu’il a prises – et je sais de quoi je parle en tant que président de région ! –, a cassé la dynamique de l’apprentissage pour des milliers de jeunes.
M. Claude Kern. Tout à fait !
M. Bruno Retailleau. En Allemagne, il y a trois fois plus de jeunes en apprentissage et trois fois moins au chômage !
On peut bien sûr, s’affronter, monsieur le ministre, argument contre argument. Mais, de grâce, cessez ces effets de manche, cela ne marche plus, notamment auprès de ceux qui observent nos débats !
Ce n’est pas la peine de nous faire la leçon ; celle-ci viendra en son temps. La jeunesse de France a besoin d’une espérance, et non qu’on la trompe par de fausses mesures et avec des écrans de fumée. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. Je pense, monsieur le ministre, que vous n’avez pas bien compris mon amendement. Il y est question d’emplois non pas pérennes, mais d’appoint.
De nombreux jeunes cherchent aujourd’hui des emplois d’appoint pour payer leurs études. Or ils se heurtent souvent à des refus, notamment de la part des petites entreprises des secteurs du commerce et de la restauration. Mettre en place de tels emplois leur permettrait de financer leurs études, mais serait surtout beaucoup moins onéreux qu’une allocation « jeunes » qui coûterait, je le rappelle, de 4 à 7 milliards d’euros.
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.
M. Jacques-Bernard Magner. La majorité sénatoriale n’est pas très au clair sur ce que veulent les uns et les autres. D’un côté, elle nous dit que son ambition n’est pas de donner aux jeunes des emplois d’appoint et, de l’autre, elle prévoit d’en créer par voie d’amendement. Elle copie les « mini-jobs » allemands et anglais, dont on sait qu’ils sont tout à fait néfastes pour la jeunesse.
M. Claude Kern. Pas du tout !
M. Jacques-Bernard Magner. Lors du débat sur la refondation de l’école, nous avions l’ambition de donner aux jeunes des emplois d’avenir dans le corps des professeurs pour éviter qu’ils ne prennent ces « mini-jobs », tout aussi néfastes pour les jeunes qui font des études que pour ceux dont c’est l’activité principale.
J’imagine, monsieur Kern, que vous avez pris pour modèle l’exemple allemand. Mais je comprends mal que votre seule ambition pour les jeunes, que votre seul signal envoyé à la fin de l’examen du titre Ier de ce projet de loi, soit une vie avec des emplois d’appoint. (Mme Éliane Giraud applaudit.)
Mme Sophie Primas. Caricatural !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Giraud, pour explication de vote.
Mme Éliane Giraud. Je suis très étonnée par ce débat qui n’est pas, à mon avis, d’un très bon niveau.
Tout d’abord, il est incomplet. Quand on parle des « mini-jobs » allemands, il faut aussi évoquer la structure de la population active en Allemagne. Il faut dire, également, que ces emplois sont occupés à 61 % par des femmes, soit parce qu’elles étaient sorties du marché du travail, soit faute de places en crèche ou par manque de services sociaux.
Si l’on veut établir des comparaisons, il faut le faire très sérieusement !
Ce qu’il faut donner aux jeunes, c’est l’envie de faire et de créer, et non leur offrir des emplois sous-dotés et mal payés. En Allemagne, les chiffres du chômage ont certes baissé, mais les inégalités et le déclassement ont augmenté !
C’est non pas de cet avenir dont j’ai envie pour les jeunes, mais d’un peu de protection et d’une entrée dans le monde du travail, tout en leur faisant comprendre qu’ils ont aussi des droits qu’ils doivent défendre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Je voudrais vous répondre, monsieur Retailleau, puisque vous m’avez interpellé directement. Vous me dites que je suis le ministre du « toujours plus de droits » pour les jeunes. J’en suis fier !
M. Bruno Retailleau. Des droits sociaux !
M. Patrick Kanner, ministre. Si votre emploi du temps chargé vous avait permis d’assister à l’ensemble de nos travaux, vous auriez remarqué que les membres de votre majorité réclamaient, quant à eux, toujours moins de droits.
Vous avez en effet supprimé des droits que l’Assemblée nationale avait soumis au vote des députés !
Je vais vous donner un exemple. Si vous avez lu, comme je n’en doute pas, l’amendement de M. Kern, vous avez vu qu’il vise à instaurer, non pas davantage de droits, mais un affaiblissement du droit du travail. (Et les devoirs ? sur les travées du groupe Les Républicains.) Cette proposition aurait d’ailleurs pu être faite dans le cadre de l’examen du projet de loi présenté par Myriam El Khomri…
Je rappelle les termes de l’amendement : « Le contrat emploi d’appoint jeune est conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. » Dont acte !
Je poursuis : « Dans le cas d’une durée indéterminée, le contrat est rompu le jour du vingt-sixième anniversaire du jeune. » Cette rupture brutale et automatique, monsieur Kern, vous ne l’avez pas évoquée !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Le jeune peut anticiper…
M. Patrick Kanner, ministre. Si telle est votre conception du droit du travail, ce n’est pas la nôtre ! Encore une fois, je suis très fier de constater que ce clivage, même s’il se manifeste à une heure tardive dans cet hémicycle, existe entre nous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 612.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain et du Gouvernement.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 6 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 187 |
Contre | 154 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 19 octies.
L’amendement n° 613 rectifié, présenté par M. Kern, est ainsi libellé :
A. – Après l’article 19 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 611-4 du code de l’éducation, sont insérés des articles L. 611-4-… et L. 611-4-… ainsi rédigés :
« Art. L. 611-4-…. – Les établissements d’enseignement supérieur permettent, selon des formules adaptées, d’aménager l’emploi du temps des étudiants afin de concilier leurs études avec des missions d’entrepreneuriat.
« Art. L. 611-4-… – Au cours de leurs années d’études, les étudiants des établissements d’enseignement supérieur sont sensibilisés, au besoin par des formations spécifiques et adaptées, aux formes d’entrepreneuriat ainsi qu’à la connaissance des entités qui promeuvent la création ou la reprise d’entreprise au sein desdits établissements. »
II. – Les établissements d’enseignement supérieur ou d’enseignement artistique publics ou privés, délivrant des diplômes au nom de l’État, d’intérêt général et à but non lucratif, et les associations gérées par des étudiants au sein de ces établissements et ayant pour objet exclusif de proposer aux étudiants de participer à la réalisation de missions à caractère intellectuel et formateur confiées par des professionnels auxdits établissements ou associations, ont la faculté de proposer auxdits étudiants la réalisation d’études et de missions dans les conditions prévues au présent article.
Les étudiants, quels que soient leur nationalité ou leur statut, doivent être inscrits dans les établissements qui leur confient les missions et suivre les enseignements qui leur sont dispensés. S’agissant des associations mentionnées au premier alinéa, ils doivent en outre en être membres.
La contribution des étudiants aux missions menées par lesdits établissements ou associations mentionnés au premier alinéa doit avoir un caractère intellectuel et formateur et être en rapport avec les enseignements qui leur sont dispensés. Les entités mentionnées au même premier alinéa veillent à ce que la réalisation du travail soit compatible avec le cursus de l’étudiant.
Dans le cadre de leurs études ou missions, les étudiants ne sont pas liés par un contrat de travail, au sens du livre II de la première partie du code du travail. De même, les sommes versées auxdits étudiants n’ont pas le caractère de salaire, au sens de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et des articles 12 et suivants du code général des impôts.
À titre dérogatoire, les intéressés sont dispensés du paiement de toute cotisation ou contribution au régime d’assurance maladie ainsi qu’au régime d’assurance chômage dès lors qu’ils bénéficient du régime de sécurité sociale étudiant.
La rémunération des étudiants à l’issue de la mission est accompagnée d’un bulletin de versement rappelant les prélèvements sociaux et fiscaux libératoires. Les entités mentionnées au premier alinéa du présent article établissent de manière périodique un document récapitulatif de l’ensemble des prélèvements sociaux et fiscaux pour la période considérée, le transmettent aux organismes sociaux et fiscaux concernés et assurent le paiement des montants correspondants.
Un décret en Conseil d’État détermine la durée maximale des missions, le formalisme que revêt l’ordre de mission, le calcul des cotisations et contributions sociales ainsi que les modalités d’application du présent article.
III. – Après l’article L. 381-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 381-4-… ainsi rédigé :
« Art. L. 381-4-… – Dès lors que les élèves et étudiants mentionnés à l’article L. 381-4 exercent parallèlement à leurs études une activité professionnelle, ils sont dispensés de tout paiement de cotisation d’assurance maladie du fait de leur affiliation au régime de sécurité sociale étudiant obligatoire. Cette exonération de l’assurance maladie est valable tant pendant la période de prise en charge du risque maladie que pendant la période du maintien des droits. »
IV. – La section 2 du chapitre II du titre II du livre IV de la cinquième partie du code du travail est complétée par un article L. 5422-12-… ainsi rédigé :
« Art. L. 5422-12-… – Les élèves et étudiants mentionnés à l’article L. 381-4 du code de la sécurité sociale exerçant parallèlement à leurs études une activité professionnelle sont exonérés au titre de cette dernière activité de toute cotisation au régime d’assurance chômage. »
V. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I à V est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre III
Accompagner les jeunes vers l’emploi
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. L’ambition phare des gouvernements successifs depuis vingt ans, c’est l’entrepreneuriat étudiant, qui est plus que jamais au cœur des préoccupations de nos jeunes.
Aujourd’hui, 88 % des étudiants en fin de cursus ayant exprimé le souhait d’entreprendre en sont dissuadés à l’idée de la peur de l’échec, d’une pression sociale, ou tout simplement à cause de la complexité administrative. Ainsi, seuls 9 % des créateurs d’entreprises en France ont moins de 25 ans. Et lorsque les étudiants désirent simplement travailler pour subvenir à leurs besoins, près de 25 % d’entre eux déclarent que leurs petits boulots sont sans lien avec leurs études, source d’un potentiel décrochage scolaire.
Le présent amendement vise à répondre à cette situation, via un soutien au passage à l’acte entrepreneurial, tout en évitant le décrochage scolaire des étudiants qui travailleraient en parallèle de leurs études. Pour cela, il est urgent de mettre en place un cadre simplifié et adapté aux travaux réalisés par les étudiants. En effet, la complexité et l’incohérence des démarches administratives n’épargnent malheureusement ni les étudiants qui veulent entreprendre ni ceux qui souhaitent simplement travailler.
Ainsi, pour renforcer cette convergence entre études et projet, et éviter un décrochage scolaire, le présent amendement a pour objet d’améliorer notre arsenal législatif sur plusieurs points : il vise, d’abord, à réaménager l’emploi du temps des étudiants auto-entrepreneurs afin que ceux-ci puissent concilier études théoriques et mise en pratique ; il tend, ensuite, à créer un « chèque mission étudiant » pour lutter contre la pauvreté des étudiants ; il vise, enfin, à simplifier les charges à déclarer et à leur redonner de la cohérence.
Mes chers collègues, la jeunesse a besoin de signaux forts. Je le dis en fois encore, adopter cet amendement en serait un !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Puisqu’il s’agit du dernier amendement déposé sur le titre Ier, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, de la qualité du dialogue que nous avons eu. J’ai toutefois l’impression que la boucle est bouclée et que je pourrais répéter, ce soir, le propos que j’ai tenu lors de la discussion générale : une société se construit non pas simplement sur la base de la sacralisation des droits individuels, mais aussi sur celle des devoirs et de la solidarité.
Je vous le redis sans provocation, en proposant un amendement dont vous contestez l’utilité et la pertinence, Claude Kern a fait la démonstration que ce qui nous sépare, c’est peut-être la volonté de permettre aux jeunes de s’intégrer dans notre société par le travail.
Cela étant, j’émettrai cependant un avis défavorable sur son amendement.
La première proposition faite par le biais de ce dernier, à savoir l’aménagement de l’emploi du temps des étudiants entrepreneurs, est satisfaite par l’article 14 quinquies, qui vise les étudiants exerçant une activité professionnelle, et donc les entrepreneurs.
Les autres propositions – création d’un « chèque mission étudiant », notamment – me paraissent sans lien avec l’objet du texte qui est de développer l’engagement civique de la jeunesse.
En conséquence, je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement, dans la mesure où il est partiellement satisfait. Sinon je serai contrainte d’émettre, au nom de la commission spéciale, un avis défavorable, en vertu de la rigueur que j’ai essayé de tenir durant l’examen de ce titre Ier.
Mme Catherine Deroche. Parfait !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Rassurez-vous, madame la rapporteur, je crois, moi aussi, à l’emploi comme facteur d’insertion des jeunes. Mais pas à l’emploi bradé, dans le cadre d’un nouveau code du travail tel que celui que sous-entendent les propositions de M. Kern. Voilà qui boucle la boucle, pour reprendre votre expression !
Cela dit, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, car il existe d’ores et déjà, depuis 2013, une politique volontariste destinée à susciter chez les étudiants l’envie d’entreprendre. C’est ainsi que nous avons mis en place le statut étudiant-entrepreneur.
Ce statut permet notamment à ces jeunes un aménagement d’études, l’accès au diplôme d’établissement étudiant-entrepreneur, l’accès à un accompagnement par l’action avec des tuteurs et, à la fin de leurs études, la sécurisation, pendant une année, de leur situation.
Ce statut, monsieur le sénateur, leur permet également d’accéder à l’un des 29 pôles étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat, les PEPITE, qui maillent aujourd'hui le territoire national. Une réponse existe donc déjà.
La proposition contenue dans la deuxième partie de votre amendement – les missions confiées par des professionnels aux étudiants par le biais de leurs établissements de formation devraient avoir un caractère intellectuel et formateur – ne me paraît pas suffisamment définie ; elle est composite sur la forme comme sur le fond.
Au final, les imprécisions dans la rédaction de votre amendement ne me permettent pas de le soutenir. Instaurer une forme de sous-salariat étudiant destiné aux jeunes qui envisagent de créer une entreprise et précariser ceux-ci n’est pas acceptable.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Monsieur Kern, l'amendement n° 613 rectifié est-il maintenu ?
M. Claude Kern. Je me range aux explications qui viennent de m’être fournies par Mme le rapporteur, que je remercie, elle ainsi que tous les membres de la commission spéciale, de l’excellent travail qui a été mené sur ce titre Ier – je reviendrai sur les autres titres ultérieurement –, et je retire mon amendement. (Très bien ! au banc des commissions.)
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Monsieur le président, la commission demande l’examen par priorité des articles 48, 49 et 50 après celui de l’amendement n° 92 rectifié bis, tendant à insérer un article additionnel après l’article 33 quindecies.
En effet, pour assurer la cohérence du débat, il semble nécessaire de discuter au même moment de l’ensemble des dispositions relatives aux gens du voyage, qu’elles figurent au titre II ou au titre III du présent projet de loi.
J’en profite pour adresser quelques mots à Mme la ministre du logement, alors que M. Kanner va vraisemblablement quitter l’hémicycle dans quelques instants. Cela dit, vous pouvez rester, monsieur le ministre : les débats, vous l’avez compris, sont extrêmement intéressants au Sénat et nous serions très honorés que vous demeuriez aux côtés de Mme Cosse pendant l’examen des articles qui relèvent du titre consacré au logement.
Madame la ministre, rien n’est plus important, quand on arrive dans une assemblée, que d’en mesurer l’ambiance et de connaître l’humeur des participants. Je vais vous rassurer : depuis hier, l’humeur est excellente ! Les échanges ont été extrêmement courtois. Si nous ne nous sommes pas mis d’accord sur tout, il faut le dire, un certain nombre d’amendements déposés par le Gouvernement ont cependant obtenu le soutien de la majorité sénatoriale, contre l’avis de la minorité qui se trouve à la gauche de cet hémicycle. Monsieur le ministre, j’espère que vous aurez apprécié le concours qu’a pu vous apporter la majorité sénatoriale… (Sourires.)
Il est vrai qu’un durcissement dans les propos de votre collègue a provoqué une certaine tension dans l’hémicycle ; vous l’avez peut-être ressentie en arrivant, madame la ministre. Cette tension ne vous est pas imputable, monsieur Kanner :…
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. … au terme de nombreuses heures passées à débattre de certains sujets, un peu d’exaspération peut avoir tendance à s’exprimer…
Mais peut-être vouliez-vous simplement mettre en évidence les qualités de courtoisie et de dialogue de Mme Cosse, qui ne manquera pas de s’employer à démontrer sa capacité à nous entendre et à essayer de faire, ensemble, œuvre commune. (M. Jean-Pierre Leleux applaudit.)
M. le président. Je suis donc saisi par la commission d’une demande de priorité portant sur les articles 48, 49 et 50, afin que ceux-ci soient examinés après l’amendement n° 92 rectifié bis tendant à insérer un article additionnel après l’article 33 quindecies.
Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la priorité est de droit lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité formulée par la commission ?
Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable. Favorable !
Nous avons quelque 400 amendements à examiner avant de débattre des articles 48, 49 et 50. Chacun aura le temps de s’organiser !
M. Jean-Pierre Sueur. J’en prends acte !
M. le président. La priorité est ordonnée.
TITRE II
MIXITÉ SOCIALE ET ÉGALITÉ DES CHANCES DANS L’HABITAT
Chapitre Ier
Améliorer l’équité et la gouvernance territoriale des attributions de logements sociaux
Articles additionnels avant l’article 20
M. le président. L'amendement n° 134, présenté par M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 199 novovicies du code général des impôts est abrogé.
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Cet amendement vise à abroger le dispositif Pinel. En effet, nous émettons des doutes sur l’utilité et l’efficacité de ce énième dispositif d’exonération fiscale. D'ailleurs, nous ne sommes pas les seuls. Pierre Madec, économiste à l’OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques, dénonce le coût excessif d’une mesure qui ne permet pas l’émergence d’un parc locatif à loyer modéré, ce qui était pourtant son objectif.
Certes, le dispositif Pinel a permis la construction de 50 000 logements en 2015, mais pour quelle offre ? Une offre essentiellement inadaptée, de faible qualité et ne se développant pas nécessairement dans les zones où les besoins sont les plus importants, mais plutôt là où cela rapporte le plus. Il s’agit ni plus ni moins du financement avec de l’argent public de la construction de logements privés qui restent inaccessibles au plus grand nombre. Il s’agit donc là d’une véritable injustice fiscale.
Comment justifier que des millions d’euros issus des impôts des contribuables – 240 millions d’euros en 2016 – servent à financer les réductions d’impôt d’autres contribuables, évidemment plus aisés ? N’oublions pas que, d’après une étude réalisée par le Crédit foncier, le revenu moyen des bénéficiaires du dispositif Pinel s’élève à 67 500 euros par an !
De plus, ce dispositif, qui n’atteint pas ses objectifs, pèsera sur les caisses de l’État au moins jusqu’en 2029, comme le dispositif Périssol, lancé en 1996, qui continue encore aujourd’hui d’engager plusieurs dizaines de millions d’euros par an, ou bien le dispositif Scellier, qui coûte toujours 1 milliard d’euros par an. Au total, tous les dispositifs cumulés se sont chiffrés à 1,7 milliard d’euros en 2015 et sont estimés à 2 milliards d’euros pour 2016.
Le dispositif Pinel est le neuvième système d’exonération fiscale. La question du logement est pour autant loin d’être résolue.
Tout le monde s’accorde sur l’urgence de nouvelles politiques en matière de logement. Commençons donc par abroger ces niches fiscales et par les rediriger vers le Fonds national des aides à la pierre, dont on sait qu’il en a le plus grand besoin.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Mon cher collègue, l’abrogation du dispositif Pinel que vous proposez au travers du présent amendement entraînerait des effets extrêmement négatifs sur le secteur de la construction, qui, après une crise majeure depuis quelques années, commence à aller mieux, ce dont on ne peut que se réjouir.
Au reste, je ne suis pas certaine que l’État récupérerait la somme extrêmement importante que vous avez évoquée – 1,8 milliard d’euros –, car il y a fort à parier que les ménages se tourneraient vers d’autres niches fiscales !
Toutefois, s’il convient de ne pas abroger le dispositif Pinel, j’estime que, compte tenu des sommes importantes qui lui sont consacrées, les pouvoirs publics doivent continuer à être très vigilants sur les pratiques des contribuables en matière de conditions de ressources et de loyers, de manière à éviter les effets d’aubaine.
La commission émet un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Tout d’abord, j’estime que toutes les dispositions fiscales liées à la politique du logement doivent être étudiées dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances. Je défendrai cette ligne tout du long de la discussion du titre II et je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à bien le garder en tête, pour éviter des débats inutiles.
En soi, le débat sur l’investissement locatif qui existe en France depuis maintenant plus de vingt ans est essentiel. D'ailleurs, les passionnés du logement en discuteront probablement dans le cadre du débat politique que nous aurons dans quelques mois, comme ils l’avaient d'ailleurs déjà fait en 2012. De fait, on peut s’interroger : faut-il maintenir des dispositifs de ce type ? Ne reviennent-ils pas à trop doper le secteur ? Il me paraît tout à fait sain que cette discussion ait lieu.
Il n’empêche que le dispositif Pinel qui existe aujourd'hui est la résultante d’un débat qui a déjà été mené autour du bon curseur à trouver, compte tenu des différents dispositifs qui se sont succédé – les dispositifs Borloo, Scellier, Duflot… –, pour aider en même temps la construction et l’investissement. Pour ma part, je trouve intéressant que l’épargne soit utilisée pour aider à la construction de logements et je vois beaucoup de contribuables utiliser l’investissement locatif non pas pour faire des affaires, mais simplement pour utiliser leur épargne à bon escient. La question est de savoir où est le bon curseur pour produire du logement utile.
Le dispositif Pinel, contrairement à certains dispositifs antérieurs, définit très précisément les secteurs éligibles, ce qui, d'ailleurs, me conduit à recevoir de nombreuses lettres d’élus locaux qui aimeraient voir leur commune en bénéficier.
En outre, ce dispositif permet d’éviter ce que nous avons connu par le passé. Je pense, par exemple, aux logements construits dans la commune de Saint-Gaudens qui ne répondent à aucune demande, ce qui met évidemment en difficulté les investisseurs.
Enfin, comme cela a été dit, nous sommes sortis de la crise du bâtiment et du logement. Sur les douze derniers mois, nous avons lancé 417 000 logements. Ce chiffre est inespéré : nous n’avions pas connu un tel niveau de construction depuis plus de sept ans, et, sur ces mises en chantier, on compte 50 000 investissements réalisés au titre du dispositif Pinel. C’est un chiffre important, même s’il n’explique pas à lui seul la bonne reprise du secteur du logement : le PTZ, la production de logements sociaux sont d’autres clés de la réussite actuelle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd'hui, tous les acteurs du logement nous demandent de prolonger ces mesures, de les stabiliser, de les rendre pérennes – c’est d'ailleurs ce que nous ferons au travers du projet de loi de finances. Il faut tout simplement admettre que ces dispositifs, même s’ils coûtent à l’État, rapportent aussi beaucoup, en termes de construction de logements, de TVA, mais aussi d’activité économique. Ils constituent une réponse à la nécessité de construire du logement locatif, avec des loyers encadrés, dans des zones très tendues – c’est du moins le cas du dispositif Pinel. Si j’avais un seul message à faire passer, ce serait celui-là !
Dès lors, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 134.
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. À première vue, cet amendement m’a semblé assez intéressant.
En effet, la première phrase de son objet – « Les auteurs de cet amendement considèrent qu'il est plus utile de trouver de l'argent pour l'accroissement du parc social, que ce soit par la construction, la réhabilitation ou l'acquisition que de poser des règles compliquées et difficiles d'application. » – met en exergue un certain nombre de problématiques que l’on retrouve dans le présent projet de loi.
Cela dit, je considère, contrairement à vous, monsieur Favier, qu’il faut construire du logement intermédiaire, que le Gouvernement a mis en cause, en particulier dans le cadre de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, la loi ALUR, défendue par Mme Duflot. C’est une réalité. D'ailleurs, le dispositif Duflot n’a pas fonctionné parce qu’il imposait trop de contraintes sociales aux investisseurs. Il a été remplacé par le dispositif Pinel, qui fonctionne plutôt bien.
Madame la ministre, vous nous dites que le secteur du logement se porte un peu mieux et vous avez raison. Mais il ne faut pas l’oublier, aujourd'hui, les taux d’intérêt sont extrêmement bas. Il faut en prendre pleinement conscience.
Si le logement social va un peu mieux, le taux de réalisation des objectifs fixés par le Gouvernement atteignait 18 % à la fin du mois de septembre. Si l’on sait que, généralement, le dernier trimestre de l’année permet davantage de concrétisations, attendons tout de même la fin de l’année pour voir où nous en sommes exactement.
Cher collègue Christian Favier, j’aurais pu être tenté de voter en faveur de votre amendement, mais j’estime que le parcours résidentiel et la construction de logements intermédiaires sont nécessaires. Je ne le voterai donc pas.
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.
M. Christian Favier. Madame la ministre, j’ai bien entendu vos explications. Pour autant, elles ne m’ont pas convaincu, d'abord parce que le dispositif Pinel, même s’il est peut-être un peu meilleur que le précédent, coûte extrêmement cher à l’État, sans que ce coût très élevé aboutisse à un résultat en adéquation avec les besoins.
On constate bien aujourd'hui, quand on analyse les besoins des demandeurs de logements sociaux, que le dispositif Pinel ne permet pas forcément d’y répondre : il faut aussi construire en fonction du montant des ressources des demandeurs de logement. Or si l’État, au lieu de distribuer cette exonération fiscale à un niveau aussi élevé, réorientait cet argent dont il se prive vers l’aide à l’investissement des organismes sociaux, des réponses bien plus en adéquation avec les besoins actuels pourraient être apportées.
Je ne suis pas opposé au parcours résidentiel. Bien évidemment, tout le monde n’est pas condamné à rester dans un logement relevant du logement aidé, mais, à l’heure actuelle, la crise du logement est telle dans notre pays qu’il y a urgence. Or le dispositif Pinel conduit à une très mauvaise utilisation des moyens publics.
M. le président. L'amendement n° 382, présenté par MM. Rachline et Ravier, n'est pas soutenu.
Article 20
I. – La section 1 du chapitre Ier du titre IV du livre IV du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifiée :
1° L’article L. 441 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « , en permettant l’accès à l’ensemble des secteurs d’un territoire de toutes les catégories de publics éligibles au parc social et en favorisant l’accès des ménages dont les revenus sont les plus faibles aux secteurs situés en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville » ;
b) Au troisième alinéa, après le mot : « territoriales », sont insérés les mots : « et les réservataires de logements locatifs sociaux » ;
c) L’avant-dernier alinéa est complété par les mots : « et peuvent pratiquer, le cas échéant, des loyers différents selon les secteurs ou au sein des immeubles, afin de remplir ces objectifs » ;
d) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’absence de lien avec la commune d’implantation du logement ne peut constituer à soi seul le motif de la non-attribution d’un logement adapté aux besoins et aux capacités du demandeur. Toutefois, à dossier équivalent, le lien avec la commune d’implantation du logement peut constituer un motif d’attribution dudit logement. » ;
2° L’article L. 441-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– à la deuxième phrase, après les mots : « lieux de travail », sont insérés les mots : « , de la mobilité géographique liée à l’emploi » ;
– à la troisième phrase, après le mot : « échéant, », sont insérés les mots : « du montant de l’aide personnalisée au logement ou des allocations de logement à caractère social ou familial auxquelles le ménage peut prétendre et » ;
b) Les troisième à septième alinéas sont remplacés par sept alinéas ainsi rédigés :
« En sus des logements attribués à des personnes bénéficiant d’une décision favorable mentionnée à l’article L. 441-2-3, les logements mentionnés au premier alinéa du présent article sont attribués prioritairement aux catégories de personnes suivantes :
« a) Personnes en situation de handicap, au sens de l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles, ou familles ayant à leur charge une personne en situation de handicap ;
« a bis) Personnes sortant d’un appartement de coordination thérapeutique mentionné au 9° de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles ;
« b) Personnes mal logées ou défavorisées et personnes rencontrant des difficultés particulières de logement pour des raisons d’ordre financier ou tenant à leurs conditions d’existence ou confrontées à un cumul de difficultés financières et de difficultés d’insertion sociale ;
« c) Personnes hébergées ou logées temporairement dans un établissement ou un logement de transition ;
« d) Personnes reprenant une activité après une période de chômage de longue durée ;
« e) Personnes exposées à des situations d’habitat indigne ; »
c) Le e devient un f et est ainsi modifié :
– au début de la première phrase, le mot : « De » est supprimé ;
– la même première phrase est complétée par les mots : « , et personnes menacées de mariage forcé » ;
– au début de la seconde phrase, les mots : « Cette situation est attestée » sont remplacés par les mots : « Ces situations sont attestées » ;
c bis) Au début des f et g, qui deviennent respectivement des g et h, le mot : « De » est supprimé ;
d) Après le g, sont insérés quinze alinéas ainsi rédigés :
« i) Personnes ayant à leur charge un enfant mineur et logées dans des locaux manifestement suroccupés ou ne présentant pas le caractère d’un logement décent ;
« j) Personnes dépourvues de logement, y compris celles qui sont hébergées par des tiers ;
« k) (Supprimé)
« Les décisions favorables mentionnées à l’article L. 441-2-3 et les critères de priorité sont pris en compte dans les procédures de désignation des candidats et d’attribution des logements sociaux.
« Les réservataires de logements sociaux et les bailleurs rendent publics les conditions dans lesquelles ils procèdent à la désignation des candidats dont les demandes sont examinées par les commissions mentionnées à l’article L. 441-2, ainsi qu’un bilan annuel des désignations effectuées à l’échelle départementale par chacun de ces réservataires et de ces bailleurs.
« Pour l’appréciation des ressources du demandeur, les processus de désignation des candidats et d’attribution des logements sociaux prennent en compte le montant de l’aide personnalisée au logement ou des allocations de logement à caractère social ou familial auxquelles le ménage peut prétendre et appliquent la méthode de calcul du taux d’effort prévue par décret.
« Le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées, la convention intercommunale d’attribution, ou pour la commune de Paris la convention d’attribution, mentionnée à l’article L. 441-1-5-1 et les accords collectifs mentionnés aux articles L. 441-1-1 et L. 441-1-2 déterminent les conditions dans lesquelles les critères de priorité mentionnés ci-dessus sont pris en compte dans les procédures de désignation des candidats et d’attribution des logements sociaux.
« Sur le territoire des établissements publics de coopération intercommunale tenus de se doter d’un programme local de l’habitat en application du dernier alinéa du IV de l’article L. 302-1 ou ayant la compétence en matière d’habitat et au moins un quartier prioritaire de la politique de la ville, de la commune de Paris, des établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris et des territoires de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, un pourcentage des attributions annuelles, suivies de baux signés, de logements situés en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville, est consacré :
« – à des demandeurs appartenant au quartile des demandeurs aux ressources les plus faibles enregistrés dans le système national d’enregistrement sur le périmètre de l’établissement public de coopération intercommunale ou, en Île-de-France, sur le périmètre de la région ;
« – ou à des personnes relogées dans le cadre d’une opération de renouvellement urbain.
« Ce taux est fixé, compte tendu de la situation locale, par les orientations en matière d’attributions mentionnées à l’article L. 441-1-5 approuvées par l’établissement public de coopération intercommunale, l’établissement public territorial de la métropole du Grand Paris ou le territoire de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, après avis des communes membres de ces établissements, ou la commune de Paris, et par le représentant de l’État dans le département. Le taux est révisé tous les trois ans en fonction de l’évolution de la situation locale.
« La convention intercommunale d’attribution ou, pour la commune de Paris, la convention d’attribution, mentionnée à l’article L. 441-1-5-1 fixe, en tenant compte de l’occupation sociale de leur patrimoine respectif et afin de favoriser la mixité sociale dans l’ensemble du parc concerné, la répartition entre les bailleurs sociaux des attributions à réaliser sous réserve que le taux applicable au territoire concerné soit respecté globalement. L’atteinte de ces objectifs fait l’objet d’une évaluation annuelle présentée à la conférence intercommunale du logement ou, pour la commune de Paris, la conférence du logement, mentionnée à l’article L. 441-1-5.
« Les bailleurs peuvent adapter leur politique des loyers pour remplir les objectifs de mixité définis ci-dessus.
« Lorsque l’objectif d’attribution fixé pour chaque bailleur n’est pas atteint, le représentant de l’État dans le département peut procéder à l’attribution aux publics concernés d’un nombre de logements équivalent au nombre de logements restant à attribuer sur les différents contingents. Lorsque le représentant de l’État dans le département décide de procéder à ces attributions, il attribue prioritairement les logements relevant du contingent des collectivités territoriales aux personnes concernées ayant un lien direct avec la commune et à défaut, avec les communes avoisinantes.
« Le Gouvernement publie annuellement des données statistiques relatives à l’application, des vingtième à vingt-troisième alinéas, à l’échelle de chaque établissement public de coopération intercommunale concerné, de la commune de Paris, de chaque établissement public territorial de la métropole du Grand Paris et de chaque territoire de la métropole d’Aix-Marseille-Provence. » ;
e) Au début du onzième alinéa, les mots : « Ce décret » sont remplacés par les mots : « Le décret mentionné au premier alinéa » ;
f) Le douzième alinéa est complété par cinq phrases ainsi rédigées :
« Un pourcentage des attributions annuelles de logements réservés par une collectivité territoriale est destiné aux personnes bénéficiant d’une décision favorable mentionnée à l’article L. 441-2-3 ou, à défaut, aux personnes prioritaires en application du présent article. Ce taux est fixé, compte tenu de la situation locale, par accord entre la collectivité territoriale concernée et le représentant de l’État dans le département. Le taux est révisé tous les trois ans en fonction de l’évolution de la situation locale. En cas de manquement d’une collectivité territoriale à son engagement, le représentant de l’État dans le département peut procéder à l’attribution aux publics concernés d’un nombre de logements équivalent au nombre de logements restant à attribuer. Lorsque le représentant de l’État dans le département décide de procéder à ces attributions, il attribue prioritairement les logements relevant du contingent de cette collectivité aux personnes concernées ayant un lien direct avec la commune et à défaut, avec les communes avoisinantes. » ;
g) Le quatorzième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« En cas de refus de l’organisme de loger le demandeur, le représentant de l’État dans le département qui l’a désigné procède à l’attribution d’un logement correspondant aux besoins et aux capacités du demandeur sur ses droits de réservation. » ;
h) (Supprimé)
i) Au dix-huitième alinéa, les mots : « aux douzième à quatorzième alinéas ainsi que dans les conventions résultant d’une délégation mentionnée au quinzième alinéa » sont remplacés par les mots : « au présent article » ;
3° L’article L. 441-1-1 est ainsi modifié :
aa (nouveau)) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, après le mot : « adopté », sont insérés les mots : « , l’établissement public territorial de la métropole du Grand Paris ou le territoire de la métropole d’Aix-Marseille-Provence » ;
– à la même première phrase, les mots : « ressort territorial de cet établissement » sont remplacés par les mots : « ressort territorial concerné » ;
– la dernière phrase est supprimée ;
a) (Supprimé)
b) Après la première occurrence du mot : « personnes », la fin du troisième alinéa est ainsi rédigée : « bénéficiant d’une décision favorable mentionnée à l’article L. 441-2-3 et aux personnes relevant d’une catégorie de personnes prioritaires en application de l’article L. 441-1 ; »
c (nouveau)) Le sixième alinéa est ainsi modifié :
– la première phrase est complétée par les mots : « ou le président du conseil de territoire de l’établissement public territorial de la métropole du Grand Paris ou du territoire de la métropole d’Aix-Marseille-Provence » ;
– à la deuxième phrase, la première occurrence des mots : « de l’établissement public de coopération intercommunale » est remplacée par les mots : « de l’établissement public ou du territoire » et la seconde occurrence des mots : « de l’établissement public de coopération intercommunale » est remplacée par le mot : « concerné » ;
– à l’avant-dernière phrase, les mots : « de l’établissement public » sont remplacés par le mot : « concerné » ;
d (nouveau)) Le huitième alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, après les deux occurrences des mots : « coopération intercommunale » sont insérés les mots : « ou le président du conseil de territoire de l’établissement public territorial de la métropole du Grand Paris ou du territoire de la métropole d’Aix-Marseille-Provence » ;
– à la deuxième phrase, après les mots : « réservation de l’établissement public », les mots : « de coopération intercommunale » sont supprimés et après les mots : « les communes membres de l’établissement public », les mots : « de coopération intercommunale » sont remplacés par les mots : « ou du territoire » ;
e (nouveau)) À la première phrase du neuvième alinéa et au dixième alinéa, après les mots : « président de l’établissement public de coopération intercommunale » sont insérés les mots : « ou le président du conseil de territoire de l’établissement public territorial de la métropole du Grand Paris ou du territoire de la métropole d’Aix-Marseille-Provence » ;
3° bis A (nouveau) Après la première occurrence du mot : « personnes », la fin du deuxième alinéa de l’article L. 441-1-2 est ainsi rédigée : « bénéficiant d’une décision favorable mentionnée à l’article L. 441-2-3 et aux personnes relevant d’une catégorie de personnes prioritaires en application de l’article L. 441-1. » ;
3° bis L’article L. 441-1-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 441-1-4. – Les délais à partir desquels les personnes qui ont déposé une demande de logement locatif social peuvent saisir la commission de médiation prévue à l’article L. 441-2-3 sont déterminés, au regard des circonstances locales, par un arrêté du représentant de l’État dans le département pris après avis :
« 1° Du comité responsable du plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées ;
« 2° Des conférences intercommunales du logement ou, pour la commune de Paris, de la conférence du logement ;
« 3° Des établissements publics de coopération intercommunale de l’établissement public territorial de la métropole du Grand Paris et du territoire de la métropole d’Aix-Marseille-Provence ayant conclu une convention intercommunale d’attribution ou un accord mentionné à l’article L. 441-1-1 ;
« 4° De la commune de Paris, si elle a conclu la convention d’attribution mentionnée à l’article L. 441-1-5-1 ou l’accord mentionné à l’article L. 441-1-2 ;
« 5° Et des représentants des bailleurs sociaux dans le département. » ;
4° L’article L. 441-1-5 est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
« Les établissements publics de coopération intercommunale mentionnés au vingtième alinéa de l’article L. 441-1, la commune de Paris, les établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris et les territoires de la métropole d’Aix-Marseille-Provence créent une conférence intercommunale du logement ou, pour la commune de Paris, une conférence du logement, qui rassemble, outre les maires des communes membres de l’établissement ou du territoire, le représentant de l’État dans le département, des représentants des bailleurs sociaux présents sur le territoire concerné, des représentants du département, des représentants de tout organisme titulaire de droits de réservation, des représentants locaux des associations de locataires siégeant à la Commission nationale de concertation, des représentants des organismes agréés en application de l’article L. 365-2, des représentants des associations dont l’un des objets est l’insertion ou le logement des personnes défavorisées, des représentants locaux des associations de défense des personnes en situation d’exclusion par le logement mentionnées à l’article 31 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions et des représentants des personnes défavorisées, coprésidée par le représentant de l’État dans le département et par le président de l’établissement public de coopération intercommunale, par le maire de la commune de Paris ou par le président du conseil de territoire de l’établissement public territorial de la métropole du Grand Paris ou du territoire de la métropole d’Aix-Marseille-Provence. » ;
b) Après la première occurrence du mot : « des », la fin de la seconde phrase du même premier alinéa est ainsi rédigée : « dispositions de l’article L. 441-2-3 et des critères de priorité mentionnés à l’article L. 441-1, ainsi que de l’objectif de la mixité sociale des villes et des quartiers, des orientations concernant les attributions de logements et de mutations sur le patrimoine locatif social présent ou prévu sur le territoire concerné en précisant : » ;
b bis) Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Les objectifs de mixité sociale et d’équilibre entre les secteurs à l’échelle du territoire concerné à prendre en compte pour les attributions de logements sociaux, dont les mutations, en tenant compte de la situation des quartiers prioritaires de la politique de la ville et dans le respect des articles L. 300-1, L. 441-1 et L. 441-2-3. Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, un objectif quantifié d’attribution à des demandeurs autres que ceux mentionnés au vingt et unième alinéa de l’article L. 441-1 est défini ; »
b ter) Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Le cas échéant, le taux minimal des attributions annuelles, suivies de baux signés, de logements situés en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville mentionné au vingtième alinéa de l’article L. 441-1 ; »
c) Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° Les objectifs de relogement des personnes mentionnées aux articles L. 441-1 et L. 441-2-3, ainsi que de celles relevant des projets de renouvellement urbain ; »
d) Le 3° est abrogé ;
d bis) Après le même 3°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les orientations adoptées peuvent prévoir des catégories de demandeurs ou de logements et des secteurs du territoire concerné pour lesquels les logements disponibles réservés ou non font l’objet d’une désignation de candidats d’un commun accord entre les bailleurs, les réservataires et l’établissement public de coopération intercommunale, la commune de Paris, l’établissement public territorial de la métropole du Grand Paris ou le territoire de la métropole d’Aix-Marseille-Provence. » ;
e) L’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :
« La mise en œuvre des orientations approuvées par l’établissement public de coopération intercommunale, la commune de Paris, l’établissement public territorial de la métropole du Grand Paris ou le territoire de la métropole d’Aix-Marseille-Provence et par le représentant de l’État dans le département fait l’objet d’une convention intercommunale d’attribution signée entre l’établissement public de coopération intercommunale, l’établissement public territorial de la métropole du Grand Paris ou le territoire de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, les bailleurs de logements sociaux possédant ou gérant du patrimoine sur le territoire concerné, les titulaires des droits de réservation sur ce patrimoine et, le cas échéant, d’autres collectivités territoriales ou d’autres personnes morales intéressées. Cette disposition s’applique à la commune de Paris, la convention étant dénommée “convention d’attribution” » ;
f) La première phrase du dernier alinéa est ainsi rédigée :
« La conférence est associée au suivi de la mise en œuvre, sur le ressort territorial concerné, de la convention d’attribution, du plan partenarial de gestion de la demande de logement social et d’information des demandeurs et des systèmes mentionnés au I de l’article L. 441-2-8, ainsi que des conventions passées en application du premier alinéa du III du même article L. 441-2-8. » ;
4° bis Après l’article L. 441-1-5, il est inséré un article L. 441-1-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 441-1-5-1. – La convention intercommunale d’attribution, ou, pour la commune de Paris, la convention d’attribution, le cas échéant en cohérence avec les objectifs du contrat de ville à laquelle elle est alors annexée, définit, en tenant compte, par secteur géographique, des capacités d’accueil et des conditions d’occupation des immeubles :
« 1° Pour chaque bailleur social ayant des logements sur le territoire concerné, un engagement annuel quantifié et territorialisé d’attribution de logements à réaliser en application des vingtième à vingt-deuxième alinéas de l’article L. 441-1 ;
« 2° Pour chaque bailleur social, un engagement annuel quantifié et territorialisé d’attribution de logements aux personnes bénéficiant d’une décision favorable mentionnée à l’article L. 441-2-3 et à des personnes répondant aux critères de priorité mentionnés à l’article L. 441-1, ainsi que les modalités de relogement et d’accompagnement social nécessaires à sa mise en œuvre ;
« 2° bis Pour chaque bailleur social, un engagement portant sur les actions à mettre en œuvre dans son domaine de compétences pour atteindre les objectifs d’équilibre territorial mentionnés au 1° de l’article L. 441-1-5 ;
« 2° ter Pour chacun des autres signataires de la convention, des engagements relatifs à sa contribution à la mise en œuvre des actions permettant de respecter les engagements définis aux 1° à 2° bis du présent article et, le cas échéant, les moyens d’accompagnement adaptés ;
« 3° Les modalités de relogement et d’accompagnement social des personnes relogées dans le cadre des projets de renouvellement urbain ;
« 4° Les conditions dans lesquelles les réservataires de logements sociaux et les bailleurs sociaux procèdent à la désignation des candidats dont les demandes sont présentées aux commissions mentionnées à l’article L. 441-2 et les modalités de la coopération entre les bailleurs sociaux et les titulaires de droits de réservation.
« Le respect des engagements pris au titre des 1° à 2° ter du présent article fait l’objet d’une évaluation annuelle présentée à la conférence mentionnée à l’article L. 441-1-5.
« La convention est soumise pour avis au comité responsable du plan local d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées et à la conférence intercommunale du logement ou, pour la commune de Paris, à la conférence du logement. Si ces avis n’ont pas été rendus dans un délai de deux mois à compter de la transmission de la convention, ils sont réputés favorables.
« Si elle est agréée par le représentant de l’État dans le département, cette convention se substitue à l’accord collectif prévu à l’article L. 441-1-1 et à la convention mentionnée à l’article 8 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine sur le territoire des établissements publics de coopération intercommunale auxquels le même article 8 est applicable et, sur le territoire où il s’applique, à l’accord collectif départemental prévu à l’article L. 441-1-2.
« La convention prévoit la création d’une commission de coordination, présidée par le président de l’établissement public de coopération intercommunale, le maire de la commune de Paris ou le président du conseil de territoire de l’établissement public territorial de la métropole du Grand Paris ou du territoire de la métropole d’Aix-Marseille-Provence. Cette commission est composée du représentant de l’État dans le département, des maires des communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale, de l’établissement public territorial de la métropole du Grand Paris ou du territoire de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, des maires d’arrondissement de la commune de Paris, ou de leurs représentants, de représentants des bailleurs sociaux présents sur le territoire concerné, de représentants du département, de représentants des titulaires de droits de réservation et de représentants des associations dont l’un des objets est l’insertion ou le logement des personnes défavorisées qui œuvrent dans le département. Cette commission peut avoir pour mission d’examiner les dossiers de demandeurs de logement social concernés par la convention. Sans se substituer aux décisions des commissions d’attribution prévues à l’article L. 441-2, la commission de coordination émet des avis quant à l’opportunité d’attribuer un logement dans le parc social situé sur le territoire concerné. La commission se dote d’un règlement intérieur.
« Lorsque, au terme d’un délai de six mois à compter de la proposition présentée par l’établissement public de coopération intercommunale, la commune de Paris, l’établissement public territorial de la métropole du Grand Paris ou le territoire de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, un bailleur social refuse de signer la convention, le représentant de l’État dans le département désigne au bailleur des personnes concernées par les 1° et 2° du présent article et fixe le délai dans lequel le bailleur est tenu de les loger. Les attributions s’imputent sur les droits de réservation des différents contingents. Ces attributions sont prononcées en tenant compte de l’état de l’occupation du patrimoine locatif social de ce bailleur au regard de la nécessaire diversité de la composition sociale de chaque quartier et de chaque commune. Le présent alinéa s’applique jusqu’à la signature, par le bailleur, de la convention.
« En cas de manquement d’un bailleur social aux engagements qu’il a pris dans le cadre de la convention au titre des 1° ou 2°, le représentant de l’État dans le département peut procéder à l’attribution d’un nombre de logements équivalent au nombre de logements restant à attribuer aux personnes concernées par les mêmes 1° ou 2°, après consultation des maires des communes d’implantation des logements. Ces attributions s’imputent dans les conditions mentionnées au précédent alinéa.
« Si l’organisme bailleur fait obstacle aux attributions prononcées par le représentant de l’État dans le département, celui-ci met en œuvre les dispositions du dernier alinéa de l’article L. 441-1-3. » ;
5° L’article L. 441-1-6 est ainsi rétabli :
« Art. L. 441-1-6. – Les articles L. 441-1, L. 441-1-1, L. 441-1-5, L. 441-1-5-1, L. 441-2, L. 441-2-1, L. 441-2-3-2, L. 441-2-5, L. 441-2-7 et L. 441-2-8 sont applicables à la métropole de Lyon. » ;
5° bis A L’article L. 441-2-3 est ainsi modifié :
aa (nouveau)) Au 2° du I, les mots : « visés à l’article L. 441-1-1 » sont remplacés par les mots : « mentionnés au vingtième alinéa de l’article L. 441-1, de la commune de Paris, des établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris et des territoires de la métropole d’Aix-Marseille-Provence » ;
a) Après le 4° du I, sont insérés des 5° et 6° ainsi rédigés :
« 5° De représentants des associations de défense des personnes en situation d’exclusion œuvrant dans le département ;
« 6° De représentants désignés par les instances mentionnées à l’article L. 115-2-1 du code de l’action sociale et des familles. » ;
b) Le II est ainsi modifié :
– la seconde phrase du sixième alinéa est complétée par les mots : « , ainsi que des conventions intercommunales d’attribution, ou, pour la commune de Paris, de la convention d’attribution, définies à l’article L. 441-1-5-1 » ;
– à la première phrase du septième alinéa, après les mots : « définis par », sont insérés les mots : « les orientations mentionnées à l’article L. 441-1-1 et la convention mentionnée à l’article L. 441-1-5-1 ou par » ;
5° bis Le septième alinéa du I et le cinquième alinéa du II de l’article L. 441-2-3-1 sont supprimés ;
6° La première phrase du second alinéa de l’article L. 441-2-6 est complétée par les mots : « , dont les conditions dans lesquelles est effectuée la désignation de sa demande en vue de son passage devant la commission mentionnée à l’article L. 441-2 ».
II. – (Supprimé)
III. – (Non modifié) L’article 14 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale est abrogé.
IV. – (Non modifié) L’article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa du II est ainsi modifiée :
a) Les mots : « dépourvues de logement ou mal logées » sont supprimés ;
b) Les mots : « , énumérées aux a à g » sont remplacés par les mots : « qui bénéficient d’une décision favorable mentionnée à l’article L. 441-2-3 et celles qui sont prioritaires en application » ;
2° Le III est ainsi rédigé :
« III. – Le plan établit les priorités au niveau départemental à accorder aux personnes bénéficiant d’une décision favorable mentionnée à l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation et aux personnes prioritaires en application de l’article L. 441-1 du même code, notamment celles qui sont confrontées à un cumul de difficultés économiques et sociales. »
V. – Sans préjudice des vingtième à vingt-septième alinéas de l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction résultant de la présente loi, qui sont d’application immédiate, les établissements publics de coopération intercommunale, les établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris et les territoires de la métropole d’Aix-Marseille-Provence ayant engagé l’élaboration ou adopté des orientations sur les attributions mentionnées à l’article L. 441-1-5 du même code ou qui disposent d’un accord collectif mentionné à l’article L. 441-1-1 ou, pour la commune de Paris, à l’article L. 441-1-2 dudit code et ceux qui ont élaboré ou signé une convention mentionnée à l’article 8 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine doivent mettre ces documents en conformité avec la présente loi dans un délai de deux ans à compter de sa promulgation.
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, sur l'article.
M. Christian Favier. Nous abordons maintenant le titre II du projet de loi intitulé « Mixité sociale et égalité des chances dans l’habitat ».
D’abord, nous souhaitons dire que nous trouvons cet intitulé plutôt inopportun, alors que notre pays compte près de 3,8 millions de mal-logés. La situation est grave. Selon nous, se loger n’est pas une chance : cela doit d'abord être un droit constitutionnellement reconnu et garanti par la puissance publique. Au même titre que le droit à l’éducation, il doit aussi y avoir un droit au logement.
Sur le fond, le titre II, particulièrement son article 20, laisse à penser, par la fixation d’un quota chiffré défini dans la loi, dans la version du texte qui a été transmise à la commission spéciale, ou laissé à l’appréciation des collectivités, après nos travaux en commission, que ce serait par une autre répartition des couches populaires sur le territoire que le vivre ensemble pourrait être restauré et qu’il suffirait donc de mieux répartir les locataires les plus pauvres et de les rendre, en quelque sorte, un peu moins visibles pour gommer les problèmes des quartiers considérés.
Or ce qui fragilise certains territoires aujourd’hui, ce ne sont pas les habitants, c’est la situation qui est réservée à ces derniers. C’est le chômage, c’est le manque de transport, c’est l’habitat dégradé, c’est aussi, souvent, l’absence de services publics.
Au demeurant, pour loger le quartile le plus pauvre des demandeurs hors quartiers prioritaires de la politique de la ville – les QPV –, encore faudrait-il qu’un parc de logements, abordables de surcroît, existe en dehors de ces quartiers, ce qui n’est pas toujours le cas. La mise en œuvre des quotas risque donc clairement de se confronter à des impossibilités matérielles que la simple reprise des quotas d’attribution par le préfet ne permettra que difficilement de résoudre, sauf évidemment à obliger certains à quitter leur ville, parfois contre leur gré : des demandeurs de logement hors QPV risquent bien d’être exclus de leur commune, même s’ils ne réclament pas forcément d’habiter dans le même quartier qu’auparavant.
Par ailleurs, faire porter la responsabilité des difficultés des quartiers au logement social ou aux maires, suspectés de mener des politiques de peuplement inefficaces, est à nos yeux un contresens. Il me semble que, ce faisant, le Gouvernement se dédouane à bon compte de toute responsabilité, alors même que les dotations de l’État sont dramatiquement faibles et que les politiques d’austérité et la baisse des aides à la pierre alimentent depuis des années l’échec du modèle social.
Les dispositions du présent projet de loi ne créent d’obligations que pour les collectivités territoriales, déjà exsangues, et pour les bailleurs sociaux.
De ce point de vue, on peut s’interroger : que fait l’État ? Quelle est sa politique en matière de logement, notamment en matière de financement ? Quels crédits seront accordés dans le futur projet de loi de finances pour la construction ? Quelles sont les propositions pour ce qui concerne la régulation des loyers dans le parc privé, aujourd'hui limitée à Paris ? À quand la généralisation de cet encadrement des loyers à toutes les zones tendues ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Christian Favier. Tels sont les vrais enjeux et les véritables leviers d’une politique publique du logement, pour répondre au 1,8 million de demandeurs toujours insatisfaits.
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l'article.
M. Maurice Antiste. L’article 20 fait référence, d’une part, à l’article L. 441 du code de la construction et de l’habitation concernant les conditions d’attribution des logements locatifs sociaux et vise, d’autre part, à favoriser l’égalité des chances des demandeurs et la mixité sociale des villes et des quartiers.
Il tend ainsi à clarifier les objectifs fixés à l’article L. 441 du code précité et les priorités nationales définies à l’article L. 441-1 de ce même code, afin de les rendre explicitement applicables à l’ensemble des acteurs du processus d’attribution, à savoir les collectivités territoriales, les bailleurs sociaux et les réservataires de logements sociaux, qui devront s’y conformer.
Ces mesures vont, à mon sens, dans la bonne direction, mais nécessitent que soient prises en compte certaines remarques relatives à l’objectif de mixité sociale, à la préférence communale et à la pénalisation des demandeurs ayant refusé un logement social – ces deux derniers points sont brièvement développés dans l’objet de mes amendements que je présenterai ultérieurement sur cet article.
De ce point de vue, je me félicite que le projet de loi définisse le principe d’égalité des chances et de mixité sociale devant par ailleurs régir l’attribution des logements sociaux, de telle sorte qu’il doit permettre « l’accès à l’ensemble des secteurs d’un territoire de toutes les catégories de publics éligibles au parc social » et favoriser « l’accès des ménages dont les revenus sont les plus faibles aux secteurs situés en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville », tout en insistant sur la nécessité de rendre accessibles les parties du parc social jugées attractives aux catégories de demandeurs les plus modestes.
Cependant, cette définition me semble insuffisante au regard des interprétations restrictives de la mixité sociale. Ainsi, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a admis, dans un arrêt du 28 juin 2005, que la commission d’attribution puisse retenir le critère de mixité sociale comme motif de refus concernant un logement situé en « contexte social difficile », tout en précisant que « l’appréciation de ce critère subjectif ne pouvait que relever de la seule appréciation de la commission d’attribution statuant au cas par cas ».
C’est dans cette optique que j’ai déposé un amendement visant à préciser que tout refus d’attribution d’un logement à un ménage au nom de la mixité sociale doit être systématiquement assorti d’une proposition de relogement adapté aux besoins et aux capacités dudit ménage et que, en dernier recours, le droit au logement prévaut sur le principe de mixité sociale, afin d’éviter de laisser des familles à la rue.
M. le président. L'amendement n° 178 rectifié, présenté par M. Karoutchi, Mme Procaccia, MM. Danesi, Panunzi et Cambon, Mme Lopez, M. Delattre, Mme Hummel et MM. Darnaud, Savin, Genest, Mandelli, G. Bailly, Milon, de Raincourt, Gournac, Laufoaulu, Lemoyne et Houel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. René Danesi.
M. René Danesi. L’article 20 prévoit que 25 % des logements situés hors quartier prioritaire de la politique de la ville seront attribués à des ménages appartenant au premier quartile de revenus.
Cette application uniforme, qui aurait pour conséquence, dans certaines communes, notamment dans les cœurs d’agglomération, de multiplier par deux ou plus le taux de ménages attributaires de logements sociaux appartenant au premier quartile, ne correspond pas à la diversité des territoires, aux réalités socio-économiques différentes, et méconnaît la nécessité de préserver la mixité sociale dans tous les quartiers. C’est la raison pour laquelle le présent amendement vise à supprimer l’article 20.
J’ajoute, à titre tout à fait personnel, que, si cet article est finalement maintenu, je suis impatient de voir la mixité sociale développée à Paris, dans l’île de la Cité ou encore l’île Saint-Louis…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Mon cher collègue, vous avez été membre de la commission spéciale et vous avez participé assidûment à ses travaux.
Pourtant, étant donné l’amendement que vous présentez – certes, il a été déposé sur l’initiative de Roger Karoutchi –, vous semblez ignorer que la commission spéciale, dans sa version du texte dont nous débattons aujourd'hui, a supprimé toute application uniforme des obligations de mixité sociale. J’espère que vous en tiendrez compte désormais.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je veux profiter de cette prise de parole pour présenter une fois pour toutes le dispositif que la commission spéciale a souhaité inscrire à l’article 20, qui porte réforme de la politique d’attribution des logements sociaux.
Nous avons voulu retenir une approche et une démarche pragmatiques, au plus près des réalités locales.
Premièrement, nous avons supprimé toute référence à un taux, parce que nous avons préféré faire en sorte que ce soient les acteurs locaux, les collectivités territoriales principalement, en accord avec le préfet, qui établissent le taux de mixité sociale en fonction de la situation locale.
Deuxièmement, nous avons supprimé la substitution automatique du préfet en cas de non-respect des obligations de mixité sociale, d'abord parce que nous avons pensé que le préfet n’aurait pas forcément les moyens ni le temps de procéder aux attributions manquantes et, surtout, parce que, plutôt que de lui imposer une obligation qu’il lui serait difficile de tenir, nous avons estimé préférable que le préfet dispose d’une simple faculté d’agir en fonction des situations locales et puisse se consacrer aux cas de non-respect les plus importants. Nous avons jugé que l’introduction de la substitution automatique du préfet serait perçue comme un acte de défiance à l’égard des élus, qui pourraient alors, par exemple, retirer leurs garanties.
Troisièmement, nous avons maintenu la possibilité pour le préfet de déléguer au maire son contingent.
Quatrièmement, enfin, nous avons supprimé la pré-commission d’attribution dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, parce qu’il nous a semblé qu’elle était un élément de « surcomplexification » de la procédure.
Tel est le dispositif qui est ressorti des travaux de la commission spéciale et qui a été intégré à l’article 20.
Par conséquent, la commission est défavorable à l’amendement n° 178 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Franchement, monsieur le sénateur, je n’aurais pas cru qu’il était encore possible de supprimer des dispositions du texte, compte tenu de tout ce qu’en a déjà fait disparaître la commission spéciale… (Sourires.)
Je vais moi aussi émettre un avis défavorable sur votre amendement, mais pas pour les mêmes raisons que Mme la rapporteur.
Je veux également profiter de son examen pour expliquer l’état d’esprit qui a présidé à nos travaux à l’Assemblée nationale, aboutissant au texte qui a été soumis à la commission spéciale.
Lors de ces travaux, nous avons été guidés par plusieurs principes.
Premièrement, il s’agissait de se doter d’un taux qui détermine les attributions de logements pour les ménages du premier quartile hors quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ce taux, fixé à 25 %, soit une attribution sur quatre, n’est pas un taux de mixité sociale : il vise simplement à ce que l’on se dote d’objectifs pour reloger les ménages du premier quartile.
La définition de ce taux avait pour corollaire immédiat que celui-ci pouvait être modulé au sein de l’intercommunalité avec le préfet.
La commission spéciale a choisi de supprimer le taux de 25 % et de garder le principe de modularité avec le préfet.
Franchement, qu’une attribution de logement social sur quatre en faveur des ménages les plus pauvres se fasse en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville, dans tous les quartiers et dans toutes les villes de France, me semble acceptable. Ce n’est pas à cela que l’on jugera de la mixité sociale. En revanche, c’est à cela qu’on jugera des efforts réalisés pour rétablir des déséquilibres territoriaux.
C’est pourquoi je regrette que la commission spéciale ait supprimé ce taux de 25 % – ce qui ne représente qu’une attribution sur quatre et qui est donc tout à fait atteignable – qui permettait de fixer des objectifs aux territoires.
À partir du moment où nous assumons et défendons le fait que les politiques du logement doivent être aussi portées par les collectivités locales, j’ai souhaité que la discussion ait lieu à l’échelon intercommunal, en lien avec le préfet. Je crois important que les élus puissent discuter de ce taux, de cette répartition sur leur territoire. Je ne peux donc que regretter la manière dont cet article a été réécrit.
Pour ces raisons, le Gouvernement présentera un certain nombre d’amendements visant à rétablir la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale dont je présume d'ores et déjà du succès… (Sourires.)
En corollaire de ce travail sur les attributions hors quartiers prioritaires de la politique de la ville, nous avions décidé de la création d’une commission dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville – il ne s’agissait pas d’une commission d’attribution, mais plutôt d’une pré-commission. En effet, beaucoup d’élus locaux regrettent un manque de dialogue dans le cadre des attributions dans ces quartiers entre les maires, les intercommunalités, les préfets, les bailleurs et les réservataires. Il ne s’agissait donc pas de complexifier encore le mécanisme, mais de disposer enfin d’une instance de dialogue idoine.
L’État, très sollicité par les élus sur ce sujet, avait accompli un chemin important en proposant la création de cette pré-commission. Je regrette que les membres de la commission spéciale ne l’aient pas suivi et aient décidé de supprimer ce dispositif. Nous souhaitions simplement favoriser un dialogue qui aurait permis d’éclairer un certain nombre de dispositions.
Par ailleurs, nous pensons que le relogement des publics prioritaires doit rester une priorité. Et même s’il ne faut pas chercher à trop élargir les critères de priorité, au risque de faire disparaître l’idée même d’une priorité, nous devons bien prendre conscience qu’un bénéficiaire sur deux du droit opposable au logement est salarié. Il dispose donc de revenus sans avoir d’accès au logement, ce qui témoigne des discriminations à l’entrée au logement dans notre pays.
Des personnes handicapées, des personnes âgées, des personnes hébergées qui n’ont pas de difficultés financières, mais qui n’arrivent pas à franchir un certain plafond de verre en matière d’accès au logement, font partie des personnes prioritaires.
S’agissant de la capacité de relogement, de nombreux territoires connaissent une situation très tendue. Toutefois, dans certains d’entre eux, qui concentrent énormément de difficultés, l’attribution aux publics prioritaires atteint de très bons taux. Je pense, par exemple, à Plaine Commune Habitat, qui est l’un des organismes les plus efficaces en matière. En revanche, dans d’autres, aucune personne prioritaire n’est relogée. Telle est la réalité aujourd’hui. Il s’agit non pas de distribuer les bons et les mauvais points, mais juste d’expliquer qu’il est anormal de ne pas parvenir à avancer sur ces sujets. Bien évidemment, je parle de territoires qui ont des logements sociaux et qui devraient faire des efforts.
C’est aussi pour cette raison que je défendrai le rétablissement de la suppression de la délégation des contingents préfectoraux. Je montrerai, chiffres à l’appui, les raisons pour lesquelles ce mécanisme n’a pas donné les résultats espérés voilà quelques années.
M. le président. La parole est à M. René Danesi, pour explication de vote.
M. René Danesi. L’amendement ayant permis à Mme le rapporteur d’exposer d’entrée de jeu les points essentiels des travaux modificatifs de la commission, et ces points donnant satisfaction aux signataires de l’amendement, je peux retirer ce dernier en toute tranquillité. (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 178 rectifié est retiré.
L'amendement n° 498, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – La section 1 du chapitre Ier du titre IV du livre IV du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifiée :
1° L’article L. 441 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « , en permettant l’accès à l’ensemble des secteurs d’un territoire de toutes les catégories de publics éligibles au parc social et en favorisant l’accès des ménages dont les revenus sont les plus faibles aux secteurs situés en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville » ;
b) Au troisième alinéa, après le mot : « territoriales », sont insérés les mots : « et les réservataires de logements locatifs sociaux » ;
c) L’avant-dernier alinéa est complété par les mots : « et peuvent pratiquer, le cas échéant, des loyers différents selon les secteurs ou au sein des immeubles, afin de remplir ces objectifs » ;
d) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’absence de lien avec la commune d’implantation du logement ne peut constituer à soi seul le motif de la non-attribution d’un logement adapté aux besoins et aux capacités du demandeur. » ;
2° L’article L. 441-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– à la deuxième phrase, après les mots : « lieux de travail », sont insérés les mots : « , de la mobilité géographique liée à l’emploi » ;
– à la troisième phrase, après le mot : « échéant, », sont insérés les mots : « du montant de l’aide personnalisée au logement ou des allocations de logement à caractère social ou familial auxquelles le ménage peut prétendre et » ;
b) Les troisième à septième alinéas sont remplacés par sept alinéas ainsi rédigés :
« En sus des logements attribués à des personnes bénéficiant d’une décision favorable mentionnée à l’article L. 441-2-3, les logements mentionnés au premier alinéa du présent article sont attribués prioritairement aux catégories de personnes suivantes :
« a) Personnes en situation de handicap, au sens de l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles, ou familles ayant à leur charge une personne en situation de handicap ;
« a bis) Personnes sortant d’un appartement de coordination thérapeutique mentionné au 9° de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles ;
« b) Personnes mal logées ou défavorisées et personnes rencontrant des difficultés particulières de logement pour des raisons d’ordre financier ou tenant à leurs conditions d’existence ou confrontées à un cumul de difficultés financières et de difficultés d’insertion sociale ;
« c) Personnes hébergées ou logées temporairement dans un établissement ou un logement de transition ;
« d) Personnes reprenant une activité après une période de chômage de longue durée ;
« e) Personnes exposées à des situations d’habitat indigne ; »
c) Le e devient un f et est ainsi modifié :
– au début de la première phrase, le mot : « De » est supprimé ;
– la même première phrase est complétée par les mots : « , et personnes menacées de mariage forcé » ;
– au début de la seconde phrase, les mots : « Cette situation est attestée » sont remplacés par les mots : « Ces situations sont attestées » ;
c bis) Au début des f et g, qui deviennent respectivement des g et h, le mot : « De » est supprimé ;
d) Après le g, sont insérés quinze alinéas ainsi rédigés :
« i) Personnes ayant à leur charge un enfant mineur et logées dans des locaux manifestement suroccupés ou ne présentant pas le caractère d’un logement décent ;
« j) Personnes dépourvues de logement, y compris celles qui sont hébergées par des tiers ;
« k) Personnes menacées d’expulsion sans relogement.
« Les décisions favorables mentionnées à l’article L. 441-2-3 et les critères de priorité sont pris en compte dans les procédures de désignation des candidats et d’attribution des logements sociaux.
« Les réservataires de logements sociaux et les bailleurs rendent publics les conditions dans lesquelles ils procèdent à la désignation des candidats dont les demandes sont examinées par les commissions mentionnées à l’article L. 441-2, ainsi qu’un bilan annuel des désignations effectuées à l’échelle départementale par chacun de ces réservataires et de ces bailleurs.
« Pour l’appréciation des ressources du demandeur, les processus de désignation des candidats et d’attribution des logements sociaux prennent en compte le montant de l’aide personnalisée au logement ou des allocations de logement à caractère social ou familial auxquelles le ménage peut prétendre et appliquent la méthode de calcul du taux d’effort prévue par décret.
« Le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées et les accords collectifs mentionnés aux articles L. 441-1-1 et L. 441-1-2 déterminent les conditions dans lesquelles les critères de priorité mentionnés ci-dessus sont pris en compte dans les procédures de désignation des candidats et d’attribution des logements sociaux.
« Sur le territoire des établissements publics de coopération intercommunale tenus de se doter d’un programme local de l’habitat en application du dernier alinéa du IV de l’article L. 302-1 ou ayant la compétence en matière d’habitat et au moins un quartier prioritaire de la politique de la ville, de la ville de Paris, des établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris et des territoires de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, au moins 25 % des attributions annuelles, suivies de baux signés, de logements situés en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville, sont consacrés :
« – à des demandeurs appartenant au quartile des demandeurs aux ressources les plus faibles enregistrés dans le système national d’enregistrement sur le périmètre de l’établissement public de coopération intercommunale ou, en Île-de-France, sur le périmètre de la région ;
« – ou à des personnes relogées dans le cadre d’une opération de renouvellement urbain.
« La convention intercommunale d’attribution mentionnée à l’article L. 441-1-5-1 fixe, en tenant compte de l’occupation sociale de leur patrimoine respectif et afin de favoriser la mixité sociale dans l’ensemble du parc concerné, la répartition entre les bailleurs sociaux des attributions à réaliser sous réserve que le taux applicable au territoire de l’établissement public de coopération intercommunale soit respecté globalement. L’atteinte de ces objectifs fait l’objet d’une évaluation annuelle présentée à la conférence intercommunale du logement mentionnée à l’article L. 441-1-5.
« Les bailleurs peuvent adapter leur politique des loyers pour remplir les objectifs de mixité définis ci-dessus.
« Lorsque l’objectif d’attribution fixé pour chaque bailleur n’est pas atteint, le représentant de l’État dans le département procède à l’attribution aux publics concernés d’un nombre de logements équivalent au nombre de logements restant à attribuer sur les différents contingents.
« Le Gouvernement publie annuellement des données statistiques relatives à l’application, à l’échelle de chaque établissement public de coopération intercommunale concerné, des dix-huitième à vingtième-deuxième alinéas. » ;
e) Au début du onzième alinéa, les mots : « Ce décret » sont remplacés par les mots : « Le décret mentionné au premier alinéa » ;
f) Le douzième alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« Au moins un quart des attributions annuelles de logements réservés par une collectivité territoriale est destiné aux personnes bénéficiant d’une décision favorable mentionnée à l’article L. 441-2-3 ou, à défaut, aux personnes prioritaires en application du présent article. En cas de manquement d’une collectivité territoriale à cette obligation, le représentant de l’État dans le département procède à l’attribution aux publics concernés d’un nombre de logements équivalent au nombre de logements restant à attribuer. Ces attributions s’imputent sur les logements réservés par la collectivité concernée. » ;
g) Le quatorzième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« En cas de refus de l’organisme de loger le demandeur, le représentant de l’État dans le département qui l’a désigné procède à l’attribution d’un logement correspondant aux besoins et aux capacités du demandeur sur ses droits de réservation. » ;
h) Les quinzième à dix-septième alinéas sont supprimés ;
i) Au dix-huitième alinéa, les mots : « aux douzième à quatorzième alinéas ainsi que dans les conventions résultant d’une délégation mentionnée au quinzième alinéa » sont remplacés par les mots : « au présent article » ;
3° L’article L. 441-1-1 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Après la première occurrence du mot : « personnes », la fin du troisième alinéa est ainsi rédigée : « bénéficiant d’une décision favorable mentionnée à l’article L. 441-2-3 et aux personnes relevant d’une catégorie de personnes prioritaires en application de l’article L. 441-1 ; »
3° bis L’article L. 441-1-4 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « défavorisées, », sont insérés les mots : « des conférences intercommunales du logement, » ;
b) Après le mot : « conclu », sont insérés les mots : « une convention intercommunale mentionnée à l’article L. 441-1-5-1 ou » ;
4° L’article L. 441-1-5 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « doté d’un programme local de l’habitat approuvé peut créer » sont remplacés par les mots : « mentionné au dix-huitième alinéa de l’article L. 441-1 crée » ;
b) Après la première occurrence du mot : « des », la fin de la seconde phrase du même premier alinéa est ainsi rédigée : « dispositions de l’article L. 441-2-3 et des critères de priorité mentionnés à l’article L. 441-1, ainsi que de l’objectif de la mixité sociale des villes et des quartiers, des orientations concernant les attributions de logements et de mutations sur le patrimoine locatif social présent ou prévu sur le territoire de l’établissement en précisant : » ;
b bis) Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Les objectifs de mixité sociale et d’équilibre entre les territoires à l’échelle intercommunale à prendre en compte pour les attributions de logements sociaux, dont les mutations, en tenant compte de la situation des quartiers prioritaires de la politique de la ville et dans le respect des articles L. 300-1, L. 441-1 et L. 441-2-3. Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, un objectif quantifié d’attribution à des demandeurs autres que ceux mentionnés au vingtième alinéa de l’article L. 441-1 est défini. À défaut d’une telle disposition dans les orientations approuvées, cet objectif est de 50 % ; »
c) Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° Les objectifs de relogement des personnes mentionnées aux articles L. 441-1 et L. 441-2-3, ainsi que de celles relevant des projets de renouvellement urbain ; »
d) Le 3° est abrogé ;
d bis) Après le 3° , sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les orientations adoptées peuvent prévoir des catégories de demandeurs ou de logements et des secteurs du territoire de l’établissement public de coopération intercommunale pour lesquels les logements disponibles réservés ou non font l’objet d’une désignation de candidats d’un commun accord entre les bailleurs, les réservataires et l’établissement public de coopération intercommunale.
« Dans chaque quartier prioritaire de la politique de la ville, une commission composée des bailleurs sociaux, des réservataires, du maire et du président de l’établissement public de coopération intercommunale, ou de leurs représentants, est chargée de désigner d’un commun accord les candidats pour l’attribution des logements disponibles, selon des modalités définies par les orientations. » ;
e) Après la première occurrence du mot : « objet », la fin de l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigée : « d’une convention intercommunale d’attribution signée entre l’établissement, les bailleurs sociaux possédant ou gérant du patrimoine sur le territoire intercommunal, les titulaires de droits de réservation sur ce patrimoine et, le cas échéant, d’autres collectivités territoriales ou d’autres personnes morales intéressées. » ;
f) Au dernier alinéa, après le mot : « établissement, », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « de la convention intercommunale d’attribution, du plan partenarial de gestion de la demande de logement social et d’information des demandeurs et des systèmes mentionnés au I de l’article L. 441-2-8 ainsi que des conventions passées en application du premier alinéa du III du même article L. 441-2-8. » ;
4° bis Après l’article L. 441-1-5, il est inséré un article L. 441-1-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 441-1-5-1. – La convention intercommunale d’attribution, le cas échéant en cohérence avec les objectifs du contrat de ville à laquelle elle est alors annexée, définit, en tenant compte, par secteur géographique, des capacités d’accueil et des conditions d’occupation des immeubles :
« 1° Pour chaque bailleur social ayant des logements sur le territoire d’un établissement public de coopération intercommunale mentionné au dix-huitième alinéa de l’article L. 441-1, un engagement annuel quantifié et territorialisé d’attribution de logements à réaliser en application du même alinéa ;
« 2° Pour chaque bailleur social, un engagement annuel quantifié et territorialisé d’attribution de logements aux personnes bénéficiant d’une décision favorable mentionnée à l’article L. 441-2-3 et à des personnes répondant aux critères de priorité mentionnés à l’article L. 441-1, ainsi que les modalités de relogement et d’accompagnement social nécessaires à sa mise en œuvre ;
« 2° bis Pour chaque bailleur social, un engagement portant sur les actions à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs d’équilibre territorial mentionnés au 1° de l’article L. 441-1-5 ;
« 2° ter Pour chacun des autres signataires de la convention, des engagements relatifs à sa contribution à la mise en œuvre des actions permettant de respecter les engagements définis aux 1° à 2° bis du présent article et, le cas échéant, les moyens d’accompagnement adaptés ;
« 3° Les modalités de relogement et d’accompagnement social des personnes relogées dans le cadre des projets de renouvellement urbain ;
« 4° Les conditions dans lesquelles les réservataires de logements sociaux et les bailleurs sociaux procèdent à la désignation des candidats dont les demandes sont présentées aux commissions mentionnées à l’article L. 441-2 et les modalités de la coopération entre les bailleurs sociaux et les titulaires de droits de réservation.
« Le respect des engagements pris au titre des 1° à 2° ter du présent article fait l’objet d’une évaluation annuelle présentée à la conférence intercommunale du logement mentionnée à l’article L. 441-1-5.
« Les conseils de la métropole du Grand Paris et de la métropole d’Aix-Marseille-Provence peuvent déléguer aux conseils de territoire la compétence pour conclure cette convention.
« La convention est soumise pour avis au comité responsable du plan local d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées et à la conférence intercommunale du logement. Si ces avis n’ont pas été rendus dans un délai de deux mois à compter de la transmission de la convention, ils sont réputés favorables.
« Si elle est agréée par le représentant de l’État dans le département ou, en Île-de-France, par le représentant de l’État dans la région, cette convention se substitue à l’accord collectif prévu à l’article L. 441-1-1 et à la convention mentionnée à l’article 8 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine sur le territoire des établissements publics de coopération intercommunale auxquels le même article 8 est applicable et, sur le territoire où il s’applique, à l’accord collectif départemental prévu à l’article L. 441-1-2.
« La convention intercommunale d’attribution prévoit la création d’une commission de coordination, présidée par le président de l’établissement public de coopération intercommunale. Cette commission est composée du représentant de l’État dans le département, des maires des communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale ou de leurs représentants, de représentants des bailleurs sociaux présents sur le territoire de l’établissement public de coopération intercommunale, de représentants du département, de représentants des titulaires de droits de réservation et de représentants des associations dont l’un des objets est l’insertion ou le logement des personnes défavorisées qui œuvrent dans le département. Cette commission peut avoir pour mission d’examiner les dossiers de demandeurs de logement social concernés par la convention. Sans se substituer aux décisions des commissions d’attribution prévues à l’article L. 441-2, la commission de coordination émet des avis quant à l’opportunité d’attribuer un logement dans le parc social situé sur le territoire de l’établissement public. La commission se dote d’un règlement intérieur.
« Lorsque, au terme d’un délai de six mois à compter de la proposition présentée par le président de l’établissement public de coopération intercommunale, un bailleur social refuse de signer la convention intercommunale, le représentant de l’État dans le département désigne au bailleur des personnes concernées par les 1° et 2° du présent article et fixe le délai dans lequel le bailleur est tenu de les loger. Les attributions s’imputent sur les droits de réservation des différents contingents. Ces attributions sont prononcées en tenant compte de l’état de l’occupation du patrimoine locatif social de ce bailleur au regard de la nécessaire diversité de la composition sociale de chaque quartier et de chaque commune. Le présent alinéa s’applique jusqu’à la signature, par le bailleur, de la convention intercommunale.
« En cas de manquement d’un bailleur social aux engagements qu’il a pris dans le cadre de la convention intercommunale au titre des 1° ou 2°, le représentant de l’État peut procéder à l’attribution d’un nombre de logements équivalent au nombre de logements restant à attribuer aux personnes concernées par les mêmes 1° ou 2°, après consultation des maires des communes d’implantation des logements. Ces attributions s’imputent dans les conditions mentionnées au treizième alinéa.
« Si l’organisme bailleur fait obstacle aux attributions prononcées par le représentant de l’État dans le département, celui-ci met en œuvre les dispositions du dernier alinéa de l’article L. 441-1-3. » ;
5° L’article L. 441-1-6 est ainsi rétabli :
« Art. L. 441-1-6. – Les articles L. 441-1, L. 441-1-1, L. 441-1-5, L. 441-1-5-1, L. 441-2, L. 441-2-1, L. 441-2-3-2, L. 441-2-5, L. 441-2-7, L. 441-2-8 et L. 442-5 sont applicables à la métropole de Lyon. » ;
5° bis A L’article L. 441-2-3 est ainsi modifié :
a) Après le 4° du I, sont insérés des 5° et 6° ainsi rédigés :
« 5° De représentants des associations de défense des personnes en situation d’exclusion œuvrant dans le département ;
« 6° De représentants désignés par des associations d’usagers ou les instances mentionnées à l’article L. 115-2-1 du code de l’action sociale et des familles. » ;
b) Après le neuvième alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le représentant de l’État dans le département peut également faire au demandeur une proposition de logement en application des articles L. 641-1 et suivants et L. 642-1 et suivants dans l’attente de l’attribution d’un logement définitif. » ;
5° bis Le septième alinéa du I et le cinquième alinéa du II de l’article L. 441-2-3-1 sont supprimés ;
6° La première phrase du second alinéa de l’article L. 441-2-6 est complétée par les mots : « , dont les conditions dans lesquelles est effectuée la désignation de sa demande en vue de son passage devant la commission mentionnée à l’article L. 441-2 ».
II. – Les conventions de délégation consenties aux maires en application de l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, peuvent être résiliées de plein droit par le représentant de l’État dans le département, après avis du comité régional de l’habitat et de l’hébergement.
III. – L’article 14 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale est abrogé.
IV. – L’article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa du II est ainsi modifiée :
a) Les mots : » dépourvues de logement ou mal logées » sont supprimés ;
b) Les mots : » , énumérées aux a à g » sont remplacés par les mots : « qui bénéficient d’une décision favorable mentionnée à l’article L. 441-2-3 et celles qui sont prioritaires en application » ;
2° Le III est ainsi rédigé :
« III. – Le plan établit les priorités au niveau départemental à accorder aux personnes bénéficiant d’une décision favorable mentionnée à l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation et aux personnes prioritaires en application de l’article L. 441-1 du même code, notamment celles qui sont confrontées à un cumul de difficultés économiques et sociales. »
V. – Sans préjudice des dix-huitième à vingt et unième alinéas de l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction résultant de la présente loi, qui sont d’application immédiate, les établissements publics de coopération intercommunale ayant engagé l’élaboration ou adopté des orientations sur les attributions mentionnées à l’article L. 441-1-5 du même code ou qui disposent d’un accord collectif mentionné à l’article L. 441-1-1 dudit code et ceux qui ont élaboré ou signé une convention mentionnée à l’article 8 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine doivent mettre ces documents en conformité avec la présente loi dans un délai d’un an à compter de sa promulgation.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement tend à rétablir l’article 20 dans la version initiale proposée par le Gouvernement.
À l’origine, cet article visait la mise en place de mécanismes d’attribution de logements sociaux pour permettre davantage de mixité dans le logement social et tendre vers plus d’équilibre dans la répartition.
La proposition phare, très loin d’être excessive, consistait à attribuer 25 % des logements sociaux situés en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville aux 25 % des demandeurs aux revenus les plus faibles, c’est-à-dire une répartition proportionnelle à la répartition des demandeurs de logements sociaux.
La commission spéciale a préféré modifier complètement le texte en supprimant tout objectif chiffré et en introduisant un principe de contractualisation. Or ce principe n’est pas suffisant pour assurer une mixité sociale dans tous les quartiers, qu’ils soient prioritaires de la politique de la ville ou non. L’obligation proposée par le Gouvernement étant limitée, légitime et pertinente, nous souhaitons que l’article 20 soit rétabli dans sa version originale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Eu égard aux explications que je viens d’apporter sur le dispositif que la commission spéciale a souhaité mettre en place à travers cet article, j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement.
Madame la ministre, la politique d’attribution issue des travaux de l’Assemblée nationale ne joue que sur les flux et non sur les stocks, ce qui est particulièrement préjudiciable.
Par ailleurs, comme M. Favier l’a évoqué, je ne suis pas certaine que vouloir loger à tout prix des ménages très défavorisés dans des quartiers riches, plus résidentiels, corresponde forcément à leurs attentes ou à leurs besoins ni que cela leur rende service : d’une part, le coût de la vie y est plus élevé, notamment en raison des prix pratiqués dans les commerces de proximité ; d’autre part, ces ménages ont tissé des liens sociaux extrêmement forts dans leur quartier. L’approche adoptée, un peu trop technicienne, n’a pas permis de tenir compte de ces éléments. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Comme un certain nombre d’élus, je mène des opérations de relogement. J’ai pu constater que bon nombre de ménages souhaitent rester dans leur quartier, parce qu’ils y ont tissé, je le répète, des liens sociaux et qu’ils sont attachés à la solidarité familiale.
Par ailleurs, ils ne veulent pas non plus quitter leur quartier au moment où les programmes de rénovation urbaine ambitieux mis en place donnent leurs premiers fruits.
Vouloir absolument placer un ménage sur quatre en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville me semble relever d’une approche trop dogmatique et technicienne qui ne tient pas compte de nombreux facteurs humains. La mixité sociale ne se résout pas uniquement à travers le problème – ô combien crucial ! – du chômage et de la pauvreté.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Monsieur Labbé, je comprends votre volonté de vouloir rétablir le texte initial, mais la réflexion du Gouvernement a progressé depuis… C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement au profit d’autres amendements que je présenterai au cours de la discussion.
Madame la rapporteur, ne confondons pas relogement et attribution. En effet, nombre de personnes relogées veulent continuer de vivre dans les quartiers en rénovation urbaine qui se modernisent.
Toutefois, en proposant qu’une attribution sur quatre se fasse hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville pour les ménages du premier quartile, je vise des personnes qui n’ont pas de logement ou pas de logement correct.
Les personnes disposant de faibles revenus et relevant du premier quartile peuvent aussi avoir envie de vivre dans des quartiers où l’on trouve des services publics, des transports en commun, de la mixité sociale, notamment à l’école.
Beaucoup de personnes pauvres préfèrent vivre à Neuilly-sur-Seine ou à Saint-Maur-des-Fossés plutôt que dans des quartiers beaucoup plus difficiles. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Le sujet n’est pas là, madame la rapporteur. Je ne crois pas que les questions d’égalité et de justice sociale relèvent du dogmatisme. En revanche, il est très dérangeant de constater que, dans certains quartiers hors politique de la ville, aucun logement n’est attribué aux ménages du premier quartile, alors même qu’il existe des logements PLAI, ou prêt locatif aidé d’intégration, pouvant correspondre à leurs revenus, non plus qu’aucun relogement DALO ni relogement de publics prioritaires. C’est une réalité dérangeante, mais bien présente.
S’agissant du problème des stocks, madame la rapporteur, c’est en construisant des logements sociaux grâce à une loi SRU plus exigeante que nous pourrons nous y attaquer. Nous reviendrons sur cette question lors de l’examen du chapitre III.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Bien évidemment, je soutiens la position de Mme la rapporteur.
Dans certaines banlieues que je connais bien se trouvent des communes qui ne sont plus en quartier prioritaire de la politique de la ville, qui ne sont pas en veille active, et dans lesquelles le niveau moyen de revenu reste très faible. Imposer la règle des 25 % dans ces communes ne permettra pas de parvenir à la mixité sociale à laquelle nous aspirons tous et ne fera qu’aggraver la situation.
M. le président. Monsieur Labbé, l'amendement n° 498 est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 498 est retiré.
L'amendement n° 114, présenté par M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
et des quartiers placés en zone de veille active
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Par cet amendement, également présenté à l’Assemblée nationale, nous souhaitons intégrer la problématique des quartiers placés en zone de veille active dans les objectifs d’attribution de logements sociaux
En effet, le présent article fixe comme nouvel objectif de la politique d’attribution des logements sociaux le fait de favoriser « l’accès des ménages dont les revenus sont les plus faibles aux secteurs situés en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville ».
Or, comme nous le savons tous, de nombreux quartiers sont sortis de la politique de la ville à la suite de la réforme de 2014 pour être placés en veille active.
Par cet amendement, nous souhaitons éviter que les personnes en grande difficulté ne soient logées en zone de veille active, ce qui risquerait de déséquilibrer des quartiers qui demeurent profondément fragiles et que le Gouvernement avait décidé d’accompagner.
Sans intervenir sur les obligations concrètes définies par les instances locales, nous souhaitons simplement rappeler dans les objectifs qu’il convient de ne pas fragiliser ces quartiers, très récemment sortis de la politique de la ville, conformément à l’engagement du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cet amendement vise à compléter la définition de la mixité sociale en mentionnant les quartiers placés en zone de veille active.
Élargir cette définition nous conduirait également, par cohérence, à élargir les périmètres d’application des obligations de mixité sociale – taux de demandeurs les plus pauvres hors quartiers prioritaires de la politique de la ville, taux de demandeurs autres que les plus pauvres dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville…
La commission spéciale émet un avis défavorable sur votre amendement, mon cher collègue, les modifications qu’elle a adoptées devant permettre de répondre à votre attente.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, comme il l’a déjà été à l’Assemblée nationale.
On dénombre aujourd’hui 900 quartiers en veille active, ce qui est assez important. Il nous semble excessif de les assimiler à des quartiers prioritaires de la politique de la ville dans la mesure où ils sont sortis de ce dispositif.
Cela dit, nous avions décidé de privilégier la négociation à l’échelle de l’intercommunalité pour permettre à ces quartiers de disposer d’un taux inférieur à celui de 25 %.
En effet, il nous semble préférable de privilégier la discussion plutôt que d’exonérer de tout effort ces quartiers en veille active qui représentent un volume important des attributions de logements sociaux et même s’ils bénéficient, comme vous l’avez dit, d’un suivi particulier dans le cadre de l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, et d’un certain nombre de dispositifs en matière d’éducation.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. À titre personnel, je soutiendrai cet amendement.
J’ai vu pas mal de quartiers basculer hors politique de la ville. Or, dans ces quartiers, le stock de population est souvent très pauvre.
La situation a pu s’améliorer en termes de cadre de vie, mais pas encore en termes de mixité sociale, comme le montrent tous les rapports. Sur cette question, il faut s’atteler à un travail de longue haleine.
Il s’agit non pas d’empêcher ces communes d’attribuer des logements sociaux aux personnes les plus pauvres, mais de ne pas en faire une obligation.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 296 rectifié, présenté par MM. Antiste, Cornano et J. Gillot, Mme Jourda et MM. Karam, S. Larcher et Patient, est ainsi libellé :
Alinéa 7, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Elle ne peut être prise en compte que comme critère de pondération en cas d’égalité de situation des demandeurs.
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. La formulation de l’alinéa 7 de l’article 20 est floue et ne sera certainement pas suffisante pour mettre fin à la priorité donnée à l’ancrage territorial qui s’applique actuellement de façon quasi systématique, tous réservataires confondus.
S’il est formellement interdit de refuser le dépôt d’une demande de logement social au motif que la personne ne réside pas dans la commune, une certaine ambiguïté subsiste quant à la légalité d’une priorisation des demandeurs ayant un lien avec la commune.
Il est ainsi facile de contourner l’interdiction de la préférence communale en surpondérant la situation du résident pour le faire passer systématiquement devant les autres candidats.
Comme le souligne le vingt et unième rapport de la Fondation Abbé Pierre, c’est, par exemple, le cas de la mairie de Paris qui attribue un coefficient positif aux ménages résidant ou travaillant à Paris de 10 % à chaque fois, ce qui contribue à amenuiser le poids accordé aux situations les plus aiguës d’exclusion sociale.
C’est pourquoi il serait judicieux, afin d’éviter toute polémique jurisprudentielle ou autre, de faire uniquement de la préférence communale un critère de pondération en cas d’égalité de situation des demandeurs et non un critère de priorisation, comme cela a d’ailleurs aussi été soulevé par le Défenseur des droits dans une décision du 24 juin 2013.
M. le président. Le sous-amendement n° 727, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement 296 rectifié, alinéas 1 et 2
Rédiger ainsi ces alinéas :
Alinéa 7, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
La parole est à Mme la ministre.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Monsieur Antiste, nous partageons votre souci de stabilité juridique.
La préférence communale ne peut être un motif de refus d’attribution de logement social. Le code pénal et la jurisprudence sont très clairs sur cette question, et le Défenseur des droits l’a rappelé.
En revanche, la préférence communale peut constituer un critère, parmi d’autres, de pondération d’une attribution.
Nous avons inscrit cette disposition dans le projet de loi en raison des difficultés d’interprétation qui animent les commissions d’attribution locale.
Ce sous-amendement vise simplement à insérer votre amendement au bon endroit du texte.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 497 est présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 586 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 7, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 497.
M. Joël Labbé. Je voudrais d’abord faire remarquer que l’expression « stock de population » est de plus en plus employée dans cet hémicycle, ce qui me gêne. Pour ma part, j’éviterai de l’utiliser…
Le présent amendement vise à supprimer le critère de préférence communale à dossier équivalent lors de la procédure d'attribution de logements sociaux. La notion de lien avec la commune est très vague.
Des éléments objectifs et bien définis d’un éventuel lien sont déjà pris en considération pour cette attribution à l'article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation qui prévoit de tenir compte « de l'éloignement des lieux de travail et de la proximité des équipements répondant aux besoins des demandeurs. »
Il n’existe donc aucun intérêt à conserver la préférence communale, qui n’induit que confusion et opacité dans les critères d’attribution.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° 586.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Encore une fois, ce critère ne peut être un critère premier d’attribution, mais peut servir de critère de pondération.
La rédaction issue des travaux de la commission spéciale a perdu en souplesse par rapport au texte initial.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. M. Antiste propose d’indiquer que l’absence de lien avec la commune ne peut être prise en compte que comme critère de pondération en cas d’égalité de situation des demandeurs.
Cette précision est en contradiction avec celle que la commission spéciale a apportée selon laquelle à dossier équivalent, le lien avec la commune peut constituer un motif d’attribution. La commission est donc défavorable à l’amendement n° 296 rectifié.
Avis défavorable également au sous-amendement n° 727. Je note au passage, madame la ministre, que le Gouvernement n’est pas à une contradiction près, puisqu’il propose de récrire une phrase qu’il veut par ailleurs supprimer…
Les amendements identiques nos 497 et 586 sont contraires à la position de la commission, qui a jugé utile de préciser que le lien avec la commune d’implantation pouvait – il s’agit non pas d’une obligation, mais d’une faculté – constituer un motif d’attribution. Avis défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 497 et 586.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 366, présenté par MM. D. Dubois, Marseille et L. Hervé, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Supprimer les mots :
En sus des logements attribués à des personnes bénéficiant d’une décision favorable mentionnée à l’article L. 441-2-3,
La parole est à M. Daniel Dubois.
M. Daniel Dubois. Si le Gouvernement a précisé et complété la liste des publics prioritaires, certaines problématiques demeurent.
Je pense, par exemple, aux bénéficiaires du droit au logement opposable, le DALO, que vous souhaitez intégrer aux publics prioritaires, c'est-à-dire au droit commun, alors qu’il s’agit d’une voie de recours.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons supprimer de la liste des critères généraux de priorité pour l’attribution des logements les personnes déclarées prioritaires et à loger d’urgence par la commission de médiation au titre du droit au logement opposable
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Le projet de loi n’intègre pas les personnes éligibles au DALO dans la liste des personnes prioritaires, mais rappelle simplement qu’il s’agit de personnes super-prioritaires.
Dans la mesure où cette disposition ne change rien au droit en vigueur, je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, je me verrai contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Le Gouvernement est du même avis que la commission.
Il s’agit simplement de réécrire dans le projet de loi ce qui était mal écrit. Il existe plusieurs publics prioritaires, dont les personnes éligibles au DALO.
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Comment s’effectue le lien entre la commission de médiation qui examine les demandes de personnes n’arrivant pas à obtenir un logement et ces listes prioritaires ?
Dès lors que la commission de médiation, composée d’un certain nombre de professionnels, a déclaré qu’une personne était éligible au DALO, sa décision de reloger s’impose. En cas de refus, le préfet peut intervenir pour assurer le relogement.
Aussi, je ne comprends pas que cette personne puisse être intégrée à la liste des publics prioritaires de droit commun, alors qu’il s’agit de la mise en œuvre d’un droit de recours.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Monsieur le sénateur, je veux bien tenter d’être plus claire. Peut-être Mme la rapporteur acceptera-t-elle d’apporter également des éclaircissements.
Les personnes bénéficiant du DALO, droit reconnu constitutionnellement, sont prioritaires par nature. Vous le savez, elles peuvent poursuivre l’État, qui peut être condamné à payer des astreintes et des indemnités si elles ne sont pas relogées. Si elles ont obtenu le droit au logement opposable – toutes les demandes ne sont pas satisfaites –, c’est notamment parce qu’elles étaient en situation d’extrême gravité et de vulnérabilité.
La commission de médiation peut reconnaître des publics prioritaires, quels qu’ils soient. Dans le cadre des attributions, vous le savez, il faut présenter trois personnes pour chaque logement, ce qui se traduit par l’établissement de priorités. On essaie ensuite de reloger les publics prioritaires. Toutefois, ce n’est pas parce qu’il existe une obligation générale de reloger en priorité les publics prioritaires qu’il ne faut pas reloger les autres demandeurs.
L’État n’a pas agi correctement en la matière. Il est aujourd'hui poursuivi et paie de fortes astreintes, notamment dans certains départements.
Avec ce projet de loi, nous nous contentons d’énoncer qui est prioritaire. Vous le savez, parmi les personnes prioritaires, il y a les personnes « super-prioritaires » que sont les bénéficiaires du DALO. Quelquefois, avant d’avoir obtenu ce droit, elles étaient déjà considérées comme prioritaires.
Certaines personnes qui étaient en situation de vulnérabilité – qu’elles soient hébergées, handicapées ou soumises à un congé pour vente, à une expulsion – voient parfois leur situation s’aggraver et obtiennent un droit au logement opposable. Il s’agit d’une gradation dans la priorité.
Vous avez cependant raison sur un point, il est renversant de se rendre compte que nous avons autant d’urgences à régler en même temps. Sans doute n’avons-nous pas assez de logements à offrir aux ménages concernés. Il n’empêche que la reconnaissance juridique d’une priorité inscrit les demandeurs dans un ordre de passage, leur permettant d’être relogés plus vite que d’autres, même si, dans certains territoires, une personne prioritaire peut attendre entre cinq et dix ans son relogement.
M. le président. L’amendement n° 366 est-il maintenu, monsieur Dubois ?
M. Daniel Dubois. J’ai compris, madame la ministre, qu’il y avait des publics prioritaires et des publics « super-prioritaires ».
Si j’éprouve quelque gêne à appréhender cette problématique, c’est parce que les publics qui passent en commission de médiation se sont bel et bien trouvés, à un moment donné, confrontés à des difficultés, liées à de nombreuses raisons, d’obtention d’un logement. Ils ont été en droit de solliciter la commission de médiation départementale, qui est composée d’un certain nombre de professionnels. Généralement, les publics concernés cumulent un certain nombre de difficultés. Si tel n’est pas le cas, là où il y a assez de logements, des solutions sont trouvées.
Le problème, c’est la nécessité d’établir un diagnostic extrêmement affiné et de prendre, parfois, des mesures d’accompagnement pour que ces publics puissent être relogés dans de bonnes conditions.
Vous me dites qu’il existe des publics « super-prioritaires ». Pour moi, ils relevaient d’un système spécifique, qui constituait une voie de recours offerte à des demandeurs en situation spécifique. Or, avec cet article, ils relèveront désormais du droit commun des publics prioritaires, dont la liste ne me pose pas de problème, si ce n’est pour un seul de ces publics. À mes yeux, le public étant passé devant une commission de médiation constituait un public différent, qui n’appartenait pas à la liste des autres publics prioritaires. Sans doute mon interrogation relève-t-elle d’une sémantique ou d’une logique que nous ne partageons pas. Au demeurant, j’ai bien compris que je n’aurai pas gain de cause dans cette affaire. Je vais donc retirer cet amendement.
Toutefois, je souhaite que cette problématique soit bien prise en compte. Je reviendrai d’ailleurs au cours de nos débats sur le travail des commissions de médiation.
Je retire l'amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 366 est retiré.
Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger nos travaux jusqu’à minuit trente.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune et présentés par MM. D. Dubois et L. Hervé, Mmes Doineau et Loisier et M. Canevet.
L’amendement n° 363 est ainsi libellé :
Alinéa 16
Supprimer les mots :
ou confrontées à un cumul de difficultés financières et de difficultés d’insertion sociale
L'amendement n° 364 est ainsi libellé :
Alinéa 16
Compléter cet alinéa par les mots :
après avis de la commission départementale de médiation, qui peut proposer les mesures de diagnostic ou d’accompagnement social utiles
La parole est à M. Daniel Dubois.
M. Daniel Dubois. Ces amendements relèvent de la même problématique. En effet, l’alinéa 16 de l’article 20 tend à prendre en compte, au sein de l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation, les personnes « confrontées à un cumul de difficultés financières et de difficultés d’insertion sociale ».
À mes yeux, le cumul des difficultés dont il est question est déjà pris en considération par la rédaction de l’alinéa. Pourquoi donc ajouter une telle précision ? Cela soulève une vraie question. En effet, la mission de base des organismes d’HLM est de construire des logements sociaux, de les entretenir, et de loger des familles répondant aux critères d’attribution de ces logements. Ils exercent également une autre mission, celle de l’insertion sociale, qui ne concerne pourtant pas les mêmes professionnels.
J’ai du mal à comprendre pourquoi le cumul de difficultés financières et d’insertion deviendrait une priorité de droit commun, alors que, à ce jour, les publics concernés passent généralement par les commissions de médiation, justement parce qu’ils sont dans des difficultés telles que les professionnels des logements sociaux ne sont pas à même de les appréhender. Surtout, ces derniers ne peuvent pas prendre de mesures d’accompagnement, n’ayant pas toujours la capacité de les mettre en œuvre.
L’insertion de ces publics dans le droit commun du logement soulève une vraie question. On est en train de transformer les organismes d’HLM en organismes d’insertion sociale, alors même qu’ils ont déjà un métier. Je pose donc la question : à quoi servent les commissions de médiation ?
Madame la ministre, le trait d’union entre ces deux notions n’est pas réellement appréhendé dans le texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’amendement n° 363 vise à supprimer de la liste des personnes prioritaires les personnes « confrontées à un cumul de difficultés financières et de difficultés d’insertion sociale ».
Comme l’a rappelé Mme la ministre, la refonte de la liste des critères de priorité tend à rassembler au sein d’un même article des dispositions éparses, qui figurent soit dans le code de la construction et de l’habitation, mais à différents endroits, soit dans la loi du 31 mai 1990, qui comporte la notion de personnes subissant un cumul de difficultés financières et sociales.
Le présent projet de loi vise donc simplement à introduire une cohérence en regroupant au sein d’une même liste les différents publics prioritaires. Aucun public nouveau n’est ajouté. En effet, si tous les publics deviennent prioritaires, on donne un très mauvais signal aux demandeurs de logements sociaux qui y prétendent au vu de leurs conditions de ressources. Ces derniers sont inscrits sur des listes d’attente pour l’attribution d’un logement social, dans le cadre de délais d’attribution particulièrement longs. À chaque fois, ils voient passer devant eux des publics considérés comme prioritaires ! On laisse ainsi dans l’attente des personnes qui renouvellent leur dossier, année après année.
Je pense donc que la liste prévue par le projet de loi ne doit pas être modifiée. Elle permet simplement d’introduire une cohérence. Je vous rappelle, monsieur Dubois, que des personnes rencontrant des difficultés financières et sociales ne sont pas forcément reconnues éligibles au DALO. Il ne faut pas imaginer que les personnes « confrontées à un cumul de difficultés financières et de difficultés d’insertion sociale » relèvent toutes du DALO.
La commission est par conséquent défavorable à l’amendement n° 363.
Quant à l’amendement n° 364, il tend à ce que l’attribution d’un logement à une personne confrontée à un cumul de difficultés financières et de difficultés d’insertion sociale ne puisse se faire qu’après avis de la commission départementale de médiation, qui peut proposer les mesures de diagnostic ou d’accompagnement social utiles.
Tout d’abord, il faut souligner qu’aucun critère de priorité n’est réellement applicable de manière automatique, car il faut qu’un acteur ait qualifié juridiquement la situation du demandeur pour que le critère joue. Sauf en cas de recours amiable DALO, il n’existe pas, de manière générale, d’instance compétente pour opérer cette qualification et reconnaître que tel ou tel demandeur est prioritaire en fonction de tel ou tel critère.
La qualification des demandes est effectuée le plus souvent par les réservataires eux-mêmes et, pour ce qui concerne les publics prioritaires, essentiellement par les services de l’État, pour la gestion du vivier de demandeurs éligibles au contingent de logements réservés de l’État dédié aux personnes prioritaires.
Il s’agit, par cet amendement, de donner à la commission de médiation une fonction supplémentaire, à savoir un rôle consultatif. Celle-ci devra en effet émettre un avis sur le caractère prioritaire de droit commun de telle ou telle demande.
La commission de médiation, qui est une instance de décision, ne doit pas jouer également un rôle consultatif. Elle est saisie par les citoyens, et seulement par eux, et décide s’ils sont reconnus, ou non, prioritaires pour être logés d’urgence au titre du DALO. Cette procédure intervient normalement quand celles de droit commun ont échoué.
Il ne me paraît pas souhaitable de modifier les missions de la commission de médiation. Je vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, je me verrai contrainte d’émettre, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Je n’ai rien à ajouter à ce que vient d’expliquer Mme la rapporteur.
Je tiens à le redire, nous n’avons pas créé de nouveaux publics prioritaires, nous avons simplement codifié les choses correctement. En effet, auparavant, les publics prioritaires en matière de logement relevaient de différents codes.
Quant à la commission de médiation, elle ne peut être saisie que par les citoyens et doit se prononcer sur des recours amiables. Elle n’est pas une instance consultative, et cela doit rester ainsi.
Vous avez posé une question sur l’insertion sociale, monsieur Dubois. Les bailleurs sociaux sont très clairement chargés non pas de l’insertion sociale, mais du logement social. Dans le cadre des politiques de la ville, ils peuvent mettre en place des gestions urbaines de proximité, et avoir une fonction sociale. Nombre d’entre eux ont adopté une démarche de RSE, ou responsabilité sociétale et environnementale des entreprises, et mènent un travail en la matière. Toutefois, l’insertion relève des travailleurs sociaux, dont c’est le métier et auxquels les bailleurs sociaux peuvent faire appel. Il ne faut absolument pas mélanger les choses !
En revanche, vous l’avez dit, il existe du logement adapté : il s’agit de faire de l’insertion par le logement. C’est une action sociale s’appuyant sur le vecteur du logement. On confie donc cette mission à des travailleurs sociaux, même s’ils utilisent le logement en tant que facteur d’intégration.
Le Gouvernement est par conséquent défavorable à ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Je suis désolé, je ne comprends pas !
Permettez-moi de vous lire l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation relatif aux commissions de médiation – je passe rapidement sur la composition de celles-ci, qui regroupent notamment des représentants de l’administration, des organismes d’HLM et des organismes d’insertion.
« La commission de médiation peut être saisie par toute personne qui, satisfaisant aux conditions réglementaires d’accès à un logement locatif social, n’a reçu aucune proposition adaptée en réponse à sa demande de logement dans le délai fixé en application de l’article L. 441-1-4.
« Elle peut être saisie sans condition de délai lorsque le demandeur, de bonne foi, est dépourvu de logement, menacé d’expulsion sans relogement […].
« Le demandeur peut être assisté par les services sociaux, par un organisme bénéficiant de l’agrément relatif à l’ingénierie sociale, financière et technique prévu à l’article L. 365-3, ou par une association agréée de défense des personnes en situation d’exclusion. […]
« Dans un délai fixé par décret, la commission de médiation désigne les demandeurs qu’elle reconnaît prioritaires et auxquels un logement doit être attribué en urgence. Elle détermine pour chaque demandeur, en tenant compte de ses besoins et de ses capacités, les caractéristiques de ce logement, ainsi que, le cas échéant, les mesures de diagnostic ou d’accompagnement social nécessaires. Elle peut préconiser que soit proposé au demandeur un logement appartenant aux organismes définis à l’article L. 411-2 loué à une personne morale aux fins d’être sous-loué à titre transitoire dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 442-8-3. »
Par conséquent, quand une personne cumule des difficultés financières et d’insertion, il est possible et même souhaitable que des demandes soient faites à la commission de médiation, celle-ci pouvant décider de mesures d’accompagnement parfois nécessaires.
Madame la ministre, vous avez énoncé un principe selon lequel l’insertion ne serait pas le métier des bailleurs sociaux. Or, si un bailleur social n’offre des logements qu’à des familles rencontrant des difficultés financières, ce n’est pas un problème. Mais la situation est différente si les familles ont des difficultés d’insertion sociale. En effet, les bailleurs ne sont pas formés pour accompagner ces publics.
Pourquoi ces mots « confrontés à un cumul de difficultés financières et de difficultés d’insertion sociale » ont-ils été ajoutés par l’Assemblée nationale ?
Je maintiens donc ces deux amendements.
M. Daniel Dubois. On peut avoir raison seul contre tous ! (Sourires.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 118 est présenté par M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 584 est présenté par le Gouvernement.
L'amendement n° 620 rectifié est présenté par MM. Collombat, Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve et Malherbe et MM. Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 28
Rédiger ainsi cet alinéa :
« k) Personnes menacées d’expulsion sans relogement.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour présenter l’amendement n° 118.
M. Michel Le Scouarnec. Cet amendement très simple est facile à comprendre. Il vise en effet à ce que le risque d’expulsion sans relogement soit défini comme un critère de priorité dans le cadre de l’attribution de logements sociaux.
Il existe une ambiguïté, voire une certaine hypocrisie, sur cette question. La loi reconnaît aujourd’hui que toute personne menacée d’expulsion sans possibilité de relogement peut être reconnue éligible au DALO.
Une circulaire en date de 2012 signée par le ministre de l’intérieur et la ministre du logement de l’époque incitait les préfets « à mettre en œuvre systématiquement le relogement effectif du ménage dans un délai tel qu’il intervienne avant la date à laquelle le concours de la force publique sera mis en œuvre ».
Pourtant, les associations de locataires constatent que, parmi les 12 000 expulsions effectuées chaque année, beaucoup se font sans relogement, voire sans hébergement, entraînant parfois les personnes concernées dans une situation dramatique de misère.
Il conviendrait donc de sortir de l’ambiguïté en inscrivant dans la loi le risque d’expulsion sans relogement comme critère prioritaire dans le cadre de la filière de droit commun et en faisant ainsi du droit au logement un droit fondamental de l’être humain en toutes circonstances.
Je me permets de citer à ce propos l’article 11 du pacte des Nations unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, dont la France est signataire : « les États parties au présent pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence. Les États parties prendront les mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit ».
Il convient donc d’agir rapidement en ce sens. Je l’ai bien compris au travers des différentes interventions, il manque en France un grand nombre de logements. Œuvrons donc pour satisfaire les demandes de logement, urgentes pour un grand nombre d’entre elles !
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 584.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Cet amendement vise à rétablir les personnes menacées d’expulsion sans relogement dans la liste des publics prioritaires. Celles-ci font partie des personnes pouvant présenter un recours devant la commission de médiation, dans le cadre du DALO. Il est donc naturel qu’elles soient prioritaires, sous réserve de l’examen de leur bonne foi, pour l’accès au logement social, le DALO étant une procédure d’exception.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 620 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Le présent amendement a pour objet de rétablir les personnes menacées d’expulsion sans relogement dans la liste des personnes prioritaires pour l’accès au logement social.
En effet, cette mention a été supprimée par la commission spéciale, alors que l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation en vigueur prévoit que la commission de médiation peut être saisie sans condition de délai par les personnes menacées d’expulsion sans relogement dans le cadre du droit au logement opposable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Sur ces trois amendements identiques, l’avis de la commission est défavorable.
Nous n’avons pas voulu inscrire dans la liste des personnes prioritaires les personnes menacées d’expulsion sans relogement, dont certaines peuvent être de mauvaise foi.
S’agissant des personnes de bonne foi, elles seront éligibles au DALO et considérées comme « super prioritaires » pour l’attribution d’un logement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Je souhaite prendre la parole sur ce sujet, qui a fait l’objet d’un débat en commission.
Je veux assumer la responsabilité de la position que j’ai adoptée en commission. Je sais en effet, madame la rapporteur, que vous n’étiez pas d’accord sur le fond.
Pourquoi ai-je proposé que les personnes menacées d’expulsion ne soient pas prioritaires ? Mon opposition relève à la fois d’un principe et d’un problème technique.
Tout d’abord, cela me gêne que quelqu’un se trouvant dans l’illégalité soit prioritaire par rapport à quelqu’un qui est dans la légalité. Ma position était partagée par un certain nombre de mes collègues, quelle que soit leur appartenance politique. Quand on est en train de faire la loi, on doit être exemplaire dans les décisions que l’on prend. C’est un vrai problème de principe.
Ensuite, pour arriver à expulser quelqu’un, il faut véritablement que la mauvaise foi soit prouvée. Or je connais pour ma part de nombreux petits propriétaires, qui payent leurs emprunts, mais louent à des personnes qui ne paient pas leur loyer.
À l’heure actuelle, il existe suffisamment d’outils pour faire en sorte qu’une famille dans la difficulté bénéficie d’une aide. Ainsi, dans tous les organismes d’HLM, on trouve des commissions de prévention d’expulsion. Je vous le dis, et j’assume complètement les paroles que je m’apprête à prononcer, les membres des commissions qui travaillaient dans l’organisme que je dirigeais étaient plus durs que moi s’agissant des décisions à prendre relatives aux expulsions, car ils n’en pouvaient plus !
Par ailleurs, le FSL, le Fonds de solidarité pour le logement, accorde des aides financières aux personnes qui rencontrent des difficultés. Tous les organismes de France et de Navarre apporteront à une personne en difficulté des solutions techniques à ces familles. Les accidents de la vie, cela arrive !
Madame la ministre, j’ai relevé dans vos propos les notions de bonne foi et de mauvaise foi. Selon moi, seule la commission de médiation peut trancher en la matière ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Monsieur Dubois, je veux vous répondre sur ce point.
Je tiens à le rappeler, derrière les expulsions se dissimulent des situations multiples. Comme je le dis toujours, il faut lutter contre les expulsions en travaillant dès le premier impayé.
Aujourd'hui, autour de 100 000 personnes sont concernées par les expulsions, ce qui conduit in fine à environ 11 000 expulsions réellement effectuées, dont une moitié concerne les bailleurs sociaux et l’autre moitié le parc privé.
Je suis désolée de vous le dire, de nombreuses personnes expulsées ne sont pas dans l’illégalité. Parmi elles se trouvent des gens qui payent leur loyer. En matière d’expulsion, il y a des histoires de congés pour vente – c’est un sujet majeur –, les locataires se trouvant mis à la porte extrêmement rapidement. On observe de nombreuses fraudes dans le cadre de ce congé pour vente, ce qui entraîne un contentieux judiciaire important.
On dénombre également des personnes qui rencontrent des difficultés pour payer leur loyer. Je tiens à l’affirmer, il y a des ménages qui sont de bonne foi. Ils ont des difficultés pour acquitter leur loyer, après des ruptures dans l’emploi ou des désastres familiaux. Je pense notamment aux femmes quittées par des maris qui ne versent pas leur pension alimentaire. Depuis quelques mois, grâce à l’adoption de la loi ALUR, elles peuvent bénéficier, si elles sont de bonne foi, du maintien des allocations familiales en cas d’impayés, pour éviter le désastre final. Vous avez raison, il faut agir dès la première difficulté.
Si nous avons voulu rétablir les personnes menacées d’expulsion sans relogement dans la liste des publics prioritaires, c’est aussi parce que, parmi elles, certaines sont très prioritaires.
J’espère que le plan national de prévention des expulsions locatives, qui a été mis en place voilà plusieurs mois et qui s’appuie sur des actions départementales, permettra d’éviter certains cas sociaux, pour lesquels l’alerte est émise trop tard. Ce n’est pas au moment où la mise en œuvre de l’expulsion et le concours de la force publique sont demandés que nous pouvons agir. C’est bien en amont ! Telle est en tout cas notre volonté.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 118, 584 et 620 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, je vais lever la séance. Nous avons examiné 83 amendements au cours de la journée ; il n’en reste « que » 455…
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
12
Nomination de membres d’un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission des lois a proposé des candidatures pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Yves Détraigne membre titulaire et Mme Cécile Cukierman membre suppléant du Conseil supérieur de l’éducation routière.
13
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 6 octobre 2016, à dix heures trente, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’égalité et à la citoyenneté (n° 773, 2015-2016) ;
Rapport de Mmes Dominique Estrosi Sassone et Françoise Gatel, fait au nom de la commission spéciale (n° 827, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 828, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 6 octobre 2016, à zéro heure trente.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD