Mme Cécile Cukierman. Là encore – ce sera le cas, je crois, pour beaucoup d’autres amendements –, nous voulons rétablir l’article dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.
Les députés ont étendu la liste des motifs de discrimination. Cela nous paraît une bonne chose.
De plus, il était expressément prévu que les préjudices moraux pouvaient faire l’objet d’une réparation dans le cadre de l’action de groupe en matière de discriminations ; pour nous, c’est le minimum. Car il est difficilement concevable de vider de sa substance la vocation indemnitaire de l’action de groupe en matière de discrimination. En effet, il est assez rare qu’une discrimination cause un préjudice corporel. Et, si un préjudice matériel est plus fréquent, le préjudice est aussi souvent d’ordre moral.
Enfin, la référence au caractère individuel des préjudices avait été supprimée, ce qui est dans la droite ligne des amendements déjà défendus par les membres de notre groupe ou d’autres collègues.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement tend à rétablir des dispositions de fond qui modifient la législation relative aux discriminations.
Il est contraire à la position de la commission, qui, par coordination, a supprimé de l’article 44 du projet de loi toutes les dispositions visant à modifier les règles de fond de la législation en matière de discrimination. En effet, ces règles seront discutées lors de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté. Nous pensons qu’il vaut mieux éviter d’avoir des mêmes dispositions en concurrence dans deux textes différents.
C'est la raison pour laquelle nous préférons nous en tenir à la seule détermination du régime de l’action de groupe en matière de discrimination dans ce texte.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Cukierman, l'amendement n° 84 est-il maintenu ?
Mme Cécile Cukierman. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 102, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
1° Première phrase
Supprimer les mots :
titulaire d’un agrément national reconnaissant son expérience et sa représentativité
2° Seconde phrase
Supprimer les mots :
titulaires d’un agrément national reconnaissant leur expérience et leur représentativité et
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Dans le même esprit que nos amendements nos 98 et 101, cet amendement vise à supprimer la nécessité pour une association de disposer d’un agrément national pour pouvoir conduire une action de groupe.
Mme la présidente. L'amendement n° 23, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5, première phrase
Remplacer les mots :
titulaire d’un agrément national reconnaissant son expérience et sa représentativité
par les mots :
régulièrement déclarée depuis cinq ans au moins
II. – Alinéa 5, seconde phrase
Remplacer les mots :
titulaires d’un agrément national reconnaissant leur expérience et leur représentativité et
par les mots :
régulièrement déclarées depuis cinq ans au moins
III. – Alinéa 6
Remplacer les mots :
individuels subis, à l’exception des préjudices moraux
par le mot :
subis
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. L’amendement tend d’abord à procéder à une coordination avec le socle commun concernant les associations habilitées à exercer l’action de groupe en matière de discriminations. À l’heure actuelle, il n’existe pas d’agrément dans ce domaine, et il ne paraît pas opportun d’en créer un alors que des associations existent depuis plusieurs années. C’est l’objet du I et du II de l’amendement.
Nous voulons aussi donner sa pleine efficacité à l’action de groupe, en permettant l’indemnisation des préjudices moraux. L’action de groupe en matière de discrimination risque d’avoir une portée limitée si ces préjudices sont exclus de son champ, les préjudices matériels et corporels étant assez rares en la matière.
Le préjudice moral est en effet une des composantes constantes du préjudice subi du fait d’une discrimination. En exclure la réparation par la voie de l’action de groupe ne va pas supprimer la possibilité pour les victimes de la discrimination d’en demander réparation à son auteur, qui leur est reconnue par la jurisprudence tant civile qu’administrative. En revanche, cela aura pour inconvénient de laisser se développer des contentieux sériels individuels pour obtenir la réparation de ce préjudice à côté de l’action de groupe, alors que c’est précisément ce que la création de cette action vise à éviter, dans l’intérêt du bon fonctionnement de la justice.
Il est donc proposé de permettre que l’action de groupe en matière de discrimination puisse également porter sur la réparation des préjudices moraux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Ces deux amendements visent, selon des modalités différentes, à élargir le champ des associations habilitées à exercer l’action de groupe en matière de discrimination. Le Gouvernement veut en outre rétablir la possibilité d’indemniser les préjudices moraux dans ce cadre. Ces amendements sont contraires à notre position, qui a déjà été précisée.
La commission a souhaité s’en tenir à l’équilibre trouvé dans notre hémicycle en première lecture. Il s’agit de s’assurer que les associations habilitées à exercer l’action présentent des garanties suffisantes de capacité et d’écarter les préjudices moraux. Dans sa logique, l’action de groupe se prête à la réparation de préjudices matériels sériels, plus facilement comparables et indemnisables. Entrer dans la réparation du préjudice moral, qui, lui, exige une évaluation individuelle bien plus poussée, dénature quelque peu la logique de l’action de groupe, d’autant qu’il est difficile d’en apprécier toutes les conséquences concrètes.
À mon sens, il n’est pas interdit d’être prudent lorsque l’on innove en matière juridique. Or le développement de l’action de groupe constitue une véritable innovation dans notre droit. Nous n’avons ni recul sur l’action de groupe en matière de consommation ni idée sur ses potentiels effets négatifs en matière de discrimination.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 102 ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement, qui est attaché à l’exigence des cinq ans, émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote sur l'amendement n° 23.
M. Jacques Bigot. Je souhaite répondre à M. le rapporteur.
Avec l’action de groupe, nous sommes effectivement en train d’innover ; nous avons déjà eu ce débat en première lecture. Il s’agit d’organiser différemment l’accès à la justice. Dix ou vingt personnes victimes de discriminations pourront agir conjointement, c'est-à-dire formuler ensemble le même recours, en vue d’obtenir non seulement la cessation, mais également la réparation du préjudice subi.
Contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le rapporteur, il est plus facile de fixer un barème pour le préjudice moral que pour le préjudice physique ou le préjudice individuel ; un préjudice économique n’est pas nécessairement le même pour chacun.
M. le garde des sceaux a parfaitement raison. Une fois qu’un tribunal aura constaté un manquement et en aura ordonné la cessation, l’existence d’une faute sera prouvée, ce qui justifiera la réparation d’un préjudice et ouvrira la voie à autant d’actions individuelles. En d’autres termes, cela augmentera le nombre de procès, au lieu de simplifier le fonctionnement de la justice, ce qui est tout de même l’objectif visé dans le présent projet de loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 44.
(L'article 44 est adopté.)
Section 2
Action de groupe en matière de discrimination dans les relations relevant du code du travail
Article 45
I. – Le chapitre IV du titre III du livre Ier de la première partie du code du travail est ainsi modifié :
1° Est insérée une section 1 intitulée : « Dispositions communes » et comprenant les articles L. 1134-1 à L. 1134-5 ;
2° Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Dispositions spécifiques à l’action de groupe
« Art. L. 1134-6. – Sous réserve des articles L. 1134-7 à L. 1134-10, le chapitre Ier du titre V de la loi n° … du … de modernisation de la justice du XXIe siècle s’applique à l’action de groupe prévue à la présente section.
« Art. L. 1134-7. – Une organisation syndicale de salariés représentative au sens des articles L. 2122-1, L. 2122-5 ou L. 2122-9 peut agir devant une juridiction civile afin d’établir que plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou plusieurs salariés font l’objet d’une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur un même motif figurant parmi ceux mentionnés à l’article L. 1132-1 et imputable à un même employeur.
« Art. L. 1134-8. – L’action ne peut tendre qu’à la cessation du manquement.
« Art. L. 1134-9. – Par dérogation à l’article 22 de la loi n° … du … de modernisation de la justice du XXIe siècle, préalablement à l’engagement de l’action de groupe mentionnée à l’article L. 1134-7, les personnes mentionnées au même article L. 1134-7 demandent à l’employeur, par tout moyen conférant date certaine à cette demande, de faire cesser la situation de discrimination collective alléguée.
« Dans un délai d’un mois à compter de la réception de cette demande, l’employeur en informe le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, ainsi que les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise. À la demande du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, ou à la demande d’une organisation syndicale représentative, l’employeur engage une discussion sur les mesures permettant de faire cesser la situation de discrimination collective alléguée.
« L’action de groupe engagée pour la défense des intérêts de plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou de plusieurs salariés peut être introduite à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la demande tendant à faire cesser la situation de discrimination collective alléguée ou à compter de la notification par l’employeur du rejet de la demande.
« Art. L. 1134-10. – Lorsque l’action tend à la réparation des préjudices subis, elle s’exerce dans le cadre de la procédure individuelle de réparation définie au chapitre Ier du titre V de la loi n° … du … de modernisation de la justice du XXIe siècle.
« Le tribunal de grande instance connaît des demandes en réparation des préjudices subis du fait de la discrimination auxquelles l’employeur n’a pas fait droit. »
II. – (Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 85, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Une association régulièrement déclarée depuis au moins trois ans intervenant dans la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap peut agir aux mêmes fins, pour la défense des intérêts de plusieurs candidats à un emploi ou à un stage en entreprise.
II. – Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 1134-8. – L’action peut tendre à la cessation du manquement et, le cas échéant, en cas de manquement, à la réparation des préjudices subis.
III. – Alinéa 14
Rétablir le II dans la rédaction suivante :
II. – Après la première occurrence des mots : « en raison de », la fin de l’article L. 1132-1 du code du travail est ainsi rédigée : « l’un des motifs énoncés à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 précitée. »
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Comme cela est précisé dans l’objet de notre amendement, il s’agit de revenir à l’équilibre, encore perfectible, trouvé à l’Assemblée nationale et de faciliter l’action des associations contre les discriminations au travail.
Il s’agit bien d’un équilibre, car le monopole des syndicats est préservé pour les relations de travail établies, les associations agissant seulement pour les candidats à un stage ou à un emploi, ce qui nous semble cohérent.
De plus, nous proposons de rétablir la réparation du préjudice, donc de reconnaître la vocation indemnitaire de l’action de groupe.
À la différence de M. le rapporteur, nous ne trouvons pas la rédaction initiale de l’article 45 incohérente ou insatisfaisante, même si elle est perfectible. La discrimination au travail est une réalité que nous ne pouvons pas nier. Elle est insupportable dans son principe même, et a des conséquences sur la vie des salariés et des entreprises.
Le rapport de France Stratégie qui a été remis au mois de septembre à Mme la ministre du travail est très clair. Il y est fait mention de « gâchis des talents », de « pertes économiques »…
Les discriminations sur le marché du travail ont un effet économique réel. Les réduire permettrait un gain de croissance et de revenus d’environ 3,6 % du niveau total du PIB, soit 80 milliards d’euros par an.
Il est ainsi précisé que les bénéfices économiques et les bénéfices sociaux se rejoignent : « Le respect des droits, le principe d’égalité, la diminution de la souffrance sociale se conjuguent avec des impacts économiques positifs. »
Nous ne comprenons donc pas la volonté de restreindre le champ de l’action. C'est la raison pour laquelle nous proposons le rétablissement de l’article 45 dans sa rédaction initiale.
Mme la présidente. L'amendement n° 24, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Une association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans intervenant dans la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap peut agir aux mêmes fins, pour la défense des intérêts de plusieurs candidats à un emploi ou à un stage en entreprise.
II. – Alinéa 8
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 1134-8. – L’action peut tendre à la cessation du manquement et, le cas échéant, en cas de manquement, à la réparation des préjudices subis.
« Sauf en ce qui concerne les candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation, sont seuls indemnisables dans le cadre de l’action de groupe les préjudices nés après la réception de la demande mentionnée à l’article L. 1134-9.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cet amendement traduit deux ambitions.
Premièrement, nous voulons rétablir la possibilité pour les associations déclarées depuis au moins cinq ans pour la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap d’agir en faveur de plusieurs candidats à un emploi ou à un stage en entreprise.
Deuxièmement, nous souhaitons que l’action de groupe en matière de discrimination dans les relations relevant du code du travail puisse également avoir pour objet la réparation des préjudices subis, comme cela figurait dans le texte initial. Afin que l’action de groupe constitue d’abord un levier de changement, il est prévu que, sauf en matière de discriminations à l’embauche, à un stage ou à une formation, soient seuls indemnisables dans le cadre de l’action de groupe les préjudices nés après la réception de la demande adressée à l’employeur.
Mme la présidente. L'amendement n° 60, présenté par MM. Bigot, Richard, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Une association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans intervenant dans la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap peut agir aux mêmes fins, pour la défense des intérêts de plusieurs candidats à un emploi ou à un stage en entreprise.
L'amendement n° 62, présenté par MM. Bigot, Richard, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 1134-8. – L’action peut tendre à la cessation du manquement et, le cas échéant, en cas de manquement, à la réparation des préjudices subis.
La parole est à M. Jacques Bigot, pour présenter ces deux amendements.
M. Jacques Bigot. Par ces deux amendements, nous reprenons ce que le Gouvernement propose en un seul. Aussi, dans un souci de simplification de nos débats, nous les retirons.
Mme la présidente. Les amendements nos 60 et 62 sont retirés.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Il est proposé, d’une part, d’attribuer aux associations, et non aux seuls syndicats, la possibilité d’exercer l’action de groupe en cas de discrimination dans l’entreprise et, d’autre part, de rétablir la vocation indemnitaire résiduelle de cette action de groupe. Ces amendements, qui tendent peu ou prou à rétablir le texte de l’Assemblée nationale, sont contraires à la position de la commission.
Cela a du sens de réserver l’action de groupe aux syndicats, car celle-ci comporte une phase très utile de négociation dans l’entreprise, en amont de toute saisine du juge. L’objet est d’abord de faire cesser le manquement par la discussion, faute de quoi le juge serait saisi. À l’inverse, ouvrir l’action aux associations, qui sont par définition extérieures à l’entreprise et ne participent pas, par construction, aux négociations, peut avoir un effet déstabilisateur.
Le volet indemnitaire résiduel, dont l’esprit ne correspond pas à la dimension négociée de la procédure, n’a guère de sens tel qu’il est conçu, ainsi que cela a été indiqué en première lecture. En effet, ne serait indemnisable par le biais de l’action de groupe devant le tribunal de grande instance, ou TGI, que le préjudice postérieur à la demande d’ouverture de la négociation, soit une part très limitée du préjudice. Le salarié souhaitant une indemnité complète devrait de toute manière s’adresser au conseil des prud’hommes.
Dans ces conditions, je pense que le plus simple est de dissocier complètement la cessation de la discrimination, avec une phase négociée et, éventuellement, une saisine du TGI, du volet indemnitaire, qui relèverait individuellement du conseil des prud’hommes.
De ce point de vue, l’amendement n° 62 était plus cohérent, puisqu’il avait pour objet une réparation de l’intégralité du préjudice dans le cadre de l’action de groupe.
Mais la finalité première de l’action est la cessation du manquement grâce à la négociation dans l’entreprise avec les organisations syndicales. Réparer l’intégralité du préjudice, a fortiori si l’action peut être exercée de l’extérieur de l’entreprise par une association, risque – c’est notre crainte – de dénaturer le dispositif.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 85 ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement, qui est attaché à l’idée des cinq années d’ancienneté, émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 103, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 9 à 11
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à supprimer la saisine de l’employeur avant toute action de groupe.
À la demande du comité d’entreprise, des délégués du personnel ou d’une organisation syndicale représentative, l’employeur devrait engager une discussion sur les mesures permettant de faire cesser la situation de discrimination collective alléguée.
Une telle complexification de l’action de groupe paraît inutile.
Mme la présidente. L'amendement n° 124, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
A. – Alinéa 9
Remplacer les mots :
les personnes mentionnées au même article L. 1134–7 demandent
par les mots :
l’organisation mentionnée au même article L. 1134–7 demande
B. – Alinéas 12 et 13
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente. L'amendement n° 61, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Remplacer le mot :
six
par le mot :
quatre
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Nous ne partageons pas l’opinion que Mme Benbassa a exprimée en présentant son amendement.
Il nous semble positif qu’une notification soit adressée à l’employeur avant l’engagement de l’action. Cela peut permettre de faire cesser la discrimination en amont et d’éviter un contentieux. C’est cohérent avec l’esprit de médiation présent dans ce texte.
En revanche, comme nous l’avions déjà indiqué en première lecture, six mois, cela nous paraît trop long. Un délai plus court suffirait pour l’employeur.
Certes, l’Assemblée nationale a suivi le Sénat et maintenu le délai de six mois. Mais nous continuons de penser que c’est trop long, même si j’ai bien entendu l’avis défavorable de M. le rapporteur sur mon amendement lors du débat en commission.
Nous proposons donc un délai de quatre mois, sachant qu’un délai moindre suffirait déjà objectivement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 103 et 61 ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. L’amendement n° 103 vise à supprimer ce qui, nous semble-t-il, fait tout l’intérêt de l’action de groupe en matière de discrimination au travail, c’est-à-dire la phase préliminaire de négociation entre l’employeur et les organisations syndicales pour faire cesser la discrimination alléguée. L’objectif premier est évidemment de faire cesser la discrimination, pas de saisir la justice. La possibilité de saisir la justice incite à mener à bonne fin la négociation, dans l’intérêt de tous. En tout cas, c’est notre sentiment.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 61 a pour objet de réduire la durée de la phase négociée de l’action de groupe en matière de discrimination au travail.
Le délai de négociation entre l’employeur et les organisations syndicales prévu dans le texte, c'est-à-dire six mois, ne nous semble pas excessif dès lors qu’il s’agit d’examiner des faits potentiels de discrimination pouvant résulter de facteurs historiques ou systémiques non intentionnels de la part de l’employeur.
De surcroît, les deux assemblées ont approuvé ce délai de six mois à toutes les étapes de l’examen du texte. Je ne suis donc pas certain qu’il soit opportun de réduire en nouvelle lecture un délai déjà approuvé par les deux assemblées en première lecture.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l’avis défavorable de la commission sur l’amendement n° 103. Nous considérons que la condition de mise en demeure est inhérente à l’équilibre du dispositif ; elle sert justement à susciter une discussion au sein de l’entreprise.
Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement de coordination n° 124, qui a été déposé par la commission.
Enfin, le délai de six mois paraît nécessaire pour que s’instaure une discussion utile dans l’entreprise, afin de parvenir à résoudre la situation de discrimination dont l’employeur aura été saisi, selon le cas, par un syndicat ou une association requérante. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 61.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 45, modifié.
(L'article 45 est adopté.)
Section 3
Action de groupe en matière de discrimination imputable à un employeur et portée devant la juridiction administrative
Article 45 bis
Le titre VII du livre VII du code de justice administrative est complété par un chapitre XI ainsi rédigé :
« CHAPITRE XI
« Action de groupe relative à une discrimination imputable à un employeur
« Art. L. 77-11-1. – Sous réserve du présent chapitre, le chapitre X du présent titre s’applique à l’action de groupe prévue au présent chapitre.
« Art. L. 77-11-2. – Une organisation syndicale de fonctionnaires représentative au sens du III de l’article 8 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ou un syndicat représentatif de magistrats de l’ordre judiciaire peut agir devant le juge administratif afin d’établir que plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation ou plusieurs agents publics font l’objet d’une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur un même motif et imputable à un même employeur.
« Art. L. 77–11–3. – L’action ne peut tendre qu’à la cessation du manquement.
« Art. L. 77-11-3-1. – L’action de groupe engagée en faveur de plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation ou en faveur de plusieurs agents publics peut être introduite à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la réception par l’autorité compétente d’une demande tendant à faire cesser la situation de discrimination ou à compter de la notification par l’employeur du rejet de la demande. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment les modalités de transmission des réclamations préalables ainsi que les modalités de consultation des organisations syndicales disposant d’au moins un siège dans l’organisme consultatif compétent au niveau auquel la mesure tendant à faire cesser cette situation peut être prise.
« Art. L. 77-11-4. – L’action de groupe suspend, dès la réception par l’autorité compétente de la demande à l’employeur en cause prévue au présent article, la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant du manquement dont la cessation est demandée.
« Art. L. 77-11-5. – Lorsque l’action tend à la réparation des préjudices subis, elle s’exerce dans le cadre de la procédure individuelle de réparation définie aux articles L. 77-10-9 à L. 77-10-11. »