Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 439 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 187 |
Contre | 154 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels est rejeté.
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Dépôt de rapports
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur les recompositions de l’offre hospitalière 2014 et le rapport sur les créances fiscales et les procédures de surendettement.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Ils ont respectivement été transmis à la commission des affaires sociales et à la commission des finances.
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Modalités d'inscription sur les listes électorales
Adoption définitive des conclusions de trois commissions mixtes paritaires
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions des commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer des textes sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales (texte de la commission n° 780, rapport n° 779), de la proposition de loi organique rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des ressortissants d’un État membre de l’Union européenne autre que la France pour les élections municipales (texte de la commission n° 781, rapport n° 779) et de la proposition de loi organique rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France (texte de la commission n° 782, rapport n° 779).
La conférence des présidents a décidé que ces trois textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous le savez, les commissions mixtes paritaires réunies pour harmoniser les positions de l’Assemblée nationale et du Sénat sur les propositions de loi de nos collègues Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann, lesquelles tendaient à profondément réviser les modalités d’inscription sur les listes électorales, se sont conclues par un accord, dont je dirais que c’est un bon accord.
Premièrement, il confirme les principes essentiels et la philosophie générale de la réforme, principes et philosophie que nous avions d’ailleurs fait nôtres dès la première lecture. Deuxièmement, il retient les deux principales améliorations du dispositif de mise en œuvre de la réforme que nous avions proposées. Troisièmement, il introduit une disposition qui répond à une attente et devrait faciliter la mise en œuvre du dispositif.
Premier point donc : les modifications essentielles de la procédure actuelle de révision des listes électorales.
Il s’agit de la création d’un répertoire électoral unique, tenu par l’INSEE, dont les listes électorales communales et consulaires ne seront qu’une extraction ; de l’inscription sur les listes électorales et de la radiation par le maire en continu toute l’année, jusqu’à un peu plus de trente jours avant le scrutin le plus proche – j’y reviendrai sur cette innovation apportée par la commission mixte paritaire – ; de la suppression de la possibilité de double inscription pour les Français établis hors de France.
Deuxième point : les améliorations du dispositif proposées par le Sénat.
Sa principale proposition était le report d’un an de la date de mise en œuvre possible de la réforme – « mise en œuvre possible », je le répète, et non « mise en œuvre ». Le 31 décembre 2019, en effet, est une date limite qu’un décret en Conseil d’État pourra avancer si l’harmonisation de la liste de l’INSEE et des listes communales, l’équipement informatique permettant une transmission numérique des données entre les communes et l’INSEE, ainsi que la formation des personnels sont achevés avant cette date. On me permettra de continuer d’en douter, mais, ma foi, n’insultons pas l’avenir…
La seconde proposition du Sénat constituait une profonde modification de la composition et du rôle des commissions communales de contrôle prévues par la proposition de loi initiale. À quelques détails près, qui ne touchent pas au fond, elle a été adoptée. J’en rappelle brièvement les principaux éléments.
D’abord, la commission statue sur les recours des électeurs contre les décisions du maire, s’assure de la régularité de la liste électorale et, éventuellement, la réforme. Tout recours contentieux devant les juridictions doit être précédé de ce recours devant la commission.
Ensuite, le maire, à sa demande ou à l’invitation de la commission, est entendu par celle-ci.
Enfin, les représentants de la liste municipale majoritaire restent majoritaires au sein de la commission de contrôle, à la différence de ce qui était initialement prévu par les auteurs de la proposition de loi dans certains cas un peu particuliers.
Ces dispositions garantissent une transparence totale des opérations d’inscription et de radiation sur les listes électorales tout en interdisant toute instrumentalisation politicienne par l’une des listes représentées au conseil municipal.
J’ajoute qu’en tout état de cause les intéressés et les électeurs disposeront, comme aujourd’hui, d’un droit de recours contentieux devant les juridictions, même si le recours préalable devant la commission, éliminant les erreurs involontaires et les mauvaises interprétations du code électoral, devrait, me semble-t-il, en limiter grandement le nombre.
Surtout, se trouve ainsi écarté le risque pour le maire de voir sa responsabilité engagée à tort pour une erreur involontaire, voire pour une erreur d’interprétation du code électoral.
La disposition prévoyant que « le fait de procéder ou de faire procéder indûment, de manière frauduleuse, à des inscriptions, à des radiations ou au maintien d’électeurs sur la liste électorale est puni des mêmes peines » que celles qui sont déjà prévues à l’article L. 113 du code électoral n’est donc en rien une menace supplémentaire planant sur les maires, si ce n’est, évidemment, sur ceux qui auraient la commission de contrôle pour complice dans une opération qui serait alors volontairement frauduleuse.
Troisième et dernier point : hors procédure au titre de l’article L. 30 du code électoral, afin de garantir à chaque électeur, quel que soit le jour de sa demande d’inscription, l’ensemble de ses droits de recours administratifs ou contentieux, la date limite d’inscription, initialement fixée à un mois avant celle du scrutin – sujet dont nous avions longuement débattu –, a été portée au « sixième vendredi précédant le scrutin ».
Cette innovation de la commission mixte paritaire, qui, d’une part, répond aux attentes des responsables municipaux qu’inquiète la perspective d’un afflux de demandes au dernier moment, en tout cas tant que l’inscription au fil de l’année ne sera pas rentrée dans les habitudes, d’autre part, n’a pas pour effet d’allonger inconsidérément la période de non-inscription avant le scrutin, est une très bonne chose.
Mes chers collègues, j’espère en tout cas vous en avoir convaincus et je vous invite à voter cette ultime mouture de la proposition de loi et des propositions de loi organique rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous arrivons au terme du processus législatif concernant ces trois textes qui portent une réforme ambitieuse et moderne de l’élaboration et de la mise à jour des listes électorales, et donc de l’accès au suffrage.
À l’origine de ces réformes, je veux souligner, d’une part, l’engagement du Président de la République en faveur d’une facilitation de l’accès au scrutin, via notamment la possibilité donnée à nos concitoyens de s’inscrire jusqu’à un mois avant la date d’un scrutin, et, d’autre part, le rapport des députés Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann, remis en décembre 2014, qui a constitué une préfiguration des dispositions législatives contenues dans ces trois textes.
Ce rapport évaluait à 3 millions le nombre d’électeurs non inscrits et à 6,5 millions le nombre d’électeurs mal inscrits. Ces chiffres considérables résument bien la nécessité de moderniser notre système de gestion des listes électorales.
Je sais que les travaux ont été intenses au sein des commissions mixtes paritaires pour aboutir à un accord. Cet accord, que je salue, répond au souhait exprimé par le Sénat au cours de ses débats en prenant en compte les implications de la réforme pour les maires, notamment ceux des petites communes – ils seront plus encore qu’auparavant placés au cœur du processus de mise à jour de ces listes –, tout en bénéficiant pleinement à nos concitoyens, dont les démarches seront facilitées.
Je veux, à ce titre, tout particulièrement remercier les rapporteurs des commissions mixtes paritaires, M. Pierre-Yves Collombat et ses collègues de l’Assemblée nationale, Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann. Ils ont conduit de nombreuses auditions et mené un travail considérable qui a permis, malgré les différences entre les textes votés dans chacune des assemblées, la conclusion d’un accord.
Le ministre de l’intérieur souhaitait également remercier le président de votre commission des lois, Philippe Bas, pour sa contribution à la mise au point de ce texte.
Les trois propositions de loi comportent des mesures de portées diverses.
La plus emblématique d’entre elles est celle qui permet à nos concitoyens de s’inscrire sur une liste électorale jusqu’au sixième vendredi précédant un scrutin, soit trente jours ouvrés auparavant – vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur. Ce rapprochement entre la date limite d’inscription et le jour du scrutin permettra de mieux faire coïncider le cycle de mobilisation électorale et le calendrier des démarches administratives nécessaires pour accéder au scrutin.
Deux autres dispositions me semblent importantes : l’inscription d’office des personnes venant d’acquérir la nationalité française et celle des jeunes atteignant la majorité entre les deux tours d’un scrutin. Il s’agissait de situations de frustration pour nos concitoyens empêchés de voter. L’accès à la nationalité doit s’accompagner d’un plein accès à la citoyenneté. De la même façon, il n’existait aucune raison de priver des jeunes majeurs du droit de participer à une élection.
L’objectif essentiel de ce texte est donc d’assouplir l’accès au scrutin pour favoriser l’expression démocratique, et donc de lutter contre l’abstention.
Cependant, cette réforme exige parallèlement de revoir en profondeur le processus d’élaboration et de mise à jour des listes électorales. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez largement évoqué au cours de vos débats les contraintes de temps inhérentes au processus d’inscription. Or les nouvelles technologies nous donnent la possibilité de mettre en œuvre un certain nombre d’innovations qui permettront de concilier les priorités. Je pense avant tout à la dématérialisation complète des échanges d’informations entre les communes et l’INSEE. Cette dématérialisation rend possibles les inscriptions jusqu’à un mois d’un scrutin, ce que n’auraient pas permis les simples flux de courrier.
La dématérialisation et la création du répertoire électoral unique permettront également de traiter le problème des doubles inscriptions, un des autres dysfonctionnements majeurs mis en évidence par le rapport des députés Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann. Le système informatique qui sera construit pour agréger les listes électorales permettra également de recouper les listes communales entre elles et, par conséquent, de simplifier des vérifications aujourd’hui complexes pour les communes.
Le maire sera plus que jamais au centre du dispositif puisqu’il prendra directement la décision d’inscription. Il disposera de cinq jours à compter de la demande d’inscription pour rendre sa décision et de deux jours pour la notifier à l’électeur.
Le texte prévoit, sur l’initiative du Sénat – je tenais à le rappeler, monsieur le rapporteur –, que l’électeur devra saisir la commission de contrôle d’un recours administratif préalable dans un délai de cinq jours avant d’engager un recours contentieux contre une inscription ou un refus d’inscription. La commission disposera de deux jours pour notifier sa décision. En cas d’absence de décision sous trente jours ou de publication de la liste électorale, le recours administratif préalable fait l’objet d’une décision implicite de rejet.
La commission de contrôle instituée dans chaque commune aura donc pour mission de statuer sur les recours administratifs préalables formés contre les décisions du maire. Elle devra également s’assurer de la régularité des listes. Elle disposera pour cela de pouvoirs d’autosaisine et de réformation des décisions du maire.
À compter de la publication de la liste ou de la décision de la commission, l’électeur disposera de sept jours pour saisir le tribunal d’instance, qui se prononcera sous huit jours.
Les propositions de loi traitent d’un autre sujet important, qui a été à la source de nombreuses difficultés lors de précédents scrutins, notamment lors des scrutins présidentiels : la double inscription pour les Français établis hors de France, qui peuvent être inscrits à la fois sur une liste électorale consulaire et sur une liste électorale communale.
Dans un souci de simplification et de clarté, qui ne peut être que bénéfique à la sincérité d’un scrutin, la réforme met fin à une telle possibilité. Chaque électeur devra choisir s’il veut être inscrit sur une liste consulaire ou sur une liste communale. Toutefois, je voudrais rassurer les électeurs inscrits hors de France : ce volet de la réforme ne sera mis en œuvre qu’après les échéances électorales, afin de ne pas modifier le corps électoral à un an des prochaines échéances législatives.
De la même manière, les électeurs inscrits hors de France doivent savoir que le système n’est pas irrévocable. Chaque Français pourra à tout moment choisir de modifier sa situation électorale en fonction de sa situation personnelle, et à condition de faire les démarches d’inscription nécessaires sur la liste électorale dans les trente jours précédant le scrutin.
Nous répondons ainsi à la double injonction du Conseil constitutionnel et facilitons les démarches de nos concitoyens, qui étaient parfois pénalisés par des démarches administratives contre-intuitives.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces propositions de loi servent un objectif démocratique d’importance. Je voulais à ce stade remercier une nouvelle fois M. le rapporteur, Pierre-Yves Collombat. Le travail très important qu’il a effectué en commission, lors des précédentes lectures et au cours de la commission mixte paritaire, a permis d’aboutir positivement.
Durant les débats, il avait fait part de sa préoccupation quant à la mise en œuvre du dispositif. Je tiens à lui indiquer que le travail a déjà débuté, puisque l’INSEE a mis en place une équipe dédiée. Sous la direction du ministère de l’intérieur, les neuf ministères intéressés sont réunis à fréquence mensuelle depuis le mois de février dernier. Le comité de suivi, qui associe également des représentants des communes au travers de l’Association des maires de France, l’AMF, s’est réuni depuis le 10 mai. Plusieurs réunions techniques avec des représentants des communes se sont tenues. Elles ont d’ores et déjà permis d’avancer dans la description et la construction du futur système d’information.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous appelle donc à approuver le texte issu de la commission mixte paritaire. Je vous remercie par avance de votre soutien et de la force que vous donnerez ainsi à cette réforme importante pour le fonctionnement de notre démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Sénat a ouvert sa séance en rendant hommage aux victimes de l’attentat qui a frappé Nice le 14 juillet dernier. Permettez-moi de m’associer à cet hommage, en mon nom et en celui du groupe écologiste, dont toutes les pensées vont vers les victimes, leurs familles et leurs proches. Je pense évidemment aux victimes de Nice, mais aussi à celles de Bagdad et d’ailleurs.
Moins d’un mois après la première lecture, nous examinons aujourd'hui trois propositions de loi relatives aux modalités d’inscription sur les listes électorales déposées par nos collègues députés Élisabeth Pochon, du PS, et Jean-Luc Warsmann, de LR, dans leur rédaction issue de la commission mixte paritaire.
Comme je l’ai souligné voilà quelques semaines, l’enjeu est majeur : lutter contre l’abstention et encourager nos concitoyens à reprendre le chemin des urnes. Le groupe écologiste se réjouit donc que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord, dans un esprit constructif, afin d’agir concrètement et à court terme sur les causes de la mal-inscription ou de la non-inscription.
Rappelons ici les chiffres édifiants dont faisait état le rapport élaboré en 2014 par les auteurs des propositions de loi, Mieux établir les listes électorales pour revitaliser la démocratie. Près de 9,5 millions d’électeurs sont mal inscrits ou non inscrits sur les listes électorales ! Cela revient, si l’on considère que tout Français majeur non privé du droit de vote, soit environ 45 millions de personnes, est électeur, à priver le corps électoral de notre pays de plus de 20 % de ses membres !
Le groupe écologiste a soutenu ces textes en première lecture ; il les soutiendra encore aujourd'hui. Les modalités d’inscription sur les listes électorales devraient être rénovées et modernisées. La possibilité pour tout électeur de s’inscrire au plus tard le sixième vendredi précédant un scrutin, l’abandon de la révision annuelle des listes électorales, l’extension des inscriptions d’office aux citoyens naturalisés et l’ensemble des dispositions qui nous sont soumises aujourd’hui y participeront sans aucun doute.
Le sort réservé à ces textes est acquis, ce dont nous nous réjouissons. En première lecture, j’ai eu l’occasion de rappeler l’urgence d’une réflexion sur les causes politiques de l’abstention et sur l’absolue nécessité de la refondation profonde de nos institutions. Dans ces conditions, mes chers collègues, permettez-moi une petite digression pour vous parler, ou plutôt vous reparler, du droit de vote des étrangers aux élections locales.
Beaucoup a été dit sur le sujet. Tout a été promis. Aujourd’hui, le constat est décevant. Peu d’énergie a été mobilisée pour mener à bien cette réforme majeure, qui, j’en ai la conviction, aurait été de nature à « revitaliser la démocratie », pour reprendre les termes de nos collègues Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann. Accorder le statut d’électeur à ces milliers de femmes et d’hommes qui vivent en France, y travaillent et y paient leurs impôts aurait sans nul doute donné un souffle nouveau à notre démocratie vieillissante, voire vacillante.
Bien entendu, je n’ai pas la naïveté de penser que cette réforme verra bientôt le jour. L’exécutif y a renoncé voilà bien longtemps maintenant. Quand il s’agit de réviser la Constitution, c’est la déchéance de nationalité qui est préférée !
Je ne perds pas de vue l’aspect tout à fait positif des mesures qui seront votées aujourd’hui, mais je voudrais dire ma conviction, en ces temps graves et particulièrement difficiles, que le droit de vote pour les résidents étrangers est un outil d’intégration à la République dont on ne saurait se passer encore trop longtemps ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Sénat est à l’écoute des élus et des électeurs : telle pourrait être la conclusion de nos travaux de cette session parlementaire.
Je voudrais remercier M. le rapporteur d’avoir, avec son homologue de l’Assemblée nationale et notre concours lors de la réunion de la commission mixte paritaire, trouvé les moyens de rassurer les élus et les Français qui répondront à leur devoir civique. Comme il l’a rappelé, ce texte, qui n’est pas une révolution copernicienne en soi, permet d’introduire plus de lisibilité dans les démarches d’inscription sur les listes électorales en instituant un répertoire électoral unique et permanent tenu par l’INSEE, permettant ainsi d’accroître leur fiabilité.
Plusieurs points de divergences, que je qualifierais de « rédactionnels », subsistaient entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Le groupe auquel j’appartiens se satisfait de l’accord trouvé, qui reprend en grande partie les bases voulues par le Sénat.
Nous convenons que le délai inscription sera ouvert jusqu’au sixième vendredi avant le premier tour du scrutin, soit à peu près trente-six jours avant ce dernier, afin de donner de la flexibilité aux communes et de laisser au juge la possibilité de se prononcer en cas de recours.
La composition de la commission de contrôle est une réelle innovation de ce texte : la majorité politique de la commune sera majoritaire dans la composition de la commission, comme l’avait prévu le Sénat. D’une part, c’est démocratiquement indispensable. D’autre part, cela respecte le choix des électeurs, afin d’éviter tout débordement en période électorale.
Les délégués du tribunal de grande instance seront exclus dans les communes de plus de 1 000 habitants lorsqu’il y aura plus de deux listes présentées, car l’opposition sera de fait ainsi représentée, permettant de garantir l’équilibre démocratique. De plus, il nous semblait essentiel que le maire puisse présenter ses observations à la commission, ce qui sera chose possible.
Nous nous réjouissons que le recours administratif devant la commission de contrôle, prévu par le Sénat, reste possible, dans un délai de sept jours, afin d’éviter au maximum le recours au tribunal d’instance, donc une excessive juridictionnalisation. À propos des sanctions auxquelles le maire pourra être soumis, le texte ne retient que les cas de fraude manifeste sur des inscriptions ou des radiations répétées avec une intention délictueuse, conservant ainsi le principe du droit existant.
Enfin, il était nécessaire de prévoir un délai de mise en œuvre plus souple que dans sa rédaction initiale ; l’échéance du 31 décembre 2019 nous semble tout à fait raisonnable.
Mes chers collègues, ces textes sont de nature à rassurer l’ensemble des élus responsables de la tenue des listes électorales. C’est pourquoi le groupe Les Républicains les votera.
Permettez-moi cependant de revenir une nouvelle fois sur le fait que la commission mixte paritaire a transposé l’ensemble de ces principes aux Français de l’étranger et ainsi confirmé la suppression de la possible double inscription des Français établis hors de France.
Madame la secrétaire d’État, vous venez de souligner que le dispositif entrerait en vigueur en 2019, afin de ne pas perturber les élections à venir. Toutefois, vous le savez, dans notre pays, il y a toujours une élection. Ce sont donc les élections suivantes qui seront perturbées. En 2020, il y aura les élections consulaires à l’étranger.
Comme je l’ai indiqué le 28 juin dernier lors de la discussion générale – vous pouvez retrouver mes propos dans le compte rendu intégral de cette séance –, je ne suis pas convaincu qu’une telle décision soit la bonne.
Encore une fois, les Français de l’étranger n’ont pas de collectivité territoriale de rattachement. S’ils votent à l’étranger pour les scrutins nationaux et les élections consulaires et en France pour les scrutins locaux, c’est en raison, au-delà de l’aspect affectif, de la nécessité d’avoir une commune de rattachement.
Avec une telle décision – ce qui va sans dire va toujours mieux en le disant –, rien n’interdira à une personne présente sur une liste électorale à l’étranger de s’inscrire sur les listes de sa dernière commune de résidence en France au moins trente jours avant le scrutin, en étant automatiquement désinscrite des listes de l’ambassade, de voter dans la commune pour les élections municipales, puis de se réinscrire à l’ambassade une fois ces élections passées ! Compliqué, n’est-ce pas ? Pas tant que cela.
Il y a un autre problème. Quid des 442 élus consulaires, qui tomberaient sous le coup des articles 16 et 17 de la loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France et qui risqueraient de perdre leur mandat s’ils se livraient à ce que j’avais à l’époque qualifié de « tourisme électoral » ? Mes chers collègues, je vous laisse y réfléchir.
La double inscription donne lieu à très peu de dysfonctionnements et de contentieux ; cela avait été le prétexte pour la supprimer… À mon avis, il y a probablement surtout eu un manque de volonté d’organiser un système satisfaisant pour tout le monde. On passe ainsi de la double inscription à une sorte de tourisme électoral. Je ne sais pas ce qui est le mieux pour l’électeur et pour la confiance qu’il place dans le système électoral.
Malgré ce bémol ou, du moins, cette invitation au voyage électoral, je le répète, le groupe Les Républicains votera en faveur de ces textes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au nom de l’UDI-UC, je me réjouis que les trois textes d’initiative parlementaire dont nous sommes saisis soient sur le point d’être adoptés. Cela montre le sérieux du travail qui a été mené, sous la conduite, s’agissant du Sénat, de notre collègue Pierre-Yves Collombat, un expert en la matière.
Ces textes visent à améliorer la démocratie dans notre pays. Celle-ci en a bien besoin ! En effet, on constate une désaffection au fur et à mesure des scrutins. Bon nombre de nos concitoyens ne se rendent plus aux urnes, pour différentes raisons. Il importe donc de prendre un certain nombre de mesures permettant de restaurer une véritable démocratie dans notre pays et de redonner à nos concitoyens envie d’aller voter.
Il est vrai que les règles actuelles d’inscription sont particulièrement contraignantes. Aujourd'hui, nombre de nos concitoyens sont de plus en plus souvent amenés à déménager. La mobilité, qu’elle soit professionnelle ou familiale, est une réalité à prendre en compte. Nos concitoyens amenés à se déplacer doivent pouvoir voter dans les nouveaux territoires où ils habitent, ce qui n’est pas forcément le cas avec la règle de clôture des listes électorales au 31 décembre.
Le sérieux de ce travail parlementaire contraste avec ce qui avait été fait pour les dernières élections régionales, où un mode particulier d’inscription sur les listes électorales avait été institué. Je ne pense pas qu’une telle pratique soit le meilleur moyen de développer la démocratie dans notre pays. Nous avons besoin de règles claires et compréhensibles par tous pour chaque scrutin. À défaut, nous entérinerions le fait que des mesures différentes peuvent être adoptées selon les scrutins, ce qui serait particulièrement néfaste à l’exercice du droit de vote dans notre pays.
Notre groupe se réjouit qu’il soit désormais possible de s’inscrire sur une liste électorale jusqu’à trente jours avant le scrutin. Nous soutenons aussi l’extension des inscriptions d’office aux citoyens naturalisés.
La révision des listes par les maires tout au long de l’année nous paraît également une bonne chose. Il ne nous semble pas nécessaire d’avoir un système trop compliqué de commissions. Certes, le fait que les commissions puissent assurer un contrôle relève, selon nous, du bon sens. Mais il est indispensable d’avoir de la réactivité tout au long de l’année. C’est précisément ce que permet une telle mesure.
Enfin, nous saluons la suppression de la double inscription pour les Français établis hors de France.
Nous avons bien noté que le dispositif s’appliquerait à compter du 31 décembre 2019. Cela nous semble un peu en décalage avec ce qui serait nécessaire. Nos concitoyens attendent aujourd'hui que les décisions prises entrent rapidement en vigueur. Un délai trop long risque de susciter de l’incompréhension chez bon nombre de nos concitoyens. À nos yeux, l’administration doit pouvoir s’adapter en permanence, pour exécuter dans des délais raisonnables les prescriptions du législateur.
Au sein du groupe de l’UDI-UC, nous nous réjouissons que deux amendements de nos collègues Hervé Maurey et Lana Tetuanui aient pu être pris en compte. L’amendement de M. Maurey visait à aligner les règles d’éligibilité sur celles qui s’appliquent au droit de vote ; cela nous semble relever du bon sens. Quant à l’amendement de notre collègue polynésienne, il avait pour objet l’application des mesures dans son territoire particulièrement excentré, qu’elle défend avec ardeur. Nous serons extrêmement vigilants à cet égard.
Nous voterons en faveur de l’ensemble de ces textes. Nous souhaitons une mise en œuvre rapide des dispositions adoptées, afin que nos concitoyens retrouvent le chemin des urnes. Dans notre pays, la démocratie en a bien besoin ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.)