Sommaire
Présidence de Mme Isabelle Debré
Secrétaires :
M. Philippe Adnot, Mme Catherine Tasca.
2. Candidatures à deux organismes extraparlementaires
discrimination bancaire des ultramarins
Question n° 1442 de M. Maurice Antiste. – M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
situation financière des communes et des intercommunalités
Question n° 1444 de Mme Nathalie Goulet. – M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget ; Mme Nathalie Goulet.
couverture en téléphonie mobile en seine-maritime
Question n° 1403 de Mme Agnès Canayer. – M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget ; Mme Agnès Canayer.
réévaluation des pensions des veuves de guerre
Question n° 1423 de Mme Christiane Kammermann. – M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget ; Mme Christiane Kammermann.
renforcement de la lutte contre l’orpaillage illégal en guyane
Question n° 1429 de M. Jacques Cornano, en remplacement de M. Antoine Karam. – M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget ; M. Jacques Cornano.
diffusion des éditions locales de France 3 pays catalan sur les box et le satellite
Question n° 1470 de Mme Hermeline Malherbe. – M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget ; Mme Hermeline Malherbe.
transfert aux communes et intercommunalités de l'instruction des autorisations d'urbanisme
Question n° 1443 de Mme Françoise Gatel. – Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales ; Mme Françoise Gatel.
schémas départementaux de coopération intercommunale
Question n° 1430 de M. Maurice Vincent. – Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales ; M. Maurice Vincent.
accès des petits producteurs aux marchés des collectivités territoriales
Question n° 1426 de M. Yannick Botrel. – Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales ; M. Yannick Botrel.
pénurie de vaccins contre la tuberculose et de vaccins combinés contenant la coqueluche
Question n° 1383 de M. Dominique Bailly. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Dominique Bailly.
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
prise en charge par l'assurance maladie du matériel d'occasion d'aide à la personne
Question n° 1440 de Mme Nicole Bonnefoy. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; Mme Nicole Bonnefoy.
Question n° 1462 de Mme Isabelle Debré. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; Mme Isabelle Debré.
Question n° 1416 de Mme Chantal Deseyne. – Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; Mme Chantal Deseyne.
Suspension et reprise de la séance
soutien financier spécifique à l'élaboration des schémas de cohérence territoriale ruraux
Question n° 1473 de M. Bernard Delcros. – Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable ; M. Bernard Delcros.
avenir des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficult dans les bouches-du-rhône
Question n° 1459 de Mme Mireille Jouve. – Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable ; Mme Mireille Jouve.
situation des mineurs isolés étrangers et non scolarisés
Question n° 1466 de M. Yannick Vaugrenard. – Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable ; M. Yannick Vaugrenard.
fermeture d'une classe moins d'un an après son ouverture
Question n° 1431 de Mme Élisabeth Lamure. – Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable ; Mme Élisabeth Lamure.
évolution des chiffres du chômage en haute-saône
Question n° 1434 de M. Michel Raison. – Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage ; M. Michel Raison.
simplifier et accélérer les procédures d'asile
Question n° 1421 de M. Jean-Pierre Vial. – Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage ; M. Jean-Pierre Vial.
avenir des migrants accueillis dans les communes
Question n° 1433 de Mme Christine Prunaud. – Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage ; Mme Christine Prunaud.
répartition du produit des amendes de police
Question n° 1419 de M. Patrick Chaize. – M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification ; M. Patrick Chaize.
nuisances aériennes affectant le parc naturel régional du luberon
Question n° 1472 de M. Jean-Yves Roux. – M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification ; M. Jean-Yves Roux.
naturoptère de sérignan-du-comtat dans le vaucluse
Question n° 1389 de M. Alain Dufaut. – M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification ; M. Alain Dufaut.
4. Nomination de membres de deux organismes extraparlementaires
5. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
6. Hommage aux victimes d’un attentat à Nice
7. Travail, dialogue social et parcours professionnels. – Rejet en nouvelle lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur de la commission des affaires sociales
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur de la commission des affaires sociales
M. Michel Forissier, rapporteur de la commission des affaires sociales
Motion n° 19 de M. Dominique Watrin. – Mme Annie David
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
Motion n° 19 de M. Dominique Watrin (suite). – M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur ; Mme Myriam El Khomri, ministre. – Rejet.
Discussion générale (suite) :
Mme Myriam El Khomri, ministre
Clôture de la discussion générale.
Motion n° 1 de la commission. – M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales ; Mme Myriam El Khomri, ministre ; M. Pierre Laurent. – Adoption, par scrutin public, de la motion entraînant le rejet du projet de loi.
9. Modalités d’inscription sur les listes électorales. – Adoption définitive des conclusions de trois commissions mixtes paritaires
Discussion générale commune :
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires
Clôture de la discussion générale commune.
proposition de loi rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Amendement n° 1 du Gouvernement. – Réservé.
Adoption définitive de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire, modifié.
proposition de loi organique rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des ressortissants d’un état membre de l’union européenne autre que la france pour les élections municipales
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Adoption définitive, par scrutin public, de la proposition de loi organique dans le texte de la commission mixte paritaire.
proposition de loi organique rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des français établis hors de france
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Amendement n° 1 du Gouvernement. – Réservé.
Adoption définitive, par scrutin public, de la proposition de loi organique dans le texte de la commission mixte paritaire, modifié.
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Secrétaires :
M. Philippe Adnot,
Mme Catherine Tasca.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 13 juillet 2016 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Candidatures à deux organismes extraparlementaires
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur pour siéger au conseil d’administration du Fonds national des aides à la pierre et de deux sénateurs appelés à siéger au sein du conseil d’administration de l’Agence nationale de l’habitat.
La commission des affaires économiques a proposé des candidatures.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
3
Questions orales
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
discrimination bancaire des ultramarins
Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste, auteur de la question n° 1442, adressée à M. le ministre des finances et des comptes publics.
M. Maurice Antiste. Ma question porte sur les chèques dits « hors place » et leur refus quasi systématique par les commerçants et les prestataires de services, en plus de la plupart des bailleurs et propriétaires.
Dans le jargon bancaire, on distingue deux types de chèques : les « chèques sur place », émis à l’intérieur de la ville où le compte est domicilié, et les « chèques hors place », émis à l’extérieur de cette ville. Avec l’avènement des systèmes d’échange entièrement informatisés, ces notions ont évolué et il existe dorénavant un périmètre bancaire géographique métropolitain et un périmètre géographique hors métropole.
L’espace bancaire ultramarin, notamment celui de la Caraïbe, est ainsi considéré par le système bancaire métropolitain comme étranger, alors même qu’il relève, pour l’essentiel, des mêmes enseignes bancaires. Cela constitue à mon sens, outre une pratique inégalitaire, une atteinte illégitime au principe de la continuité territoriale des territoires ultramarins.
Cela pose de nombreux et sérieux problèmes aux milliers de nos concitoyens ultramarins – jeunes et moins jeunes, avec ou sans emploi, étudiants partis faire leurs études dans l’Hexagone – qui voient les bailleurs et propriétaires refuser presque systématiquement tous leurs garants à cause de la domiciliation de leurs comptes bancaires.
Cette « discrimination bancaire » fondée sur les coordonnées géographiques du relevé d’identité bancaire est un problème très important pour nous, ultramarins, parce qu’elle révèle une inégalité structurelle et contrevient au principe d’égalité si cher à notre République.
Au-delà du seul domaine du logement, cette discrimination bancaire s’applique au quotidien dans tous les actes de la vie courante des ultramarins. Ainsi, pour tout achat en ligne ou en magasin, notamment de meubles, ils se trouvent contraints de payer le montant total, sans pouvoir bénéficier du paiement en trois ou dix fois sans frais.
Nos concitoyens ultramarins, monsieur le secrétaire d’État, sont Français, souvent diplômés, ils travaillent souvent dans l’administration, paient leurs impôts ; pourtant ils sont lésés par une discrimination bancaire structurelle et omniprésente, qui leur porte grandement préjudice au quotidien !
C’est pourquoi je souhaiterais savoir, monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures concrètes le Gouvernement entend mettre en place très rapidement pour remédier à cette situation, contraire à l’égalité réelle vers laquelle la France s’est engagée, par la voix du président François Hollande, à tendre.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur Maurice Antiste, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Michel Sapin, qui participe ce matin au conseil des ministres et m’a chargé de vous répondre en son nom.
En premier lieu, s’agissant de l’espace bancaire ultramarin, je voudrais redire l’état du droit : la réglementation bancaire applicable dans les départements d’outre-mer est identique – sous la réserve de quelques spécificités concernant les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy – à celle qui s’applique aux établissements de crédit de métropole.
En particulier dans les départements d’outre-mer, le système bancaire ultramarin est composé d’établissements de crédit relevant, pour la plupart, de groupes dont la société mère a son siège social en métropole. Les places bancaires ultramarines appartiennent à la place bancaire nationale ; elles n’y sont pas étrangères.
Pour autant, votre question est légitime et vous avez décrit des difficultés connues dans la pratique, auxquelles le Gouvernement ne se résigne évidemment pas.
Le Défenseur des droits a pu intervenir, par le passé, à propos de plusieurs situations caractérisant un traitement discriminatoire fondé sur l’origine ultramarine des réclamants. Il a souligné que ces refus, constitutifs d’une atteinte au principe d’égalité de traitement, sont explicitement prohibés par l’article 22-1 de la loi modifiée n° 89-462 du 6 juillet 1989, qui dispose que « lorsqu’un cautionnement pour les sommes dont le locataire serait débiteur dans le cadre d’un contrat de location conclu en application du présent titre est exigé par le bailleur, celui-ci ne peut refuser la caution présentée au motif qu’elle ne possède pas la nationalité française ou qu’elle ne réside pas sur le territoire métropolitain ».
Dans l’hypothèse de pratiques susceptibles d’être discriminatoires, la possibilité est offerte à la personne qui s’estime lésée de saisir le Défenseur des droits ou même, le cas échéant, de recourir à la voie contentieuse.
En outre, comme vous le savez, le Gouvernement fait de la politique en faveur de l’inclusion sociale et de l’égalité entre tous les citoyens une priorité.
À cette fin, le projet de loi de programmation en faveur de l’égalité réelle outre-mer en préparation vise à apporter une réponse en matière de lutte contre les inégalités et les discriminations. Conformément à la communication en conseil des ministres du 18 mai 2016 sur la mise en œuvre de la politique en faveur de l’égalité réelle, ce projet de loi tendra notamment à renforcer la protection de ceux qui subissent la discrimination dans l’accès à l’emploi ou au logement, mais aussi dans la vie quotidienne.
Je ne doute pas que vous saurez, monsieur le sénateur, vous saisir de ce rendez-vous pour proposer des adaptations législatives si elles s’avéraient nécessaires. Le Gouvernement est prêt à y travailler et accueillera avec bienveillance d’éventuelles propositions d’amendement.
situation financière des communes et des intercommunalités
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la question n° 1444, adressée à M. le ministre des finances et des comptes publics.
Mme Nathalie Goulet. Le charivari territorial de ces dernières années, aggravé par la baisse des dotations, a rendu très difficile – c’est une litote ! – l’action des communes et intercommunalités.
La mise en place, dès le 1er janvier prochain, de nouvelles intercommunalités très vastes, à densité de population très faible, accroîtra les difficultés. Dans cette perspective, il serait bon que le Gouvernement adopte des dispositions transitoires.
Une première mesure de bon sens susceptible d’aider nos communes et nos intercommunalités pourrait être d’autoriser les anciennes et les nouvelles intercommunalités à tenir une comptabilité analytique permettant de retracer leurs comptes respectifs en vue de mieux préparer leurs modalités d’intégration. Le délai est court, en effet, et les disparités entre les différentes structures sont telles que l’harmonisation apparaît très difficile à mettre en œuvre.
Une deuxième mesure pourrait consister à ouvrir au maximum la liberté conventionnelle entre intercommunalités et communes afin de résoudre les problèmes que posent leurs fusions, en cessant de croire que la loi et le règlement peuvent tout régler. J’ai foi, pour ma part, en ce que l’on appelle dans cette assemblée l’intelligence territoriale, même si elle n’est pas toujours la chose la mieux partagée…
Une troisième mesure viserait à reconnaître les associations départementales de maires comme les interlocuteurs naturels des préfectures et des directions départementales des finances publiques pour traiter des ajustements administratifs et financiers.
J’oserai, en cette fin de session, formuler une autre proposition, quelque peu hérétique : autoriser, sous le contrôle du préfet, les communes et les intercommunalités à partager librement leurs ressources et leurs charges, afin de parvenir à de bonnes conditions de fusion.
Enfin, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite appeler votre attention sur une pratique, observée dans certains départements, qui pourrait être généralisée : le préfet pourrait distraire une petite partie de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, afin de financer le recours aux services d’experts-comptables pour assister les petites intercommunalités, qui manquent souvent de moyens humains et financiers, notamment dans les territoires ruraux, dans la conduite de ces fusions au pas de charge…
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la sénatrice Nathalie Goulet, les lois MAPTAM et NOTRe organisent la recomposition du paysage institutionnel local, pour davantage de lisibilité et d’efficacité.
Donner aux régions françaises une dimension européenne, affirmer la place des métropoles et promouvoir la construction d’intercommunalités et de communes plus fortes sont des objectifs partagés et visent à renforcer les collectivités.
Comme Jean-Michel Baylet et Estelle Grellier ont eu l’occasion de le dire avant moi, la phase d’application des différentes lois de réforme territoriale constitue un moment dynamique de création, mais peut aussi susciter des inquiétudes, voire des difficultés. Il convient de ne pas les sous-estimer, mais il ne faut pas non plus renoncer à réformer.
Le Gouvernement n’est pas favorable au report du calendrier de la nouvelle carte intercommunale au-delà du 1er janvier 2017, comme l’ont prévu les parlementaires, même si des souplesses sont toujours possibles.
Vous avez raison : le dialogue local entre l’État et les élus doit être au cœur de la future carte intercommunale.
Vous évoquez le recours à la comptabilité analytique des communes afin de préparer au mieux les réformes territoriales en cours. Je n’y vois pas d’objection de principe, dans la mesure où l’ensemble des collectivités peuvent d’ores et déjà utiliser cette possibilité si elles le souhaitent. Elles peuvent, à cette fin, réutiliser les informations retracées dans leur comptabilité publique. L’instruction budgétaire et comptable qui s’applique aux communes, la « M 14 », le mentionne d’ailleurs dans ses principes généraux.
Vous sollicitez également que toutes les facilités soient faites aux demandes de mutualisation entre les collectivités qui sont amenées à se rassembler dans les nouvelles intercommunalités.
La recherche de mutualisation est un bon principe de gestionnaire comme de responsable de politique publique en recherche d’efficacité. Pour autant, cette mutualisation ne peut se soustraire à quelques règles de bonne gestion et de sécurité juridique pour les acteurs locaux.
La loi permet dès à présent aux établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, de recourir à des conventions de service dans le cadre de compétences transférées, notamment en cas de transfert partiel. Les textes permettent aussi à ces EPCI et à leurs communes membres de constituer des services communs. La loi laisse une large place sur ce point à la liberté contractuelle.
Nos services sont à la disposition des collectivités pour les appuyer dans ces démarches. J’ai donné des instructions pour que toutes les simulations, les appuis, les conseils, les avis puissent être fournis par nos agents, lesquels sont aussi capables que les experts-comptables.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le secrétaire d’État, que je transmettrai à l’association des maires de l’Orne.
Mon intention n’était nullement de mettre en doute la qualité du personnel de votre administration, mais de relever une difficulté d’ordre quantitatif, en matière de ressources humaines, qui se pose notamment dans les départements ruraux.
Le problème financier que j’ai évoqué est essentiel dans les petites communes et les départements.
couverture en téléphonie mobile en seine-maritime
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 1403, adressée à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Mme Agnès Canayer. Ma question porte sur un sujet aujourd’hui d’importance majeure pour nos territoires : l’accès à l’internet et à la téléphonie mobiles et la résorption des zones blanches et grises.
La couverture numérique des territoires ruraux est un enjeu en termes de qualité de la vie, d’emploi, mais aussi d’attractivité des territoires.
À la fin de l’année 2015, puis au début du mois de février 2016, le Gouvernement a publié par arrêté la liste des communes situées en zones blanches qui seront prioritaires en matière d’équipement pour l’année 2016.
En Seine-Maritime, vingt et une communes sont dites « en zone blanche », c’est-à-dire qu’elles ne sont couvertes par aucun opérateur.
Le retard pris et l’absence de soutien financier et technique suffisant, dont notre collègue Hervé Maurey avait fait le constat dans son rapport, sont régulièrement soulignés par les élus locaux. Les maires des communes concernées, fortement sollicités par leurs administrés, se trouvent très démunis. Ils ont un sentiment d’abandon, en raison du manque d’information et de concertation. C’est le cas, par exemple, pour la commune d’Haudricourt, située dans le Pays de Bray, à l’est du département.
Les maires constatent, par ailleurs, que les financements de l’État ne viennent que très partiellement couvrir les frais engagés pour assurer l’accès à la téléphonie mobile. Ils déplorent également souvent que les tests pour la détection des zonages soient effectués sans qu’ils soient informés de la venue des opérateurs.
Devant cette situation, le département de Seine-Maritime a amorcé une politique de soutien innovante via un syndicat mixte, pour apporter un soutien technique et soutenir les communes volontaires.
En parallèle, le Sénat a souhaité favoriser la couverture de l’ensemble des territoires au travers d’abord de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », puis de la loi pour une République numérique, en rendant opposables les engagements des opérateurs. Cette disposition n’a toutefois pas été retenue par la commission mixte paritaire.
Dès lors, comment les opérateurs seront-ils incités à déployer leurs services dans les zones blanches ? Comment faire en sorte que tous les territoires soient connectés ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la sénatrice Agnès Canayer, Emmanuel Macron assistant, je pense, au conseil des ministres, il m’a chargé de vous transmettre sa réponse.
La couverture numérique est une nécessité pour faire de l’égalité des territoires une réalité. Le Gouvernement s’est engagé, au travers de trois comités interministériels aux ruralités et de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, à améliorer l’accès aux services de téléphonie mobile.
Notre priorité était de répondre à la situation des dernières communes dépourvues de tout accès à la téléphonie mobile. Nous avons lancé, sous l’égide des préfectures de région, deux campagnes de vérifications de terrain pour établir une liste des communes à couvrir. Le protocole utilisé pour ces mesures de terrain a été amélioré pour tenir compte de l’arrivée du quatrième opérateur et mieux intégrer les centres-bourgs de petite taille.
Plus d’un millier de centres-bourgs ont ainsi fait l’objet de mesures, lesquelles ont permis d’établir une liste de 268 communes qui pourront bénéficier, de la part de l’ensemble des opérateurs de réseaux mobiles, d’une couverture en internet mobile d’ici à la fin de l’année 2016 ou six mois après la mise à disposition d’un pylône par la collectivité territoriale. L’État prendra à sa charge l’investissement initial.
Les quatre opérateurs auront, par ailleurs, l’obligation d’équiper en haut débit mobile, d’ici à la mi-2017, 2 200 communes qui n’ont aujourd’hui accès qu’à un service minimal. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, pourra sanctionner tout manquement.
S’agissant plus particulièrement du département de Seine-Maritime, vingt-trois communes sans couverture bénéficieront ainsi d’un service de voix et de haut débit mobile proposé conjointement par les quatre opérateurs, d’ici à la fin de 2016. Sur l’ensemble du territoire, ce sont près de 2 500 communes qui vont voir leur service mobile s’améliorer d’ici à la mi-2017.
Nous avons cependant souhaité aller plus loin, afin de satisfaire les autres besoins des territoires ruraux.
Dans le prolongement du comité interministériel du 20 mai dernier, nous proposons ainsi d’engager, au niveau de chaque région, un recensement des défaillances de couverture constatées localement.
Une fois ce recensement fait, nous mettrons les opérateurs en situation de répondre à ces demandes par tous les moyens technologiques à leur disposition. Là où ils n’auront pas été en mesure d’y répondre, nous mobiliserons le guichet de couverture « à la demande » des collectivités locales, mis en place par la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Avec cette démarche résolument nouvelle, qui doit associer les collectivités locales, les opérateurs et l’État dans un dialogue à la fois local et national, nous pourrons répondre aux besoins légitimes d’accès au numérique exprimés par les territoires les plus ruraux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de ces éléments de réponse. Pouvoir accéder à la téléphonie mobile sur l’ensemble des territoires est une véritable nécessité pour nos concitoyens, qu’ils soient résidents, de passage ou créateurs d’entreprises et d’emplois.
Malgré les engagements pris, sans moyen de contraindre les opérateurs, force est de constater que certaines zones rurales resteront très mal desservies, parce qu’elles sont peu denses et considérées comme moins prioritaires que d’autres.
réévaluation des pensions des veuves de guerre
Mme la présidente. La parole est à Mme Christiane Kammermann, auteur de la question n° 1423, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire.
Mme Christiane Kammermann. Le droit à réparation prévu par l’article L.1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre indemnise les préjudices spécifiques subis par les ressortissants de trois catégories distinctes : les grands invalides de guerre, les conjoints survivants des morts au combat ou des blessés de guerre et, enfin, les anciens combattants.
Si l’échelle des pensions militaires d’invalidité des grands invalides de guerre a évolué depuis 1954, la pension versée aux veuves est restée quant à elle limitée à un forfait qui n’a pas bougé depuis 1928.
En juin 2013, le Gouvernement a déposé un rapport dont les chiffres ont été remis en cause en mars 2014 par le Contrôle général des armées, qui y a relevé une surestimation des effectifs de ces veuves.
Ainsi, la mesure d’élargissement d’attribution de l’allocation prévue par l’article L. 52-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre inscrite dans la loi de finances pour 2015 n’a profité qu’à trois veuves, alors que le Gouvernement avait prévu une centaine de bénéficiaires.
Une fois de plus, les veuves de grands invalides de guerre font les frais d’une carence d’évaluation et de conditions très restrictives imposées par les cabinets ministériels.
Depuis des décennies, elles subissent la double peine : la perte de leur époux et la privation d’une revalorisation légitime de leur pension, dépense pourtant prévue dans le budget de l’État.
Alors que des outils statistiques existent, cette injustice n’est plus acceptable et il est de notre devoir de faire en sorte que l’argent public mobilisé en faveur de ces veuves, 1,9 million d’euros pour 2016 et 3,8 millions d’euros pour 2017, soit effectivement employé à adapter le montant de leurs pensions aux préjudices qu’elles ont subis, et non à financer d’autres actions.
Permettez-moi de rappeler que la pension versée aux veuves des grands invalides de guerre relève d’un droit à réparation à part entière, qui concerne aussi les conjoints des victimes d’actes de terrorisme.
Le Gouvernement est-il prêt à réexaminer le sujet, en concertation avec les responsables des associations concernées, et à retenir une proposition de révision des articles L.49 et L.50 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, qui fixent la pension de base de ces veuves de grands invalides de guerre ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la sénatrice Christiane Kammermann, je vous prie tout d’abord d’excuser Jean-Marc Todeschini, retenu par des commémorations à Fromelles.
Votre préoccupation est tout à fait légitime. La nation doit marquer sa reconnaissance à nos soldats comme à leurs proches.
C’est pourquoi le Gouvernement a inscrit, dans le projet de loi de finances pour 2015, une mesure d’élargissement du bénéfice de l’allocation prévue par l’article L. 52–2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre. Il s’agissait d’étendre le champ de la reconnaissance particulière aux conjoints survivants qui avaient renoncé à une activité professionnelle pour prodiguer des soins à un grand invalide.
Les chiffres que vous avez cités sont anciens, puisqu’ils datent du milieu de l’année 2015 : un an plus tard, un peu moins de vingt-cinq demandes – et non pas trois – ont été présentées.
Certes, ce chiffre peut paraître encore faible, mais il s’explique par le fait que l’administration ne peut connaître la durée du mariage des conjoints dont l’un était grand invalide, ce qui justifie l’impossibilité d’un versement automatique.
De plus, la démarche des conjoints survivants est volontaire, et elle doit être expliquée et accompagnée. Les services départementaux de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, s’y emploient chaque jour dans nos territoires, soutenus par les associations d’anciens combattants, dont je veux saluer le travail.
Pour ces deux raisons, il me paraît donc inapproprié d’évoquer une carence d’évaluation.
Vous parlez en outre de « conditions restrictives » : cela me paraît également excessif.
La loi de finances initiale pour 2016 a étendu encore le champ du bénéfice de la majoration spéciale prévue à l’article L. 52–2, en permettant son attribution progressive à partir de cinq années de mariage et de soins révolues, tout en améliorant encore son montant.
Cette mesure est entrée en vigueur le 1er juillet 2016. Il est donc bien trop tôt pour tirer le moindre bilan de son application, a fortiori pour vouloir réorienter le budget prévu.
Vous le voyez, madame la sénatrice, le Gouvernement a mis en œuvre une démarche ciblée et concertée en faveur des conjoints survivants de grands invalides : concertée, parce qu’elle se fonde sur un dialogue avec les associations d’anciens combattants au plus près des demandes ; ciblée, parce qu’elle s’appuie sur une meilleure connaissance des effectifs des conjoints survivants de grands invalides, grâce au rapport du Contrôle général des armées de 2014, et parce qu’elle s’adresse en priorité aux plus fragiles.
Nous aurons l’occasion de voir dans quelle mesure d’autres améliorations pourraient être apportées au titre de la loi de finances pour 2017.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christiane Kammermann.
Mme Christiane Kammermann. J’espère vraiment que d’autres améliorations seront apportées en 2017 ; ce serait une marque d’intelligence et de courage. Je vous remercie en tout cas de cette réponse de sagesse. Il faut absolument faire quelque chose pour ces personnes, les articles L.49 et L.50 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre étant inadaptés depuis des décennies.
Je tiens à votre disposition les propositions formulées par les associations, qui disposent d’informations de terrain et d’un modèle de modulation par paliers dont la mise en œuvre réglerait cette question de manière définitive.
J’ai rencontré une veuve de guerre de 93 ans qui ne touche que 500 euros par mois… Cette pauvre femme est seule : comment voulez-vous qu’elle vive ? Son cas n’est pas unique.
renforcement de la lutte contre l’orpaillage illégal en guyane
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Cornano, en remplacement de M. Antoine Karam, auteur de la question n° 1429, adressée à M. le ministre de la défense.
M. Jacques Cornano. En Guyane, à 7 000 kilomètres de l’Hexagone, les forces armées garantissent la protection du territoire national et animent la coopération régionale dans la lutte contre l’orpaillage illégal.
Rappelons l’ampleur du phénomène : en Guyane, sur un territoire grand comme l’Autriche, plus de 10 000 garimpeiros venant du Brésil ou du Surinam extraient, chaque année, environ neuf tonnes d’or.
Déforestation, destruction des biotopes, pollution des cours d’eau, accumulation du mercure, mais aussi violences et trafics en tout genre : les conséquences sur l’environnement et la population sont désastreuses.
C’est pourquoi les forces de gendarmerie et les forces armées en Guyane mènent depuis 2008, avec la mission Harpie, une lutte acharnée contre l’orpaillage illégal.
Il y a quelques mois, le Gouvernement a remis au Parlement un rapport sur les conditions d’emploi des armées. Le bilan de l’opération Harpie et les derniers chiffres sont encourageants, puisque le nombre de sites d’orpaillage illégaux est en recul de 67 % sur l’ensemble de la Guyane par apport à 2014. Cela témoigne des efforts colossaux déployés sur le terrain par nos forces armées. Néanmoins, il faut admettre que nous peinons encore à limiter l’orpaillage de manière significative : certains sites sont réinvestis après destruction, des modes opératoires plus mobiles se développent et les orpailleurs clandestins sont souvent des mineurs.
Dans un tel contexte, la mission Harpie mobilise d’importants moyens humains. En raison du déclenchement de l’opération Sentinelle, le souhait de renforts supplémentaires exprimé par les forces armées en Guyane n’a pu être exaucé.
Renforcer les mesures judiciaires ou développer la traçabilité de l’or sont des pistes souvent évoquées pour lutter contre l’orpaillage illégal, mais s’il en est une essentielle, c’est l’amélioration de la coopération avec les forces brésiliennes et surinamiennes.
Nous le savons, les difficultés politiques que connaît le Surinam ne nous ont pas encore permis de travailler à cette coopération comme nous le souhaitons. Toutefois, au regard des besoins exprimés par nos forces armées sur le terrain, n’est-il pas temps d’accélérer le processus ? Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous me préciser quelles sont les perspectives de coopération avec le Surinam à moyen terme ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Jean-Yves Le Drian, retenu par différentes obligations.
Vous attirez notre attention sur l’opération Harpie. Cette opération interministérielle, à bien des égards inédite, est un modèle de coopération entre différents services de l’État. Menée sous la double autorité du préfet de Guyane et du procureur de la République, elle est à la fois militaire et de police administrative et judiciaire. Elle fédère l’intervention conjointe et quotidienne de plus d’une centaine de gendarmes, d’environ trois cent cinquante militaires des forces armées en Guyane, de près d’une dizaine d’hélicoptères et enfin de toutes nos administrations présentes dans cette collectivité, tout cela en étroite collaboration avec le parc amazonien de Guyane.
Quelle est notre action précise ? Il s’agit de lutter contre les dégâts économiques, sociaux et environnementaux que vous avez évoqués. À cette fin, nous déployons nos forces, au premier rang desquelles les armées.
La forte mobilisation des acteurs et une coordination exemplaire entre les services ont permis d’accroître très sensiblement nos succès, depuis deux ans en particulier. Vous avez cité la baisse de 60 % du nombre de sites illégaux. Je la relie au nombre de patrouilles, augmenté de 50 % entre 2014 et 2015. Quant à la valeur des saisies, elle est passée de 11 millions à 16 millions d’euros, soit une augmentation de 47 %. Enfin, le manque à gagner est estimé à quatre tonnes d’or, soit une baisse de 63 % de la production illégale. J’ajoute qu’une opération de cinq mois a permis de saisir plus d’une tonne d’or.
Il est ainsi possible de parler d’une désorganisation sociale, d’une dévitalisation des garimpeiros et d’un affaiblissement général de l’orpaillage illégal en Guyane.
Il nous faut poursuivre notre action sur quatre plans : en consolidant la judiciarisation des opérations militaires sur le terrain ; en réoccupant l’espace reconquis sur les garimpeiros par des activités légales, par exemple grâce à des projets industriels sur des gisements estimés à plus de 140 tonnes d’or ; en poursuivant une réflexion sur les modalités de l’opération Harpie ; enfin, en travaillant au développement de la coopération internationale que vous appelez de vos vœux.
Sur ce dernier point, le développement récent de notre coopération militaire et judiciaire avec le Brésil prend un tournant beaucoup plus opérationnel. Des patrouilles conjointes sont régulièrement conduites sur les fleuves frontaliers par nos forces armées et leur fréquence va encore s’intensifier.
Après huit années, l’opération Harpie affiche un bilan incontestable. Dans un cadre interministériel, nos forces armées obtiennent d’excellents résultats opérationnels. Ces succès permettent d’asseoir la souveraineté de l’État dans une collectivité dont les enjeux pour notre pays ne sont plus à démontrer ; j’ai d’ailleurs pu le vérifier sur place il y a à peu près un an.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de cette réponse. Je pense que mon collègue Antoine Karam, qui a souhaité attirer votre attention sur l’orpaillage illégal et la nécessité d’une coopération avec le Surinam, y sera très sensible.
diffusion des éditions locales de france 3 pays catalan sur les box et le satellite
Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, auteur de la question n° 1470, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Mme Hermeline Malherbe. Ma question porte sur l’avenir des éditions locales dites « excentrées » de France 3.
J’évoquerai tout d’abord la dimension humaine de ces chaînes locales, qui répondent à une demande forte, à un besoin et à une envie de nos concitoyens d’avoir accès à des informations de proximité, voire de grande proximité. J’en veux pour preuve une étude réalisée en 2014 montrant que les téléspectateurs demandent une information de très grande proximité et plébiscitent les éditions locales. Dans mon département, l’édition locale France 3 Pays catalan réunit en moyenne entre 20 % et 30 % de part d’audience, et ce sur seulement 60 % du potentiel d’audience – je reviendrai sur cet aspect technique. Par ailleurs, les éditions locales permettent de faire vivre nos langues régionales, en particulier le catalan dans mon département des Pyrénées-Orientales.
Je soulignerai ensuite que la technique ne doit pas empêcher, mais au contraire favoriser la diffusion des chaînes locales. Dans les Pyrénées-Orientales comme sur une large partie du territoire, la réception des chaînes de télévision se fait à hauteur de 40 % exclusivement via les box internet, alors que les chaînes locales sont diffusées via la TNT. Notre antenne « Pays catalan » est donc privée de 40 % de part d’audience potentielle. Comment la diffusion peut-elle être moins performante techniquement aujourd'hui qu’il y a presque cinquante ans via les ondes ?
Cette situation inquiète vivement les salariés des éditions de France 3 Pays catalan, qui craignent de perdre leur emploi. Il apparaît évident que si nous ne trouvons pas un moyen de diffuser ces antennes locales via les box et satellites, elles seront condamnées à disparaître.
Monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures entendez-vous mettre en œuvre pour maintenir l’information de proximité, voire de très grande proximité, dans nos territoires et pour éviter la disparition des chaînes locales, qui constituent des sources d’information de proximité précieuses, surtout dans un contexte d’uniformisation et de défiance à l’égard des spécificités des cultures et langues locales ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser Mme la ministre de la culture et de la communication, retenue par une audition à l’Assemblée nationale.
Le Gouvernement est, comme vous, attaché aux missions du réseau France 3, qui joue un rôle indispensable pour éclairer le débat démocratique et renforcer la cohésion sociale sur nos territoires.
Les Français sont particulièrement attachés à cette offre de service public, comme en témoignent notamment les audiences des journaux d’information régionale et locale.
La loi assure une large diffusion des éditions régionales et locales. Elle impose en effet la diffusion des vingt-quatre programmes régionaux sur au moins une des offres satellitaires gratuites, destinée à assurer la reprise des programmes de la télévision terrestre, la TNT. La loi prévoit également que les distributeurs de services ne peuvent refuser la reprise de ces programmes dans des conditions non discriminatoires.
Il est vrai qu’il n’existe pas d’obligation de reprise des programmes locaux via les box et les satellites. Par conséquent, les téléspectateurs non couverts par la TNT n’ont pas toujours accès aux éditions locales.
Cette reprise relève d’une négociation entre France Télévisions et ces opérateurs et peut donc être assurée dans ce cadre, en tenant compte des contraintes techniques et économiques d’une telle reprise, qui sont réelles.
Pour autant, le Gouvernement tient à rassurer les salariés concernés : le maintien d’un réseau de proximité sera réaffirmé à l’occasion du prochain contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions. La préservation de ce maillage de proximité continuera d’avoir comme objectif d’exposer l’information locale et d’assurer le dynamisme de la production d’information dans nos régions.
Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe.
Mme Hermeline Malherbe. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de cette réponse rassurante, en tout cas pour ce qui concerne les salariés des éditions locales de France 3. Concernant la négociation que France Télévisions doit mener avec les opérateurs, il me semble important que le Gouvernement exerce une pression sur ces derniers afin que l’information de grande proximité puisse se développer, y compris dans les Pyrénées-Orientales.
transfert aux communes et intercommunalités de l'instruction des autorisations d'urbanisme
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, auteur de la question n° 1443, adressée à M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.
Mme Françoise Gatel. Madame la secrétaire d'État, depuis la loi ALUR, l’instruction des autorisations d’urbanisme, précédemment assurée gratuitement par les services déconcentrés de l’État, a été transférée au bloc communal.
Ce désengagement de l’État a provoqué des difficultés aussi bien financières que techniques pour les communes et intercommunalités, déjà confrontées à des restrictions budgétaires significatives.
Dans une dynamique très positive et pertinente de mutualisation, de nombreuses communes se sont ainsi tournées vers l’intercommunalité en leur déléguant cette charge. Ce transfert de compétence crée une nouvelle dépense obligatoire pour les intercommunalités et leurs communes.
Madame la secrétaire d'État, le bloc communal consent déjà à des efforts substantiels en termes de budget – la Cour des comptes l’a rappelé récemment –, sans compter l’augmentation constante des charges qu’il subit. J’ai d’ailleurs entendu parler d’un prochain transfert de l’élaboration des cartes d’identité.
Dans ces conditions, pour compenser en partie cette charge supplémentaire transférée par l’État en matière d’urbanisme, peut-on envisager l’ouverture de la possibilité, pour les communes ou les intercommunalités, de créer une contribution des pétitionnaires, à l’instar du timbre fiscal dont on s’acquitte pour obtenir une pièce d’identité ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des collectivités territoriales.
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur la possibilité de créer une contribution des pétitionnaires dans le cadre de l’instruction décentralisée des autorisations d’urbanisme.
L’article 134 de la loi ALUR du 24 mars 2014 réserve, depuis le 1er juillet 2015, la mise à disposition des services de l’État pour l’instruction des actes d’urbanisme aux seules communes compétentes appartenant à des établissements publics de coopération intercommunale de moins de 10 000 habitants ou, si l’EPCI est compétent en matière d’urbanisme, aux seuls EPCI de moins de 10 000 habitants.
Je souhaite souligner qu’il s’agit d’une réorientation d’une mission de l’État, notamment vers le « nouveau conseil aux territoires », qui est une démarche renouvelée d’accompagnement des collectivités dans l’élaboration de leurs projets et qui cible l’appui à l’émergence de projets, l’aide à la gestion de situations difficiles ou imprévues et le portage de politiques prioritaires de l’État sur les territoires.
Effective depuis le 1er janvier 2014, la généralisation de l’intercommunalité par l’achèvement de la carte intercommunale a facilité cette évolution, de même que la création du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement.
Par ailleurs, il est important de rappeler que la compétence en matière d’actes d’urbanisme est décentralisée aux communes et à leurs groupements. Si les services de l’État les aident à instruire les actes, le maire ou le représentant de l’intercommunalité en ont toujours été les signataires.
La mutualisation au niveau intercommunal est la solution la plus adaptée pour répondre aux difficultés que vous signalez. Au-delà de l’aspect financier, elle permet d’assurer la prise en compte des préoccupations locales tout en capitalisant l’expérience et le savoir-faire avec un service d’instruction dédié au niveau intercommunal.
Par ailleurs, s’agissant de la possibilité de créer une contribution des pétitionnaires, une telle répercussion des coûts de l’instruction ne pourrait être envisagée que dans un cadre législatif, dans le respect du principe d’égalité devant les charges publiques.
Pour mémoire, en l’état actuel des textes et, en particulier, de l’article R. 423-15 du code de l’urbanisme, une commune ne peut pas confier l’instruction des actes d’urbanisme à des prestataires privés – une telle délégation donnerait logiquement lieu à rémunération.
La mission d’instruction des autorisations d’urbanisme est liée, par nature, à l’exercice d’une prérogative de puissance publique qui nécessite objectivité et indépendance ; il apparaît donc logique, souhaitable et juste que les pétitionnaires n’aient pas à contribuer financièrement à ce dispositif.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie d’avoir rappelé la procédure en vigueur. J’entends bien la volonté du Gouvernement de ne pas faire peser sur le pétitionnaire la charge des frais de dossier. La mission d’instruction des autorisations d’urbanisme relevait peut-être de la compétence des communes, mais elle était exercée gracieusement par l’État. Cette mission ayant été transférée aux communes sans les moyens correspondants, elle a engendré des dépenses supplémentaires, notamment par le biais de créations d’emplois. Si ce n’est pas le pétitionnaire, c’est donc le contribuable qui paye.
À l’heure où l’État envisage de nous transférer d’autres charges, permettez-moi d’insister sur cette difficulté.
schémas départementaux de coopération intercommunale
Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Vincent, auteur de la question n° 1430, adressée à M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.
M. Maurice Vincent. Ma question porte sur les modalités d’application de la loi NOTRe, promulguée le 7 août 2015.
Après de nombreuses discussions entre le Sénat et l’Assemblée nationale, un accord avait finalement été trouvé sur des seuils que d’aucuns jugeaient raisonnables. Le seuil minimal de population pour créer un nouvel EPCI a ainsi été porté à 15 000 habitants et assorti d’un seuil dérogatoire de 5 000 habitants pour les zones de montagne ou insulaires.
Les préfets ont arrêté le 31 mars 2016 leurs projets de schéma. Pour ce qui concerne le département de la Loire, le nombre des intercommunalités est réduit de dix-sept à sept, ce qui a provoqué l’insatisfaction d’un nombre somme toute limité de communes. La commission départementale de coopération intercommunale a écouté leurs doléances, mais du fait de conditions de majorité très restrictives, il n’a pas été fait droit à leurs demandes.
Il en résulte aujourd'hui deux difficultés importantes dans notre département.
La première tient au rejet par une majorité de communes d’un projet extrêmement lourd de création d’un EPCI de plus de quatre-vingts communes dans le nord du département. Je crois qu’il s’agit d’une conséquence inéluctable du processus que je viens de décrire ; il me semble indispensable que le préfet de la Loire ne passe pas outre cet avis négatif et puisse proposer rapidement la création de deux EPCI, ou en tout cas une organisation territoriale qui réponde mieux aux attentes des communes.
La seconde difficulté est d’ordre interdépartemental. Six communes limitrophes du Rhône souhaitent rejoindre un EPCI de ce département avec qui elles ont une longue habitude de coopération. Cet EPCI a donné son accord, de même que l’EPCI de la Loire auquel elles doivent en principe être intégrées et la commission départementale de coopération intercommunale du Rhône. Étant donné cette convergence de vues, il me semblerait utile de simplifier au maximum les formalités administratives et de permettre à ces communes de rejoindre l’EPCI de leur choix.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des collectivités territoriales.
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. le ministre de l’aménagement du territoire, des ruralités et des collectivités territoriales, retenu par le conseil des ministres.
Vous avez souhaité appeler son attention sur le cas où les dispositions de schémas départementaux de coopération intercommunale, ou SDCI, de départements limitrophes sont divergentes.
Ainsi que vous l’avez souligné, les SDCI sont le résultat d’une large concertation avec les élus, qui a débuté dès le mois de septembre dernier pour se poursuivre jusqu’à la fin du mois de mars 2016, date de l’adoption définitive des schémas. Pendant cette période, les commissions départementales de coopération intercommunale ont eu la possibilité de les amender. Or les élus ne partagent pas forcément, dans chaque département, la même vision, ce qui explique les différences constatées. Celles-ci sont d’ailleurs peu nombreuses, puisque, en tout et pour tout, nous avons dénombré huit cas de SDCI contradictoires.
En revanche, ces contradictions devaient être levées à l’étape suivante, quand les préfets prenaient les arrêtés de projet en vue de consulter les conseils municipaux et communautaires concernés par un nouveau périmètre de regroupement. Dans cette perspective, le Gouvernement a demandé aux préfets concernés de mener un travail de concertation avec les élus, pour que les périmètres arrêtés soient cohérents. À défaut de consensus, ils étaient invités à respecter les frontières départementales.
Ainsi, au 15 juin 2016, date limite pour l’envoi des arrêtés de projet, les huit cas de schémas divergents ont été réglés par la prise d’un seul arrêté de projet de périmètre par un des deux préfets concernés.
S’agissant du cas particulier des départements de la Loire et du Rhône, dont les schémas comportaient des mesures divergentes concernant la communauté de communes « Forez-en-Lyonnais », située dans le département de la Loire, c’est finalement le projet de périmètre figurant dans le schéma de la Loire et respectant les frontières départementales qui a été mis en œuvre.
Vous m’interrogez également sur les conditions d’emploi de la procédure dite du « passer outre », c’est-à-dire sur la conduite à tenir lorsqu’une majorité de conseils municipaux se prononce contre le projet présenté.
Ainsi que je l’ai rappelé à de nombreuses reprises, le recours à cette procédure doit être extrêmement limité. Sauf cas particulier justifié par le contexte local, cette procédure n’est pas recommandée lorsque les communautés ne sont pas tenues d’évoluer au regard des obligations de la loi NOTRe. Toute décision de ce type devra être solidement étayée, le Gouvernement privilégiant le consensus local. A contrario, dans certains cas, recourir à la procédure du « passer outre » est nécessaire, lorsque le statu quo n’est pas légalement permis, en particulier lorsque les EPCI ne répondent pas aux critères démographiques fixés par la loi.
Dans tous les cas, la convocation d’une nouvelle CDCI, requise par la loi, est l’occasion d’une nouvelle étape de dialogue. Elle peut permettre de faire émerger une solution plus consensuelle. La préparation des schémas remonte maintenant à un an et, dans bien des cas, les points de vue ont évolué. Un nouveau passage devant la CDCI peut donc être l’occasion de dégager une convergence dans des conditions différentes de ce qui avait été envisagé au départ.
Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Vincent.
M. Maurice Vincent. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de cette réponse. Je veux simplement insister une nouvelle fois sur la nécessité de faire preuve de souplesse et de pragmatisme, s’agissant d’un département qui a déjà consenti énormément d’efforts.
accès des petits producteurs aux marchés des collectivités territoriales
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Botrel, auteur de la question n° 1426, transmise à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Yannick Botrel. L’agrément sanitaire communautaire, dit « agrément CEE », autorise les établissements qui préparent, transforment, manipulent ou entreposent des produits d’origine animale à fabriquer et à mettre leurs produits sur le marché sans les vendre directement au consommateur.
Ayant été sollicité par plusieurs petits producteurs de mon département, les Côtes-d’Armor, je souhaite vous faire part des difficultés rencontrées par ces derniers en matière d’obtention de l’agrément CEE.
Sans cet agrément, l’approvisionnement d’une restauration collective locale s’avère impossible du fait du passage par une cuisine centrale. Ainsi, ces structures de petite taille ne peuvent pas répondre aux marchés ouverts par les collectivités territoriales, alors qu’il s’agit là d’un débouché de proximité extrêmement intéressant pour ces producteurs. Au surplus, cela constitue un frein à la mise en œuvre de circuits courts pour la restauration rapide.
Juridiquement, les critères de contrôle découlent du droit européen, mais, dans la pratique, en l’absence de transposition réglementaire, les contrôles sont souvent suspectés, à tort ou à raison, de relever davantage d’une surtransposition que de l’application des normes européennes.
À cet égard, madame la secrétaire d'État, quelles sont les dispositions concrètes que le Gouvernement pourrait mettre en œuvre en vue de favoriser l’instauration de contrôles plus adaptés et de ne pas décourager les initiatives des producteurs locaux désireux de répondre aux marchés des collectivités territoriales ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des collectivités territoriales.
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous avez souhaité interroger le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt sur les difficultés rencontrées par des petits producteurs désirant obtenir un agrément sanitaire européen en vue de l’approvisionnement local de cuisines centrales en restauration collective. Retenu ce matin en conseil des ministres, Stéphane Le Foll m’a demandé de vous répondre.
La réglementation sanitaire européenne dite du « paquet hygiène » impose l’attribution d’un agrément sanitaire à tout établissement souhaitant livrer à un intermédiaire les produits d’origine animale qu’il transforme. Toutefois, une possibilité de dérogation à cet agrément est prévue pour les commerces de détail si cette activité est réalisée de manière « marginale, localisée et restreinte ». Ainsi, un petit producteur vendant la majorité de sa production directement au consommateur peut bénéficier d’une telle dérogation.
Cette adaptation réglementaire est également permise pour l’approvisionnement de petits établissements de restauration collective bénéficiant eux-mêmes d’une dérogation à l’agrément sanitaire. Sont ainsi concernées les cuisines centrales approvisionnant localement d’autres établissements de restauration, pour un maximum de 1 000 repas hebdomadaires et dans la limite de 30 % de leur production totale, ou pour un maximum de 400 repas hebdomadaires au-delà de 30 % de la production totale de la cuisine livrée.
En revanche, une structure artisanale ou fermière souhaitant approvisionner une cuisine centrale agréée doit nécessairement disposer d’un agrément sanitaire.
Toutefois, l’obtention d’un agrément n’implique pas nécessairement la réalisation d’investissements importants ou la mise en œuvre de procédures complexes pour un producteur. Le contenu du dossier d’agrément doit ainsi être adapté à la taille de l’établissement. Dans le cas d’établissements de production artisanale ou fermière, les professionnels peuvent s’appuyer sur différents dossiers types d’agrément, par exemple pour l’activité charcuterie, salaison, plats cuisinés, conserves à base de viande et de poisson, pour celle de crémier, fromager, affineur ou encore pour l’agrément des ateliers laitiers fermiers.
L’instruction d’un dossier de demande d’agrément sanitaire pour les petites structures fermières et artisanales prend en compte les moyens matériels et humains dont disposent ces structures pour appliquer les prescriptions de la réglementation. Les exigences en termes de formalisation des procédures sont par exemple adaptées à la taille de la structure et à son activité, sous réserve bien évidemment que ces adaptations ne soient pas effectuées au détriment de la maîtrise de la sécurité sanitaire.
Les initiatives de producteurs locaux pour l’approvisionnement d’établissements de restauration collective ne sont donc pas incompatibles avec l’application de la réglementation en vigueur en matière de sécurité sanitaire des aliments.
Le Gouvernement considère donc aujourd’hui que le bon équilibre est atteint entre nécessité de rigueur en matière sanitaire, d’une part, car il y va de la sécurité de tous les consommateurs, et simplification des procédures et nécessaire adaptation de la réglementation aux contraintes spécifiques des petites structures, d’autre part.
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. Je vous remercie de cette réponse, madame la secrétaire d’État.
La sécurité sanitaire est bien évidemment primordiale et ne saurait être mise en cause. Il faut donc que toutes les prescriptions soient respectées.
Cependant, la question de fond est celle, souvent évoquée dans le domaine de l’agriculture mais aussi dans d’autres, de la surtransposition par la France de directives européennes. La réponse que vous venez de donner au nom de M. Le Foll est très complète et très technique. Elle mérite sans aucun doute d’être étudiée par les producteurs et les collectivités concernés.
pénurie de vaccins contre la tuberculose et de vaccins combinés contenant la coqueluche
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Bailly, auteur de la question n° 1383, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Dominique Bailly. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la pénurie de vaccins BCG et de vaccins combinés contenant la coqueluche, à savoir les vaccins pentavalents et tétravalents.
Depuis plus d’un an, la France connaît des difficultés en matière d’approvisionnement et de production de ces vaccins, inscrits dans le calendrier vaccinal.
Le vaccin BCG n’est plus délivré en pharmacie de ville depuis près d’un an, les parents de nourrissons étant orientés vers les services de protection maternelle et infantile, qui sont livrés en priorité. Toutefois, ces services rencontrent eux aussi des tensions en matière d’approvisionnement et sont contraints de créer des listes d’attente.
La distribution par l’industrie pharmaceutique du vaccin BCG a totalement cessé le 29 mars 2016. Le laboratoire Sanofi Pasteur, seul distributeur en France, délivre désormais, avec l’accord de l’Agence nationale de sécurité du médicament et celui du Haut Conseil de la santé publique, un vaccin de substitution polonais. Toutefois, cet approvisionnement ne représente pas une solution pérenne.
Concernant les vaccins pentavalents et tétravalents, la Direction générale de la santé recommande qu’ils soient destinés en priorité aux enfants de mères porteuses de l’hépatite B. Pour tous les autres enfants, la vaccination par le vaccin hexavalent est recommandée.
La recrudescence actuelle de la tuberculose en Île-de-France est préoccupante et le calendrier vaccinal 2015 préconise de vacciner tout enfant dès la naissance. La vaccination contre la coqueluche est, quant à elle, recommandée dès l’âge de deux mois.
Madame la secrétaire d'État, j’aimerais connaître les raisons de cette pénurie et de l’arrêt de la distribution du vaccin BCG depuis mars dernier, ainsi que les dispositions prises par le Gouvernement pour garantir l’accès de nos concitoyens à la vaccination et les mesures envisagées pour éviter, à l’avenir, de telles situations de pénurie dans notre pays.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, nous vivons effectivement de fortes tensions en matière d’approvisionnement en vaccin BCG. Ce problème concerne non pas uniquement la France, mais toute l’Europe. Cette pénurie est liée à la défaillance du producteur danois de l’unique vaccin commercialisé en France.
Pour faire face à cette situation, depuis le mois d’avril dernier, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, permet au laboratoire Sanofi Pasteur MSD d’importer des doses de vaccin BCG fabriqué par le laboratoire Biomed-Lublin. L’ANSM a pu garantir que ce vaccin répondait intégralement aux critères de qualité et de sécurité obligatoires à tous médicaments mis sur le marché français.
À ce jour, les quantités disponibles restent limitées. C’est pourquoi le Haut Conseil de la santé publique a donné la priorité, pour les indications de la vaccination, aux populations le plus à risque, notamment dans les centres de protection maternelle et infantile.
Je veux rappeler que, depuis 2007, la vaccination par le BCG n’est plus obligatoire pour tous les enfants de France avant l’admission dans une structure collective ; elle est fortement recommandée pour les populations considérées à risque, par exemple originaires de pays de forte endémie tuberculeuse ou vivant dans des départements où la prévalence de cette maladie est plus forte qu’ailleurs.
Au-delà de la situation concernant le BCG, les problèmes récurrents d’approvisionnement en vaccins ont conduit Marisol Touraine à prendre un certain nombre de mesures pour apporter des réponses structurelles.
Tout d’abord, la loi de modernisation de notre système de santé prévoit des plans de gestion des pénuries pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, comme les vaccins. Ces plans sont en cours de finalisation et seront opérationnels avant la fin de cette année.
Ensuite, Marisol Touraine a convoqué en janvier dernier les responsables des laboratoires pour qu’ils lui proposent un plan d’action visant à pallier les ruptures d’approvisionnement actuelles. Le 28 juin dernier, les actions mises en place pour limiter ces ruptures ont été présentées par les industriels.
Enfin, concernant les vaccins hexavalents, les services du ministère de la santé et l’ANSM reçoivent toutes les semaines l’état des stocks disponibles. S’agissant des vaccins pentavalents contre le tétanos, la diphtérie, la poliomyélite, la coqueluche et l’haemophilus B, la situation s’est normalisée : les pharmacies disposent désormais de stocks suffisants pour approvisionner la population.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Bailly.
M. Dominique Bailly. Je remercie Mme la secrétaire d’État de cette réponse.
Il s’agit effectivement d’un problème structurel, auquel la puissance publique a dû faire face en réunissant autour d’une table tous les laboratoires concernés. Même si la vaccination contre la tuberculose n’est plus obligatoire, cette défaillance d’approvisionnement pose problème à de nombreux parents.
Je remercie le Gouvernement de son action. Espérons que la puissance publique ne sera pas de nouveau obligée d’intervenir auprès des laboratoires.
(Mme Jacqueline Gourault remplace Mme Isabelle Debré au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
vice-présidente
prise en charge par l'assurance maladie du matériel d'occasion d'aide à la personne
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, auteur de la question n° 1440, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Mme Nicole Bonnefoy. Ma question porte sur la possibilité de prise en charge par l’assurance maladie du matériel médical technique d’occasion d’aide à la personne.
Il existe en France un nombre non négligeable de personnes en perte d’autonomie qui ne sont pas en mesure de s’équiper correctement du fait de leurs faibles revenus. L’acquisition de matériels d’occasion présente un intérêt financier non négligeable pour ces personnes, confrontées à la nécessité d’acquérir des aides techniques coûteuses.
Pourtant, le matériel d’occasion n’est pas pris en charge financièrement par les maisons départementales des personnes handicapées. En réponse à une question écrite sur le même thème posée par le député Jean-Luc Warsmann, vous indiquiez, madame la secrétaire d’État, que le principal obstacle tenait au fait que la liste des produits et prestations remboursables conditionne la prise en charge du matériel technique par l’assurance maladie à l’existence d’une garantie pour une durée déterminée et répondant aux normes de sécurité en vigueur. Ces conditions sont absolument légitimes et non contestables, mais il serait cependant infiniment regrettable qu’elles soient rédhibitoires. L’élaboration de modalités d’évaluation et d’une certification du respect de telles normes et conditions pour le matériel déjà usagé paraît être un objectif atteignable.
Le recours systématique au matériel neuf est plus coûteux pour la collectivité et les personnes concernées, qui supportent un reste à payer important. Il a également un coût environnemental élevé.
Favoriser le recours au matériel d’occasion relève d’un double enjeu : limiter le gaspillage et permettre de surcroît aux ménages ayant peu de moyens financiers de s’équiper à des coûts plus abordables. Cela peut contribuer au développement de l’économie circulaire, qui nous est chère, via les structures spécialisées dans la rénovation, le reconditionnement et la remise en conformité selon les normes nécessaires ; je pense en particulier au réseau national d’entreprises d’économie sociale et solidaire Envie.
J’aimerais connaître la position du Gouvernement quant à la possibilité d’établir un cadre réglementaire plus propice à favoriser l’accès au matériel médical d’occasion pour les personnes en situation de handicap.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, vous avez totalement raison : la question de l’acquisition de matériels d’occasion par les personnes âgées ou handicapées qui le souhaitent est importante. Elle recoupe à la fois la problématique du développement durable, car il peut apparaître choquant que du matériel encore en très bon état soit détruit, et celle de l’accessibilité financière des aides techniques.
Pour autant, le recyclage du matériel d’occasion doit être entouré de conditions précises, afin de garantir aux usagers la pleine sécurité et l’efficacité de ce matériel. Par ailleurs, les circuits de cette économie circulaire doivent être étudiés, car ils concernent plusieurs opérateurs et financeurs.
Le Gouvernement souhaite avancer concrètement sur ce sujet. C’est pourquoi la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie a lancé, le 6 juillet 2015, un appel à projets thématiques sur l’économie circulaire adaptée aux aides techniques, afin d’identifier les pratiques innovantes dans ce domaine.
Cet appel à projets porte prioritairement sur les modes de distribution, de mise à disposition, de récupération et de recyclage des aides techniques. Sur les trente et un projets déposés, dix ont été retenus et se sont vu attribuer une subvention, pour un montant total de 1 million d’euros.
La CNSA assure le suivi des projets et facilite les échanges et la mutualisation des informations entre les différents porteurs. Les conclusions de ces différentes expérimentations permettront d’en tirer les enseignements et de procéder aux éventuelles adaptations législatives et réglementaires nécessaires pour faire progresser ce dossier.
Par ailleurs, s’agissant de l’accessibilité financière des aides techniques, je rappelle que l’ensemble des aides à domicile et les équipements techniques d’un logement ou d’un véhicule mis en place au titre de la prestation de compensation du handicap, la PCH, sont désormais directement réglées par les conseils départementaux au titre du tiers payant, sur présentation de la facture. Cette mesure, qui a été introduite par la loi de modernisation de notre système de santé, est effective depuis la fin du mois de janvier 2016.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'État.
J’espère que les expérimentations en cours permettront très rapidement de faire évoluer notre législation et notre réglementation pour répondre aux besoins des personnes en perte d’autonomie en difficulté financière, car ils sont immenses. Mieux vaut utiliser le matériel d’occasion plutôt que de l’envoyer à la déchetterie ou au recyclage.
étudiants en orthophonie
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Debré, auteur de la question n° 1462, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Mme Isabelle Debré. Un grand nombre d’étudiants en orthophonie m’ont alertée sur les conditions dans lesquelles ils effectuent leurs stages obligatoires de formation.
Ces stages, qui permettent de lier apprentissage théorique et mise en situation professionnelle, sont organisés de manière très hétérogène selon le centre de formation dans lequel sont suivies les études. Certains étudiants ont la chance de pouvoir intégrer des structures situées à proximité de leur domicile, tandis que d’autres ne peuvent être accueillis que dans des établissements très éloignés de chez eux.
La raison de cette situation est d’ordre mécanique : elle tient à la surcharge des lieux de stage autour des centres de formation et à l’inégale représentation des modes d’exercice de l’orthophonie sur le territoire.
J’ajoute que les hôpitaux, traditionnels pourvoyeurs de stages, emploient très rarement des orthophonistes, malgré l’importance des besoins.
Les déplacements des étudiants entre leur domicile et leur lieu d’exercice professionnel peuvent se révéler très coûteux. Pour éviter des allers et retours financièrement lourds et physiquement épuisants, les étudiants en formation sont parfois amenés à prendre un logement d’appoint. Or ils ne peuvent prétendre à aucune rémunération ou gratification, même si la loi permet, il est vrai, l’indemnisation de certaines contraintes liées à l’accomplissement de leurs stages.
Certes, des dispositifs de soutien existent, mais ils sont disparates, peu développés et inéquitables. Aussi n’est-il pas étonnant que nombre d’étudiants soient contraints d’exercer une activité rémunérée en parallèle de leurs études.
Dans ces conditions, madame la secrétaire d'État, vous paraît-il envisageable de prévoir un dispositif national de prise en charge des indemnités de stage permettant de pallier les inégalités existant entre étudiants en orthophonie et de leur offrir un accès équitable à la formation ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur les frais financiers supportés par les étudiants en orthophonie dans le cadre des stages qu’ils sont amenés à réaliser.
En effet, ils assument des dépenses de déplacement ou de logement qui peuvent peser sur leur budget et certains d’entre eux sont contraints de faire leurs choix, en matière de stages, en fonction de ces contraintes financières, et non de choix pédagogiques.
Ce constat a d’ailleurs été objectivé dans une enquête réalisée par la FAGE, la Fédération des associations générales étudiantes, et la Fédération nationale des étudiants en orthophonie, qui a été présentée fin juin au ministère de la santé.
La formation des orthophonistes est sanctionnée par un diplôme national de l’enseignement supérieur. À ce titre, les étudiants en orthophonie bénéficient du même accès aux prestations universitaires et aux aides financières que les étudiants de l’université.
La spécificité des formations en santé est d’associer étroitement enseignements théoriques et stages pratiques. Aussi les étudiants en orthophonie sont-ils amenés, dans le cadre de leur formation, à effectuer de nombreux stages en milieu libéral et dans les établissements de santé.
Or, tandis qu’elle prévoit des indemnisations pour la plupart des formations paramédicales délivrées en instituts de formation, la réglementation actuelle ne prévoit pour les étudiants en orthophonie ni indemnité de stage ni remboursement des frais de transport.
Dans la mesure où la formation en orthophonie relève de l’université, la ministre des affaires sociales et de la santé a demandé à ses services de travailler en lien avec le ministère chargé de l’enseignement supérieur pour étudier dans quelles conditions il est possible d’améliorer les modalités d’accès aux stages des étudiants orthophonistes. Très attentive à la situation des étudiants et à l’égalité de traitement entre les formations paramédicales, elle souhaite que ces travaux puissent aboutir favorablement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de cette réponse très positive, qui augure bien de l’avenir. Nous suivrons, à la commission des affaires sociales, avec beaucoup d’attention ce dossier, car il nous tient à cœur. Il importe d’assurer une véritable équité entre les formations aux professions de santé.
téléprotection grave danger
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne, auteur de la question n° 1416, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Chantal Deseyne. Ma question porte sur un sujet grave et douloureux, celui de la prévention des violences faites aux enfants et aux femmes grâce à la généralisation du dispositif de téléprotection grave danger.
Je veux rappeler qu’une femme décède tous les trois jours sous les coups de son compagnon, qu’un enfant meurt tous les dix jours à la suite de l’homicide ou de la tentative d’homicide de son père ou de sa mère. L’INSEE estime à 143 000 par an le nombre d’enfants covictimes des violences conjugales graves. Ce décompte est intolérable !
Le dispositif de téléprotection grave danger, prévu par l’article 41-3-1 du code de procédure pénale, permet à la victime de violences commises par son conjoint, son concubin ou son partenaire d’alerter les autorités. Ce dispositif peut permettre de géolocaliser la victime, avec son accord, au moment où elle déclenche l’alerte.
L’attribution du dispositif de téléprotection grave danger est décidée par le procureur de la République pour une durée de six mois renouvelable. Il ne peut être attribué qu’en l’absence de cohabitation entre la victime et l’auteur des violences. Depuis 2014, il peut aussi être délivré aux femmes victimes de viols.
La mise en place du dispositif de téléprotection grave danger dans les départements pilotes a fait ses preuves. Or la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a constaté, dans son rapport d’information intitulé « 2006-2016, un combat inachevé contre les violences conjugales », que ce dispositif est actuellement inégalement réparti sur le territoire : Paris en compte vingt, Bayonne deux.
Je souhaiterais savoir si le Gouvernement envisage d’accroître rapidement l’attribution des boîtiers de téléprotection grave danger sur l’ensemble du territoire.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, la lutte contre les violences intrafamiliales est une préoccupation constante du Gouvernement. À ce titre, celui-ci a décidé, en 2013, de généraliser le dispositif de téléprotection des personnes en grave danger.
Après une expérimentation menée en Seine-Saint-Denis, puis au sein de cinq cours d’appel, qui en ont confirmé l’utilité, le déploiement du « téléphone grave danger », le TGD, a été retenu comme l’un des axes prioritaires du quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes pour la période 2014-2016.
La volonté de poursuivre le déploiement du TGD, afin de couvrir l’ensemble du territoire, est inscrite dans le cinquième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes pour la période 2017-2019, la priorité étant donnée à l’outre-mer.
Ce dispositif est cofinancé par le ministère des familles, de l’enfance et des droits des femmes, au travers du programme 137, en ce qui concerne l’aspect technique du dispositif, et le ministère de la justice pour le subventionnement des associations référentes assurant le suivi des bénéficiaires, par le biais du programme 101.
Ainsi, 900 000 euros sont délégués chaque année par le ministère des familles, de l’enfance et des droits des femmes, afin de procéder au déploiement des TGD dans les juridictions. Ce montant permet de financer 500 « téléphones grave danger ».
Afin de procéder à leur répartition, le service de l’accès au droit et à la justice et de l’aide aux victimes rattaché au secrétariat général du ministère de la justice, maître d’ouvrage de ce projet, a consulté à la fin de l’année 2014 l’ensemble des cours d’appel, pour connaître les besoins des juridictions.
Les sites expérimentaux ont été dotés du même nombre de téléphones dont ils bénéficiaient avant la généralisation du dispositif, ce qui a permis d’éviter une rupture dans le suivi et l’accompagnement des victimes.
Dans le cadre de ce dispositif, un fonds de concours a également été créé, afin de permettre aux juridictions qui en expriment le besoin de se doter de téléphones supplémentaires en recherchant des financements extérieurs. Toute personne physique ou morale, distincte de l’État, peut donc participer de façon active à la lutte contre les violences intrafamiliales en abondant ce fonds de concours, à l’instar du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, du conseil départemental des Pyrénées-Orientales et de la ville de Saint-Nazaire, qui ont décidé de financer des téléphones supplémentaires.
À ce jour, les 500 téléphones initialement prévus dans le cadre du déploiement ont été attribués, et les fonds du programme 137 ont été entièrement engagés. Seul un financement complémentaire par l’intermédiaire du fonds de concours pourra donc permettre d’augmenter le nombre de téléphones disponibles.
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne.
Mme Chantal Deseyne. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de votre réponse.
J’ai bien compris qu’il s’agissait essentiellement d’un problème de moyens. Ce dispositif ayant fait ses preuves, sa généralisation me semble une priorité. Les départements et les associations s’organisent, des groupes de parole se mettent en place, mais cela ne suffit pas. Pouvoir donner l’alerte en cas de danger imminent me semble indispensable.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, en attendant l’arrivée de Mme la ministre du logement et de l’habitat durable.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures cinquante, est reprise à onze heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
soutien financier spécifique à l'élaboration des schémas de cohérence territoriale ruraux
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros, auteur de la question n° 1473, transmise à Mme la ministre du logement et de l'habitat durable.
M. Bernard Delcros. Madame la ministre, je souhaite vous alerter sur les difficultés que rencontrent actuellement un certain nombre de territoires ruraux pour mettre en place leurs schémas de cohérence territoriale, ou SCOT.
Il ne s’agit pas de remettre en cause l’intérêt des SCOT, qui répondent parfaitement au besoin des territoires de s’inscrire dans une vision prospective de développement, en se dotant d’outils d’orientation et de planification.
Cependant, la date du 1er janvier 2017 retenue pour l’application de la règle de la constructibilité limitée aux territoires non couverts par un SCOT opposable ne me paraît pas du tout adaptée à la situation actuelle et pourrait mettre en difficulté ces territoires ruraux.
En effet, deux évolutions sont venues modifier la donne.
En premier lieu, les projets de fusion des intercommunalités issus de la loi NOTRe font apparaître de nouveaux périmètres et de nouveaux enjeux territoriaux, que les SCOT devront prendre en compte.
En second lieu, le dispositif de soutien financier mis en place par l’État en 2010, qui tenait compte de la spécificité des territoires de montagne et donnait de la lisibilité aux élus locaux grâce à une aide forfaitaire fixe de 1 euro par hectare, a été supprimé et dilué dans un appel à projets national.
Dans ces conditions, maintenir l’application de la règle de la constructibilité limitée au 1er janvier 2017 pour des territoires de montagne actuellement en pleine réorganisation territoriale et de surcroît sans visibilité sur le financement de leurs SCOT pénaliserait fortement ceux-ci.
C’est pourquoi je vous remercie, madame la ministre, de bien vouloir m’indiquer, d’une part, si le Gouvernement envisage, pour le financement des SCOT, un dispositif de soutien adapté aux territoires de montagne, et, d’autre part, s’il accepterait de différer au 1er janvier 2018 la généralisation de la règle de la constructibilité limitée pour tenir compte de la réorganisation territoriale et du retard pris en matière de financement des SCOT ruraux, dès lors, bien entendu, que les territoires concernés se seraient engagés dans l’élaboration d’un SCOT avant le 31 décembre 2016.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du logement et de l’habitat durable.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Monsieur le sénateur, la loi SRU a introduit les SCOT il y a plus de seize ans pour favoriser un aménagement durable et cohérent des territoires.
Dès l’origine, l’incitation à mettre en œuvre de tels schémas a été liée au contrôle des possibilités nouvelles d’urbanisation. Le principe retenu a été celui d’une urbanisation limitée en l’absence de SCOT : une commune ou une communauté ne peut donc pas étendre son urbanisation si elle n’est pas couverte par un SCOT, sauf à obtenir une dérogation.
En 2010, la loi portant engagement national pour l’environnement a étendu ce principe à l’ensemble du territoire national. Jusqu’alors, son application était limitée aux communes du littoral, ainsi qu’aux communes appartenant à des agglomérations de plus de 15 000 habitants et à leurs périphéries. Comme vous l’avez rappelé, l’entrée en vigueur de cette généralisation a alors été fixée au 1er janvier 2017, ce qui laissait le temps nécessaire à l’élaboration des SCOT.
Il convient de rappeler que l’absence de SCOT approuvé à cette date n’entraînera ni sanction ni insécurité juridique, mais seulement un contrôle renforcé du préfet sur les ouvertures à l’urbanisation.
L’élaboration d’un SCOT constitue certes un investissement financier, mais c’est également un investissement pour l’avenir du territoire, car le SCOT permet de construire une vision partagée du développement de celui-ci et de mettre en cohérence les différentes actions des collectivités territoriales. Le SCOT rend le territoire visible et audible dans ses échanges avec l’État et les autres collectivités locales, notamment la région. C’est enfin un atout précieux au regard des enjeux de planification du territoire, en particulier dans le cadre de l’élaboration du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, le SRADDET.
Pour aider les collectivités à élaborer des SCOT, le Gouvernement a mis en place depuis 2010 des appels à projets annuels permettant d’abonder, pour les territoires ruraux, la DGD « document d’urbanisme » attribuée à tous les établissements publics porteurs de SCOT. L’effort financier de l’État n’a pas diminué : ainsi, ce sont plus de 3 millions d’euros qui seront distribués cette année. En outre, en 2016, 75 % des vingt-huit nouvelles élaborations de SCOT financées concernent des communes rurales, ce qui contribue à améliorer le taux de couverture du territoire par les SCOT.
Aujourd’hui, 73 % des communes ont engagé une démarche d’élaboration d’un SCOT. L’État va continuer à soutenir leurs efforts, comme je m’y suis engagé lors de la dernière assemblée générale de la Fédération nationale des SCOT.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne souhaite pas différer la date butoir pour l’entrée en vigueur de la généralisation de la règle de constructibilité limitée. Cependant, il continuera à aider l’ensemble des territoires dans leurs démarches d’élaboration d’un SCOT.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, même si elle ne me donne que partiellement satisfaction.
La question du financement est extrêmement importante. Finalement, l’enjeu, pour les territoires de montagne, à l’instar de mon département du Cantal, est de parvenir à gérer de très grands espaces à faible densité de population, avec des coûts par habitant plus élevés qu’ailleurs. Tenir compte de cette réalité relève de la simple équité et d’un bon aménagement du territoire.
Par ailleurs, je ne peux que regretter le maintien de la date butoir du 1er janvier 2017, car cela aboutira à figer l’urbanisation de territoires dont la démographie continue de chuter et qui ont absolument besoin de saisir les rares occasions de développement et de projets de construction s’offrant à eux. On veut appliquer partout la même règle de manière uniforme, alors que la mise en œuvre de politiques différenciées selon les territoires serait de bon sens et permettrait de tenir compte de la réalité du terrain.
avenir des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté dans les bouches-du-rhône
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve, auteur de la question n° 1459, adressée à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Mireille Jouve. Je veux évoquer aujourd’hui les difficultés rencontrées par les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, plus particulièrement dans les Bouches-du-Rhône.
Depuis 1990, ces équipes associent différents types de professionnels : psychologue scolaire, maître d’adaptation et rééducateur interviennent pour répondre aux difficultés des élèves dans l’acquisition et la maîtrise des apprentissages fondamentaux. À ce titre, elles jouent souvent un rôle déterminant dans la réduction des inégalités scolaires, très fortement corrélées aux inégalités sociales, ainsi que le révèle le dernier rapport du PISA, le Programme international pour le suivi des acquis des élèves, et apportent un concours précieux aux enseignants généralistes, parfois démunis face aux difficultés de ces élèves. Les RASED constituent également des médiateurs essentiels entre l’institution scolaire et les familles.
Dans un rapport sur le suivi individualisé des élèves publié en février 2015, la Cour des comptes estimait que les RASED avaient été « annulés au moment où ils commençaient à être bien intégrés dans les pratiques ». En effet, les RASED ont subi des réductions drastiques de postes, leur nombre passant de 15 028 en 2007 à 10 152 à la rentrée 2012, soit une baisse de 32,4 % en cinq ans, selon un rapport de l’Inspection générale de l’éducation nationale. Dans les Bouches-du-Rhône, troisième département de France, le nombre de postes est passé de 435 à 235 entre 1995 et 2015, et tous les postes de rééducateur ont été supprimés…
En juillet 2013, un rapport du Sénat préconisait pourtant de « donner aux RASED les moyens de leurs missions », eu égard au rôle qu’ils jouent en matière de prévention de la violence et de marginalisation scolaire.
Madame la ministre, je vous interpelle sur ce sujet avant la rentrée, car ces professionnels spécialisés, ainsi que les enseignants et les parents d’élèves, se demandent ce que le Gouvernement compte faire pour combler le manque préoccupant de postes en RASED dans les Bouches-du-Rhône.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du logement et de l’habitat durable.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser Mme la ministre de l’éducation nationale, qui m’a chargée de vous répondre.
Le Gouvernement s’attache à favoriser la réussite de tous les élèves. Ainsi, au titre de la réaffirmation de la priorité donnée au premier degré, et à rebours des suppressions de postes décidées par la précédente majorité, des emplois ont pu être créés dans les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, et la récente circulaire de rentrée 2016 a une nouvelle fois souligné tout l’intérêt de l’action des personnels exerçant au sein de ces réseaux.
S’agissant plus particulièrement du département des Bouches-du-Rhône, je tiens tout d’abord à vous rappeler que la hausse de la démographie scolaire a été plus qu’accompagnée : la création de 215 emplois de professeur des écoles a permis de faire passer le taux d’encadrement de 5,08 à 5,14 professeurs pour 100 élèves. En outre, dans la ville de Marseille, ce ne sont pas moins de soixante-dix classes qui seront ouvertes au 1er septembre prochain. Jamais le territoire marseillais n’avait observé un tel engagement de l’État pour une rentrée scolaire.
En cohérence avec cette politique volontariste, six postes en RASED seront créés dans ce département à la rentrée 2016, dont un poste de psychologue et cinq postes d’enseignant spécialisé.
Le nombre de psychologues scolaires a connu au cours de la période 2000-2016 une légère progression, traduisant une volonté régulière de renforcer leur présence sur le terrain. Toutefois, pour pallier une insuffisance persistante des ressources en personnel, six psychologues contractuels ont été recrutés.
Sur la même période, cependant, le nombre d’enseignants spécialisés a significativement diminué, à la suite des suppressions de postes décidées entre 2009 et 2012. Depuis, la réimplantation des maîtres spécialisés est engagée, comme en témoigne la création de cinq postes dès cette année.
Selon cette même dynamique, la ministre de l’éducation nationale a demandé au recteur et à l’inspecteur d’académie-directeur académique des services de l’éducation nationale des Bouches-du-Rhône de prêter leur pleine à cette situation. Dans ce cadre, ce dernier s’est engagé à se concentrer, tout au long de l’année scolaire en cours, sur le projet des trente-cinq circonscriptions, notamment en termes de structuration des équipes des RASED qui travaillent auprès des inspecteurs de l’éducation nationale, afin de consolider ces réseaux lors de la préparation de la carte 2017.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Je vous remercie de ces précisions, madame la ministre. Il ne faut surtout pas baisser les bras et être toujours plus attentifs aux élèves en difficulté.
situation des mineurs isolés étrangers et non scolarisés
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, auteur de la question n° 1466, adressée à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Yannick Vaugrenard. Je souhaite alerter le Gouvernement sur la situation d’injustice et d’extrême urgence humanitaire dans laquelle se trouvent un certain nombre de mineurs étrangers isolés actuellement présents sur notre territoire.
En effet, à l’instar des autres pays européens, la France se trouve confrontée depuis des années à un phénomène migratoire qui se caractérise par l’arrivée de mineurs isolés étrangers.
Selon l’association GASPROM, en Loire-Atlantique, certains de ces mineurs étrangers âgés de quatorze à dix-huit ans vivent dans des conditions particulièrement difficiles. La plupart trouvent refuge dans des « squats » de centre-ville, tandis que d’autres, faute d’autre solution, se sont résignés à vivre dans la rue.
À cette injustice s’en ajoute une autre, celle du refus de les scolariser. En effet, en dépit de plusieurs tentatives menées depuis septembre 2015, l’association que j’ai citée se heurterait à un refus catégorique des services de l’éducation nationale de prendre en charge ces mineurs.
Or l’accès à l’éducation est d’autant plus important que la formation est l’un des critères pris en compte, à la majorité de ces mineurs étrangers, pour le traitement de leur demande de régularisation. Une circulaire ministérielle précise en outre que l’école constitue un droit pour tous les enfants résidant sur le territoire national, sans distinction de nationalité, de statut migratoire ou de parcours antérieur. Je rappellerai également que la Commission nationale consultative des droits de l’homme recommande aux pouvoirs publics, dans son avis, de mettre un terme aux difficultés pratiques entravant l’accès des mineurs isolés étrangers à la scolarité, à une formation ou à un apprentissage de droit commun.
Je conclurai par deux citations.
Selon Emmanuel Kant, « on ne doit pas seulement éduquer des enfants d’après l’état présent de l’espèce humaine, mais d’après son état futur, possible et meilleur, c’est-à-dire conformément à l’idée de l’humanité et à sa destination totale ».
Par ailleurs, Nelson Mandela disait que « l’État se doit d’assumer ses responsabilités et de prendre en charge les enfants, parce que l’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde ».
Madame la ministre, quelles dispositions le Gouvernement entend-il prendre afin de lutter efficacement contre cette injustice et de permettre à ces enfants de jouir du droit à la scolarité, à l’apprentissage et au développement de leur personnalité ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du logement et de l’habitat durable.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Monsieur le sénateur, votre question sur la situation des mineurs étrangers isolés et leur scolarisation est tout à fait légitime et pertinente.
Permettez-moi tout d’abord de vous assurer de l’engagement très ferme du Gouvernement à faire respecter le droit à l’éducation pour toutes et tous, quelle que soit la situation sociale des jeunes concernés, et d’autant plus lorsque ceux-ci se trouvent en grande difficulté, comme c’est le cas des mineurs étrangers isolés.
Mme la ministre de l’éducation nationale est extrêmement attentive à la situation de ces jeunes et elle a demandé à ses services de se montrer très vigilants quant à leur scolarisation, notamment quand ils ne sont plus soumis, du fait de leur âge, à l’obligation scolaire. Soyez assuré, dans cette perspective, qu’aucune demande de scolarisation ne sera laissée sans suite.
Visant le même objectif, l’ensemble des services de l’éducation nationale ont immédiatement été mobilisés après l’annonce, à l’été 2015, de l’accord de l’Union européenne sur l’accueil des migrants. Un premier plan a ainsi pu être mis en œuvre dès la dernière rentrée scolaire, ce qui a permis à la fois le recensement des capacités d’accueil en établissement scolaire et la mise en place d’un pilotage académique en lien avec les préfectures.
Les instances de coordination interministérielle dans le domaine de l’accueil des migrants ont souligné l’efficacité du dispositif ainsi mis en œuvre. Il sera prolongé par un nouveau plan élaboré ces dernières semaines, dans le cadre duquel les moyens de l’éducation nationale, ainsi que la coordination des services à l’échelon local et national, seront renforcés. Ce plan permettra de mettre en valeur les actions d’ores et déjà engagées par le ministère en faveur de la scolarisation des enfants migrants, notamment celle des mineurs étrangers isolés.
En outre, aujourd’hui, des enfants sont scolarisés, à Calais, grâce à l’action de professeurs présents sur leurs lieux de vie, ou, à Grande-Synthe, grâce à la volonté du maire de les scolariser dans les écoles de sa ville.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous menons notre action en étant conscients de la situation extraordinaire des mineurs étrangers isolés et animés par la volonté que le droit à l’éducation que nous nous attelons à défendre prenne toute son ampleur.
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Je vous remercie de cette réponse incontestablement humaniste, madame la ministre.
La question qui se pose parfois est celle de l’application des règles que le Gouvernement a fixées. Dans cette perspective, je souhaiterais que le ministère de l’éducation nationale se mette en relation avec le recteur de l’académie dont relève mon département de Loire-Atlantique pour vérifier que les règles relatives à la scolarisation de ces mineurs étrangers isolés sont bien appliquées. De mon côté, je me mettrai également en rapport avec le recteur et le préfet à cette fin. La vigilance, dans ce domaine, s’impose à tous, pour faire en sorte que le droit et la volonté du législateur soient respectés dans le pays des droits de l’homme !
fermeture d'une classe moins d'un an après son ouverture
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, auteur de la question n° 1431, adressée à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Élisabeth Lamure. Ma question porte sur la gestion des ouvertures et fermetures de classes dans l’enseignement primaire.
Selon le site du ministère de l’éducation nationale, « l’ouverture et la fermeture d’une classe, dès lors qu’elles n’entraînent pas la création ni la suppression d’une école, ne nécessitent pas de décision du conseil municipal ».
Pourtant, dans les faits, les communes sont les premières à supporter les conséquences matérielles de ces fermetures, qui sont désastreuses compte tenu des dépenses engagées pour permettre une ouverture décidée une ou deux années auparavant.
En effet, les décisions d’ouverture de classe conduisent régulièrement les communes à engager des investissements lourds pour la construction, l’agrandissement ou l’aménagement des locaux destinés à recevoir la nouvelle classe.
À l’heure où les finances des collectivités sont fragilisées par la réduction drastique des dotations de l’État, de nombreux maires émettent le souhait qu’aucune fermeture de classe n’intervienne moins de trois ans après l’ouverture de celle-ci.
La ministre de l’éducation nationale pense-t-elle que le Gouvernement puisse répondre positivement à cette demande légitime des élus locaux ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du logement et de l'habitat durable.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable. Madame la sénatrice Lamure, présenter les projets d’ouverture et de fermeture de classes comme étant presque exclusivement conditionnés aux inscriptions enregistrées dans chaque établissement scolaire est réducteur au regard des réalités du terrain et de l’action promue par le ministère.
Au niveau local, la préparation de la carte scolaire du premier degré donne lieu à une concertation étroite entre les représentants de la commune et l’inspecteur d’académie chargé d’implanter et de retirer les emplois d’enseignant, après avis du conseil départemental de l’éducation nationale.
S’agissant des seuils de nombre d’élèves retenus pour ouvrir ou fermer une classe, leur définition relève de la compétence de l’inspecteur d’académie. Elle est établie en fonction des caractéristiques des classes, des effectifs et des postes budgétaires qui lui sont délégués, après avis du comité technique paritaire départemental.
Toutefois, les inspecteurs d’académie sont incités, depuis la circulaire du 3 juillet 2003, à réunir les partenaires concernés, en sus des procédures de consultation réglementaires, afin de mettre en place des modalités de concertation et d’information plus informelles. Ainsi, tous les acteurs du premier degré sont normalement avisés bien en amont du projet de l’inspecteur d’académie et peuvent faire valoir les variables socio-économiques qui seraient de nature à modifier les prévisions.
Par ailleurs, cette même circulaire prescrit de tenir compte des perspectives pluriannuelles des situations locales.
Dans le cadre des conventions ruralité récemment signées, le Gouvernement a prévu de rappeler l’importance du contexte socio-économique pour la prise des décisions concernant la carte scolaire et entend attirer l’attention des services déconcentrés sur la nécessité d’inscrire leur action dans le cadre de schémas territoriaux pluriannuels prenant en compte ces données socio-économiques.
Vous le voyez, madame la sénatrice, bien qu’aucune règle de durée stricte d’établissement d’une classe ne soit envisagée, règle qui ne serait pas, au demeurant, adaptée au caractère évolutif des territoires, les perspectives des collectivités sont étudiées avec attention et les décisions d’ouverture et de fermeture de classes prévues au plus près des réalités du terrain.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Certes, des concertations sont menées, notamment pour l’établissement de la carte scolaire, mais vous savez bien, madame la ministre, que les maires n’ont qu’un pouvoir très limité dans ce cadre. Je regrette l’attitude trop bureaucratique de l’éducation nationale, qui ne tient pas toujours compte des réalités, en particulier celles du milieu rural. Il faut, me semble-t-il, éviter le gaspillage des deniers publics.
évolution des chiffres du chômage en haute-saône
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, auteur de la question n° 1434, adressée à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
M. Michel Raison. Ma question se veut pédagogique, et non polémique, car les statistiques cachent des situations réelles de difficulté, parfois de désespoir et parfois aussi, heureusement, d’espoir. Ces réalités m’ont motivé à siéger au sein de la commission d’enquête sénatoriale sur ce sujet.
Au cours des douze derniers mois, en Haute-Saône, on a relevé une très légère baisse du taux de chômage. Aussitôt, certains commentateurs en ont tiré la conclusion, que je juge hâtive, que la Haute-Saône irait mieux…
Quand j’analyse les chiffres, je note un écart positif entre les entrées et les sorties du chômage de trente personnes sur un an.
Au cours de l’année écoulée, les cessations d’inscription pour défaut d’actualisation ont représenté 36 % des sorties, et leur nombre a augmenté de 18 %.
Dans le même temps, les reprises d’emploi n’ont progressé que de 13,8 %, les entrées en stage ont constitué 17 % des sorties – soit une hausse de 78 % – et la mise en place du plan « 500 000 formations supplémentaires » risque de fausser encore un peu plus les chiffres retraçant la réalité douloureuse du chômage.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous, pour le département de la Haute-Saône, me détailler la catégorie des cessations d’inscription par motif ? Pouvez-vous me donner les chiffres concernant cette catégorie et leur évolution depuis quatre ans ? Pouvez-vous me dire si la légère évolution positive de la situation de l’emploi est due à des reprises d’emploi ou simplement à des départs à la retraite ou, plus grave encore, à la fuite d’actifs vers d’autres bassins ?
Brandir des chiffres sans les accompagner d’une analyse peut permettre un affichage qui ne reflète pas forcément la réalité de la situation de l’emploi. Quel que soit le gouvernement en place, les Français ont besoin de vérité, de transparence. Les dirigeants, les services de l’État et des collectivités ont besoin d’analyses précises, en phase avec la vraie vie, afin de pouvoir apporter de vraies solutions.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Pour vous répondre, monsieur le sénateur Michel Raison, je vais donc expliciter les chiffres que vous avez cités, montrant une réduction du nombre de demandeurs d’emploi dans le département de la Haute-Saône.
La baisse atteint 5,2 % sur un an pour les demandeurs d’emploi sans activité inscrits en catégorie A, alors qu’elle s’établit à 1 % au niveau national. Si l’on prend également en compte l’évolution du nombre de demandeurs d’emploi en activité réduite, la baisse est de 3,4 % en Haute-Saône sur un an, contre 0,4 % au niveau national.
Votre département, monsieur le sénateur, affiche donc, au regard des indicateurs nationaux, des résultats traduisant une situation plus favorable.
Vous avez mentionné le plan « 500 000 formations supplémentaires ». Celui-ci se décline dans les territoires, l’objectif étant d’adapter la formation aux profils réclamés par les entreprises qui créent de l’activité et des emplois. Il s’agit d’un élément positif, mais sa mise en place ne peut avoir eu d’incidence sur les chiffres que vous avez cités, dans la mesure où il vient d’être lancé et commence seulement à produire ses premiers résultats.
La création au niveau national de 110 000 emplois salariés marchands en 2015, après trois années de destruction nette d’emplois, témoigne d’une reprise de l’activité économique, y compris en Haute-Saône.
On constate aussi, dans votre département, que le nombre de demandeurs d’emploi de longue durée, inscrits depuis un an ou plus, a baissé de près de 4 % sur un an. Cela montre bien que des facteurs structurels sont en action, permettant à des personnes depuis longtemps éloignées de l’emploi de reprendre une activité.
Enfin, s’agissant des sorties des statistiques liées à une « cessation d’inscription pour défaut d’actualisation », nous ne disposons pas de données détaillées par territoire.
Toutefois, les résultats d’une enquête menée à l’échelle nationale montrent que 45 % des cessations d’inscription pour défaut d’actualisation correspondent en fait à des reprises d’activité non signalées à Pôle emploi. Le taux que vous mentionnez pour votre département, à savoir 36 %, est inférieur à ce chiffre national.
J’espère que ces éléments auront permis de répondre à votre question. Ils font notamment apparaître que la situation, dans votre département, est meilleure que celle que nous constatons sur l’ensemble du territoire national.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison.
M. Michel Raison. Je ne suis pas complètement convaincu par votre réponse, madame la secrétaire d’État.
Je souhaite que mon département aille mieux, mais, à l’examen, on constate que la baisse de 5,2 % du nombre des demandeurs d’emploi masque un certain nombre de réalités.
À vous entendre, à l’échelle nationale, 45 % des personnes n’étant plus inscrites à Pôle emploi pour défaut d’actualisation auraient en fait retrouvé un emploi et omis de le signaler. Cela signifie qu’il en reste tout de même encore 55 % qui se trouvent toujours sans emploi ! À cela, il faudrait ajouter les fuites d’actifs ou les départs à la retraite.
Je conserve donc des doutes quant au nombre réel de nouveaux emplois créés dans le département. Je vous remercie néanmoins, madame la secrétaire d’État, d’avoir pris la peine d’essayer de décortiquer certains chiffres…
simplifier et accélérer les procédures d'asile
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, auteur de la question n° 1421, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Vial. La situation des réfugiés en provenance de la Méditerranée et du Moyen-Orient est devenue un sujet d’actualité européen majeur, avec un accroissement de son intensité ces deux dernières années, lié à l’aggravation du conflit syrien et des conditions de vie et de sécurité des réfugiés dans les pays d’accueil limitrophes : Jordanie, Liban et Turquie.
En réalité, on peut parler de deux flux de réfugiés : celui, régulier, lié au processus traditionnel des procédures d’asile, et celui des personnes qui, du fait des circonstances de guerre, rejoignent l’Europe dans des conditions humanitaires et de sécurité fortement dépendantes des réseaux de passeurs se nourrissant du chaos et – pourquoi ne pas le dire ? – du laisser-faire de certains États, voire de l’inertie des instances internationales.
Les récents accords passés entre l’Union européenne et la Turquie ont contribué, au moins dans un premier temps, à réduire fortement le flux des réfugiés. Ils devraient permettre de mieux contrôler et accompagner ce dernier, même si leur succès dépendra des moyens et de la détermination des pays concernés, l’attitude de certains d’entre eux soulevant, aujourd'hui, de réelles interrogations.
En revanche, restent entières les difficultés, qui n’ont cessé d’augmenter avec le temps, liées à la régularisation de la situation des réfugiés, notamment syriens. En effet, si la procédure d’asile leur est largement ouverte, elle est, compte tenu du contexte, de plus en plus difficile à mettre en œuvre.
La complexité et la lourdeur des procédures, ainsi que les conditions d’instruction des dossiers, du fait de la fermeture de la représentation française en Syrie, accroissent les difficultés et les dangers pour les personnes demandant l’asile.
Conscient de ces difficultés, M. le ministre de l’intérieur, lors de son audition au Sénat au mois d’octobre dernier, s’était engagé à améliorer le traitement des demandes en prenant les dispositions réglementaires nécessaires.
Compte tenu de l’aggravation de la situation des réfugiés se trouvant en Jordanie, au Liban et en Turquie, le Gouvernement peut-il confirmer sa volonté de faciliter la régularisation de l’instruction des demandes de droit d’asile, notamment pour les Syriens, en s’engageant à prendre les mesures réglementaires nécessaires à la simplification des démarches, sans oublier le nécessaire renforcement des moyens humains des consulats, à hauteur d’au moins quinze agents selon le ministre des affaires étrangères lui-même ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Je vous prie tout d’abord, monsieur le sénateur Vial, de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’intérieur.
Comme vous l’avez indiqué, le conflit syrien a provoqué des déplacements importants de population : 4 millions de personnes sont concernées.
Devant cet afflux de réfugiés, la France s’est mobilisée.
Nous apportons tout d’abord notre soutien aux organisations internationales, aux agences de l’Organisation des Nations unies et aux pays voisins : Jordanie, Liban et Turquie.
Cet engagement s’exprime aussi au travers des mesures prises pour accueillir les réfugiés sur le territoire national. Si elle est convaincue de la nécessité de contrôler rigoureusement les frontières extérieures, la France est néanmoins impliquée dans des programmes de réinstallation et d’admission humanitaire.
Nous nous sommes ainsi engagés, à la fin de l’année 2013, à mettre en œuvre un programme d’accueil de 500 Syriens en 2014, engagement qui a été renouvelé en 2015.
Aujourd’hui, ces efforts sont amplifiés. Plus de 10 000 Syriens seront accueillis d’ici à la fin de 2017. Il s’agit de tirer les conséquences, à la fois, des conclusions du Conseil européen de juillet 2015 avec l’accueil de 2 375 réfugiés syriens, de l’application de la déclaration entre l’Union européenne et la Turquie, qui pourra conduire à réinstaller 6 000 Syriens, et d’un engagement national envers le Liban, portant sur 2 000 Syriens.
Toutes les personnes admises dans le cadre de cette opération bénéficieront de la protection internationale, d’un titre de séjour durable et d’un accompagnement social personnalisé destiné à faciliter leur intégration.
Parallèlement, la France entend maintenir ce qui constitue une de ses spécificités, à savoir le visa au titre de l’asile. Celui-ci permet de prendre en compte la situation de personnes ayant besoin de protection, qui soit ont témoigné d’un engagement en faveur de la liberté, soit sont particulièrement menacées.
Depuis 2013, près de 2 900 visas au titre de l’asile ont été délivrés à des ressortissants syriens, et 1 500 devraient l’être en 2016. Un effort particulier sera également consenti, en 2016, en faveur des étudiants syriens.
Ce même dispositif de visas au titre de l’asile est appliqué depuis l’été 2014 au bénéfice de ressortissants irakiens ayant subi, notamment, des violences perpétrées par les groupes djihadistes, les ayant contraints à l’exode vers le Kurdistan irakien. Il a permis l’accueil en France de près de 3 800 personnes et sera maintenu.
Les préoccupations que votre assemblée avait exprimées, lors de l’audition du ministre de l’intérieur, le 13 octobre 2015, concernant les procédures de délivrance des visas ont été entendues. Les effectifs des postes consulaires en Irak, en Jordanie, au Liban et en Turquie sont renforcés pour permettre un traitement plus rapide des demandes et les critères de délivrance des visas ont été clarifiés.
Dans le contexte migratoire difficile que nous connaissons aujourd’hui, qui appelle à la plus grande vigilance, ces mesures témoignent de la fidélité de notre pays à l’exigence de protection des personnes fuyant les violences et les persécutions.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Je vous remercie de ces éléments de réponse, madame la secrétaire d’État.
Il convient de saluer les efforts faits par la France dans le cadre du programme de réinstallation.
Concernant l’accord passé entre l’Union européenne et la Turquie, nous sommes plutôt dans l’expectative, même si l’on nous affirme que sa mise en œuvre se passe bien.
S’agissant du dispositif de visas au titre de l’asile, vous m’avez apporté une réponse partielle, madame la secrétaire d’État. Je connais et salue le travail réalisé par les services du ministère de l’intérieur, mais 2 900 régularisations dans le cadre de cette procédure, c’est relativement peu au regard de l’ampleur de la situation. Je me permets d’insister sur le fait que la procédure d’asile offre à notre pays, pour l’examen des dossiers, une bien plus grande sécurité que les autres voies, notamment le programme de réinstallation.
avenir des migrants accueillis dans les communes
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud, auteur de la question n° 1433, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
Mme Christine Prunaud. J’attire l’attention du Gouvernement, madame la secrétaire d’État, sur les conditions d’accueil des migrants en provenance de Calais dans les communes de nos territoires.
En novembre 2015, la commune de Langueux, dans les Côtes-d’Armor, a accueilli, à la demande du préfet, des migrants d’origine afghane.
À ces migrants, à qui avait été promis un accueil, une « mise à l’abri », la commune entendait bien assurer des conditions de vie construites sur l’humanité et le respect, malgré les contestations répétées et tenaces du Front national départemental.
Ces personnes ont été très bien accueillies dans un centre de formation dépendant de l’Association pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, mais assurer la gestion administrative, le gîte et le couvert semblait être le seul objectif des services de l’État. Cette ambition est jugée insuffisante par la municipalité, aidée et soutenue par un collectif constitué de nombreux bénévoles et d’associations caritatives.
Ceux-ci ont donc dû trouver seuls, par exemple, un médecin prêt à intervenir à titre gracieux et deux infirmières, faute de soutien appuyé de l’agence régionale de santé. Ils ont proposé des cours de français et la participation à des initiatives sportives et culturelles, qui furent autant d’occasions d’échanges fructueux avec la population.
Loin de regretter cet investissement humain, la municipalité souhaite pouvoir élargir encore les possibilités en matière de logement ou de formation et assurer une assistance médicale réelle, afin de permettre un accompagnement sur la durée, ouvrant des perspectives à ces migrants.
Poursuivre ces actions avec davantage de moyens et de soutien de l’État, tel est le souhait de la municipalité et des bénévoles.
Mme la maire de Langueux voudrait donc savoir dans quelle mesure il serait possible – même à titre expérimental, dit-elle – de permettre à ce projet véritablement humain, concernant de sept à quinze jeunes célibataires afghans, de se poursuivre. Ce serait une façon, pour notre pays, de mettre davantage en pratique cette valeur fondamentale de la République qu’est la fraternité.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Je vous prie, madame la sénatrice, de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’intérieur, qui m’a demandé de vous répondre et de remercier en son nom l’ensemble des acteurs locaux – élus ou associations – qui s’engagent dans l’accueil de migrants en provenance du Calaisis et du Dunkerquois.
M. le ministre de l’intérieur souhaite également mettre en exergue le soin exemplaire qui a été porté à la création du centre d’accueil et d’orientation de Langueux. Il y a là, pour cette commune, ses élus, ses associations et ses habitants, un motif légitime de fierté.
Entre le 12 novembre 2015 et le 31 mars 2016, date de sa fermeture, le CAO de Langueux a accueilli dix personnes. Sept d’entre elles ont pu déposer leur demande d’asile et être orientées vers des hébergements dédiés ; une autre a bénéficié d’une aide au retour volontaire.
Le CAO a complètement rempli sa mission, à savoir offrir aux migrants installés dans les campements de Calais et de Dunkerque, dans des conditions très dégradées, un temps de répit pour repenser leur projet. L’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, est étroitement associé au fonctionnement de ces centres.
L’hébergement proposé est temporaire, l’accompagnement spécifique et encadré par des travailleurs sociaux expérimentés dans le domaine de l’asile. Le demandeur bénéficie d’une aide à l’ouverture de ses droits sociaux, à l’élaboration des dossiers de demande d’asile et à la scolarisation des enfants. En outre, dès l’octroi de la protection, la personne reconnue réfugiée est invitée à signer le contrat d’intégration républicaine prévu par la loi du 7 mars 2016. Ce contrat permet de bénéficier de formations prises en charge par l’État.
Ce dernier prend ainsi toute sa part dans l’accompagnement des demandeurs d’asile et des réfugiés, mais la mobilisation de la société civile, des associations, des bénévoles constitue un élément complémentaire, essentiel pour assurer le bon accueil de ces personnes.
Dans ce cadre, le ministre de l’intérieur reçoit favorablement la poursuite des actions d’accueil et d’accompagnement des personnes migrantes que vous proposez, madame la sénatrice. Elles pourraient être avantageusement réorientées vers les personnes déjà reconnues réfugiées, ayant vocation à s’installer durablement en France.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Votre réponse, madame la secrétaire d’État, me satisfait presque entièrement. J’en rendrai compte à Mme la maire de Langueux et aux bénévoles impliqués dans ce projet. Si les communes et la société civile doivent jouer leur rôle, nous souhaitons aussi que l’État prenne pleinement ses responsabilités. Vous me communiquez ce matin des éléments dont je n’avais pas connaissance.
répartition du produit des amendes de police
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, auteur de la question n° 1419, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Patrick Chaize. Monsieur le secrétaire d'État, j’appelle votre attention sur le produit des amendes de police relatives à la circulation routière, que l’État rétrocède aux communes et à leurs groupements, en vertu de l’article L. 2334-24 du code général des collectivités territoriales.
Ce produit, dont la répartition est proportionnelle au nombre de contraventions dressées l’année précédente sur le territoire concerné, est destiné à contribuer à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité ou de la circulation routière.
L’exigence de réduction des dépenses, la solidarité territoriale, la recherche d’une action plus performante et plus efficiente en matière de sécurité publique amènent de plus en plus de communes à mettre en place une police intercommunale, voire pluricommunale, en application de l’article L. 512-1 du code de la sécurité intérieure.
Cette forme de mutualisation requiert la mise en œuvre de moyens financiers, dont le produit des amendes de police peut constituer une source.
Si cette dotation est directement attribuée aux communes et groupements de plus de 10 000 habitants, elle est, en revanche, versée aux conseils départementaux pour les communes et groupements dont la population est inférieure à 10 000 habitants.
L’abaissement dudit seuil à 5 000 habitants pour les groupements de communes formant un ensemble dans le cadre spécifique d’une démarche d’amélioration de la qualité du service rendu à la population en matière de sécurité locale, via la mise en œuvre d’une police pluricommunale, serait une mesure juste. Il leur permettrait, en effet, de prétendre de manière directe aux sommes allouées au titre de la répartition du produit des amendes de police et de les affecter au financement des besoins et actions associés sur leur propre territoire.
Monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais connaître la position du Gouvernement à cet égard.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la réforme de l'État et de la simplification.
M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Monsieur le sénateur Patrick Chaize, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’intérieur.
L’article L. 2334-24 du code général des collectivités territoriales prévoit que l’État rétrocède aux communes et à leurs groupements le produit effectivement recouvré des amendes de police – de circulation, de stationnement et une fraction des amendes radar – dressées sur leur territoire.
Les communes et groupements de plus de 10 000 habitants perçoivent directement le produit des amendes de police, au prorata du nombre d’amendes dressées sur leur territoire. Les communes et groupements de moins de 10 000 habitants le perçoivent de manière indirecte au travers d’une enveloppe départementale calculée sur la base du nombre des contraventions dressées sur leur territoire.
Le mécanisme en vigueur permet d’assurer une redistribution équitable du produit des amendes. En effet, la mutualisation du produit revenant aux communes et groupements de moins de 10 000 habitants au niveau des conseils départementaux permet aux plus petites communes de voir la réalisation d’opérations de sécurisation sur leur territoire, alors même qu’elles n’auraient pas disposé de financements suffisants si un retour direct du produit des amendes était opéré.
Les conseils départementaux sont apparus comme l’échelon le plus adapté pour déterminer les travaux à réaliser en matière de voirie ou de sécurité routière sur le plan local, tout en attribuant des subventions d’un montant suffisant pour avoir un impact réel sur les projets d’amélioration de la sécurité routière, dans une logique d’effet de levier.
Il convient par ailleurs de préciser que seules les opérations destinées à améliorer les transports en commun et la circulation peuvent faire l’objet d’un financement. L’emploi du produit des amendes de police ne saurait être étendu au financement spécifique de la police municipale. La redistribution aux collectivités locales des recettes encaissées au titre des amendes de police a en effet pour objectif principal l’amélioration de la sécurité des usagers de la route, et non la compensation des frais associés à la gestion de la circulation et du stationnement.
Pour ces différentes raisons, monsieur le sénateur, il n’est donc pas envisagé d’étendre les modalités de répartition du produit des amendes de police prévues pour les communes de plus de 10 000 habitants aux communes et groupements de plus de 5 000 habitants.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. C’est tout à fait regrettable, monsieur le secrétaire d’État. Nous sommes à l’heure des mutualisations, des regroupements, de l’économie globale et de l’efficacité : l’abaissement du seuil de population à 5 000 habitants favoriserait la mise en place de polices pluricommunales.
Par ailleurs, il convient de mettre un terme à une inégalité entre les communes et groupements de plus de 10 000 habitants, qui perçoivent directement le produit des amendes de police et peuvent l’affecter au fonctionnement de leur police, et les collectivités moins peuplées, qui n’ont pas cette possibilité. La réflexion doit être approfondie, en vue de favoriser la mutualisation.
nuisances aériennes affectant le parc naturel régional du luberon
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la question n° 1472, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité.
M. Jean-Yves Roux. Élu de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, je tiens tout d’abord à adresser toutes mes pensées et à faire part de ma profonde compassion à toutes celles et à tous ceux qui ont perdu des proches lors de l’attentat de Nice.
Ma question, monsieur le secrétaire d'État, concerne les nuisances aériennes constatées au-dessus du parc naturel régional du Luberon. Celui-ci, le plus peuplé des parcs naturels régionaux de France, s’étend sur les départements de Vaucluse et des Alpes-de-Haute-Provence. Il est un site remarqué et remarquable pour ses zones « de nature et de silence ». Il est également la seconde réserve de biosphère de l’Hexagone et fait à ce titre le bonheur des touristes et des habitants, qui profitent d’un environnement exceptionnel.
Le parc naturel régional du Luberon bénéficie, depuis la fin de l’année 2015, du label « géoparc mondial » attribué par l’UNESCO. Ce label distingue 120 parcs dans le monde au titre de leurs sites et paysages de portée géologique internationale, gérés selon un principe global de protection, d’éducation, de développement durable et d’association des populations locales.
Les populations vivant dans le périmètre du parc naturel régional du Luberon et leurs élus, que je rencontre régulièrement, sont très attachés à la défense et la promotion de ce patrimoine d’intérêt mondial. Or cet environnement exceptionnel est régulièrement troublé par des exercices aériens, civils, mais surtout militaires, localisés plus particulièrement dans le sud du Luberon. Ces territoires protégés et très touristiques sont devenus le théâtre d’exercice privilégié d’aéronefs militaires venus de la base de Salon-de-Provence.
Nous comprenons la nécessité, pour les élèves pilotes, de s’exercer ; pour autant, ces exercices semblent systématiques. Ils affectent la qualité de vie et la santé des populations concernées, mais aussi toute une économie touristique.
Dans son édition de janvier 2016, le Guide du Routard « Provence » met ainsi en garde les touristes contre la survenue de ces exercices aériens susceptibles de perturber leur quête de tranquillité et leur santé.
Monsieur le secrétaire d'État, la charte fondatrice du parc naturel régional du Luberon fédère pourtant les communes membres autour de l’objectif de faire du parc un espace d’excellence en matière de qualité sonore et de repos acoustique. La charte de 2009 réaffirme quant à elle que la qualité sonore en Luberon est un atout, un facteur de croissance, ainsi qu’un critère de différenciation pour ceux qui envisagent de venir y habiter ou y développer des activités touristiques.
Monsieur le secrétaire d'État, nous venons de voter, en nouvelle lecture au Sénat, le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, texte qui fait la part belle aux parcs naturels régionaux, et des élus ont investi pour faire de la qualité de vie un facteur d’attractivité de leurs communes. Où en sont les négociations avec les différents partenaires, militaires notamment, en vue de limiter sensiblement ces nuisances sonores ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la réforme de l'État et de la simplification.
M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Monsieur le sénateur Jean-Yves Roux, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de ma collègue Barbara Pompili, retenue par d’autres obligations.
Vous interrogez le Gouvernement sur les nuisances sonores d’origine aérienne constatées dans le parc naturel régional du Luberon, magnifique site que je connais bien, en tant qu’ami de Jean-Louis Joseph !
Le territoire du parc naturel régional du Luberon est inclus dans un espace aérien où les aéronefs civils et militaires sont autorisés à pénétrer sous conditions et où la voltige civile n’est pas autorisée.
Les parcs régionaux représentent 15 % du territoire métropolitain. Leur activité repose sur des mesures contractuelles avec le territoire. Leur survol n’est réglementé ni par le code de l’environnement ni par les chartes de parc. Le parc du Luberon n’a donc pas la compétence juridique pour interdire les activités de survol de loisir ou de voltige.
Toutefois, les parcs régionaux prennent des initiatives visant à réduire les nuisances dues au survol aérien. À cette fin, ils s’appuient sur le dialogue. Ainsi, la charte du parc naturel régional du Luberon, adoptée le 20 mai 2009, prévoit un renforcement de la concertation. Elle comprend également des recommandations, comme la limitation des déposes touristiques par hélicoptère dans les zones de nature et de silence. Dans ce contexte, plusieurs réunions ont été organisées avec les parties prenantes. Elles ont abouti à des résultats positifs depuis 2015, à l’exemple de la réduction de la fréquence et des axes de vols militaires depuis la base aérienne de Salon-de-Provence. Celle-ci s’est ainsi engagée à cesser toute activité de mi-juillet à mi-août.
De même, les services locaux de l’aviation civile restent très vigilants. Ils ont engagé une démarche de sensibilisation des usagers civils, qu’ils incitent à participer aux efforts de réduction des désagréments subis par les populations, en choisissant par exemple les hauteurs de vol les moins gênantes possible.
Par ailleurs, depuis plusieurs années, un mécanisme de subvention peut aider les aéroclubs et les associations aéronautiques à acquérir des équipements atténuateurs de bruit.
Enfin, s’agissant de la voltige civile, l’axe situé en périphérie sud du parc, dans une zone peu urbanisée, fait l’objet de restrictions de circulation élargies en 2016 : entre le 1er mai et le 15 octobre, son survol est interdit pendant les périodes les plus sensibles des jours de fin de semaine, c’est-à-dire de midi à quatorze heures trente les samedis, dimanches et jours fériés. Ces actions réduisent les nuisances ressenties.
En conclusion, ces actions, qui s’appuient sur le dialogue, doivent être poursuivies et approfondies avec détermination pour produire des effets encore plus satisfaisants pour l’ensemble des usagers.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le secrétaire d'État. Cette question est abordée depuis près de dix ans par tous les élus de nos deux départements. Des pétitions sont lancées régulièrement. J’espère que des négociations pourront enfin aboutir à des résultats très concrètement constatables par les habitants.
Je compte bien que la mise en œuvre de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages donne un nouvel élan à une cohabitation pacifiée et n’instaure pas des objectifs publics contradictoires.
naturoptère de sérignan-du-comtat dans le vaucluse
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Dufaut, auteur de la question n° 1389, adressée à Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
M. Alain Dufaut. Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer était invitée le 11 octobre 2015 à Sérignan-du-Comtat, en Vaucluse, pour célébrer le centenaire de la mort de Jean-Henri Fabre, entomologiste de renom, mais elle a, hélas ! annulé au dernier moment sa venue.
Les souvenirs entomologiques de ce savant – livres et aquarelles – se trouvent actuellement à l’Harmas, classé au titre des monuments historiques et propriété du Muséum national d’histoire naturelle. En 2010, le Naturoptère, centre culturel et pédagogique moderne, a été construit, avec l’aide du conseil général de Vaucluse, pour compléter l’Harmas et établir un pont de connaissances entomologiques entre les XIXe et XXIe siècles.
Ce centre, qui connaît un vif succès auprès des scolaires de la région PACA, est entièrement à la charge de la commune de Sérignan-du-Comtat et les dépenses y afférentes sont, d’année en année, de plus en plus lourdes pour cette petite commune du Vaucluse de seulement 2 500 habitants.
En outre, les relations entre les deux sites, l’Harmas et le Naturoptère, pourtant complémentaires, sont difficiles à établir. En effet, le Muséum national d’histoire naturelle est actuellement en profonde réorganisation, conformément aux statuts rénovés de l’institution, et sa situation budgétaire reste extrêmement fragile.
Devant cette situation, les élus de la commune de Sérignan-du-Comtat avaient envisagé la création d’un établissement public de coopération culturelle « Naturoptère » avec l’Harmas. Malheureusement, le Muséum national d’histoire naturelle a refusé cette formule et la mairie de Sérignan-du-Comtat a dû rechercher d’autres solutions.
Désormais, c’est l’université populaire du Ventoux qui « piloterait » le Naturoptère et soulagerait doublement la commune de Sérignan-du-Comtat, d’une part en récupérant certains postes d’animateur du Naturoptère, d’autre part en faisant transiter annuellement 250 000 euros de frais de fonctionnement par le biais de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.
De plus, le 22 avril dernier, le préfet de Vaucluse a organisé une réunion en préfecture sur le devenir du Naturoptère avec toutes les collectivités territoriales concernées ; j’y ai participé.
Si tout le monde considère que cette structure scientifique et culturelle dispense des enseignements de grande qualité, les collectivités territoriales – conseil régional, conseil départemental, établissement public de coopération intercommunale – attendent de connaître la position définitive de l’État pour s’engager sur une aide financière concrète. D’ailleurs, une réunion consacrée spécifiquement au Naturoptère aura lieu dans deux jours avec l’EPCI concerné.
Monsieur le secrétaire d'État, il est essentiel que l’État puisse soutenir ce projet afin d’éviter une fermeture éventuelle en 2017 ; il y va de la survie du Naturoptère. Quelle est la position du Gouvernement sur ce dossier ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la réforme de l'État et de la simplification.
M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Monsieur le sénateur Alain Dufaut, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de ma collègue Ségolène Royal, retenue par des obligations prévues de longue date.
Vous l’avez rappelé, l’Harmas Jean-Henri Fabre est le domaine que ce naturaliste a occupé entre 1879 et 1915. Jean-Henri Fabre a légué ce domaine au Muséum national d’histoire naturelle en 1922. Il est la première maison de naturaliste rénovée en France et a été labellisé « maison des illustres » en 2011. Il bénéficie de la renommée mondiale de Jean-Henri Fabre, que Darwin considérait comme le père de l’éthologie entomologique.
Rénové entre 2000 et 2005 par le Muséum national d’histoire naturelle, pour un coût de 1,5 million d’euros, l’Harmas a rouvert ses portes au public en mai 2006. Il est depuis lors ouvert sept mois par an et reçoit en moyenne 8 300 visiteurs chaque année, pour une recette moyenne de 38 000 euros.
Le Naturoptère a été conçu comme un établissement complémentaire de l’Harmas, mais adapté aux exigences actuelles d’accueil des publics, en particulier scolaires.
Cette structure, d’un coût global de 4 millions d’euros, a été réalisée grâce aux financements du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur – 1,5 million d’euros –, du conseil général de Vaucluse – 1,5 million d’euros – et de la commune de Sérignan-du-Comtat –1 million d’euros.
La commune gère seule l’établissement, ouvert toute l’année depuis 2010. Sa fréquentation devait être à court terme de 30 000 visiteurs par an ; en 2015, après cinq ans d’exercice, la fréquentation annoncée est de 18 000 entrées et activités sur site ou extérieures au site, à savoir au sein des écoles. Son déficit est d’environ 300 000 euros par an depuis l’ouverture. Le déficit cumulé atteint à ce jour 1,5 million d’euros.
Des collaborations ont été mises en place par les directions des deux structures dès l’automne 2009. Mais, compte tenu de la proximité des deux sites, éloignés de tout centre d’activité et mal desservis, les prévisions de fréquentation du Naturoptère avaient été manifestement trop optimistes, et faire reposer le fonctionnement de cette structure sur une seule commune de 2 500 habitants apparaît comme un choix pour le moins surprenant.
Un comité scientifique du Naturoptère a été constitué, qui ne s’est réuni qu’une fois en mars 2014, sous la présidence de la préfecture de Vaucluse. Ce comité a souligné que la présentation scolaire du Naturoptère était peu attractive pour le grand public. Le Naturoptère a maintenu son action en faveur des scolaires, tout en enregistrant une baisse régulière de la fréquentation scolaire, y compris en 2015, bien que ce soit l’année du centième anniversaire de la disparition de Jean-Henri Fabre.
En juillet 2014, le préfet de Vaucluse a réuni l’ensemble des partenaires, dont les nouveaux élus de Sérignan-du-Comtat. Il a été proposé la création d’un établissement public de coopération culturelle entre le département, la région, l’académie et le Muséum. Aucun partenaire n’a souhaité s’engager sur le financement de son fonctionnement. Le conseil régional et le conseil départemental ont rappelé qu’ils avaient participé à l’investissement, mais n’avaient pas vocation à contribuer au fonctionnement ; le Muséum, quant à lui, qui a pleinement rempli ses obligations et emploie six personnes sur le site, n’est pas en mesure d’apporter un financement supplémentaire.
Confronté au déficit chronique du Naturoptère, le conseil municipal a décidé, le 17 mai 2016, de fermer l’établissement au 31 décembre 2016 « si aucune autre solution de portage n’a été trouvée à cette échéance ».
Comme vous, je suis choqué qu’un établissement ayant mobilisé de l’argent public en provenance du département, de la région et de la commune puisse ainsi fermer ses portes, d’autant que sa vocation est de contribuer à une mission importante, celle de l’éducation et de l’information du public sur la biodiversité.
Malheureusement, ce projet a été lancé au niveau local, pratiquement sans intervention de l’État. Il semble donc au Gouvernement qu’il appartient aux collectivités locales de reprendre en main la gestion de cet établissement, en parfaite coordination avec le Muséum national d’histoire naturelle, qui a toujours été coopératif et continuera à l’être.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse me déçoit quelque peu. Certes, il est évident que le Muséum national d’histoire naturelle, dans sa situation actuelle, ne peut pas aider plus qu’il ne le fait déjà, même si la proximité des deux sites du Naturoptère et de l’Harmas devrait inciter à l’organisation de visites communes et à la mise en place d’une billetterie commune. Toujours est-il que tel n’est pas le cas.
Je suis d’accord avec vous, monsieur le secrétaire d'État : les collectivités locales auraient sans doute dû, dès l’origine, faire davantage appel à des financements extérieurs, notamment à la contribution de l’État. Il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas envisageable de fermer cet équipement d’une qualité exceptionnelle, parce qu’il a été financé intégralement par de l’argent public et qu’il connaît un succès réel sur le terrain !
Je regrette que Mme la ministre n’ait pas pu venir sur place. Monsieur le secrétaire d'État, si d’aventure, comme beaucoup de vos collègues du Gouvernement, vous vous rendez au festival d’Avignon, passez une heure à Sérignan-du-Comtat ! Je vous y recevrai avec le maire, et vous constaterez par vous-même la qualité pédagogique de cet outil, qui apprend la nature et sa protection aux scolaires. Cela ne peut pas se terminer ainsi !
4
Nomination de membres de deux organismes extraparlementaires
Mme la présidente. Je rappelle que la commission des affaires économiques a proposé des candidatures pour deux organismes extraparlementaires.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame : M. Daniel Dubois membre du conseil d’administration du Fonds national des aides à la pierre ; Mme Valérie Létard membre titulaire et M. Franck Montaugé membre suppléant du conseil d’administration de l’Agence nationale de l’habitat.
5
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 19 juillet 2016.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
6
Hommage aux victimes d’un attentat à Nice
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de citer des paroles prononcées le 8 mars 1918 par Georges Clemenceau devant le Parlement. (Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
« Toute ma politique tend à un seul but : maintenir le moral du peuple français à travers une crise qui est la pire de toute son histoire.
« Parmi nos actes, quels qu’ils soient, je vous défie d’en trouver un qui ne soit inspiré de cette unique pensée : sauvegarder l’intégrité de l’héroïque moral du peuple français. » Des mots à méditer et à partager…
Après la tragédie de Nice, nous avons été nombreux hier, salle des conférences, à rendre hommage avec émotion aux victimes de ce qui aurait dû être uniquement un temps d’unité nationale et de valeurs partagées, le 14 juillet.
Depuis janvier 2015, notre peuple, face au terrorisme islamiste, a su rester debout en se rassemblant autour de la République.
Aujourd’hui, plus encore qu’hier, il attend du pouvoir exécutif comme du pouvoir législatif une détermination dans les combats qu’il nous revient de mener à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières.
Notre seule volonté doit être l’efficacité dans la lutte contre ce terrorisme et l’efficacité dans la protection de nos concitoyens.
Face à cette guerre, face à la volonté de diviser notre nation par cette violence, ne cédons jamais.
La prolongation et le renforcement de l’état d’urgence ne sont qu’un moyen. Il faut plus encore affronter, plus encore agir, dans le respect de notre État de droit.
Soyons déterminés, c’est notre responsabilité !
Madame la ministre, mes chers collègues, je vous propose maintenant d’observer un moment de recueillement à la mémoire des victimes. (Mme la ministre, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)
7
Travail, dialogue social et parcours professionnels
Rejet en nouvelle lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, en nouvelle lecture, relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (projet n° 771, résultat des travaux de la commission n° 791, rapport n° 790).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je viens une nouvelle fois m’exprimer devant le Sénat avec une ambition intacte : présenter, au nom du Gouvernement, un texte de progrès, utile à notre économie, utile à nos concitoyens ; engager une fois encore avec vous un débat franc, exigeant et constructif, affranchi de certaines postures aussi convenues que stériles.
Je suis bien placée pour savoir que la période dont nous sortons n’a pas été un long fleuve tranquille ; elle a été marquée par de fortes crispations, et même des violences, dont je veux redire ici qu’elles sont inacceptables et face auxquelles tous les républicains doivent se montrer fermes et soudés.
Toutefois, cette fermeté ne peut pas, ne doit pas confiner à l’intransigeance. C’est pourquoi, en tant que ministre du dialogue social, j’ai œuvré, tout au long de ces dernières semaines, pour rechercher toujours, avec tous mes interlocuteurs, le compromis le plus abouti. Tout au long de ces dernières semaines, le Gouvernement a consulté largement les organisations syndicales, patronales et de jeunesse.
J’ai pris l’initiative, le mois dernier, de lancer une nouvelle discussion avec les syndicats, marquée par un fait nouveau : le souhait de la CGT de renouer le dialogue. Je précise qu’avec tous les autres syndicats, y compris Force ouvrière, le contact a toujours été maintenu, et que tous ont fait montre d’ouverture ; je profite également de cette occasion pour saluer le courage des syndicats dits « réformistes », qui se sont fortement impliqués, tout au long de ces semaines, pour consolider le compromis que nous avons trouvé ensemble et défendre les avancées contenues dans ce texte.
Les échanges, menés jusqu’au bout, ont conduit le Gouvernement à proposer de nouvelles évolutions pour trouver le meilleur équilibre possible ; j’y reviendrai. Mais dialoguer, négocier ne veut pas dire forcément s’accorder en tout point : des divergences existaient, qui perdurent aujourd’hui.
Si des divergences traversent le champ syndical, force est de constater que l’examen du texte au sein de votre assemblée a aussi eu le mérite de mettre en lumière deux conceptions du monde du travail et du dialogue social bien distinctes. Je le dis l’esprit d’autant plus serein que j’ai tenu, dans mes échanges avec vous, à me départir de toute approche partisane et à me laisser guider seulement par le souci de l’intérêt général. Toutefois, l’approche gouvernementale et celle de la majorité sénatoriale sont apparues à bien des égards irréconciliables. C’est ainsi, et ceux qui nient l’existence d’un clivage entre la gauche et droite en sont pour leurs frais…
Ainsi, votre assemblée s’est d’abord empressée de mettre fin aux 35 heures, en s’attaquant fondamentalement à l’idée que, dans une société avancée, le temps social ne se résume pas à la journée de travail : cette conception néglige la vie personnelle, les loisirs, la famille ou l’engagement associatif, toutes ces aspirations de nos concitoyens qui sont aussi le socle du vivre ensemble.
Nous, non seulement nous sanctuarisons, évidemment, les 35 heures, mais nous créons aussi un droit à la déconnexion pour protéger la vie personnelle à l’heure du tout numérique.
Nous, nous créons un compte engagement citoyen pour valoriser l’activité associative de millions de Français.
Nous, nous préservons et nous améliorons les congés qu’un salarié peut prendre à l’occasion d’un mariage, d’une naissance ou d’un décès.
M. Éric Doligé. Moi président…
Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous, nous sanctuarisons le compte personnel de prévention de la pénibilité, pour que ceux qui ont eu les carrières les plus difficiles puissent, s’ils le désirent, partir plus tôt à la retraite ou être formés, parce que cela est juste. Cette avancée, certains ont souhaité la supprimer : nous ne pouvons souscrire à cette vision.
La majorité sénatoriale a souhaité promouvoir une vision très singulière du dialogue social, avec par exemple le référendum d’entreprise à la main de l’employeur, comme si le meilleur dialogue social était tout simplement celui qui permettait de se passer des partenaires sociaux.
Nous, nous soutenons les syndicats et augmentons de 20 % leurs moyens ; ce soutien, la majorité sénatoriale l’a également rejeté !
Nous, nous maintenons les seuils sociaux, pour garantir une représentation des salariés dans les entreprises de plus de 11 salariés. Cette protection, la droite sénatoriale l’a encore supprimée…
Votre version du texte, pardonnez-moi de le rappeler, c’est aussi la suppression de la garantie jeunes, pour nos concitoyens de moins de vingt-six ans sans emploi, sans formation et en situation de précarité. Alors même que les premiers retours d’expérience sont très encourageants, pour certains d’entre vous solidarité ne peut que rimer avec assistanat.
Nous, nous créons le compte personnel d’activité pour que chacun bénéficie de sécurités renforcées dans un monde en mouvement et puisse être acteur de son propre parcours professionnel.
Nous, nous créons, avec Clotilde Valter, le droit universel à la formation !
Nous, nous créons des droits nouveaux pour les collaborateurs de plateformes numériques.
Oui, je l’assume, nos visions de la société divergent profondément, et les projets présidentiels de vos candidats à la primaire l’illustreront chaque jour davantage au cours des prochains mois.
Cependant, l’expression de nos divergences ne m’a jamais fait basculer dans le sectarisme. Je veux ici saluer de nouveau le travail tout à fait important des trois rapporteurs, MM. Lemoyne, Gabouty et Forissier.
Parce que ce travail méritait considération, j’ai cherché à argumenter sur chacun des amendements que vous avez présentés, durant nos quatre-vingts heures de débat en séance publique. J’ai toujours veillé à faire preuve de la plus grande ouverture lorsque les propositions et les idées émanant de vos travées permettaient d’enrichir notre texte tout en conservant sa philosophie profonde.
Vous dites, et vous allez dire une nouvelle fois en défendant la motion tendant à opposer la question préalable, dans quelques instants, que l’apport du Sénat a disparu. Ce n’est pas vrai.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur de la commission des affaires sociales. Il a fondu !
Mme Myriam El Khomri, ministre. J’en veux pour preuve les améliorations que nos débats ont permis de trouver, notamment sur les questions de handicap. Nous partageons tous, j’en suis convaincue, cette priorité.
Des améliorations ont également été apportées en matière de groupements d’employeurs, de travail détaché, de culture du dialogue social. Sur tous ces thèmes, je vous suis reconnaissante d’avoir contribué à l’enrichissement de notre texte.
Je veux, à ce stade, saluer, plus largement, l’implication de l’ensemble des groupes politiques du Sénat dans l’élaboration de ce texte, singulièrement celle des groupes CRC, écologiste et du RDSE.
Enfin, un vif remerciement doit être adressé au groupe socialiste et républicain (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.),…
M. Éric Doligé. Il est tellement bon !
Mme Myriam El Khomri, ministre. … en particulier à Nicole Bricq, inlassable défenseure de ce texte (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.), qui a su argumenter avec talent et grande précision en faveur de cette réforme. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Berson. Oui, avec talent !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je remercie le président du groupe socialiste et républicain, Didier Guillaume, dont je n’oublierai pas le soutien constant dans la tempête. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Il est des présidents de groupe qui soutiennent, motivent, participent à la bataille des idées pour défendre ce qu’ils croient juste.
M. Michel Berson. Bravo, président Guillaume !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je l’ai dit et le redis ici avec détermination : entre le statu quo – dont personne ne pense qu’il est souhaitable – et certaines surenchères libérales, il existe une autre voie, celle d’un progrès négocié, qui fait confiance au terrain et aux partenaires sociaux pour trouver les compromis les plus efficaces et les plus justes.
Le triptyque fondamental de cette loi ne sera donc pas remis en cause, car c’est le socle du progrès économique, social et démocratique que nous voulons construire. De quoi s’agit-il ?
Il s’agit, tout d’abord, de renforcer la démocratie dans l’entreprise, car c’est ce qui permettra de combiner le développement de l’activité et de l’emploi et les avancées sociales pour les salariés.
Il s’agit, ensuite, de donner plus de souplesse et de visibilité à nos entreprises, en particulier aux plus petites, pour développer l’activité et l’emploi durable.
Il s’agit, enfin et surtout, d’inventer la protection sociale du XXIe siècle, en posant les bases d’une vraie sécurité sociale professionnelle.
Au cœur de nos débats, depuis des semaines, il y a la place que nous souhaitons accorder à la négociation d’entreprise. Ce débat, nous le savons, dépasse d’ailleurs largement le cadre du Parlement et traverse aussi le champ syndical. Le Président de la République l’a rappelé avec force et conviction lors de son entretien du 14 juillet dernier.
Ce débat, en réalité, rythme notre histoire depuis que, en 1982, alors que la gauche engageait son œuvre de décentralisation, Jean Auroux déclarait : « Citoyens dans la cité, les travailleurs doivent l’être aussi dans leur entreprise. »
Dans le prolongement de ces débats, certains, aujourd’hui, pour discréditer le dialogue social dans l’entreprise, ont agité un épouvantail : « l’inversion de la hiérarchie des normes ». Ce procès, je le dis avec force, est sans fondement : ce texte s’inscrit dans la continuité des lois votées depuis 1982, depuis 1998, depuis 2012, qui donnent la priorité à la proximité, à la démocratie dans l’entreprise, aux salariés et à leurs représentants !
Que disons-nous ? Que les acteurs de terrain sont les mieux placés pour négocier des accords qui tiennent compte à la fois des besoins des entreprises et des aspirations des salariés. N’est-ce pas ainsi que, déjà, nous avons procédé pour la mise en œuvre des 35 heures, en tenant compte de la réalité de chaque entreprise et des choix des partenaires sociaux ?
La loi doit protéger, évidemment, mais la loi venue d’en haut ne sait pas, ne sait plus traiter de chaque situation particulière de façon juste et efficace. Nous, parce que nous sommes réformistes, nous n’avons pas renoncé à notre ambition de changer la société. Mais, pour changer la société, plus que jamais, il faut agir par le haut et par le bas ! Nous avons décentralisé la République, avec succès ; à nous de décentraliser aussi la démocratie sociale !
Mme Nicole Bricq. Très bien !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Pour autant, le Gouvernement a entendu des questionnements sincères et l’expression de craintes de dumping social. Ces craintes, nous ne les partageons pas. Si nous avions une seule seconde considéré que ce texte pouvait encourager des pratiques de dumping social, nous ne l’aurions évidemment jamais défendu. Mais cette crainte, nous ne la prenons pas à la légère, et nous avons souhaité y répondre.
À ceux qui l’expriment, je veux d’abord dire que cette menace a été brandie chaque fois que le législateur a élargi le champ des accords d’entreprise… et qu’elle ne s’est pas concrétisée.
À ceux qui prétendent y répondre par un renforcement du rôle des branches, je dirai trois choses.
Premièrement, n’idéalisons pas la réalité actuelle des branches, car nombre d’entre elles ne fonctionnent pas bien et n’apportent pas aux salariés les garanties qu’ils sont en droit d’en attendre : quarante-deux branches fixent même des montants de rémunération inférieurs au SMIC ; il faut que chacun en ait conscience.
Deuxièmement, afin précisément de remédier au manque de dynamisme des branches, ce projet de loi tend à les renforcer, en réaffirmant leur rôle de régulation et en procédant à leur rationalisation, pour passer de 700 à 300 en quatre ans. Nous n’avons jamais opposé les différents niveaux de négociation, au contraire : accords d’entreprise, conventions collectives, code du travail doivent demeurer les piliers d’une démocratie sociale moderne, dynamique et génératrice de progrès.
Troisièmement, après le dernier tour de table avec les syndicats, organisé sous l’égide du Premier ministre le mois dernier, nous avons souhaité prendre en compte certaines considérations. C’est ainsi que nous nous sommes déclarés prêts à pousser plus loin le point d’équilibre, à travers trois nouvelles dispositions qui figurent dans la dernière version de ce projet de loi.
Il s’agit d’abord de la définition d’un ordre conventionnel de branche. Aujourd’hui, il existe des domaines où les accords de branche priment et d’autres où ce sont au contraire les accords d’entreprise qui l’emportent ; il en existe d’autres encore où aucun principe n’est fixé : pour ceux-ci, les partenaires sociaux devront se prononcer et définir les thèmes pour lesquels il ne sera pas possible de déroger aux accords de branche.
Il s’agit ensuite de conforter le principe de faveur, au niveau de la branche, sur toutes les questions de pénibilité et d’égalité professionnelle.
Nous, nous n’opposons pas souplesse et régulation : bien au contraire, nous affirmons qu’une démocratie sociale moderne et efficace avance sur ces deux jambes-là.
Enfin, une troisième disposition vise à tirer les leçons de la séquence et à garantir l’étroite association des partenaires sociaux pour la suite. Même si, je le rappelle, ces derniers ont refusé à l’automne dernier d’engager une négociation autour du rapport Combrexelle, je confierai au Haut Conseil du dialogue social, qui regroupe l’ensemble des partenaires sociaux, la tâche de formuler des propositions à la commission de refondation du code du travail. Puisque chacun admet la nécessité de faire évoluer notre législation, que chacun y contribue de façon responsable et constructive, pour aboutir d’ici à 2019, échéance prévue par ce projet de loi.
M. Roger Karoutchi. Et d’ici là ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Vous le savez, ce texte a été l’otage de considérations fort éloignées de son objet. C’est ainsi. Cela n’entame en rien ma détermination. Cela n’affaiblit en rien mes convictions. Qui peut prétendre qu’une loi qui renforce nos entreprises, qui renforce nos syndicats, qui renforce les protections des salariés, ne sert pas le progrès social ?
Nous pensons avoir recherché et trouvé, après des semaines de discussion et malgré un contexte tendu, le point d’équilibre le plus juste : celui qui respecte le compromis passé avec les syndicats dits réformistes, mais qui démontre notre volonté de tenir compte du point de vue de ceux qui ont souhaité voir réaffirmer le poids des branches.
Lorsque les débats se seront apaisés, lorsque les dispositions de ce texte seront entrées dans le quotidien des entreprises, le quotidien de nos concitoyens, lorsqu’elles auront montré quel bénéfice notre pays peut en tirer, nul doute que notre démocratie sociale aura gagné en sérénité et en efficacité.
Nous légiférons non pour nous-mêmes, mais avec comme seules boussoles l’intérêt général, l’amélioration de la vie de nos concitoyens, le redressement de notre pays, et avec à l’esprit une perspective que votre assemblée ne perd que rarement de vue : le temps long, plutôt que le vacarme du temps présent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, tout ça pour ça ! Le Gouvernement a réussi en cinq mois à faire en sorte que son texte ne satisfasse quasiment plus personne.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Il ne satisfait pas une majorité d’organisations représentatives de salariés, comme il ne satisfait pas non plus les organisations représentatives d’employeurs.
Il ne satisfait pas la droite et le centre, qui, pourtant, dès le 15 février, avaient dit leur totale disponibilité pour vous accompagner, madame la ministre, sur le chemin d’une réforme ambitieuse.
Il ne satisfait pas non plus une partie de votre majorité, qui a longuement ferraillé ici, sur les travées du groupe socialiste et républicain, mais aussi sur celles du groupe CRC ou du groupe écologiste, contre le projet de loi. Et n’essayez pas de nous faire accroire que puisque personne n’est content, c’est que vous avez trouvé le bon équilibre !
Nous allons abréger le tourment que vous faites subir au pays… En effet, les Français sont las de ces blocages, de ces troubles à répétition constatés autour des manifestations. Tout cela a une incidence négative sur notre économie, qui risque de rester à l’écart de la reprise européenne. Les images d’un véhicule de policiers attaqué ou de l’hôpital pour enfants Necker sont toujours présentes dans les esprits.
C’est pourquoi Jean-Marc Gabouty, Michel Forissier et moi-même avons proposé, lors de la réunion de la commission des affaires sociales, le rejet du présent projet de loi.
La commission a donc adopté le principe du dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable, qui vous sera présentée dans quelques instants par le président Milon.
Certes, le débat au Sénat fut approfondi. Comme le souhaitait le président Larcher, il a permis d’échanger des arguments, des idées pour tenter d’améliorer le marché du travail français.
Compte tenu de la cause pour laquelle vous étiez commise d’office, madame la ministre, vous méritez bien sûr notre respect.
Mme Nicole Bricq. Pourquoi dites-vous cela ? Mme El Khomri est ministre de la République !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Vous l’avez défendu avec dignité et courtoisie, mais il n’était pas facile de faire la pédagogie d’un texte aux équilibres imparfaits. C’était « mission impossible », pour reprendre le titre d’un film célèbre !
Mes remerciements s’adressent également à tous ceux de nos collègues qui ont pris la parole en tentant d’apporter leur part de vérité sur des sujets lourds, souvent complexes, notamment aux porte-parole des groupes, Mmes Deroche, Bricq, Laborde et Cohen, MM. Vanlerenberghe, Cadic, Desessard et Watrin.
À l’heure du bilan, en dépit de ces riches débats, je constate que les principaux apports du Sénat n’ont pas été repris par l’Assemblée nationale dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé pour la deuxième fois sa responsabilité.
Aucune des modifications apportées par le Sénat à l’article 1er n’a trouvé grâce aux yeux des députés, alors que nous avions insisté sur l’objectif de simplification poursuivi par la commission de refondation du code du travail et renforcé le contrôle du Parlement.
À l’article 2, dont nous partageons la philosophie fondée sur la subsidiarité, chère à Léon XIII comme à Pierre-Joseph Proudhon, et la primauté de l’accord d’entreprise, puisque nous en sommes à l’origine avec les lois de 2004 et de 2008, les députés ont opposé une fin de non-recevoir à nos modifications des règles de la durée légale hebdomadaire de travail introduites au travers d’un amendement signé par le président Retailleau et nombre de nos collègues.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Pourtant, il s’agissait, ni plus ni moins, de pousser jusqu’au bout la logique de l’article 2, pour laisser les acteurs sur le terrain décider de ce qui est bon pour eux.
De plus, à l’article 10, qui est en quelque sorte l’image en miroir de l’article 2, vous avez maintenu des règles de validité des accords telles que bien peu d’accords risquent de voir le jour : atteindre 50 % d’un coup d’un seul sera la plupart du temps impossible, nous ont souvent dit directeurs des ressources humaines ou partenaires sociaux. Encore une fois, tout ça pour ça… Les quelques avancées esquissées dans votre texte risquent de rester virtuelles, consignées certes au Journal officiel, mais pas mises en œuvre.
Nous avions par ailleurs aménagé les règles des accords de préservation et de développement de l’emploi pour en faire de puissants outils d’adaptation interne des entreprises. Certes, la disposition relative à la clause de retour à meilleure fortune, que nous avions introduite pour marquer notre attachement à ce que les efforts des salariés soient récompensés par le versement d’une sorte de « dividende », demeure, mais vous l’avez rendue facultative.
Au total, nous vous proposions d’agir vite et fort. C’est donc un sentiment de déception qui prévaut à la lecture du texte transmis par les députés. Nous en tirons en revanche un précieux retour d’expérience : il n’est pas besoin de lire un quelconque manuel de l’anti-réforme pour savoir ce qu’il ne faut pas faire ; il s’est écrit tout seul, au fil des semaines et des reculades.
Bref, grâce au travail approfondi qui a été mené ici, par la majorité sénatoriale dans toutes ses composantes, nous sommes prêts à proposer un nouveau contrat social au pays, qui libère les énergies et repose vraiment sur la confiance faite aux acteurs sur le terrain,…
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. … qui table sur l’alliance du capital et du travail, et non sur leur opposition,…
M. Charles Revet. Voilà !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. … qui fasse la part belle à l’association des salariés aux résultats de leur entreprise, grâce à la participation.
En résumé, un autre monde du travail est possible,…
M. Didier Guillaume. Par ordonnance !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. … et c’est nous qui vous le disons ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’analyse des modifications apportées par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture à l’ensemble du texte adopté par le Sénat, et en particulier aux articles dont j’ai eu la charge, conduit à une véritable déception.
Bien entendu, nous sommes en mesure de comprendre que le Gouvernement n’était pas prêt à retenir tous les éléments introduits par le Sénat en première lecture. Cependant, excepté quelques sujets consensuels et quelques mesures techniques, nous regrettons, dans l’esprit même du texte d’origine, que l’Assemblée nationale et son rapporteur, ainsi que le Gouvernement, n’aient pas exprimé la moindre intention de rechercher avec la Haute Assemblée l’amélioration de mesures concrètes, dans le sens de la simplification et d’une plus grande efficacité.
De ce fait, ce texte se trouve encombré de dispositions ayant une faible valeur normative, parfois confuses, souvent inutiles ou inapplicables. Il en est ainsi, notamment, de la responsabilité sociale des plateformes, du droit à la déconnexion, des règles relatives à la reconduction des contrats saisonniers et de la création d’une instance de dialogue social dans les réseaux de franchise.
En ce qui concerne le droit à la déconnexion, les députés ont réintroduit les dispositions peu normatives que nous avions supprimées. En outre, ils ont imprudemment élargi l’obligation d’élaborer une charte sur ce sujet à toutes les entreprises sans distinction de taille, y compris les très petites entreprises, les TPE.
S’agissant de la responsabilité des plateformes de mise en relation électronique à l’égard de leurs collaborateurs indépendants, les députés ont, hélas ! rétabli leur rédaction contestée tout en aménageant les règles relatives à la couverture du risque d’accident du travail. Ils ont également supprimé la disposition relative à la présomption de non-salariat pour ces travailleurs, compte tenu des difficultés juridiques qu’elle aurait entraînées, se montrant ainsi sensibles à nos arguments.
Mais c’est le rétablissement de l’instance de dialogue social du réseau de franchise qui paraît le plus incompréhensible. En effet, même si le dispositif a été aménagé en nouvelle lecture, il méconnaît toujours la nature des relations existant entre le franchiseur, les franchisés et les salariés de ceux-ci.
Nous avions également récrit les dispositions relatives au licenciement économique, dont la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale en première lecture avait fait l’objet de vives critiques de la part de la majorité des partenaires sociaux et des personnes que nous avions auditionnées. La version sénatoriale, qui visait à sécuriser juridiquement ce type de licenciement et à encadrer les recours devant le juge, a toutefois été rejetée en bloc par les députés, y compris la notion essentielle et objective de faisceau d’indices pour définir une entreprise en difficulté.
Les députés ont également repoussé deux autres de nos propositions, visant à créer un véritable rescrit social pour toutes les entreprises et à obliger les partenaires sociaux à prévoir des stipulations spécifiques en faveur des petites entreprises dans tout accord de branche, même non étendu. Je suis pourtant convaincu que les accords types négociés par les branches peuvent être un puissant levier de modernisation sociale pour les petites entreprises.
Je note à ce propos que toutes les mesures introduites au Sénat sur l’initiative de la délégation aux entreprises ont été rejetées par l’Assemblée nationale : à ce point, il s’agit non plus d’une différence politique, mais d’une différence de culture, qui témoigne d’une véritable déconnexion entre la gauche gouvernementale et le monde de l’entreprise.
Pour ce qui concerne la médecine du travail, les députés ont fait leur notre souci de rationaliser les visites des salariés en contrats courts, d’améliorer le suivi des travailleurs de nuit et de maintenir les règles de gouvernance actuelles des services de santé au travail.
Néanmoins, ces avancées ne sauraient masquer la suppression de la visite d’aptitude obligatoire, l’abandon de la création d’une procédure d’appel des avis d’aptitude devant une commission régionale de médecins du travail, ou encore le rejet des modifications des règles en matière de responsabilité civile et pénale de l’employeur.
Sur ce sujet sensible, le présent texte, qui ne donne satisfaction à personne, apparaît plus comme un réaménagement de façade que comme un traitement de fond.
En conclusion, le texte élaboré par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, qui est parfois en contradiction avec les objectifs initialement affichés,…
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. … a profondément modifié le résultat de nos délibérations. L’attitude du Gouvernement comme celle des députés ne nous incitent pas à espérer qu’une nouvelle lecture du texte au Sénat puisse modifier leur appréciation de nos travaux ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Michel Forissier, rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
M. Michel Forissier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, conscient des enjeux liés à une meilleure sécurisation des parcours professionnels des actifs, le Sénat avait adopté en première lecture une approche pragmatique des dispositions concernées.
Échaudés par les exemples récents du compte personnel de formation, le CPF, et surtout du compte personnel de prévention de la pénibilité, qui, plus de deux ans après sa création, reste inapplicable, nous avions proposé dans un premier temps de retrancher les principales sources de complexité du compte personnel d’activité, le CPA. Les députés ont malheureusement fait primer l’affichage politique sur la prise en compte des contraintes antiéconomiques qu’entraînera une entrée en vigueur du dispositif dès le 1er janvier prochain.
À nos yeux, la problématique de la valorisation de l’engagement citoyen mérite une réflexion beaucoup plus approfondie que celle qui a présidé à la création du compte d’engagement citoyen, le CEC, proposée par le Gouvernement.
En effet, ce nouveau compte regroupe des formes d’engagement civique, professionnel ou citoyen qui ont bien peu en commun : la participation à la réserve sanitaire est-elle assimilable au tutorat d’un apprenti en entreprise ou à une activité associative locale, aussi altruiste soit-elle ? De surcroît, l’évaluation du coût du volet associatif de ce dispositif et du nombre de ses bénéficiaires potentiels se révèle lacunaire, en raison de l’élargissement de son périmètre opéré en cours d’examen parlementaire, sans étude approfondie.
De même, il nous semblait logique que le compte personnel d’activité soit clos lorsque son titulaire cesse son activité professionnelle, c’est-à-dire lorsqu’il liquide l’ensemble de ses droits à la retraite.
Enfin, nous proposions de simplifier le compte personnel de prévention de la pénibilité afin de répondre aux nombreuses inquiétudes des employeurs.
Je regrette que nous n’ayons pas été entendus sur ces points, et j’éprouve de fortes craintes quant à l’effectivité de la mise en œuvre, à compter du 1er janvier prochain, du CPA.
S’agissant des autres dispositions relatives à la formation professionnelle, on peut noter que l’Assemblée nationale a adopté conformes plusieurs articles introduits par le Sénat, notamment celui qui est relatif au CPF des travailleurs des établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, et a approuvé nos indispensables aménagements de la collecte de la contribution à la formation professionnelle des non-salariés.
En revanche, les députés n’ont manifestement pas la même volonté que nous de faire de l’apprentissage une voie de réussite. Alors que le projet de loi initial était quasi muet sur cette problématique, le Sénat avait introduit vingt articles visant à surmonter les obstacles qui freinent aujourd’hui le développement de l’apprentissage et à améliorer le statut des apprentis.
Aucune de ces dispositions n’a été retenue par les députés, pas même l’obligation pour les entreprises d’assurer la formation des maîtres d’apprentissage. Or, a priori, ce sujet faisait consensus !
Ces articles étaient pourtant le fruit d’une longue concertation avec toutes les parties impliquées dans la gouvernance et le bon fonctionnement de cette voie de formation. Aucune mesure de substitution n’a été présentée. En la matière, l’Assemblée nationale et le Gouvernement semblent se satisfaire du statu quo, alors que le modèle français apparaît à bout de souffle, surtout au regard du dynamisme de celui de nos voisins.
Sans nous opposer sur le fond à la garantie jeunes, nous avions estimé que l’expérimentation devait être menée jusqu’à son terme. L’Assemblée nationale a rétabli sa généralisation. Une fois encore, le législateur renonce à s’appuyer, pour faire ses choix, sur l’évaluation d’une politique publique innovante, pour des raisons d’affichage politique en période électorale.
Enfin, l’Assemblée nationale a réintroduit les dispositions dépourvues de portée normative relatives à la validation des acquis de l’expérience, que nous avions bien entendu supprimées. De même, elle a persévéré dans sa demande de rapport sur la prolongation des emplois d’avenir, qui ne sont pourtant pas, chacun le sait, la solution au chômage des jeunes.
Au total, je regrette surtout que le Gouvernement et l’Assemblée nationale n’aient pas saisi l’occasion – sans doute la dernière du quinquennat – que la majorité sénatoriale lui offrait pour faire de l’apprentissage une voie de réussite. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Exception d'irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 19.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution en nouvelle lecture relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (n° 771, 2015-2016).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Annie David, pour la motion.
Mme Annie David. Nous nous apprêtons à examiner en nouvelle lecture un texte qui sera adopté en force, avec des dispositions voulues par le Gouvernement mais qui n’ont pas rassemblé de majorité de gauche à l’Assemblée nationale.
Ce texte n’est d’ailleurs pas non plus voulu par une majorité de nos concitoyennes et nos concitoyens, profondément attachés au droit social, qui est le droit « de la vie du quotidien ». C’est bien là la raison pour laquelle la mobilisation est si forte contre votre projet de loi, madame la ministre !
Signatures en masse de pétitions, grèves, manifestations dans les rues, expressions sur les réseaux sociaux : ce sont autant de témoignages de l’attachement au travail et aux règles qui le régissent de tout un peuple qui vous demande de retirer ce texte ! Mais, à l’évidence, vous ne l’avez pas entendu.
Mme Nicole Bricq. Mme la ministre l’a écouté !
Mme Éliane Assassi. Entendre et écouter, ça fait deux !
Mme Annie David. Les salariés et leurs représentants sont en droit de participer aux débats sur ces sujets, comme sur tous les sujets qui les concernent.
En cet instant, j’adresse mon soutien plein et entier aux salariés de la société Ecopla, située à Saint-Vincent-de-Mercuze, dans le département dont je suis élue. Je forme le vœu que le jugement en cours de délibération soit en leur faveur, afin que la société coopérative de production Ecoplascop puisse voir le jour et que soient ainsi préservés à la fois leurs emplois et leur savoir-faire, unique en France ! Leur combat est exemplaire, contrairement à leur employeur, qui est parti en emportant la caisse… Leur slogan est simple : « Notre ami c’est l’emploi, Ecoplascop vivra ! » Madame la ministre, je souhaitais que la voix de ces salariés résonne dans cet hémicycle, pour que vous puissiez l’entendre et que vous leur apportiez votre soutien.
Quant à votre texte, essentiel pour le quotidien des salariés, il va être adopté sans avoir été débattu par l’Assemblée nationale, tandis que, comme les rapporteurs viennent de le rappeler, l’ensemble des propositions faites par le Sénat ont été rejetées. Droit d’amendement bafoué et refus de débattre en séance publique seront ses marques de fabrique !
En première lecture, lorsque nous avions déposé une telle motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, M. Capo-Canellas nous avait rejoints pour juger discutable la recevabilité de ce texte, présenté au Parlement sans avoir fait l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux. Il s’était cependant opposé à l’adoption de la motion, au motif qu’elle aurait privé le Sénat d’un débat utile et de toute possibilité d’expression. Chers collègues du groupe UDI-UC, qu’en est-il aujourd’hui, alors que le débat a bien eu lieu mais qu’aucune de vos propositions n’a été retenue ?
« Nous sommes des parlementaires, et ne pas débattre de ce projet de loi constituerait un déni de nos responsabilités », affirmait quant à elle Mme Bricq lors de la première lecture. Chère collègue, maintenez-vous ces propos, après deux adoptions par la procédure du 49.3 à l’Assemblée nationale ? (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Nicole Bricq. Bien sûr, totalement !
Mme Annie David. À ce sujet, je rappelle que, contrairement à ce que prévoit la Constitution, aucune délibération en conseil des ministres n’est venue avaliser le second recours au 49.3. Cela renforce nos doutes quant à la constitutionnalité du présent texte, s’agissant en l’occurrence de sa procédure d’adoption.
Un autre élément nous interpelle : le non-respect par le Gouvernement de l’article L. 1 du code du travail. Cet article, bien connu du président Larcher, dispose que « tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle […] fait l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs ».
Madame la ministre, en première lecture, vous nous avez indiqué avoir invité les partenaires sociaux à participer à des négociations sur la base du rapport Combrexelle ou sur le compte personnel d’activité.
Or ce sont bien aux projets de loi que fait référence le code du travail. C’est donc le texte dans son ensemble qui aurait dû faire l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux. Nous savons toutes et tous ici que cela n’a pas été le cas et que ce texte est donc, sur la forme, irrecevable.
M. Dominique Watrin. Très bien !
Mme Annie David. Sur le fond, nous estimons, comme en première lecture, que ce texte est contraire à la Constitution et à notre histoire juridique.
En effet, pour garantir l’égalité des citoyennes et des citoyens, la loi, expression de la volonté du peuple souverain, prévaut sur le contrat.
Ainsi, l’article 34 de la Constitution, qui définit les domaines d’intervention du pouvoir législatif, fonde le droit du travail et le droit syndical sur la loi.
Or l’inversion de la hiérarchie des normes, colonne vertébrale de votre projet de loi, comme vous venez de le réaffirmer, madame la ministre, est contraire aux dispositions de cet article, sur lequel le Conseil constitutionnel s’appuie régulièrement. Ce dernier n’accepte que par exception les transferts de compétences de la loi vers les accords d’entreprise. De même, sa jurisprudence établie en 2004 et en 2008 censure tout renvoi à l’accord d’entreprise de dispositions relevant de la Constitution, comme le droit au repos.
Au-delà des aspects purement juridiques, ce sont les valeurs de notre République « laïque, démocratique et sociale » que vous bafouez, en oubliant que la République est sociale grâce aux luttes syndicales et populaires qui ont émaillé notre histoire.
Aujourd’hui, vous reniez cet héritage historique tout en disqualifiant celles et ceux qui poursuivent ce combat progressiste en manifestant dans les rues, comme la Constitution leur en donne le droit.
L’inversion de la hiérarchie des normes n’est pas le seul point qui pose problème sur le plan juridique. Les accords « en faveur de l’emploi » portent atteinte à la liberté contractuelle, puisque l’employeur peut imposer une modification du contrat sans avoir à se justifier.
À cet égard, je citerai également les dispositions relatives aux licenciements économiques, qui varient selon la taille de l’entreprise. Outre qu’elle est contraire au principe d’égalité devant la loi, cette modulation ne s’appuie en rien sur la réalité des entreprises : la taille d’une entreprise n’a pas nécessairement de lien avec sa situation économique !
Enfin, j’insisterai sur le fait que vous remettez en cause nos engagements internationaux, à commencer par les règles fixées par l’Organisation internationale du travail, l’OIT. En 2012, le comité de la liberté syndicale de l’OIT jugeait une affaire très similaire, au sujet d’une réforme menée en Grèce et certainement pensée, comme c’est le cas pour la France, dans un bureau de la Commission européenne. (M. Dominique Watrin acquiesce.)
Voici un extrait des conclusions de ce comité de l’OIT :
« La mise en place de procédures favorisant systématiquement la négociation décentralisée de dispositions dérogatoires dans un sens moins favorable que les dispositions de niveau supérieur peut conduire à déstabiliser globalement les mécanismes de négociation collective, ainsi que les organisations d’employeurs et de travailleurs, et constitue en ce sens un affaiblissement de la liberté syndicale et de la négociation collective, à l’encontre des principes des conventions nos 87 et 98. »
Madame la ministre, ce comité n’est pas le porte-parole du parti communiste français ou d’organisations syndicales que vous jugez « réfractaires à toute réforme » : il est composé de neuf membres titulaires provenant des groupes « gouvernements », « employeurs » et « travailleurs », et il est présidé par une personnalité indépendante.
Pourtant, cette instance estime, comme nous, que l’inversion de la hiérarchie des normes et surtout la remise en cause du principe de faveur nuisent fortement, quoi que vous en disiez encore aujourd’hui, à la qualité du dialogue social, ce qui est néfaste tant pour les syndicats que pour les entreprises.
Ainsi, en adoptant ce projet de loi, nous serions en infraction par rapport à la convention n° 87 de l’OIT, relative aux libertés syndicales, et à sa convention n° 98, relative à la négociation collective.
Nous serions également en infraction par rapport au pacte des Nations unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
À ce titre, le rapport établi par les experts du comité des droits économiques, sociaux et culturels est sans appel :
« Le comité est préoccupé par les dérogations à des protections acquises en matière de conditions de travail proposées par le projet de loi “ Travail ”, […] y compris pour accroître la flexibilité du marché du travail, sans qu’il soit démontré que l’État a considéré toutes les autres solutions possibles. »
Plus loin, le comité exhorte l’État français à « s’assurer que toute mesure rétrograde concernant les conditions de travail est inévitable et pleinement justifiée ; nécessaire et proportionnée à la situation ; non discriminatoire ».
Pouvez-vous nous assurer que ces précautions ont bien été prises par l’État ? Je ne le pense pas. Le simple fait que vous n’ayez pas pris le temps de la concertation avec les organisations syndicales en est une preuve.
Vous n’avez pas exploré toutes les solutions possibles pour créer de l’emploi et adapter, de manière progressiste, le droit du travail aux évolutions économiques et sociales. Je pense par exemple à la réduction du temps de travail, explorée pourtant il y a peu par un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales. Il est vrai que ce document ne vous a pas été transmis…
Vous avez accepté les propositions du MEDEF, tandis que vous refusiez d’écouter celles des organisations syndicales qui sont aux côtés des salariés et connaissent la réalité de l’entreprise. (Exclamations sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
De même, vous n’avez pas écouté les représentants des PME, qui anticipent les conséquences catastrophiques, pour ces dernières, de cette nouvelle forme de dumping social.
En tant que parlementaires, nous refusons de participer à cette destruction d’acquis sociaux reconnus au niveau international.
Mes chers collègues, nous invitons celles et ceux d’entre vous qui n’avaient pas soutenu notre motion en première lecture, parce qu’ils pensaient encore que le dialogue était possible, à opposer avec nous l’exception d’irrecevabilité à ce texte.
Mme Françoise Férat. Mais bien sûr !
Mme Annie David. En outre, puisque nous n’avons pas la possibilité d’exercer seuls un recours auprès du Conseil constitutionnel, nous vous invitons à vous joindre à nous pour contester, sur la base des éléments que je viens d’exposer, la constitutionnalité de ce projet de loi.
Il y va du respect par la France de ses engagements internationaux, de son histoire et des valeurs qui fondent notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Dominique Watrin. Très bien !
(Mme Jacqueline Gourault remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
vice-présidente
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Madame David, cette après-midi, nous avons à l’évidence le même objectif, à savoir le rejet du texte, mais nous n’utilisons pas les mêmes moyens.
Vous venez de défendre une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. Je présenterai, au nom de la commission, une motion tendant à opposer la question préalable, après que les orateurs des différents groupes auront exposé leur point de vue sur ce projet de loi.
Qui qu’il en soit, il faut reconnaître que le groupe CRC fait preuve de constance et de cohérence depuis le début de l’examen de ce projet de loi, comme, du reste, les groupes Les Républicains et UDI-UC.
M. Roger Karoutchi. Ah, tout de même ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Je tenais à le souligner, même si nous ne défendons pas les mêmes idées pour en finir avec cette fatalité d’un chômage de longue durée dont l’ampleur ne cesse de croître.
S’agissant du non-respect de l’article L. 1 du code du travail, le Conseil d’État s’en tire par une pirouette… Cela étant, cet article n’a pas de valeur constitutionnelle. L’idée de lui en conférer une est émise ici ou là, pour empêcher que de telles situations ne se reproduisent, mais, pour l’heure, tel n’est pas le cas. Il n’y a donc pas, à mon sens, de problème de constitutionnalité.
Mme Annie David. Et l’article 34 de la Constitution ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. À cet égard, je m’en référerai à l’avis du Conseil d’État :
« Le Conseil d’État a vérifié que les dispositions du présent article – et notamment la détermination du champ de la négociation collective et des dispositions supplétives – ne comportaient pas de risque d’incompétence négative du législateur et ne privaient pas de garanties légales l’exigence constitutionnelle formulée par le Préambule de la Constitution de 1946. » Les choses me semblent donc claires.
Par ailleurs, le Conseil d’État a jugé l’article 11 du présent texte conforme à la convention n° 158 de l’OIT, s’agissant des modalités de rupture du contrat de travail.
Pour toutes ces raisons, j’émets à titre personnel un avis défavorable sur cette motion, que la commission avait déjà rejetée en première lecture.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable.
Madame David, je vous ferai destinataire du courrier que je compte adresser au comité des experts de l’ONU pour lui répondre.
Vos propos m’étonnent, car le Gouvernement n’a eu de cesse d’écouter et de modifier son texte pour parvenir à un nouvel équilibre,…
Mme Éliane Assassi. En faisant des choix sélectifs !
Mme Myriam El Khomri, ministre. … ce que certains lui reprochent d’ailleurs.
À aucun moment vous n’avez mis en valeur, dans votre intervention, des avancées comme le compte personnel d’activité, la garantie jeunes, la réaffirmation du rôle des branches ou le contrat saisonnier, pour lequel vous vous êtes pourtant personnellement battue !
Si le débat public a atteint un tel degré de tension, c’est aussi parce que, les uns et les autres, nous ne nous sommes pas toujours exprimés avec beaucoup de nuances. Sincèrement, peut-on dire que les dispositions que je viens de citer marquent un retour au XIXe siècle ? Non, je ne le crois pas !
Le débat sur la place de la négociation collective n’est pas médiocre. Sur ce sujet, nous constatons un clivage à la fois politique et syndical. Bien sûr, la loi doit demeurer protectrice, mais elle ne permet pas une adaptation à toutes les situations. Le contrat, la négociation au plus près du terrain autorisent un progrès de ce point de vue, sans rien ôter aux droits des salariés, ce qui est à mes yeux essentiel. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix la motion n° 19, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Bricq. (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Nicole Bricq. Madame la ministre, le projet de loi « Travail », auquel votre nom restera attaché, achève son périple parlementaire.
Toutes ces discussions peuvent sembler quelque peu décalées au regard du drame national que nous vivons, mais nous ferons notre travail de parlementaires jusqu’au bout. Ce sera notre manière à nous de rendre hommage, démocratiquement, aux victimes des attentats commis sur notre sol, en Europe et dans le monde.
La majorité sénatoriale entend interrompre le parcours parlementaire du texte du Gouvernement. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Elle lui enlève surtout une belle épine du pied !
Mme Nicole Bricq. On peut comprendre ses raisons : à quoi bon, nous dit-elle, refaire le débat que nous avons eu il y a trois semaines ? À quoi bon, puisqu’il y a eu le 49.3 à l’Assemblée nationale ?
M. Charles Revet. Voilà !
Mme Nicole Bricq. C’est un point de vue, mais ce n’est pas le nôtre, car il y a encore à dire pour faire.
En effet, le Gouvernement a modifié son propos, en amendant le présent texte.
Ainsi, à l’article 1er, ce n’est pas une mesure symbolique que d’associer le Haut Conseil du dialogue social aux travaux de la commission d’experts chargée de la réécriture du code du travail : c’est la garantie d’une réflexion collective, de la mise au clair des points d’accord et de désaccord entre les partenaires sociaux.
Ce n’est pas rien de définir, à l’article 13, les objectifs de la négociation de branche : salaires minimaux, classifications, garanties collectives complémentaires, mutualisation des fonds de la formation professionnelle, de prévention de la pénibilité et d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
Ce n’est pas rien de revoir l’adaptation des stipulations nationales des accords de branche au niveau local par le biais de négociations territorialisées. C’est une vision décentralisée que nous aurions pu partager, mes chers collègues.
Ce n’est pas rien d’engager, avant le 31 décembre de cette année, une négociation portant sur la définition de l’ordre public conventionnel applicable dans une branche.
Cette démarche met les partenaires sociaux face à leurs responsabilités : ou ils se saisissent des opportunités ouvertes par la rédaction ultime de ce texte, ou ils fuient leurs obligations ; dans cette seconde hypothèse, je ne crains pas de le dire, ils seront balayés par l’histoire !
M. Jacques Chiron. Très bien !
Mme Nicole Bricq. Messieurs les rapporteurs, ces modalités ne sont pas des contreparties au fameux article 2, qui, en matière de temps de travail, instaure la primauté de l’accord d’entreprise. La contrepartie, vous le savez, c’est le principe majoritaire prévu à l’article 10, que la majorité sénatoriale a refusé ou dont elle n’a pas compris le sens.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Ce doit être cela, nous n’avons pas compris !
M. Alain Joyandet. Merci, madame la professeur !
Mme Nicole Bricq. Cette incompréhension s’observe d’ailleurs des deux côtés de cet hémicycle ! (Exclamations sur diverses travées.)
J’ai régulièrement plaisir à lire, avec beaucoup d’attention, le bulletin d’une importante composante du MEDEF : l’Union des industries et des métiers de la métallurgie, l’UIMM.
« Pourquoi ne pas reconnaître que le principe majoritaire constitue un garde-fou efficace contre l’éventualité improbable d’accords au rabais ? », s’interrogent ainsi les rédacteurs du dernier bulletin.
Je crois que tout est dit de la vision symétrique de l’article 2 et de l’article 10. Cette question vaut pour tout le monde.
Vous ne voulez pas discuter des articles, parce que vous considérez que les points de vue du Sénat et de l’Assemblée nationale sont irréconciliables. Une lecture complète aurait pourtant montré – la pédagogie aidant – l’existence de points d’accord loin d’être mineurs.
Je pense au parcours d’accompagnement personnalisé pour les salariés refusant les accords collectifs défensifs et offensifs, à l’article 11.
Je pense aussi aux groupements d’employeurs, question sur laquelle notre collègue Yves Daudigny a beaucoup travaillé et a été largement entendu par le Gouvernement.
Je pense encore au point majeur qu’est la médecine du travail. Mme Génisson, qui connaît bien ce sujet, s’est exprimée lors de notre précédent débat. Nous aurions pu, ensemble, défendre la création d’une procédure d’appel des commissions régionales de médecins du travail. Nous l’avons dit, nous sommes en effet très dubitatifs à propos du recours direct aux prud’hommes.
Nous avons aussi des convergences certaines sur le travail détaché. Il est dommage que nous n’ayons pu aller plus loin.
En commission, monsieur Lemoyne, vous avez fait un trait d’esprit – vous êtes coutumier du fait – à mon égard. Vous venez d’ailleurs d’en faire un autre, que j’ai trouvé quelque peu condescendant, à l’égard de Mme la ministre en disant qu’elle était « commise d’office ».
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. J’ai voulu lui rendre hommage : elle n’a pas eu la tâche facile !
Mme Nicole Bricq. Elle a passé au Sénat nombre d’heures, à faire de la pédagogie, à convaincre, à écouter. Et moi j’ai cru déceler, dans toutes ses interventions ici comme dans celles qu’elle a faites dans les médias, une volonté farouche de faire de ce texte le sien. On ne peut donc pas prétendre qu’elle ait été commise d’office ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Pour revenir à ma personne, vous avez, en commission, relevé ma présence au meeting, la veille au soir, d’un jeune ministre – Emmanuel Macron, pour ne pas le citer. Je tiens d’abord à vous remercier de vous préoccuper ainsi de mes soirées. (Sourires.)
Toutefois, quitte à citer ce jeune ministre, autant le faire dans sa vérité. Cela me semble important pour éclairer notre débat et l’avenir : « Le travail se transforme et nous devons en avoir conscience », dit-il. S’agissant de ce projet de loi, il dit encore : « C’est une réforme à laquelle je crois, que je défends, mais ce n’est déjà plus le combat d’aujourd’hui, parce que le travail a radicalement changé ». Il ajoute : « Nous sortons de l’âge classique du travail ».
Il est dommage que la droite sénatoriale refuse d’explorer davantage les voies esquissées par ce texte concernant la numérisation de l’économie. Notre conviction est que l’économie fordiste, verticale, correspond au schéma d’hier ; le schéma d’aujourd’hui, c’est l’économie numérique. Nous ne restaurerons pas l’ordre ancien.
L’économie numérique accomplira le découplage de la couverture sociale et du contrat de travail. Cette économie requiert la mise en place de nouvelles institutions pour accompagner les nouvelles formes de travail et pour rendre le nouveau modèle social inclusif et soutenable. Voilà ce que nous devons faire, et c’est ce qu’esquisse ce projet de loi (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.).
J’en veux pour preuve l’article 21, qui jette les bases de ce nouveau modèle avec le compte personnel d’activité.
Je veux aussi rappeler qu’en parallèle à notre débat parlementaire s’est tenue la négociation sur l’assurance chômage, laquelle a échoué du fait – il faut le dire – du patronat (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.).
Toutefois, quelque chose de très important en est sorti : l’accord de branche sur les intermittents. Cet accord prévoit en effet que, en contrepartie d’une assurance chômage spécifique, l’usage du CDD n’est pas limité. En clair, cela signifie protection sociale pour les intermittents et, pour leurs employeurs, forcément multiples, capacité de bénéficier d’une main-d’œuvre qualifiée et flexible.
Ce peut être une voie d’avenir bien préférable, à mes yeux, au chimérique revenu universel. À n’en pas douter, la protection sociale sera une nouvelle frontière de nos débats en France et, nous le souhaitons, en Europe. Lors des dernières élections européennes, nous avions placé la couverture de l’assurance chômage, notamment pour les jeunes, au premier rang d’un agenda social européen. Je pense que la France montre une voie d’avenir au travers de cet accord.
Je dois aussi, à l’issue de ces quatre mois de débat public, tirer une leçon pour l’avenir – j’espère que chacun fera de même.
Cette leçon tient à la gouvernance : toute réforme de cette importance doit respecter la démocratie sociale – c’est l’esprit même de la loi –, tenir compte de la démocratie d’opinion et user de la démocratie politique.
Sur ce dernier point, madame David, le 49.3 n’est pas le problème. Cette procédure a sa légitimité démocratique en ce qu’elle oblige l’opposition à montrer qu’elle est capable de constituer une majorité alternative. En cela, le 49.3 est un principe démocratique.
Je voudrais aussi citer pour l’avenir – très proche, celui-là – le rapport que M. Philippe Laurent a remis au Gouvernement sur le temps de travail dans la fonction publique et le débat qu’aura le Gouvernement avec les syndicats et les employeurs, débat dont les conclusions devraient être tirées en décembre de cette année. Ce sera un test de l’exercice démocratique.
Madame la ministre, on nous annonce 127 décrets pour l’application de ce projet de loi. (Mme la ministre acquiesce.) C’est beaucoup, et nous savons d’expérience que les décrets sont parfois l’occasion de détournements de l’esprit de la loi.
M. Charles Revet. C’est grave !
Mme Nicole Bricq. Je ne saurais donc trop vous recommander d’associer le Parlement, ou tout au moins la majorité parlementaire – toutes assemblées confondues – qui soutient votre projet de loi, à l’élaboration de ces décrets. Si nombre de dispositions sont d’application directe, il reste en effet beaucoup à faire, et je souhaite que nous puissions nous retrouver à la fin du parcours, car je crois que texte porte en lui les prémices d’un nouvel avenir social. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avec ce projet de loi, le Gouvernement se propose d’accroître la place du dialogue social et de développer une véritable culture du compromis et de la négociation. Pourtant, il laisse apparaître une contradiction dans la mesure où le texte est contesté par une importante partie des syndicats. Et comment promouvoir la logique de compromis lorsque le débat parlementaire se conclut par l’utilisation répétée du 49.3 ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Une réforme d’envergure du droit du travail implique un consensus minimal entre les acteurs de la négociation collective.
Je vous renouvelle mon interrogation, madame la ministre : pourquoi bouleverser le droit du travail, à un an d’échéances électorales, au risque de fractures politiques profondes ?
Évidemment, la droite sénatoriale s’est engouffrée dans la brèche. En cas d’alternance, nous craignons que les garde-fous que vous avez pris soin de bien définir ne soient balayés.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est celui qui a été adopté par l’Assemblée nationale, du fait de l’application du 49.3. Ce n’est plus la version caricaturale proposée par le Sénat au mois de juin.
Ainsi, les 35 heures ont été rétablies, le plafonnement des indemnités prud’homales a été supprimé, le périmètre des licenciements économique repensé.
Les dispositifs qui suscitaient notre intérêt – la garantie jeunes et le compte personnel d’activité – ont retrouvé de leur substance.
La version qui nous est aujourd’hui proposée pourrait être qualifiée de « moins pire ». Seulement, organiser les relations de travail en se contentant du « moins pire » est insatisfaisant. Surtout lorsque l’on connaît les conséquences de la vie professionnelle sur la vie privée des salariés !
En ce sens, l’article 2 est particulièrement symbolique. En effet, les règles relatives au temps de travail auraient vocation à être déterminées à l’échelle de l’entreprise.
Si nous comprenons, madame la ministre, qu’il est important de développer le dialogue social de proximité, il nous semble indispensable de tenir compte du contexte économique : aujourd’hui, la contrainte économique pèse fortement sur les salariés. Comment négocier librement dans la crainte de perdre son emploi ?
Nous refusons la dynamique de ce projet de loi. Si de nouvelles libertés sont concédées aux entreprises, elles ne sont pas assorties de nouvelles protections pour les salariés. La notion de protection a d’ailleurs disparu de l’intitulé du projet de loi !
Si la flexibilité n’est pas assortie d’une sécurisation des parcours professionnels et de garanties pour l’emploi, où est la modernisation du droit du travail ? Serait-ce une course au moins-disant social dans laquelle la norme reviendrait à s’aligner sur les plus bas salaires et conduirait à l’absence de sécurité de l’emploi ?
De plus, madame la ministre, vous ne parvenez pas à nous démontrer que cette flexibilité accrue sera génératrice d’emplois. Bien au contraire, Alain Supiot, éminent spécialiste du droit du travail, a récemment rappelé que « les travaux de recherche conduits à l’échelle mondiale […] tendent à prouver que des standards de travail élevés favorisent la qualité de la main-d’œuvre et qu’ils ont sur l’emploi un effet soit neutre, soit positif ».
Plutôt que de favoriser la précarisation accrue du salarié, je suis convaincu qu’il faut privilégier une main-d’œuvre de qualité.
Le contexte actuel se caractérise par un dumping social. Je sais que vous n’y croyez pas, madame la ministre, mais il faut regarder la réalité en face ! La course au moins-disant social est perdue d’avance. En effet, d’autres pays, moins soucieux de la protection des salariés, pourront toujours surenchérir et ainsi diminuer encore le coût du travail, quel que soit le prix pour les salariés.
Plutôt que de nous enliser dans un combat perdu d’avance et dont le seul résultat serait la régression des avancées sociales, misons sur nos atouts et développons-les : le savoir-faire, la formation, les services publics, les infrastructures, la qualité de vie…
Le droit du travail doit aussi anticiper la transition énergétique et intégrer dès maintenant les normes environnementales.
Pour conclure, nous pensons que des assises du droit du travail auraient permis, sur le fond comme sur la forme, de travailler ensemble à une nouvelle législation ambitieuse et protectrice ; elles auraient évité le passage en force syndical et politique d’un texte sur le dialogue social… (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner en nouvelle lecture le projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, puisqu’il faut l’appeler désormais ainsi.
Toutefois, selon toute probabilité, ce texte devrait être rejeté en l’état dans la mesure où la commission des affaires sociales va nous proposer d’adopter une motion tendant à opposer la question préalable.
Le rapporteur nous expliquera que les députés ont remis en cause chacun des axes de travail qui avaient guidé la réflexion du Sénat. Certes, le texte de l’Assemblée nationale et celui du Sénat sont extrêmement différents et révèlent de profonds désaccords : le Sénat a ainsi supprimé la durée légale du travail, le compte d’engagement citoyen, la généralisation de la garantie jeunes, le droit à la déconnexion ; il a rejeté les accords majoritaires et maintenu les règles de validité actuelles ; il a plafonné le montant des indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse…
L’Assemblée nationale, sur l’ensemble de ces points, est revenue à une rédaction proche de celle qu’elle avait adoptée en première lecture.
Dans ces conditions, monsieur le rapporteur, j’entends bien que l’intérêt de procéder à un nouvel examen du texte vous semble limité. Pour autant, je déplore que nous ne puissions pas de nouveau débattre de ce projet de loi.
C’est un texte important, qui repose, comme vous l’avez souligné, madame la ministre, sur un dialogue social renforcé au niveau de l’entreprise, sur une visibilité accrue du droit du travail pour tous les acteurs économiques et sur de nouvelles protections pour tous nos concitoyens.
Après l’utilisation du 49.3 par deux fois à l’Assemblée nationale et la motion déposée en nouvelle lecture au Sénat, ce texte n’aura finalement été débattu qu’une seule fois en séance publique : au sein de notre assemblée, en première lecture. C’est bien peu !
En tant que parlementaires, nous ne pouvons que regretter l’engagement de la responsabilité du Gouvernement à l’Assemblée nationale à deux reprises. Nous ne devons pas refuser le débat démocratique, surtout à un moment où le bicamérisme est menacé. Comme l’avait rappelé en première lecture notre collègue Michel Amiel, « tant qu’il y aura un article 49, alinéa 3, dans la Constitution, le Sénat sera bien le garant de la tenue d’un débat démocratique et transparent, au cours duquel les positions pluralistes pourront s’exprimer et se confronter dans le respect des règles propres au Parlement ».
C’est d’autant plus regrettable que les débats en première lecture au sein de notre Haute Assemblée ont permis à tous de s’exprimer dans le respect des convictions de chacun, et ils ont surtout permis d’apporter quelques améliorations au texte.
Je pense, bien évidemment, à l’article 1er bis A, issu d’un amendement de notre collègue Françoise Laborde. Cet article vise à permettre au règlement intérieur de comporter des dispositions inscrivant le principe de neutralité, indispensable pour faire face au communautarisme qui ne cesse de se développer dans notre société. C’est une très bonne chose.
La Haute Assemblée a également apporté plusieurs modifications substantielles au congé pour événements familiaux en étendant le bénéfice du congé pour décès du conjoint du salarié, en portant de deux à trois jours le congé en cas de décès d’un conjoint ou d’un parent proche, en créant un congé de deux jours pour le salarié en cas de survenue d’un handicap chez un enfant, ou encore en réduisant de deux à un an l’ancienneté requise pour bénéficier du congé de proche aidant.
Par ailleurs, nous avons rétabli l’article 39 bis, ouvrant ainsi la possibilité de conclure des contrats intermittents pour l’emploi de saisonniers sans qu’un accord de branche ne le prévoie.
S’agissant enfin de la médecine du travail, nous avons notamment mis en place un suivi spécifique des travailleurs de nuit, permis à tout salarié de solliciter à tout moment une visite médicale et autorisé le professionnel de santé qui réalise la visite d’information et de prévention à orienter le travailleur vers le médecin du travail.
Mes chers collègues, si ces avancées sont aujourd’hui inscrites dans le projet de loi, c’est parce que nous avons, en première lecture, débattu du texte en commission et pendant près de quatre-vingts heures en séance publique.
Aussi, le groupe du RDSE, dans sa très grande majorité, regrette que notre commission des affaires sociales refuse de poursuivre le débat. Dans ces conditions, nous voterons contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. Jacques Chiron applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce qui s’est passé en deuxième lecture, à l’Assemblée nationale, confirme en tous points ce que les parlementaires communistes dénoncent depuis le début, à savoir un passage en force contre la majorité des syndicats, représentant la majorité des salariés, contre la majorité parlementaire – la nécessité pour le Gouvernement de recourir à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution en est la preuve –, contre l’avis majoritaire des Français et la mobilisation de plusieurs millions d’entre eux.
Sur le fond, il s’agit d’une nouvelle étape dans la fuite en avant ultralibérale. Ce texte répond en premier lieu aux exigences du MEDEF et du patronat européen, relayées par la Commission de Bruxelles sous forme de « recommandations », dont les grands titres se retrouvent quasiment tels quels dans les articles de ce texte et dans l’argumentaire gouvernemental.
En inversant la hiérarchie des normes, en affaiblissant encore le principe de faveur, en rendant toujours plus virtuelles les 35 heures légales, vous avez ouvert un boulevard à toutes les surenchères possibles. La droite sénatoriale s’est ainsi engouffrée dans les sillons du texte pour voter la possibilité de faire travailler les salariés 37, 38 ou 39 heures, payées 35 heures pour la plupart d’entre eux, sans parler de la flexibilisation encore plus poussée de la modulation du temps de travail, des licenciements ou du doublement des seuils sociaux.
Le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale est, en définitive, quasiment le même que celui que nous avons combattu ici, à trois petites exceptions près : à l’article 1er et aux troisième et quatrième alinéas de l’article 13.
Certains diront, Mme la ministre la première, puis Mme Bricq, que la nouvelle formulation de ce dernier article conforte les branches. Mais le quatrième alinéa est pourtant très clair : le principe de faveur serait respecté, « à l’exclusion des thèmes pour lesquels la loi prévoit la primauté de la convention ou de l’accord d’entreprise ». Aujourd’hui, la durée et l’organisation du temps de travail seraient donc exclues du principe de faveur et, demain, ce serait tout le code du travail. Quelle avancée !
En réalité, vous vous êtes enfermés dans un système de pensée qui démontre chaque jour sa faillite. L’argument du MEDEF selon lequel les entreprises n’embauchent pas, par peur d’une prétendue impossibilité de licencier – alors même que 360 000 ruptures conventionnelles ont été constatées en 2015 –, est même devenu celui de l’exécutif.
Vous continuez d’ouvrir toujours plus grandes les vannes du libéralisme : ainsi, demain, le seuil de déclenchement des heures supplémentaires, leur rémunération, mais aussi le travail de nuit, le travail du dimanche, et j’en passe, deviendront des sujets de négociation locale, là où les salariés sont les plus isolés, les moins organisés.
Selon un sondage IFOP du 17 juin dernier, vous avez même poussé si loin le bouchon qu’une majorité d’artisans et de chefs de petite entreprise s’opposent à votre projet, craignent une course au dumping social et rappellent, à juste titre, le rôle de régulation des branches pour une saine concurrence.
Pourtant, il est possible et nécessaire de faire évoluer le code du travail pour répondre aux évolutions technologiques, économiques et sociales.
Nombre des 402 amendements que le groupe CRC a défendus en première lecture dessinaient les contours d’une autre approche du travail, de nouvelles régulations aux pouvoirs encore trop puissants des intérêts financiers contre l’intérêt collectif dans la vie des entreprises.
Nous avons proposé de moderniser le code du travail en réduisant le temps de travail à 32 heures. Nous avons aussi proposé de sanctionner les licenciements des entreprises qui réalisent des bénéfices. Or, plutôt que de les interdire, ou au moins de les réguler, vous aviez voulu, dans un premier temps, les faciliter encore plus, en excluant de l’appréciation des difficultés économiques les entreprises situées hors territoire national.
Nous avons également proposé de donner de nouveaux pouvoirs d’intervention aux salariés dans les entreprises et une meilleure représentation dans les conseils d’administration, à l’instar de ce qui se fait en Allemagne. Mais vous avez préféré limiter les droits existants en restreignant le recours à l’expertise pour les représentants du personnel.
Alors que nous vous engagions à lutter contre les discriminations syndicales dans les entreprises, nous sommes au regret de constater, madame la ministre, que vous êtes passée outre la décision de l’inspection du travail en autorisant, le 27 juin dernier, le licenciement d’un délégué CGT de Sodexo, au prétexte que certains salariés avaient continué une grève après la signature d’un accord de fin de conflit. Cela ne va pas dans le bon sens.
Madame la ministre, mes chers collègues, comme je l’ai déjà dit mercredi dernier en commission, nous sortons de quatre-vingts heures de débats avec un grand regret : au-delà de nos divergences et de nos points de vue fondamentalement différents sur le cœur de ce projet de loi, il aurait été possible, à partir de certains articles, de commencer à avancer sur plusieurs sujets.
Le groupe CRC a formulé de multiples propositions sur les questions du temps partiel, des travailleurs saisonniers, de l’amiante, de la lutte contre le travail détaché illégal… Quasiment aucune n’a été reprise, au prétexte soit d’une négociation et d’un recours aux ordonnances, soit de la nécessité d’attendre la renégociation d’une directive européenne ou encore un plan ministériel dont personne ici n’a eu connaissance.
En refusant la casse du code du travail et en faisant des propositions alternatives, le groupe CRC n’a été ni immobiliste ni passéiste, mais, au contraire, moderne, combatif et fidèle aux valeurs de la gauche.
Sachez que nous restons mobilisés aux côtés des salariés. Nous vous donnons rendez-vous ici même à la rentrée pour continuer de porter les exigences et les aspirations du monde du travail. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, vous me permettrez de commencer par des remerciements.
Je tiens à exprimer notre gratitude au président de la commission des affaires sociales, aux trois rapporteurs, Jean-Baptiste Lemoyne, Jean-Marc Gabouty et Michel Forissier, qui n’ont ni ménagé leur temps ni compté leur peine pour élaborer un texte réformateur. Je sais qu’ils sont déçus que le Gouvernement n’ait pas fait montre de plus d’esprit d’ouverture, mais je veux leur dire que ce travail ne sera pas perdu et qu’il ouvre des perspectives pour l’avenir.
Mme Éliane Assassi. Hélas !
M. Bruno Retailleau. Madame la ministre, nous sommes parvenus au terme de ce qui aura sans doute été pour vous un véritable parcours du combattant.
Mme Nicole Bricq. De la combattante !
M. Bruno Retailleau. Je ne vais pas vous adresser de félicitations. Je dirai ce que je pense du texte dans quelques instants, et je n’en pense pas que du bien… Il y a à dire, disait Mme Bricq : j’ajouterai qu’il y a même à redire !
Mme Nicole Bricq. Il y a surtout à faire !
M. Bruno Retailleau. Vous me permettrez toutefois d’exprimer, au nom de mes collègues, une forme de respect pour la façon dont vous avez soutenu vos positions. Vous l’avez fait sans sectarisme, avec beaucoup de pédagogie, avec conviction. Je pense que vous connaissez parfaitement votre dossier – j’ai trouvé bien injustes certaines attaques, venues, je le souligne, de l’extérieur du Sénat –, et vous l’avez défendu avec élégance.
Malheureusement, madame la ministre, l’élégance ne suffit pas à rendre le texte aimable. (Sourires.) C'est la raison pour laquelle mon groupe votera la motion tendant à opposer la question préalable.
Nous nous trouvons devant une formidable occasion manquée. Ce texte restera emblématique de l’échec de ce gouvernement à trouver le chemin d’une vraie réforme, alors que la France a tant besoin de réformes.
Seul le Président de la République semble se satisfaire de la situation actuelle. Lorsque l’on se compare, on se console, dit-on souvent. Mais, quand on compare la situation économique de la France à celle des grands pays européens et occidentaux, on ne se console pas : on se désole.
La croissance française, depuis 2012, est deux fois moindre que celle de la moyenne des pays de l’OCDE.
En 2012, pour le chômage, la France était quatorzième sur vingt-huit en Europe. Aujourd'hui, nous sommes au vingt-et-unième rang, première raison pour laquelle la réforme est non pas une option, mais une nécessité.
Autre raison, tout aussi fondamentale : vous avez bénéficié d’une fenêtre de tir historique pour porter votre réforme. C’est ce que le Président de la République a appelé l’« alignement des planètes », non pas pour parler d’astrologie, mais pour constater que jamais, sur une aussi longue période et pour encore des années, nous n’avions bénéficié d’une situation économique aussi clémente, qu’il s’agisse des taux d’intérêt, du cours de l’euro ou du coût des matières premières et notamment du pétrole. Vous aurez gâché cette occasion historique.
On peut féliciter Mario Draghi, qui est un excellent président de la Banque centrale européenne, de pratiquer ce qu’on appelle l’assouplissement monétaire. Cette politique n’a qu’une seule justification : donner un peu d’élasticité aux économies et permettre aux gouvernements de profiter de cette occasion rêvée pour réformer. Le quantitative easing – l’assouplissement monétaire – ne peut être favorable qu’à cette unique condition : la réforme. Sinon, cela peut créer de graves problèmes, y compris en Europe et dans la zone euro.
Mais cette réforme aura été gâchée, avant même le dépôt du projet de loi, par le retrait de toutes les dispositions relatives au plafonnement des indemnités prud’homales. Puis, au cours de l’examen du texte, notamment par nos collègues députés, vous êtes allés de reculs successifs en renoncements. Bien sûr, il reste l’article 2, qui est l’une des dispositions emblématiques du texte, mais il est désormais corseté, terriblement encadré. Je pense notamment aux accords de branche et à l’article 13.
La réforme aura donc été vidée de son contenu. Notre groupe était prêt, Jean-Baptiste Lemoyne l’a dit, à soutenir la première version de votre texte, madame la ministre, qui partait d’une bonne intuition et constituait une chance pour l’emploi, alors que le texte final ne fera qu’introduire de nouvelles complexités. Ainsi, le texte aura non seulement été vidé de sa substance, après neutralisation de son ambition réformatrice, mais il se traduira également par de nouvelles lourdeurs. Pensez qu’il ne nécessitera pas moins de 127 décrets d’application !
Je citerai trois exemples de ces complexités bien françaises.
D’abord, comme l’a rappelé Michel Forissier, le compte pénibilité sera intégré au CPA, le compte personnel d’activité. Pour beaucoup de petites et moyennes entreprises, seuls les quatre premiers critères de cette mesure seront applicables. Tous les autres seront inapplicables et créeront des lourdeurs pour les entreprises françaises, ce qui aura des conséquences sur les plus fragiles d’entre elles, donc sur l’emploi.
Ensuite, vous remettez en cause l’indépendance des franchises. Dans quel objectif, quel but concret ?
Enfin, vous rendez obligatoire le mandatement syndical. Autre lourdeur si française !
Au bout du compte, cette réforme introduit donc toujours plus de complexité et représente une occasion manquée.
Je pense sincèrement que ce résultat décevant est la conséquence d’une erreur de méthode et d’une approche idéologique, car, pour faire aboutir une réforme, il faut au préalable réunir certaines conditions. Il s’agit, madame la ministre, d’un reproche que j’aurais pu adresser, par le passé, à ma propre famille politique, mais le parcours chaotique de ce texte restera un exemple à ne pas suivre pour celles et ceux qui, demain, devront – le voudront-ils ? – réformer la France.
Première erreur de méthode, la démocratie, c’est le consentement. Sans mandat clair du peuple, vous ne pouvez pas mener une réforme ambitieuse. Vous ne pouvez pas à la fois assumer le discours du Bourget et changer de pied quelque temps après. Sinon, c’est l’élongation et le claquage !
Deuxième erreur de méthode, on mène des réformes en début de mandat, pas à la fin. Permettez-moi de citer le candidat François Hollande, qui affirmait, en 2012, « les bonnes idées, il faut les avoir en début de mandat, pas à la fin ». Malheureusement, il n’a pas appliqué cette maxime à son propre mandat !
Troisième erreur, il faut donner du sens à la méthode que l’on adopte. Certes, vous avez porté ce texte, madame la ministre, mais la méthode a-t-elle été expliquée ? Le texte a-t-il été placé dans une perspective ? Si vous voulez mobiliser un peuple, vous devez donner du sens, inscrire une réforme dans un ensemble plus large, pour qu’il sache où vous voulez aller et quelle lueur vous espérez faire se lever à l’horizon de l’avenir.
Faute d’une bonne méthode, vos efforts ont été vains. Finalement, il ne faut pas s’étonner de ce que votre majorité se soit profondément fracturée.
Vous le remarquerez au passage – j’en remercie aussi bien le groupe centriste que le groupe que j’ai l’honneur de présider –, la majorité sénatoriale a été unie et cohérente, pour proposer un vrai texte, alors que nous avons vu ici même, parfois avec quelque étonnement, votre majorité se diviser.
Vous vous êtes mis à dos la France de gauche, celle qui considère que le code du travail est intouchable. Ce serait une sorte de totem qu’il ne faudrait surtout pas modifier, quels qu’en soient les fruits amers.
Mme Éliane Assassi. Vous n’avez pas écouté M. Laurent !
M. Bruno Retailleau. Vous vous êtes mis à dos une grande partie des Français, tous ceux qui vous faisaient confiance, qui croyaient en votre ambition réformatrice. Ils ont été déçus.
À un moment donné, vous avez tenté de trouver le coupable idéal, à savoir, une nouvelle fois, le Sénat de droite et du centre.
M. Roger Karoutchi. C’est vrai !
M. Bruno Retailleau. Nous commençons à être habitués à ce genre de posture ; on nous a déjà fait le coup pour la déchéance de nationalité. Cela relève désormais d’une sorte de comique de répétition, mais ça n’a pas marché !
Pensez donc, le Sénat ultralibéral imaginait, dans ses rêves les plus fous, ce que Manuel Valls, qui n’était pas encore Premier ministre, avait proposé en 2011 lors des primaires de la gauche, à savoir la sortie des 35 heures ! Alors qu’un certain nombre d’articles de ce texte ont pour objet de déguiser certains accommodements avec les 35 heures, nous, nous assumons cette volonté et nous disons clairement pourquoi : parce que nous considérons que le chômage est le cancer de la société française ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Par ailleurs, vous avez une approche idéologique datée. Vous vous êtes fait collectivement rattraper par les vieilles lunes de la gauche, par de vieilles idées qui appartiennent au XXe siècle et non au XXIe siècle. (M. Jean Desessard proteste.)
En effet, selon vous, l’entreprise, territoire de conflits, fait nécessairement l’objet d’une sorte de tension dialectique entre le travail et le capital. Nous estimons au contraire qu’il s’agit d’une communauté d’intérêts, ce que nous avons d’ailleurs voulu réaffirmer avec un certain nombre de dispositions comme la participation et l’intéressement. Vous les avez, très partiellement et de façon facultative, reprises à votre compte.
Le texte porte la marque de cette conception conflictuelle de l’entreprise, qui n’est d’ailleurs peut-être pas la vôtre personnellement, madame la ministre, mais vous êtes ainsi passés à côté – première erreur idéologique – du problème majeur français : la peur de l’embauche, qui crée des millions de chômeurs.
Autre erreur idéologique, vous acceptez définitivement une organisation duale du marché du travail, avec des outsiders et des insiders. Vous renforcez la protection de ceux qui ont un emploi au détriment de ceux qui n’en ont pas. C’est le problème endémique de la France, qui engendre ce que d’autres ont appelé une sorte de préférence française pour le chômage de masse. Tant que nous ne sortirons pas de cette dualité, nous enfermerons les plus fragiles dans une terrible fatalité.
Enfin, nouvelle erreur idéologique, que pèse la généralisation de la garantie jeunes auprès des vingt articles proposés par Michel Forissier ? La gauche est hostile à l’apprentissage. Sinon, elle aurait repris un certain nombre des dispositifs envisagés. Dans ma région, huit apprentis sur dix sont intégrés au monde du travail quelques mois après leur formation.
M. Charles Revet. C’est vrai !
M. Bruno Retailleau. Je suis sûr que plusieurs de mes collègues de gauche, comme, évidemment, mes collègues de droite, portent l’idée selon laquelle l’apprentissage n’est pas une voie de garage et est au contraire la voie du succès. Pourquoi dès lors avoir préféré créer une sorte de revenu d’assistance pour les jeunes plutôt que de leur mettre le pied à l’étrier, pour une vraie insertion professionnelle ? C’est incompréhensible ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Pour conclure, ce texte n’apportera malheureusement aucune solution à ce que nous considérons comme un malheur français. Il n’introduira aucune des adaptations que notre économie et notre droit du travail doivent intégrer, alors même que de nombreux gouvernements sociodémocrates, en Europe, ont mené ce travail d’adaptation. Si nous ne le faisons pas, nous condamnons, lentement mais sûrement, l’économie française à une dégringolade définitive.
Vous aurez finalement mis la France dans la rue pour peu de choses, voire presque rien, donnant ainsi un écho particulier à cette phrase d’Edgar Faure : « La France est toujours en avance d’une révolution parce qu’elle est toujours en retard d’une réforme. » (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à de rares exceptions près, chacun ici souhaite la fin de l’examen de ce texte.
M. Charles Revet. C’est vrai !
M. François Zocchetto. Ce souhait ne se justifie pas par la volonté d’une promulgation rapide. En réalité, nous espérons tous la fin de l’examen de ce texte, car elle marquera – pour un temps seulement, sans doute… – la fin de longs mois de tensions sociales et politiques dont, dans le contexte que chacun connaît, nous n’avions vraiment pas besoin.
Votre projet de loi, madame la ministre, n’avait que très peu de chances d’aboutir tel que vous l’aviez imaginé, et ce pour plusieurs raisons.
La principale était un manque de préparation. Le Gouvernement n’avait pas pris la mesure de la défiance des partenaires sociaux à son encontre, après une succession de réformes mal engagées et d’échecs politiques, défiance d’ailleurs largement partagée par nos concitoyens.
En ne consultant pas suffisamment en amont, en ne négociant pas suffisamment tôt, en ne respectant pas complètement l’article 1er du code du travail, vous avez donné à notre pays l’occasion d’exprimer l’un de ses travers bien connus.
Ce manque de préparation s’est également manifesté sur un plan plus politique. Dès la présentation du texte, vous n’aviez pas de majorité pour le défendre à l’Assemblée nationale. Cet épisode a démontré une fois de plus que la majorité formée par François Hollande au début de son quinquennat n’avait qu’un sens relatif et que l’unité de la gauche était fugitive.
La gauche que vous avez invoquée tout à l’heure n’a pas non plus pris la peine de clarifier sa vision de l’entreprise. C’est ce qui est ressorti très clairement des tensions observées entre frondeurs et socialistes. Nous en avons été témoins au Sénat : entre les idées de Mme Bricq et de Mme Lienemann, il y a un monde, chacun en conviendra.
En sus d’un manque de préparation, ce texte a pâti d’un manque de pédagogie. D’aucuns, dans notre pays, se refusent à tout changement. Par peur, intérêt ou conformisme, ils ont d’emblée contesté votre projet de loi, lequel, conformément à sa philosophie originelle en tout cas, impliquait, en matière de droit du travail, des évolutions que nous attendions.
Ces personnes systématiquement hostiles au changement savent utiliser l’opinion publique pour défendre leurs positions ; elles savent mobiliser, jouer sur les peurs et les frustrations ; elles ne font preuve d’aucune retenue lorsqu’il s’agit de contester la moindre réforme. Vous n’avez pas su, madame la ministre, les contredire et expliquer à nos concitoyens vos objectifs, votre conception du monde du travail, notamment de la négociation collective et de la médecine du travail.
Une meilleure préparation, un effort de présentation et de meilleures explications auraient permis à ce texte de passer plus sereinement l’étape de l’examen parlementaire. Vous aurez beau nous rappeler le nombre d’amendements retenus en commission et dans la version considérée comme adoptée, la réalité est que le débat n’a pas eu lieu à l’Assemblée nationale. Il ne s’agissait que d’un dialogue de sourds.
Quant au Sénat, il vous a démontré qu’un vrai débat démocratique était possible. Il a eu lieu pendant dix jours dans notre hémicycle. Vous avez pu défendre votre texte, et la majorité sénatoriale unie a pu s’exprimer et défendre ses positions. Ce ne sont pas nos collègues du groupe CRC, qui ont déposé et présenté plusieurs centaines d’amendements, qui diront le contraire.
Nos rapporteurs, dont je salue l’implication et que je félicite pour la qualité du travail accompli, ont su proposer une version aboutie de votre texte, enrichie non seulement par les propositions des groupes non seulement de la majorité, mais aussi de l’opposition sénatoriales. Le texte voté par le Sénat n’était pas plus « dur » ou plus « libéral », comme on a pu le lire çà et là. La caricature est facile sur ces sujets lorsque l’on reste dans des postures, et elle permet en fait de faire l’économie d’une véritable analyse !
En se fondant sur la philosophie de votre projet initial et sur le rapport Combrexelle, le texte du Sénat a su lier souplesse, simplicité et efficacité, pour reprendre les termes utilisés par notre collègue Jean-Marc Gabouty lors de la première lecture.
Nous avons ainsi adapté la définition du licenciement économique, pour que l’effort ne repose pas uniquement sur les salariés ; nous avons souhaité encourager l’intéressement, développer l’apprentissage, moderniser la médecine du travail, mais aussi, et surtout, donner une plus grande marge de manœuvre aux accords d’entreprise.
Dans certaines matières, l’entreprise sera le cadre à privilégier ; dans d’autres, la branche sera la référence, tandis que, dans d’autres matières encore, c’est la loi qui devra prouver toute son efficacité. Sachons adapter notre monde du travail et n’ayons pas peur du dialogue social, même direct !
Malheureusement, mais l’on s’y attendait, l’action du Sénat a été entièrement déconstruite par l’Assemblée nationale. La version que vous nous soumettez aujourd’hui est peu ou prou identique à celle qui nous avait été transmise en première lecture. Au groupe UDI-UC, nous considérons, madame la ministre, qu’il est aujourd’hui essentiel, à la lumière de cette expérience, de revoir notre façon de gouverner et de légiférer.
La défiance de nos concitoyens à l’encontre des responsables politiques nous oblige à revoir nos méthodes. Il faut sortir du temps médiatique, et prendre de nouveau le temps, sur des questions aussi essentielles, de travailler efficacement et méthodiquement. Il convient d’expliquer au préalable ce que l’on va faire. A fortiori, il ne faut surtout pas faire, comme vous l’avez malheureusement fait, ce que l’on n’a pas annoncé ou l’inverse de ce que l’on a annoncé.
Il s’agit là de la principale leçon des discussions de ce texte, qui est un échec sur bien des aspects. L’objectif initial de votre projet, qui était de permettre aux 5 millions de Français au chômage de retrouver le chemin de l’emploi, s’est rapidement effacé au profit de querelles idéologiques et de calculs politiques.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme Myriam El Khomri, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, rassurez-vous, après quatre-vingts heures de débat, je ne reprendrai pas l’ensemble de mes arguments en faveur de ce texte.
Néanmoins, j’apporterai aujourd'hui quelques éléments de réponse, notamment à la question posée par MM. Bruno Retailleau et Jean Desessard.
Pourquoi une réforme la dernière année du quinquennat ? Parce que le Président de la République est élu pour cinq ans ! Il mène donc des réformes de 2012 à 2017, d’autant que notre pays en a besoin.
Nous avons fait de nombreuses réformes. Je pense notamment à la loi relative à la sécurisation de l’emploi de 2013, à la négociation réussie concernant les plans de sauvegarde de l’emploi, les PSE, sujet particulièrement sensible, à la loi relative au dialogue social et à l’emploi, et à la réforme de la formation professionnelle.
En effet, dans le champ du travail et de l’emploi, nous avons ainsi fait adopter une loi chaque année. Attachés à notre modèle social, nous devons également être lucides sur la situation de notre pays. Aimer son pays, c’est aussi prendre ses responsabilités, face aux défis immenses qui l’attendent. Nous avons donc fait le choix de nous adapter, pour que notre modèle social ne disparaisse pas.
Au sein de l’Union européenne, nous sommes le deuxième pays où il y a le plus d’utilisateurs de CDD de moins d’un mois. Nous savons bien qu’il y a un problème et qu’il est nécessaire de faciliter l’emploi durable. C’est une question essentielle.
Ma vision de l’entreprise, que j’assume, n’est pas manichéenne. Malgré les débats et les tensions, je pense en effet que notre pays doit se tourner davantage vers la culture de la négociation et du compromis. Nous avons anticipé une telle évolution, le Premier ministre ayant demandé voilà plus d’un an, au printemps 2015, un rapport à Jean-Denis Combrexelle relatif à la négociation collective, et notamment à la négociation d’entreprise. M. le président de la commission l’a suffisamment dit au cours des débats, de nombreux rapports sont demandés au ministère du travail. Si nous n’avions pas tenu compte des enseignements de celui-ci, que ne nous aurait-on pas reproché ? Sans doute nous aurait-on accusés de commander des rapports pour évacuer le sujet !
Il faut assumer les choses, et notamment le fait que, dans notre pays, les contournements du droit du travail sont nombreux. Nous le voyons bien, le travail détaché, le travail indépendant et l’intérim se répandent. L’enjeu est là.
Pourquoi donner plus de place à la négociation ? Pour être capables de mieux nous adapter dans un monde qui bouge très vite, tout en préservant notre modèle social. Je considère en effet que c’est par le dialogue social au plus près de l’entreprise, avec les garde-fous que nous avons posés, notamment le principe majoritaire, qui est pour moi essentiel dans ce projet de loi, que nous arriverons à faire avancer le progrès social et le progrès économique dans un même mouvement.
Ce texte permet aussi des avancées essentielles. Cela fait trente ans que nous le disons, la formation professionnelle ne bénéficie pas à ceux qui en ont le plus besoin. Nous avons donc établi un droit universel à la formation, abondé les comptes des salariés les moins qualifiés, développé la formation des demandeurs d’emploi, ainsi que la garantie jeunes.
Pour ma part, je n’opposerai jamais l’apprentissage à la garantie jeunes ! Je défends bien sûr l’apprentissage : sept apprentis sur dix trouvent un emploi ! Cela fait vingt ans que le sujet était tabou : on ne voulait pas ouvrir à l’apprentissage les titres professionnels délivrés par le ministère du travail. Je l’ai fait en six mois. En tant que président de région, vous le savez, monsieur Retailleau, puisque vous avez reçu mon courrier. Ce dispositif essentiel, adapté à la situation de certains jeunes, a donc été développé.
La garantie jeunes est un dispositif d’accompagnement, un contrat gagnant-gagnant entre le jeune et la mission locale, qui permet de le placer en situation professionnelle. C’est tout sauf une allocation !
Vous avez raison, monsieur Zocchetto, des erreurs de pédagogie ont été commises. Je les ai assumées, je l’ai dit en première lecture, et je continue à les assumer pleinement. Certes, le conflit politique et la tenue des élections dans un an expliquent en partie la situation. Toutefois, ne l’oublions pas, les organisations syndicales ont des visions différentes. Ce n’est pas pour rien qu’elles ont refusé la négociation sur le rapport de Jean-Denis Combrexelle. Ces difficultés, ces analyses différentes au sein du front syndical ne sont pas nouvelles, ne nous racontons pas d’histoires.
Souvenez-vous du débat sur les retraites complémentaires à l’automne dernier ! Vous le savez bien, une organisation syndicale boycotte depuis de nombreuses années les conférences sociales et refuse de signer les accords nationaux interprofessionnels. Ne réinventons pas un décor idéal, où chacun s’entendrait et serait capable de trouver des solutions avec les autres !
Le sujet abordé a donc été à l’origine de visions différentes. Je n’oppose pas le culte de la loi au contrat. Je crois que, dans notre pays, nous avons besoin non seulement de la loi et du code du travail, mais aussi de branches professionnelles beaucoup plus fortes. Si nous devons restructurer les branches, c’est bien parce que la négociation n’y est pas suffisamment dynamique. La négociation au sein des entreprises est également essentielle.
Le débat a souffert de propos caricaturaux. La semaine dernière, un jeune affirmait que, après l’adoption de la loi Travail, les apprentis travailleraient 60 heures par semaines ! En butte à de telles caricatures, comment voulez-vous gagner la bataille de l’opinion ? Bien sûr, le Gouvernement a commis des erreurs. Toutefois, je considère que nous avons trouvé un compromis à chaque étape, notamment avec les organisations syndicales qui soutiennent ce texte.
D’ailleurs, monsieur Watrin, vous oubliez souvent de parler du soutien de certaines organisations syndicales au texte, qui est tout autre chose qu’un retour au XIXe siècle. C’est au contraire un acte de confiance envers le dialogue social et il institue de nouveaux droits qui nous permettront de nous adapter.
On aurait évidemment espéré que les choses se passent différemment. Néanmoins, j’en suis persuadée, quand le compte personnel d’activité sera ouvert à nombre de nos concitoyens, quand les artisans et les commerçants auront droit à la formation professionnelle, ce qui sera le cas dès janvier 2018, quand les jeunes les plus précaires trouveront un emploi grâce à la garantie jeunes, quand le sort des saisonniers s’améliorera grâce aux nouveaux contrats, alors, la période de cinq mois que nous venons de vivre, et qui va peut-être se poursuivre, sera bien derrière nous !
Le sens de l’État et de l’intérêt général, c’est de continuer à avancer lorsque l’on croit en son pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par MM. Lemoyne, Gabouty et Forissier, au nom de la commission, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (n° 771, 2015-2016).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le président de la commission, pour la motion.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen par le Sénat d’un projet de loi dont le contenu tout comme l’intitulé ont fortement évolué depuis que ses premiers éléments ont été rendus publics en début d’année.
Lors de sa réunion du 13 juillet dernier, notre commission a approuvé, sur proposition de ses rapporteurs, à qui je souhaite ici rendre hommage, le dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable.
Pourtant, dans un contexte social tendu, le Sénat a procédé, cela a été dit, à l’examen approfondi de ce texte en première lecture, après que nos collègues députés en ont été privés par le Gouvernement du fait du recours à la procédure de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.
Je vous le rappelle, la commission des affaires sociales a consacré, le 1er juin dernier, près de treize heures à l’examen du projet de loi et à l’élaboration de son texte. Sur 411 amendements déposés, 201 avaient été adoptés, dont 155 émanaient des rapporteurs.
Ceux-ci avaient réalisé au préalable un travail de concertation exhaustif, dans des délais très courts : plus d’une soixantaine d’organismes, d’experts et de représentants des partenaires sociaux avaient été entendus en moins d’un mois. Notre commission avait également reçu successivement les organisations syndicales et patronales représentatives.
Ensuite, le Sénat a consacré plus de quatre-vingts heures, soit deux semaines complètes, à l’examen du texte en séance publique. Sur les 909 amendements examinés, dont 368 pour le seul groupe CRC, 157 ont été adoptés, dont quinze de ce même groupe.
Ces statistiques démontrent que le Sénat était animé par une volonté sincère de se montrer à la hauteur des enjeux. Le texte issu de notre assemblée traduit de ce fait fidèlement les orientations politiques de sa majorité et de sa commission.
Quels étaient les principaux apports du Sénat ? Outre les points mis en exergue par nos rapporteurs, il faut souligner que nous avons cherché à renouer avec l’ambition initiale du texte telle qu’elle ressortait de l’avant-projet transmis au Conseil d’État, ambition alors saluée par tous ceux qui cherchent à donner un nouveau souffle à l’économie française. De plus, nous étions mus par la volonté de lever les obstacles, identifiés de longue date, qui pénalisent nos entreprises et qui constituent autant de freins à l’emploi.
Surtout, nous voulions enrichir le texte des réflexions conduites par le Sénat depuis plusieurs années sur des sujets aussi variés que le mandatement, les accords de compétitivité ou la formation professionnelle. Force est aujourd’hui de constater que l’Assemblée nationale et le Gouvernement n’ont pas pris au sérieux nos propositions.
Une thématique illustre tout particulièrement la désinvolture avec laquelle les députés et le Gouvernement ont examiné le texte du Sénat : l’apprentissage. (Protestations sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jacques Chiron. Cinq mois de débats, vous appelez cela de la désinvolture ?
M. Alain Milon, président de la commission. Sur proposition de notre rapporteur Michel Forissier, dont la connaissance du sujet, compte tenu de sa longue expérience professionnelle en la matière, ne peut être mise en doute, notre commission avait complété le texte par douze articles visant à répondre aux défis auxquels fait aujourd’hui face l’apprentissage.
Ces dispositions étaient issues de la proposition de loi visant à développer l’apprentissage comme voie de réussite, rédigée au nom de la délégation sénatoriale aux entreprises par notre collègue Élisabeth Lamure, au terme d’un long processus d’échanges avec tous les acteurs concernés : ministères du travail et de l’éducation nationale, chambres consulaires, partenaires sociaux, régions.
Cette démarche reposait sur un diagnostic très largement partagé : en France, l’apprentissage doit faire face à de nombreux obstacles institutionnels, culturels et financiers, qui l’empêchent d’occuper la place qui devrait être la sienne dans notre société. Notre commission avait d’ailleurs pu constater, en avril 2015, lors d’un déplacement sur ce thème en Allemagne et en Autriche, que des réformes de bon sens et consensuelles permettraient de surmonter les difficultés.
Pourtant, toutes les mesures que nous avons adoptées ont été balayées d’un revers de main par les députés, sans même que ceux-ci daignent en retravailler certaines ou faire des propositions alternatives. J’aimerais, à titre d’exemple, en citer trois.
Tout d’abord, la création d’un pacte national pour l’apprentissage, sur le modèle allemand de l’alliance pour la formation initiale et continue, nous semblait indispensable. Ce pacte aurait organisé la nécessaire coordination de tous les acteurs concernés, sur la base du volontariat, sans remettre en cause les prérogatives de chacun, en particulier des régions. Si un État comme l’Allemagne parvient à concilier son organisation fédérale avec un pilotage national de l’apprentissage, pourquoi notre pays n’y parviendrait-il pas ?
Ensuite, l’information des élèves sur les métiers, aujourd’hui pour le moins lacunaire, devait selon nous être améliorée. C’est pourquoi nous avons proposé que les jeunes élaborant un projet d’orientation vers l’apprentissage puissent bénéficier, dès l’obtention du brevet et sous statut scolaire, du dispositif d’initiation aux métiers en alternance, le DIMA.
Enfin, compte tenu du taux élevé de rupture prématurée des contrats d’apprentissage, qui dépasse les 30 % dans certaines filières, nous nous étions inspirés de l’exemple alsacien pour rendre obligatoire la médiation consulaire préalablement à toute rupture d’un contrat d’apprentissage.
Il est profondément regrettable que de telles propositions aient été écartées sans discussion.
Au-delà même de la question de l’apprentissage, la plupart des apports du Sénat ne figurent plus dans le texte qui nous a été transmis, qu’il s’agisse de la simplification et de la sécurisation du cadre juridique applicable aux entreprises, du renforcement de leur compétitivité, de la prise en compte des spécificités des TPE et des PME ou de la réaffirmation des missions de la médecine du travail.
Dès lors, madame la ministre, vous comprendrez aisément qu’il ne nous paraisse pas opportun de soumettre ce projet de loi à une nouvelle lecture : la position de notre assemblée a pu être largement développée en première lecture, et nous ne sommes pas en mesure de faire évoluer davantage un texte sur lequel le Gouvernement devra sans doute engager demain pour la troisième fois sa responsabilité afin de le faire adopter par l’Assemblée nationale en lecture définitive.
Nous voici parvenus au moment de dire « non » au Gouvernement. Madame le ministre, nous ne sommes d’accord avec votre projet de loi ni sur le fond, qui n’existe pratiquement plus, ni sur la forme. Voici une loi dont la particularité aura été d’être applicable sans avoir été votée ni par l’Assemblée nationale, victime d’un 49.3 autoritaire, ni par le Sénat, victime de votre volonté de ne rien retenir de ses excellentes idées – sur l’apprentissage, par exemple, nous vous avions montré une voie pragmatique qui aurait pu enfin mener à une possible réussite –, dont même les plus polémiques auraient pu donner lieu à des applications positives.
Mes chers collègues, le moment que nous vivons est paradoxal : après avoir tant critiqué, pendant cinq ans, le Président Sarkozy et son Premier ministre François Fillon pour leur autoritarisme, alors que ces derniers n’ont jamais utilisé le 49.3, jamais produit le moindre heurt dans la rue, jamais mis en danger la renommée internationale de notre pays,…
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Alain Milon, président de la commission. … la majorité gouvernementale actuelle s’apprête à mettre en place une loi refusée par le pays tout entier, par le patronat, les salariés, les travailleurs. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.) Après avoir attisé les rancœurs entre le privé et le public, le Gouvernement nous montre combien il tient peu compte des demandes du pays !
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Alain Milon, président de la commission. Ça va mieux, paraît-il ! Mais ce n’est pas la réussite d’un événement sportif, même identique à celle de 1998, qui améliorera le moral du peuple français. Certains membres du Gouvernement nous parlent souvent de la VIe République ; si celle-ci est à l’image de ce que nous avons connu ces derniers mois, autant garder la Ve ! Si la Ve République est, selon vous, un « coup d’État permanent », madame la ministre, c’est bien votre gouvernement, et en particulier son Premier ministre, qui le dirige et le met en place.
M. Charles Revet. Exactement !
M. Bruno Retailleau. Très bien !
M. Alain Milon, président de la commission. Pour conclure, madame la ministre, malgré l’estime que, vous le savez – et j’adhère sans réserve aux propos de M. Retailleau à votre sujet –, je vous porte, j’invite le Sénat à voter la motion que nous soumet la commission des affaires sociales. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. Madame la ministre, oserai-je vous demander quel est l’avis du Gouvernement ? (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Le groupe CRC ne votera pas la question préalable déposée par la droite sénatoriale, car il ne partage aucune de ses deux motivations.
La première est évidente et explicite : c’est l’esprit de surenchère qui vous a animés, chers collègues de la majorité sénatoriale, tout au long du débat en première lecture. Non contents de pousser les feux de ce projet de loi, dont, aux côtés du MEDEF, vous avez soutenu le principe dès le premier jour, vous avez sans cesse cherché à en rajouter dans le sens du démantèlement des garanties collectives et du code du travail.
Vous ne vouliez pas combattre l’article 2 : vous vouliez pousser sa logique jusqu’au bout, comme l’a rappelé M. Lemoyne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Tout à fait !
M. Pierre Laurent. C’est évidemment cette logique que nous combattons depuis le départ. Nous ne pouvons donc pas voter la question préalable au nom de cette motivation.
Le dépôt de cette question préalable constitue par ailleurs une petite habileté politique qui, en vérité, vous évite le vote final sur le projet de loi : vous ne voulez pas voter contre ; vous préférez donc utiliser l’arme de la question préalable. En quelque sorte, vous voulez cette loi, mais ne souhaitez pas laisser vos empreintes sur la scène du crime ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Autrement dit, la question préalable est une manière de donner un blanc-seing au texte gouvernemental tel qu’il est issu de l’Assemblée nationale. Le résultat, évidemment, est un déni de démocratie supplémentaire,…
M. Francis Delattre. On connaît votre attachement à la démocratie !
M. Pierre Laurent. … puisque ce texte n’aura jamais été discuté en séance publique à l’Assemblée nationale, avec le recours au 49.3, et ne l’aura été qu’une seule fois au Sénat. Il s’agit donc d’un texte majeur qui n’aura connu en tout et pour tout qu’une seule discussion en séance dans les deux hémicycles !
Madame la ministre, à propos du 49.3, vous nous dites que vous n’avez pas obtenu de compromis avec la droite, et voilà pourquoi le débat ne peut se poursuivre aujourd'hui au Sénat, mais vous n’expliquez toujours pas pourquoi vous n’en avez pas obtenu avec votre majorité parlementaire, ni en première lecture ni en deuxième lecture. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Le problème est bien là, et il témoigne de l’état assez piteux de notre démocratie : nous allons adopter un texte majeur sans que celui-ci ait jamais réuni, à quelque étape de son examen que ce soit, de majorité parlementaire.
Madame la ministre, vous savez que les organisations syndicales qui combattent ce texte ont annoncé qu’elles poursuivraient la mobilisation. Nous resterons à leurs côtés et continuerons, dès la rentrée, de porter leur voix dans l’hémicycle. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 439 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 187 |
Contre | 154 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels est rejeté.
8
Dépôt de rapports
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur les recompositions de l’offre hospitalière 2014 et le rapport sur les créances fiscales et les procédures de surendettement.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Ils ont respectivement été transmis à la commission des affaires sociales et à la commission des finances.
9
Modalités d'inscription sur les listes électorales
Adoption définitive des conclusions de trois commissions mixtes paritaires
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions des commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer des textes sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales (texte de la commission n° 780, rapport n° 779), de la proposition de loi organique rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des ressortissants d’un État membre de l’Union européenne autre que la France pour les élections municipales (texte de la commission n° 781, rapport n° 779) et de la proposition de loi organique rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France (texte de la commission n° 782, rapport n° 779).
La conférence des présidents a décidé que ces trois textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous le savez, les commissions mixtes paritaires réunies pour harmoniser les positions de l’Assemblée nationale et du Sénat sur les propositions de loi de nos collègues Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann, lesquelles tendaient à profondément réviser les modalités d’inscription sur les listes électorales, se sont conclues par un accord, dont je dirais que c’est un bon accord.
Premièrement, il confirme les principes essentiels et la philosophie générale de la réforme, principes et philosophie que nous avions d’ailleurs fait nôtres dès la première lecture. Deuxièmement, il retient les deux principales améliorations du dispositif de mise en œuvre de la réforme que nous avions proposées. Troisièmement, il introduit une disposition qui répond à une attente et devrait faciliter la mise en œuvre du dispositif.
Premier point donc : les modifications essentielles de la procédure actuelle de révision des listes électorales.
Il s’agit de la création d’un répertoire électoral unique, tenu par l’INSEE, dont les listes électorales communales et consulaires ne seront qu’une extraction ; de l’inscription sur les listes électorales et de la radiation par le maire en continu toute l’année, jusqu’à un peu plus de trente jours avant le scrutin le plus proche – j’y reviendrai sur cette innovation apportée par la commission mixte paritaire – ; de la suppression de la possibilité de double inscription pour les Français établis hors de France.
Deuxième point : les améliorations du dispositif proposées par le Sénat.
Sa principale proposition était le report d’un an de la date de mise en œuvre possible de la réforme – « mise en œuvre possible », je le répète, et non « mise en œuvre ». Le 31 décembre 2019, en effet, est une date limite qu’un décret en Conseil d’État pourra avancer si l’harmonisation de la liste de l’INSEE et des listes communales, l’équipement informatique permettant une transmission numérique des données entre les communes et l’INSEE, ainsi que la formation des personnels sont achevés avant cette date. On me permettra de continuer d’en douter, mais, ma foi, n’insultons pas l’avenir…
La seconde proposition du Sénat constituait une profonde modification de la composition et du rôle des commissions communales de contrôle prévues par la proposition de loi initiale. À quelques détails près, qui ne touchent pas au fond, elle a été adoptée. J’en rappelle brièvement les principaux éléments.
D’abord, la commission statue sur les recours des électeurs contre les décisions du maire, s’assure de la régularité de la liste électorale et, éventuellement, la réforme. Tout recours contentieux devant les juridictions doit être précédé de ce recours devant la commission.
Ensuite, le maire, à sa demande ou à l’invitation de la commission, est entendu par celle-ci.
Enfin, les représentants de la liste municipale majoritaire restent majoritaires au sein de la commission de contrôle, à la différence de ce qui était initialement prévu par les auteurs de la proposition de loi dans certains cas un peu particuliers.
Ces dispositions garantissent une transparence totale des opérations d’inscription et de radiation sur les listes électorales tout en interdisant toute instrumentalisation politicienne par l’une des listes représentées au conseil municipal.
J’ajoute qu’en tout état de cause les intéressés et les électeurs disposeront, comme aujourd’hui, d’un droit de recours contentieux devant les juridictions, même si le recours préalable devant la commission, éliminant les erreurs involontaires et les mauvaises interprétations du code électoral, devrait, me semble-t-il, en limiter grandement le nombre.
Surtout, se trouve ainsi écarté le risque pour le maire de voir sa responsabilité engagée à tort pour une erreur involontaire, voire pour une erreur d’interprétation du code électoral.
La disposition prévoyant que « le fait de procéder ou de faire procéder indûment, de manière frauduleuse, à des inscriptions, à des radiations ou au maintien d’électeurs sur la liste électorale est puni des mêmes peines » que celles qui sont déjà prévues à l’article L. 113 du code électoral n’est donc en rien une menace supplémentaire planant sur les maires, si ce n’est, évidemment, sur ceux qui auraient la commission de contrôle pour complice dans une opération qui serait alors volontairement frauduleuse.
Troisième et dernier point : hors procédure au titre de l’article L. 30 du code électoral, afin de garantir à chaque électeur, quel que soit le jour de sa demande d’inscription, l’ensemble de ses droits de recours administratifs ou contentieux, la date limite d’inscription, initialement fixée à un mois avant celle du scrutin – sujet dont nous avions longuement débattu –, a été portée au « sixième vendredi précédant le scrutin ».
Cette innovation de la commission mixte paritaire, qui, d’une part, répond aux attentes des responsables municipaux qu’inquiète la perspective d’un afflux de demandes au dernier moment, en tout cas tant que l’inscription au fil de l’année ne sera pas rentrée dans les habitudes, d’autre part, n’a pas pour effet d’allonger inconsidérément la période de non-inscription avant le scrutin, est une très bonne chose.
Mes chers collègues, j’espère en tout cas vous en avoir convaincus et je vous invite à voter cette ultime mouture de la proposition de loi et des propositions de loi organique rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous arrivons au terme du processus législatif concernant ces trois textes qui portent une réforme ambitieuse et moderne de l’élaboration et de la mise à jour des listes électorales, et donc de l’accès au suffrage.
À l’origine de ces réformes, je veux souligner, d’une part, l’engagement du Président de la République en faveur d’une facilitation de l’accès au scrutin, via notamment la possibilité donnée à nos concitoyens de s’inscrire jusqu’à un mois avant la date d’un scrutin, et, d’autre part, le rapport des députés Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann, remis en décembre 2014, qui a constitué une préfiguration des dispositions législatives contenues dans ces trois textes.
Ce rapport évaluait à 3 millions le nombre d’électeurs non inscrits et à 6,5 millions le nombre d’électeurs mal inscrits. Ces chiffres considérables résument bien la nécessité de moderniser notre système de gestion des listes électorales.
Je sais que les travaux ont été intenses au sein des commissions mixtes paritaires pour aboutir à un accord. Cet accord, que je salue, répond au souhait exprimé par le Sénat au cours de ses débats en prenant en compte les implications de la réforme pour les maires, notamment ceux des petites communes – ils seront plus encore qu’auparavant placés au cœur du processus de mise à jour de ces listes –, tout en bénéficiant pleinement à nos concitoyens, dont les démarches seront facilitées.
Je veux, à ce titre, tout particulièrement remercier les rapporteurs des commissions mixtes paritaires, M. Pierre-Yves Collombat et ses collègues de l’Assemblée nationale, Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann. Ils ont conduit de nombreuses auditions et mené un travail considérable qui a permis, malgré les différences entre les textes votés dans chacune des assemblées, la conclusion d’un accord.
Le ministre de l’intérieur souhaitait également remercier le président de votre commission des lois, Philippe Bas, pour sa contribution à la mise au point de ce texte.
Les trois propositions de loi comportent des mesures de portées diverses.
La plus emblématique d’entre elles est celle qui permet à nos concitoyens de s’inscrire sur une liste électorale jusqu’au sixième vendredi précédant un scrutin, soit trente jours ouvrés auparavant – vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur. Ce rapprochement entre la date limite d’inscription et le jour du scrutin permettra de mieux faire coïncider le cycle de mobilisation électorale et le calendrier des démarches administratives nécessaires pour accéder au scrutin.
Deux autres dispositions me semblent importantes : l’inscription d’office des personnes venant d’acquérir la nationalité française et celle des jeunes atteignant la majorité entre les deux tours d’un scrutin. Il s’agissait de situations de frustration pour nos concitoyens empêchés de voter. L’accès à la nationalité doit s’accompagner d’un plein accès à la citoyenneté. De la même façon, il n’existait aucune raison de priver des jeunes majeurs du droit de participer à une élection.
L’objectif essentiel de ce texte est donc d’assouplir l’accès au scrutin pour favoriser l’expression démocratique, et donc de lutter contre l’abstention.
Cependant, cette réforme exige parallèlement de revoir en profondeur le processus d’élaboration et de mise à jour des listes électorales. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez largement évoqué au cours de vos débats les contraintes de temps inhérentes au processus d’inscription. Or les nouvelles technologies nous donnent la possibilité de mettre en œuvre un certain nombre d’innovations qui permettront de concilier les priorités. Je pense avant tout à la dématérialisation complète des échanges d’informations entre les communes et l’INSEE. Cette dématérialisation rend possibles les inscriptions jusqu’à un mois d’un scrutin, ce que n’auraient pas permis les simples flux de courrier.
La dématérialisation et la création du répertoire électoral unique permettront également de traiter le problème des doubles inscriptions, un des autres dysfonctionnements majeurs mis en évidence par le rapport des députés Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann. Le système informatique qui sera construit pour agréger les listes électorales permettra également de recouper les listes communales entre elles et, par conséquent, de simplifier des vérifications aujourd’hui complexes pour les communes.
Le maire sera plus que jamais au centre du dispositif puisqu’il prendra directement la décision d’inscription. Il disposera de cinq jours à compter de la demande d’inscription pour rendre sa décision et de deux jours pour la notifier à l’électeur.
Le texte prévoit, sur l’initiative du Sénat – je tenais à le rappeler, monsieur le rapporteur –, que l’électeur devra saisir la commission de contrôle d’un recours administratif préalable dans un délai de cinq jours avant d’engager un recours contentieux contre une inscription ou un refus d’inscription. La commission disposera de deux jours pour notifier sa décision. En cas d’absence de décision sous trente jours ou de publication de la liste électorale, le recours administratif préalable fait l’objet d’une décision implicite de rejet.
La commission de contrôle instituée dans chaque commune aura donc pour mission de statuer sur les recours administratifs préalables formés contre les décisions du maire. Elle devra également s’assurer de la régularité des listes. Elle disposera pour cela de pouvoirs d’autosaisine et de réformation des décisions du maire.
À compter de la publication de la liste ou de la décision de la commission, l’électeur disposera de sept jours pour saisir le tribunal d’instance, qui se prononcera sous huit jours.
Les propositions de loi traitent d’un autre sujet important, qui a été à la source de nombreuses difficultés lors de précédents scrutins, notamment lors des scrutins présidentiels : la double inscription pour les Français établis hors de France, qui peuvent être inscrits à la fois sur une liste électorale consulaire et sur une liste électorale communale.
Dans un souci de simplification et de clarté, qui ne peut être que bénéfique à la sincérité d’un scrutin, la réforme met fin à une telle possibilité. Chaque électeur devra choisir s’il veut être inscrit sur une liste consulaire ou sur une liste communale. Toutefois, je voudrais rassurer les électeurs inscrits hors de France : ce volet de la réforme ne sera mis en œuvre qu’après les échéances électorales, afin de ne pas modifier le corps électoral à un an des prochaines échéances législatives.
De la même manière, les électeurs inscrits hors de France doivent savoir que le système n’est pas irrévocable. Chaque Français pourra à tout moment choisir de modifier sa situation électorale en fonction de sa situation personnelle, et à condition de faire les démarches d’inscription nécessaires sur la liste électorale dans les trente jours précédant le scrutin.
Nous répondons ainsi à la double injonction du Conseil constitutionnel et facilitons les démarches de nos concitoyens, qui étaient parfois pénalisés par des démarches administratives contre-intuitives.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces propositions de loi servent un objectif démocratique d’importance. Je voulais à ce stade remercier une nouvelle fois M. le rapporteur, Pierre-Yves Collombat. Le travail très important qu’il a effectué en commission, lors des précédentes lectures et au cours de la commission mixte paritaire, a permis d’aboutir positivement.
Durant les débats, il avait fait part de sa préoccupation quant à la mise en œuvre du dispositif. Je tiens à lui indiquer que le travail a déjà débuté, puisque l’INSEE a mis en place une équipe dédiée. Sous la direction du ministère de l’intérieur, les neuf ministères intéressés sont réunis à fréquence mensuelle depuis le mois de février dernier. Le comité de suivi, qui associe également des représentants des communes au travers de l’Association des maires de France, l’AMF, s’est réuni depuis le 10 mai. Plusieurs réunions techniques avec des représentants des communes se sont tenues. Elles ont d’ores et déjà permis d’avancer dans la description et la construction du futur système d’information.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous appelle donc à approuver le texte issu de la commission mixte paritaire. Je vous remercie par avance de votre soutien et de la force que vous donnerez ainsi à cette réforme importante pour le fonctionnement de notre démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Sénat a ouvert sa séance en rendant hommage aux victimes de l’attentat qui a frappé Nice le 14 juillet dernier. Permettez-moi de m’associer à cet hommage, en mon nom et en celui du groupe écologiste, dont toutes les pensées vont vers les victimes, leurs familles et leurs proches. Je pense évidemment aux victimes de Nice, mais aussi à celles de Bagdad et d’ailleurs.
Moins d’un mois après la première lecture, nous examinons aujourd'hui trois propositions de loi relatives aux modalités d’inscription sur les listes électorales déposées par nos collègues députés Élisabeth Pochon, du PS, et Jean-Luc Warsmann, de LR, dans leur rédaction issue de la commission mixte paritaire.
Comme je l’ai souligné voilà quelques semaines, l’enjeu est majeur : lutter contre l’abstention et encourager nos concitoyens à reprendre le chemin des urnes. Le groupe écologiste se réjouit donc que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord, dans un esprit constructif, afin d’agir concrètement et à court terme sur les causes de la mal-inscription ou de la non-inscription.
Rappelons ici les chiffres édifiants dont faisait état le rapport élaboré en 2014 par les auteurs des propositions de loi, Mieux établir les listes électorales pour revitaliser la démocratie. Près de 9,5 millions d’électeurs sont mal inscrits ou non inscrits sur les listes électorales ! Cela revient, si l’on considère que tout Français majeur non privé du droit de vote, soit environ 45 millions de personnes, est électeur, à priver le corps électoral de notre pays de plus de 20 % de ses membres !
Le groupe écologiste a soutenu ces textes en première lecture ; il les soutiendra encore aujourd'hui. Les modalités d’inscription sur les listes électorales devraient être rénovées et modernisées. La possibilité pour tout électeur de s’inscrire au plus tard le sixième vendredi précédant un scrutin, l’abandon de la révision annuelle des listes électorales, l’extension des inscriptions d’office aux citoyens naturalisés et l’ensemble des dispositions qui nous sont soumises aujourd’hui y participeront sans aucun doute.
Le sort réservé à ces textes est acquis, ce dont nous nous réjouissons. En première lecture, j’ai eu l’occasion de rappeler l’urgence d’une réflexion sur les causes politiques de l’abstention et sur l’absolue nécessité de la refondation profonde de nos institutions. Dans ces conditions, mes chers collègues, permettez-moi une petite digression pour vous parler, ou plutôt vous reparler, du droit de vote des étrangers aux élections locales.
Beaucoup a été dit sur le sujet. Tout a été promis. Aujourd’hui, le constat est décevant. Peu d’énergie a été mobilisée pour mener à bien cette réforme majeure, qui, j’en ai la conviction, aurait été de nature à « revitaliser la démocratie », pour reprendre les termes de nos collègues Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann. Accorder le statut d’électeur à ces milliers de femmes et d’hommes qui vivent en France, y travaillent et y paient leurs impôts aurait sans nul doute donné un souffle nouveau à notre démocratie vieillissante, voire vacillante.
Bien entendu, je n’ai pas la naïveté de penser que cette réforme verra bientôt le jour. L’exécutif y a renoncé voilà bien longtemps maintenant. Quand il s’agit de réviser la Constitution, c’est la déchéance de nationalité qui est préférée !
Je ne perds pas de vue l’aspect tout à fait positif des mesures qui seront votées aujourd’hui, mais je voudrais dire ma conviction, en ces temps graves et particulièrement difficiles, que le droit de vote pour les résidents étrangers est un outil d’intégration à la République dont on ne saurait se passer encore trop longtemps ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Sénat est à l’écoute des élus et des électeurs : telle pourrait être la conclusion de nos travaux de cette session parlementaire.
Je voudrais remercier M. le rapporteur d’avoir, avec son homologue de l’Assemblée nationale et notre concours lors de la réunion de la commission mixte paritaire, trouvé les moyens de rassurer les élus et les Français qui répondront à leur devoir civique. Comme il l’a rappelé, ce texte, qui n’est pas une révolution copernicienne en soi, permet d’introduire plus de lisibilité dans les démarches d’inscription sur les listes électorales en instituant un répertoire électoral unique et permanent tenu par l’INSEE, permettant ainsi d’accroître leur fiabilité.
Plusieurs points de divergences, que je qualifierais de « rédactionnels », subsistaient entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Le groupe auquel j’appartiens se satisfait de l’accord trouvé, qui reprend en grande partie les bases voulues par le Sénat.
Nous convenons que le délai inscription sera ouvert jusqu’au sixième vendredi avant le premier tour du scrutin, soit à peu près trente-six jours avant ce dernier, afin de donner de la flexibilité aux communes et de laisser au juge la possibilité de se prononcer en cas de recours.
La composition de la commission de contrôle est une réelle innovation de ce texte : la majorité politique de la commune sera majoritaire dans la composition de la commission, comme l’avait prévu le Sénat. D’une part, c’est démocratiquement indispensable. D’autre part, cela respecte le choix des électeurs, afin d’éviter tout débordement en période électorale.
Les délégués du tribunal de grande instance seront exclus dans les communes de plus de 1 000 habitants lorsqu’il y aura plus de deux listes présentées, car l’opposition sera de fait ainsi représentée, permettant de garantir l’équilibre démocratique. De plus, il nous semblait essentiel que le maire puisse présenter ses observations à la commission, ce qui sera chose possible.
Nous nous réjouissons que le recours administratif devant la commission de contrôle, prévu par le Sénat, reste possible, dans un délai de sept jours, afin d’éviter au maximum le recours au tribunal d’instance, donc une excessive juridictionnalisation. À propos des sanctions auxquelles le maire pourra être soumis, le texte ne retient que les cas de fraude manifeste sur des inscriptions ou des radiations répétées avec une intention délictueuse, conservant ainsi le principe du droit existant.
Enfin, il était nécessaire de prévoir un délai de mise en œuvre plus souple que dans sa rédaction initiale ; l’échéance du 31 décembre 2019 nous semble tout à fait raisonnable.
Mes chers collègues, ces textes sont de nature à rassurer l’ensemble des élus responsables de la tenue des listes électorales. C’est pourquoi le groupe Les Républicains les votera.
Permettez-moi cependant de revenir une nouvelle fois sur le fait que la commission mixte paritaire a transposé l’ensemble de ces principes aux Français de l’étranger et ainsi confirmé la suppression de la possible double inscription des Français établis hors de France.
Madame la secrétaire d’État, vous venez de souligner que le dispositif entrerait en vigueur en 2019, afin de ne pas perturber les élections à venir. Toutefois, vous le savez, dans notre pays, il y a toujours une élection. Ce sont donc les élections suivantes qui seront perturbées. En 2020, il y aura les élections consulaires à l’étranger.
Comme je l’ai indiqué le 28 juin dernier lors de la discussion générale – vous pouvez retrouver mes propos dans le compte rendu intégral de cette séance –, je ne suis pas convaincu qu’une telle décision soit la bonne.
Encore une fois, les Français de l’étranger n’ont pas de collectivité territoriale de rattachement. S’ils votent à l’étranger pour les scrutins nationaux et les élections consulaires et en France pour les scrutins locaux, c’est en raison, au-delà de l’aspect affectif, de la nécessité d’avoir une commune de rattachement.
Avec une telle décision – ce qui va sans dire va toujours mieux en le disant –, rien n’interdira à une personne présente sur une liste électorale à l’étranger de s’inscrire sur les listes de sa dernière commune de résidence en France au moins trente jours avant le scrutin, en étant automatiquement désinscrite des listes de l’ambassade, de voter dans la commune pour les élections municipales, puis de se réinscrire à l’ambassade une fois ces élections passées ! Compliqué, n’est-ce pas ? Pas tant que cela.
Il y a un autre problème. Quid des 442 élus consulaires, qui tomberaient sous le coup des articles 16 et 17 de la loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France et qui risqueraient de perdre leur mandat s’ils se livraient à ce que j’avais à l’époque qualifié de « tourisme électoral » ? Mes chers collègues, je vous laisse y réfléchir.
La double inscription donne lieu à très peu de dysfonctionnements et de contentieux ; cela avait été le prétexte pour la supprimer… À mon avis, il y a probablement surtout eu un manque de volonté d’organiser un système satisfaisant pour tout le monde. On passe ainsi de la double inscription à une sorte de tourisme électoral. Je ne sais pas ce qui est le mieux pour l’électeur et pour la confiance qu’il place dans le système électoral.
Malgré ce bémol ou, du moins, cette invitation au voyage électoral, je le répète, le groupe Les Républicains votera en faveur de ces textes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au nom de l’UDI-UC, je me réjouis que les trois textes d’initiative parlementaire dont nous sommes saisis soient sur le point d’être adoptés. Cela montre le sérieux du travail qui a été mené, sous la conduite, s’agissant du Sénat, de notre collègue Pierre-Yves Collombat, un expert en la matière.
Ces textes visent à améliorer la démocratie dans notre pays. Celle-ci en a bien besoin ! En effet, on constate une désaffection au fur et à mesure des scrutins. Bon nombre de nos concitoyens ne se rendent plus aux urnes, pour différentes raisons. Il importe donc de prendre un certain nombre de mesures permettant de restaurer une véritable démocratie dans notre pays et de redonner à nos concitoyens envie d’aller voter.
Il est vrai que les règles actuelles d’inscription sont particulièrement contraignantes. Aujourd'hui, nombre de nos concitoyens sont de plus en plus souvent amenés à déménager. La mobilité, qu’elle soit professionnelle ou familiale, est une réalité à prendre en compte. Nos concitoyens amenés à se déplacer doivent pouvoir voter dans les nouveaux territoires où ils habitent, ce qui n’est pas forcément le cas avec la règle de clôture des listes électorales au 31 décembre.
Le sérieux de ce travail parlementaire contraste avec ce qui avait été fait pour les dernières élections régionales, où un mode particulier d’inscription sur les listes électorales avait été institué. Je ne pense pas qu’une telle pratique soit le meilleur moyen de développer la démocratie dans notre pays. Nous avons besoin de règles claires et compréhensibles par tous pour chaque scrutin. À défaut, nous entérinerions le fait que des mesures différentes peuvent être adoptées selon les scrutins, ce qui serait particulièrement néfaste à l’exercice du droit de vote dans notre pays.
Notre groupe se réjouit qu’il soit désormais possible de s’inscrire sur une liste électorale jusqu’à trente jours avant le scrutin. Nous soutenons aussi l’extension des inscriptions d’office aux citoyens naturalisés.
La révision des listes par les maires tout au long de l’année nous paraît également une bonne chose. Il ne nous semble pas nécessaire d’avoir un système trop compliqué de commissions. Certes, le fait que les commissions puissent assurer un contrôle relève, selon nous, du bon sens. Mais il est indispensable d’avoir de la réactivité tout au long de l’année. C’est précisément ce que permet une telle mesure.
Enfin, nous saluons la suppression de la double inscription pour les Français établis hors de France.
Nous avons bien noté que le dispositif s’appliquerait à compter du 31 décembre 2019. Cela nous semble un peu en décalage avec ce qui serait nécessaire. Nos concitoyens attendent aujourd'hui que les décisions prises entrent rapidement en vigueur. Un délai trop long risque de susciter de l’incompréhension chez bon nombre de nos concitoyens. À nos yeux, l’administration doit pouvoir s’adapter en permanence, pour exécuter dans des délais raisonnables les prescriptions du législateur.
Au sein du groupe de l’UDI-UC, nous nous réjouissons que deux amendements de nos collègues Hervé Maurey et Lana Tetuanui aient pu être pris en compte. L’amendement de M. Maurey visait à aligner les règles d’éligibilité sur celles qui s’appliquent au droit de vote ; cela nous semble relever du bon sens. Quant à l’amendement de notre collègue polynésienne, il avait pour objet l’application des mesures dans son territoire particulièrement excentré, qu’elle défend avec ardeur. Nous serons extrêmement vigilants à cet égard.
Nous voterons en faveur de l’ensemble de ces textes. Nous souhaitons une mise en œuvre rapide des dispositions adoptées, afin que nos concitoyens retrouvent le chemin des urnes. Dans notre pays, la démocratie en a bien besoin ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les trois textes que nous examinons partent d’un constat accablant : lors des trois derniers scrutins électoraux, près d’un Français sur deux ne s’est pas déplacé pour aller voter. L’abstention atteint des records chez les plus jeunes, ce qui est particulièrement inquiétant : nous savons que ces derniers représentent l’avenir de notre pays.
C’est incontestablement, me semble-t-il, la phase émergée de la crise politique qui traverse notre pays. Les citoyens ne se reconnaissent plus dans des institutions et une forme de gouvernance de plus en plus éloignées de leurs préoccupations quotidiennes. Pourtant, la jeune génération ne se désintéresse pas de la chose publique et de l’action politique ; les formidables manifestations de jeunes qui ont eu lieu ces derniers mois l’ont démontré. Mais les promesses non tenues creusent chaque jour un peu plus le fossé entre notre peuple et ceux qui gouvernent.
Si le Gouvernement avait réellement voulu améliorer la participation des citoyens à la vie publique, il aurait pu commencer par mettre en œuvre la promesse du président François Hollande relative au droit de vote des étrangers, en faveur duquel nous avions majoritairement voté au Sénat.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. Christian Favier. Néanmoins, revenons aux conclusions de cette commission mixte paritaire.
Si, comme le remarque notre collègue Pierre-Yves Collombat dans son rapport, « penser endiguer la croissance de l’abstentionnisme électoral simplement en améliorant les conditions d’inscription sur les listes électorales serait un leurre coupable », il est clair malgré tout que faciliter cette inscription apporte une première pierre au renouveau démocratique dont le pays a tant besoin. Surtout quand on constate qu’il y a – cela a été rappelé – quelque 3 millions de non-inscrits et 6,5 millions de mal-inscrits en France.
Ainsi, nous soutenons la principale disposition contenue dans ces textes visant à élargir l’ouverture des inscriptions sur les listes électorales, jusqu’à trente jours ouvrés avant le scrutin. En faisant disparaître le principe d’une révision annuelle, au profit d’une inscription ouverte en permanence, « au fil de l’eau », nous faciliterons cette démarche administrative, souvent jugée trop lourde. Nous faciliterons donc l’exercice d’un droit démocratique.
Au cours des diverses campagnes électorales, combien de fois avons-nous rencontré des citoyens qui regrettaient, trop tard, de ne pas être inscrits ou de l’être dans une commune d’origine éloignée, avec laquelle ils n’avaient plus d’attache, croyant d’ailleurs parfois que le changement était automatique ?
Une telle mesure constitue donc une première avancée. Toutefois, face à l’urgence que représente la crise politique actuelle, nous regrettons qu’elle entre en vigueur non pas dès les prochaines élections, mais seulement au 31 décembre 2019.
Certes, nous comprenons la nécessité de donner aux services communaux et de l’INSEE le temps nécessaire pour créer les outils assurant la mise en œuvre des nouvelles dispositions.
Cela dit, nous avons su prendre les mesures nécessaires pour faciliter les inscriptions dans le cadre des dernières élections régionales, où les listes avaient été rouvertes. Nous aurions pu en faire autant pour les prochaines élections, la présidentielle et les législatives, sans pour autant mettre en œuvre l’ensemble des autres dispositions contenues dans ces propositions de loi. En effet, ces dernières sont plus d’ordre technique. Elles découlent en fait de la mesure d’élargissement des périodes d’inscriptions que nous venons d’évoquer.
Aussi, la constitution d’un répertoire électoral unique tenu par l’INSEE est une bonne préconisation. Cela dit, nous sommes sensibles aux écarts existant actuellement entre le fichier national détenu par l’INSEE et la réalité des listes communales, qui ne sont pas forcément le reflet de doubles inscriptions.
Au cours de ses déplacements et auditions, notre rapporteur a constaté que des inscrits sur les listes communales étaient inconnus par l’INSEE, ce qui est évidemment problématique. Il ne faudrait pas que la mise en place d’un répertoire unique se solde par la radiation d’électeurs, qui se verraient alors privés de leur droit de vote.
Le fait que certains soient actuellement inscrits au fichier INSEE sans l’être sur les listes communales devrait, semble-t-il, disparaître à l’avenir, puisque les listes communales seront extraites du fichier national. Il y a donc peu de risque de perte d’inscrits dans ce sens.
L’autre conséquence de ce répertoire national concerne nos concitoyens dits « Français de l’étranger ». S’il est tout à fait positif que ceux-ci soient représentés démocratiquement par des élus attentifs à leurs intérêts spécifiques, il convenait de clarifier la situation et de mettre fin aux possibles doubles inscriptions. Nous soutenons donc cette proposition de modification du code électoral.
Une autre disposition essentielle porte sur la transformation des commissions administratives électorales en commissions de contrôle. Cette proposition prend en compte à la fois l’élargissement du temps d’inscription sur les listes électorales et les pouvoirs élargis des maires qui en découlent.
Si nous soutenons l’essentiel des modifications proposées par la commission mixte paritaire, nous resterons attentifs au fonctionnement de ces commissions de contrôle, craignant des rythmes de réunions trop espacés et des délais restreints laissés aux citoyens pour aller devant le juge s’ils estiment leurs droits mis en cause.
Néanmoins, vous l’aurez compris, malgré ces quelques remarques, nous soutiendrons ces propositions. Elles ne régleront pas, nous le savons, la grave crise démocratique qui touche notre pays et elles ne changeront en rien une Ve République obsolète et à bout de souffle. Toutefois, elles constituent un premier pas pour améliorer la démocratie représentative, pallier la perte de repères démocratiques des 3 millions de citoyens non-inscrits et des 6,5 millions de mal-inscrits et favoriser une meilleure participation aux élections.
Le groupe CRC votera donc en faveur des conclusions positives de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. L’examen des conclusions de la commission mixte paritaire nous permet de parachever une démarche engagée, notamment, par nos collègues Élisabeth Pochon et M. Jean-Luc Warsmann sur la modernisation de l’établissement des listes électorales.
Jusqu’à présent, l’inscription devait avoir lieu avant le 31 décembre et valait pour toute l’année suivante. Mais les outils informatiques rendaient envisageable un système de mise à jour progressive des listes électorales, en fonction des mobilités des citoyens, à l’instar de ce qui existe dans nombre de pays. C’est l’objet du débat d’aujourd'hui.
Les textes dont nous sommes saisis résultent d’un compromis entre les principes fondamentaux que le Sénat avait défendus au mois de juin et les préoccupations de l’Assemblée nationale.
Je rappelle que, au Sénat, nous avons principalement insisté sur le rôle de la commission de contrôle, qui a remplacé la commission administrative. Sa mission est importante. En effet, auparavant, les demandes d’inscriptions étaient formulées par les citoyens ; elles étaient ensuite validées et enregistrées par une commission administrative. Maintenant, la tâche en incombe aux maires. La commission de contrôle est essentielle, pour ne pas créer trop de contentieux judiciaires.
Par ailleurs, à partir du moment où nous avions posé le principe d’un recours administratif préalable obligatoire, nous devions veiller à ce que tout soit compatible en termes de délai. L’Assemblée nationale a été soucieuse de conjuguer nos demandes avec l’exigence initiale d’une inscription possible sur les listes électorales jusqu’à trente jours avant le scrutin.
Nous sommes parvenus à un compromis habile sur une proposition de trente jours ouvrés, après des suggestions qui n’étaient pas très lisibles. Notre collègue Alain Richard avait défendu des propositions lors de l’examen du texte en première lecture, à la fin du mois de juin. Un délai de quarante-cinq jours était également souhaité par notre collègue de Polynésie. Finalement, nous avons réussi à nous entendre pour porter la date limite au sixième vendredi précédant le scrutin, tout en respectant l’ensemble des délais relatifs aux recours administratifs.
L’article 9 sera effectif pour toutes les élections imprévues, sauf pour celles qui dépendent de la Constitution, comme les élections présidentielles, qui sont encadrées par l’article 7, ou les élections législatives, qui relèvent de l’article 12 ; la Constitution prévoit en effet des délais en cas de dissolution ou de vacance de la présidence de la République. Pour toutes les autres élections, les délais seront de six semaines. Ainsi, en cas d’élection imprévue, les électeurs pourront encore s’inscrire, grâce à l’architecture que nous proposons.
En tout état de cause, entre le sixième vendredi avant l’élection comme date limite et les six semaines prévues aux termes de l’article 9 pour l’ensemble des élections non programmées, un électeur n’aura que très peu de temps pour s’inscrire sur les listes.
La commission mixte paritaire est également revenue sur une demande de l’Assemblée nationale d’autosaisie de la commission de contrôle sur d’éventuelles décisions du maire. Mes chers collègues, certains d’entre vous ont noté que le Sénat souhaitait faire participer le maire à la commission de contrôle, ce que ne voulait pas l’Assemblée nationale. Nous avons adopté une rédaction qui permet au maire de présenter ses observations au sein de la commission de contrôle. Le compromis nous semble acceptable : le groupe socialiste et républicain le soutiendra.
Notons aussi que la commission mixte paritaire a retenu la fin 2019 comme ultime date d’entrée en vigueur de la réforme. Dans la mesure où des élections européennes auront lieu en 2019, j’espère tout de même que tout sera mis en place avant.
Christophe-André Frassa a évoqué les Français établis hors de France. Ce texte signe la fin de la double inscription. La mesure sera probablement un peu douloureuse pour certains de nos concitoyens, qui en avaient pris l’habitude. Néanmoins, ils auront toujours la possibilité, s’ils le souhaitent, de choisir. Je constate que l’ensemble des possibilités d’inscription dans une commune sont maintenues pour les Français qui vivent hors de France, qu’il s’agisse de la commune de naissance, de la dernière commune de domiciliation, d’une commune où l’on a déjà été inscrit, de celle où est inscrit un ascendant, voire un parent jusqu’au quatrième degré. Le champ des possibilités reste donc vaste.
Par ailleurs, ce texte ouvre aussi le droit à une sépulture non seulement pour les Français vivant hors de France qui sont inscrits dans une commune en France, mais aussi pour tous ceux qui ont un droit à être inscrits.
M. Robert del Picchia. Le plus tard possible ! (Sourires.)
M. Jean-Yves Leconte. Toutes ces dispositions permettent de limiter les effets de la suppression de la double inscription.
J’ajoute que, pour les Français vivant hors de France, le vote électronique au moment des élections législatives et consulaires constituera un enjeu nouveau pour ceux qui seront chargés de mettre en place une liste électorale qui évolue. Il est bon néanmoins de se fixer pour objectif un dispositif permettant un vote électronique non pas simplement lorsque les élections sont programmées, mais à tout moment. Jusqu’à présent, il était difficile de mettre en œuvre le vote électronique en cas d’élection partielle ou à l’occasion d’une dissolution de l’Assemblée nationale.
En conclusion, tous les groupes sont d’accord : certes, cette réforme ne révolutionnera pas notre démocratie, mais nous avons aujourd'hui fait la preuve que nous pouvions moderniser et simplifier notre système dans le consensus. Je remercie l’ensemble des personnes ayant pris part à ces textes, en particulier notre rapporteur, Pierre-Yves Collombat. Le groupe socialiste et républicain, comme les autres groupes, soutiendra les textes issus des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les compromis obtenus par la commission mixte paritaire sur les trois textes que nous examinons aujourd’hui satisfont l’ensemble des sénateurs du groupe RDSE, qui s’apprêtent – je lève le suspense ! – à voter en faveur de leur adoption.
Concernant ces trois textes consensuels, les échanges de la commission se sont principalement concentrés sur deux thèmes, à savoir les délais de clôture des listes électorales et la composition et le rôle des commissions de contrôle électoral.
Comme vous en conviendrez tous, la simplification de la procédure d’inscription sur les listes électorales n’a de sens que si elle peut être effectivement mise en œuvre, de manière uniforme sur l’ensemble du territoire. Nous nous félicitons donc du report du délai maximal de la mise en œuvre de cette loi au 31 décembre 2019, à la demande de notre rapporteur. Comme cela a déjà été rappelé, il s’agit d’un délai maximal qui permet une plus grande flexibilité de mise en application et n’empêchera pas la création anticipée du répertoire électoral unique et permanent, si cela se révèle plus facile que prévu.
Concernant la date de clôture des listes électorales, les membres de la commission mixte paritaire ont considéré que le délai de trente jours initialement prévu, symbolique, laissait peu de temps aux administrations concernées pour traiter les demandes d’inscriptions et aux citoyens de gérer les éventuels refus.
Dans ces cas-là, l’établissement d’un recours administratif préalable obligatoire contraint considérablement le calendrier des procédures qui interviendront entre la date de clôture des inscriptions et la tenue des élections. Au vu de ces considérations, l’allongement du délai de traitement des demandes d’inscription nous semble plus réaliste.
Certains pourront penser que le fait que « la clôture des inscriptions ait lieu le sixième vendredi avant le scrutin », soit environ quarante jours, dont trente jours ouvrés, est une disposition trop obscure dans sa formulation ; nous jugeons au contraire qu’une telle rédaction permet de lever des incertitudes telles que la question du décompte des jours ouvrés.
La création d’un répertoire électoral unique et permanent permettant une demande d’inscription au plus tard trente jours avant la date du scrutin constitue une avancée indéniable, à condition que les communes bénéficient des moyens nécessaires. Je pense particulièrement aux plus petites d’entre elles.
Concernant la composition et le rôle des futures commissions de contrôle, nous soutenons également la rédaction des textes obtenus par la commission mixte paritaire.
Nous considérons en effet que la restauration d’un lien de confiance entre les élus et les citoyens est absolument nécessaire : la lutte contre la mal-inscription peut y contribuer, en dotant les commissions de contrôle d’un pouvoir de radiation. Certains ont fait part de leurs doutes, voire ont souligné qu’il existait un risque de produire des non-inscrits en luttant contre la mal-inscription. Cette difficulté doit être prise en compte, en s’assurant que les électeurs radiés reçoivent une notification les invitant à s’inscrire sur la liste de leur lieu de résidence.
Néanmoins, nous estimons que cette procédure contribuera à rendre l’électeur plus proactif dans l’exercice de son droit de vote et à lui faire prendre conscience de l’opportunité de contribuer à la détermination des règles communes de son lieu de vie. C’est mieux que de déplorer un paradis perdu ! Si la mal-inscription procède parfois de la négligence, cher Alain Richard, elle est susceptible d’altérer la confiance de nos concitoyens dans les institutions et de les détourner du chemin des urnes.
Au-delà du pouvoir de radiation reconnu aux commissions de contrôle, les versions issues de la commission mixte paritaire comportent également des modifications que nous pouvons approuver. Il s’agit d’abord du droit à formuler des observations, reconnu aux maires, qui seraient associés aux travaux de contrôle. La rédaction adoptée nous paraît satisfaisante, dès lors qu’elle implique que le maire ne participera pas au délibéré pour les recours administratifs préalables contre ses propres décisions.
L’inversion de la règle du bénéfice de l’âge, en faveur des plus jeunes, pour désigner les conseillers siégeant dans la commission à défaut de volontaire, est également à souligner.
À ce stade, nos seuls regrets portent sur l’absence de représentants de l’administration préfectorale et judiciaire au sein des commissions de contrôle. Nous comprenons toutefois qu’il s’agit d’une décision fondée sur un constat pragmatique et que ces représentants sont peu disponibles, car ils sont accaparés par d’autres missions.
Les textes qui nous sont soumis aujourd’hui comportent donc des réformes susceptibles de renforcer la représentativité de nos institutions, en réduisant le nombre de non-inscrits et de mal-inscrits, soit plus de 10 millions de personnes au total.
Le Sénat ayant obtenu que ces réformes interviennent selon un calendrier réaliste, l’ensemble des membres du RDSE votera en faveur de ces propositions de loi. Pour ailleurs, nous saluons une nouvelle fois l’excellent travail réalisé par notre rapporteur, Pierre-Yves Collombat, qui s’est appuyé sur l’expérience accumulée pendant de nombreuses années en tant qu’élu local pour apporter à ces textes pragmatisme, réalisme et efficacité. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La discussion générale commune est close.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale les textes élaborés par les commissions mixtes paritaires, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble de chacun des textes, en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
Je donne d’abord lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire pour la proposition de loi rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales :
proposition de loi rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AU RÉPERTOIRE ÉLECTORAL UNIQUE ET AUX LISTES ÉLECTORALES
Article 1er
La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code électoral est ainsi modifiée :
1° A Le second alinéa de l’article L. 9 est supprimé ;
1° L’article L. 11 est ainsi modifié :
aa) Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
a) Au premier alinéa, après le mot : « électorale », sont insérés les mots : « de la commune » ;
a bis) Le 1° est complété par les mots : « et leurs enfants de moins de 26 ans » ;
b) À la première phrase du 2°, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « deuxième » ;
b bis) Après le même 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Ceux qui, sans figurer au rôle d’une des contributions directes communales, ont, pour la deuxième fois sans interruption l’année de la demande d’inscription, la qualité de gérant ou d’associé majoritaire ou unique d’une société figurant au rôle, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État ; »
c) À la fin du 3°, le mot : « publics » est supprimé ;
d) Les deux derniers alinéas sont supprimés ;
e) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Sous réserve qu’elles répondent aux autres conditions exigées par la loi, sont inscrites d’office sur la liste électorale de la commune de leur domicile réel, en vue de participer à un scrutin :
« 1° Sans préjudice du 3° de l’article L. 30, les personnes qui ont atteint l’âge prévu par la loi pour être électeur à la date de ce scrutin ou, lorsque le mode de scrutin permet un second tour, à la date à laquelle ce second tour a vocation à être organisé ;
« 2° Sans préjudice du 4° du même article L. 30, les personnes qui viennent d’acquérir la nationalité française. » ;
2° Les articles L. 11-1 et L. 11-2 sont abrogés.
Article 2
I. – La section 2 du même chapitre II est ainsi modifiée :
1° Les articles L. 16 et L. 17 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 16. – I. – La liste électorale de la commune est extraite d’un répertoire électoral unique et permanent. Ce répertoire est tenu par l’Institut national de la statistique et des études économiques aux seules fins de gestion du processus électoral. À Paris, Marseille et Lyon, la liste électorale est extraite par arrondissement.
« Le répertoire électoral unique comprend les nom, prénoms, date et lieu de naissance, domicile ou lieu de résidence de chaque électeur, ainsi que toutes autres informations définies par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, nécessaires à la bonne tenue du répertoire.
« L’indication du domicile ou de la résidence comporte celle de la rue et du numéro, là où il en existe, ainsi que l’indication du bureau de vote correspondant au périmètre géographique dont relève l’électeur et qui lui a été attribué par le maire.
« Pour les électeurs mentionnés à l’article L. 15-1, l’indication du domicile ou de la résidence est remplacée par celle de l’adresse de l’organisme d’accueil au titre duquel ils ont été inscrits sur la liste électorale de la commune.
« II. – Le maire transmet l’ensemble des informations mentionnées au I du présent article à l’Institut national de la statistique et des études économiques. En cas de déménagement d’un électeur au sein de la commune, le maire informe dans un délai de sept jours l’Institut national de la statistique et des études économiques de son changement d’adresse ainsi que, le cas échéant, du changement d’affectation de bureau de vote.
« Pour l’application du II de l’article L. 11, l’Institut national de la statistique et des études économiques reçoit les informations nominatives portant sur les nom, prénoms, nationalité, date et lieu de naissance et adresse des personnes concernées et procède directement aux inscriptions dans le répertoire électoral unique.
« III. – L’Institut national de la statistique et des études économiques procède directement dans le répertoire électoral unique :
« 1° Aux inscriptions et radiations ordonnées par l’autorité judiciaire ;
« 2° Aux radiations des électeurs décédés et des électeurs qui n’ont plus le droit de vote.
« Lorsqu’une personne déjà inscrite dans le répertoire électoral unique s’inscrit comme électeur dans une nouvelle commune ou circonscription consulaire, l’Institut national de la statistique et des études économiques met à jour ce répertoire en ne retenant que la dernière inscription de cet électeur.
« L’Institut national de la statistique et des études économiques transmet les informations prévues au présent III au maire des communes concernées.
« IV. – Les informations nécessaires à la tenue et à la mise à jour du répertoire électoral unique sont transmises par voie électronique.
« Les règles relatives au traitement de ces informations sont fixées dans les conditions définies par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixe les conditions d’application du présent article.
« Art. L. 17. – Les listes électorales sont permanentes. Les demandes d’inscription sur les listes électorales, en vue de participer à un scrutin, sont déposées au plus tard le sixième vendredi précédant ce scrutin. » ;
2° L’article L. 17-1 est abrogé ;
3° L’article L. 18 est ainsi rédigé :
« Art. L. 18. – I. – Le maire vérifie si la demande d’inscription de l’électeur répond aux conditions mentionnées au I de l’article L. 11 ou aux articles L. 12 à L. 15-1. Il statue sur cette demande dans un délai de cinq jours à compter de son dépôt.
« Le maire radie les électeurs qui ne remplissent plus aucune des conditions mentionnées au premier alinéa du présent I à l’issue d’une procédure contradictoire.
« II. – (Supprimé)
« III. – Les décisions prises par le maire en application du I du présent article sont notifiées aux électeurs intéressés dans un délai de deux jours. Elles sont transmises dans le même délai à l’Institut national de la statistique et des études économiques, aux fins de mise à jour du répertoire électoral unique.
« IV. – Tout recours contentieux formé par l’électeur intéressé contre une décision prise au titre du présent article est précédé d’un recours administratif préalable, à peine d’irrecevabilité du recours contentieux.
« Ce recours administratif préalable est formé dans un délai de cinq jours à compter de la notification de la décision prévue au III du présent article. Le recours est examiné par la commission mentionnée à l’article L. 19.
« La décision de la commission est notifiée dans un délai de deux jours à l’électeur intéressé, au maire et à l’Institut national de la statistique et des études économiques.
« Si la commission de contrôle n’a pas statué dans les trente jours sur un recours administratif préalable, elle est réputée l’avoir rejeté.
« V. – Le recours contentieux est formé dans un délai de sept jours à compter de :
« 1° La notification de la décision de la commission de contrôle ;
« 2° La décision implicite de rejet mentionnée au dernier alinéa du IV du présent article.
« Le recours contentieux est examiné dans les conditions prévues aux deux derniers alinéas du I de l’article L. 20. »
II. – L’article L. 113 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait de procéder ou de faire procéder indûment, de manière frauduleuse, à des inscriptions, à des radiations ou au maintien d’électeurs sur la liste électorale est puni des mêmes peines. »
Article 3
La section 2 du chapitre II du titre Ier du livre Ier du même code est ainsi modifiée :
1° L’article L. 19 est ainsi rédigé :
« Art. L. 19. – I. – Dans chaque commune ou, à Paris, Marseille et Lyon, dans chaque arrondissement, une commission de contrôle statue sur les recours administratifs préalables prévus au IV de l’article L. 18.
« I bis. – La commission s’assure également de la régularité de la liste électorale. À cette fin, elle a accès à la liste des électeurs inscrits dans la commune extraite du répertoire électoral unique et permanent.
« Elle peut, à la majorité de ses membres, au plus tard le vingt-et-unième jour avant chaque scrutin, réformer les décisions prévues au III de l’article L. 18 ou procéder à l’inscription ou à la radiation d’un électeur omis ou indûment inscrit. Lorsqu’elle radie un électeur, sa décision est soumise à une procédure contradictoire.
« La décision de la commission est notifiée dans un délai de deux jours à l’électeur intéressé, au maire et à l’Institut national de la statistique et des études économiques.
« Le recours contentieux est formé dans un délai de sept jours à compter de la notification de la décision de la commission. Il est examiné dans les conditions prévues aux deux derniers alinéas du I de l’article L. 20.
« II. – La commission se réunit au moins une fois par an et, en tout état de cause, entre le vingt-quatrième et le vingt-et-unième jour avant chaque scrutin.
« Sa composition est rendue publique dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, au moins une fois par an et, en tout état de cause, avant sa réunion. Ses réunions sont publiques.
« Le maire, à sa demande ou à l’invitation de la commission, présente ses observations.
« III. – Dans les communes de moins de 1 000 habitants, la commission est composée :
« 1° D’un conseiller municipal pris dans l’ordre du tableau parmi les membres prêts à participer aux travaux de la commission, ou, à défaut, du plus jeune conseiller municipal. Le maire, les adjoints titulaires d’une délégation et les conseillers municipaux titulaires d’une délégation en matière d’inscription sur la liste électorale ne peuvent siéger au sein de la commission en application du présent alinéa ;
« 2° D’un délégué de l’administration désigné par le représentant de l’État dans le département ;
« 3° D’un délégué désigné par le président du tribunal de grande instance ;
« 4° (Supprimé)
« Lorsqu’une délégation spéciale est nommée en application de l’article L. 2121-36 du code général des collectivités territoriales, le conseiller municipal mentionné au 1° du présent III est remplacé par un membre de la délégation spéciale désigné par le représentant de l’État dans le département.
« Les conseillers municipaux et les agents municipaux de la commune, de l’établissement public de coopération intercommunale ou des communes membres de celui-ci ne peuvent pas être désignés en application des 2° et 3° du présent III.
« IV. – Dans les communes de 1 000 habitants et plus dans lesquelles trois listes au moins ont obtenu des sièges au conseil municipal lors de son dernier renouvellement, la commission est composée :
« 1° De trois conseillers municipaux appartenant à la liste ayant obtenu le plus grand nombre de sièges, pris dans l’ordre du tableau parmi les membres prêts à participer aux travaux de la commission, à l’exception du maire, des adjoints titulaires d’une délégation et des conseillers municipaux titulaires d’une délégation en matière d’inscription sur la liste électorale ;
« 2° De deux conseillers municipaux appartenant respectivement à la deuxième et à la troisième listes ayant obtenu le plus grand nombre de sièges, pris dans l’ordre du tableau parmi les membres prêts à participer aux travaux de la commission, à l’exception du maire, des adjoints titulaires d’une délégation et des conseillers municipaux titulaires d’une délégation en matière d’inscription sur la liste électorale.
« En cas d’égalité en nombre de sièges entre plusieurs listes, l’ordre de priorité est déterminé par la moyenne d’âge la plus élevée des conseillers municipaux élus de chaque liste.
« À Paris, Marseille et Lyon, les commissions de chaque arrondissement sont composées de membres du conseil d’arrondissement désignés dans les mêmes conditions.
« V. – Dans les communes de 1 000 habitants et plus dans lesquelles deux listes ont obtenu des sièges au conseil municipal lors de son dernier renouvellement, la commission est composée :
« 1° De trois conseillers municipaux appartenant à la liste ayant obtenu le plus grand nombre de sièges, pris dans l’ordre du tableau parmi les membres prêts à participer aux travaux de la commission, à l’exception du maire, des adjoints titulaires d’une délégation et des conseillers municipaux titulaires d’une délégation en matière d’inscription sur la liste électorale ;
« 2° De deux conseillers municipaux appartenant à la deuxième liste ayant obtenu le plus grand nombre de sièges, pris dans l’ordre du tableau parmi les membres prêts à participer aux travaux de la commission, à l’exception du maire, des adjoints titulaires d’une délégation et des conseillers municipaux titulaires d’une délégation en matière d’inscription sur la liste électorale. »
« VI. – La commission est composée conformément au III dans les communes de 1 000 habitants et plus :
« 1° Dans lesquelles une seule liste a obtenu des sièges au conseil municipal lors de son dernier renouvellement ;
« 2° Ou dans lesquelles il est impossible de constituer une commission complète selon les règles prévues aux IV et V. » ;
2° Après le même article L. 19, il est inséré un article L. 19-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 19-1. – La liste électorale est rendue publique dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, au moins une fois par an et, en tout état de cause, le lendemain de la réunion de la commission de contrôle, préalable à chaque scrutin, prévue au II de l’article L. 19. »
Article 4
L’article L. 20 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 20. – I. – Tout électeur inscrit sur la liste électorale de la commune peut demander, auprès du tribunal d’instance, l’inscription ou la radiation d’un électeur omis ou indûment inscrit ou contester la décision de radiation ou d’inscription d’un électeur. Le représentant de l’État dans le département dispose du même droit.
« Le recours est formé dans un délai de sept jours à compter de la publication de la liste électorale.
« Le jugement du tribunal d’instance, qui se prononce en dernier ressort dans un délai de huit jours à compter du recours, est notifié dans un délai de deux jours aux parties, au maire et à l’Institut national de la statistique et des études économiques.
« Un pourvoi en cassation peut être formé contre ce jugement dans un délai de dix jours à compter de sa notification. Le pourvoi n’est pas suspensif. L’arrêt rendu par la Cour de cassation est notifié aux parties, au maire et à l’Institut national de la statistique et des études économiques.
« II. – Toute personne qui prétend avoir été omise de la liste électorale de la commune en raison d’une erreur purement matérielle ou avoir été radiée en méconnaissance de l’article L. 18 peut saisir le tribunal d’instance, qui a compétence pour statuer jusqu’au jour du scrutin. Le jugement du tribunal d’instance est notifié à l’électeur intéressé, au maire et à l’Institut national de la statistique et des études économiques.
« Un pourvoi en cassation peut être formé contre ce jugement dans un délai de dix jours à compter de sa notification. Le pourvoi n’est pas suspensif. L’arrêt rendu par la Cour de cassation est notifié à l’électeur intéressé, au maire et à l’Institut national de la statistique et des études économiques. »
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Article 6
La section 3 du chapitre II du titre Ier du livre Ier du même code est ainsi modifiée :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Cas particuliers d’inscription » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 30 est ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’article L. 17, peuvent demander à être inscrits sur la liste électorale de la commune entre le sixième vendredi précédant le scrutin et le dixième jour précédant ce scrutin : » ;
3° Les articles L. 31 et L. 32 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 31. – Le maire vérifie si la demande d’inscription répond aux conditions fixées à l’article L. 30 ainsi qu’aux autres conditions fixées au I de l’article L. 11 ou aux articles L. 12 à L. 15-1. Il statue sur cette demande dans un délai de trois jours.
« La décision prise par le maire est immédiatement notifiée à l’électeur intéressé et à l’Institut national de la statistique et des études économiques qui en informe le maire de la commune sur la liste électorale de laquelle cet électeur était précédemment inscrit.
« Au plus tard cinq jours avant le scrutin, le maire procède à une publication des décisions d’inscription prises en application du premier alinéa du présent article.
« Art. L. 32. – L’électeur intéressé, tout électeur inscrit sur la liste électorale de la commune et le représentant de l’État dans le département peuvent contester la décision prise par le maire dans les conditions fixées au II de l’article L. 20. » ;
4° Les articles L. 33 à L. 35 sont abrogés.
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Article 8
Le même code est ainsi modifié :
1° Les deux premiers alinéas de l’article L. 62-1 sont ainsi rédigés :
« Pendant toute la durée des opérations électorales, la liste des électeurs par bureau de vote établie à partir de la liste électorale de la commune reste déposée sur la table à laquelle siège le bureau. Cette liste comporte les mentions prévues aux deuxième et troisième alinéas du I de l’article L. 16 ainsi qu’un numéro d’ordre attribué à chaque électeur.
« Cette liste constitue la liste d’émargement. » ;
2° L’article L. 57 est abrogé ;
3° Au 1° des articles L. 558-46 et L. 562, la référence : « L. 57, » est supprimée.
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Article 10
I. – L’article L. 2511-26 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Les troisième et avant-dernier alinéas sont supprimés ;
2° À la fin de la première phrase du dernier alinéa, les mots : « la révision annuelle des listes électorales » sont remplacés par les mots : « l’inscription sur les listes électorales et à la radiation de ces listes, en application des articles L. 18 et L. 31 ».
II. – À l’article L. 713-14 et au second alinéa de l’article L. 723-3 du code de commerce, les références : « du premier alinéa de l’article L. 25 et des articles L. 27, L. 34 et L. 35 » sont remplacées par la référence : « de l’article L. 20 ».
III. – Au premier alinéa de l’article L. 723-24 du code rural et de la pêche maritime, les références : « L. 25, L. 27, L. 34 » sont remplacées par la référence : « L. 20 ».
IV. – Au 4° du A de l’article L. 342-2 du code des relations entre le public et l’administration, la référence : « L. 28 » est remplacée par la référence : « L. 37 ».
V. – Au second alinéa de l’article 4-3 de l’ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977 portant extension et adaptation au département de Saint-Pierre-et-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sociales, les références : « des articles L. 25, à l’exception de son dernier alinéa, L. 27 et L. 34 du code électoral » sont remplacées par les références : « de l’article L. 20 du code électoral, à l’exception de la seconde phrase du premier alinéa du I, ».
VI. – (Supprimé)
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉLECTION DES REPRÉSENTANTS AU PARLEMENT EUROPÉEN
Article 11
La loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen est ainsi modifiée :
1° L’article 2-3 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Pour chaque commune, la liste électorale complémentaire est extraite d’un répertoire électoral unique complémentaire établi par l’Institut national de la statistique et des études économiques conformément à l’article L. 16 du code électoral. » ;
b) À la première phrase du deuxième alinéa, les références : « des articles L. 10, L. 11, » sont remplacées par les références : « de l’article L. 10, du I de l’article L. 11 et des articles » ;
c) Le début de l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé : « Outre les indications mentionnées aux deuxième et troisième alinéas du I de l’article L. 16 du code électoral, le répertoire électoral unique complémentaire mentionne… (le reste sans changement). » ;
c bis) Après le même avant-dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans chaque bureau de vote, la liste des électeurs inscrits sur la liste électorale complémentaire est établie à partir de celle-ci et comporte les mentions prévues au troisième alinéa du présent article. Elle comprend un numéro d’ordre attribué à chaque électeur. Elle reste déposée sur la table à laquelle siège le bureau pendant toute la durée des opérations électorales. Elle constitue la liste d’émargement. Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom sur la liste d’émargement. » ;
d) Au dernier alinéa, la référence : « au deuxième alinéa de l’article L. 25 » est remplacée par la référence : « à la première phrase du premier alinéa du I de l’article L. 20 du même code » ;
2° Le IV de l’article 23 est abrogé ;
3° L’article 26 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « n° 2013-1159 du 16 décembre 2013 transposant la directive 2013/1/UE du Conseil, du 20 décembre 2012, modifiant la directive 93/109/CE en ce qui concerne certaines modalités de l’exercice du droit d’éligibilité aux élections au Parlement européen pour les citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants » sont remplacés par les mots : « n° … du … rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales » ;
b) (Supprimé)
TITRE III
DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES AUX DÉPUTÉS ÉLUS PAR LES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE
Article 12
Le livre III du code électoral est ainsi modifié :
1° L’article L. 330-1 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « livre », la fin du deuxième alinéa est supprimée ;
b) Le dernier alinéa est supprimé ;
2° L’article L. 330-3 est abrogé ;
3° Avant le dernier alinéa de l’article L. 330-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes et les partis ou groupements politiques exerçant la faculté prévue au présent article s’engagent à ne pas faire un usage commercial des listes électorales consulaires et à ne pas les utiliser à des fins de politique intérieure de l’État de résidence de l’électeur. » ;
4° Au quatrième alinéa de l’article L. 330-6 et à la première phrase du second alinéa de l’article L. 330-14, la référence : « 7 » est remplacée par la référence : « 14 ».
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TITRE IV
DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES À L’OUTRE-MER
Article 13
I. – Le titre Ier du livre V du code électoral est ainsi modifié :
1° Au 11° de l’article L. 385, les mots : « territorial de la statistique et des études économiques » sont remplacés par les mots : « de la statistique et des études économiques de la Nouvelle-Calédonie » ;
2° L’article L. 386 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « préfet », la fin du 2° est supprimée ;
b) Après le même 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis “Institut de la statistique de la Polynésie française” au lieu de : “Institut national de la statistique et des études économiques” ; »
3° L’article L. 388 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
– les mots : « en vigueur à la date de promulgation de la loi n° 2016-508 du 25 avril 2016 de modernisation de diverses règles applicables aux élections » sont remplacés par les mots : « résultant de la loi n° … du … rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales » ;
b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Par dérogation au I, pour les élections en Nouvelle-Calédonie mentionnées aux 1°, 2° et 5° du même I, sont applicables le chapitre II du titre Ier du livre Ier, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures, et l’article L. 62-1 du présent code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 88-1262 du 30 décembre 1988 modifiant diverses dispositions du code électoral et du code des communes relatives aux procédures de vote et au fonctionnement des conseils municipaux. » ;
4° L’article L. 389 est ainsi modifié :
a) Les mots : « L. 17, la liste électorale est fixée pour chaque village par une commission administrative constituée pour chacune des circonscriptions et comprenant » sont remplacés par les mots : « L. 19, la commission de contrôle, constituée pour chacune des circonscriptions, comprend » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« En Polynésie française, par dérogation aux IV et V du même article L. 19, la commission de contrôle dans les communes composées de communes associées est composée conformément au III dudit article L. 19. » ;
5° Au premier alinéa de l’article L. 437, les mots : « à la date d’entrée en vigueur de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral » sont remplacés par les mots : « résultant de la loi n° … du … rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales ».
II. – Le 3° de l’article 8 et l’article 15 sont applicables en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
L’article 12 bis est applicable en Polynésie française.
Le II de l’article 10 est applicable dans les îles Wallis et Futuna.
III. – À l’article L. 559 du code électoral, après les mots : « en Polynésie française, », sont insérés les mots : « dans les îles Wallis et Futuna, ».
Article 14
(Suppression maintenue)
TITRE V
DISPOSITIONS FINALES
Article 15
I. – La présente loi entre en vigueur selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État et, au plus tard, le 31 décembre 2019.
II. – Par dérogation à l’article L. 17 du code électoral, dans sa rédaction résultant de la présente loi, les demandes d’inscription sur les listes électorales, en vue de participer aux scrutins organisés au plus tard un an après son entrée en vigueur, sont déposées au plus tard le dernier jour du deuxième mois précédant celui du scrutin.
III. – Il est institué, à compter de 2017 et jusqu’à la date d’entrée en vigueur prévue au I du présent article, un prélèvement sur les recettes de l’État destiné à soutenir les communes dans la rénovation des conditions d’inscription sur les listes électorales.
Le montant de ce prélèvement est égal aux éventuelles charges directes qui résulteraient pour les communes de la mise en œuvre de la présente loi et de la loi organique n° … du … rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des ressortissants d’un État membre de l’Union européenne autre que la France pour les élections municipales.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État du III du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
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Mme la présidente. Sur l’article 1er, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur cet article ?…
Le vote est réservé.
Article 2
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 26
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Si, lors de la réunion prévue au II de l’article L. 19, la commission de contrôle n’a pas statué sur les recours administratifs préalables formés devant elle, elle est réputée les avoir rejetés.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Cet amendement vise à prévoir que, si elle ne se prononce pas dans les délais prévus sur les recours formés, la commission de contrôle est réputée les avoir rejetés. La décision de rejet est donc implicite.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Je suis d’autant plus favorable à cette proposition qu’elle nous avait effleuré l’esprit. Par symétrie avec d’autres dispositions, j’approuve cette mesure. Certes, je ne pense pas qu’elle s’appliquera souvent, mais un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ! (Sourires.)
La commission émet donc un avis favorable.
Mme la présidente. Sur les articles 3 à 15, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je le répète, le groupe socialiste et républicain votera unanimement en faveur de cette proposition de loi, tout comme le groupe du RDSE, ainsi que le soulignait à l’instant M. Requier. Toutefois, pour le RDSE, c’est plus rare, et c’est d'ailleurs un résultat qui paraît plus facile à obtenir lorsque le rapporteur est issu de ce groupe ! Nous saurons nous en souvenir… (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un bon travail législatif, obtenu grâce au dialogue entre le Gouvernement et les deux assemblées. Je formulerai néanmoins un rappel et une réserve.
Tout d’abord, je rappellerai que cette proposition de loi est assortie d’un gage, car le texte s’accompagne d’une légère dépense. Nous souhaitons en effet que les communes, notamment les plus petites d’entre elles, soient soutenues financièrement, car la réforme entraînera d’inévitables frais, relatifs essentiellement à la nécessaire transmission en ligne de l’ensemble des opérations de révision.
Il est inutile de dire à Mme la secrétaire d’État que, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, les parlementaires seront attentifs à la mise en place de ce mécanisme de soutien aux communes. Le Gouvernement réalisera d’autant plus d’économies qu’il aidera techniquement les communes ; nous savons pouvoir faire confiance aux services des ministères et des préfectures pour que le passage à l’inscription en ligne soit facilité pour les communes.
Je formulerai ensuite une réserve, qui porte sur le choix de la date d’entrée en vigueur du dispositif, soit la fin de 2019. Nous savons tous qu’il existe deux afflux d’inscriptions dans une séquence électorale : le moment qui précède l’élection présidentielle et celui qui précède les élections municipales. Il ne me paraîtrait donc pas heureux d’effectuer le « rodage » du nouveau dispositif juste avant les élections municipales de mars 2020, au moment où aurait lieu un afflux de nouvelles inscriptions !
La décision finale incombera au Gouvernement, puisque l’entrée en vigueur de la réforme dépendra d’un décret pris en Conseil d’État, la fin de 2019 n’étant qu’une date butoir. Il me semble néanmoins que le Gouvernement a tous les motifs de prévoir l’entrée en vigueur du nouveau dispositif dans le courant ou à la fin de l’année 2018, afin que nous soyons « échauffés » pour les municipales de 2020.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Conformément à l’article 42, alinéa 12 du règlement, je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement du Gouvernement.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je constate que le texte a été adopté à l’unanimité des présents.
Je donne maintenant lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire pour la proposition de loi organique rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des ressortissants d’un État membre de l’Union européenne autre que la France pour les élections municipales :
proposition de loi organique rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des ressortissants d’un état membre de l’union européenne autre que la france pour les élections municipales
Article 1er
L’article L.O. 227-3 du code électoral est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Pour chaque commune et chaque bureau de vote, la liste électorale complémentaire est extraite d’un répertoire électoral unique complémentaire établi par l’Institut national de la statistique et des études économiques conformément à l’article L. 16. » ;
2° La première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l’article L. 10, du I de l’article L. 11 et des articles L. 15 à L. 41 et L. 43, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales, qui sont relatives à l’établissement des listes électorales et au contrôle de leur régularité sont applicables à l’établissement des listes électorales complémentaires et au contrôle de leur régularité. » ;
3° Le début du troisième alinéa est ainsi rédigé : « Outre les indications mentionnées aux deuxième et troisième alinéas du I de l’article L. 16, la liste… (le reste sans changement) » ;
3° bis Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans chaque bureau de vote, la liste des électeurs inscrits sur la liste électorale complémentaire est établie à partir de celle-ci et comporte les mentions prévues au troisième alinéa du présent article. Elle comprend un numéro d’ordre attribué à chaque électeur. Elle reste déposée sur la table à laquelle siège le bureau pendant toute la durée des opérations électorales. Elle constitue la liste d’émargement. Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom sur la liste d’émargement. » ;
4° Au même dernier alinéa, la référence : « au deuxième alinéa de l’article L. 25 » est remplacée par la référence : « à la première phrase du premier alinéa du I de l’article L. 20 ».
Article 2
I. – À la première phrase du premier alinéa de l’article L.O. 384-1 du code électoral, après le mot : « code », sont insérés les mots : « , dans leur rédaction résultant de la loi organique n° … du … rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des ressortissants d’un État membre de l’Union européenne autre que la France pour les élections municipales, ».
II. – Après le même article L.O. 384-1, il est inséré un article L.O. 384-2 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 384-2. – Par dérogation à l’article L.O. 384-1, l’article L.O. 227-3 est applicable en Nouvelle-Calédonie, dans sa rédaction résultant de la loi organique n° 98-404 du 25 mai 1998 déterminant les conditions d’application de l’article 88-3 de la Constitution relatif à l’exercice par les citoyens de l’Union européenne résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales, et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994. »
III. – (Supprimé)
Article 3
I. – La présente loi organique entre en vigueur selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État et, au plus tard, le 31 décembre 2019.
II. – Le présent article est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie Française et en Nouvelle-Calédonie.
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Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Personne ne demande la parole ?…
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi organique rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des ressortissants d’un État membre de l’Union européenne autre que la France pour les élections municipales, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 440 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 343 |
Le Sénat a adopté définitivement. (M. Robert del Picchia applaudit.)
Je donne enfin lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire pour la proposition de loi organique rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France :
proposition de loi organique rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des français établis hors de france
Article 1er
La loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République est ainsi modifiée :
1° Le second alinéa de l’article 2 est ainsi rédigé :
« Une liste électorale consulaire est tenue par chaque ambassade pourvue d’une circonscription consulaire et par chaque poste consulaire. Les électeurs sont répartis en autant de sections de liste que de bureaux de vote créés en raison du nombre des électeurs ou des circonstances locales. Toutefois, en cas de nécessité, une ambassade ou un poste consulaire peut, par décret, être chargé de tenir les listes électorales consulaires dressées au titre de plusieurs circonscriptions consulaires. » ;
2° Les articles 3 à 9 sont ainsi rédigés :
« Art. 3. – Nul ne peut être inscrit sur plusieurs listes électorales consulaires ou sur une liste électorale consulaire et la liste électorale d’une commune.
« Art. 4. – I. – Est inscrit sur la liste électorale consulaire, sous réserve de satisfaire aux conditions prévues au chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code électoral, tout Français établi dans la circonscription consulaire au titre de laquelle la liste électorale consulaire est dressée et qui en fait la demande.
« II. – Sans préjudice de l’article 9-1, sous réserve qu’elles répondent aux autres conditions exigées au I du présent article, sont inscrites d’office sur la liste électorale consulaire de la circonscription consulaire où elles sont établies, en vue de participer à un scrutin :
« 1° Les personnes qui ont atteint l’âge prévu par la loi pour être électeur à la date de ce scrutin ou, lorsque le mode de scrutin permet un second tour, à la date à laquelle ce second tour a vocation à être organisé ;
« 2° Les personnes qui viennent d’acquérir la nationalité française.
« III. – Les décisions d’inscription prises en application du II sont consultables par voie dématérialisée.
« IV. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.
« Art. 5. – Les listes électorales consulaires sont extraites du répertoire électoral unique prévu au premier alinéa du I de l’article L. 16 du code électoral.
« Le répertoire électoral unique comprend pour chaque électeur les indications prévues au même article L. 16 et, le cas échéant, son adresse électronique.
« L’ambassadeur ou le chef de poste consulaire, selon le cas, ou leur représentant, transmet l’ensemble de ces informations à l’Institut national de la statistique et des études économiques. En cas de déménagement d’un électeur au sein de la circonscription consulaire, l’ambassadeur ou le chef de poste consulaire, selon le cas, ou leur représentant informe dans un délai de sept jours l’Institut national de la statistique et des études économiques de ce changement d’adresse ainsi que, le cas échéant, du changement de bureau de vote. L’Institut national de la statistique et des études économiques procède directement aux inscriptions prévues au II de l’article 4 de la présente loi organique ainsi qu’aux inscriptions et radiations dans le répertoire électoral unique mentionnées au III de l’article L. 16 du code électoral.
« Art. 6. – Les listes électorales consulaires sont permanentes. Les demandes d’inscription sur ces listes, en vue de participer à un scrutin, sont déposées au plus le sixième vendredi précédant ce scrutin dans la circonscription consulaire dans laquelle est établi le demandeur.
« Art. 7. – I. – Dans chaque circonscription consulaire, l’ambassadeur ou le chef de poste consulaire, selon le cas, ou leur représentant, vérifie si la demande d’inscription de l’électeur répond aux conditions mentionnées au I de l’article 4. Il statue sur cette demande dans un délai de cinq jours à compter de son dépôt.
« À l’issue d’une procédure contradictoire, l’ambassadeur ou le chef de poste consulaire, ou leur représentant, radie les électeurs qui ne remplissent plus aucune des conditions mentionnées au même I.
« II. – (Supprimé)
« III. – Les décisions prises par l’ambassadeur ou le chef de poste consulaire, ou leur représentant, en application du I du présent article sont notifiées aux électeurs intéressés dans un délai de deux jours. Elles sont transmises à l’Institut national de la statistique et des études économiques, aux fins de mise à jour du répertoire électoral unique.
« IV. – Tout recours contentieux formé par l’électeur intéressé contre une décision prise au titre du présent article est précédé d’un recours administratif préalable, à peine d’irrecevabilité du recours contentieux.
« Ce recours administratif préalable est formé dans un délai de cinq jours à compter de la notification de la décision prévue au III du présent article. Le recours est examiné par la commission mentionnée à l’article 8.
« La décision de la commission est notifiée dans un délai de deux jours à l’électeur intéressé, à l’ambassadeur ou au chef de poste consulaire et à l’Institut national de la statistique et des études économiques.
« Si la commission de contrôle n’a pas statué dans les trente jours sur un recours administratif préalable, elle est réputée l’avoir rejeté.
« V. – Le recours contentieux est formé dans un délai de sept jours à compter de :
« 1° La notification de la décision de la commission de contrôle ;
« 2° La décision implicite de rejet mentionnée au dernier alinéa du IV du présent article.
« Le recours contentieux est examiné dans les conditions prévues aux deux derniers alinéas du I de l’article 9.
« Art. 8. – I. – Dans chaque ambassade pourvue d’une circonscription consulaire et dans chaque poste consulaire, une commission de contrôle statue sur les recours administratifs préalables prévus au IV de l’article 7.
« I bis. – La commission s’assure également de la régularité de la liste électorale. À cette fin, elle a accès à la liste des électeurs inscrits dans la circonscription consulaire extraite du répertoire électoral unique et permanent.
« Elle peut, à la majorité de ses membres, au plus tard le vingt-et-unième jour avant chaque scrutin, réformer les décisions prévues au III de l’article 7 ou procéder à l’inscription ou à la radiation d’un électeur omis ou indûment inscrit. Lorsqu’elle radie un électeur, sa décision est soumise à une procédure contradictoire.
« La décision de la commission est notifiée dans un délai de deux jours à l’électeur intéressé, à l’ambassadeur ou au chef de poste consulaire, ou à leur représentant, et à l’Institut national de la statistique et des études économiques.
« Le recours contentieux est formé dans un délai de sept jours à compter de la notification de la décision de la commission. Il est examiné dans les conditions prévues aux deux derniers alinéas du I de l’article 9.
« II. – La commission se réunit au moins une fois par an et, en tout état de cause, entre le vingt-quatrième et le vingt-et-unième jour avant chaque scrutin.
« Sa composition est rendue publique dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, au moins une fois par an et, en tout état de cause, avant sa réunion. Ses réunions sont publiques.
« L’ambassadeur ou le chef de poste consulaire, ou leur représentant, à sa demande ou à l’invitation de la commission, présente ses observations.
« III. – La commission est composée :
« 1° Du vice-président du conseil consulaire ;
« 2° De deux membres titulaires et deux membres suppléants désignés par l’Assemblée des Français de l’étranger, après chaque renouvellement, parmi les électeurs de la circonscription consulaire, après avis des conseillers consulaires élus de la circonscription électorale dont relève la liste électorale consulaire. Les deux membres suppléants remplacent, dans l’ordre de leur désignation, l’un ou l’autre des titulaires en cas d’empêchement ou de décès. Le mandat de membre titulaire n’est pas immédiatement renouvelable ;
« 3° (Supprimé)
« Art. 8-1. – La liste des électeurs de la circonscription consulaire est rendue publique dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, au moins une fois par an et, en tout état de cause, le lendemain de la réunion de la commission, préalable à chaque scrutin, prévue au II de l’article 8.
« Art. 9. – I. – Tout électeur inscrit sur la liste électorale consulaire peut demander, auprès du tribunal d’instance du premier arrondissement de Paris, l’inscription ou la radiation d’un électeur omis ou indûment inscrit, ou contester la décision de radiation ou d’inscription d’un électeur.
« Le recours est formé dans un délai de sept jours à compter de la publication de la liste électorale.
« Le jugement du tribunal d’instance, qui se prononce en dernier ressort dans un délai de huit jours à compter du recours, est notifié dans un délai de deux jours aux parties, à l’ambassadeur ou au chef de poste consulaire, ou leur représentant, au ministre des affaires étrangères ainsi qu’à l’Institut national de la statistique et des études économiques.
« Un pourvoi en cassation peut être formé contre ce jugement dans un délai de dix jours à compter de sa notification. Le pourvoi n’est pas suspensif. L’arrêt rendu par la Cour de cassation est notifié aux parties, à l’ambassadeur ou au chef de poste consulaire, ou leur représentant, au ministre des affaires étrangères ainsi qu’à l’Institut national de la statistique et des études économiques.
« II. – Toute personne qui prétend avoir été omise de la liste électorale consulaire en raison d’une erreur purement matérielle ou avoir été radiée en méconnaissance de l’article 7 peut saisir le tribunal d’instance du premier arrondissement de Paris, qui a compétence pour statuer jusqu’au jour du scrutin. Le jugement du tribunal d’instance est notifié à l’électeur intéressé, à l’ambassadeur ou au chef de poste consulaire, ou leur représentant, au ministre des affaires étrangères ainsi qu’à l’Institut national de la statistique et des études économiques.
« Un pourvoi en cassation peut être formé contre ce jugement dans un délai de dix jours à compter de sa notification. Le pourvoi n’est pas suspensif. L’arrêt rendu par la Cour de cassation est notifié à l’électeur intéressé, à l’ambassadeur ou au chef de poste consulaire, ou leur représentant, au ministre des affaires étrangères ainsi qu’à l’Institut national de la statistique et des études économiques. » ;
3° La section I est complétée par des articles 9-1 et 9-2 ainsi rédigés :
« Art. 9-1. – I. – Par dérogation à la seconde phrase de l’article 6 de la présente loi organique, peuvent demander à être inscrites sur la liste électorale consulaire entre le sixième vendredi précédant le scrutin et le dixième jour précédant la date d’ouverture du scrutin dans la circonscription consulaire dans laquelle elles sont établies, les personnes remplissant l’une des conditions prévues à l’article L. 30 du code électoral. Pour l’application du 2° bis du même article L. 30, il y a lieu de lire : “la circonscription consulaire” au lieu de : “une autre commune”.
« II – L’ambassadeur ou le chef de poste consulaire, selon le cas, ou leur représentant, vérifie si la demande d’inscription répond aux conditions mentionnées au I du présent article, ainsi qu’aux autres conditions mentionnées au I de l’article 4 de la présente loi organique. Il statue sur cette demande dans un délai de trois jours.
« La décision prise par l’ambassadeur ou le chef de poste consulaire, selon le cas, ou leur représentant, est immédiatement notifiée à l’électeur intéressé et à l’Institut national de la statistique et des études économiques. L’Institut national de la statistique et des études économiques informe, selon le cas, le maire de la commune sur la liste électorale de laquelle l’électeur intéressé était précédemment inscrit ou l’ambassadeur ou le chef de poste consulaire de la circonscription consulaire sur la liste électorale de laquelle il était précédemment inscrit.
« Au plus tard cinq jours avant le scrutin, l’ambassadeur ou le chef de poste consulaire, selon le cas, ou leur représentant, procède à une publication des décisions d’inscription prises en application du premier alinéa du présent II.
« III. – L’électeur intéressé ainsi que tout électeur inscrit sur la liste électorale consulaire peut contester la décision prise par l’ambassadeur ou le chef de poste consulaire, selon le cas, ou leur représentant, dans les conditions fixées au II de l’article 9 de la présente loi organique.
« Un pourvoi en cassation peut être formé contre ce jugement dans un délai de dix jours à compter de sa notification. Le pourvoi n’est pas suspensif. L’arrêt rendu par la Cour de cassation est notifié aux parties, à l’ambassadeur ou au chef de poste consulaire, ou leur représentant, au ministre des affaires étrangères ainsi qu’à l’Institut national de la statistique et des études économiques.
« Art. 9-2. – Les articles L. 36, L. 38, L. 41 et L. 42 du code électoral sont applicables à l’établissement des listes électorales consulaires. » ;
4° La section IV est complétée par un article 16-1 ainsi rédigé :
« Art. 16-1. – Le fait pour un ambassadeur, un chef de poste consulaire ou leur représentant de procéder ou de faire procéder indûment, de manière frauduleuse, à des inscriptions, à des radiations ou au maintien d’électeurs sur la liste électorale est puni des peines prévues à l’article L. 113 du code électoral.
« Le dernier alinéa de l’article 16 de la présente loi organique n’est pas applicable. » ;
5° Elle est complétée par un article 21 ainsi rédigé :
« Art. 21. – Les dispositions du code électoral auxquelles renvoie la présente loi organique sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales. »
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Article 3
I. – La loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa du II de l’article 3 est ainsi modifié :
a) Les références : « L. 21, L. 23, L. 25, L. 27 à L. 40 » sont remplacées par les références : « L. 20, L. 29 à L. 32, L. 36 à L. 38 » ;
b) La référence : « L. 57 » est remplacée par la référence : « L. 57-1 » ;
c) (Supprimé)
2° L’article 4 est ainsi rédigé :
« Art. 4. – Les dispositions du code électoral auxquelles renvoient la présente loi organique sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales.
« Par dérogation au premier alinéa du présent article, sont applicables le chapitre II du titre Ier du livre Ier, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures, et l’article L. 62-1 du code électoral, dans sa rédaction résultant de la loi n° 88-1262 du 30 décembre 1988 modifiant diverses dispositions du code électoral et du code des communes relatives aux procédures de vote et au fonctionnement des conseils municipaux. »
II. – La sous-section 2 de la section 1 du chapitre II du titre unique du livre Ier de la première partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :
1° À l’article L.O. 1112-11, les références : « par les articles L. 30 à L. 40 » sont remplacées par la référence : « au chapitre II du titre Ier du livre Ier » ;
2° Au premier alinéa de l’article L.O. 1112-12, la référence : « L. 57, » est supprimée ;
3° Il est ajouté un article L.O. 1112-14-2 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 1112-14-2. – Les dispositions du code électoral et celles de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d’opinion auxquelles renvoie la présente sous-section sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales. »
III. – Au premier alinéa du XII de l’article 159 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, la référence : « L. 57, » est supprimée.
Article 4
I. – La présente loi organique entre en vigueur selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État et, au plus tard, le 31 décembre 2019.
I bis. – Par dérogation à l’article 6 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République, dans sa rédaction résultant de la présente loi organique, les demandes d’inscription sur les listes électorales, en vue de participer aux scrutins organisés au plus tard un an après son entrée en vigueur, sont déposées au plus tard le dernier jour du deuxième mois précédant celui du scrutin.
II. – Si, à la date d’entrée en vigueur de la présente loi organique, un électeur est inscrit sur une liste électorale consulaire et sur la liste électorale d’une commune, par dérogation à l’article 3 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 précitée, dans sa rédaction résultant de la présente loi organique, il choisit, dans un délai déterminé par décret en Conseil d’État qui ne peut être supérieur à un an, la liste sur laquelle il maintient son inscription. Ce choix entraîne sa radiation de l’autre liste. En l’absence de choix, il est radié de la liste électorale de la commune.
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Si, lors de la réunion prévue au II de l’article 8, la commission de contrôle n’a pas statué sur les recours administratifs préalables formés devant elle, elle est réputée les avoir rejetés.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement précédent.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Sur les articles 3 et 4, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Personne ne demande la parole ?…
Conformément à l’article 42, alinéa 12 du règlement, je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi organique rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement du Gouvernement.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 441 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 342 |
Le Sénat a adopté définitivement.
10
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 20 juillet 2016, à dix-sept heures : sous réserve de sa transmission, projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures cinquante-cinq.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD