M. le président. L’amendement n° 647, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 225-102-1-1. – I. – Dans les sociétés dont les titres de capital sont admis aux négociations sur un marché réglementé, l’assemblée générale ordinaire statue, au vu d’un rapport rendu public présenté par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance, sur les critères de détermination et de répartition des éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération totale et les avantages de toute nature, ainsi que des options d’actions, des actions de performance et des plans de rémunérations variables pluriannuelles, attribuables aux mandataires sociaux à raison de leur mandat. »
II. – Alinéa 8
Remplacer les mots :
dans les mêmes conditions
par les mots :
lors de la prochaine assemblée générale, au vu d’un rapport lui présentant des critères révisés tenant compte de son vote
III. – Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’approbation, l’assemblée générale statue de nouveau dans les mêmes conditions sur toute modification significative de ces critères, et au moins tous les trois ans.
IV. – Alinéas 13 à 16
Rédiger ainsi ces alinéas :
« III. – Dans les mêmes sociétés, l’assemblée générale ordinaire statue annuellement sur les éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération totale et les avantages de toute nature, ainsi que sur les options d’actions, les actions de performance et les plans de rémunérations variables pluriannuelles, dus ou attribués à chacune des personnes mentionnées au I au titre de l’exercice clos.
« Les éléments de rémunération variables ou exceptionnels, les options d’actions, les actions de performance et les plans de rémunérations variables pluriannuelles dus ou attribués au titre de l’exercice clos au président du conseil d’administration ou de surveillance, au directeur général, aux directeurs généraux délégués, aux membres du directoire ou au directeur général unique, ne peuvent être versés qu’après approbation par l’assemblée générale ordinaire de la rémunération de la personne concernée dans les conditions prévues au premier alinéa du présent III.
« Si l’assemblée générale n’approuve pas l’un des éléments de rémunération, elle statue lors de la prochaine assemblée générale dans les conditions prévues au I, au vu d’un rapport lui présentant des critères révisés tenant compte de son vote. »
II. – Le deuxième alinéa du III de l’article L. 225-102-1-1 du code de commerce ne s’applique qu’aux rémunérations attribuées après la promulgation de la présente loi.
V. – Alinéa 17
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Nous entrons là dans l’un des derniers sujets importants du projet de loi.
La disposition dont nous discutons a été introduite par les députés, à l’Assemblée nationale, pour des raisons d’intérêt général, mais aussi du fait de l’actualité, qui a fait réagir tout le monde. Je pense, bien évidemment, au cas de Renault, où l’assemblée générale a été, en quelque sorte, bafouée, puisque le conseil d’administration a pris sa décision sur les conditions de rémunération du président-directeur général de l’entreprise immédiatement, sans dialoguer davantage.
Si l’on ne doit jamais légiférer pour un cas particulier, on peut tout de même s’inspirer d’une situation, pour éviter qu’elle ne se renouvelle.
Le Gouvernement estime qu’un équilibre a été trouvé en séance, à l’Assemblée nationale. L’encadrement des rémunérations, qui soulevait de très graves problèmes de constitutionnalité, a été rejeté, tandis que des pouvoirs réels ont été donnés à l’assemblée générale des actionnaires, afin que ceux-ci puissent valider, ou non, la rémunération des dirigeants mandataires sociaux.
Le texte a été voté avec une volonté partagée de poursuivre les travaux, afin de trouver le dispositif qui soit le plus équilibré possible et qui puisse être mis en œuvre facilement par les entreprises. En ce sens, je salue les propositions constructives faites par le rapporteur de la commission des lois, qui ont apporté des clarifications nécessaires au texte voté par l’Assemblée nationale.
Cependant, j’observe que, à ce stade, ces propositions restent en retrait par rapport au texte voté par l’Assemblée nationale.
Il est vrai que, à l’Assemblée nationale, nous n’avons pas pu discuter dans le détail du dispositif à retenir. Aussi, dans la perspective des discussions qui vont continuer – sauf à ce que mon amendement soit adopté aujourd’hui, mais il est en concurrence avec celui du rapporteur… –, je souhaite vous exposer les principaux axes qui me semblent importants et qui ont guidé les travaux du Gouvernement.
Premier axe : le dispositif doit pouvoir être facilement mis en œuvre par les entreprises et, à ce titre, une certaine simplicité doit être visée. Monsieur le rapporteur, vous proposez de revenir à deux votes, l’un pluriannuel sur la politique de rémunération, l’autre annuel sur les rémunérations. Cela me semble en effet souhaitable, d’autant que cela correspond à l’architecture retenue par la proposition de directive européenne.
Deuxième axe : le contrôle des actionnaires doit s’exercer tout le long des mandats des dirigeants, et pas seulement au moment de leur nomination. Cela implique un vote sur les rémunérations dues, qui soit contraignant, ex post et annuel.
Troisième axe : les conséquences d’un vote négatif de l’assemblée générale doivent être suffisamment importantes pour inciter le conseil à consulter les actionnaires en amont. L’objectif n’est pas de créer un conflit, mais de le prévenir grâce à un dialogue de qualité. C’est pourquoi nous souhaitons permettre aux actionnaires de s’opposer au versement de rémunérations variables, si elles leur paraissent injustifiées.
Quatrième et dernier axe : un vote négatif doit contraindre le conseil d’administration à faire évoluer les conditions de rémunération du dirigeant concerné.
Ces principes ont conduit le Gouvernement à proposer l’amendement n° 647, qui tend à donner aux actionnaires un réel pouvoir décisionnel sur les rémunérations versées chaque année.
M. le président. L’amendement n° 605, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9
1° Après le mot :
statue
insérer les mots :
chaque année
2° Supprimer les mots :
à compter de leur nomination ou du renouvellement de leur mandat
II. – Alinéas 13 à 15
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Cet amendement vise, globalement, à restaurer la rédaction votée à l’Assemblée nationale, mais j’entends les arguments du ministre en faveur d’une formule plus évolutive.
En évoquant la proposition d’amendement de la commission, le rapporteur nous parlait d’un respect de la démocratie actionnariale… Je tombe quelque peu des nues ! Quand on connaît la manière dont les rémunérations sont validées par les conseils d’administration, dont le caractère endogamique n’est plus à démontrer, en particulier dans les grandes entreprises, je crois sincèrement que la démocratie est plutôt du côté des actionnaires…
Revenir à un vote annuel, qui soit le plus contraignant possible pour avoir un impact réel, est évidemment très positif. Ce n’est pas nécessairement la panacée, parce que l’on renforce ainsi le lien entre l’intérêt des dirigeants et celui des actionnaires, qui repose beaucoup sur le court-termisme boursier, plutôt que sur une vision de long terme.
Si ces discussions ont lieu aujourd’hui, c’est bien parce que des scandales ont eu lieu – M. le ministre en a évoqué un… –, mais c’est surtout parce que la part variable des rémunérations des dirigeants a pris une ampleur considérable. Or cette part variable est fixée annuellement. Il n’est donc guère possible de fixer un cadre en la matière. C’est pourquoi le vote décisionnaire et annuel des actionnaires constitue un réel progrès.
Par souci d’efficacité et après avoir entendu les explications du ministre, je vais retirer mon amendement, au profit de celui du Gouvernement, dont les dispositions me paraissent correctement dosées et qui tend à instaurer un réel dialogue entre les actionnaires et le conseil d’administration.
Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 605 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 647 ?
M. François Pillet, rapporteur. Notre avis sera évidemment défavorable, puisque les dispositions de cet amendement ne concordent pas totalement avec les propositions de la commission.
Pour autant, je crois que les uns et les autres ont pu mesurer en quoi nos propositions constituent une amélioration de la démocratie actionnariale et un progrès. Nous sommes peut-être sur le chemin d’un compromis, et je note qu’un progrès essentiel a déjà été accompli : la création d’une « équation », comme je l’appelle, qui est antérieure au recrutement du dirigeant et nécessaire à toute société pour guider les décisions sur les différentes techniques de rémunération qui seront proposées.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, notre porte n’est pas fermée. Cela dit, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 678 ?
M. Michel Sapin, ministre. Défavorable, monsieur le président, pour des raisons symétriques à celles que vient d’exposer M. le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. La commission essaye de trouver une rédaction sur un sujet, qui est excessivement important, et je souhaite, en premier lieu, souligner les mérites de cette tentative.
Le ministre a rappelé, à l’instant, le cas de Renault, mais d’autres situations ont alerté l’opinion publique sur les rémunérations démesurées d’un certain nombre de dirigeants d’entreprise. Il est donc logique de tenter de légiférer en la matière, mais trouver la bonne formulation nécessite une réflexion, d’autant que nous sommes face à une alternative, l’amendement de la commission ou celui du Gouvernement.
Plusieurs solutions sont possibles sur ce sujet.
La première, qui a été évoquée à l’Assemblée nationale, consiste à encadrer, mais on nous dit que des questions de constitutionnalité se posent. Donc, n’allons pas dans cette direction ! Je rappelle qu’il s’agissait, à la suite de l’appel des quarante, de faire en sorte que les salaires ne puissent varier que dans une fourchette d'un à cent, ce qui est déjà beaucoup.
La deuxième solution consiste à limiter les rémunérations variables, comme cela a été fait dans les banques. Il s’agissait de plafonner la part variable à un montant égal à celui de la part fixe. Ce dispositif a également été évoqué par les députés, mais sans aller plus loin à ce stade. Pourtant, l’Autorité des marchés financiers a formulé des préconisations précises à ce sujet, en particulier sur les clauses de restitution des rémunérations ou sur la gestion des risques ; monsieur le ministre, il serait intéressant d’examiner ce point dans les prochains mois.
Dans le cas présent, l’amendement présenté par M. le ministre, qui constitue une solution de rechange à celui de la commission, est meilleur, car ses dispositions permettent d’agir tout de suite, avec une entrée en vigueur immédiate. Cela me semble essentiel, car l’opinion publique attend des résultats rapides.
En outre, cet amendement tend à apporter des réponses intéressantes à la question du pouvoir réel des actionnaires, en particulier grâce à la consultation annuelle de ces derniers : si un point de désaccord est mentionné en conseil d’administration, l’assemblée générale est consultée dès l’année suivante, au lieu d’attendre la fin des mandats.
Au total, le dispositif proposé par le Gouvernement est plus rapide et plus sécurisé. Dans ces conditions, je préconise de voter contre l’amendement de la commission, qui est en retrait par rapport à notre volonté d’améliorer le texte de l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.
M. Bernard Vera. Nous ne soutiendrons pas non plus l’amendement de la commission, car nous sommes favorables à celui du Gouvernement. Nous pensons, en effet, que rien ne justifie que les conditions de rémunération des mandataires sociaux soient fixées, une fois pour toutes, en début de mandat.
Nous pensons même que, au-delà de la discussion d’aujourd’hui, il va bien falloir que nous nous penchions sérieusement sur les différents aspects que recouvrent les modalités de rémunération des mandataires sociaux.
Ainsi, se pose la question de la détermination des critères justifiant leur salaire fixe, qui atteint parfois plusieurs centaines de milliers d’euros, voire des millions d’euros. Se pose ensuite le problème des éléments variables de rémunération, notamment l’attribution d’actions gratuites, les plans d’options d’achat d’actions et les différentes sources de revenus induites par la détention ou la cession de ces éléments.
Nous ne pouvons pas oublier non plus le problème posé par les retraites supplémentaires souscrites à l’intention de ces dirigeants et dont le coût, nous le savons, peut s’avérer extrêmement élevé.
Nous estimons nécessaire, pour notre part, de remettre en question ces retraites chapeaux, en procédant à un ajustement sensible, à la baisse, des abondements de l’entreprise pour financer de tels cadeaux de départ.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 678.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 427 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 189 |
Contre | 155 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’amendement n° 647 n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 54 bis, modifié.
(L'article 54 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 54 bis
M. le président. L’amendement n° 360, présenté par Mmes Blondin et Meunier, MM. Anziani et Guillaume, Mme Espagnac, M. Yung, Mme Bataille, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Lalande et S. Larcher, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Marie, Miquel, Montaugé, Sueur, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 54 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 225-94-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « trois » ;
2° La seconde phrase du même alinéa est supprimée ;
3° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Une personne physique ne peut exercer un mandat de membre du directoire, de directeur général unique, d’administrateur ou de membre du conseil de surveillance de sociétés anonymes ayant leur siège sur le territoire français pour une durée supérieure à douze ans. »
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes et le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle ont formulé un certain nombre de propositions pour améliorer l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles. Ils ont mis en évidence les bilans que vous connaissez, concernant le secteur public et le secteur privé.
L’une de ces recommandations vise à fluidifier le renouvellement en limitant le nombre de mandats détenus par un administrateur ou une administratrice à trois au lieu de cinq. Nous pensons que cette recommandation va dans le bon sens.
Toutefois, nous admettons que le 3° de notre amendement pose un problème de rédaction. Nous souhaitons disposer d’un peu de temps pour réétudier cette disposition et, dans cette attente, nous retirons l’amendement n° 360, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 360 est retiré.
Articles 54 ter, 54 quater, 54 quinquies, 54 sexies et 54 septies
(Supprimés)
Article 54 octies
(Non modifié)
L’article 2 de la loi n° 49-1652 du 31 décembre 1949 réglementant la profession de courtiers en vins dits « courtiers de campagne » est ainsi rédigé :
« Art. 2 – Peuvent seules exercer la profession de courtier en vins et spiritueux les personnes remplissant les conditions suivantes :
« 1° Jouir de leurs droits civils ;
« 2° Ne pas être frappé d’une peine d’interdiction, en application de l’article 131-27 du code pénal, d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour leur propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale, d’une mesure de faillite personnelle ou d’une autre interdiction mentionnée aux articles L. 653-1 à L. 653-11 du code de commerce ;
« 3° Être de nationalité française ou se trouver en situation régulière sur le territoire national ;
« 4° N’exercer aucune des activités qui sont déclarées incompatibles avec la profession de courtier en vins et spiritueux par un décret ;
« 5° Ne faire aucun achat ou vente de vins et spiritueux à leur compte, sauf l’achat pour leurs besoins familiaux ou la vente de vins et spiritueux provenant de leurs propriétés ;
« 6° Ne pas être titulaire d’une licence de marchand de vins et spiritueux en gros ou en détail ;
« 7° Justifier de connaissances et d’une expérience professionnelles, dans des conditions définies par décret.
« Le 5° du présent article n’est pas applicable aux courtiers exerçant leur activité sur le territoire de la région de Cognac délimitée par le décret du 1er mai 1909 portant délimitation de la région ayant, pour ses eaux-de-vie, un droit exclusif aux dénominations de “Cognac”, “Eau-de-vie de Cognac” et “Eau-de-vie des Charentes” et les textes subséquents. » – (Adopté.)
TITRE VIII
DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER
Article 55
(Non modifié)
Au 2° de l’article 2 de la loi n° 46-860 du 30 avril 1946 tendant à l’établissement, au financement et à l’exécution de plans d’équipement et de développement des territoires relevant du ministère de la France d’outre-mer, après le mot : « État », sont insérés les mots : « , les établissements publics nationaux ou les filiales majoritairement détenues par ces établissements ».
M. le président. L’amendement n° 466, présenté par M. Vergès, Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Le premier signataire de cet amendement est notre collègue Paul Vergès.
Le Gouvernement veut se désengager totalement du capital des SIDOM, sociétés immobilières des départements d’outre-mer. Tel est l’objet de cet article 55. Les sept SIDOM passeraient totalement sous la coupe de la Société nationale immobilière, la SNI, celle-ci étant entièrement détenue par la Caisse des dépôts et consignations.
Le choix du Gouvernement de se désengager du logement social outre-mer est totalement inacceptable, d’autant plus qu’il intervient sans concertation aucune avec les collectivités locales ultramarines, malgré la promesse de la ministre des outre-mer. Il n’y a eu aucune discussion sur la décision de l’État, ni sur les modalités de cession des parts.
La ministre des outre-mer affirme que la raison officielle de ce désengagement est le renforcement du « rôle moteur de ces sociétés dans la production de logement social dans les outre-mer », tout en précisant qu’il s’agit « de maintenir une cohérence entre les choix du Gouvernement et la politique du logement, telle qu’elle est menée ».
Toutefois, de quelle cohérence parle-t-on, puisque les SIDOM connaissent des résultats financiers très satisfaisants ? L’Agence française de développement, l’AFD, dans une publication de 2014, expliquait que la richesse introduite annuellement dans l’économie par les SIDOM s’élevait à un milliard d’euros environ, soit 2,5 % du PIB des outre-mer, et que, en moyenne, deux tiers des financements reçus par les SIDOM étaient couverts en dix ans par les recettes fiscales. Les SIDOM sont donc des moteurs évidents de croissance de l’économie ultramarine.
Enfin, toujours selon l’AFD, un locataire paierait en moyenne 239 euros en plus par mois s’il se logeait dans le parc privé, soit environ 7 % de son revenu.
Je viens à l’autre partie du problème, vraisemblablement la plus grave : le groupe SNI a choisi de s’imposer comme un opérateur immobilier du logement intermédiaire. Pour mémoire, à la Réunion, quelque 24 000 demandes de logement social ne sont pas satisfaites. Promouvoir le logement intermédiaire dans une île où 52 % de la population vit sous le seuil de pauvreté est tout simplement une insulte à l’égard de celles et ceux qui attendent un logement décent.
Détruire un outil qui fonctionne pour le remplacer par une structure qui n’a aucune expérience outre-mer est pour nous totalement inacceptable. Nous y voyons, comme les syndicats, « un acte de capitulation de la puissance publique face à la situation gravissime du logement en outre-mer ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer la possibilité, pour les établissements publics nationaux, d’entrer dans le capital de sociétés d’économie mixte en vue de la préparation et de l’exécution des plans de développement économique et social outre-mer. Or cette faculté est utile, notamment à la Caisse des dépôts et consignations.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. L’avis du Gouvernement sera évidemment défavorable, mais je ne sais pas si je parviendrai à vous convaincre, monsieur Vera. En effet, je sais que des considérations locales, parfaitement respectables, entrent également en ligne de compte et risquent de provoquer un blocage.
Pourtant, je ne peux pas accepter d’entendre dire que l’objectif du Gouvernement serait de « privatiser » les SIDOM, avec le risque de renchérir le logement, selon les chiffres que vous avez cités. En réalité, c’est précisément l’inverse que nous visons.
La SNI, qui travaille déjà sur place et qui entretient des contacts très fructueux avec les élus, est un établissement public. Contrairement à ce que vous avez dit, la SNI ne fournit pas uniquement du logement intermédiaire. Elle est le plus grand bailleur social de France ! Elle vient d’ailleurs de racheter, avec mes encouragements et mon autorisation, Adoma, qui intervient dans le logement très social. On peut discuter les réformes, mais il ne faut pas les caricaturer.
Cette réforme va permettre de développer le logement social outre-mer, et je suis d’accord avec vous pour reconnaître qu’il s’agit d’une nécessité. Nous voulons améliorer l’efficacité de notre dispositif, dans la justice.
J’aurais aimé que vous puissiez vous associer à cette réforme, parce que je sais que vous partagez les valeurs qui la sous-tendent, mais je comprends que des considérations d’une autre nature puissent entrer en jeu.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Je voterai bien évidemment contre cet amendement, compte tenu des explications qui viennent d’être données.
Je n’ai pas le souvenir que la situation des SIDOM était aussi florissante qu’ont bien voulu le dire nos collègues du groupe CRC dans la défense de leur amendement. Je me souviens plutôt qu’un certain nombre d’entre elles ont connu de graves difficultés, si bien que ce dossier a dû faire l’objet d’un examen il y a quelques années.
Comme vient de le dire M. le ministre, la SNI a racheté Adoma, qui se trouvait dans une situation dramatique. Adoma, l’ancienne Société nationale de construction de logements pour les travailleurs, ou SONACOTRA, gère tous les foyers de jeunes travailleurs, le plus souvent des travailleurs immigrés. Le redressement d’Adoma assuré par la SNI, après les errements parfois scandaleux des gouvernances précédentes, prouve l’efficacité de l’action de la SNI, que nous connaissons bien pour son action de bailleur social sur nos territoires. La SNI offre des parcours résidentiels organisés en fonction des différentes étapes de la vie qui correspondent aux besoins des outre-mer.
Pour avoir connu le dossier des SIDOM dans le passé, je pense que cette solution est excellente et qu’elle est même une aubaine pour les SIDOM et pour l’outre-mer.
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.
M. Bernard Vera. J’ajouterai un mot en réponse à M. le ministre concernant la volonté et les objectifs de la SNI.
Permettez-moi de vous faire part des propos tenus par le patron de la SNI lors de sa visite à La Réunion, au mois de mai : « La rareté des finances publiques oblige les opérateurs immobiliers à trouver des solutions innovantes ».
M. Michel Bouvard. Oui !
M. Bernard Vera. « Aucun acteur ne peut plus se permettre aujourd’hui de financer des logements en conjuguant subventions et endettement à long terme. Il faut donc repenser tout le modèle. Le logement intermédiaire favorise non seulement le parcours résidentiel des locataires, mais il permet également aux opérateurs de proposer des produits complémentaires par rapport au secteur privé. »
M. Bernard Vera. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, il y a bien pour nous un risque que l’on joue, dans les mois et les années à venir, le logement intermédiaire contre le logement social.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 215 rectifié ter est présenté par MM. Marseille, J.L. Dupont et Laurey, Mme Tetuanui et MM. Kern, Cigolotti, Longeot, Bonnecarrère, Guerriau et Canevet.
L’amendement n° 258 rectifié bis est présenté par MM. Magras, Lefèvre, Frogier et Béchu.
L’amendement n° 609 rectifié bis est présenté par M. Antiste, Mme Claireaux et MM. Cornano, Desplan, J. Gillot, Karam, S. Larcher, Mohamed Soilihi, Chiron, Bigot, Raoul et Patient.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer les mots :
ou les filiales majoritairement détenues par ces établissements
Les amendements nos 215 rectifié ter et 258 rectifié bis ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Daniel Raoul pour présenter l’amendement n° 609 rectifié bis.