M. Dominique Watrin. Cet amendement de repli vise à compléter le champ de négociation entre les partenaires sociaux instauré par cet article pour ce qui concerne les travailleurs saisonniers, afin de prévoir, au bénéfice de ces derniers, un dispositif similaire à celui de la prime de précarité.
Comme nous l’avons indiqué, les contrats saisonniers sont, pour la plupart, des contrats à durée déterminée. Cependant, à la différence des autres CDD, ils n’ouvrent pas le droit à la prime de précarité. Il en résulte deux conséquences directes : une injustice et une inégalité évidente entre les salariés ; une incitation donnée à certains employeurs peu scrupuleux à utiliser ce type de contrat dès lors qu’un pic d’activité intervient, alors que le recours à un contrat de droit commun serait justifié.
En effet, comme nous l’avions souligné lors du débat organisé en 2015 au Sénat, nous constatons que les entreprises de certains secteurs, notamment dans la grande distribution, recourent à ce type de contrat en lieu et place de CDD pour surcroît d’activité. Cette utilisation abusive permet, en outre, aux employeurs de bénéficier d’exonérations de cotisations patronales.
De plus, dans les faits, les contrats des travailleurs sont de plus courte durée, les embauches de dernière minute ou les ruptures brutales de contrat se multiplient. Le cas du travailleur saisonnier qui se trouve soudainement renvoyé ou non embauché, parce que les aléas climatiques l’empêchent de mener son activité saisonnière, illustre la précarité de ce type de contrat de travail.
Enfin, le Défenseur des droits a maintes fois relevé cette précarité. Parmi les propositions qu’il a soumises pour l’amélioration du statut du travailleur saisonnier figuraient ainsi la mise en place légale du principe de reconduction des contrats de travail saisonnier et le versement de l’indemnité de fin de contrat dans les conditions prévues par le droit commun pour les CDD.
J’ai bien compris, madame la ministre, que vous préférez que la négociation porte plutôt sur la reconduction des contrats de travail saisonnier. C’est en effet un sujet important, mais cette affaire dure depuis quinze ans : voter le principe du versement d’une indemnité à la fin du contrat peut être un moyen d’inciter à conclure cette négociation.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 906 rectifié.
M. Guillaume Arnell. Cet amendement vise à intégrer dans le champ de l’ordonnance, en cas d’échec de la négociation de l’accord de branche, un dispositif similaire à la prime de précarité, à laquelle les travailleurs saisonniers n’ont aujourd’hui pas droit. Il tend à préciser que l’ordonnance fixera les modalités de compensation financière en cas de non-reconduction du contrat de travail.
Les salariés saisonniers sont très souvent peu rémunérés. Ils subissent, par ailleurs, des conditions de travail particulièrement difficiles et sont fortement touchés par la précarité en raison de l’insécurité et de l’instabilité de leur temps de travail. Aussi l’amendement prévoit-il une compensation financière spécifique, pour contrebalancer la précarité incontestable de ce contrat.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Les partenaires sociaux doivent négocier sur la reconduction des contrats saisonniers, qui est aujourd’hui une possibilité ouverte par le droit, mais nullement une obligation.
Ces amendements semblent partir du principe que la reconduction serait de droit, ce qui transformerait le contrat saisonnier, qui est un CDD, en une sorte de contrat intermittent. Faire de la reconduction une obligation ne tient pas compte de la réalité des emplois saisonniers.
J’ajoute que, partant de bonnes intentions, on peut aboutir au résultat inverse de ce que l’on souhaite. On voudrait multiplier les recours aux entreprises proposant les services de travailleurs détachés que l’on ne s’y prendrait pas autrement… Faites attention, mes chers collègues, aux effets pervers de vos propositions ! Voyez qui ramasse les fruits dans le Sud-Ouest : Ce ne sont pas forcément des habitants de la Dordogne, du Lot ou du Lot-et-Garonne… Si l’on durcit le dispositif, le recours au travail détaché s’étendra.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. En effet, nombre d’emplois saisonniers sont occupés par des travailleurs détachés.
Cela étant, les employeurs ont des difficultés à fidéliser certains travailleurs saisonniers. Il est essentiel de donner un statut à ces derniers et un cadre juridique aux contrats saisonniers. Beaucoup d’offres d’emploi non pourvues concernent le travail saisonnier.
Si l’on contraint a priori les branches à s’engager dans une négociation sur ce sujet, on risque de les empêcher d’avancer sur d’autres thèmes, notamment celui de la reconduction des contrats de travail d’une saison à l’autre, qui doit être l’objectif premier de cette négociation.
Je redis que je suis favorable à l’amendement n° 356, qui prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport sur le bilan des négociations menées. Ce bilan portera notamment sur le versement d’une indemnité en cas de non-renouvellement du contrat.
Les organisations syndicales se mobilisent fortement sur le sujet de l’emploi saisonnier. Elles auront naturellement à cœur de traiter ces questions lors des discussions à venir, mais veillons à ne pas trop contraindre le champ de la négociation a priori.
Je sollicite le retrait de ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.
M. Guillaume Arnell. Je comprends vos arguments, madame le ministre.
Avec cet amendement, les membres du groupe du RDSE ont voulu mettre l’accent sur la question des salaires. Si ceux-ci étaient plus intéressants, monsieur le rapporteur, il est probable que davantage d’habitants de la Dordogne ramasseraient les fruits !
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Vous nous dites, monsieur le rapporteur, que nous avons le choix entre le pire et le « moins pire »… Nous ferons des propositions sur le sujet des travailleurs détachés, lors de l’examen de l’article 45.
Vous nous avez convaincus, madame la ministre. Puisque tout sera mis sur la table à l’occasion d’une négociation, mieux vaut en effet ne pas restreindre a priori le champ de celle-ci. En revanche, nous nous réservons la possibilité de revenir sur le sujet après la restitution du rapport portant bilan des négociations. Dans cette attente, nous retirons l’amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 792 est retiré.
M. Guillaume Arnell. Je retire également l’amendement n° 906 rectifié, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 906 rectifié est retiré.
L’amendement n° 332, présenté par M. Cabanel, Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi que la prise en compte du droit à la formation et la reconnaissance des qualifications acquises
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Il s’agit d’un amendement de précision, proposé par notre collègue Henri Cabanel.
Sur vingt-six accords de branche, cinq mentionnent la possibilité de prévoir une clause de reconduction, neuf prévoient une priorité de réembauche et un fait état d’une priorité d’embauche en CDI. Le chemin vers la généralisation de la clause de reconduction des contrats saisonniers est donc encore long…
La rédaction de l’alinéa 6 telle qu’elle résulte des travaux de la commission maintient l’invitation à négocier afin de définir les modalités de reconduction des contrats et la prise en compte de l’ancienneté introduite par nos collègues députés. Nous voulons ajouter à ces deux thèmes de négociation ceux du droit à la formation et de la reconnaissance des qualifications acquises.
Peu de saisonniers savent qu’ils ont le même droit à la formation que tous les autres salariés : cela concerne non seulement la préparation opérationnelle à l’emploi avant le début de l’exécution du contrat, mais aussi les actions dans le cadre du plan de formation de l’entreprise, la validation des acquis de l’expérience, le contrat de professionnalisation et tous les dispositifs accessibles via le compte personnel de formation.
Ainsi, le saisonnier qui a travaillé vingt-quatre mois au cours des cinq dernières années, dont quatre mois durant les douze derniers mois, peut réaliser une validation des acquis de l’expérience pendant l’intersaison. Des formations bi-qualifiantes sont aussi désormais accessibles aux saisonniers qui alternent deux activités différentes dans l’année.
Il est important que ces possibilités soient mieux connues et que la négociation entre les partenaires sociaux en traite. Grâce à la reconduction des contrats, accompagnée de l’accès à la formation et de la reconnaissance des qualifications, un avenir professionnel pourrait ainsi se dessiner pour les travailleurs saisonniers.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Cet amendement enrichit le champ de la négociation que les partenaires sociaux sont appelés à mener.
Tout en constatant que le Gouvernement peut inviter les partenaires sociaux à négocier sans que la loi ne les y oblige, nous considérons que le complément apporté par cet amendement n’est pas dénué de pertinence.
La commission a donc émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Comme je l’ai dit à M. Watrin, l’objectif premier de cette négociation est de favoriser la reconduction des contrats de travail saisonniers. C’est pourquoi il ne faut pas fixer a priori une liste de tous les thèmes à évoquer.
Cette question du droit à la formation et de la reconnaissance des qualifications acquises est cependant essentielle. Nous avons d’ailleurs voulu que le dispositif du compte personnel d’activité, lequel est abondé pour les salariés les moins qualifiés, profite aux travailleurs saisonniers. Mais je pense que les partenaires sociaux aborderont d’eux-mêmes l’ensemble de ces thématiques, branche par branche.
Cette négociation devra se tenir dans les six mois suivant la promulgation de la loi.
Par ailleurs, le rapport prévu par l’amendement n° 356 permettra de vous tenir informés du bilan de la négociation.
Je demande le retrait de l’amendement.
Mme la présidente. Madame Féret, l’amendement est-il maintenu ?
Mme Corinne Féret. Nous entendons les arguments de Mme la ministre et retirons notre amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 332 est retiré.
4
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’une proposition de loi
Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 21 juin 2016.
5
Décision du Conseil constitutionnel sur trois questions prioritaires de constitutionnalité
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 24 juin 2016, trois décisions relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur : les pénalités fiscales pour insuffisance de déclaration et sanctions pénales pour fraude fiscale (n° 2016-545 et n° 2016-546 QPC) ; les dérogations temporaires au repos dominical des salariés des commerces de détail à Paris (n° 2016-547 QPC).
Acte est donné de ces communications.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s
Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen de l’article 39.
Article 39 (suite)
M. le président. Nous en sommes parvenus à cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 356 est présenté par Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 789 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’alinéa 6
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au plus tard à la fin de l’année suivant celle de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le bilan des négociations menées par les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés. Ce bilan porte notamment sur les modalités de compensation financière versée aux salariés en cas de non-reconduction du contrat de travail.
II. – Alinéa 7
Rétablir le IV dans la rédaction suivante :
IV. – L’article L. 6321-13 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les saisonniers pour lesquels l’employeur s’engage à reconduire le contrat la saison suivante, en application d’un accord de branche ou d’entreprise ou du contrat de travail, peuvent également bénéficier, pendant leur contrat, de périodes de professionnalisation, selon les modalités définies au chapitre IV du présent titre. »
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l'amendement n° 356.
Mme Nicole Bricq. Vous l’avez souligné en préambule, madame la ministre, la commission des affaires sociales a considérablement réduit la portée de l’article 39 relatif au travail saisonnier, dont notre collègue Michel Le Scouarnec a montré, avec talent et conviction, à partir de l’exemple breton, l’utilité économique.
On constate que les droits sociaux qui y sont attachés sont inversement proportionnels à son utilité économique. Nous soutenons, bien sûr, toutes les mesures qui étaient inscrites dans votre projet de loi initial, madame la ministre, notamment pour lutter contre la précarité et permettre la reconduction du contrat saisonnier et des droits y afférents.
À l’Assemblée nationale, les députés avaient habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur ce sujet, ce qui est contraire, me semble-t-il, au droit constitutionnel. Notre amendement est dans le même esprit, mais ne fait pas d’entorse à la Constitution !
Je cherche au moins à sauvegarder la remise d’un rapport sur les modalités de compensation de la non-reconduction de ce contrat. La commission, pour sa part, est partie de l’a priori que ce secteur relève forcément de la précarité puisque, par nature, il s’agit de contrats précaires. Mais nous savons que beaucoup d’employeurs reconduisent régulièrement ces emplois avec les mêmes personnels, lesquels se trouvent privés notamment de professionnalisation et de formation.
Sur la question du rapport, il n’y a pas de problème de jurisprudence. Nous avons tous dit, sur quelque travée que nous siégions, que le travail saisonnier était très important pour l’économie et qu’il fallait que des droits sociaux y soient attachés.
Nous voulons que ce rapport puisse être remis au Parlement dans un délai relativement rapide. J’ai bien compris, madame la ministre, que vous souhaitiez aller très vite dans la négociation avec les partenaires sociaux. Ainsi, l’ordonnance prévue par l'Assemblée nationale devait intervenir dans un délai de neuf mois suivant la promulgation de la loi.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l'amendement n° 789.
Mme Laurence Cohen. Le groupe communiste républicain et citoyen a déposé exactement le même amendement que le groupe socialiste et républicain. Nous avons déjà développé nos arguments lors des prises de parole sur l’article et de la défense d’autres amendements – nous les avons d’ailleurs retirés au profit de celui-ci, puisque Mme la ministre nous a annoncé qu’elle le soutiendrait.
Je veux redire ici que cet amendement est extrêmement important. Les dispositions en question ont été supprimées par la majorité de la commission des affaires sociales du Sénat. Nous voulons réintroduire au moins le texte tel qu’il a été voté à l'Assemblée nationale.
Les arguments ont déjà été développés. Mais, j’insiste, le sujet est très important. À un moment donné, il faut mettre en adéquation ses paroles et ses actes : l’occasion nous en est offerte ici en votant ces deux amendements identiques.
M. le président. L'amendement n° 406 rectifié bis, présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Cigolotti, Delahaye, Guerriau, Longeot, Luche et Pozzo di Borgo, n'est pas soutenu.
Les amendements nos 407 rectifié bis et 905 rectifié sont identiques.
L'amendement n° 407 rectifié bis est présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Cigolotti, Delahaye, Guerriau, Longeot, Luche et Pozzo di Borgo.
L'amendement n° 905 rectifié est présenté par MM. Requier, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 7
Rétablir le IV dans la rédaction suivante :
IV. – L’article L. 6321-13 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les saisonniers pour lesquels l’employeur s’engage à reconduire le contrat la saison suivante, en application d’un accord de branche ou d’entreprise ou du contrat de travail, peuvent également bénéficier, pendant leur contrat, de périodes de professionnalisation selon les modalités définies au chapitre IV du présent titre. »
L'amendement n° 407 rectifié bis n'est pas soutenu.
La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l'amendement n° 905 rectifié.
M. Guillaume Arnell. Mme la ministre a indiqué qu’elle serait favorable aux amendements nos 356 et 789. J’en tiendrai compte.
Le dispositif de la période de professionnalisation, réservé aux CDI et à certains CDD, n’est pas accessible aux saisonniers. Pourtant, leur besoin en formation est important pour garantir leur employabilité. Il serait légitime que la loi leur assure une égalité d’accès à la formation.
Aussi, cet amendement vise à permettre aux saisonniers d’accéder au dispositif de la période de professionnalisation dès lors qu’ils bénéficient, par accord de branche ou d’entreprise ou par application d’une clause de leur contrat, de la reconduction de leur contrat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur de la commission des affaires sociales. Mme Bricq a couplé une demande de rapport avec une disposition de fond, peut-être pour que le rapport ait une chance supplémentaire d’être pris en considération. Je répondrai sur le fond en expliquant les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable.
Les travailleurs saisonniers dont le contrat est reconduit pour la saison suivante peuvent déjà bénéficier d’un contrat de professionnalisation durant l’intersaison. La commission a supprimé la possibilité de bénéficier de périodes de professionnalisation durant le contrat, car le travail saisonnier est de courte durée et conclu pour une tâche spécifique.
En effet, on voit mal comment les travailleurs concernés pourraient bénéficier de périodes d’alternance entre formation et emploi pendant la durée de leur contrat, c'est-à-dire en pleine saison.
Ainsi, entre deux contrats, il paraît normal de bénéficier de périodes de professionnalisation, mais, je viens de le dire, c'est déjà possible. En revanche, pendant la saison, une telle possibilité me semble contradictoire avec le statut de travailleur saisonnier.
L’avis est donc défavorable sur les amendements nos 356 et 789, ainsi que sur l'amendement n° 905 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Je l’ai dit précédemment, je suis favorable aux amendements nos 356 et 789, qui permettent de revenir au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Ce texte est le fruit d’un équilibre que nous avons souhaité entre la nécessité de sécuriser la situation des travailleurs saisonniers et celle de préserver la situation économique des entreprises concernées.
Les négociations doivent s’ouvrir dans les six mois après la promulgation de la loi, et l’ordonnance doit être établie dans les neuf mois suivant la fin de ces négociations. Le bilan des négociations est, me semble-t-il, un préalable indispensable pour fixer des règles adaptées.
S’agissant de l'amendement n° 905 rectifié, je vous invite à le retirer, monsieur le sénateur, au profit des amendements nos 356 et 789, qui sont plus complets.
Pourquoi voulons-nous ouvrir la période de professionnalisation aux salariés saisonniers ? Le projet de loi issu de l’Assemblée nationale permettait aux salariés saisonniers en CDD reconductible de bénéficier de la période de professionnalisation, car elle se déroule avant et après la saison. Les employeurs qui reconduisent leurs salariés saisonniers ont intérêt à investir dans la formation.
Certes, certains métiers s’apprennent sur le tas, mais il faut reconnaître qu’il est aussi bien d’avoir des salariés formés qui connaissent parfaitement les règles de leur métier, notamment dans l’hôtellerie et la restauration. La période de professionnalisation permet, sur le temps de travail, d’accéder à des formations qui ont une véritable valeur et renforcent l’employabilité d’un salarié. Je pense, par exemple, à une formation qualifiante enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles, le RNCP, à un certificat de qualification professionnelle reconnue par une branche professionnelle ou à une formation permettant l’accès au socle.
Les salariés peuvent bénéficier d’actions de formation d’au minimum 70 heures, en amont ou en aval de la saison, pendant le déroulement de leur contrat saisonnier. Les formations mises en œuvre donnent lieu au maintien par l’employeur de la rémunération du salarié ou à une allocation si elles sont suivies hors temps de travail, notamment financée par les OPCA, les organismes paritaires collecteurs agréés. Bien sûr, la protection sociale, légale et conventionnelle du saisonnier est maintenue.
Ce dispositif doit absolument être préservé dans le projet de loi.
M. le président. Monsieur Arnell, acceptez-vous de retirer l'amendement n° 905 rectifié au profit des amendements nos 356 et 789 ?
M. Guillaume Arnell. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 905 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je regrette votre intransigeance, monsieur le rapporteur.
Ce matin, dans la discussion que nous avons eue sur le travail saisonnier, vous avez fait allusion aux travailleurs détachés, sujet dont nous débattrons à l’article 45. Nous aurions tort de ne pas mettre une certaine pression sur les négociations de branches pour qu’elles avancent au plus vite dans le sens que nous souhaitons.
Dans le même temps, il faut bien voir les conséquences, qui se feront sentir très rapidement, de la numérisation de l’économie. C'est d’ailleurs déjà le cas : Uber, par exemple, vient de conclure un accord avec une petite start-up, dénommée Brigad, pour permettre à un hôtelier ou à un restaurateur de recruter en une demi-heure l’employé dont ils ont immédiatement besoin. Il faut faire attention parce qu’on risque de ne plus maîtriser le dispositif. Et après les employeurs viendront demander aux pouvoirs publics de les protéger !
Il est important de bien encadrer le travail saisonnier et de donner des droits à ces travailleurs parce qu’ils sont, je le répète, d’une grande utilité économique. On ne peut pas se passer d’eux à l’heure actuelle. C’est vrai dans l’agriculture, la viticulture, l’hôtellerie et la restauration. Si l’on s’en tient à des manœuvres dilatoires, cela finira mal pour tout le monde, y compris pour les employeurs.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je voudrais appeler M. le rapporteur à réfléchir au fait que le groupe de travail interministériel sur cette question est arrivé à une conclusion commune : il faut assurer la reconduction du contrat de travail pour sécuriser le parcours des saisonniers.
Comme cela a été souligné, sans ces travailleurs saisonniers, qui représentent tout de même au moins 2 millions de personnes, que deviendrait le secteur touristique, pour ne citer que cet exemple ?
Cette mesure est importante non seulement pour les saisonniers, mais aussi pour les employeurs eux-mêmes. Elle permet aux entreprises de réembaucher à la saison suivante un salarié formé qui a donné satisfaction et donc, pour être clair, de sécuriser les embauches. Elle permet également aux saisonniers de se projeter davantage dans l’avenir.
J’insiste, c’est une bonne mesure, tant pour les employeurs que pour les saisonniers. Je ne vois pas pourquoi ces deux amendements identiques ne recueillent pas un accord beaucoup plus large.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Sur le principe, je rappelle que les travailleurs saisonniers ont droit entre deux périodes au contrat de professionnalisation avec un financement extérieur. Faut-il aller jusqu’à le faire figurer dans le contrat de travail comme une obligation pendant la saison ? Si c'est possible de le faire, tant mieux ! Un hôtelier dont l’activité tourne à 100 % en période haute et à 50 % le reste de la saison peut, bien sûr, faire de l’alternance en période basse.
Mais certains emplois saisonniers commencent au premier jour de la saison et se terminent au dernier jour. Quand la saison est finie, on ne peut plus faire d’alternance, car il n’y a plus d’activité !
Ce n’est pas le principe que nous critiquons, c'est la rigidité et l’impossibilité de faire de la professionnalisation et de l’alternance sur un contrat saisonnier court. L’employeur qui recrute un salarié pour une courte période ne le prend pas pour faire de l’alternance.
Je suis tout à fait d’accord pour que cette personne puisse bénéficier d’une formation une fois son contrat achevé et que celle-ci soit financée par l’employeur ou par les employeurs de manière mutualisée. Je le redis, je ne suis pas du tout opposé à ce principe de formation ; ce sont simplement les modalités qui posent problème.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Dans l’article tel qu’il est issu de l’Assemblée nationale, il ne s’agit pas d’une obligation : les saisonniers « peuvent également bénéficier pendant leur contrat de périodes de professionnalisation ».
Nous savons que les employeurs rencontrent un problème d’attractivité. Leur offrir cette possibilité, c'est leur permettre de recruter, la saison suivante, une main-d’œuvre fidélisée, formée, et qui répond véritablement aux besoins de l’entreprise.
Nous l’avons dit à de nombreuses reprises au moment des discussions sur le compte personnel d’activité : la question de la formation relève des employeurs. Il ne faut pas considérer les emplois saisonniers comme des emplois « jetables », pour lesquels on remettrait le compteur à zéro tous les ans. De nombreux employeurs sont épuisés de devoir rechercher tous les étés des saisonniers ; ils auront envie de s’engager dans cette voie en sachant que cela leur permettra de fidéliser les bons saisonniers.
C'est amorcer l’idée qu’on doit aussi se préoccuper de la formation des saisonniers. J’insiste, ce n’est pas une obligation, et il n’y a aucune rigidité.