Sommaire

Présidence de M. Claude Bérit-Débat

Secrétaires :

Mme Frédérique Espagnac, M. Jackie Pierre.

1. Procès-verbal

2. Renvoi pour avis unique

3. Participation des employeurs à l’effort de construction. – Adoption définitive en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable

Mme Valérie Létard, rapporteur de la commission des affaires économiques

Mme Marie-Noëlle Lienemann

M. Jean-Claude Lenoir

M. Michel Le Scouarnec

M. Pierre-Yves Collombat

M. Joël Labbé

M. Henri Tandonnet

Mme Élisabeth Lamure

Mme Emmanuelle Cosse, ministre

Clôture de la discussion générale.

Article additionnel avant l’article 1er

Amendement n° 1 de M. Michel Le Scouarnec. – Rejet.

Articles 1er à 4 – Adoption.

Vote sur l’ensemble

M. Philippe Dallier

M. Martial Bourquin

M. Michel Le Scouarnec

Adoption définitive du projet loi dans le texte de la commission.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

4. Hommage aux victimes d’un drame aérien

5. Organisme extraparlementaire

6. Instauration d’un revenu de base. – Rejet d’une proposition de résolution

M. Jean Desessard, auteur de la proposition de résolution

M. Yvon Collin

Mme Nicole Duranton

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Mme Annie David

M. Jean-François Husson

Mme Nicole Bricq

Mme Marie-Christine Blandin

M. Daniel Percheron

M. Jean-Baptiste Lemoyne

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité réelle

Texte de la résolution

Rejet, par scrutin public, de la proposition de résolution.

7. Ancrage territorial de l'alimentation. – Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Article 1er (suite)

Amendement n° 12 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Adoption.

Adoption, par scrutin public, de l’article modifié.

Article additionnel après l'article 1er

Amendement n° 5 rectifié de M. Félix Desplan. – Rectification.

Amendement n° 5 rectifié bis de M. Félix Desplan. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 1er bis

Amendement n° 2 rectifié de M. Alain Vasselle. – Rejet.

Amendement n° 15 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 2

Amendement n° 18 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 3

Amendement n° 17 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Adoption.

Amendement n° 13 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Rejet.

Amendement n° 19 de la commission. – Retrait.

Amendement n° 20 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 21 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 22 rectifié de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 3 bis

Amendement n° 23 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 4

Amendement n° 16 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Adoption, par scrutin public, de l'amendement supprimant l'article.

Article 5 (supprimé)

Amendement n° 8 de M. Jean Desessard. – Adoption de l'amendement rétablissant l'article.

Vote sur l'ensemble

M. Michel Le Scouarnec

M. Claude Bérit-Débat

Mme Marie-Christine Blandin

M. Jean Desessard

Mme Catherine Procaccia

M. Joël Guerriau

M. Joël Labbé, rapporteur

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

8. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Claude Bérit-Débat

vice-président

Secrétaires :

Mme Frédérique Espagnac,

M. Jackie Pierre.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Renvoi pour avis unique

M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 (n° 614, 2015-2016), dont la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est saisie au fond, est envoyé pour avis, à sa demande, à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

3

 
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures relevant du domaine de la loi pour simplifier et rationaliser l'organisation de la collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction et la distribution des emplois de cette participation
Discussion générale (suite)

Participation des employeurs à l’effort de construction

Adoption définitive en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du Gouvernement, en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution, du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, habilitant le Gouvernement à adopter des mesures relevant du domaine de la loi pour simplifier et rationaliser l’organisation de la collecte de la participation des employeurs à l’effort de construction et la distribution des emplois de cette participation (projet n° 481, texte de la commission n° 597, rapport n° 596).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures relevant du domaine de la loi pour simplifier et rationaliser l'organisation de la collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction et la distribution des emplois de cette participation
Article additionnel avant l’article 1er

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureuse de vous présenter ce projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour simplifier et rationaliser l’organisation de la collecte de la participation des employeurs à l’effort de construction et la distribution des emplois de cette participation. Cet intitulé paraît certes barbare, mais nous sommes ici entre initiés et nous n’ignorons pas qu’il recouvre l’organisation d’Action logement, anciennement « 1 % logement », acteur extrêmement important de la politique du logement dans notre pays.

À l’heure où je vous présente ce projet de loi, il est beaucoup question du dialogue social en France. Ce texte a été voulu par les partenaires sociaux qui gèrent la PEEC, la participation des employeurs à l’effort de construction. Cette réforme souhaitée par les partenaires sociaux a été conçue par eux-mêmes. Il incombe aujourd’hui au Gouvernement de la présenter devant le Parlement.

Il est important, avant de débattre du texte lui-même, de garder bien présent à l’esprit que cette participation des employeurs à l’effort de construction a été mise en place à une autre époque et qu’elle joue depuis fort longtemps un rôle très important dans la politique du logement gérée par les partenaires sociaux. Nous souhaitons maintenir cette organisation et défendre les choix des partenaires sociaux quand ils sont d’accord sur un dispositif équitable, mutualisé et fonctionnel.

Cette réforme intervient à un moment où il est beaucoup question de logement. Le Gouvernement est bien évidemment toujours très mobilisé pour défendre une politique du logement qui permette à tous nos concitoyens d’aller vers plus d’émancipation et de construire leur projet de vie.

L’occasion m’est donnée ce matin de redire quelques mots sur ma très grande détermination à poursuivre dans la voie de la construction de logements abordables, bien situés dans nos territoires, qui répondent réellement aux besoins de nos concitoyens et à des coûts maîtrisés. C’est ce qui explique l’effort considérable que nous avons déployé dans le secteur du logement social, mais aussi du logement privé, effort qui se confirme par la reprise actuelle, qu’il s’agisse de la construction de maisons individuelles ou de logements collectifs. Ces signes économiques très encourageants sont la garantie que nous pourrons offrir à nos concitoyens de bonnes conditions de logement, ce qui est important pour eux. Ils pourront ainsi faire leur vie dans de bonnes conditions.

Tout d’abord, cette réforme d’Action logement a été voulue très clairement par les partenaires sociaux pour améliorer le dispositif de la collecte de la participation des employeurs à l’effort de construction. Action logement joue un rôle très important, qui consiste à articuler la question de l’emploi et du logement, afin de permettre à ces deux préoccupations majeures des Français de trouver des issues favorables.

La participation des employeurs continue à jouer un rôle considérable dans le financement du logement social, mais également du logement intermédiaire, des prêts d’accession à la propriété offerts aux salariés et des aides à la mobilité. L’activité d’Action logement s’inscrit donc dans l’ensemble du champ de la question du logement.

Action logement finance également la nouvelle caution locative VISALE, visa pour le logement et l’emploi, en vigueur depuis le 1er février 2016, destinée aux salariés jeunes ou précaires, qui permet d’offrir gratuitement pendant trois ans une caution locative lors de l’entrée dans le logement.

Je tiens enfin à rappeler la contribution majeure d’Action logement au financement du logement et, plus globalement, aux politiques publiques du logement. En effet, dans le cadre d’un accord-cadre passé entre l’État et l’Union des entreprises et des salariés pour le logement, l’UESL, Action logement s’est engagée à une mobilisation exceptionnelle sur six ans de 3 milliards d’euros d’emprunts auprès du fonds d’épargne. Cet engagement doit permettre d’accélérer la construction de logements sociaux et contribue ainsi à la réalisation de l’objectif national de production de logements.

De plus, la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », prévoyait que la nature et les règles d’utilisation des emplois de la PEEC soient fixées par convention entre l’État et l’UESL. C’est l’objet même de la convention quinquennale signée le 2 décembre 2014. En 2015, les emplois de la PEEC se sont élevés à 3,9 milliards d’euros, répartis de manière suivante : 1,4 milliard d’euros au titre des financements destinés aux personnes morales, notamment les organismes d’HLM ; 1,3 milliard d’euros dédiés au financement des politiques publiques, notamment pour le programme national de rénovation urbaine, le PNRU, et le nouveau programme national de renouvellement urbain, le NPNRU ; 1 milliard d’euros au titre des financements destinés aux personnes physiques, les prêts « accession » notamment ; 200 millions d’euros accordés à l’Association foncière logement, l’AFL, pour le financement de logements locatifs destinés aux salariés dans les quartiers de rénovation urbaine.

Cependant, l’organisation actuelle du réseau d’Action logement fait apparaître des faiblesses rédhibitoires.

Ces faiblesses ont conduit les partenaires sociaux d’Action logement à réfléchir à une nouvelle organisation de leur structure. Dans le passé, de réels efforts de rationalisation ont vu le jour, notamment la forte réduction du nombre de comités interprofessionnels du logement, les CIL, qui sont passés de cent vingt-cinq en 2009 à vingt en 2012, afin d’assurer une meilleure efficacité de la collecte.

La principale faiblesse de l’organisation actuelle, constatée par les uns et les autres, est la concurrence que pratiquent les CIL entre eux, ce qui engendre parfois de vives tensions sur les territoires.

Cette collecte, qui représente aujourd’hui 0,45 % de la masse salariale de chaque entreprise, est pourtant un versement obligatoire : la mise en concurrence n’apporte donc aucune valeur ajoutée. C’est une des raisons qui ont conduit à proposer une nouvelle organisation d’Action logement, avec trois objectifs : supprimer la concurrence entre les CIL pour la collecte ; renforcer les services au profit des entreprises et des salariés ; donner équitablement accès aux mêmes prestations aux grandes comme aux petites entreprises.

Cette réforme a pour ambition non seulement d’améliorer le fonctionnement interne du réseau d’Action logement, mais également de renforcer son efficacité sur l’ensemble des territoires, qu’ils soient urbains, périurbains ou ruraux, denses ou moins denses. Elle a également pour ambition de dégager de nouvelles marges de manœuvre pour la politique du logement.

Le présent projet de loi a pour vocation de vous présenter une habilitation à légiférer par ordonnances pour mettre en œuvre cette réforme. Je sais que nombre d’entre vous reviendront sur ce point dans leur intervention. Néanmoins, comme je m’y suis engagée lors de l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale, les projets d’ordonnance seront transmis aux parlementaires, dans un souci de transparence et de concertation continue, conformément à la méthode de travail qui a toujours été la mienne sur ce texte de loi. C’est, à mes yeux, un point de passage obligé si nous voulons avancer ensemble, car il me semble que nous avons tous pour objectif commun la réussite de cette nouvelle gouvernance d’Action logement.

Globalement, le projet de loi prévoit d’organiser le réseau d’Action logement autour d’une structure « faîtière » qui pilotera l’ensemble du dispositif. Elle aura pour mission essentielle de conclure avec l’État les conventions quinquennales et de veiller à leur mise en œuvre. Elle pilotera, d’une part, un pôle « service » unique, chargé de collecter la PEEC et de distribuer les services et, d’autre part, un pôle « immobilier » qui recueillera les participations d’Action logement dans le capital des opérateurs immobiliers de son réseau.

Le pôle « service » remplacera les CIL et sera chargé de collecter la PEEC. Il permettra également d’assurer l’équité dans la distribution et la prise en compte des besoins des territoires. Cette équité devra se faire au bénéfice à la fois des salariés, quelle que soit la taille de leur entreprise, et des organismes de logement social, quel que soit leur statut. La centralisation de la collecte permettra d’atteindre ces objectifs et de développer une culture du service et de la performance, dans l’intérêt des entreprises et de leurs salariés.

Le pôle « immobilier », quant à lui, portera l’ensemble des participations actuellement détenues par les CIL dans les entreprises sociales de l’habitat, les ESH, et autres sociétés immobilières. Cette nouvelle entité permettra d’accroître la production de logements sociaux et intermédiaires et de soutenir l’emploi.

Cette nouvelle organisation représente une avancée majeure, tant pour les salariés que pour les entreprises. En supprimant la concurrence entre les CIL et en centralisant la collecte, elle permettra d’assurer une plus grande transparence pour les entreprises. Nous attendons également de cette réforme un accroissement de qualité de service en faveur des salariés, notamment s’ils sont en recherche de logement.

J’attends également des impacts positifs quant au financement du logement social et intermédiaire. La création d’un organisme unique chargé de la distribution des prêts au logement social permettra, en effet, une plus grande transparence dans les règles de distribution. Elle facilitera également le respect des engagements pris en matière de répartition des aides entre les territoires – tendus et détendus – et les organismes, quel que soit leur statut.

Je suis par ailleurs particulièrement attentive au respect des territoires et de leurs besoins. Je sais que ce point a fait l’objet de débats au Sénat, mais aussi à l’Assemblée nationale. Dans les deux chambres, les mêmes inquiétudes se sont fait jour, les mêmes soucis se sont exprimés et les mêmes objections ont été formulées.

Certains se sont interrogés notamment sur l’articulation et le déploiement d’Action logement sur les territoires. Il est important que cette nouvelle organisation se fasse au service des salariés et des entreprises, mais surtout des territoires qui sont engagés pour répondre aux besoins de logement.

Nous y reviendrons dans le cours du débat, j’ai souhaité insuffler à ce texte une forte dimension territoriale, en particulier grâce à la création des comités régionaux Action logement, les CRAL, qui auront notamment pour mission d’identifier, avec les acteurs locaux – et donc les collectivités locales –, les besoins en matière de logement et d’adapter l’utilisation de la PEEC en fonction de ces besoins. Il y aura donc un ajustement de la répartition de la PEEC aux besoins territoriaux.

La réforme doit assurer une équité entre les territoires et contribuer à améliorer le dialogue avec les acteurs locaux : les orientations nationales d’Action logement seront déclinées, mais aussi adaptées le mieux possible aux besoins des territoires et de leurs salariés.

La création des CRAL dans chaque région permettra d’engager des relations contractuelles avec les conseils régionaux, les principaux EPCI et les conseils départementaux, s’ils le souhaitent, afin de répondre au mieux aux besoins des territoires.

La distribution de la PEEC s’effectuera dans le respect des directives nationales, bien sûr, mais pourra être adaptée en fonction des besoins identifiés localement.

Enfin, l’un des intérêts majeurs de cette réforme est l’optimisation des coûts de fonctionnement par la rationalisation de l’organisation, ainsi qu’une centralisation du cadrage financier et territorial. Cela permettra d’adapter les emplois de la PEEC en fonction des besoins réels des territoires et des salariés, sans que l’expression de ces besoins soit biaisée par une concurrence néfaste entre structures.

La rationalisation des flux financiers donnera ainsi une plus grande marge de manœuvre à Action logement, laquelle devra être réinvestie dans le logement.

Lors du débat à l’Assemblée nationale, le texte a été amélioré et enrichi de plusieurs précisions.

La première précision est la mise en place d’un comité des partenaires d’Action logement au niveau de la structure faîtière pour assurer le suivi des emplois de la PEEC. Je vous confirme que, outre le mouvement HLM, ce comité des partenaires comprendra des représentants des collectivités locales.

La deuxième amélioration porte sur la prévention des conflits d’intérêts. Elle est désormais inscrite dans le projet de loi et sera précisée par l’ordonnance.

La troisième précision concerne le raccourcissement du délai de publication des ordonnances de douze à huit mois. J’ai d’ailleurs réaffirmé mon intention de publier les ordonnances au début de l’automne afin que la réorganisation d’Action logement soit effective au 1er janvier 2017.

Le texte prévoit également un contrôle de l’État concernant l’emploi de la PEEC pour capitaliser certaines filiales du pôle immobilier d’Action logement. Cette question soulève un certain nombre d’interrogations.

Cette disposition est un compromis proposé par le Gouvernement et accepté par les députés, à la suite d’un débat sur le fait de restreindre fortement la capitalisation des opérateurs d’Action logement, phénomène que nous avons pu observer.

Il est nécessaire d’encadrer la capitalisation des ESH afin d’éviter tout déséquilibre excessif du secteur, mais il ne s’agit pas pour autant de l’interdire. Ce point a déjà fait l’objet de débats entre Action logement et l’État. La convention quinquennale du 2 décembre 2014 contenait des dispositions très claires : la capitalisation est permise, mais elle doit être minoritaire et a vocation à le rester. Elle ne peut représenter en effet que 5 % de la totalité du financement annuel d’Action logement, soit 70 millions d’euros pour 2016.

Toutefois, et afin de veiller à une distribution maîtrisée de titres, je propose que l’ordonnance prévoie que l’État pourra s’opposer au cas par cas à une augmentation de capital, par exemple au moyen d’un droit de veto des commissaires du Gouvernement siégeant au sein du conseil d’administration de la structure de portage des titres des sociétés immobilières.

Enfin, la distribution de ces emplois sera soumise à un contrôle a posteriori de l’ANCOLS, l’Agence nationale de contrôle du logement social, la nouvelle structure qui contrôle très étroitement – certains s’en plaignent, d’ailleurs – la collecte de la PEEC et évalue l’action en matière de logement social.

Vous le voyez, le projet de loi que je vous présente aujourd’hui vise donc à réformer Action logement pour davantage de transparence pour les entreprises, de pertinence envers les destinataires des services et de performance dans l’accomplissement de ses missions, et ce dans le respect des engagements pris pour répondre aux besoins en matière de logement social des territoires et d’aide à l’accès au logement du secteur privé.

Nous nous devons de renforcer et d’améliorer ce modèle français original et précieux de gestion paritaire et de participation des employeurs au financement des logements des salariés. À ce titre, cette réforme constitue un atout supplémentaire dans la bataille pour l’emploi que mène le Gouvernement dans tous les domaines.

C’est aussi un pas en avant dans la mobilisation générale pour l’accès au logement, car l’urgence sociale est toujours là pour des millions de Françaises et de Français.

C’est enfin une étape importante dans le mouvement que je souhaite engager pour un habitat de qualité, plus durable et plus écologique, dans l’optique d’améliorer le confort de vie des habitants.

Action logement a renforcé son effort dans le cadre du programme « habiter mieux » de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, qui aide à la rénovation des logements sur l’ensemble du territoire. L’ambition est d’augmenter le nombre de logements rénovés et de participer à l’amélioration du cadre de vie de nos concitoyens.

Il est essentiel, à mes yeux, que cette démarche de réforme d’Action logement se poursuive dans l’esprit de concertation et d’association de tous les acteurs – les élus, mais aussi les collectivités – qui a présidé à nos travaux jusqu’ici, afin d’aboutir à un consensus large. Il est important que nous puissions poursuivre dans la voie que nous avons empruntée, celle de l’engagement total en faveur d’une meilleure politique du logement dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Valérie Létard, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, créée en 1953 à la suite de plusieurs expérimentations locales, la participation des employeurs à l’effort de construction, la PEEC, qu’on appelle communément « 1 % logement » est une contribution versée par les employeurs du secteur privé d’au moins vingt salariés. Cette contribution est fixée à 0,45 % des rémunérations versées. Le réseau Action logement collecte cette contribution et la redistribue.

Malgré plusieurs réformes, le réseau Action logement connaît un certain nombre de difficultés de fonctionnement. Tout d’abord, l’émergence de collecteurs de taille significative pose la question de leur statut associatif. Ensuite, les collecteurs continuent de se livrer à une concurrence stérile pour attirer les « grands comptes ». Enfin, ils rencontrent des difficultés pour poursuivre la baisse de leurs coûts opérationnels et leurs résultats sont quelquefois décevants en matière de services rendus aux entreprises et aux salariés.

Les partenaires sociaux, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, ont donc décidé d’engager une réforme en profondeur d’Action logement. Ils ont ainsi proposé une nouvelle organisation du réseau comprenant cinq structures.

La première structure est la structure faîtière. Celle-ci demeurera un organisme paritaire et sera chargée de définir les orientations générales du dispositif. Elle sera également chargée de piloter et de contrôler les différentes structures mises en place.

La deuxième structure remplacera les collecteurs et sera chargée de la collecte et de la distribution de la PEEC.

Une troisième structure sera chargée de recueillir les titres détenus par les organismes collecteurs. Elle pourra acquérir des titres émis par des sociétés immobilières.

L’Association pour l’accès aux garanties locatives, l’APAGL, et l’Association foncière logement, l’AFL, verront leurs compétences respectives confortées. Leur champ de compétence sera cependant modifié. Il s’agit pour l’APAGL de prévoir le pilotage du nouveau dispositif de sécurisation des loyers, VISALE. L’AFL sera, quant à elle, autorisée à diversifier ses programmes de construction en vendant des logements neufs en accession à la propriété.

Enfin, un comité régional Action logement, le CRAL, représentera Action logement dans chaque région et aura vocation à identifier les besoins dans les territoires.

Le projet de loi qui nous est soumis prévoit d’autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnances afin de traduire sur le plan juridique la nouvelle organisation voulue par les partenaires sociaux.

Je ne vous cache pas, madame la ministre, que nous aurions forcément préféré modifier directement le droit en vigueur. Certains de mes collègues ont d’ailleurs critiqué la méthode consistant à réformer la politique du logement par ordonnances et par paquets successifs, sans explications sur la cohérence d’ensemble des réformes proposées !

La réforme envisagée d’Action logement qui s’inscrit dans le prolongement des efforts de rationalisation précédemment entrepris présente d’indéniables avantages.

Ainsi, cette nouvelle organisation devrait permettre d’offrir un meilleur service aux entreprises, et donc aux salariés, quelle que soit la taille de l’entreprise. Elle devrait favoriser aussi une plus grande transparence dans les critères de distribution et la répartition effective de la collecte.

Sur le plan financier, la réforme proposée a le mérite de mettre fin à une concurrence inutile et coûteuse entre les collecteurs. Cette centralisation de la collecte permettra, en outre, de poursuivre la baisse de 10 % des coûts de fonctionnement à laquelle s’est engagée Action logement dans la convention quinquennale.

Par ailleurs, la réforme proposée donnera à Action logement une meilleure visibilité. Les partenaires dans les territoires auront désormais un seul interlocuteur régional clairement identifié avec qui discuter et négocier les conventions régionales.

Plusieurs interrogations, inéluctables en cas de recours à une ordonnance, ont été formulées quant aux effets de cette réforme sur les organismes d’HLM et quant à la répartition territoriale de la PEEC.

Les organismes d’HLM avaient plusieurs sujets d’inquiétude portant sur la répartition de la PEEC entre les organismes d’HLM, sur la possibilité d’utiliser la PEEC pour acquérir des participations dans des organismes d’HLM et enfin sur le respect de la clause d’agrément applicable dans certaines sociétés d’HLM.

Des réponses ont été apportées, qui sont susceptibles de les satisfaire. L’ordonnance devrait ainsi comporter des règles spécifiques pour garantir l’absence de discrimination entre les organismes d’HLM. Elle devrait également inscrire dans le code le principe de distribution maîtrisée des dotations en fonds propres. Enfin, elle devrait comprendre des mesures permettant à l’État de contrôler la distribution des fonds entre organismes d’HLM et de s’opposer à des augmentations de capital, comme vous venez de le rappeler, madame la ministre.

J’en viens maintenant à la question de la redistribution territoriale de la PEEC, sur laquelle de fortes inquiétudes se sont exprimées en commission. Vous y avez également fait référence, madame la ministre.

Le principe de mutualisation des fonds entre les territoires, qui existe déjà dans l’organisation actuelle, devrait être maintenu. La répartition de la PEEC devrait être établie en fonction des besoins des territoires identifiés par les structures locales d’Action logement et en application des objectifs fixés par la convention quinquennale.

La commission s’est cependant interrogée sur la répartition effective de la PEEC. Quelle part restera à l’échelon national pour financer les politiques publiques de l’habitat et quelle part « redescendra » dans les territoires pour financer les aides aux personnes physiques et aux organismes d’HLM ? Quels critères seront retenus pour la répartition de la collecte entre les territoires ? S’agira-t-il, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, d’une application stricte de ce qui aura été décidé à l’échelon national ? Des souplesses et des adaptations aux spécificités territoriales seront-elles possibles ? Comment éviter une concentration des moyens sur les seules zones tendues ? Il s’agit d’empêcher que les constructions neuves ne se fassent uniquement sur les zones tendues et les réhabilitations sur les zones non tendues. Évitons les règles d’application unilatérales et uniformes, qui ne tiennent pas compte des réalités territoriales.

S’agissant de l’organisation territoriale d’Action logement, la réforme prévoit le maintien d’un ancrage territorial avec la mise en place des comités régionaux Action logement, les CRAL. Ainsi, dans chaque région, Action logement sera clairement identifiée, soit au niveau politique avec les CRAL, soit au niveau technique avec des délégations régionales.

Ces CRAL auront notamment pour mission de recueillir et de synthétiser les besoins des entreprises et des salariés dans les principaux bassins d’emploi de la région, ainsi que de conclure des conventions avec les conseils régionaux et les établissements publics de coopération intercommunale représentatifs des principaux bassins d’emploi de la région.

Toutefois, la commission s’est interrogée sur la répartition des rôles entre les CRAL et les délégations régionales. Quelle sera la marge de manœuvre des CRAL par rapport aux délégations régionales ? Devront-ils appliquer de façon uniforme les orientations de la structure faîtière ou bénéficieront-ils d’une marge d’appréciation ? Il ne faudrait pas que la centralisation de la collecte conduise une nouvelle fois à uniformiser la distribution des emplois dans les territoires et à gommer toute possibilité d’adaptation !

Au niveau national, le comité des partenaires devra jouer un rôle de vigie quant aux orientations et à la distribution de la PEEC entre les territoires. Comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, des représentants des collectivités territoriales devraient siéger au sein de ce comité, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

Enfin, l’ANCOLS, qui contrôle Action logement, jouera un rôle essentiel en nous permettant de connaître le montant des sommes collectées, ainsi que leur redistribution entre les organismes d’HLM et les territoires. Il est essentiel que cette agence ait les moyens de mener à bien cette mission.

En conclusion, je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez nous apporter des éléments de réponse de nature à nous rassurer, et à convaincre ainsi les plus réticents d’entre nous d’adopter le projet de loi sans modification.

Nous serons extrêmement vigilants sur les dispositions de l’ordonnance afin d’éviter, d’une part, que la concurrence entre CIL ne se transforme en concurrence entre organismes sous actionnariat d’Action logement et organismes sans actionnariat d’Action logement et, d’autre part, que certains territoires ne soient oubliés par cette nouvelle organisation.

Nous n’hésiterons pas à procéder aux corrections que nous estimerions nécessaires lors de l’examen du projet de loi de ratification des ordonnances si nous constations un décalage entre vos engagements et le contenu des ordonnances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Joël Labbé applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voudrais remercier l’ensemble des collègues qui suivent ce dossier du logement, ainsi que Mme la ministre, que nous accueillons avec plaisir dans notre hémicycle.

Le groupe socialiste et républicain approuve largement les conclusions défendues par notre rapporteur, Valérie Létard. Elle a balayé le champ des enjeux et nous partageons la position politique qu’elle propose d’adopter. Celle-ci consiste à soutenir le texte, tout en indiquant que le Sénat fera preuve d’une grande vigilance sur un certain nombre de points et d’exigences que nous souhaitons voir repris dans l’ordonnance.

Nous n’allons pas reprendre le vieux débat sur l’opportunité des ordonnances. Pour ma part, je n’ai jamais été favorable à ce genre de méthode.

Pour autant, nous avions déjà voté sur ce texte, à l’occasion de l’examen du projet de loi Rebsamen, mais la disposition en question avait été censurée par le Conseil constitutionnel, qui y a vu un cavalier législatif. Au point où nous en sommes, nous pensons que cette réforme doit être mise en œuvre, que les ordonnances doivent donc pouvoir être promulguées, et ceci dans le respect de nos préoccupations.

Je voudrais désormais rappeler les points auxquels notre groupe est particulièrement attaché.

Tout d’abord, permettez-moi de vous remercier, madame la ministre, car vous vous êtes engagée à nous transmettre les projets d’ordonnance – je connais votre sens du dialogue –, afin que nous puissions être proactifs, au service d’une rédaction qui conviendrait au plus grand nombre.

Pour le groupe socialiste et républicain, ce qu’on appelle le « 1 % logement », géré par les partenaires sociaux, est un pilier fondamental de notre politique du logement. Nous avons toujours été opposés aux bruits qui pouvaient frémir, à Bercy ou ailleurs, sur la transformation de cette ressource gérée paritairement par les partenaires sociaux en un prélèvement obligatoire géré par l’État.

Nous avons toujours été attentifs, tout en étant assez lucides sur le réalisme de cette revendication, à ce que le « 1 % logement » ne se substitue pas aux crédits budgétaires consacrés par l’État tant au financement de l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, qu’aux aides à la pierre.

Je rappelle ces positions, sachant toutefois que, chemin faisant, hélas, l’État s’est désengagé budgétairement de l’ANRU, et que l’aide à la pierre est régulièrement menacée – j’espère que ces menaces ne se concrétiseront pas à l’occasion du prochain budget. Madame la ministre, vous pouvez prévenir vos collègues des finances : notre mobilisation sera totale pour qu’un haut niveau d’engagement budgétaire soit garanti. Nous y tenons !

La présente réforme a pour objectif de consolider le système, de répondre aux critiques qui lui sont faites et de garantir sa gestion paritaire. C’est un pari : la collecte étant centralisée, il est évident que la captation de ses recettes au profit de certains opérateurs est facilitée.

Toutefois, cette centralisation rend le système plus optimal, plus efficace, et devrait permettre de conjurer les critiques portant sur les doublons, la concurrence inutile, le gaspillage. C’est dans cet esprit que nous soutenons ce projet de loi.

J’en viens à l’objectif principal : comme le dit Action logement, l’urgence est de construire et de rénover. Il n’est pas question de gaspiller les crédits dans cinquante mille directions différentes. De ce point de vue, et même si nous approuvons tout à fait le dispositif VISALE, je reste une ardente partisane de la garantie universelle des loyers, la GUL, que nous avions votée en adoptant la loi ALUR (M. Philippe Dallier s’exclame), mais nous n’allons pas reprendre le débat sur ce vaste sujet !

Je résume l’objectif : construire, rénover, répondre aux besoins de logement.

Le premier point sur lequel nous souhaitons insister, c’est l’égalité. Le « 1 % logement », en effet, est un prélèvement obligatoire : il a donc vocation à s’inscrire dans un cadre d’intérêt général, lequel doit être très clair ; il ne peut pas être dispensé au gré des envies des uns et des autres.

De ce point de vue, je félicite l’Assemblée nationale d’avoir donné corps à l’idée, qui était dans l’air, de créer une structure consultative réunissant le mouvement HLM et les élus locaux. Vous comprendrez, madame la ministre, que le Sénat soit très attentif à la présence des élus locaux dans ce comité consultatif.

La fidélité au principe d’égalité exige également que la distribution du « 1 % logement » ne privilégie pas certains opérateurs de la construction de logements au motif qu’ils feraient partie du réseau d’Action logement, ou qu’ils seraient une ESH, une entreprise sociale pour l’habitat, plutôt qu’un office ou une coopérative. Les engagements pris par Action logement me semblent aller dans le sens d’un tel souci de transparence et d’égalité de traitement des opérateurs.

Je m’interroge par ailleurs depuis toujours sur la légitimité même de la capitalisation de certains organismes ou sociétés au moyen de fonds provenant d’un prélèvement obligatoire. Si possibilité de capitalisation il y a – avec les conséquences que cela emporte en termes d’acquisition de pouvoir au sein de la structure concernée –, pourquoi ne serait-elle pas ouverte à tous les types d’opérateurs intervenant dans ce domaine ?

Quoi qu’il en soit, l’utilisation des ressources d’un prélèvement obligatoire pour capitaliser certaines structures et y acquérir du pouvoir me semble borderline, comme disent les jeunes, d’un point de vue constitutionnel, et cela même si ce sont les partenaires sociaux qui détiennent ledit pouvoir.

Je pense que nous atteignons là une limite ; surtout, je pense que ces fonds seraient mieux utilisés à financer directement l’action. J’ai pu comprendre, un temps, la logique présidant à cette situation : sans capitalisation, pas de fonds propres, donc pas d’action possible.

M. Philippe Dallier. C’est assez évident !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est la raison pour laquelle, tout en m’étonnant quelque peu de la méthode, je ne m’opposais pas radicalement au principe, ceci jusqu’à ce que le Président de la République fasse une très bonne proposition : les fameux « prêts de haut de bilan » accordés par la Caisse des dépôts et consignations, dans lesquels Action logement jouera d’ailleurs un rôle.

Dès lors que de tels prêts sont disponibles pour tous les opérateurs, et en particulier les ESH liées à Action logement, la capitalisation n’est plus ni nécessaire ni légitime d’un point de vue opérationnel.

Pour ma part, je souhaite donc que les engagements pris soient honorés – l’État ne saurait évidemment changer tout d’un coup de philosophie –, mais que nous allions au bout de ces dispositifs de capitalisation, jusqu’à leur extinction progressive, au profit d’autres solutions plus justes, plus équitables, et sans doute tout aussi opérationnelles. La tendance récente est d’ailleurs celle, précisément, d’une baisse régulière de la part capitalisée par rapport à la part redistribuée.

Je me félicite en tout cas que le Gouvernement soit intervenu pour garantir que les fonds ne soient pas inutilement « mis de côté » au détriment de l’action, et que certains opérateurs ne soient pas favorisés au détriment des autres.

Deuxième point important : la territorialisation. Mme la rapporteur a très bien exprimé les inquiétudes liées à la concurrence des objectifs. Le même débat a d’ailleurs lieu sur l’utilisation des fonds publics : l’obsession des zones tendues est légitime, puisque c’est là que les besoins sont les plus importants ; en même temps, l’erreur serait de négliger les besoins des zones non tendues.

Le débat que nous avons eu en commission l’a bien montré : dans certains secteurs ruraux, la mutation des espaces et l’aménagement du territoire requièrent des efforts en termes de traitement de l’ancien. Il s’agit notamment de rénover un parc HLM désuet, qui ne correspond plus aux besoins des jeunes générations.

La crainte est que la centralisation ne fasse oublier, au motif d’un « grand » intérêt général, de plus petits intérêts, lesquels sont pourtant tout aussi généraux. Il y va en effet de la capacité de la France à rester un territoire équilibré entre ses grandes métropoles, ses petits villages et ses villes intermédiaires.

Ce souci est légitime : l’histoire nous enseigne en effet, par exemple, que le monde industriel – y compris les nouvelles industries – se trouve rarement dans les métropoles. Nous devons donc éviter la situation où des territoires ne bénéficieraient pas de la richesse qu’ils produisent pourtant. Nous aurions beau jeu, ensuite, de déplorer leur « éloignement » ou leur « disqualification » ! Nous nous sommes compris, madame la ministre : ce point est déterminant.

Concernant la clause d’agrément, il faut préciser que les partenaires sociaux, quelles que soient les structures, ne sont pas nécessairement les mêmes localement et nationalement. Les partenaires locaux étaient habitués à être parties prenantes des choix effectués sur leurs territoires : ils participaient aux conseils d’administration de certaines ESH. Ils redoutent désormais – cette inquiétude est partagée par les syndicats et par le MEDEF – que le niveau national décide de désigner, depuis Paris, d’autres représentants, au motif que l’actionnariat qui était local est désormais géré par la structure faîtière. On craint donc que les « technocrates parisiens » ne prennent le pas dans les arbitrages des sociétés.

Je souhaite, madame la ministre, que l’État fasse preuve de vigilance sur ce sujet. Nous devons construire des structures de médiation – tout n’a pas à figurer dans la loi – qui permettent d’éviter une centralisation excessive, laquelle irait à contre-courant de nos orientations collectives. À défaut, en cas de désaccord de fond entre, d’une part, les partenaires sociaux d’un territoire, en l’occurrence le comité interprofessionnel du logement, ou CIL, local, et, d’autre part, la structure faîtière nationale, le risque sera celui d’un rapport de forces perpétuel.

Enfin, vous avez bien dit que le rôle et le fonctionnement des CRAL, ainsi que la marge de manœuvre dont ils disposeront au niveau local, devaient être davantage précisés. Ce qui me pose problème, c’est la complexité des modes de contractualisation. Entre les plans locaux d’urbanisme, les programmes locaux de l’habitat, les contrats qui seront signés avec les CRAL, ceux qui le seront avec les organismes d’HLM, sans parler de l’ANAH, il me semble nécessaire d’instaurer une cohérence d’ensemble.

Simplifier, unifier, rendre plus opérationnelle l’intervention de la puissance publique et des acteurs locaux : ces points seront sans doute à l’ordre du jour des prochains débats relatifs aux politiques de l’habitat et de la ville.

En tout cas, madame la ministre, nous voterons en faveur de ce projet de loi, tout en restant vigilants, comme beaucoup de groupes du Sénat, quant au respect du mot d’ordre « égalité et territorialisation ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)

Mme Valérie Létard, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit ce matin a donné lieu à des discussions très vives, très animées, au sein de la commission des affaires économiques. Je ne représente pas ici la commission – j’interviens à titre personnel –, mais je ne peux que témoigner de ce que j’y ai entendu.

Ce texte était attendu. Nous savons comment était organisée la collecte, par les CIL, de la participation des employeurs à l’effort de construction, qu’on appelle le « 1 % logement ». Nous avons souvent dénoncé l’enchevêtrement des structures, qui se concurrençaient les unes et les autres, ce qui, en définitive, coûtait très cher – plus de 400 millions d’euros, comme cela a été avancé.

Tout cela devait être corrigé ; la Cour des comptes a d’ailleurs pointé du doigt ces dysfonctionnements d’une façon extrêmement forte et précise. Il fallait donc œuvrer. Tel est l’objet du texte que vous nous proposez, madame la ministre. Il avait connu une première vie au sein d’un projet de loi défendu par François Rebsamen. Nous connaissons le sort qui avait été réservé à cette partie du texte : déclarée hors sujet, elle avait été censurée par le Conseil constitutionnel. Il fallait donc y revenir.

Le Gouvernement a donc choisi d’engager la procédure accélérée en déposant un projet de loi l’habilitant à légiférer par ordonnances.

Première remarque, de forme : les sénateurs, comme les députés, n’aiment pas les ordonnances. On peut s’interroger sur la légitimité d’une telle précipitation : après tout, la censure du Conseil constitutionnel remonte à un an ; il eût été évidemment plus judicieux de présenter, dans un délai assez rapide, un projet de loi qui nous permette de légiférer sur la question qui nous rassemble aujourd’hui.

Sur le principe – vous le savez, madame la ministre –, les parlementaires ne peuvent que dénoncer le recours excessif, parfois systématique, aux ordonnances. J’utiliserai cet argument, d’ailleurs, avec une certaine retenue. (Sourires.) Je fais partie des parlementaires qui soutiennent, en effet, le discours vigoureux tenu par certains candidats susceptibles de se présenter à l’élection présidentielle de 2017, lesquels soulignent combien le recours aux ordonnances serait sans doute une bonne solution pour aller vite, pour aller loin et pour bien faire ! (Nouveaux sourires.)

Je n’insiste cependant pas, madame la ministre. J’imagine en effet qu’à front renversé, l’an prochain, nous entendrions ceux qui sont aujourd’hui dans la majorité, et qui pourraient, sait-on jamais, se trouver demain dans l’opposition,…

M. Roger Karoutchi. Sait-on jamais !

M. Pierre-Yves Collombat. Ils ont l’habitude !

M. Jean-Claude Lenoir. … dénoncer les initiatives qui seraient prises.

M. Jean-Claude Lenoir. Quoi qu’il en soit, il était important, madame la ministre, que ce propos fût dit avec la plus grande fermeté, ici, depuis cette tribune.

M. Ladislas Poniatowski. Vive les ordonnances !

M. Jean-Claude Lenoir. Quant au contenu de ce que vous nous proposez, nous comprenons bien qu’il faut mutualiser et rassembler les dispositifs en faveur de la construction. Le véritable motif d’inquiétude a été exprimé à la fois par Mme la rapporteur et par Mme Lienemann, qui m’a précédé à cette tribune, et qui, sénatrice de Paris, a montré qu’elle était elle aussi préoccupée par le caractère national de ces dispositions.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je suis sénatrice de la République !

M. Jean-Claude Lenoir. Quelle est la part que les territoires ruraux, que nous sommes nombreux, ici, à représenter, pourront occuper dans ces dispositifs ? C’est bien là la question ! La crainte est en effet que l’effort des employeurs en faveur de la construction vienne surtout conforter les gros organismes d’HLM dans les régions les plus agglomérées – et pas seulement la région parisienne –, et que l’on oublie ainsi que cet effort doit être également consenti – il est même nécessaire et attendu – en faveur des territoires ruraux.

Je représente un département, celui de l’Orne, qui est envié pour un certain nombre de ses atouts, mais a besoin lui aussi de constructions pour accueillir les populations qui viennent s’y installer et permettre à celles qui y résident d’avoir accès à des logements de qualité. Il s’agit parfois de petites opérations, portant, dans de petits bourgs, sur quelques logements. Évidemment, madame la ministre, comme vous l’imaginez, l’inquiétude des élus est de savoir si les moyens dont les organismes d’HLM disposent aujourd’hui pour réaliser de telles opérations continueront de leur être consentis.

Autre motif d’inquiétude : celui du mode de décision. Il sera centralisé au niveau national. J’ai beaucoup apprécié, vraiment, les propos de ma collègue sénatrice de Paris, qui aurait pu également poser la question suivante : qui décidera ? Je ne peux lui faire le reproche de ne pas l’avoir posée, car je l’ai entendue, sur d’autres sujets, manifester la vision nationale qui est inhérente au mandat qu’elle exerce ici.

La structure faîtière, qu’elle soit nationale ou régionale – les régions sont si grandes que le débat est transposable à leur niveau –, acceptera-t-elle d’accorder, au plan local, un intérêt soutenu aux préoccupations, aux demandes et aux besoins de nos territoires ruraux ?

Se pose également la question de la participation des élus. Mme Lienemann – pardonnez-moi de m’y référer si souvent, mais j’ai entendu son propos avec un intérêt tout particulier – a parlé de « technocrates ». Je ne veux surtout pas insister sur ce point, dans la mesure où se trouvent devant moi, à côté de Mme la ministre, des personnes qui pourraient se sentir visées – elles ne le sont évidemment pas. Des personnes qui n’entretiennent aucun lien avec le territoire, et qui n’ont pas la légitimité des élus pour participer à la décision, n’auront-elles pas tendance à omettre de tenir compte des besoins spécifiques du monde rural ?

Il y a eu, madame la ministre, au sein de la commission, et d’une façon qui m’a beaucoup surpris, une levée de boucliers face au dispositif proposé. J’avais bien envisagé que ce texte puisse donner lieu à des commentaires ; ils ont d’ailleurs été effectués par Mme la rapporteur, qui a accompli un excellent travail, dans un domaine où elle est à la fois connue et reconnue. Mais, en définitive, nous avons vu un certain nombre de collègues de tous bords, de tous groupes et de tous territoires exprimer leur très vive préoccupation. Je voudrais que vous en teniez compte, madame la ministre.

Je veux dire en même temps que nous avons beaucoup apprécié les réponses précises que vous avez apportées devant la commission des affaires économiques, que je préside, ainsi que la relation que vous avez entendu nouer avec elle. Vous avez pris l’engagement de soumettre à notre lecture les projets d’ordonnance avant qu’ils ne soient définitivement adoptés. Mme la rapporteur y veillera, au nom de l’ensemble des membres de la commission : elle sera votre interlocutrice, afin que nous puissions non seulement prendre connaissance avant promulgation des dispositifs prévus, mais aussi, éventuellement, y réagir.

Notre souhait est clair : que les territoires ne soient pas oubliés ! Je n’ai pas seulement en vue les territoires ruraux. On entend parfois des discours simplistes et caricaturaux sur l’inquiétude de principe des parlementaires de territoires un peu oubliés – certains parlent de territoires « hyper-ruraux ».

Mais non ! L’ensemble des territoires sont concernés. Au nom de l’égalité, qui est la valeur qui nous réunit, il est indispensable que cet effort en faveur de la construction puisse permettre à l’ensemble de nos concitoyens, qui y participent par leur contribution financière, de bénéficier des retombées de dispositifs qui ont montré leur efficacité et auxquels nous sommes évidemment très attachés.

Je conclurai, madame la ministre, en soulignant que nous sommes parfaitement conscients de l’urgence qui s’attache à ce que ce texte soit promulgué avant la fin de l’année, afin que ces dispositifs puissent s’appliquer dès le 1er janvier 2017. Un certain nombre de parlementaires auraient souhaité déposer des amendements et corriger le texte proposé, mais cela aurait donné lieu à une nouvelle lecture par l’Assemblée nationale, avec des risques de retards.

L’essentiel, madame la ministre, est que vous ayez bien pris en compte nos préoccupations, et qu’un travail nous réunisse, vous, exécutif, et nous, législateurs, de façon à ce que le meilleur puisse être produit. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, le logement est au cœur des préoccupations des salariés et d’un très grand nombre de nos concitoyens.

Ce projet de loi, relatif aux modes de financement de l’effort de construction, aurait donc mérité davantage qu’une simple habilitation législative. Ce sujet n’est pas nouveau : la première mouture, présentée lors de l’examen du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, a été censurée par le Conseil constitutionnel.

Au moment où le Gouvernement utilise l’article 49, alinéa 3, de la Constitution pour faire adopter le projet de loi « travail », nous ne pouvons que nous opposer à ces pratiques antiparlementaires.

Sur le fond également, ces dispositions posent de nombreuses questions.

Notons d’abord qu’elles traduisent fidèlement les préconisations du livre blanc publié par le MEDEF en janvier 2015. Il s’agit ainsi de parachever la réforme engagée par la loi Boutin de 2009, qui a déjà conduit à réduire très fortement le nombre de CIL, passés de cent vingt-cinq en 2009 à vingt en 2012. La nouvelle entité unique s’appuiera donc demain sur treize délégations régionales – sans compter les CRAL, comme vous l’avez dit, madame la rapporteur –, en lieu et place des vingt CIL. La logique de concentration, conforme à la loi NOTRe, est ainsi appliquée au réseau des collecteurs du « 1 % logement ».

Le lien logement-territoire, c’est-à-dire l’exigence de proximité entre logement et lieu de travail des salariés, essentielle à nos yeux, ainsi que la complémentarité entre l’ensemble des acteurs du logement social, sont ainsi rompus. Cela ne manquera pas, d’ailleurs, de provoquer des difficultés concernant le contrôle des fraudes éventuelles. La proximité est en effet le meilleur gage de la réussite de la collecte. La vraie question, selon nous, est celle du maillage du territoire.

Le risque est grand, avec cette nouvelle réforme, de voir les inégalités se creuser entre les régions, voire les départements. À rebours de ce qu’a dit Mme la ministre, nous ne pensons pas que tous les territoires en sortiront gagnants.

Au-delà de la volonté affichée de rationalisation, la centralisation opérée illustre la maîtrise par l’État de cette manne financière, qui masque un réel désengagement. Il ne s’agit pas d’une petite question, puisque les ressources d’Action logement représentent près de 4 milliards d’euros, dont plus de 1,5 milliard d’euros pour la seule collecte annuelle.

Madame la ministre, vous justifiez cette réforme en avançant l’idée que l’organisation de la collecte serait défectueuse, puisqu’elle conduirait à des excédents inutilisés au sein des différents CIL. À l’inverse, et précisément, ces excédents nous paraissent démontrer que la collecte est une réussite. Elle ne permet cependant pas de construire suffisamment de logements pour les salariés de notre pays. Au lieu d’en revoir les modalités, nous devrions poser la question de sa finalité ; mais tel n’est sans doute pas le but du présent projet de loi.

Si, pour l’instant, il est annoncé que l’ensemble des personnels et actifs des CIL devraient être repris dans la nouvelle structure – nous l’espérons –, le futur nous éclairera sur la concrétisation de ces annonces. L’exigence d’optimisation des coûts, que vous avez évoquée, madame la ministre, nous fait craindre qu’une telle concrétisation ne soit difficile.

Nous passons de la notion de réseau à la notion de groupe. Or la richesse d’Action logement, c’est justement son réseau. Vous confondez, madame la ministre, nécessaire mutualisation sur l’ensemble du territoire national et lourde centralisation. Celle-ci n’est pas adéquate aux véritables missions d’Action logement.

Nous n’avons rien contre la simplification, mais nous sommes dubitatifs devant la création de ces structures géantes, qui seront propriétaires de l’ensemble du patrimoine immobilier. Il s’agit en effet de fonder le premier groupe du logement en France, propriétaire d’un patrimoine de 900 000 logements. Plusieurs conseils d’administration de CIL ont voté une motion dénonçant les modalités de cette réforme. L’USH, l’Union sociale pour l’habitat, est également réticente face à ce montage.

La capitalisation des ESH par la structure immobilière soulève des questions de compatibilité au regard de la réglementation européenne ; elle pourrait être caractérisée comme une aide de l’État. Plus grave, elle ouvre la voie à l’abandon de nombreuses structures, puisque la vision nationale ne permettra pas de prendre en compte les spécificités locales.

Alors même que, d’ores et déjà, le financement de la politique du logement repose avant tout sur le « 1 % », nous craignons de voir s’édifier un nouveau dispositif de déstabilisation du modèle économique du logement social dans notre pays.

Dernier point : la mise en place de la garantie locative VISALE. Il s’agit certes d’une avancée, mais nous regrettons l’abandon de la GUL, la garantie universelle des loyers, mise en place par Cécile Duflot. En effet, le mode de financement de VISALE est très différent et reposera, une nouvelle fois, sur le « 1 % logement ».

Par ailleurs, le caractère non universel de ce mécanisme est à déplorer. Nous prônons une véritable sécurité sociale du logement, comme le demande d’ailleurs la Confédération nationale du logement.

S’agissant du « 1 % », nous avons d’autres pistes de réforme. Elles permettraient de dégager plus d’argent et de construire plus de logements adaptés à la diversité du monde des salariés. Elles seraient également de nature à favoriser la création d’emplois.

Il faut rétablir ce prélèvement à 1 %, contre 0,45 % actuellement, et permettre sa collecte à partir de dix salariés, et non de vingt, comme c’est le cas aujourd’hui. Nous demandons également que l’ensemble des salariés bénéficie du dispositif.

Par ailleurs, nous estimons qu’il faut cesser de faire financer par le 1 % l’ensemble de la politique du logement et de la politique de la ville. En effet, Action logement finance 93 % du nouveau programme de renouvellement urbain, qui dépend de l’ANRU. Elle finance également l’ANAH, sans compter sa contribution au financement des aides personnalisées au logement, les APL !

Aujourd’hui, Action logement et les bailleurs sociaux sont les acteurs majeurs de la politique publique et sociale du logement. Pour preuve, leurs contributions s’élèvent à 1 milliard d’euros, alors que celle de l’État n’est que de 250 millions d’euros pour l’aide à la pierre. Et la part de l’État se concentre depuis de nombreuses années sur la mise en œuvre de niches fiscales dont vous avez d’ailleurs annoncé la prolongation. Est-ce cela l’urgence ? Est-ce cela la priorité aujourd’hui, madame la ministre ?

Dans le cadre de la réforme, les organisations syndicales demandent la mise en œuvre d’un réel paritarisme, d’une démocratie sociale permettant un véritable pouvoir d’intervention dans les territoires et la gouvernance des ESH. Elles demandent également un véritable statut de l’administrateur, afin de permettre aux futurs mandatés d’assumer pleinement leurs missions. Allez-vous les entendre ?

Les ordonnances prises devront tenir compte de ces exigences, ainsi que de celle d’une présence territoriale forte, en lien étroit avec les élus locaux.

Vous l’avez compris, à nos yeux, ce projet de loi n’apporte pas les outils pour répondre à la crise du logement. Pis, le recours aux ordonnances et la centralisation excessive de la collecte, du financement et de la construction privent le Parlement de son pouvoir législatif et détournent Action logement de sa mission au service des salariés et des territoires. Sincèrement, nous ne pourrons pas voter ce texte, car nous ne croyons pas à son efficacité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC).

M. Philippe Dallier. C’est bien dommage !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’idée de rationaliser et de simplifier la collecte des participations des employeurs au financement du logement de leurs employés, alias le « 1 % logement », n’a rien de choquant, même si l’usage le plus fréquent des « rationalisations et simplifications complexifiantes » m’a rendu méfiant quant à ce genre d’exercice ! D’ailleurs, rien que le titre du texte a de quoi inquiéter ! (Mme la rapporteur sourit.)

En l’espèce, la concurrence entre les CIL pour la collecte de la PEEC, avec les frais de fonctionnement que cela engendre – 320 millions d’euros, selon la Cour de comptes –, alors qu’il s’agit de cotisations obligatoires, semble appeler une restructuration du dispositif.

Cela posé, pourquoi procéder par ordonnances, et non par la voie législative normale ? Comme ce point a été soulevé tout à l’heure, je précise ne soutenir aucun candidat à l’élection présidentielle qui serait amateur déclaré ou secret du gouvernement par la bureaucratie ! (M. Roger Karoutchi s’exclame.)

Il faudrait, nous dit-on pour justifier une telle procédure, agir rapidement dans un domaine hautement technique, où les intervenants sont nombreux et où il faut l’accord des partenaires sociaux.

Il s’agirait seulement de renouveler une habilitation acquise avec la loi Rebsamen de 2015, mais censurée pour cause de cavalier par le Conseil constitutionnel, qui ne pouvait pas laisser passer une telle entorse compte tenu de sa sensibilité bien connue aux problèmes majeurs de constitutionnalité… (Sourires.)

Mais, même si ces arguments ne me convainquent pas totalement, j’avoue que rien ne s’oppose non plus à suivre la voie des ordonnances, au vu de l’accord semblant exister entre l’État et les partenaires sociaux et de la création, à l’alinéa 7 de l’article 1er, d’un comité consultatif chargé d’associer tous ces partenaires.

Surtout, si j’ai bien lu, l’article 4 prévoit la ratification des ordonnances devant le Parlement sous trois mois à compter de la publication de chacune. Il sera alors facile – mes collègues l’ont fait observer – de contrôler le travail des bureaux et, si nécessaire, de modifier le texte.

Restent deux interrogations.

La première n’a, me semble-t-il, pas vraiment été évoquée. Elle concerne le traitement qui sera réservé au personnel des CIL locaux. Ceux-ci risquent de se retrouver sans emploi du jour au lendemain.

La seconde a été longuement exposée. Elle porte sur un problème essentiel : la garantie de l’équité territoriale de la gestion des participations du nouvel organe dans les organismes d’HLM et assimilés.

En effet, si la centralisation de la perception des cotisations ne pose pas de problème particulier, il en va autrement de la gestion de participations jusque-là décentralisée. L’éloignement de l’organisme central et de ses gestionnaires des besoins provinciaux risque de pénaliser la France « ultra Île-de-France » – l’Île-de-France a incontestablement de véritables besoins en matière de logement !

M. Philippe Dallier. Merci de le reconnaître !

M. Pierre-Yves Collombat. C’est bien cela qui est inquiétant ! S’il n’y avait pas de tels besoins, on pourrait se défendre. Mais là, cela risque d’être difficile… Si je me souviens bien, à l’origine, le principal objectif de la création du Grand Paris était précisément de régler le problème du logement !

M. Philippe Dallier. Ce n’est pas encore fait !

M. Pierre-Yves Collombat. J’allais le dire, mon cher collègue !

M. Roger Karoutchi. Nous avons la structure, mais il manque encore le contenu !

M. Pierre-Yves Collombat. Madame la ministre, vous nous avez indiqué qu’il serait tenu compte de ces différents éléments et des besoins des territoires.

Certes, j’ai bien entendu que les CRAL permettraient d’exprimer ces besoins. Mais, compte tenu du caractère limité des crédits, il faudra bien procéder à des arbitrages. Et c’est dans ce détail que le diable risque de se nicher !

« Loin des yeux, loin du cœur », dit l’adage ; mais loin aussi, et l’adage ne le dit pas, des pouvoirs et des lobbys les plus influents !

La suggestion de Mme la rapporteur, qui consiste à prévoir la présence des collectivités locales, les régions et les départements notamment, dans le comité consultatif, pourrait constituer une réponse, à condition que la représentativité de tous les territoires soit véritablement garantie. Je souscris à ce qui a été indiqué tout à l’heure : tous les territoires, qu’ils soient urbains, périurbains ou ruraux, sont concernés.

Malgré ces interrogations, j’apporte le soutien du RDSE à la présente demande d’habilitation, la présomption de bonne volonté du Gouvernement dans cette affaire nous paraissant devoir l’emporter sur les doutes. Rendez-vous à la séance de ratification, madame la ministre ; nous saurons si notre confiance a été bien placée ! (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

Mme Valérie Létard, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est toujours un véritable plaisir d’entendre l’analyse fine de Mme la rapporteur Valérie Létard, notamment, mais pas seulement, sur le logement. Elle a un vrai regard social sur ce type de sujets.

Je salue également Marie-Noëlle Lienemann, qui bénéficie aussi d’une forte expérience en la matière, ainsi que notre collègue Dominique Estrosi Sassone, sur les travées de la droite.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Heureusement qu’il y a les femmes !

M. Joël Labbé. Voilà un dossier sur lequel nous pouvons trouver des convergences politiques transpartisanes !

Madame la ministre, cela ne vous surprendra pas, nous, les parlementaires écolos, ne sommes pas forcément adeptes des ordonnances !

Je n’irai pas aussi loin que M. le président de la commission des affaires économiques, qui a parlé tout à l’heure de « précipitation ». Comme Mme la ministre l’a rappelé, le texte a été conçu en lien direct et étroit avec les partenaires sociaux, et il y a urgence à agir. En outre, le caractère très technique des modifications à apporter peut aussi justifier le recours à des ordonnances.

Madame la ministre, je sais que vous aurez à cœur d’associer notre assemblée aux travaux. Malgré certaines divergences politiques profondes de vue entre nous, le Sénat jouit d’une réputation importante lorsqu’il s’agit d’expertise locale, pour le logement comme pour d’autres domaines.

L’habilitation que vous sollicitez porte sur une réforme qui est évidemment nécessaire et participe au mouvement de fond engagé depuis plusieurs années sous l’impulsion du Président de la République, intitulé sobrement « choc de simplification ». Si la sémantique est certainement mal adaptée, le consensus autour de la simplification est, lui, bien réel.

La multiplication des interlocuteurs et des organismes constitue évidemment un frein et une source de confusion, voire, dans certains cas, de concurrence entre les organismes concernés. Pour s’en rendre compte, il suffit de regarder le tableau comparatif de l’organisation actuelle d’Action logement et de son organisation future qui nous a été communiqué.

La poursuite des économies de fonctionnement, lorsqu’elles sont raisonnables et ne se traduisent pas simplement par des suppressions de postes, est louable en période de contraction budgétaire et de maîtrise des déficits publics.

Les maîtres mots de cette réforme sont la rationalisation, la transparence, la lisibilité et l’équité. Espérons que vous atteindrez la totalité de ces objectifs et que les principes de péréquation et de solidarité entre les territoires s’appliqueront pleinement.

Il est aussi primordial de rassurer les quelque 4 000 salariés concernés par cette réforme, car ils sont confrontés à une grande incertitude pour leur avenir. Ils ont accompli leur tâche avec dévouement et responsabilité, et appliqué les réformes successives consciencieusement. Ils pensent avoir réussi à faire des économies tout en assumant de plus en plus de compétences. Ils craignent aujourd’hui de devenir les oubliés d’une réforme qui est pourtant ambitieuse. Pouvez-vous leur apporter ici des éléments de nature à les rassurer, madame la ministre ?

La tâche est immense. La crise du logement, qui perdure, n’est pas nouvelle. Même si quelques signes heureux d’amélioration apparaissent, elle reste toujours aussi profonde.

Si la création d’un organisme paritaire chargé de définir les orientations du dispositif d’ensemble et de piloter et de contrôler les structures qui le composent est une bonne chose, cette nouvelle réforme ne doit surtout pas aboutir à une recentralisation des décisions. Ainsi que cela a été souligné, nous devons, certes, veiller à ce que nos réglementations répondent à un niveau d’exigence élevé, mais celles-ci doivent aussi tenir compte des spécificités des régions et des particularismes des territoires, notamment ruraux.

Nous serons vigilants sur le volet territorial et, même s’il faut toujours faire attention aux clichés, sur le rôle de ce que l’on appelle la « technocratie parisienne ». Ce sont les politiques qui doivent décider de la politique à mener, la technocratie étant là pour l’exécuter.

Madame la ministre, comme c’est la première fois que vous êtes au banc du Gouvernement pour défendre un projet de loi, je souhaite attirer votre attention sur quelques problématiques particulières.

Dans le Morbihan, nous sommes confrontés à des difficultés d’application de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi SRU, qui est une excellente loi ! Cela concerne notamment les logements sociaux. Certaines communes pourtant volontaristes, dont la population se situe juste au-dessus du seuil des 3 500 habitants, se retrouvent en situation de carence bien malgré elles. Je pense notamment à des communes dont le centre-bourg représente seulement le tiers de la population. Comme elles sont contraintes, à juste titre, de ne plus construire dans les écarts, elles ont l’obligation de construire presque uniquement du logement social dans leur centre-bourg pour rattraper leur retard, alors que la demande n’est pas excessivement forte. Il faut vraiment trouver des solutions ou adapter les modes de calculs.

Je me suis rapproché de deux structures, Lorient Agglomération, dans le Morbihan, et le Club « Décentralisation et Habitat Bretagne », qui ont mené d’intéressants travaux d’analyse pour proposer des réponses. Je vous invite à les rencontrer, madame la ministre ; je crois d’ailleurs que vos services sont en contact avec eux.

Le commerce en centre-ville et la lutte contre l’artificialisation des espaces naturels et agricoles restent également des sujets fondamentaux. J’espère que les travaux en cours de notre groupe de travail sur la simplification législative du droit de l’urbanisme, de la construction et des sols nous permettront d’apporter rapidement des réponses allant dans le sens d’une véritable simplification, tout en assurant une politique cohérente d’aménagement équilibré et économe en utilisation du sol. Je le rappelle, le sol est un bien commun particulièrement précieux.

Madame la ministre, pour relever ces grands défis, vous pouvez compter sur le soutien des écologistes du Sénat qui voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet.

M. Henri Tandonnet. Madame la ministre, après ces premières interventions, vous aurez compris combien le texte présenté par le Gouvernement soulève des difficultés au sein de l’ensemble des groupes politiques de notre assemblée. Le logement en général et son financement font partie des préoccupations majeures du Sénat.

Avant toute chose, je tiens naturellement à saluer le travail de Mme la rapporteur Valérie Létard. Elle est, avec d’autres, une excellente spécialiste de la question. Le logement et la famille étant des sujets très proches, il est logique que les sénatrices s’y investissent particulièrement.

Mme la rapporteur a su prendre la mesure des propositions et, surtout, attirer notre attention et celle du Gouvernement sur les difficultés soulevées par ces réformes. Je compte bien évidemment sur elle pour être notre vigie quant à la publication et au contenu des ordonnances.

Je souhaite faire deux remarques de forme sur le présent projet de loi.

La première concerne évidemment le fait de solliciter une habilitation pour légiférer par ordonnances.

Par définition, proposer ce genre de texte, c’est demander aux parlementaires de se dessaisir de leur pouvoir de législateurs. Certes, nous votons l’habilitation et la ratification, mais les débats de fond sur les mesures législatives n’ont pas lieu. C’est largement regrettable, d’autant que ce n’est pas la première fois que ce gouvernement recourt à cette procédure dans le domaine du logement. La dernière fois, c’était en 2013. Il s’agissait d’accélérer les projets de construction. Je ne suis pas sûr que les ordonnances aient vraiment eu l’effet escompté !

Je comprends l’urgence à agir, étant donné que la fin de la législature approche, mais je suis convaincu qu’un débat serein et constructif dans les deux chambres aurait été possible dans les mêmes délais. Je me réjouis d’ailleurs que nos collègues députés aient réduit de trois mois le délai de publication des ordonnances ; cela devrait être largement suffisant.

Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer le calendrier de publication et de ratification des ordonnances ? La censure du Conseil constitutionnel est déjà ancienne, mais je comprends que vous vouliez imprimer votre marque au texte. En tout cas, je suis intimement convaincu que nous pourrions en reparler lors de l’examen du projet de loi « Égalité et citoyenneté », qui comprend aussi un volet consacré au logement.

Ma deuxième critique de forme tient à l’accumulation et au morcellement des réformes relatives au logement depuis quatre ans.

Nous avons examiné à deux reprises la loi Duflot, puis nous avons été saisis de la loi ALUR, qui a été retouchée dans la loi Macron. Et voici que, après les ordonnances déjà évoquées, un nouveau texte vient réorganiser totalement Action logement, avant que la discussion d’une réforme importante du logement social dans le titre II du projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Avec les membres de mon groupe, je regrette que ces différentes réformes soient étudiées au coup par coup, sans vision globale.

Notre assemblée a toujours abordé ces différents textes avec beaucoup d’ouverture et de volonté. Néanmoins, un tel morcellement nuit à la compréhension des législateurs que nous sommes, mais aussi des Français eux-mêmes et de l’ensemble des acteurs publics ou privés du secteur. J’ose espérer que le découpage ne résulte pas d’une volonté délibérée du Gouvernement. Quoi qu’il en soit, madame la ministre, nous aimerions qu’un vrai bilan de l’ensemble de ces réformes puisse être présenté, tant elles ont bouleversé le paysage du secteur.

J’en viens désormais au fond du projet de loi d’habilitation.

Comme Mme la rapporteur l’a souligné, le réseau Action logement connaît aujourd’hui des difficultés de fonctionnement et les partenaires sociaux sont tombés d’accord pour lancer des changements profonds d’organisation, qui constituent le fond même du cadre des ordonnances proposées. L’examen de ce texte nous donne l’occasion de reposer un certain nombre de questions sur le logement social, en particulier sur le financement et sur l’organisation des acteurs opérationnels.

La nouvelle organisation proposée doit pouvoir améliorer le service rendu aux entreprises et aux salariés, tout en limitant les coûts et la concurrence. L’objectif est bien de faire progresser l’efficacité du « 1 % logement », mais cette efficacité ne peut être obtenue au détriment de l’équité entre les habitants et entre les territoires.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, la principale interrogation de notre Haute Assemblée concerne la prise en compte équilibrée de tous les territoires.

Ma première inquiétude tient au fait que l’on recentralise et que l’on reconcentre Action logement pour que l’argent collecté soit « mieux » piloté, c’est-à-dire piloté par l’État ! Je n’émets pas de doute sur cette gestion, mais je vous mets en garde. Cet argent doit bien être dirigé vers le logement social, et non vers d’autres secteurs qui ne seraient pas suffisamment dotés. À l’heure actuelle, les tentations sont grandes !

Par ailleurs, la recentralisation ne doit pas s’effectuer au détriment des territoires. La réforme ne doit pas accentuer encore les écarts entre les secteurs urbains ou périurbains et les secteurs ruraux, voire « hyper-ruraux » comme dirait notre collègue Alain Bertrand. Vous le savez, ces territoires connaissent des problématiques souvent similaires ; ils ne peuvent pas souffrir qu’on leur apporte des solutions différentes ou qu’on ne les prenne pas en considération.

L’un des enjeux des ordonnances sera de garantir une répartition équitable de la PEEC. Auparavant, les collectivités locales assuraient un rôle important dans les choix réalisés et la prise en compte des besoins spécifiques de leur territoire. Comment la structure faîtière pourra-t-elle garantir demain cette prise en compte, qui demande de la finesse d’analyse et une connaissance du terrain ?

Les territoires doivent être entendus. Or, alors que la désertification menace, les bourgs-centres et les villes moyennes ont le sentiment de ne pas l’être. Pourtant, ils ont plus que jamais besoin d’être accompagnés dans leurs mutations. C’est un enjeu important et le Sénat doit s’engager sur ce dossier.

En outre, le texte prévoit de mettre en place des prêts pour recapitaliser un certain nombre d’organismes. Il envisage la création d’une foncière qui prendra des participations dans de grosses sociétés de niveau national. Je ne souhaite pas que ces possibilités soient seulement accordées aux « gros » établissements et que l’État soit le seul à piloter une politique où son engagement financer est de plus en plus faible !

Le groupe UDI-UC suivra la position de Mme la rapporteur et votera en faveur du projet de loi. Néanmoins, madame la ministre, nous serons extrêmement attentifs à vos réponses et vigilants quant au contenu des ordonnances prévues. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, du groupe Les Républicains et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi demande au Parlement de déléguer sa compétence pour autoriser le Gouvernement à procéder, par voie d’ordonnances, à une modification importante du dispositif de collecte et de redistribution de la PEEC.

Sur le fond, l’objectif est commun aux acteurs du dispositif. Ensemble, ils ont engagé d’importants changements dans leur édifice de gouvernance, dans un souci de rationalisation, d’économie et de transparence. Aujourd’hui, c’est le souci d’aller vers toujours plus d’efficience qui appelle la modification envisagée.

Pour autant, si nous souscrivons évidemment à cette démarche, le texte n’est pas exempt de zones à éclaircir ni de difficultés à surmonter.

Tout d’abord, le Parlement ne peut pas passer sous silence le caractère regrettable de la méthode employée ; mes différents collègues se sont exprimés sur ce point. L’habitude prise de recourir aux ordonnances s’ajoute à celle d’engager la procédure accélérée, ce qui est nature à contraindre trop largement l’expression du Parlement.

Je rappelle par ailleurs que l’urgence faisait déjà partie de l’argumentation en faveur du recours aux ordonnances dans le cadre de la loi ALUR à propos des logements intermédiaires. On sait ce qu’il en a été par la suite : l’ordonnance a été publiée un an et demi après l’adoption du texte en urgence !

J’en viens au fond. Ma principale préoccupation porte sur la prise en compte des problématiques et des spécificités locales, dans la refonte d’un dispositif dont la présentation apparaît particulièrement recentrée au niveau de l’État et des régions. C’est là que ressurgissent des inquiétudes que vous reconnaîtrez : la place des autres collectivités ; la prise en compte de la ruralité et des zones périphériques, c’est-à-dire de l’aménagement du territoire.

Il me paraît important d’insister sur la nécessité d’éviter que la répartition de la PEEC collectée ne se concentre sur les zones tendues. Il faut éviter de nourrir un cercle vicieux conduisant à toujours plus de désertification humaine et économique dans certains bassins de nos territoires.

Madame la ministre, pour apaiser une telle crainte, vous avez, je crois, invoqué la création, par l’Assemblée nationale, du comité consultatif. Il semblerait en effet que la présence des territoires soit désormais prévue au sein du comité, afin de garantir aux territoires l’expression de leurs spécificités et de leurs besoins.

Quelle forme cette structure prendra-t-elle ? Quelle forme prendra la participation des collectivités ? Quelle sera la nature réelle de son influence ? Autant de points sur lesquels il faudra apporter le plus possible de précisions, dès à présent, mais aussi tout au long de l’élaboration de l’ordonnance.

À mon sens, de telles précisions seront bien plus précieuses dans la détermination de notre choix quant à l’adoption de ce texte que la référence à l’éventuelle possibilité de ne pas ratifier les ordonnances. Soyons dès maintenant clairs et précis : nous lèverons les obstacles et nous gagnerons du temps.

Le contrôle par les collectivités territoriales est d’autant plus important que deux raisons le soutiennent.

D’une part, le contrôle de l’État prévu aujourd’hui par le texte ne saurait suffire, d’autant que ses difficultés financières le conduisent à faire porter sur d’autres la charge de politiques publiques qu’il entend pourtant continuer à déterminer. Je peux faire référence aisément aux transferts de compétences aux collectivités locales sans les moyens correspondants.

D’autre part, ce contrôle complète le dispositif des CRAL. Certes, celui-ci, qui repose sur la conclusion de conventions-cadres, doit aussi permettre l’identification des besoins des territoires. Seulement, il semble que ces conventions seront conclues par les régions et les EPCI. Aussi, le comité consultatif doit donner l’occasion à d’autres collectivités de pouvoir exprimer leurs besoins en logements ou en financement de logements.

En somme, il apparaîtrait donc que ce texte contient de réels avantages, simplifiant, comme on le prétend, un dispositif qui pourrait visiblement réaliser de nouvelles économies.

Il semblerait par ailleurs que vous entendiez donner une place aux collectivités territoriales dans le dispositif proposé, madame la ministre. Cette place est évidemment essentielle. Les collectivités locales jouent un rôle fondamental en matière de logement et elles sont tenues à certaines obligations dans ce domaine.

Ces précisions et ces engagements sont des éléments qui jouent incontestablement en faveur de l’adoption du texte. Pour autant, il ne peut pas y avoir d’ambiguïté.

Le cas échéant, cette adoption reposerait sur d’importantes réserves. Pour beaucoup d’entre nous, ces réserves sont jugées fondamentales et seront déterminantes dans les suites données à l’acceptation par le Parlement des ordonnances, sur la base de l’engagement évoqué précédemment. Il ne suffit pas d’une participation des collectivités territoriales au dispositif ; il faut que cette participation permette effectivement de défendre les besoins des territoires.

Madame la ministre, les rôles et les responsabilités sont distribués. Je vous remercie d’en prendre acte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l’UDI-UC et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie l’ensemble des orateurs de leurs interventions extrêmement diverses et complètes.

Les interrogations qui ont été soulevées sont légitimes. Je les ai moi-même eues – je le dis devant un certain nombre de personnes dont je connais l’engagement en la matière – et l’Assemblée nationale aussi, mais je tiens à vous rassurer.

Tout d’abord, je le rappelle, ce n’est pas l’État qui a souhaité cette réforme. L’État ne recentralise pas et il ne remet pas la main sur Action logement. Si tel était le cas, j’aurais présenté un texte visant à intégrer totalement le bénéfice de la collecte dans le budget de l’État.

Aujourd’hui, j’agis au nom des partenaires sociaux. Je défends une réforme qu’ils ont voulue et conçue, en lien non seulement avec l’État, mais aussi avec les organismes d’HLM et la Caisse des dépôts et consignations. Je défends aujourd’hui l’esprit de leur réforme. Cela inclut également leurs interrogations. S’il y a une réforme d’Action logement, c’est bien que les acteurs concernés ont entendu les observations de la Cour des comptes et admis, comme plusieurs orateurs l’ont souligné, que le système n’est pas totalement efficient. Le statu quo n’est donc pas possible.

Lors des débats sur ce texte ou lors de mon audition en commission sur la politique du logement en général, la même question, d’ailleurs liée à l’objectif d’efficacité de l’action publique menée, est revenue. Elle concerne la déclinaison de la politique du logement, même quand elle est dirigée au niveau national, dans l’ensemble des territoires.

Venant d’une zone très tendue – je me mobilise beaucoup pour l’Île-de-France – je ne méconnais pas pour autant les problèmes ni des territoires très ruraux, ni des centres-bourgs, ni des zones périurbaines, qui ont aussi des besoins de logements.

Dans mes fonctions, j’ai le souci de ne jamais opposer zones tendues et zones détendues. Leurs besoins sont différents, notamment en termes d’ingénierie, de crédits, de logements sociaux, mais aussi d’accession à la propriété privée, avec des produits correspondant aux capacités financières des personnes habitant dans ces territoires.

Pour vous dire les choses franchement, si Action logement faisait fi des territoires dans sa réforme, celle-ci n’aurait plus aucun sens ! Comment voulez-vous qu’elle poursuive sa politique si elle n’en tient pas compte, alors que la collecte vient de ces mêmes territoires et de l’ensemble des entreprises concernées ?

C’est pour cette raison que, de notre propre chef, nous avons discuté avec Action logement de l’importance de prendre en compte les territoires. Cela passe notamment par la création des comités régionaux Action logement, mais aussi, plus généralement, par une politique déclinée territorialement, comme nous le faisons pour toutes les autres politiques, pour le PTZ, le dispositif Pinel, les fonds d’aide à la pierre, l’ANAH. C’est cette déclinaison territoriale qui nous permet de mener une action efficace en matière de logement, et rien d’autre !

C’est également pour cette raison que nous avons imposé le comité des partenaires, qui inclut non seulement les acteurs du logement, mais aussi les collectivités territoriales. Il faut garder à l’esprit que ces dernières seront plus présentes au sein d’Action logement que l’État. Ensuite, vous avez raison, il faut être d’une grande vigilance quant à la prise en compte, dans les discussions nationales, des besoins exprimés par les CRAL, notamment sur le redéploiement territorial du fruit de la collecte.

Vous le savez, en matière de financement du logement social, nous venons de créer le Fonds national d’aides à la pierre, qui doit permettre de débattre au niveau national de la répartition régionale de ces aides. À aucun moment, les acteurs du logement social ou les collectivités locales n’ont craint que les besoins des régions ne soient pas pris en compte. Il en va de même pour Action logement.

Avec cette réforme, nous voulons aboutir à une collecte plus rentable, à une réduction des coûts de fonctionnement et à un plus large redéploiement des aides sur les territoires. C’est la raison pour laquelle nous voulons une structure unique.

Par ailleurs, je tiens à le dire, je n’oublie pas les personnels. Le débat a, de toute façon, déjà commencé. En effet, vous êtes plusieurs à l’avoir rappelé, Action logement avait déjà commencé à se réorganiser depuis le vote de la loi Rebsamen. Des discussions ont déjà eu lieu avec l’ensemble des personnels, notamment sur leur intégration dans une structure unique.

Enfin, je voudrais conclure sur l’emploi de la collecte de la PEEC. J’ai entendu certains orateurs dire que, finalement, l’État prenait l’argent d’Action logement pour faire de la politique du logement… Je le rappelle, la participation des employeurs à l’effort de construction est un versement obligatoire qui ne sert qu’à créer ou réhabiliter des logements et à aider à l’entrée dans un logement, notamment par des garanties locatives ou des aides aux jeunes apprentis.

Est-il vraiment choquant que l’État demande à Action logement d’utiliser cet argent pour le logement ? Je ne le crois pas. Lui demander d’agir pour les salariés, afin que ceux-ci puissent prendre des crédits ou entrer dans le logement locatif, ne me semble pas être une action en dehors de nos politiques : cela permettra d’employer réellement ces milliards d’euros qui doivent absolument être utilisés, et uniquement pour les politiques du logement.

Je le dis franchement, le Gouvernement ne souhaite pas remettre en cause le principe même de la participation des employeurs, y compris par cette organisation approuvée par les partenaires sociaux en lien avec l’État. D’autres ont plaidé à plusieurs reprises en faveur d’une suppression de ce dispositif. Je suis sûre que, dans les mois qui viennent, nous aurons de nouveau ce débat qui revient tous les cinq ans.

Ne nous faites pas de mauvais procès quant à notre intention ! Elle est bien de parvenir à un système plus efficace. Les efforts qui sont faits aujourd’hui en matière de logement sont assumés par les collectivités territoriales – pas toutes, mais un certain nombre d’entre elles –, par l’État et par les acteurs du secteur, qui multiplient les innovations pour apporter des réponses utiles et différenciées selon les besoins des territoires.

Ces efforts doivent être poursuivis et accompagnés d’une plus grande disponibilité des fonds de la participation des employeurs ; cela nous permettra d’éviter les faux débats pour savoir si la PEEC, pour reprendre ce terme quelque peu barbare, est correctement utilisée.

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi habilitant le gouvernement à adopter des mesures relevant du domaine de la loi pour simplifier et rationaliser l’organisation de la collecte de la participation des employeurs à l’effort de construction et la distribution des emplois de cette participation

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures relevant du domaine de la loi pour simplifier et rationaliser l'organisation de la collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction et la distribution des emplois de cette participation
Article 1er

Article additionnel avant l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par MM. Le Scouarnec, Bosino et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° – Au premier alinéa de l’article L. 313-1, le mot : « vingt » est remplacé par le mot : « dix » et le taux : « 0,45 % » est remplacé par le taux : « 1 % » ;

2° – Aux première et troisième phrases du premier alinéa, aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 313-2, le mot : « vingt » est remplacé par le mot : « dix ».

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Cet amendement reprend une proposition habituelle du groupe CRC. Ce n’est ni la première ni la dernière fois que nous la présentons !

En effet, avant de revoir, comme le prévoit ce projet de loi, les modes de collecte de cette part de salaire différé, nous souhaitons revenir sur son enveloppe globale.

Si l’exposé des motifs du texte évoque la nécessaire rationalisation de la collecte par la création d’une structure unique, permettant d’éviter que se constituent à certains endroits des « bas de laine », nous souhaitons élargir les termes du débat à la nature de ce prélèvement, à son niveau et à sa fonction.

En effet, depuis sa création légale en 1953, le « 1 % logement » a été sans cesse malmené. En 1992, le taux de contribution des entreprises a été abaissé de 1 % à 0,45 %. Puis, en 2006, le seuil d’assujettissement des entreprises a été relevé de dix salariés à vingt salariés.

Aujourd’hui, les sommes collectées au titre du « 1 % logement » financent l’ANRU, l’ANAH, et même dorénavant les aides personnelles au logement. Demain, le 1 % financera également la nouvelle garantie locative VISALE.

La lettre du Gouvernement du 7 avril dernier demande à Action Logement d’aller encore plus loin en intervenant dans le financement d’une enveloppe de un milliard d’euros de prêt aux bailleurs sociaux, qui s’inscrit dans le cadre des prêts en « haut de bilan » de la Caisse des dépôts et consignations.

Nous estimons, pour notre part, que la réflexion prioritaire autour d’Action logement devrait lui permettre d’assurer son cœur de mission, à savoir le financement par les employeurs de logements sociaux pour tous les salariés.

Par cet amendement, nous préconisons le retour au seuil de dix salariés et le rehaussement de la contribution à hauteur de 1 %. Nous sommes conscients que cette mesure a un coût, mais nous estimons que les entreprises doivent participer à l’effort de financement. C’est, à la fois, dans leur intérêt propre et dans celui des salariés, qui aspirent à une plus grande proximité entre lieu de travail et domicile. C’est également fondamental pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Les ouvriers et les employés de ce pays souhaitent une attention particulière et un effort du Gouvernement en faveur du logement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Létard, rapporteur. Cet amendement tend à imposer la cotisation au titre du « 1 % logement » à toutes les entreprises de plus de dix salariés, et non plus de vingt salariés, et à porter cette cotisation de 0,45 % à 1 % de la masse salariale.

Il est important, à ce stade, de rappeler que, si le taux de la PEEC a diminué progressivement depuis le milieu des années quatre-vingt pour atteindre 0,45 % à compter de 1992, dans le même temps, le taux de la contribution des entreprises au Fonds national d’aide au logement, le FNAL, a régulièrement augmenté pour atteindre 0,5 % des rémunérations.

Si l’on additionne ces deux contributions des employeurs au logement, on atteint 0,95 %. Nous ne sommes donc pas très loin du taux de 1 % cité. Aussi, il ne me paraît pas souhaitable de majorer cette contribution qui pourrait peser lourdement sur les comptes des entreprises de moins de vingt salariés sans une discussion préalable avec les partenaires sociaux.

C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Comme vient de le dire Mme la rapporteur, je ne crois pas que le problème soulevé soit véritablement l’objet de ce projet de loi. Si l’on devait lancer une nouvelle discussion sur le taux de la PEEC, mieux vaudrait l’avoir dans le cadre d’un débat plus général sur le financement du logement, mais aussi sur la pression fiscale.

Par ailleurs, comme cela a été dit, la participation des employeurs au logement s’élève aujourd’hui à 0,95 % de la masse salariale, en prenant en compte la PEEC et le FNAL. Cela me semble bien suffisant.

Si les entreprises de moins de vingt salariés ne cotisent pas, celles qui comptent de dix salariés à dix-neuf salariés bénéficient des actions ouvertes par des aides d’Action logement. C’est extrêmement important et il me semblait nécessaire de le préciser.

En tout cas, comme je l’ai dit à l’Assemblée nationale il y a un mois, ce projet de loi n’a pas été pensé pour servir de base de réflexion à une évolution du taux de la participation.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Si l’idée de notre collègue était de nous faire gagner l’Euro 2016, ce n’est pas la peine de continuer, nous l’avons déjà gagné ! Je ne parle pas, bien évidemment, de la compétition de football… Les chiffres viennent de tomber : la France est devenue la championne d’Europe des prélèvements obligatoires. Avec un taux de 45,7 %, nous sommes passés de la troisième à la première place.

M. Roger Karoutchi. Nous sommes enfin les premiers quelque part !

M. Philippe Dallier. Alors, de grâce, arrêtez ! Même si la politique du logement est un sujet important qui nous préoccupe tous, il faut cesser de charger la barque, car les entreprises n’en peuvent plus, de même, d’ailleurs, que les particuliers !

M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet, pour explication de vote.

M. Henri Tandonnet. Mme la ministre a insisté sur ce point : elle est le porte-parole des partenaires sociaux qui ont négocié ce dispositif. Nous avons tous dit, dans nos interventions, que nous ferions preuve d’une grande vigilance à l’égard du texte des ordonnances qui seront prises. Pour notre part, en tant que parlementaires, nous devons respecter la démarche engagée, qui ne visait pas à modifier le taux. Ce n’est donc pas une bonne initiative.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article additionnel avant l’article 1er
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures relevant du domaine de la loi pour simplifier et rationaliser l'organisation de la collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction et la distribution des emplois de cette participation
Article 2

Article 1er

(Non modifié)

Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de simplifier et de rationaliser, en vue d’un meilleur service rendu aux entreprises assujetties et à leurs salariés, l’organisation de la collecte de la participation des employeurs à l’effort de construction prévue à l’article L. 313-1 du code de la construction et de l’habitation et la distribution des emplois de cette participation définis à l’article L. 313-3 du même code :

1° En prévoyant la création d’un organisme paritaire chargé de définir, dans le cadre de la loi, les orientations générales du dispositif d’ensemble et de piloter et de contrôler les structures le composant ;

2° En prévoyant, par substitution aux organismes collecteurs agréés associés de l’Union des entreprises et des salariés pour le logement, la création d’un organisme unique chargé de collecter la participation des employeurs à l’effort de construction et de distribuer les emplois de cette participation, le cas échéant par des apports de ressources à l’organisme mentionné au 3° pour l’acquisition de titres mentionnés au même 3° ;

3° En prévoyant la création d’un organisme unique qui recueillera l’ensemble des titres détenus par les organismes collecteurs agréés associés de l’Union des entreprises et des salariés pour le logement émis par des sociétés immobilières, y compris les sociétés anonymes d’habitations à loyer modéré mentionnées à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation, et qui sera chargé d’acquérir, au titre des emplois mentionnés au 2° du présent article, des titres émis par des sociétés immobilières, sous le contrôle de l’État ;

4° En définissant la forme juridique, la gouvernance, les missions, les modes de financement, le régime fiscal et le régime des relations individuelles et collectives de travail applicables aux trois organismes créés en application des 1° à 3° ainsi que, s’il y a lieu, à leurs filiales :

a) Permettant un pilotage efficient des organismes créés en application des 2° et 3° par l’organisme créé en application du 1° ;

b) Prévoyant la création d’un comité consultatif chargé d’assurer l’association des partenaires du dispositif, notamment l’Union sociale pour l’habitat regroupant les fédérations d’organismes d’habitations à loyer modéré, à la définition des orientations applicables aux emplois de la participation des employeurs à l’effort de construction relatifs au soutien à la construction, à la réhabilitation et à l’acquisition de logements locatifs sociaux et au suivi de la distribution de ces mêmes emplois ;

c) Prévoyant les modalités d’organisation territoriale de ces organismes et permettant d’assurer la cohérence avec les politiques locales de l’habitat des activités des sociétés anonymes d’habitations à loyer modéré contrôlées par l’organisme créé en application du 3° ;

5° En précisant les dispositions, y compris fiscales, nécessaires à la transmission, au transfert ou à la cession aux trois organismes créés en application des 1° à 3° des droits et obligations, de la situation active et passive et des biens immeubles et meubles corporels ou incorporels de toute nature de l’Union des entreprises et des salariés pour le logement et des organismes collecteurs agréés qui lui sont associés, sans que le transfert des contrats en cours d’exécution entraîne leur résiliation, ni la modification de l’une quelconque de leurs clauses, ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en sont l’objet ;

6° En prévoyant des dispositions, relatives notamment aux règles de gouvernance des organismes créés en application des 1° à 3°, garantissant l’absence de conflit d’intérêts et de discrimination dans la distribution des emplois de la participation des employeurs à l’effort de construction entre, d’une part, les sociétés dont l’organisme créé en application du 3° sera actionnaire et, d’autre part, les autres personnes morales exerçant les mêmes missions ;

7° En adaptant les dispositions du code de la construction et de l’habitation relatives aux missions de contrôle, d’évaluation et d’étude de l’Agence nationale de contrôle du logement social, afin de lui permettre d’exercer ses missions sur les organismes créés en application des 1° à 3° et d’étendre ses missions au contrôle des dispositions mentionnées au 6° ;

8° En adaptant les dispositions du code monétaire et financier afin de fixer les conditions d’exercice d’opérations de crédit par l’organisme créé en application du 2° et les conditions de surveillance de cette activité ;

9° En apportant aux dispositions législatives en vigueur toutes autres modifications rendues nécessaires par la mise en œuvre des mesures prévues aux 1° à 8°.

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(L’article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 3

Article 2

(Non modifié)

Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi modifiant l’objet des associations mentionnées aux articles L. 313-33 et L. 313-34 du code de la construction et de l’habitation afin d’élargir le champ et les modalités de leurs interventions. – (Adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

(Non modifié)

Les ordonnances prévues aux articles 1er et 2 sont publiées dans un délai de huit mois à compter de la promulgation de la présente loi. – (Adopté.)

Article 3
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 4

(Non modifié)

Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chacune de ces ordonnances. – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 4
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Après ce que j’ai entendu, je serai peut-être le seul ici à voter ce texte sans états d’âme !

M. Roger Karoutchi. Non, moi aussi !

M. Philippe Dallier. Nous serons deux, alors !

Pour une fois, mes chers collègues, qu’une organisation soumise à des critiques assez rudes – rappelez-vous ce qu’en a dit la Cour des comptes – s’autoréforme dans la concertation et dans la recherche de la plus grande efficacité, nous ne pouvons que soutenir son effort et donc voter ce projet de loi.

On nous demande de voter ce texte conforme, ce qui pour des parlementaires est difficile, et encore plus en raison des ordonnances qui suivront. Cela étant dit, je crois qu’il y a urgence.

Vous le savez bien, les crédits budgétaires diminuent d’année en année, qu’il s’agisse des aides à la pierre ou d’autres crédits. Il faut donc rechercher la plus grande efficacité et tel est le but de la réorganisation proposée par Action logement. Je peux comprendre les inquiétudes portant sur la territorialisation. Cela dit, aujourd’hui, 60 % des crédits sont affectés aux zones non tendues. On peut penser qu’il y a un peu de marge pour réorienter ces crédits et je suis de ceux qui y sont favorables.

S’il faut veiller à l’aménagement du territoire, à la bonne répartition des crédits, au risque d’une trop grande métropolisation, je rappelle que l’argent des entreprises doit servir à construire des logements là où les salariés en ont besoin, c’est-à-dire à proximité de leur lieu de travail. Le problème est donc beaucoup plus global. Je ne méconnais pas les craintes formulées par certains collègues, mais je pense franchement que le texte va dans la bonne direction. Il semble d’ailleurs que le Sénat s’apprête à l’adopter dans un consensus assez large, ce dont je me réjouis.

Mes chers collègues, si nous constatons à l’avenir des dérives qu’il faudrait corriger, rien ne nous empêchera d’y revenir, mais faisons confiance aux acteurs locaux !

Madame la ministre, vous avez fait un parallèle avec le FNAL : je rappellerai qu’en tant que rapporteur spécial lors de l’examen du projet de loi de finances, j’avais promu une logique bien plus décentralisatrice. Si l’État ne veut plus financer d’aides à la pierre, parce qu’il n’a plus de moyens budgétaires, le FNAL devrait dès lors s’autogouverner ; l’État ne devrait plus y être majoritaire ni chercher les moyens de constituer des majorités de blocage. Je suis pour la responsabilisation des acteurs. En cas de désagréments, on pourrait toujours les corriger a posteriori.

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Le groupe socialiste soutiendra, bien sûr, la demande d’habilitation. On voit bien que la question centrale de notre débat est la garantie de l’équité territoriale et le soutien aux secteurs en tension. Il faudra parvenir à une solution équilibrée sur ces points dans les textes qui nous seront transmis.

Mon collègue Philippe Dallier le disait à l’instant, il faut soutenir la construction de logements à côté des entreprises. Évidemment ! S’agissant des zones industrielles, on a beaucoup parlé des métropoles et de la ruralité. Mais les villes moyennes sont souvent situées à côté d’entreprises. Les logements y sont souvent vétustes, avec un taux de vacance incroyablement élevé. Dans ces endroits, il faut mener des politiques de réhabilitation à partir du triptyque « démolir-reconstruire-bâtir », qui permettrait d’accroître fortement l’attractivité territoriale de ces villes.

Si la solidarité nationale doit être dirigée vers les secteurs en tension, il faut, dans le même temps, assurer l’équité territoriale. Mais un problème se pose. Dans les quartiers classés « ANRU », un énorme travail a été effectué, ce qui peut conduire à ce que des quartiers voisins, mais non situés en zones « ANRU », aient une sociologie beaucoup plus compliquée. Il y aura donc un énorme travail à faire pour que ces secteurs bénéficient aussi de la solidarité.

S’agissant enfin de la ruralité, des opérations exceptionnelles ont été menées dans les centres-bourgs : la construction de logements sociaux et le maintien de commerces ont permis de redonner vie à des centres-bourgs et à des villages, et de les rendre attractifs. C’est la raison pour laquelle il faut parvenir à une solution équilibrée entre équité territoriale et soutien aux secteurs en tension.

Nous soutenons donc la demande d’habilitation et attendons avec grand intérêt le débat parlementaire sur cette question.

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Madame la ministre, mes chers collègues, après vous avoir écoutés, je constate que nous sommes tous d’accord : il n’y a pas assez de moyens pour le logement, que ce soit pour l’ANRU ou pour l’ANAH. Il y a tellement à faire dans notre pays ! Que le taux soit ou non de 1 %, il faut trouver de l’argent. Est-ce à l’État de financer directement, ou non ? Nous aurons ce débat lors de la discussion du budget consacré au logement.

Pour avoir été maire pendant dix-sept ans et fait construire beaucoup de logements, je connais bien cette question, qui est cruciale pour l’emploi, mais aussi pour le bonheur des salariés et de tous les Français. L’effort à fournir est considérable.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble du projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures relevant du domaine de la loi pour simplifier et rationaliser l’organisation de la collecte de la participation des employeurs à l’effort de construction et la distribution des emplois de cette participation.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quatorze heures quarante, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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Hommage aux victimes d’un drame aérien

M. le président. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce matin, un avion de la compagnie égyptienne EgyptAir a disparu. Soixante-six personnes, dont quinze de nos compatriotes, étaient à bord de l’appareil. Si les causes de ce drame ne sont pas encore connues, je souhaite, au nom du Sénat tout entier, assurer les familles et les proches des victimes de notre compassion sincère et de notre solidarité.

Toute la lumière devra être faite sur ce drame.

Je vous invite à respecter un moment de recueillement. (Mmes et MM. les sénateurs et Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle, observent une minute de silence.)

5

Organisme extraparlementaire

M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein de la Commission permanente pour l’emploi et la formation professionnelle des Français de l’étranger.

La commission des affaires sociales a été invitée à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

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Dossier législatif : proposition de résolution présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, pour l'instauration d'un revenu de base
Discussion générale (suite)

Instauration d’un revenu de base

Rejet d’une proposition de résolution

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de résolution pour l’instauration d’un revenu de base, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution par M. Jean Desessard et les membres du groupe écologiste (proposition n° 353).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean Desessard, auteur de la proposition de résolution.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de résolution présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, pour l'instauration d'un revenu de base
Discussion générale (fin)

M. Jean Desessard, auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’ensemble du groupe écologiste et moi-même avons le plaisir de présenter une proposition de résolution visant à instaurer un revenu de base dans notre pays. Ce projet peut être appelé de différentes manières : revenu universel, revenu inconditionnel, revenu minimum d’existence, allocation universelle, revenu citoyen ou encore dividende universel.

L’idée d’une allocation universelle date de plus de deux siècles. Voltaire et Thomas Paine, respectivement dans L’Homme aux quarante écus et Justice agraire, ébauchent l’idée d’un revenu universel versé à tous les sujets d’un territoire et financé par une taxation des rentes agricoles des possédants.

Dans les années quatre-vingt, après une longue période de sommeil courant sur les XIXe et XXe siècles, le revenu de base a fait son retour dans le débat économique français. Yoland Bresson a ainsi émis l’idée d’un revenu alloué périodiquement à tout citoyen économique, sans autre considération que celle de son existence. Ensuite, l’idée a été développée par de nombreux intellectuels, philosophes et économistes, comme André Gorz, Jacques Marseille, Cynthia Fleury et j’en oublie…

Récemment, des politiques, outre les membres du parti écologiste, se sont prononcés pour un revenu de base. Ainsi, les députés Frédéric Lefebvre et Delphine Batho ont défendu des amendements visant à demander au Gouvernement d’étudier la possibilité de mettre en place le revenu de base.

Par ailleurs, le revenu de base n’est pas envisagé qu’en France. Ainsi, la Finlande a lancé une étude en vue d’une expérimentation d’un revenu de base sur son territoire en 2017. Le 5 juin 2016, le peuple suisse sera invité à se prononcer sur l’instauration d’un revenu de base dans le cadre d’une initiative populaire fédérale. Enfin, aux Pays-Bas, trente villes envisagent d’expérimenter le revenu de base sur leur territoire.

De quoi est-il question ? Plusieurs définitions du revenu de base existent selon les projets politiques et j’ai choisi de retenir celle du Mouvement français pour un revenu de base. Il s’agit d’« un droit inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d’autres revenus, distribué par une communauté politique à tous ses membres, de la naissance à la mort, sur base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement sont ajustés démocratiquement ».

« Inaliénable, inconditionnel et cumulable » : voilà le cœur du principe de ce revenu. Cela signifie que tous les individus présents sur le territoire national, les pauvres comme les riches, les chômeurs et précaires comme les milliardaires, ont droit à un même revenu, cumulable avec d’autres revenus, notamment salariaux, qui leur est versé automatiquement chaque mois, sans qu’il soit besoin d’engager une démarche particulière.

Le revenu de base permet avant tout de lutter efficacement contre la pauvreté. Cette lutte est, je le rappelle, au cœur de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de 1948, dont l’article 25 affirme que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ».

Cet objectif n’est aujourd’hui pas atteint. Un seul chiffre illustre cette réalité : en 2012, notre pays comptait selon l’INSEE 112 000 sans-abris, dont 31 000 enfants. Cette donnée montre clairement les insuffisances de notre système actuel de solidarité nationale.

Il y a aussi dans la mise en place d’un revenu de base un évident enjeu de simplification. En effet, ce revenu se substituerait aux minima sociaux, en tout ou partie selon le montant touché.

Autre enjeu : celui de la simplification administrative et sociale. Selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DREES, au 31 décembre 2013, 4 millions d’allocataires percevaient une allocation sociale ; l’instauration d’un revenu de base inconditionnel permettrait d’économiser des moyens humains et financiers pour les remobiliser sur d’autres missions plus utiles.

Il s’agit aussi d’une simplification pour les bénéficiaires ; en effet, puisque le revenu de base est inconditionnel, les bénéficiaires n’ont plus à engager des démarches lourdes et stigmatisantes pour percevoir leur aide. Nous avons beaucoup parlé du taux de non-recours au revenu de solidarité active, le RSA ; il s’élève, selon le comité d’évaluation du RSA, à 50 %. Le revenu de base permettrait de régler définitivement ce problème.

Ce revenu constituerait en outre la prochaine étape de la citoyenneté. De la même manière que le droit de vote et les droits civiques permettent aux citoyens de se faire une place dans le débat public, le revenu de base permettrait à tous de bénéficier d’un revenu citoyen pour être à sa place dans la société.

C’est précisément parce qu’il garantit la dignité de chacun que le revenu de base prend tout son sens. Dès lors que chaque travailleur a une garantie minimale pour vivre, il peut refuser les travaux dangereux, inutiles, sous-payés ou aliénants ; il gagne du poids dans la négociation face aux employeurs. C’est donc également un outil d’émancipation.

Enfin – là est peut-être l’argument principal en faveur d’une installation rapide du revenu de base –, le marché de l’emploi est amené à subir des mutations profondes dans les années à venir. En octobre 2014, une étude du cabinet Roland Berger estimait que le numérique pourrait supprimer 3 millions d’emplois en France à l’horizon de 2025. Il s’agit des robots, mais aussi des logiciels et des applications, qui deviennent de plus en plus omniprésents dans notre vie quotidienne.

Les écologistes considèrent que les gains de productivité réalisés par les machines, logiciels et ordinateurs doivent être redistribués à la société pour compenser les pertes d’emploi. Face à cette révolution, le revenu de base paraît ainsi une solution durable face à un chômage structurel lui aussi durable.

L’adoption de notre proposition de résolution pour l’instauration d’un revenu de base impliquerait, madame la secrétaire d’État, non qu’on le mette en place demain ou dans une semaine,…

M. Jean Desessard. … mais que le Gouvernement lance une étude d’impact portant sur le montant, le coût et le périmètre d’affectation d’un tel revenu. Voilà ce que nous vous demandons, au travers de cette proposition de résolution. Il convient d’analyser sérieusement les modalités de mise en œuvre d’un tel revenu puisque, selon nos estimations, qui se fondent sur un montant équivalent au RSA actuel, soit 525 euros, le coût se situerait autour de 400 milliards d’euros par an. (Sourires sur diverses travées.)

Mme Nicole Bricq. Ce n’est rien ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean Desessard. Ce montant est loin d’être négligeable, dans la mesure où les prélèvements de l’État s’élèvent à 291 milliards d’euros et ceux des collectivités locales à 127 milliards d’euros.

Toutefois, l’importance de ces coûts ne remet pas en cause la légitimité d’un revenu de base. Il s’agit d’une redistribution. D’ailleurs, les bons salaires ne le percevront évidemment pas, grâce à une compensation fiscale. Cela impliquera donc une réforme fiscale d’importance ou une révolution fiscale.

M. Jean Desessard. Comment pourrions-nous en effet assurer le revenu de base pour tous sans un rééquilibrage fiscal ? Il me manque dix minutes pour vous exposer cette réforme en détail, madame la secrétaire d’État, mais je suis tout prêt à le faire dès que notre proposition de résolution sera adoptée, quand nous passerons aux choses concrètes – coût, périmètre et financement.

Ce revenu n’est pas une lubie d’écologistes ou d’altermondialistes en manque d’utopie, mais bel et bien un nouvel outil de solidarité, adapté aux transformations de notre économie, efficace pour lutter contre la pauvreté et nécessaire pour redonner du poids aux intérêts des travailleurs.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Et les responsabiliser ?

M. Jean Desessard. Plus qu’un rêve, il s’agit aujourd’hui d’une nécessité et, comme le dit si bien le philosophe et économiste Philippe Van Parijs, un jour, nous nous demanderons comment nous avons pu vivre sans revenu universel. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe écologiste, du RDSE et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Michel Amiel devait initialement intervenir sur cette résolution, le 9 mars dernier. Il ne peut être présent aujourd’hui, j’interviens donc à sa place, au nom de notre groupe. Aussi mon intervention est-elle très inspirée de celle qu’aurait pu prononcer le sénateur Amiel.

À l’heure où les critiques pleuvent sur notre système social, il convient de réfléchir à notre modèle actuel de protection sociale et, plus encore, aux évolutions qu’il convient d’envisager, dans le monde globalisé, numérisé, voire « ubérisé », qui est désormais le nôtre. Le Conseil national du numérique s’est récemment penché sur la question afin de réfléchir aux bouleversements qui vont affecter le monde du travail.

Je pense que notre système libéral est en fin de vie et que l’économie du futur sera collaborative. Surtout, la nouveauté consistera à faire passer cette logique à une grande échelle, grâce à la numérisation dans des domaines aussi différents que l’hébergement, le covoiturage ou encore l’échange des savoirs. L’enjeu est d’endiguer le phénomène de la pauvreté persistante, alors même que, dans la sphère économique, richesses créées et productivité n’ont jamais été aussi élevées.

La proposition de résolution dont nous discutons invite le Gouvernement, madame la secrétaire d’État, à mettre en place un revenu de base inconditionnel et cumulable avec d’autres revenus pour l’ensemble des résidents.

L’idée d’un revenu universel n’est pas nouvelle. Les détracteurs de cette idée se réjouiront de la voir fleurir chez Thomas More, l’humaniste anglais de la Renaissance à l’origine, justement, du concept d’utopie. Un siècle et demi plus tard, c’est Thomas Paine qui reprend l’idée selon laquelle cette dotation serait donnée en guise de redistribution des produits des ressources naturelles.

Plus près de nous, des auteurs comme James Meade, prix Nobel d’économie, ou Jean-Marc Ferry défendent ce revenu de base, seul moyen selon eux de libérer l’individu du travail comme fin en soi, de développer le secteur quaternaire – les services à la société – et d’assurer les conditions matérielles d’une vie digne et épanouissante.

Michel Foucault affirmait, dans son cours Naissance de la biopolitique, que « si l’on veut avoir une protection sociale efficace sans incidence économique négative, il faut tout simplement substituer à tous ces financements globaux […] une allocation […] qui assurerait des ressources supplémentaires à ceux qui […] n’atteignent pas un seuil suffisant. »

Ce revenu de base, appelé aussi revenu universel ou revenu d’existence, obéirait alors à trois critères. Il serait universel – chacun le reçoit de sa naissance à sa mort, qu’il soit riche ou pauvre –, individuel, donc accordé à chaque personne, quelle que soit sa situation familiale, et inconditionnel, c’est-à-dire sans condition de ressources ou de quelque contrepartie que ce soit.

L’idée est donc de permettre de maintenir la dignité de tous, comme l’énonce la proposition de résolution, en assurant un revenu de base qui soit un droit de chacun en tant que membre de la société, afin de ne laisser personne sur le bord de la route. S’il ne s’agit, en théorie, que d’un moyen de répartir les richesses en dehors de l’activité exercée, ce revenu confère à chacun une autonomie, une possibilité de subvenir à ses besoins primaires.

Ce revenu implique aussi une automaticité, qui permettrait une meilleure application des politiques sociales, d’autant que beaucoup de bénéficiaires potentiels, on le sait, renoncent ou ne parviennent pas à obtenir leur aide en raison de la complexité du système et des nombreuses démarches à accomplir, qui s’apparentent à un véritable parcours du combattant.

Enfin, l’individualisation de ce revenu entraînerait un changement majeur de paradigme : il serait indépendant du statut familial.

Le revenu de base deviendrait ainsi vecteur de simplification, à la fois administrative et financière, de la redistribution sociale. En se substituant à l’ensemble des prestations familiales, ce revenu constituerait un guichet social unique pouvant réduire les frais de gestion et de distribution. Toutefois, vous l’aurez compris, madame la secrétaire d’État, l’étude de ce point mériterait d’être affinée.

Reste néanmoins que l’idée, quoique vertueuse, pourrait aussi présenter des inconvénients, comme celui de modifier le marché du travail en engendrant une rémunération à moindre coût des salariés.

Que peut-on opposer d’autre à cette proposition ? La première des objections consisterait à dire que cette mesure encourage l’oisiveté. Pourtant, en y regardant de près, ce dispositif favoriserait de nombreuses activités que l’économie collaborative voit émerger. Pour reprendre le modèle décrit par l’économiste Yann Moulier-Boutang, entre le modèle de la cigale insouciante et celui de la fourmi laborieuse s’interpose celui de l’abeille vertueuse.

Une des questions majeures est de savoir à quel niveau ce revenu se situerait. Doit-il être un simple moyen de subsistance ou un moyen de combattre la pauvreté, et donc constituer un revenu d’existence ? Ne risque-t-on pas de bousculer le contrat social à cause de son inconditionnalité, et de désolidariser ainsi droits et devoirs ? Quant à son attribution à tous les résidents, ne risque-t-elle pas de créer un effet d’aubaine ? Afin d’éviter au mieux ce phénomène, je préférerais que cette réflexion, qui transcende les postures politiques, soit développée au niveau européen.

Reste la question délicate, mais essentielle, du coût d’une telle mesure. Avec une hypothèse de trois revenus de base distincts – enfant, jeune et général –, certaines estimations chiffrent l’ensemble, cela a été dit, aux alentours de 400 milliards d’euros. Comment le financer ? Quelques pistes existent déjà : la TVA, la taxe Tobin ou encore une modification des règles de l’impôt sur le revenu.

Ainsi, même si nous soutenons philosophiquement l’idée d’un revenu de base, nous souhaitons qu’elle puisse être approfondie, notamment à l’occasion de la mission commune d’information qui vient d’être constituée. En effet, nous avons beaucoup trop de réserves pour soutenir la résolution proposée par le groupe écologiste en l’état actuel de sa rédaction.

M. Jean Desessard. S’il s’agit de réserves financières, cela veut dire qu’on peut le faire !

M. Yvon Collin. C’est la raison pour laquelle, sagement, nous nous abstiendrons. (Mme Nicole Bricq applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.

Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui amenés à débattre du principe de l’allocation universelle ou du revenu de base et à nous prononcer sur ce point. La mise en place d’un revenu de base permettrait à chaque citoyen de recevoir une allocation fixe, quel que soit son revenu.

Il ne s’agit pas d’une nouvelle idée pour sortir la France de la situation économique que nous connaissons tous et à laquelle le Gouvernement peine à trouver des solutions : le revenu de base ou l’allocation universelle ont été régulièrement explorés dans la littérature économique comme un moyen de lutter contre la pauvreté.

La crise économique actuelle et les premiers bouleversements économiques causés par la révolution numérique en cours ont donné un nouvel élan aux défenseurs du revenu universel en Europe et en France. Le Conseil national du numérique a remis le sujet sur le devant de la scène, en indiquant que « les acteurs publics doivent anticiper l’éventualité d’un chômage structurel persistant », auquel nous ne pouvons nous résoudre et qui, en outre, vient assombrir les promesses du Président de la République, François Hollande.

La notion de revenu de base est très ancienne. Depuis le XVIIIe siècle et jusqu’à voilà quelques années, le débat autour d’un tel revenu relevait plutôt de la sphère intellectuelle ; il est aujourd’hui passé à la sphère politique. Les philosophes Thomas More et Thomas Paine y avaient réfléchi ; Napoléon ou encore Martin Luther King ont également soutenu cette idée.

Mes chers collègues, un certain nombre d’entre nous sont favorables à ce revenu de base. Mais, en réalité, nous ignorons tout des bénéfices de celui-ci.

À l’échelon international, le revenu de base a été instauré en 1982 en Alaska, où l’État américain peut compter sur un dividende créé par la rente pétrolière. (Mme Nicole Bricq approuve. – M. Jean Desessard fait un signe de dénégation.) Oui, depuis 1982, chacun des résidents d’Alaska touche, une fois par an, une somme calculée en fonction du rendement du fonds d’investissement alimenté par les recettes pétrolières.

M. Jean Desessard. C’est vrai !

Mme Nicole Bricq. Certes, mais ces recettes baissent !

Mme Nicole Duranton. Les défenseurs du revenu de base nous indiquent qu’il existe en Namibie, en Inde, ou encore au Brésil, depuis 2004. Par ailleurs, la Finlande, les Pays-Bas, la Suisse et le Québec ont engagé une réflexion en ce sens. Et aux dires de leurs représentants, entre vingt et trente villes néerlandaises envisagent d’expérimenter un revenu de base fixé à 900 euros, montant qui passe à 1 300 euros pour un couple avec enfants.

En Finlande, le Premier ministre réfléchit au versement à chaque citoyen d’un revenu de base d’environ 800 euros, sans considération de richesse ni d’âge. Jean-François Husson, qui vient d’effectuer un déplacement dans ce pays, pourra vous en dire un peu plus sur la réflexion qui y est engagée.

Mes chers collègues, l’instauration d’un revenu de base n’est pas une mesure qui favorise l’envie de travailler et d’entreprendre ; elle conforte plutôt un esprit d’assistanat. Entreprendre ne doit plus être une activité réservée à quelques-uns. Entreprendre doit devenir une ambition collective, pour créer des richesses et des emplois sur notre territoire. Faisons le choix de la France entrepreneur, afin de donner du travail à chacun !

La France est un pays d’assistés. (Protestations sur les travées du groupe CRC. – Mme Evelyne Yonnet proteste également.)

Mme Éliane Assassi. Caricatural !

Mme Nicole Duranton. Il faut sortir de cette situation.

À ce sujet, je ne peux m’empêcher de vous indiquer les résultats de la première étape du contrôle du revenu de solidarité active, le RSA, dans mon département, l’Eure. À ce jour, 13 350 personnes bénéficient de cette prestation. En 2017, l’enveloppe du département destinée au RSA pourrait atteindre 80 millions d’euros. Plus de 4 000 courriers ont été envoyés aux allocataires. La quasi-totalité de ceux qui ont répondu ont signalé un changement de situation – autant de situations susceptibles de modifier le versement du RSA, dont le montant dépend de la composition du foyer ! En revanche, près de 2 000 courriers sont restés sans réponse et 1 000 autres nous sont revenus avec la mention « N’habite pas à l’adresse indiquée ».

Ces chiffres nous confortent dans l’idée que le revenu de solidarité doit être adapté aux différentes situations et susceptible de changer selon les besoins. Une allocation aveugle, ne tenant pas compte des réalités, serait inefficace et donc inutile.

La mise en place d’un revenu de base risque très clairement d’encourager les individus à ne pas travailler et de développer davantage le travail dissimulé.

Mme Éliane Assassi. Vos propos sont proches de ceux que tient le Front national !

Mme Nicole Duranton. Un pays qui engagerait seul une telle réforme risquerait d’attirer à lui une bonne part des flux migratoires.

Mme Evelyne Yonnet. Ben voyons !

Mme Éliane Assassi. Scandaleux !

Mme Nicole Duranton. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à un problème : les personnes touchant l’allocation chômage sont incitées à ne plus chercher d’emploi, puisqu’elles gagnent plus d’argent qu’en travaillant.

Mme Éliane Assassi. Caricature !

Mme Nicole Duranton. À mon sens, le revenu de base est une véritable utopie.

Se pose, d’ailleurs, une question importante : faut-il verser ce revenu aux seuls Français ? Faut-il en faire bénéficier tous les résidents sur le territoire national ? (Mme Éliane Assassi et M. Jean Desessard s’exclament.) Encore un sujet on ne peut plus clivant…

Au-delà de notre difficulté à accepter moralement cette proposition de résolution, nous considérons qu’il faut aussi prendre en considération le financement incertain de la mesure. Son coût, pour les finances publiques, serait élevé, puisque tous les citoyens, et non plus seulement les actuels bénéficiaires de minima sociaux, pourraient se voir allouer ce revenu.

Le Conseil national du numérique, qui propose d’anticiper en instaurant un revenu de base, indique lui-même que le transfert des budgets consacrés aux minima sociaux, des bourses étudiantes, des allocations familiales, des aides au logement et des subventions pour l’emploi permettrait tout juste d’attribuer un revenu universel de 200 euros par adulte et de 60 euros par enfant.

Pour toutes les raisons que j’ai évoquées, cette proposition de résolution, qui invite le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires à la mise en place d’un revenu de base, inconditionnel, cumulable avec d’autres revenus, notamment d’activité, pour toutes les personnes résidant sur le territoire national, n’est pas recevable en l’état.

Si le sujet mérite un débat de fond, cette réforme présente de nombreux inconvénients, au-delà même des questions de philosophie économique et politique. Dans notre système économique actuel, elle n’est pas concevable. C’est pourquoi la majorité des membres du groupe Les Républicains rejettera cette proposition de résolution.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de revenu de base ou d’allocation universelle qui fait l’objet de notre débat est ancienne, ainsi que Jean Desessard l’a rappelé.

Elle procède d’une intention louable : celle d’éliminer « le risque d’une exclusion complète et d’une pauvreté répandue », contre lequel des penseurs comme Voltaire ou l’économiste américain John Stuart Mill voulaient lutter.

Parmi les raisons qui plaident en faveur de cette proposition se trouve, en premier lieu, la garantie d’un revenu de base indispensable pour assurer « un minimum de bien-être ». En regroupant les différentes allocations, ce revenu permettrait, en outre, d’économiser les coûts liés à la gestion des nombreuses prestations auxquelles les citoyens ont droit tout au long de leur vie.

En France, quelques personnalités, d’Arnaud Montebourg à Dominique de Villepin, en passant par vous-même et les membres du groupe écologiste, cher collègue Jean Desessard, militent pour établir un « revenu de base inconditionnel pour tous ».

Mme Evelyne Yonnet. Absolument !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Comme les orateurs précédents viennent de le rappeler, ce débat n’est pas limité à l’Hexagone et trouve aussi un écho en Finlande, en Suisse, aux Pays-Bas et, en dehors de l’Europe, en Alaska.

Fondé en 1986 en Belgique, un rassemblement d’économistes et de philosophes, le BIEN, ou Basic Income European Network, rebaptisé Basic Income Earth Network en 2004, milite pour l’allocation universelle.

La Finlande, qui est le pays le plus en avance sur le sujet, pourrait en annoncer la mise en œuvre pour 2017 – Jean-François Husson devrait en dire quelques mots. Certes, ce pays ne compte que 5,5 millions d’habitants, quand la France en recense 67 millions – la différence est de taille –, mais le taux de chômage s’élève à environ 10 % dans les deux pays.

En Finlande, on évoque un revenu de l’ordre de 800 euros par habitant qui exclurait toute autre prestation sociale. En revanche, tout habitant pourrait cumuler ce revenu avec une rémunération liée à son activité.

Le professeur finlandais Olli Kangas, dont les travaux inspirent le Gouvernement, déclare que le revenu de base favoriserait même la recherche d’emploi. (Mme Marie-Christine Blandin, M. Jean Desessard et Mme Evelyne Yonnet opinent.) J’avoue ne pas tout à fait comprendre pourquoi.

Mme Éliane Assassi. Cela permet de s’acheter une voiture !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Nos collègues qui se sont rendus en Finlande nous l’expliqueront peut-être.

Je veux citer maintenant trois autres propositions.

Premièrement, en 2011, le Centre des jeunes dirigeants d’entreprise, ou CJD, a dévoilé un projet, baptisé « Oïkos », en faveur de la compétitivité des entreprises et de la simplification des démarches administratives pour les minima sociaux. Selon le CJD, la concrétisation de ce projet améliorerait le pouvoir d’achat de 7 % en moyenne. Le CJD proposait ainsi une allocation universelle, de 400 euros par mois pour un adulte et moitié moindre pour les enfants, en remplacement de l’ensemble des autres aides sociales. Cette allocation serait financée par un impôt à la source de 20 % sur l’actif net de toutes les personnes physiques. On voit bien la cohérence de cette proposition globale.

La deuxième proposition nous vient du think tank GenerationLibre. Cette fois, le revenu de base, appelé « LIBER », serait non pas une somme versée à chacun, mais un crédit d’impôt, financé par un impôt sur tous les revenus dès le premier euro. D’après l’exemple théorique donné par GenerationLibre, pour financer un LIBER fixé à 450 euros par adulte et à 225 euros par enfant, il faudrait envisager une taxe de 23 % sur l’ensemble des revenus. Plus précisément, un quart de la population serait contributrice nette et une grosse moitié serait bénéficiaire de la mesure, quand celle-ci serait neutre pour un cinquième d’entre elle.

Enfin, une troisième proposition, émanant de la fondation iFRAP, concerne la mise en œuvre d’une allocation sociale unique, issue de la fusion des quarante-sept aides attribuées sous conditions de ressources actuellement disponibles en France. Cette allocation serait plafonnée à 2 500 euros de cumul d’aides et de revenus du travail, fiscalisée et centralisée, les gestionnaires administratifs – il y en aurait 330 selon l’iFRAP – étant fusionnés dans un organisme régional. La fondation estime que cette mesure permettrait d’économiser 10 milliards d’euros par an sur les frais de gestion de ces prestations, qui s’élèvent à environ 700 milliards d’euros en France actuellement.

Il y a donc, on le constate, plusieurs manières de concevoir le revenu de base.

Mmes Éliane Assassi et Annie David. Tout à fait !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Quelle que soit la conception que l’on en ait, une question demeure essentielle : celle du montant de ce revenu de base.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Celui-ci ne doit pas décourager les bénéficiaires de travailler, ce qui serait le cas s’il était trop important.

Le travail, je le rappelle, n’est pas une punition. C’est une activité nécessaire à la nature humaine, ainsi qu’un lien social fort. Il finance aussi les prestations sociales dont il est question, par les cotisations et taxes qui sont appliquées sur les salaires.

Outre la question du montant équilibré du revenu de base, se pose, ensuite, de manière logique, celle du calcul de ce montant. Quelles prestations sociales doit-il intégrer ? S’agit-il de l’ensemble des prestations ? Doit-il notamment englober les pensions de retraite ou les prestations chômage ?

On le voit, entre le système finlandais, qui vise à inciter au travail, et la proposition Oïkos, qui tend à améliorer le pouvoir d’achat, les attentes ne sont pas les mêmes et les réponses sont évidemment différentes.

Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, d’un point de vue intellectuel, l’idée du revenu de base n’est pas mauvaise en soi, mais elle soulève de nombreuses questions, notamment celles de l’objectif à atteindre – je n’ai pas entendu de points de vue unanimes sur ce point, qui semble donner lieu à des divergences profondes – et de l’universalité, pour ce qui concerne les personnes aux revenus importants. Ces questions doivent être traitées de manière approfondie et ce n’est pas dans le peu de temps qui nous est imparti pour la discussion de cette proposition de résolution, bien trop générale, que nous pourrons, pour notre part, tirer des conclusions favorables à la mise en place du revenu de base.

La mission d’information instituée sur ce sujet à la demande du groupe socialiste et républicain apportera sans doute des éclaircissements. Les recommandations qu’elle formulera permettront de poursuivre la réflexion sur cette idée.

C’est pourquoi, dans cette attente, les membres du groupe UDI-UC voteront contre la proposition de résolution ou s’abstiendront. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – Mmes Éliane Assassi et Nicole Bricq applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux, en introduction de mon propos, m’associer aux manifestations de ce jour, qui rassemblent, aujourd'hui encore, des milliers de personnes demandant le retrait du projet de loi relatif au travail. Salariés, jeunes étudiants ou lycéens disent de nouveau au Gouvernement que ce texte n’était ni négociable ni amendable. Au reste, les parlementaires l’ont dit eux aussi, mais le Gouvernement a choisi de ne pas les écouter et de recourir à la procédure définie à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Dans le contexte actuel de tension, face à la mobilisation qui s’amplifie, il serait sage d’entendre les revendications exprimées maintenant depuis trois mois. En effet, c’est la volonté d’une autre société, plus juste, plus solidaire, qui permette à toutes et à tous de vivre dignement de son travail, quel que soit son statut, qui se manifeste ainsi.

Cette observation m’amène directement à la proposition de résolution de Jean Desessard et des membres du groupe écologiste sur le revenu de base, proposition qui paraît bien alléchante malgré les multiples questions, philosophiques, économiques, sociales, qu’elle pose, questions difficiles à résoudre et dont l’exposé des motifs ne dit mot – en tout état de cause, il ne nous permet pas vraiment de les trancher.

Depuis longtemps, l’instauration d’un revenu de base, distribué de manière inconditionnelle à chaque citoyenne et à chaque citoyen est entrée dans le débat public. Bien éloignée de la réalité vécue actuellement par des millions de femmes et d’hommes, qui peinent à boucler leurs fins de mois et sont trop souvent dans l’obligation de cumuler plusieurs emplois pour simplement payer leur loyer, cette proposition tente d’apporter une réponse aux ravages d’un chômage de masse et à la précarisation des emplois.

Aussi – ce sera ma première remarque –, il faut veiller à ne pas laisser croire que ce revenu universel résoudrait à lui seul la précarité et la pauvreté auxquelles sont confrontés un trop grand nombre de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

La proposition de résolution invite le Gouvernement à « prendre les mesures nécessaires pour mettre en place un “revenu de base” », dont Jean Desessard nous a rappelé les caractéristiques.

Mais, derrière cette idée généreuse, défendue par des personnalités de gauche comme de droite, les objectifs et les formes diffèrent : revenu d’existence, universel, de base… Bien sûr, les financements diffèrent aussi.

Les auteurs de la proposition de résolution s’appuient sur trois arguments principaux pour préconiser la création de ce revenu de base.

Le premier argument qu’ils invoquent est la nécessité de garantir à chaque personne un niveau de vie suffisant pour assurer son bien-être élémentaire. Les membres de mon groupe partagent évidemment cet objectif, mais rien n’est dit sur le financement.

Selon Marc de Basquiat, docteur en économie et président de l’Association pour l’instauration d’un revenu d’existence, l’AIRE, il en coûterait 325 milliards d’euros pour un revenu de l’ordre de 470 euros par mois par adulte. L’économiste Jacques Bichot, spécialiste de la protection sociale, estime, quant à lui, qu’un revenu de base digne de ce nom se situerait plutôt aux alentours de 1 000 euros, ce qui correspond, en somme, au seuil de pauvreté ; à défaut, ce revenu perdrait son véritable sens.

Or, si l’on décidait de verser un tel montant, chaque mois, aux 50 millions d’adultes que compte notre pays, il en coûterait, au bas mot, 600 milliards d’euros par an à l’État.

Mme Nicole Bricq. C’est le coût de la protection sociale !

Mme Annie David. Cela nécessiterait donc d’y consacrer tout l’argent affecté aujourd’hui à notre protection sociale ciblée.

Mme Éliane Assassi. Et voilà !

Mme Annie David. Aussi, nous avons véritablement besoin d’éclaircissements sur le financement de cette mesure et sur sa finalité.

Le deuxième argument auquel recourent les auteurs de la proposition de résolution est la volonté de simplifier les minima sociaux, notamment face à la complexité des dispositifs et du taux de non-recours qui en découle.

Si je souscris également à cet argument, je m’interroge, car, lorsqu’il est question de simplification, le résultat n’est pas toujours celui que l’on attendait. La droite y voit, d’ailleurs, un bon moyen d’en finir avec notre système de sécurité sociale !

De plus, cette simplification risque de se conclure par de nombreuses suppressions de postes, même si Jean Desessard a affirmé vouloir réorienter les ressources ainsi libérées.

Enfin, les auteurs de la proposition de résolution invoquent un troisième argument : selon eux, le revenu de base est une solution pour accompagner dignement les mutations de l’économie française.

C’est sans doute cet argument que je conteste le plus. En effet, le revenu de base n’ouvre pas la voie à une sortie du système économique à l’œuvre dans notre pays et dans le monde, avec les conséquences que l’on connaît, que cette proposition de résolution, d'ailleurs, tente d’atténuer. Le risque est grand qu’il ne soit utilisé pour libéraliser encore un peu plus notre économie !

Les membres de mon groupe refusent de voir notre modèle de protection sociale remis en question au profit d’un revenu de base minimal dont on n’appréhende ni le financement ni la finalité au travers de la présente proposition de résolution.

De ce point de vue, la création de la mission d’information sur l’intérêt et les formes possibles de mise en place d’un revenu de base en France, dont les membres ont été désignés cette semaine, arrive fort à propos.

Pour notre part, nous défendons un projet de société qui s’appuie sur l’émancipation des salariés, crée les conditions leur permettant de choisir librement ce qu’ils veulent apporter à la société et leur donne des droits nouveaux pour intervenir dans les décisions des entreprises.

Nous voulons construire une société sans chômage et n’avons pas abandonné l’idée, défendue par Ambroise Croizat, d’un système de sécurité sociale qui refuse la perspective d’un salariat éternellement condamné à devoir consacrer sa vie à la gagner, parfois au risque de la perdre.

Nous voulons amplifier le combat pour l’emploi. Or la proposition de résolution capitule devant les conséquences de la révolution numérique, qui, pourtant, devrait permettre à toutes et à tous d’engranger des bénéfices.

Nous voulons moderniser notre sécurité sociale et lui donner les moyens de cette modernité, en commençant par une augmentation générale des salaires, la reconnaissance des qualifications et la diminution du temps de travail à 32 heures par semaine. Nous voulons permettre un véritable accès à la formation professionnelle et revenir sur l’âge de départ à la retraite, pour le fixer à 60 ans pour toutes et tous et à 55 ans pour celles et ceux qui exercent des métiers pénibles.

Permettre à chacune et chacun de se consacrer à un travail librement choisi ou à une activité non marchande, d’avoir des loisirs et de bénéficier d’une pension de retraite acquise au regard de sa qualification, voilà la modernité !

Au reste, encore faut-il que la révolution fiscale nécessaire pour assurer un montant suffisant à ce revenu universel soit acceptée…

Sur ce point, je suis un peu moins optimiste que ne l’est Jean Desessard, compte tenu du vote intervenu en séance publique, hier après-midi, sur notre proposition de loi tendant à assurer la transparence financière et fiscale des entreprises à vocation internationale. Ce vote ne laisse rien présager de bon en ce sens.

Telle est notre vision de ce que doit être un revenu universel, lequel consiste à instaurer une sécurisation des parcours professionnels de toutes les personnes, en emploi ou non, salariées ou indépendantes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Evelyne Yonnet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l’examen de la proposition de résolution visant à mettre en place un revenu de base arrive dans un contexte particulièrement préoccupant pour notre politique de protection sociale. La célébration du soixante-dixième anniversaire de la sécurité sociale l’année dernière doit, d'ailleurs, nous inciter à dessiner de nouvelles perspectives d’avenir.

Fondé sur un principe de redistributivité, notre système se caractérise par la solidarité qui unit les actifs aux inactifs, les personnes bien portantes aux malades, les jeunes aux retraités.

Mais, si le régime français est considéré comme l’un des plus généreux au monde, son efficience est aujourd’hui source d’interrogations. Les chiffres du chômage sont là pour nous le rappeler chaque mois : l’argent dépensé par l’État n’est pas à la hauteur des résultats constatés.

La question de la pauvreté est tout aussi préoccupante, puisque les chiffres de l’INSEE nous montrent que plus de 14 % de notre population vit sous le seuil de pauvreté.

Face à ces maux, les politiques mises en place par les gouvernements successifs paraissent segmentées, peu lisibles et trop peu efficaces.

M. Jean-François Husson. Elles sont parfois même injustes.

Notre système de protection sociale et d’indemnisation se complexifie d’année en année, avec une multiplication des dispositifs d’aide. Il est donc indispensable et même urgent de lui redonner à la fois cohérence et lisibilité.

Enfin, la situation de nos économies est à l’origine d’une transformation profonde du marché du travail qui bouleverse les rapports traditionnels entre employés et employeurs. Le développement du nombre d’auto-entrepreneurs, la montée en puissance de l’économie collaborative, l’automatisation des tâches, ou encore la segmentation des périodes d’emploi sont autant de remises en cause du modèle de travail pour lequel et sur lequel a été bâtie notre protection sociale.

Ce sont par conséquent ces raisons qui nous poussent à nous interroger aujourd'hui sur l’instauration d’un revenu de base, ou revenu universel, garanti à chacun, quelle que soit sa situation.

La France ne peut passer à côté de ces réflexions et doit avoir l’audace de regarder ce qui se fait à l’extérieur de ses frontières.

Pour ma part, je viens de me rendre en Finlande, avec une délégation du groupe interparlementaire d’amitié qui nous unit à ce pays et que j’ai l’honneur de présider.

La Finlande propose d’instaurer, à compter du 1er janvier 2017, un revenu universel partiel, qui s’élèverait à 550 euros par personne – et non à 800 euros, contrairement à ce que j’ai entendu tout à l'heure. Il serait « partiel », parce que seraient maintenues, pour l’instant, les aides au logement, les allocations familiales, les allocations chômage et retraite. L’objectif est de simplifier les aides sociales servies et de favoriser le retour à l’emploi, notamment pour les personnes au salaire peu élevé.

Ces travaux sont aujourd'hui pilotés par le régime général de sécurité sociale finlandaise. Il est prévu d’y consacrer 20 millions d’euros sur une période de deux années.

Mme Nicole Bricq. Cela ne permettra pas d’aller bien loin !

M. Jean-François Husson. Serait concerné un échantillon de petite taille,…

M. Jean-François Husson. … composé de 1 500 à 2 000 personnes, choisies de manière aléatoire dans les différentes régions du pays.

À l’issue du délai de deux ans, la Finlande arbitrera en faveur de la poursuite ou de la modification du projet, actuellement en cours d’examen devant le Parlement.

D’après les éléments qui nous ont été communiqués, le montant de 550 euros équivaut à celui du revenu minimum et est supérieur aux allocations aujourd'hui servies aux étudiants. Cependant, si ceux-ci sont concernés au premier chef par le dispositif, ils ne seront pas les seuls à en bénéficier : l’objectif est véritablement de réaliser une expérimentation sur un échantillon choisi aléatoirement dans le pays.

Cette idée est évidemment séduisante, mais elle ne doit pas nous faire oublier, à nous, en France, que sa réalisation se heurte à un certain nombre d’obstacles.

Il faut, bien sûr, s’entendre sur le type de prestation versée : doit-il s’agir d’une somme d’argent fixe délivrée à tous ou d’un système d’impôt négatif ? L’idée d’un revenu délivré sans aucune condition ne paraît pas encourager la lutte contre les inégalités.

De la même manière, la question des bénéficiaires doit être étudiée avec soin. L’idée, par exemple, de délivrer un revenu de la naissance jusqu’à la mort nous conduit à nous interroger. Quid encore des étrangers résidant sur le sol national ? Cette seule question montre la complexité de la réponse – ou des réponses – à apporter.

L’effet incitatif doit lui aussi être bien pris en considération, pour éviter que le revenu universel ne soit utilisé comme une nouvelle forme d’assistanat. Le revenu de base s’opposant par nature à toute forme de contrepartie, il faut être suffisamment vigilant sur la mesure des taux de retour effectif à l’emploi s’agissant des personnes en âge de travailler.

La mise en place d’un revenu universel nécessite également d’évoquer son coût pour nos finances publiques. Les pistes de financement étudiées ont souvent recours à l’impôt. Or je doute que nos concitoyens consentent actuellement à de nouvelles formes de prélèvements ! J’ajoute que le corollaire de la création d’un revenu universel doit être l’assujettissement de tous les ménages à l’impôt, ce qui me semble rencontrer l’assentiment général.

Enfin, mes chers collègues, la question de ce que doit être la protection sociale au XXIe siècle en France est posée. À ce titre, le revenu de base, le revenu universel fait partie des éléments que nous devons explorer.

Pour conclure, je veux saluer l’initiative prise par les membres du groupe écologiste au travers de la présente proposition de résolution. Néanmoins, cher collègue Jean Desessard, dans les conditions actuelles, notamment compte tenu du périmètre fixé à l’alinéa 10 de cette dernière pour le revenu de base que vous proposez d’instaurer, je m’abstiendrai sur ce texte. Veuillez toutefois considérer cette abstention comme bienveillante : je considère que nous devons débattre du sujet dans la sérénité et de la manière la plus constructive possible. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean Desessard et Mme Christine Prunaud applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les membres du groupe écologiste ont déposé, le 2 février dernier, la présente proposition de résolution, suite logique de la décision prise lors du congrès du parti Europe Écologie Les Verts qui s’est tenu au mois de novembre 2013.

Or, quand on lit attentivement cette proposition de résolution, on constate qu’elle est extrêmement exigeante, puisqu’elle invite le Gouvernement à mettre en œuvre une prestation non seulement universelle, mais aussi individualisée.

Comme vous l’aurez remarqué, le Gouvernement a déjà pas mal de choses à faire…

M. Jean-Claude Lenoir. Comme lutter contre le chômage !

Mme Nicole Bricq. Surtout, une proposition de résolution ne peut faire l’objet d’amendement.

Dans ces conditions, vous ne serez pas surpris d’apprendre que le groupe socialiste et républicain s’abstiendra.

Cela dit, la filiation de cette idée, qui remonte au XVIIIe siècle, peut aussi bien être revendiquée par la gauche que par la droite.

Je ne pense pas que l’on doive fermer le débat comme le fait Mme Duranton en parlant d’assistance généralisée. Je pourrais tout aussi bien me tourner vers les membres néolibéraux de la majorité sénatoriale et leur rappeler que le revenu de base universel pourrait constituer une bonne affaire en ce qu’il permet de solder tous les comptes de la protection sociale à laquelle nous sommes tous, les uns et les autres, très attachés. Ce serait aussi une façon de clore le débat.

À cet égard, on voit bien les difficultés – à la fois financières et techniques – rencontrées par M. Cameron, dont les idées penchent plutôt à droite.

Tâchons d’éviter tout procès a priori. Le groupe socialiste et républicain a choisi de s’abstenir afin de ne pas fermer la discussion, conformément au vœu de l’ensemble des groupes politiques de la Haute Assemblée.

Il faut être rationnel. J’ai regardé les derniers travaux, notamment le fameux rapport de janvier 2016 – les dates sont importantes – du Conseil national du numérique, que je connais bien par ailleurs. Que propose ce dernier ? Une série de mesures visant à conférer à ce revenu universel une vocation multi-cibles : lutter contre la précarité et la pauvreté, pallier les ruptures de la vie professionnelle, répondre au travail caché lié à la numérisation…

Il propose aussi des modes de financement variables : un surcroît de fiscalité, un surcroît de CSG, une cotisation employeur, une taxe sur les transactions financières… Bref, il s’agit bien d’une mesure multi-cibles qui ne me semble pas relever d’un travail sérieux. Cette question n’occupe d’ailleurs que six pages d’un rapport qui en compte deux cents et qui traite de bien d’autres sujets.

Autre thème, celui de l’intermittence des parcours. France Stratégie, qui s’est également penchée sur cette question, propose de bâtir un cadre adapté aux indépendants et aux salariés précaires. Son option la plus ambitieuse consiste dans l’instauration d’un statut de l’actif qui s’articulerait avec un CPA, ou compte personnel d’activité, maximum.

Le Gouvernement n’avait pas retenu cette recommandation de France Stratégie, préférant démarrer plus modestement et donner toutes ses chances de réussite au volet formation, comme nous le verrons lors de l’examen du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs.

La Garantie jeunes, qui est plutôt un succès, devrait ainsi bientôt avoir une portée universelle. Il est important de souligner qu’un revenu est associé à ce dispositif.

La proposition de France Stratégie rejoint les travaux de Terra Nova qui imagine que le compte personnel d’activité, à l’horizon 2030, pourrait recueillir l’ensemble des droits et des minima sociaux. Cette voie me semble plus intéressante que celle qui nous est ici proposée en ce qu’elle se rattache à la valeur travail. Comme M. Vanlerenberghe, je partage l’idée selon laquelle le travail est une valeur cardinale de notre société contemporaine. Je refuse d’abandonner cette idée en cours de route – nous aurons l’occasion d’en discuter.

Le Mouvement français pour un revenu de base est parti, dans sa réflexion, des limites du RSA, notamment en termes de difficultés d’accès.

Ce mouvement, qui a le mérite de proposer un scénario progressif, étalé dans le temps, pose comme préalable le principe de l’individualisation, c’est-à-dire rien moins qu’une révolution fiscale ! L’individualisation – nous en avons déjà parlé dans cet hémicycle avec Jean Desessard – suppose une révolution du financement de la protection sociale. Or, quand je vois les difficultés à mettre en place la retenue à la source de l’impôt sur le revenu, je m’interroge sur la faisabilité d’un tel dispositif.

J’ai beaucoup travaillé depuis le mois de mars. J’ai reçu tout ce petit monde, et la réflexion la plus aboutie en faveur de l’instauration d’un revenu universel me semble être celle de l’AIRE qui propose LIBER. Pour faire court – les animateurs ont mis leur réflexion à l’ordre du jour et mènent un travail de persuasion auprès des autorités politiques –, ces associations proposent de s’en tenir, pour le prochain quinquennat, au scénario trois.

Il s’agit du scénario le plus ambitieux, développé par le député Christophe Sirugue – par ailleurs rapporteur, à l’Assemblée nationale, du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs – dans le rapport fort important qu’il a remis au Premier ministre le 18 avril dernier.

Notre collègue recommande, comme l’ont fait les Allemands avec les accords Hartz, de fusionner les dix minima sociaux existants en une couverture socle d’un montant d’environ 400 euros dont bénéficierait, à l’horizon 2020, tout individu âgé de dix-huit ans.

Cette couverture socle serait ensuite complétée par une allocation d’insertion versée par les départements – vous savez que le Premier ministre est en discussion, voire en négociation, avec l’Assemblée des départements de France pour recentraliser une partie du RSA – d’un montant de 100 euros – soit un total de 500 euros – et par une allocation de soutien aux personnes handicapées et aux personnes âgées pour atteindre un montant d’environ 800 euros.

M. Sirugue ne va pas jusqu’à parler d’un revenu universel de base ni de la refonte de la protection sociale et de son financement. Il propose de simplifier et de faciliter l’accès aux droits par une ouverture automatique, sur le modèle de la prime pour l’activité, dont le succès ne se dément pas. Depuis le 1er janvier dernier, je vous ferai remarquer que cette prime est « familiarisée » et non individualisée…

M. le président. Veuillez conclure, chère collègue.

Mme Nicole Bricq. J’entends dire qu’il pourrait s’agir d’un débat important de la prochaine campagne présidentielle. Or je me méfie des pensées magiques. La magie, vous l’aurez remarqué, n’opère plus en politique.

Débattons de cette question dans cet hémicycle et à l’extérieur, mais faisons-le les yeux ouverts. Si nous choisissions de nous engager sur cette route, il faudra dire aux Français toutes les conséquences que cela implique.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, notre société persiste dans un paradoxe durable, fatal à ceux qui en sont victimes.

La valeur travail liée à l’emploi reste, comme vient de le souligner Mme Bricq, cardinale : elle est mise en perspective dès l’école ; elle est synonyme d’insertion et de réussite ; elle conditionne l’accès à de nombreuses mesures sociales ; elle permet – ou devrait permettre – un mode de vie correct ; elle assure à la société la transmission du savoir-faire. Vive le travail, vive l’emploi !

Toutefois, dans le même temps, la société ne fournit plus d’emplois pour tous : de bons diplômes ne sont plus une garantie absolue et tout candidat, lors de son entretien d’embauche, se voit jugé autant sur ses dires que sur son aisance et sa mine. Dès lors, pourquoi ne pas réfléchir, comme le propose Jean Desessard, à sortir de l’impasse ?

Nous entendons les critiques contre le revenu de base : la première va du café du commerce aux analyses comportementalistes : « Si l’on verse à chacun une somme suffisante pour vivre, les gens ne voudront plus travailler… »

Cette affirmation est contredite par l’expérience : au Canada, une expérimentation sociale du revenu de base, portant le nom de Programme MINCOME, a été réalisée avec les 7 000 habitants de la ville de Dauphin, au Manitoba. Toutes les familles qui vivaient dans la ville – et pas un simple échantillon – ont participé à l’expérience et ont reçu une allocation garantie si leur revenu était trop bas. L’évaluation a montré que l’effet sur la baisse du temps de travail a été extrêmement limité.

Dans une autre expérience, plus récente, menée avec les 930 habitants du village Otjivero, en Namibie, le revenu de base a permis d’accroître l’activité économique du village : le taux de chômage est passé de 60 à 45 % et les revenus issus d’activités de type auto-entrepreneurial ont bondi de 300 %.

Ainsi, loin d’inciter à l’inactivité, le revenu de base permet aux salariés d’envisager plus sereinement leur activité et aux entrepreneurs d’être sécurisés quant à leur rémunération.

Dans le monde réel, les femmes et les hommes ont besoin de ne pas se trouver dans la précarité pour avoir envie d’agir et de créer. Le revenu de base n’est pas un passeport pour l’oreiller, c’est un tremplin pour l’emploi.

Autre critique, mais formulée cette fois-ci par la gauche : le revenu de base ne serait qu’une roue de secours du capitalisme, permettant aux employeurs de comprimer les salaires.

Cette critique pose la question du montant du revenu : il est clair que, à seulement 200 ou 300 euros, le revenu de base ne permettrait pas aux travailleurs de vivre dignement, mais constituerait un avantage pour les seuls employeurs.

C’est là que se situe la différence entre le projet libéral et le projet soutenu par les écologistes et d’autres forces progressistes : nous considérons que le montant du revenu de base doit être suffisamment élevé pour renforcer le pouvoir de négociation des salariés sur le marché de l’emploi. L’objectif est de leur permettre de refuser des emplois dégradants, sous-payés, polluants, inintéressants, dans l’optique d’amener à la disparition pure et simple de ceux-ci dans les années à venir.

Il s’agit non pas d’une utopie, mais d’un projet politique, auquel sont en train de s’atteler les Suisses, qui mènent une réflexion en ce sens.

Si tout le monde dispose d’un revenu universel, plus personne ne voudra être éboueur ? Dès lors, comment fait-on pour ramasser les déchets ? Il suffira d’installer du matériel un peu plus digne et aux citoyens de gérer un peu mieux ce qu’ils abandonnent sur le trottoir. C’est toute une société qui est mise en mouvement.

Mme Marie-Christine Blandin. Enfin, le défi majeur est aussi social et budgétaire. Repenser la protection sociale n’est pas un luxe pour peu qu’on veuille la rendre plus juste, plus transparente et moins inconditionnellement articulée à cet emploi qui disparaît.

Oui, le revenu de base coûte cher ! Les calculs réalisés par Jean Desessard montrent que le coût d’un revenu de 500 euros pour chaque adulte majeur résidant en France s’élève – les chiffres qu’il nous donne augmentent tous les mois (Sourires.) – entre 300 et 400 milliards d’euros.

Toutefois, ce montant serait couvert en partie par le remplacement des minima sociaux et par la fusion avec une partie des régimes de retraite.

Cela impliquerait également de débattre démocratiquement d’une politique fiscale délibérément redistributive : rationalisation des niches fiscales, progressivité de la CSG, suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi, le CICE, et des exonérations de charges sur les bas salaires, montée en puissance de la fiscalité écologique. Le revenu de base est un projet politique qui nécessite que les citoyens soient de nouveau impliqués dans les choix économiques de leur pays.

Il s’agit d’un chantier d’envergure, il faudra y consacrer des moyens humains et d’expertise, mais, une fois mené à bien, quelle simplicité, quelle lisibilité et, surtout, quelle dignité rendue à chacun.

M. Jean Desessard. Exactement !

Mme Marie-Christine Blandin. Certains citoyens ne seront plus soupçonnés d’assistanat, comme cela vient d’être dit dans cet hémicycle, pour chaque droit sollicité chaque mois. Si certains n’habitent plus à l’adresse indiquée, c’est que beaucoup se font expulser ! Avec le revenu de base, cela n’arriverait pas !

Mme Marie-Christine Blandin. La seule chose qui manque et qui dépend de nous, parlementaires, membres du Gouvernement, c’est une volonté politique forte de donner à chacun les moyens de son émancipation, de rendre à chacun son égale dignité.

J’ai entendu l’oratrice précédente dire à raison que ce serait compliqué à mettre en œuvre, qu’il s’agissait d’une véritable révolution. Tout cela est vrai, mais la société se trouve dans un état tel qu’il est de la responsabilité des personnes en mesure de réformer de faire des révolutions apaisées, mais ambitieuses. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. Jean Desessard. Vive la révolution sereine !

M. le président. La parole est à M. Daniel Percheron.

M. Daniel Percheron. Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, on ne monte pas impunément à cette tribune pour parler du contrat social.

Quand il s’agit du revenu d’existence, qu’il soit de 100, 200, 300, 400 ou même 800 euros, on croise Jean-Jacques Rousseau, Milton Friedman et, bien évidemment, le socialisme utopique. Par conséquent, et même si le débat est discret, on se doit de peser ses mots.

Je remercie le groupe écologiste de ce débat qui fait avancer le progrès social et dans lequel l’élu du Nord-Pas-de-Calais que je suis retrouve naturellement des accents « vertblandins ». (Sourires.)

Je suis élu du département de Thomas Paine, député à la Grande Convention. J’aurai donc deux ou trois choses à dire sur cette question et je remercie notre président de se montrer aussi tolérant sur les temps de parole… (Sourires.)

Ce débat doit être une révélation ; il doit aussi être l’occasion d’une prise de conscience pour la France sociale et permettre l’expérimentation. Mettons donc nos pas dans ceux de Michel Rocard, de Lionel Stoleru, de Christophe Sirugue et de Martin Hirsch et avançons dans la direction du revenu universel, de base, car il s’agit d’une vraie réponse.

Nous sommes loin de la stratégie de Lisbonne, en 2000, quand l’Europe pensait que l’économie de la connaissance lui permettrait d’être le continent le plus riche – ce qui est vrai – et le plus intelligent du monde. Nous sommes loin de la stratégie de Lisbonne, quand nous étions persuadés d’empocher la valeur ajoutée et de faire travailler tous les ateliers du monde pour satisfaire nos besoins. Après quatre siècles de domination, expérience fait loi : nous nous sommes trompés. L’Europe hésite à se l’avouer.

Bien entendu, la paix toujours fragile et le nationalisme pèsent. Mais enfin, nous nous sommes trompés : l’Europe n’est pas au rendez-vous de cette prospérité que nous espérions, alors que les capitaux ruissellent à la surface de la planète et font sauter le bocage des États-nations.

L’État-nation, l’État-providence doutent. C'est la raison pour laquelle, madame le secrétaire d’État, le débat sur le revenu d’existence est plus que jamais nécessaire.

À cela s’ajoute l’angoisse de nos concitoyens face aux progrès foudroyants des nouvelles technologies. Dans le Nord-Pas-de-Calais, nous avons conclu un contrat, voilà quelques années, avec un homme qui murmure à l’oreille de la planète : Jeremy Rifkin. Ce qu’il nous annonçait – la fin du travail, la troisième révolution industrielle – se confirme aujourd’hui : entre 42 et 45 % des emplois pourraient disparaître en raison de la montée du numérique et de la robotisation dans les dix prochaines années.

Rappelez-vous que, au début du XIXe siècle, les ouvriers mettaient leurs sabots dans les machines textiles pour éviter le progrès et garder leur emploi – ils sabotaient ! Nous n’allons pas détruire nos robots, mais nous allons devoir avancer sur la voie de la solidarité et du progrès social en examinant, dans le cadre de cette mission commune d’information sur l’intérêt et les formes possibles de mise en place d’un revenu de base en France, cher collègue du Pas-de-Calais, ce qu’il est raisonnable d’entreprendre. Il s’agit donc d’une réponse.

En avons-nous les moyens ? Bien évidemment à prélèvements constants et à fiscalité rénovée ! Les chiffres, aurait dit Jaurès, sont têtus : nous consacrons entre 56 et 57 % de notre PIB à la dépense publique. Nous sommes en économie mixte : la dépense sociale représente 34 % du PIB – nous sommes champions du monde, avec le Danemark, loin devant l’Allemagne, où la dépense sociale ne représente que 30 % du PIB. L’État-providence est une réalité. D’autres chiffres mériteraient d’être vérifiés, mais nous pouvons en retenir l’ordre de grandeur : 1 % de la population mondiale représente entre 10 et 13 % de la dépense sociale à l’échelle de la planète.

L’État-nation, la république sociale que nous avons bâtie, notamment à travers le programme du Conseil national de la Résistance, aidé par les trente glorieuses, tout en faisant face, à partir de 1974, au premier choc pétrolier, a les moyens d’avancer vers le revenu universel, le revenu d’existence.

Notre régime d’indemnisation du chômage n’est-il pas l’un des plus complets ? Nous sommes passés de 4 à 8 millions de foyers bénéficiaires de l’APL, dans le silence. Que dire de nos lycéens, qui sont les mieux traités au monde, du transport jusqu’à l’examen ? Chère Nicole Bricq, toute de prudence et de compétence à cette tribune, nous avons les moyens d’avancer.

Nous avons besoin de traçabilité dans le domaine social – ce thème devrait plaire aux écologistes et à la gauche sociale et écologiste ! Je ne vous ai pas donné de chiffres à dormir debout, ils reflètent la réalité du pays. Nos électeurs, surtout à gauche, nous disent que nous ne faisons rien pour eux,…

Mme Nicole Bricq. Ce qui est faux !

M. Daniel Percheron. … alors que nous vivons dans le pays le plus protégé au monde !

Pouvons-nous expérimenter ? Bien entendu ! Je me place sous la sagesse de Jean Tirole, prix Nobel d’économie, selon lequel le rôle de l’État est de réguler le marché et d’assurer la protection sociale. Dès lors, madame le secrétaire d’État, expérimentons !

Savez-vous que l’Europe pratique déjà le revenu de base ? N’a-t-elle pas déconnecté les subventions allouées aux paysans de la production et du travail agricoles ? Cette situation illustre d’ailleurs les difficultés, l’ambiguïté, l’ambivalence du revenu de base : nos paysans veulent vivre non pas des subventions, mais des fruits de leur travail. La mission commune d’information pourra explorer cette dialectique si difficile, au cœur de notre protection sociale.

Intéressons-nous aux territoires où le marché ne fait pas son travail. Je suis élu de l’un d’entre eux, où la première révolution industrielle a laissé ses friches et qui souffre depuis quarante ans. L’arrondissement de Lens, dans le Pas-de-Calais, est celui, avec l’arrondissement de Longwy, dans l’arc Nord Est, qui crée le moins de richesses en termes d’économie marchande : 1 000 euros par an et par habitant. Cette valeur atteint 8 000 euros dans une vallée des Alpes, rien qu’avec l’économie résidentielle et la neige qui tombe, et 3 600 euros à Toulouse. Il y a des terres en déshérence, il y a des terres en difficulté ! Expérimentons, nous en avons les moyens. Ce sera à la mission de le dire.

Nous avons pris le temps de parler, en ces quelques minutes trop brèves et parfois trop longues, de la France sociale et de la république la plus sociale du monde. Mais le pays qui ose avancer vers le revenu universel, c’est la Finlande.

Le modèle nordique est aujourd’hui le seul modèle à tutoyer la mondialisation presque à égalité, alors que le rapport de force entre capital et travail est si déséquilibré. La Finlande, c’est 5 millions d’habitants et 2 millions de syndiqués – nous en sommes encore loin.

Le monde est difficile, nous le savons ; le modèle français est fragile. J’ai parlé de prélèvements constants et de Jean Tirole : n’oublions jamais que ce sont les entreprises et le travail qui financent l’essentiel…

M. le président. Monsieur Percheron, si je vous laisse poursuivre, nous serons encore là tard ce soir ! (Sourires.)

M. Daniel Percheron. Je vais donc conclure, monsieur le président !

Saint-Just disait : « Les malheureux sont les puissants de la terre ; ils ont le droit de parler en maître aux gouvernements qui les négligent ». Faisons en sorte, au Sénat, au cœur de la sagesse républicaine, de penser à cette maxime. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – MM. Michel Le Scouarnec et Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je tiens à remercier Jean Desessard de cette proposition de résolution relative à l’instauration d’un revenu de base. Le temps d’une heure, nous avons « levé le nez du guidon », serais-je tenté de dire, pour nous projeter dans l’univers des possibles pour demain.

Car la réflexion qui est ouverte par ce concept est peut-être une heureuse tentative d’apporter une réponse au tristement résigné « on a tout essayé… » Non, on n’a pas tout essayé ! Peut-être n’avons-nous pas osé, collectivement, sortir du cadre, des schémas établis. C’est donc un débat passionnant, je l’espère fécond, que nous abordons, tant les clivages explosent sur ce sujet-là.

Cela prend tout son sens aujourd’hui, car je pense que l’ère des petits ajustements a vécu. Bouger des curseurs sur tel ou tel dispositif existant ne suffit plus. Nous avons sûrement quelques big-bang à réaliser pour libérer les énergies. Tout changer, pour tout changer vraiment, et faire mentir Lampedusa, l’auteur du Guépard.

D’ailleurs, avons-nous seulement le choix ? Nous le discernons bien, nous le vivons : l’économie est en pleine mutation. Les effets, positifs comme négatifs, de la révolution numérique se font sentir chaque jour un peu plus.

Face à cela, même les déséquilibres financiers de notre protection sociale ne garantissent plus un équilibre social. En dépit des montants importants consacrés à la protection sociale, des inégalités demeurent, des personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, le nombre de demandeurs d’emploi atteint un niveau historique…

La proposition de résolution qui nous est soumise tend donc à nous faire réfléchir à la mise en place d’un revenu de base, inconditionnel, cumulable avec d’autres revenus et distribué par l’État.

Je l’avoue, je n’émettrai pas d’affirmation définitive aujourd’hui. Cependant, mes convictions, comme celles de mon ami Frédéric Lefebvre, me poussent à regarder ce sujet avec attention, tout comme d’autres dans cet hémicycle, même si nous puisons la force de notre engagement à des sources différentes.

Pour ma part, je veux rappeler les travaux à la fois des personnalistes et des libéraux sur ce dispositif, qu’ils appellent respectivement le « minimum social garanti » et « l’impôt négatif ».

Il est d’ailleurs intéressant de constater que deux philosophies, pourtant distinctes, arrivent à se rencontrer, même si les mots ne sont pas les mêmes.

Et pour cause, il y a un point commun : favoriser l’autonomie de chacun et promouvoir une souveraineté ascendante, de l’homme vers l’humanité. Bref, une société subsidiaire.

Mme Nicole Bricq. Vous voterez donc l’article 21 du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Oui, madame Bricq, il s’agit bien d’un débat d’actualité sur l’articulation des différents niveaux de négociation collective, du terrain vers le haut.

La proposition de résolution n’évoque pas la contribution des personnalistes, dans les années trente, autour d’Emmanuel Mounier ou d’Alexandre Marc.

Face à la crise, que ce dernier décrit comme la rupture entre élites et masses, le schisme social, un étatisme envahissant – ce qui nous parle aussi aujourd’hui –, le fédéralisme global qu’ils élaborent a vocation à s’appliquer dans tous les ordres : dans l’ordre politique, avec la valorisation des communes, des « petites patries » ; dans l’ordre économique, avec la valorisation d’une association harmonieuse entre le capital et le travail ; dans l’ordre social enfin, avec ce minimum social garanti.

Nous sommes donc à la confluence de Pierre-Joseph Proudhon, d’Albert de Mun et de Fernand Pelloutier, le promoteur des bourses du travail et de la libre association de producteurs.

Pour les personnalistes, et je sais que notre collègue Yves Pozzo di Borgo s’attache à mieux faire connaître ce courant de pensée, le minimum social garanti est une condition de départ pour atteindre et concrétiser une véritable dignité pour chacun.

C’est le fondement pour que l’homme soit un être libre, responsable et créateur. Le revenu de base libère, donne la capacité d’oser, de prendre des risques.

Les libéraux ont, eux aussi, vu le caractère émancipateur du revenu universel. Maurice Allais et Milton Friedman, cela a été dit, en ont largement débattu. Gaspard Koenig remet aujourd’hui le concept au goût du jour avec son LIBER.

Pour eux, il s’agit non pas tant d’une somme distribuée à tous que d’un crédit d’impôt universel, dans lequel la simple soustraction du montant du revenu de base, déterminé en fonction des besoins fondamentaux, aboutit soit à une contribution nette à la collectivité pour les plus hauts revenus, soit à un impôt négatif versé directement par l’État pour les plus faibles revenus.

Ce système a pour intérêt, et la proposition de résolution l’évoque, de considérables simplifications et une réduction des coûts bureaucratiques. En poussant la logique jusqu’au bout, le pendant d’un revenu universel pourrait aussi être un impôt universel, fût-il symbolique. On est là également dans la cohérence.

On le constate, d’un point de vue théorique, tout cela est riche et intéressant. Toutefois, en tant que législateurs et évaluateurs des politiques publiques, il nous revient de penser la mise en œuvre, le passage de la théorie à la pratique, avec toutes les difficultés, les complexités déjà évoquées.

Du coup, nos convergences ne sont-elles pas dues au fait que nous en restons aux généralités ? Dès lors qu’il faudra mettre un chiffre derrière ce revenu de base, nos divergences ne risquent-elles pas de ressurgir ? Ce revenu doit être suffisant pour couvrir les besoins de base sans inciter pour autant à l’inactivité, car l’activité et le travail sont une façon de se réaliser.

Les questions du périmètre et du montant du revenu de base sont posées. Les travaux de la mission d’information sur l’intérêt et les formes possibles de mise en place d’un revenu de base en France permettront d’y répondre.

D’autres interrogations se font jour. C’est la raison pour laquelle nous devons être attentifs aux expérimentations qui se mettent en place ici et là, en particulier en Europe. On a parlé de la Finlande et des Pays-Bas, ce qui me paraît plus pertinent que d’évoquer l’Inde ou la Namibie, exemples un peu moins « vendeurs » aux yeux de nos administrés.

On le constate, le revenu universel peut et doit être un outil de libération permettant à chacun de devenir entrepreneur de lui-même. C’est à la fois banal et révolutionnaire. Alors aux actes, citoyens !

M. Jean Desessard. Oui, de l’audace, madame la secrétaire d’État !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Malgré une position nuancée sur cette proposition de résolution, je la voterai. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité réelle. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis cet après-midi pour discuter d’un sujet au centre de nombreuses réflexions depuis plusieurs mois, alimenté par des expériences internationales, à savoir la création d’un revenu de base, inconditionnel et universel.

Je tiens tout d’abord à remercier les différents orateurs et oratrices qui se sont exprimés à cette tribune. Ce débat a trait à notre vision de notre projet de société, de notre modèle social et de son évolution. Il est donc d’une importance fondamentale.

Le revenu de base n’est pas une idée nouvelle. Comment ne pas rappeler que, sur cette question, la France a été à l’avant-garde, en 1988, sous le gouvernement de Michel Rocard, en instaurant le revenu minimum d’insertion, qui allait constituer, selon les mots mêmes de Michel Rocard, « une innovation d’une portée considérable » ?

Cette aide était motivée par une idée humaniste et simple : permettre aux plus modestes d’être pleinement reconnus par notre société et d’accéder ainsi à un droit essentiel, la dignité, et non pas l’assistanat.

Par ce revenu, il s’agissait d’offrir à ses bénéficiaires une chance de réinsertion dans la société. Cette ambition réformatrice et généreuse n’a jamais été remise en cause. Elle a été poursuivie avec la création du revenu de solidarité active. Plus récemment, nous avons transformé le RSA activité et la prime pour l’emploi qui ne remplissaient pas leur rôle d’encouragement de l’activité en prime d’activité, sur laquelle je reviendrai.

La proposition de résolution soumise à la Haute Assemblée cet après-midi invite le Gouvernement à mettre en place « un revenu de base, inconditionnel, cumulable avec d’autres revenus, notamment d’activité, distribué par l’État à toutes les personnes résidant sur le territoire national […], sur base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie ».

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement partage plusieurs des objectifs de cette proposition de résolution. En effet, il s’agit d’abord de garantir à chaque personne un revenu minimal pour se loger, se soigner et assurer son bien-être élémentaire. Mieux protéger les plus modestes, c’est l’objectif de long terme que le Gouvernement s’est fixé avec le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale 2013-2017.

Aujourd’hui, en France, un ménage sur sept vit au-dessous du seuil de pauvreté et un enfant sur cinq est confronté à la grande précarité. C’est à ce défi considérable que le plan précité entend répondre, en renforçant les mesures de soutien et d’insertion destinées aux personnes qui vivent dans la pauvreté, sans oublier les mesures permettant de prévenir les ruptures sociales propres à faire basculer les personnes dans l’exclusion.

Présentée voilà un an par le Premier ministre, la feuille de route 2015-2017 rassemble quarante-neuf mesures concrètes. Je veux citer le plan d’aide renforcé visant les familles pauvres avec enfants, la garantie des loyers pour les étudiants et les travailleurs précaires, ou encore les mesures pour lutter contre le chômage de longue durée.

Mais surtout, il est essentiel de rappeler que l’engagement du Gouvernement au travers de ce plan est aussi financier. Les efforts sont extrêmement importants. Ainsi, au terme de la montée en charge du plan, c'est-à-dire en 2017, chaque année, 2,6 milliards d’euros supplémentaires seront redistribués à 2,7 millions de ménages modestes. Cela représente en moyenne 1 000 euros par an et par ménage.

D’ores et déjà, cette forte mobilisation a eu des effets : la hausse du taux de pauvreté constatée en France entre 2008 et 2012 a été enrayée.

Il est un autre objectif que nous partageons avec les auteurs de la proposition de résolution : simplifier les minima sociaux, pour clarifier ce à quoi chacun peut prétendre et pour lutter contre le non-recours aux droits. En effet, actuellement, la multiplicité des dispositifs entraîne une faible lisibilité pour ceux qui pourraient en bénéficier et, donc, une inégalité en termes d’accès aux droits.

C’est le sens même de la mission que le Premier ministre a confiée, au mois d’octobre dernier, au député Christophe Sirugue, dont les travaux menés en 2013 pour la réforme des dispositifs de soutien aux revenus d’activité modestes ont fait autorité.

Au terme d’une réflexion et d’un dialogue que je sais essentiel avec la société civile, les partenaires sociaux, les collectivités et les associations, Christophe Sirugue a formulé dans son rapport des propositions pour réduire la complexité des dispositifs existants et, surtout, pour accroître l’efficacité et la cohérence des politiques d’insertion. Les mesures proposées nous permettront d’améliorer le système des minima sociaux, pour le rendre plus simple et plus lisible. Il existe aujourd’hui dix minima sociaux différents, avec des règles et des logiques différentes. Les Français peuvent s’y perdre !

C’est pourquoi, comme le Premier ministre l’a annoncé, le Gouvernement souhaite mettre en œuvre dans les mois à venir les premières mesures de simplification. Il travaillera à un chantier de réforme des minima sociaux, afin de définir une couverture socle complétée en fonction des situations individuelles.

Notre objectif, que je sais partagé, est de rendre notre système de solidarité plus simple, plus lisible, plus équitable, plus accessible. Je ne doute pas que nous puissions avancer ensemble dans cette voie.

L’un des enjeux de cette réforme, c’est de garantir aux jeunes en difficulté le droit à la solidarité, dans les mêmes conditions que les autres. Vous le savez, la Garantie jeunes va bientôt devenir un droit pour tous les jeunes âgés moins de vingt-cinq ans en situation de rupture. Le rapport Sirugue nous invite à aller plus loin. Nous entendons conduire cette réflexion.

Vous le constatez, nombre des objectifs de cette proposition de résolution sont au cœur de l’action du Gouvernement.

Toutefois, l’instauration d’un revenu de base soulève de nombreuses questions. (M. Jean Desessard s’exclame.) Les auteurs de cette proposition de résolution en conviennent, il existe plusieurs définitions et plusieurs dénominations de l’allocation universelle, sans doute parce que les approches sont souvent différentes, comme le met en lumière le projet que nous examinons cet après-midi. Ainsi, plusieurs propositions ont été faites : revenu d’existence, revenu de base, revenu minimum garanti… Au-delà des différences de termes, il existe d’importantes différences de conceptions qui se traduisent par des approches divergentes sur des points essentiels.

Tout d’abord, j’évoquerai l’articulation avec les prestations sociales existantes.

Le présent texte n’indique pas à quelles prestations se substituera le revenu universel. S’agit-il des allocations de solidarité ? Ces dernières doivent-elles alors s’entendre comme se limitant aux seuls minima sociaux ? Les prestations familiales ou les aides au logement ont-elles également vocation à être remplacées par le revenu universel ? Souhaitez-vous, comme Jacques Marseille, que vous avez cité, monsieur Desessard, y réaffecter toutes les prestations en espèces, y compris les prestations contributives comme les pensions de retraite et les allocations chômage ? Souhaitez-vous mobiliser d’autres ressources que le redéploiement de ces prestations ? Si oui, lesquelles ? L’Alaska verse à ses habitants une partie de la rente pétrolière : dans le cadre français, quelles ressources pensez-vous mobiliser ?

Ces questions en appellent une autre, essentielle, celle du montant. Si vous ne financez le revenu de base qu’à partir des prestations de solidarité, in fine, les montants distribués seront extrêmement faibles, parce que le caractère universel et inconditionnel du revenu de base conduirait à verser à toute la population les sommes aujourd’hui ciblées sur les individus et foyers dont la collectivité a estimé qu’ils en avaient le plus besoin.

Ce n’est qu’en mobilisant les prestations contributives, à savoir les pensions de retraite et les allocations chômage, qu’on peut atteindre des montants proches des 750 euros que vous mentionnez en citant les travaux de Jacques Marseille. Mais si on remplaçait ces prestations par un montant uniforme et assez limité, on pourrait craindre un affaiblissement du consentement des uns et des autres à contribuer au système.

Imaginons que tous les retraités perçoivent, pour toute pension de retraite, 750 euros par mois, soit une somme inférieure au seuil de pauvreté… C’est évidemment inacceptable !

M. Jean Desessard. Ce n’est pas mon projet !

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État. Ce sont d’ailleurs les questions que se pose actuellement le gouvernement finlandais dans le cadre de la préparation de l’expérimentation que vous avez mentionnée. Les travaux conduits au cours de cette année devront trancher entre plusieurs options : une prestation d’un montant élevé – 800 euros par mois –, qui aurait vocation à remplacer l’ensemble des allocations versées par l’État, ou bien une prestation d’un montant plus faible, qui remplacerait les prestations de base sans modifier les assurances sociales contributives.

La question du montant du revenu de base n’est pas qu’une affaire de chiffres. Elle engage la conception même de la réforme : selon le montant retenu, le revenu de base peut ne constituer qu’une réforme de simplification des aides sociales ou s’apparenter à un accompagnement d’une flexibilisation radicale du marché du travail allant jusqu’à remettre en cause le salaire minimum, dès lors qu’un revenu universel minimum serait par ailleurs garanti. Telle n’est pas votre approche, monsieur Desessard, mais celle-ci existe chez les ultralibéraux, qui défendent cette idée.

Le revenu de base pourrait aussi permettre un véritable changement de modèle économique et social, mettant fin aux situations de travail contraintes et permettant aux individus de mener des activités positives pour la collectivité, bien que peu rémunérées économiquement.

Toutefois, en présentant ce projet, ne remettez-vous pas en cause ce que le travail peut apporter aux individus en termes d’intégration dans la vie sociale et d’émancipation par rapport au cadre domestique ? Je pense notamment aux femmes : une telle réforme ne reviendrait-elle pas à créer un revenu domestique pour les femmes au foyer, maintenant ces dernières dans les rôles qui leur sont assignés ?

Mme Nicole Bricq. Bonne question !

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État. Par ailleurs, ne peut-on craindre qu’une telle réforme, en faisant reposer l’existence sur une somme distribuée de façon individuelle, ne conduise à remettre en cause les espaces de vie commune que sont le travail, les solidarités, les services publics ? Bref, cela ne renverrait-il pas chacun à sa responsabilité individuelle dans l’usage de ses deniers ?

Il me semble que répondre à ces questions, qui n’ont rien de technique, mais engagent la conception politique de votre projet, constitue une condition pour que le Gouvernement puisse être favorable à cette proposition de résolution.

L’action du Gouvernement et les réformes engagées contribuent à répondre à certains objectifs que vous visez et, j’en suis convaincue, à nous rassembler. Face aux dégâts que font chaque jour les amalgames populistes entretenus par certains entre solidarité et assistanat, le défi que nous devons relever, c’est celui de la sauvegarde de notre modèle social. C’est un modèle que nous devons défendre, et c’est pour cette raison que nous devons le réformer.

Notre système de minima sociaux a joué un rôle décisif pour limiter l’incidence de la crise sur nos concitoyens. La revalorisation du revenu de solidarité active, décidée au mois de janvier 2013, dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté, a contribué à infléchir le taux de pauvreté dans notre pays. Ce plan, que j’ai déjà évoqué, a pour objectif de simplifier et clarifier les aides et droits dont les personnes en situation de pauvreté peuvent bénéficier.

En témoigne la prime d’activité, véritable rupture avec les logiques habituelles de l’action sociale, laquelle s’inscrit dans les objectifs de simplification, de suppression des effets de seuil, de lutte contre le non-recours, mais aussi de stabilité et d’individualisation des droits, que vous visez avec cette proposition de résolution.

La prime d’activité rompt notamment avec les défauts liés aux conditions de ressources des autres prestations dont le caractère « intrusif » disparaît, ce qui permet de les simplifier et de les alléger.

Elle répond à une logique plus individualisée, et s’inscrit par conséquent dans une logique d’émancipation. Le système des « droits figés » met fin à la mécanique angoissante des régularisations.

Le succès de cette prime est indéniable. Depuis le début de l’année, plus de 2,3 millions de foyers, représentant plus de 3,8 millions de personnes, ont bénéficié de ce dispositif. Nous avons d’ores et déjà dépassé la prévision initiale de 2 millions de ménages. La prime d’activité permet donc à de nombreux ménages de bénéficier d’un apport financier significatif : en moyenne, le montant versé est de 164 euros par mois.

Vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, notre action produit ses effets, alors même que nous concentrons nos efforts sur les foyers les plus modestes.

Léon Blum écrivait : « Toute société qui prétend assurer aux hommes la liberté doit commencer par leur garantir l’existence. » En agissant pour que chacun puisse trouver sa place, exister, être reconnu dans notre société, nous garantissons la liberté de tous.

Par conséquent, il me semble qu’il faut poursuivre les travaux, chiffrer les principales propositions, afin d’éclairer un débat potentiellement central pour notre modèle social. Aussi l’adoption de cette proposition de résolution me paraît prématurée.

proposition de résolution pour l’instauration d’un revenu de base

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Affirmant, en accord avec l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, que : « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires (…) » ;

Reconnaissant la nécessité de lutter contre la précarité sociale pour améliorer le bien-être individuel et collectif des travailleurs ;

Constatant que de nombreuses activités, pourtant génératrices de valeur d’usage, notamment dans les domaines social, sanitaire et culturel, ne donnent droit aujourd’hui à aucune rémunération ;

Prenant acte des évolutions du monde du travail dues à l’émergence de l’économie numérique qui diminue la demande de main d’œuvre et à des délocalisations durables de nombreux sites de production engendrant la disparition d’un grand nombre d’emplois ;

Reconnaissant la nécessité de réformer le système dit des « minima sociaux », à savoir des allocations relevant de la solidarité nationale, dans un but de simplification mais aussi de généralisation aux bénéficiaires potentiels ;

Considérant qu’un revenu de base, loin de constituer un effet d’aubaine éloignant de l’emploi, crée au contraire les conditions de dignité et de confiance favorisant l’employabilité ;

Prenant acte et s’inspirant des diverses initiatives et expérimentations lancées à travers le monde sur la question du revenu de base ;

Souhaite que le Gouvernement prenne les mesures nécessaires pour mettre en place un revenu de base, inconditionnel, cumulable avec d’autres revenus, notamment d’activité, distribué par l’État à toutes les personnes résidant sur le territoire national, de la naissance à la mort, sur base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement seront ajustés démocratiquement.

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.

Je mets aux voix la proposition de résolution.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 227 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 211
Pour l’adoption 11
Contre 200

Le Sénat n'a pas adopté.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de résolution présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, pour l'instauration d'un revenu de base
 

7

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation
Article 1er

Ancrage territorial de l'alimentation

Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation (proposition n° 303, texte de la commission n° 427, rapport n° 426).

Je rappelle, mes chers collègues, que nous avions commencé l’examen de cette proposition de loi le mercredi 9 mars.

Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen de l’article 1er.

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation
Article additionnel après l'article 1er

Article 1er (suite)

Après l’article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 230-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 230-5-1. – Dans le respect des objectifs de la politique de l’alimentation définie à l’article L. 1, au plus tard le 1er janvier 2020, l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics incluent dans la composition des repas servis dans les restaurants collectifs dont ils ont la charge 40 % de produits relevant de l’alimentation durable, c’est-à-dire des produits sous signe d’identification de la qualité et de l’origine ou sous mentions valorisantes, définis à l’article L. 640-2, ou issus d’approvisionnements en circuits courts ou répondant à des critères de développement durable, notamment la saisonnalité des produits. Une proportion de produits correspondant aux capacités de production locale est issue de l’agriculture biologique. »

M. le président. L'amendement n° 12 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Mandelli, Mme Garriaud-Maylam, MM. Kennel, Pierre et Morisset, Mmes Canayer, Morhet-Richaud et Di Folco, MM. Cardoux, Trillard et Mayet, Mme Imbert, MM. Emorine et Mouiller, Mme Deromedi, MM. Grand et Raison, Mme Lopez, M. P. Leroy, Mme Estrosi Sassone, MM. Calvet, Bonhomme, G. Bailly, Vasselle, Milon, Pellevat, Longuet, Lenoir, Rapin, Pointereau, Bouchet, Chasseing, Bizet, Cornu et Vaspart et Mme Primas, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour la mise en œuvre du présent article, les collectivités territoriales peuvent mettre en place des projets alimentaires territoriaux. »

La parole est à Mme Jacky Deromedi.

Mme Jacky Deromedi. Par cet amendement, il s’agit d’encourager des initiatives locales plutôt que d’imposer des objectifs chiffrés qui pourraient se révéler inopérants, voire contre-productifs.

En effet, certaines collectivités pourraient être contraintes d’importer, faute de disposer d’une offre locale suffisante en matière de produits bio, alors que l’outil agricole actuel n’a pas, dans tous les territoires, la capacité de fournir 20 % de produits biologiques aux cantines.

Pis, cet objectif chiffré pourrait avoir des conséquences inattendues. Après les hôpitaux et les établissements scolaires, ce serait au tour des exploitations biologiques de se massifier pour répondre à la demande en contenant les coûts. Autrement dit, comment fournir 20 000 à 50 000 cuisses de poulet simultanément ? Pour continuer à respecter les normes sanitaires et à proposer des produits de qualité, les exploitations biologiques doivent obligatoirement atteindre une taille critique lorsqu’elles doivent augmenter leur production. On en reviendrait au point de départ !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Joël Labbé, rapporteur de la commission des affaires économiques. Cet amendement tend à compléter le dispositif proposé par le biais de l’amendement n° 14 rectifié, que nous avons adopté au mois de mars dernier, en donnant la possibilité aux collectivités territoriales de recourir à des projets alimentaires territoriaux pour définir les critères d’approvisionnement des filières agricoles territorialisées.

Le recours aux projets alimentaires territoriaux me semble fondamental pour mettre en œuvre l’obligation d’approvisionnement prévue par le présent article.

La commission est donc favorable à cet amendement, mais, à titre personnel, j’y suis très favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité réelle. Les projets alimentaires territoriaux sont des outils qui permettent de fédérer les acteurs autour d’un projet partagé au sein duquel pourront se développer les approvisionnements.

Je partage, madame la sénatrice, votre volonté de les développer, et ce bien au-delà du seul sujet de l’approvisionnement de la restauration collective. Toutefois, un article du code rural et de la pêche maritime y est d’ores et déjà consacré.

La rédaction que vous proposez n’apporte pas d’élément supplémentaire au droit existant. Elle peut, en revanche, introduire une incertitude quant au rôle qui serait dévolu aux acteurs, au sein de ces projets, sur la fixation des critères de marché public.

Cette dernière relève strictement de la responsabilité du donneur d’ordre, collectivité ou État. Je préfère donc que les deux sujets restent distincts dans le code précité, même s’ils ont vocation, dans les faits, à s’articuler entre eux.

Je demande par conséquent le retrait de cet amendement. À défaut, je me verrais contrainte d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Madame Deromedi, l’amendement n° 12 rectifié est-il maintenu ?

Mme Jacky Deromedi. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je le mets donc aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 228 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 203
Pour l’adoption 200
Contre 3

Le Sénat a adopté.

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation
Article 1er bis

Article additionnel après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Desplan, Cornano, J. Gillot, Antiste et S. Larcher, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le dixième alinéa de l’article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« – le label RUP en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et Saint-Martin ; ».

La parole est à M. Serge Larcher.

M. Serge Larcher. Cette proposition de loi vient fort justement répondre aux légitimes attentes de nos concitoyens en encourageant ce sursaut responsable que nous appelons le « manger local ».

Elle correspond bien à des besoins locaux. Dans le cas des Antilles, où l’agriculture tient une place prépondérante dans le PIB, les enjeux sont réels. En effet, les lieux de restauration collective sont des niches essentielles pour écouler des produits de nos agriculteurs et pour promouvoir l’éducation à une consommation locale des jeunes générations.

Le besoin de développement des modes de consommation plus durables se fait également jour à l’échelon international.

Cette proposition de loi participe donc à l’exercice global de notre responsabilité écologique, économique et sociale.

Cela étant, il est une question d’ordre régional que je souhaite en cet instant porter à votre connaissance, mes chers collègues. Elle concerne l’ensemble des régions ultrapériphériques et par conséquent les territoires ultramarins.

Chez nous, comme partout, et peut-être même encore plus qu’ailleurs, compte tenu de la cherté de la vie, la course au moindre coût définit les choix de consommation. De surcroît, nous sommes confrontés, que ce soit dans le bassin caribéen ou dans l’océan Indien, à de forts différentiels de compétitivité.

L’ambition annoncée de cette proposition de loi de « créer un environnement juridique favorisant l’ancrage territorial de l’alimentation » ne doit pas faire abstraction du cadre européen, qui définit pour beaucoup notre paysage. En effet, nous subissons les effets pervers des accords commerciaux de l’Union européenne avec des pays voisins de nos bassins, ce qui constitue une menace supplémentaire pour nos productions locales.

À nos « contraintes particulières », que le rapport du Gouvernement prévu à l’article 1er bis devra prendre en considération, je souhaite donc ajouter ces difficultés spécifiques.

Celles-ci ont des effets dévastateurs sur nos producteurs locaux, qui subissent une concurrence déloyale venant de pays voisins qui ne sont pas soumis aux mêmes normes sociales, sanitaires et environnementales. Si nous laissons nos marchés être inondés de produits à moindre coût dits « locaux », comment préserver nos producteurs ? Et comment garantir une consommation responsable ? J’espère que ces effets désastreux seront pris en compte dans le cadre de la définition d’un ancrage territorial de l’alimentation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Joël Labbé, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’ajouter à la liste des signes d’origine et de qualité ainsi que des mentions valorisantes, laquelle figure à l’article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime, le label européen RUP, c’est-à-dire région ultrapériphérique de l’Union européenne.

La liste concerne uniquement des sigles ou mentions « nationales », alors que le label RUP découle d’un texte européen. De plus, ce label peut être décerné à des RUP non françaises, comme les Canaries, Madère ou les Açores. Juridiquement, je suis donc circonspect sur la valeur de cet amendement.

C’est pourquoi la commission émet un avis de sagesse.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État. Je suis favorable à cet amendement, à condition que lui soit apportée une modification, qui me paraît essentielle. Comme le label en cause vise les RUP, il importe de ne pas cibler seulement les RUP françaises. Il conviendrait donc de retirer la mention des départements d’outre-mer pour ne conserver que le label RUP, et ce afin de nous conformer au droit européen.

M. le président. Monsieur Larcher, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par la commission ?

M. Serge Larcher. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 5 rectifié bis, présenté par MM. Desplan, Cornano, J. Gillot, Antiste et S. Larcher, ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le dixième alinéa de l’article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« – le label RUP ; ».

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement ainsi rectifié ?

M. Joël Labbé, rapporteur. Au vu de cette rectification et de l’avis favorable du Gouvernement, la commission émet également un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.

Article additionnel après l'article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation
Article 2 (Texte non modifié par la commission)

Article 1er bis

Au plus tard le 1er janvier 2017, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux moyens permettant la mise en œuvre de l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime. Il présente notamment une évaluation des moyens supplémentaires nécessaires aux gestionnaires de la restauration collective de l’État, ainsi qu’aux collectivités territoriales et aux établissements publics, pour accroître la part des produits relevant de l’alimentation durable dans leur approvisionnement. Il tient compte des caractéristiques et des contraintes particulières aux outre-mer.

M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Vasselle et Kennel, Mmes Cayeux, Lamure, Gruny et Procaccia, MM. Charon, Lefèvre, D. Laurent et P. Leroy, Mme Hummel, MM. Milon, Longuet et Mouiller, Mmes Giudicelli et Deromedi, M. Houel, Mme Primas et M. Pointereau, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Cet amendement se justifie par son texte même.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Joël Labbé, rapporteur. Pour la bonne mise en œuvre de l’obligation figurant à l’article 1er, le rapport au Gouvernement prévu par le présent article nous semble indispensable. La commission émet par conséquent un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État. Sagesse.

Mme Catherine Procaccia. Mme la secrétaire d’État sait quel est le sort des rapports…

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 15 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Mandelli, Mme Garriaud-Maylam, MM. Kennel, Lenoir, Pierre et Morisset, Mmes Canayer, Morhet-Richaud et Di Folco, MM. Cardoux, Trillard et Mayet, Mme Imbert, MM. Emorine, Vaspart, Cornu, Bizet, Chasseing, Pointereau, Rapin, Bouchet, Longuet, Pellevat, Milon, Vasselle, G. Bailly, Bonhomme et Calvet, Mme Estrosi Sassone, M. Mouiller, Mme Deromedi, MM. Grand et Raison, Mme Lopez et M. P. Leroy, est ainsi libellé :

Deuxième phrase

Remplacer les mots :

nécessaires aux gestionnaires de la restauration collective de l’État, ainsi qu’aux collectivités territoriales et aux établissements publics, pour accroître la part des produits relevant de l’alimentation durable dans leur approvisionnement

par les mots :

que les gestionnaires de la restauration collective de l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics devront mettre en place

La parole est à Mme Jacky Deromedi.

Mme Jacky Deromedi. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec l’amendement visant à la réécriture de l’alinéa 2 de l’article 1er adopté le 9 mars dernier, et tendant à la reconnaissance de la nécessité de valoriser des produits et des modes de production relevant de savoir-faire particuliers et propres aux territoires et à l’inclusion des produits issus d’un approvisionnement de proximité.

Nous avons également supprimé la notion d’agriculture durable et la définition qui en était implicitement donnée dans cet article, considérant que cette notion posait de sérieux problèmes, dès lors qu’elle ne reposait sur aucune assise juridique et qu’elle excluait arbitrairement des pans entiers de l’agriculture française. Au contraire, nous considérons que les différentes filières de production doivent être appréhendées dans leur complémentarité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Joël Labbé, rapporteur. C’est un amendement de cohérence avec la nouvelle rédaction de l’article 1er, issue de l’adoption de l’amendement n° 14 rectifié. La commission émet par conséquent un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis, modifié.

(L'article 1er bis est adopté.)

Article 1er bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation
Article 3 (Texte non modifié par la commission)

Article 2

(Non modifié)

L’article L. 230-3 du même code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) La première phrase est complétée par les mots : « , en particulier en matière de développement des circuits courts et de proximité » ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :

« Il veille au respect de l’article L. 230-5-1, en lien avec les observatoires régionaux des circuits courts et de proximité existants. » ;

3° Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il élabore des outils méthodologiques à destination des organismes publics et privés du secteur de la restauration collective, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de l’article L. 230-5-1. »

M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Labbé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Il évalue la mise en œuvre de l’article L. 230-5-1, en lien avec les services déconcentrés de l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics intéressés. » ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Joël Labbé, rapporteur. On ne peut qu’être favorable à ce que l’Observatoire de l’alimentation soit chargé de définir à l’échelon national des outils d’accompagnement des gestionnaires de services de restauration collective.

Le rôle d’un observatoire ne peut cependant consister à veiller au respect d’une obligation. En revanche, cet organisme a indéniablement une mission d’évaluation à jouer dans la mise en œuvre de l’obligation prévue à l’article 1er, et cette évaluation ne peut se faire qu’en lien avec les collectivités concernées.

Le présent amendement a donc pour objet de prévoir que l’observatoire évalue la mise en œuvre des dispositions de l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime, en lien avec les services de l’État et des collectivités territoriales concernées. Il conviendra, à cet effet, que ces derniers fassent effectivement remonter à l’observatoire les données quantitatives et qualitatives relatives à leur activité de restauration collective.

La rédaction proposée permet d’inclure dans ce dispositif d’évaluation les observatoires existant dans certaines régions, sans pour autant les consacrer au niveau législatif, dans la mesure où ils ont des statuts juridiques variables, ni imposer leur mise en place dans chaque région.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation
Article 3 bis (Texte non modifié par la commission)

Article 3

(Non modifié)

I. – L’article L. 111-2-1 du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, à la dernière phrase du deuxième alinéa, à la première phrase du quatrième alinéa et au cinquième alinéa, le mot : « durable » est remplacé par les mots : « et de l’alimentation durables » ;

2° Au premier alinéa, le mot : « agro-industrielle » est remplacé par le mot : « alimentaire » ;

2° bis Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ce plan définit les circuits de proximité adaptés aux spécificités territoriales et aux besoins de la région. » ;

3° Au troisième alinéa, après le mot : « représentatives », sont insérés les mots : « et les comités régionaux pour l’alimentation ».

II. – A. – À la première phrase de l’avant-dernier alinéa du III de l’article L. 1, au deuxième alinéa de l’article L. 111-2-2, à la première phrase du 1° de l’article L. 180-1, à la fin de la seconde phrase du I de l’article L. 312-1, au 3° de l’article L. 315-2 et à la première phrase du second alinéa de l’article L. 511-14 du même code, le mot : « durable » est remplacé par les mots : « et de l’alimentation durables ».

B. – À la quatrième phrase de l’article L. 425-1 et au 1° du II de l’article L. 515-3 du code de l’environnement, le mot : « durable » est remplacé par les mots : « et de l’alimentation durables ».

II bis. – Les I et II de l’article L. 180-2 du code rural et de la pêche maritime sont ainsi modifiés :

1° Au premier alinéa du 1° et au 2°, les mots : « deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « troisième alinéa » ;

2° Au 3°, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;

3° Au 4°, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième ».

III. – Au 3° des I et II de l’article L. 180-2 du code rural et de la pêche maritime, après le mot : « représentatives », sont insérés les mots : « et les comités régionaux pour l’alimentation ».

IV. – Les plans régionaux de l’agriculture durable arrêtés dans la période comprise entre le 14 octobre 2014 et l’expiration d’un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi sont révisés avant le 1er janvier 2020 pour y intégrer les actions relatives à la politique de l’alimentation.

M. le président. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Mandelli, Mme Garriaud-Maylam, MM. Kennel, Pierre et Morisset, Mmes Canayer, Morhet-Richaud et Di Folco, MM. Cardoux, Trillard et Mayet, Mme Imbert, MM. Emorine et Mouiller, Mme Deromedi, MM. Grand et Raison, Mme Lopez, M. P. Leroy, Mme Estrosi Sassone et MM. Calvet, Bonhomme, G. Bailly, Vasselle, Milon, Pellevat, Longuet, Lenoir, Bouchet, Chasseing, Bizet, Cornu, Vaspart, Rapin et Pointereau, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

II. – Alinéas 7 et 8

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Jacky Deromedi.

Mme Jacky Deromedi. Il s’agit de supprimer, par cohérence avec la rédaction que nous avons adoptée le 9 mars dernier, la notion d’alimentation durable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Joël Labbé, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Joël Labbé, rapporteur. Tout à l’heure, j’ai donné la position de la commission, mais, à titre personnel, je suis l’avis du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 13 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Mandelli, Mme Garriaud-Maylam, MM. Kennel, Pierre et Morisset, Mmes Canayer, Morhet-Richaud et Di Folco, MM. Cardoux, Trillard et Mayet, Mme Imbert, MM. Emorine et Mouiller, Mme Deromedi, MM. Grand et Raison, Mme Lopez, M. P. Leroy, Mme Estrosi Sassone, MM. Calvet, Bonhomme, Vasselle, Milon, Pellevat, Longuet, Bouchet, Lenoir, Chasseing, Bizet, Cornu, Vaspart, Rapin et Pointereau, Mme Primas et M. G. Bailly, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° Au premier alinéa, après le mot : « agricole », est inséré le mot : « , alimentaire, » ;

La parole est à Mme Jacky Deromedi.

Mme Jacky Deromedi. La rédaction de l’alinéa 3 de l’article 3 aboutirait à faire disparaître de la mission du plan régional toute action en matière de politique agro-industrielle. Or il n’est pas opportun d’opposer la compétence « alimentation » à la compétence « agro-industrie », qui ne recouvre pas tout à fait le même champ d’application.

C’est la raison pour laquelle le présent amendement vise à maintenir les compétences actuelles du plan régional de l’agriculture durable, le PRAD, en matière de politiques agricole, agroalimentaire et agro-industrielle, tout en y ajoutant une compétence en matière alimentaire.

M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Labbé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° Au premier alinéa, les mots : « agroalimentaire et agro-industrielle » sont remplacés par les mots : « alimentaire et agroalimentaire » ;

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n°13 rectifié.

M. Joël Labbé, rapporteur. Il s’agit seulement d’intervertir les termes dans les orientations fixées par ce qui va devenir, si le présent texte est voté, le plan régional de l’agriculture et de l’alimentation durables, le PRAAD : il y a d’abord, la politique agricole, ensuite, la politique alimentaire et, enfin, la politique agroalimentaire.

Cela dit, la proposition de loi tend à supprimer la notion de politique agro-industrielle, ses auteurs estimant qu’elle est en réalité incluse à la fois dans la politique agroalimentaire et dans la politique alimentaire. Or l’amendement n° 13 rectifié a pour objet de la rétablir.

Il est vrai que cette notion reste présente dans d’autres parties du code rural et de la pêche maritime. Par cohérence, on pourrait donc la replacer ici.

La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, sous réserve de sa rectification, afin que soit prise en considération la modification prévue par l’amendement n° 19 qu’elle a elle-même présenté. Cette rectification ayant été apportée, je retire l’amendement n° 19 au profit de l’amendement n° 13 rectifié.

M. le président. L’amendement n° 19 est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 13 rectifié ?

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État. Je suis favorable à l’ajout de la notion d’alimentation dans les PRAD, aux côtés de l’agriculture et de l’agroalimentaire.

Je suis donc défavorable à cet amendement. En effet, les termes « agroalimentaire » et « agro-industriel » sont redondants. Pour ma part, je préfère le mot « agroalimentaire », qui est plus englobant.

Pour autant, je l’affirme, il n’est en aucun cas question d’opposer les types d’agriculture entre eux dans ce texte.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Joël Labbé, rapporteur. Encore une fois, je suis astreint à un exercice extrêmement difficile pour moi… (Sourires.)

À titre personnel, je vais suivre l’avis du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Labbé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéas 4 et 5

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

bis Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « des régions » sont remplacés par les mots : « de la région » ;

b) Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Il promeut le développement de circuits d’approvisionnement de proximité dans la région. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Joël Labbé, rapporteur. On peut s’interroger sur le rôle de « définition » de circuits de proximité adaptés aux spécificités territoriales et aux contraintes de la région qui est confié à ce qui va devenir le PRAAD. Il semble en effet peu réaliste que celui-ci définisse de manière autoritaire des circuits que les acteurs locaux bâtiront de manière pragmatique, et qui seront nécessairement appelés à évoluer au gré des besoins.

En revanche, il est tout à fait souhaitable que le plan promeuve le développement de circuits de proximité en matière d’approvisionnement. Il est par ailleurs superfétatoire de préciser que ces circuits seront adaptés aux spécificités territoriales et aux besoins de la région, puisque c’est bien aujourd’hui l’objectif du PRAD et, demain, du PRAAD, que de prévoir des objectifs adaptés à chaque région.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Labbé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

les comités régionaux pour l’alimentation

par les mots :

le comité régional pour l’alimentation

La parole est à M. le rapporteur.

M. Joël Labbé, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Dans chaque région est arrêté un PRAAD. Seul le comité pour l'alimentation de la région concernée interviendra donc dans l'élaboration du PRAAD. Aussi, le singulier s'impose.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 22 rectifié, présenté par M. Labbé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

II bis - Au 2° du I de l'article L. 180-2 du code rural et de la pêche maritime, la première occurrence du mot : “deuxième” est remplacée par le mot : “troisième”.

II. – Alinéas 10 à 12

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Joël Labbé, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l'amendement n° 20. Ce dernier procédant à une insertion dans un alinéa existant, et non à la création d'un nouvel alinéa, certaines des dispositions du II bis du présent article deviennent sans objet et doivent être supprimées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation
Article 4 (Texte non modifié par la commission)

Article 3 bis

(Non modifié)

Après le 1° de l’article L. 512-2 du même code, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis Elle concourt, conjointement avec les autres acteurs du territoire, en particulier les représentants des organismes nationaux à vocation agricole et rurale, à l’appui et à l’accompagnement de projets et au développement d’outils ayant pour objectif de favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation et des filières alimentaires, notamment des projets alimentaires territoriaux prévus à l’article L. 111-2-2, et contribue à la réalisation de l’objectif fixé à l’article L. 230-5-1 ; ».

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. Labbé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

la réalisation de l’objectif fixé à

par les mots :

la mise en œuvre de

La parole est à M. le rapporteur.

M. Joël Labbé, rapporteur. C’est un amendement de coordination rédactionnelle. Les termes « mise en œuvre » de l'article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime, figurant à l'article 1er bis, sont repris.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3 bis, modifié.

(L'article 3 bis est adopté.)

Article 3 bis (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation
Article 5 (supprimé)

Article 4

(Non modifié)

À la première phrase du cinquième alinéa de l’article L. 225-102-1 du code de commerce, après le mot : « durable », sont insérés les mots : « , de l’alimentation durable ».

M. le président. L'amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Mandelli, Mme Garriaud-Maylam, MM. Kennel, Pierre et Morisset, Mmes Canayer, Morhet-Richaud et Di Folco, MM. Cardoux, Trillard et Mayet, Mme Imbert, MM. Emorine et Mouiller, Mme Deromedi, MM. Grand et Raison, Mme Lopez, M. P. Leroy, Mme Estrosi Sassone et MM. Calvet, Bonhomme, G. Bailly, Vasselle, Milon, Pellevat, Longuet, Bouchet, Chasseing, Bizet, Cornu, Vaspart, Rapin, Pointereau et Lenoir, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Jacky Deromedi.

Mme Jacky Deromedi. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec l'amendement portant sur l'alinéa 2 de l’article 1er.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Joël Labbé, rapporteur. Par cohérence avec les autres amendements qui ont pour objet de supprimer la notion d’alimentation durable, le présent amendement vise à supprimer l’obligation de faire figurer dans le rapport annuel des sociétés des éléments relatifs à leur action en matière d’alimentation durable.

La commission, estimant qu’il n’y avait pas lieu d’imposer cette contrainte nouvelle aux entreprises, a donné un avis favorable sur cet amendement.

Vous l’aurez compris, là encore, je me dissocierai de cette position à titre personnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État. Je suis défavorable à cet amendement, parce que je suis pour l’inclusion de cet objectif dans la responsabilité sociétale des entreprises, la RSE. Il s’agit non pas d’une contrainte supplémentaire, mais, au contraire, d’une opportunité pour les entreprises de valoriser les efforts qu’elles peuvent faire en matière d’approvisionnement local et de qualité dans la restauration collective. Je ne vois donc aucun inconvénient à l’adoption de cet article en l’état.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 229 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 200
Contre 142

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l'article 4 est supprimé.

Article 4 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 5

(Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le code de la consommation est ainsi modifié :

1° À l’intitulé de la section 10 bis du chapitre Ier du titre II du livre Ier, le mot : « commerciale » est supprimé ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 121-82-1, après le mot : « commerciale », sont insérés les mots : « , de restauration collective ».

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. L’extension de la mention « fait maison » à la restauration collective permettra de mieux valoriser auprès de leurs convives les efforts mis en œuvre par les services de restauration collective pour proposer des plats de qualité travaillés à partir de produits bruts. Cette mention a toute sa place en restauration collective, même si elle répond à d’autres considérations que dans la restauration commerciale, où elle constitue un outil de différentiation concurrentielle.

Cet amendement a donc pour objet de rétablir l’article 5, tout en apportant au dispositif initial une coordination pour élargir au-delà de la restauration commerciale l’intitulé de la section du code de la consommation dans laquelle s’insère l’article L. 121-82-1.

Cependant, pour être pleinement effective, cette disposition nécessitera une modification de l’article D. 121-13-2 du code précité, afin de permettre d’apposer la mention « fait maison » dans les restaurants collectifs où sont servis des produits préparés dans une cuisine centrale.

À défaut, de nombreuses cantines scolaires, notamment dans les grandes agglomérations, ne pourraient valoriser les plats préparés à partir de produits bruts. Les dispositions actuelles de l’article L. 121-82-1 renvoyant déjà à un décret, il n’est pas nécessaire de le préciser dans le cadre de cette nouvelle disposition, mais il incombera au Gouvernement de prendre cette mesure d’application.

En résumé, nous souhaitons rétablir la mention « fait maison » dans la restauration collective, avec toutes les subtilités administratives nécessaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Joël Labbé, rapporteur. L’article 5 prévoyait la possibilité pour les restaurants collectifs de bénéficier, s’ils le souhaitaient, de la mention « fait maison ».

La commission l’avait supprimé, considérant que cette mention devait être réservée à la restauration commerciale. Par cohérence, elle émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Personnellement, je dirai : quel dommage !

Pour avoir auditionné, outre les élus impliqués, des responsables de la restauration collective, j’ai pu mesurer la fierté que ceux-ci ressentent à renouer avec leur métier de cuisinier. La disposition proposée est un moyen de les mettre en avant et de valoriser leur activité, en cohérence avec la promotion de l’ancrage territorial de l’alimentation.

À titre personnel, je suis par conséquent favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

Martine Pinville, ma collègue chargée de la consommation, y est aussi favorable. Selon ses services, il est possible d’adapter le décret d’application relatif au « fait maison » aux contraintes spécifiques et aux besoins de la restauration collective.

Je ne vois pas d’inconvénient à cette disposition dans la mesure où les professionnels de la restauration collective ne s’y opposent pas de leur côté.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

M. Claude Bérit-Débat. Les membres du groupe socialiste et républicain sont très favorables à cet amendement.

C’est une mention que Martial Bourquin et moi-même avons soutenue tout au long des débats qui ont conduit à sa création, et ce soutien est même assez ancien.

J’aurais pu apporter deux mails que j’ai reçus de responsables de la restauration collective de deux petites communes de la Dordogne, Marsaneix et Mussidan. Ces personnes m’ont fait savoir que les cuisiniers travaillant dans ces restaurants scolaires étaient effectivement très fiers de cuisiner des produits ayant un ancrage territorial et s’inscrivant dans les 40 % requis par le présent texte. Ils respectent également les 20 % de produits issus de l’agriculture biologique.

Cela dit, je regrette profondément la dénaturation d’une proposition de loi que je soutenais à l’origine.

M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet, pour explication de vote.

M. Henri Tandonnet. J’ai une position inverse, bien que je sois également responsable dans ma commune d’une cantine disposant sur place d’une cuisinière et servant à peu près cent repas par jour.

La mention « fait maison » a déjà fait l’objet de longs débats lorsque nous avons voulu la mettre en place pour la restauration artisanale de qualité. À mon sens, l’adoption de cet amendement conduirait à édulcorer le dispositif élaboré pour la restauration artisanale et à introduire une certaine confusion.

De plus, je me vois mal, accompagnant mes petits-enfants à l’école, leur dire qu’ils vont manger des plats « faits maison » à la cantine. Ils risquent d’être un peu dépassés par la logique de la chose. Que diront-ils le soir, en rentrant à la maison, si on leur sert des plats achetés prêts à consommer ?

Au sujet de la restauration collective, je veux livrer mon expérience. Sur mon territoire, je suis responsable de l’Agropole d’Agen, une technopole spécialisée dans l’agroalimentaire, qui représente 2 000 emplois, et qui abrite notamment une usine de produits traiteurs. Je ne vois pas de grosse différence entre les plats cuisinés de qualité que celle-ci fournit et les plats que proposent les restaurants collectifs dotés d’une cuisine centrale.

Il est clair, mes chers collègues, que vous avez des difficultés à mettre en place votre notion de « fait maison » puisque vous expliquez qu’il va falloir l’étendre à la restauration collective.

Je pense que nous nous exposons à des confusions. De plus, il est dommage d’édulcorer cette mention « fait maison ».

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Les réalités sont complètement différentes selon les communes.

Dans la commune où j’ai exercé le mandat d’adjoint au maire à l’enseignement, on distribuait 4 000 repas par jour – je ne parle que de l’enseignement primaire, à l’exclusion des collèges et lycées – et il existait deux types de restauration. Dans certaines écoles, la cuisine était faite sur place et dans d’autres, on pratiquait la liaison froide faute d’espace suffisant pour abriter des cuisines, ce qui arrive dans les villes au tissu urbain très dense.

C’est dire qu’il existe de vraies différences au sein d’une même ville, alors que les responsables des collectivités n’ont pas les moyens de faire autrement. Au sein du département, à l’échelon des collèges, il se passe exactement la même chose dans une commune qui comporte deux ou trois collèges.

La réalité des grandes communes, c’est que l’on va y opposer ceux qui essayent de pratiquer le « fait maison » et les autres.

Tout cela ne me paraît pas bon pour les responsables des collectivités qui proposent de la restauration collective aux enfants et aux jeunes.

Quant aux pensionnaires des maisons de retraite mécontents de ce qu’ils mangent, s’ils viennent à découvrir qu’ils consomment du « fait maison », je ne suis pas sûre que cela suffise pour revaloriser auprès d’eux la restauration proposée par l’établissement !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Joël Labbé, rapporteur. La cuisine « fait maison » et la cuisine préparée de façon industrielle, ce n’est pas la même chose ! Il faut faire la différence !

Sans pointer du doigt les questions de qualité, sanitaire ou autres, je tiens à rappeler que la présente proposition de loi vise à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation, lequel est en lien direct avec la cuisine sur place. Cela reste une petite part de l’industrie agroalimentaire, mais il me paraît extrêmement important de mettre l’accent sur ce point !

L’auteur de ce texte, Brigitte Allain, qui assiste à cette séance et que je tiens à saluer, avait justement visé cet axe pour faire en sorte que l’ancrage soit global. Elle avait retenu cette qualification « fait maison ».

Nous avions d’ailleurs initialement travaillé avec le ministre Benoît Hamon pour la reconnaissance de cette mention « fait maison » à l’échelon des restaurants.

Le décret d’application a été rédigé de telle sorte que la notion « fait maison » était trop générale. Par la suite, sur l’initiative de Carole Delga, un décret est revenu sur cette notion, lui donnant une définition beaucoup plus restrictive. Le constat que l’on peut faire, c’est que trop peu de restaurants apposent la mention et mettent en valeur le « fait maison ».

En réintroduisant cette notion en restauration collective publique, je pense que nous lui redonnerions du sens.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 5 est rétabli dans cette rédaction.

Vote sur l'ensemble

Article 5 (supprimé)
Dossier législatif : proposition de loi visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Michel Le Scouarnec, pour explication de vote.

M. Michel Le Scouarnec. Comme nous l’avons précisé au cours de la discussion générale voilà déjà quelque temps, ce texte reprend les préoccupations du groupe CRC. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion de défendre celles-ci à maintes reprises par voie d’amendements lors des débats sur la loi de modernisation de l’agriculture ou de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt : nous défendons la qualité de notre alimentation et des repas servis dans la restauration collective, ainsi que la relocalisation des productions agricoles.

Nous avons souligné les limites de cette proposition de loi, au regard de l’accès au foncier, des politiques d’installation ou de reconversion des agriculteurs, des outils de planification, ou encore de l’étiquetage.

Toutefois, nous voterons en faveur de ce texte, car il va dans le bon sens.

Un taux de 40 % de produits issus d’approvisionnement en circuits courts, de proximité ou répondant à des critères de développement durable, comme la saisonnalité des produits, dans les restaurants collectifs gérés par les collectivités territoriales et les établissements publics, c’est très positif.

Cependant, nous regrettons la suppression de l’obligation de 20 % de produits issus de l’agriculture biologique pour la composition de ces mêmes repas.

En effet, nous pensons que 20 % de bio en restauration collective, c’est possible. Dans le Morbihan, de nombreuses expériences démontrent que ce n’est pas forcément plus cher. Les légumes bio locaux ne sont pas plus onéreux que des légumes conventionnels provenant de grossistes.

D’après une société de restauration qui propose 40 % de bio dans une collectivité morbihannaise, le surcoût du bio représente 0,14 centime d’euro par repas – soit 2 % –, mais entraîne des économies, à plus longue échéance, en termes d’externalités positives.

Ces initiatives locales, soutenues par de nombreuses collectivités volontaires, doivent être encouragées et promues à l’échelon national.

C’est le sens de cette proposition de loi que nous allons, je le répète, voter.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Le groupe socialiste et républicain s’abstiendra, à regret, sur cette proposition de loi.

Autant nous partageons les objectifs initiaux de ce texte, qui, rappelons-le, avait été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale, autant nous regrettons les reculs qui ont été opérés par le Sénat.

Parmi ces reculs, notons la suppression de l’objectif d’intégration de 20 % de produits issus de l’agriculture biologique dans les repas, l’assouplissement de l’article 1er avec la suppression de l’objectif de 40 % de produits relevant de l’alimentation durable au 1er janvier 2020, remplacé par un objectif certes intéressant, mais, à notre sens, moins-disant, ou encore la suppression de la possibilité d’afficher le label « fait maison » dans les établissements de restauration collective, faculté que nous avons rétablie.

Je tiens pourtant à rappeler l’objectif fixé par le Président de la République d’atteindre 40 % de produits de proximité dans la restauration collective, ou encore les démarches engagées par Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, pour encourager les circuits courts, via notamment la publication d’un guide à l’attention de tous les maires en décembre 2014, guide qui a été très apprécié.

Nous aurions souhaité qu’un consensus, tel que celui qui a été trouvé à l’Assemblée nationale, se dégage au Sénat, particulièrement sur un sujet qui, je vous le rappelle, mes chers collègues, concerne notamment la question de l’alimentation de nos enfants !

Malheureusement, nos collègues de la majorité sénatoriale en ont décidé autrement, et j’exprime en cet instant, au nom du groupe socialiste et républicain, un certain regret quant à la teneur des débats qui se sont déroulés au début de l’examen de ce texte, au mois de mars.

Concernant le bio en France, nous avons entendu, venant de la droite de cet hémicycle, l’expression d’un refus.

Alors, bien entendu, il ne faut pas opposer l’agriculture conventionnelle à l’agriculture biologique ou durable !

Oui, nous devons préserver notre agriculture dans sa diversité, une agriculture productive et compétitive !

Pour autant, il ne faut pas, mes chers collègues, minimiser la nécessité de développer les filières durables en France, à commencer par le bio, ne serait-ce que pour répondre à une attente sociétale forte.

Notre abstention s’impose donc, car si ce texte ressort amoindri du Sénat – ce que nous regrettons –, il conserve néanmoins encore certains objectifs nécessaires dans la loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean Desessard applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Les écologistes sont déçus. Ce texte était en effet destiné à nous rassembler autour d’éléments consensuels : une meilleure alimentation, plus saine, moins énergivore ; une activité plus soutenue de nos producteurs de proximité ; les générations futures, car produire plus proche et plus propre, c’est conserver pour nos enfants des sols vivants et des nappes phréatiques en bon état.

Lors de l’examen de ce texte rassembleur et de bon sens, certains ont voulu, une fois de plus, s’en prendre à l’objectif d’accroître le bio, comme si, à chaque fois qu’on défendait le bio, on faisait insulte à ceux qui, par le passé, n’avaient pas pu pratiquer cette technique !

Il va falloir que nous ayons une explication amicale sur ce point. Le respect des paysans, c’est aussi leur donner en perspective des voies de produire avec une vraie compétitivité, c'est-à-dire sans qu’ils mettent tout leur argent dans les pesticides, et éviter que la mutualité sociale agricole, la MSA, ne consacre tous ses fonds au traitement des cancers induits. Et nous pourrions nous rassembler !

Nous réfutons vos arguments, mes chers collègues. Vous brandissez le manque de bio en France. Or notre pays vient de passer troisième producteur d’Europe, avec 49 % de surfaces agricoles utiles et une progression de 17 %. J’ajoute que 3 milliards de repas sont à portée de main.

Vous vous faites peur avec le coût pour les communes. Les exemples prouvent pourtant le contraire ! Les pratiques évoluent, la réduction du gaspillage, sur laquelle vous êtes d’accord, est un gisement d’économies phénoménales ! Et plus nous consommerons bio, plus les prix baisseront.

Vous avez fusionné les critères proximité, qualité, bio. Vous avez repoussé l’évolution vers moins de pesticides dans les assiettes. Dommage ! Vous y viendrez, mais vous nous aurez fait perdre du temps et vous aurez ajouté quelques tonnes de pesticides supplémentaires dans la nature et – hélas ! – dans le sang de nos enfants !

Nous nous abstiendrons donc, et c’est une abstention d’auteurs déçus, frustrés, tristes.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Je veux d’abord exprimer un motif de satisfaction : je le constate, nous sommes tous dans cette enceinte pour l’ancrage territorial de l’alimentation. À cet égard, je veux saluer l’initiative de Mme Brigitte Allain, député écologiste, l’auteur de cette proposition de loi, laquelle montre tout l’intérêt qu’il y avait à affirmer le besoin d’un ancrage territorial pour l’alimentation.

Cela étant, je voudrais lancer à mes collègues un appel à la cohérence. On ne peut pas, au détour de l’examen d’une proposition de loi, se dire défenseur de la proximité et, à d’autres moments, parce qu’il faut défendre nos industriels qui doivent exporter, être très peu regardant sur la traçabilité ! On ne peut pas, d’un côté, afficher son attachement à l’environnement, et, de l’autre côté, au nom d’intérêts économiques industriels importants, défendre le non-étiquetage et la non-traçabilité.

Je rejoins la position de Mme Blandin et de M. Bérit-Débat. Je suis déçu qu’on ne s’engage pas résolument sur la voie du bio. On me rétorquera que je suis parisien et que je ne connais pas les problèmes des agriculteurs. Eh bien si, je les connais ! Et en tant que parisien, je constate le nombre croissant des magasins bio. Je pourrais vous citer des quartiers disposant maintenant de deux ou trois magasins bio alors qu’il n’y avait aucun auparavant. La tendance n’est pas au bio ? Ce n’est pas en ville qu’on consomme bio ? Je voudrais bien que l’on m’explique comment les agriculteurs traditionnels vont s’en sortir s’ils ne jouent pas un jour la carte de la qualité, qui est celle du bio !

Alors que cette proposition de loi avait été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, il est dommage que la majorité sénatoriale lui ait donné une couleur tout autre que le vert ! (Sourires.)

Chers collègues, vous auriez pu rester dans la note du vert, de la qualité, du respect des paysages, des sols, des nappes phréatiques, tout en assurant une alimentation de qualité et une proximité.

Comme les deux orateurs précédents, c’est à grand regret que je ne vais pas voter cette proposition de loi, qui ne comporte plus le signe témoignant de notre volonté d’une dynamique différente pour l’agriculture.

Nous nous abstiendrons, mais en espérant que la navette permettra à la proximité figurant dans ce texte de se maintenir jusqu’au bout et assurera le rétablissement du critère bio dans les cantines.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Je ne peux pas laisser Mme Blandin et M. Desessard nous accuser de vouloir mettre davantage de pesticides dans les assiettes ! Vous le comprendrez, je trouve cela un peu excessif !

Le groupe Les Républicains souhaite, comme tout le monde, que l’alimentation, qu’elle soit collective ou privée, soit meilleure et plus saine.

Simplement, nous avons eu une approche quelque peu pragmatique. En tant qu’élue de la région parisienne, je puis dire que ce texte contenait des dispositions sans doute tout à fait applicables et sans aucune difficulté dans les territoires ruraux, mais absolument impossibles à mettre en œuvre dans une métropole – la métropole parisienne, par exemple - où la proximité n’existe pas. S’il faut faire venir des produits bio de l’autre bout de la France ou d’ailleurs, je ne suis pas certaine que cela soit forcément la bonne solution.

Cette proposition de loi représente un certain progrès. Les membres du groupe Les Républicains la voteront. Même si l’accord n’est pas complet, il est ébauché. Je ne veux pas laisser dire que mon groupe a laissé démolir ce texte !

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Le groupe UDI-UC votera très majoritairement ce texte, d’abord, parce que celui-ci a évolué, ensuite, parce qu’il faut faire confiance au bon sens des élus territoriaux, notamment en ce qui concerne la restauration collective.

En effet, un examen attentif fait apparaître que nombre d’élus inscrivent dans leur charte des notions qui obligent à la proximité.

Je suis moi-même maire d’une commune où nous avons fait en sorte que, sur les dix-neuf lignes de produits qui font l’objet d’un appel d’offres, tous les produits proviennent de régions très proches, la plus éloignée étant la Bretagne ! Et nous avons de très bons produits bretons !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Joël Labbé, rapporteur. La tâche a été très compliquée pour moi. Je veux saluer la commission et son président, qui ont osé me désigner comme rapporteur, m’accordant ainsi cette responsabilité. J’avais dit publiquement que je ferais tout pour être à la hauteur et pour essayer de trouver un consensus.

J’ai beaucoup apprécié de travailler avec les services du Sénat, notamment avec les administrateurs. L’organisation des auditions n’était pas facile. Nous avons bien œuvré.

Nous nous sommes déplacés dans le Morbihan. Y compris dans ce département que je connais bien pour en être l’élu, j’ai appris des choses sur ce qui se pratiquait, constatant l’allant qu’on y mettait ! J’ai mesuré combien était forte l’attente de nous voir légiférer sur le sujet, et ce sur un mode très soft. Et ce texte est soft.

Pour avoir auditionné au Sénat différents partenaires venus de tout le territoire, je peux dire qu’il se passe des choses vraiment extraordinaires ! Partout où les élus et les personnels de cuisine ont une démarche positive, les choses fonctionnent.

J’avais discuté avec Brigitte Allain, l’auteur de ce texte, mesuré, voté à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Dans ma recherche du consensus, j’avais fait des concessions. Ainsi, concession qui a été retenue, l’application de l’article 1er aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2020, ou encore l’inclusion des terres en conversion vers l’agriculture biologique qui donnait aussi un sens à la conversion. De toute façon, on ne pourra pas empêcher la conversion. Elle est en train de se produire, et en masse, au point que les pouvoirs publics vont avoir du mal à suivre !

Cela étant, dans notre pays – pourtant riche –, de plus en plus victime d’une certaine forme de désespérance, les gens ne savent plus très bien où ils en sont. Or un texte comme celui-là donne du sens, des perspectives.

En tant que rapporteur, il est toujours dérangeant de ne pas voter le texte que l’on a présenté. Je m’étais dit que si le groupe Les Républicains ne votait pas la présente proposition de loi, moi, je la voterais pour lui permettre de continuer sa vie.

Eu égard à la situation actuelle, tout comme mes collègues du groupe écologiste, je vais m’abstenir, fort à regret !

Je regrette vraiment le ton des débats, car j’ai relevé des attitudes de l’ordre de la posture. Je le disais à l’instant, ce texte trace des perspectives. J’espère bien que nous serons à même de nous projeter, sans tarder, à l’horizon 2030 et au-delà, vers ce que l’on appelle l’« ère de l’après-pétrole », de réinstaller autour de Paris, comme de l’ensemble des centres urbains de la planète, des ceintures maraîchères. C’est possible, les terres existent ! Et il s’agit de les préserver. Nous ferons ainsi de nos territoires une véritable mosaïque de polyculture-élevage, de telle sorte que l’ancrage territorial de l’alimentation se reconstitue en France, comme partout dans le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste – M. Claude Bérit-Débat applaudit également.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation.

(La proposition de loi est adoptée.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation
 

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Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 24 mai 2016, à quatorze heures trente et le soir :

Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n° 495, 2015-2016) ;

Rapport de M. Jean-Pierre Leleux et Mme Françoise Férat, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 588, 2015-2016) ;

Texte de la commission (n° 589, 2015-2016).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures vingt.)

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD