M. Jacques Chiron. Oui !
M. Richard Yung. Aussi, il est tout à fait normal que nous fassions valoir nos arguments, pour des raisons que beaucoup d’orateurs ont déjà mentionnées. Je songe notamment à l’accès au logement social, dont Marie-Noëlle Lienemann va parler dans quelques instants et qui représente un aspect essentiel de la politique menée par la France. Nous devons tenir bon et tenir ferme ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Francis Delattre applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il ne me paraît pas nécessaire de revenir sur la crise financière de 2008 ni sur la crise des liquidités qui a suivi, en 2011 et en 2012. D’une ampleur exceptionnelle, elle a pris naissance aux États-Unis. Elle avait pour origine les conditions dans lesquelles l’immobilier y était financé.
À ce titre, nous sommes aujourd’hui devant une situation préoccupante. Aussi, je confirme dès à présent ce qu’a indiqué mon collègue et ami Francis Delattre : les élus du groupe Les Républicains voteront cette proposition de résolution déposée par les membres du groupe socialiste et républicain, au premier rang desquels leur président, Didier Guillaume.
Monsieur le secrétaire d’État, dans le domaine de l’immobilier, la France dispose d’un système très particulier. Il n’est absolument pas question qu’au nom de je ne sais quelle idéologie, de je ne sais quel système pour lequel un autre pays exprimerait une préférence, nous abandonnions ce qui fonctionne bien chez nous. Je songe en particulier à l’accès à l’immobilier, au financement permettant d’acquérir une maison ou un appartement.
Je l’indique à mon tour : 80 % des prêts accordés aux particuliers sont destinés à l’achat d’un appartement ou d’une maison. Cette situation résulte sans doute des conditions dont bénéficie celui ou celle qui souhaite procéder à une telle acquisition.
Tout d’abord, les taux fixes, qui constituent une véritable sécurité, ont la faveur de la plupart des emprunteurs : seuls 5 % d’entre eux leur préfèrent les taux variables.
Ensuite, notre système de cautionnement est, sinon une exception française, du moins une réelle spécificité de notre pays.
De surcroît, les emprunts sont accordés, en France, en fonction de la solvabilité de l’emprunteur, non en fonction de la valeur du bien qui fait l’objet de la transaction.
Or des menaces considérables pèsent sur ce système de crédit immobilier. Sans doute influencé par un certain nombre de pays dont la voix se fait entendre avec plus de force, le comité de Bâle s’oriente vers des choix qui compromettent totalement le dispositif français. Si, à l’avenir, les banques ne prêtaient plus à taux fixes, si, surtout, l’on s’attachait à la valeur du bien et non plus à la solvabilité de l’emprunteur, les particuliers devraient consentir une mise de fonds beaucoup plus lourde qu’actuellement.
Aujourd’hui, la part de l’autofinancement immobilier est relativement réduite en France. Celui qui prête regarde tout simplement si celui qui emprunte est capable de le rembourser !
Parallèlement, le système de cautionnement serait remis en cause au profit d’un système dit « d’hypothèques ». À ce titre, je rappelle qu’aux États-Unis les banques assurent un refinancement des hypothèques auprès d’agences spécialisées.
M. Daniel Raoul. Oui !
M. Richard Yung. Mais ces hypothèques sont garanties par l’État !
M. François Marc. Avant d’être titrisées…
M. Jean-Claude Lenoir. Avec un tel système, il faut en définitive avoir remboursé la totalité de son bien pour être sûr de le conserver.
Monsieur le secrétaire d’État, nous vous demandons d’être notre porte-parole, non seulement au sein du Gouvernement, mais aussi auprès de la Banque de France et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, lesquelles représentent la France au comité de Bâle. Il est nécessaire d’infléchir les décisions de cette instance dans un sens qui nous soit plus favorable.
Je vous ai moi-même adressé, sur ce sujet, une question écrite au mois de mars dernier. Sans doute allez-vous y répondre dans quelques instants en clôturant notre débat. Cela étant, gardez cette réalité à l’esprit : tous les groupes parlementaires de la Haute Assemblée, à l’exception d’un, qui a manifesté son intention de s’abstenir, sont favorables à cette proposition de résolution.
Nous entendons peser de tout notre poids politique pour vous demander, avec beaucoup d’insistance, de défendre les particularités de la France.
Au-delà des aspects purement financiers, je tiens à souligner un point particulier. La proportion de propriétaires occupant leur logement est moins élevée en France que dans beaucoup d’autres pays. Il me semble que nous avons tous la volonté d’encourager nos concitoyens à devenir propriétaires de leur logement. (M. Richard Yung acquiesce.)
Cette volonté repose sur d’importants enjeux sociaux : en devenant propriétaire de son logement, on se sent vraiment chez soi, ce qui est en tout point préférable ! Elle répond également à des enjeux économiques. Les acteurs du bâtiment, les professionnels du marché immobilier et, bien sûr, les représentants des banques nous l’ont déclaré : ils s’inquiètent beaucoup des conséquences que pourraient entraîner, selon les informations dont nous disposons, les choix du comité du Bâle.
Je conclurai par une observation d’une autre nature, monsieur le secrétaire d’État.
Cette semaine, le Sénat a consacré ses travaux en séance publique à des textes d’initiative parlementaire. Les différents groupes ont présenté des propositions de loi et de résolution. On s’interroge parfois sur l’utilité de ces textes. On peut avoir le sentiment que telle ou telle semaine d’initiative n’a pas été utile à notre pays.
Or, cette semaine, deux textes importants sont soumis à l’examen de la Haute Assemblée et réunissent, sinon l’unanimité, du moins l’immense majorité des sénateurs des différents groupes politiques.
Hier, nous avions à traiter d’une proposition de loi relative à l’enfouissement en profondeur des déchets radioactifs au sein du centre industriel de stockage géologique, ou centre Cigéo. Le Sénat a approuvé ce texte à la quasi-unanimité.
Sans être imprudent, je peux annoncer qu’après vous avoir entendu, monsieur le secrétaire d’État, nous nous prononcerons d’une façon quasi unanime. C’est l’honneur du Parlement, notamment du Sénat, que de pouvoir se retrouver sur des textes importants, pour nos concitoyens d’abord, pour le système financier français, pour les prêteurs, pour les banques, mais également pour tous ceux qui participent à la construction de logements.
Monsieur le secrétaire d’État, nous ne vous adressons pas une recommandation, mais nous votons une résolution, un mot qui doit être entendu dans son sens le plus fort ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en préparant ce débat, notamment par une relecture attentive de la littérature relative aux propositions du comité de Bâle, je n’ai pu m’empêcher de revisiter les déclarations d’un candidat à la présidence de la République qui proposait de rompre avec le modèle du crédit immobilier français.
En campagne à l’époque, il s’exprimait ainsi lors d’une convention nationale ayant pour titre « Contre la précarité, permettre à chacun d’être propriétaire ! » – un objectif partagé. Je cite in extenso ses déclarations :
« Pour moi, il y a une première solution, c’est le crédit hypothécaire. Cela paraît très compliqué, en réalité c’est très simple. […]
« [En] Grande-Bretagne et [aux] États-Unis, les crédits sont garantis par l’existence du bien, comprenez : l’existence de l’appartement ou de la maison. En France, nous privilégions la garantie sur les personnes […]. Je souhaite la rupture avec cette tradition […].
« Je propose de changer les règles prudentielles imposées aux banques, de simplifier le recours à l’hypothèque et d’en réduire le coût. L’hypothèque doit être encouragée dans notre pays. C’est simple : vous garantissez votre emprunt avec le bien que vous acquérez. »
Il proposait donc, à l’instar des négociateurs du comité de Bâle, de favoriser le recours au crédit hypothécaire, rompant ainsi avec cette tradition française qui privilégie pour l’octroi du crédit la capacité de remboursement, pour y substituer le modèle anglo-saxon reposant, lui, principalement sur la valeur du bien. C’était en septembre 2006, à la veille de l’implosion dudit modèle et de la crise des subprimes.
M. François Marc. On aurait vraiment dû voter pour Ségolène Royal !
M. Daniel Raoul. Promouvoir l’accession à la propriété de personnes dont on sait par avance qu’elles ne pourront pas rembourser leur emprunt, en gageant leur toit, c’est, assurément, leur promettre davantage de précarité.
C’est ce qui s’est passé aux États-Unis, où des millions de personnes se trouvent aujourd’hui encore écrasées par une dette colossale ou, pour un nombre important d’entre elles, sans abri.
Le modèle français du crédit immobilier a fait ses preuves.
M. François Marc. C’est vrai !
M. Daniel Raoul. Il constitue une alternative solide au modèle que l’on souhaite aujourd’hui nous vendre. Il a su fonctionner pendant et après la crise financière. Les encours de prêts au logement ont d’ailleurs progressé de façon continue et régulière, alors que nos voisins, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, l’Italie ou l’Espagne, subissaient, à un moment ou un autre, une contraction de leurs crédits.
Selon une étude de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution parue dans le journal de la Banque de France en mars dernier, le taux de défaut de paiement n’a jamais explosé en France et reste encore aujourd’hui particulièrement bas : moins de 2 %.
Nous devons cette situation notamment aux règles prudentielles que s’imposent nos établissements bancaires, aux taux fixes qu’ils pratiquent ainsi qu’à un système de cautionnement efficace et relativement peu coûteux.
Notre modèle repose sur une distribution responsable du crédit, fondée sur l’analyse de la solvabilité de l’emprunteur, son taux d’effort, son taux d’apport personnel et non sur la valeur du bien à acquérir.
Nos prêts à taux fixe – 92 % des prêts – n’exposent pas les emprunteurs au risque du marché. Ces derniers peuvent, à l’inverse, tirer parti de la baisse des taux pour renégocier leur crédit ou obtenir de meilleures conditions auprès d’un établissement concurrent, renforçant ainsi leur solvabilité. Ces règles prudentielles n’entravent pas pour autant le dynamisme du secteur, lequel a connu, en 2015, une croissance de 4,1 %.
Pour ceux de nos compatriotes qui n’entreraient pas dans les clous de ces règles prudentielles, il faut répondre au défi légitime de l’accession sociale à la propriété. Seule une politique de solvabilisation de la demande est à même de satisfaire le désir de propriété du plus grand nombre et de prévenir le défaut de paiement.
Aux prêts hypothécaires, nous préférons donc, par exemple, pour l’accession des primo-accédants, le prêt à taux zéro, ou PTZ. Pour ceux auxquels cela aurait échappé, depuis le 1er janvier de cette année, les conditions du PTZ ont d’ailleurs été considérablement élargies afin de financer 40 % de l’achat d’un logement dans le neuf et de permettre à plus de 90 % de la population d’y être éligible, grâce à l’augmentation des plafonds de revenus. Il est ainsi possible de commencer à rembourser au bout de cinq ans, dix ans ou quinze ans, selon les revenus des emprunteurs et d’allonger les prêts, si nécessaire, sur au moins vingt ans, afin de réduire le montant des mensualités.
Dans l’habitat ancien, le PTZ permettra l’achat d’un logement à réhabiliter sur tout le territoire, au-delà des 6 000 communes ciblées depuis 2015.
Aussi, vous l’aurez compris, mes chers collègues, je soutiens vigoureusement (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.) notre proposition de résolution visant à protéger le système de crédit immobilier dans le cadre des négociations de Bâle.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, je soutiens tout aussi vigoureusement cette proposition de résolution présentée par notre groupe. Ce soutien est d’ailleurs largement partagé au sein de cette assemblée.
Je m’adresse d’abord à nos collègues écologistes, pour essayer de les convaincre. Non, il ne s’agit pas de céder au lobby bancaire pour lui permettre d’accumuler des profits et de mieux rémunérer ses dirigeants.
Modifier ce système, comme nous le demandent aujourd’hui les travaux du comité de Bâle, pénaliserait plutôt l’accès au crédit. Croyez-moi, les établissements bancaires continueraient à trouver les moyens de maintenir une rentabilité comparable à celle de toutes les grandes banques internationales. Le débat sur les banques est utile, mais il s’agit aujourd’hui de la question du crédit immobilier et donc de l’accès de nos concitoyens à la propriété.
Je suis plus particulièrement sensible à l’accession sociale à la propriété. Or, si l’on augmente les garanties nécessaires, les contraintes et les obstacles à l’accès au crédit immobilier, les plus modestes risquent d’être les premiers pénalisés. Ceux qui ont des moyens pourront toujours emprunter, même si cela leur coûte un peu plus cher.
Comme l’a dit Didier Guillaume, il faut, d’abord, défendre les taux fixes, qui offrent de la sécurité pour l’accédant en faisant porter l’essentiel du risque sur la banque, même si l’emprunteur en prend sa part.
Ensuite, il importe de privilégier le cautionnement plutôt que l’hypothèque. M. Raoul a été gentil, il ne nous a pas rappelé que M. Sarkozy proposait l’hypothèque rechargeable, comble du désastre, susceptible de provoquer un terrible effet boule de neige !
M. Jacques Chiron. C’est vrai !
M. Jean-Claude Lenoir. On s’éloigne un peu du sujet !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Comme nous voulons rassembler et que l’histoire a manifestement servi de leçon, j’en resterai là. Nous défendons donc ensemble le système du cautionnement à la française, très bien !
M. Jean-Claude Lenoir. Cette tribune devient une tribune électorale !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nos collègues s’interrogent sur l’état de l’accession à la propriété. Il est vrai que nous avons connu un trou d’air dans la politique en faveur de l’accession, mais les récentes mesures prises par le Gouvernement, notamment l’amélioration du prêt à taux zéro et de la quotité, concomitamment à la baisse des taux, favorisent la reprise de l’accession sociale à la propriété, dont les premiers signes se font sentir.
Il faut souhaiter, justement, que de nouveaux obstacles bancaires ne viennent pas contrarier ce mouvement, qui répond à une aspiration de nos concitoyens et offre un outil pour la mixité sociale. Dans les quartiers concernés par l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’accession sociale constitue souvent le premier élément de diversification et permet, dans bien des cas, à des locataires d’HLM de quitter le locatif en accédant à la propriété.
Nous n’opposons pas l’encouragement de l’accession et la défense du locatif dans notre pays, car ce sont des politiques complémentaires. Si nous n’étions pas entendus dans les négociations de Bâle IV, cela ferait peser une menace sur le secteur, qui mettrait un terme aux aspirations de beaucoup de nos concitoyens et nous éloignerait des objectifs de mixité sociale sur le terrain.
Monsieur le secrétaire d’État, vous ne siégez pas au comité de Bâle, mais je ne doute pas que le gouverneur général de la Banque de France sera sensible à la voix du Parlement qui, je l’espère, sera relayée par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je serais bref, car beaucoup de choses ont déjà été bien dites et beaucoup d’idées exprimées sont largement partagées entre vous ainsi que, pour la plupart, par le Gouvernement.
Nous discutons aujourd’hui d’une proposition de résolution que vous avez déposée en avril dernier.
Cette résolution souligne à juste titre les atouts du modèle français du financement de l’habitat. Ce modèle repose sur une politique d’octroi des prêts qui est fondée sur la solvabilité des emprunteurs, sur la prévalence des prêts à taux fixe, ainsi que sur un recours majoritaire à la caution. Comme le soutient à juste titre cette résolution, il ne serait pas acceptable que ces atouts soient remis en cause par un calibrage inadapté des exigences décidées par le comité de Bâle.
Souvent mal comprises à l’étranger, les particularités du système français ont fortement contribué à assurer la robustesse de notre modèle. Les chiffres de la sinistralité en sont un bon témoin. La France est le pays en Europe qui présente le taux d’impayés le plus faible sur les prêts immobiliers en 2014 : cinq fois plus faible qu’en Allemagne, et près de quinze fois plus faible qu’au Royaume-Uni, en Espagne ou en Italie.
Ce constat est appuyé par les conclusions du Haut Conseil de stabilité financière, qui a mené une analyse particulière sur ce sujet dans son dernier rapport annuel.
Le modèle français du financement de l’habitat présente ainsi des atouts indiscutables qu’il convient de préserver dans le cadre des évolutions prudentielles envisagées. Dans les travaux internationaux en cours, c’est bien cette position qui est soutenue.
Des travaux engagés au sein du comité de Bâle ont fait l’objet de consultations publiques. Certains d’entre vous, au début de la discussion générale, ont parlé d’opacité. En me gardant de tout excès, je rappelle néanmoins qu’avant de mettre au point de nouveaux standards, le comité de Bâle publie des documents de consultation, lesquels sont ouverts aux commentaires de toutes les parties prenantes. M. Francis Delattre y a d’ailleurs fait précisément référence. Des documents de consultation relatifs, notamment, au risque de taux et au risque de crédit ont ainsi été produits.
Ces travaux bâlois s’inscrivent dans une perspective de préservation de la stabilité financière. Ils ne visent pas à dissuader, voire à interdire, des pratiques établies, comme la fourniture de prêts à taux fixes ou le cautionnement, mais bien à améliorer la mesure du risque au sein du portefeuille bancaire, afin de s’assurer que les établissements disposent de suffisamment de fonds propres pour y faire face.
Les consultations qui ont eu lieu visaient d’ailleurs à offrir aux parties prenantes la possibilité de réagir aux propositions du comité et de proposer des approches alternatives là où elles l’estiment nécessaire. Ces travaux devraient aboutir, à la fin de 2016, à la publication d’amendements au standard Bâle III, qui pourraient ensuite être déclinés dans le corpus réglementaire européen.
Nous souhaitons donc, comme vous, que le calibrage final des réformes bâloises, qui devrait être défini d’ici à la fin de l’année, soit ajusté en fonction des résultats de l’ensemble des études d’impact, quantitatives comme qualitatives – vous en avez rappelé la nécessité –, afin de préserver ces atouts. Nous y travaillons !
Dans le cadre des négociations de la transposition des règles bâloises dans le droit européen, soyez assurés que le Gouvernement, qui vous a entendus, sera particulièrement attentif à ce que les spécificités du modèle français de financement de l’habitat soient correctement prises en compte de façon à en préserver les atouts.
Le Gouvernement veillera également à ce que l’impact de ces nouveaux standards sur les exigences en fonds propres des banques françaises soit maîtrisé, conformément aux conclusions des ministres des finances du G20. Ces derniers ont en effet lancé un appel pour que les travaux en cours ne conduisent pas à une augmentation significative des fonds propres par rapport à ce qui a déjà été acté lors de la négociation du paquet Bâle III.
Les colégislateurs européens, lors de l’inscription des standards dans le droit européen, pourront d’ailleurs en dévier, ce qui n’est pas forcément souhaitable. Cela a déjà été fait dans le passé, afin de tenir compte des spécificités européennes, ainsi que M. Michel Canevet l’a rappelé.
Vous avez compris que le Gouvernement a bien entendu les différents messages contenus dans cette proposition de résolution et, comme vous l’avez demandé, il pèsera de tout son poids politique pour faire en sorte que vos préoccupations légitimes, allant dans le sens de l’intérêt général économique et social soit parfaitement prises en compte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
proposition de résolution visant à protéger le système du crédit immobilier français dans le cadre des négociations de bâle
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Constatant que le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire réalise actuellement des travaux relatifs à la pondération des expositions des banques en fonction des risques, dont l’achèvement est prévu à la fin de l’année 2016 ;
Constatant que ces travaux visent à clarifier les modalités de calcul du ratio de solvabilité bancaire ;
Observant que ces travaux portent en particulier sur le risque de crédit et concernent tant l’approche dite « standard » que l’approche dite « avancée » ;
Relevant que le Comité de Bâle mène également une réflexion sur l’encadrement du risque de taux d’intérêt ;
Notant que les propositions récemment soumises à consultation traitent notamment de la pondération applicable aux crédits immobiliers ;
Rappelant que le système français de financement de l’habitat repose très majoritairement sur des prêts à taux fixe à long terme qui, d’une part, sont octroyés après une analyse de la solvabilité et de la situation financière des emprunteurs et, d’autre part, sont garantis par une caution ;
Soulignant que ce système est sain, comme l’atteste le faible taux d’encours en défaut, et qu’il a fait la preuve de sa solidité lors des crises financières récentes, contrairement au système fondé sur des prêts à taux variable, attribués en fonction de la valeur du bien financé et garantis par une inscription hypothécaire ;
Craignant que les travaux du Comité de Bâle ne contraignent les établissements bancaires français à modifier radicalement leur politique d’octroi des crédits immobiliers ;
Considérant qu’une telle remise en cause du système français de financement de l’habitat aurait pour principal effet d’exclure les ménages les plus fragiles de l’accès au crédit ;
Considérant que l’attribution de prêts à taux variables se traduirait par le transfert du risque de taux sur les emprunteurs ;
Considérant que les établissements bancaires sont mieux armés que les emprunteurs pour gérer le risque de taux ;
Considérant que le calcul du montant de l’emprunt en fonction de la valeur du bien financé serait particulièrement préjudiciable aux primo-accédants ;
Rappelant que les crédits immobiliers garantis par une inscription hypothécaire sont à l’origine de la crise américaine dite « des subprimes », qui a elle-même entraîné une crise financière mondiale ;
Partageant l’objectif principal poursuivi par le Comité de Bâle, à savoir le renforcement de la résilience du secteur bancaire ;
Souhaite que l’instance de gouvernance du Comité de Bâle – le groupe des gouverneurs de banque centrale et des responsables du contrôle bancaire – prenne en considération les spécificités du système français de financement de l’habitat ;
Souhaite que ces spécificités soient préservées ;
Souhaite ainsi que la gestion du risque de taux continue d’incomber aux établissements bancaires français ;
Souhaite également que les établissements bancaires français conservent la possibilité d’attribuer des prêts immobiliers sur la base d’une analyse préalable de la solvabilité et de la situation financière des emprunteurs ;
Souhaite enfin que le cautionnement soit reconnu par le Comité de Bâle comme un mécanisme de garantie équivalent à l’hypothèque ;
Estime que la publication de la version définitive du nouveau mode de calcul des risques pris par les établissements bancaires devra nécessairement être précédée d’une étude d’impact quantitative prenant en considération les caractéristiques de chacun des marchés ;
Estime que les calibrages des propositions de révision devront obligatoirement être ajustés au regard des résultats de l’étude d’impact quantitative ;
Souhaite que le Comité de Bâle réexamine le calibrage global après que l’ensemble des travaux seront achevés ;
Souhaite que la Banque de France et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, qui siègent au Comité de Bâle, défendent et fassent valoir ces orientations ;
Invite le Gouvernement à faire preuve de la plus grande vigilance au moment de la déclinaison européenne des travaux du Comité de Bâle.
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.
Je mets aux voix la proposition de résolution.
(La proposition de résolution est adoptée.)