PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant la ratification du protocole relatif à la convention n° 29 de l’Organisation internationale du travail sur le travail forcé, 1930, déposé sur le bureau du Sénat le 15 juillet 2015.
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Dépôt d’un rapport
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en application de la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des lois ainsi qu’à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
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Nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée, et je proclame Mme Patricia Morhet-Richaud membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Mme Colette Giudicelli, démissionnaire.
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Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.
M. Jean Louis Masson. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 75 relatif aux questions écrites et à leurs modalités de réponse.
Nous assistons à une dégradation inadmissible du taux de réponse à nos questions écrites. Au cours de l’année parlementaire 2010-2011, 4 878 questions écrites avaient été déposées et 4 315 réponses avaient été obtenues, soit un taux de 88,45 %. En 2013-2014, 4 836 questions avaient été enregistrées et 4 026 réponses avaient été apportées, soit un taux de 83,25 %. Par contre, lors de la session 2014-2015, sur les 4 815 questions posées, seules 3 268 réponses ont été obtenues, soit un ratio désastreux de 67,87 %.
Une telle situation est inacceptable, d’autant que l’article 75 du règlement du Sénat prévoit que les questions écrites doivent obtenir une réponse dans un délai de deux mois. Or un très grand nombre de questions sont toujours sans réponse deux ans après.
L’attitude du Gouvernement me paraît absolument scandaleuse. Je souhaiterais que la présidence du Sénat intervienne très vigoureusement auprès du secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement pour mettre un terme à cette désinvolture très désagréable à l’égard du Sénat.
Mme la présidente. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, monsieur Masson. Je pense que la conférence des présidents se saisira du sujet.
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Dématérialisation du Journal officiel de la République française
Adoption des conclusions de deux commissions mixtes paritaires
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions des commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer des textes sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi et de la proposition de loi organique portant dématérialisation du Journal officiel de la République française (textes de la commission nos 186 et 187, rapport n° 185 rectifié).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Anziani, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les deux commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer des textes sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi et de la proposition de loi organique ont abouti à un accord sur l’opportunité de dématérialiser le Journal officiel de la République française et sur la légalité de ce principe.
Oui, cette dématérialisation est opportune ! Le Journal officiel sera ainsi disponible rapidement et gratuitement. Il sera également accessible au même moment sur l’ensemble du territoire et en permanence, autrement dit à toute heure du jour et de la nuit et sept jours sur sept. Cette réforme permettra en outre de réaliser une économie, même si celle-ci est marginale, de 400 000 euros.
Un débat sur la fracture numérique s’est bien évidemment engagé. La couverture du territoire, notamment en haut débit, est-elle suffisante ? Plusieurs de nos collègues ont mis en avant les difficultés de certains territoires à accéder à internet. Nous avons alors adopté un amendement visant à prévoir une exception, afin de permettre à tout administré d’obtenir une version papier du Journal officiel.
Je me souviens que nous avions évoqué les risques d’abus qui pourraient résulter de demandes répétitives et massives en vue d’obtenir des versions au format papier. Nos collègues de l’Assemblée nationale ont adopté un amendement visant à reprendre la formulation de la loi du 17 juillet 1978, dite « loi CADA », sur les demandes abusives. Les commissions mixtes paritaires ont accepté cette rédaction, qui ouvre un droit à la version papier, sauf en cas de demandes répétitives et systématiques.
Par ailleurs, j’ai apporté aux commissions mixtes paritaires une précision qu’il me semble utile, pour des raisons constitutionnelles, de répéter ici.
Conformément à la procédure assez particulière des articles 74 et 77 de la Constitution, le président du Sénat a sollicité l’avis des assemblées délibérantes des collectivités d’outre-mer ; je rappelle que si celles-ci ne délibèrent pas dans le délai d’un mois, leur avis est réputé acquis. Cette formalité a été respectée. Je tiens toutefois à préciser que c’est le conseil exécutif et non l’assemblée délibérante de Saint-Barthélemy qui a rendu sa décision ; à Wallis-et-Futuna, c’est la commission permanente. Toutefois, ce n’est pas un obstacle constitutionnel, dès lors que vous en êtes informés.
Mes chers collègues, nous ne pouvons que nous montrer satisfaits des conclusions des commissions mixtes paritaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. Yves Daudigny. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de l’examen de ces deux textes, je veux remercier le Sénat pour la qualité de ses travaux. Je tiens en particulier à remercier la commission des lois et son président Philippe Bas, ainsi que toutes celles et tous ceux qui ont contribué à la réflexion et à la discussion.
Comme vient de l’indiquer M. le rapporteur, le Sénat a tenu à aménager un dispositif afin que ceux de nos concitoyens qui n’utilisent pas les moyens modernes de communication, en particulier internet, puissent accéder au Journal officiel. Le Gouvernement y a été sensible. Nous avons en effet la préoccupation de ne laisser personne au bord du chemin et d’accompagner chacun dans l’évolution des technologies.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avec l’Assemblée nationale, vous êtes parvenus à une rédaction qui donne satisfaction à tous. Ce travail collectif et l’esprit de responsabilité qui y a présidé nous permettent aujourd’hui d’aboutir au terme d’un processus engagé dès 2004 pour une mise en œuvre au 1er janvier 2016. Nous touchons au but ! (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe du RDSE est d’autant plus enclin à voter ces deux textes portant dématérialisation du Journal officiel de la République française que la proposition de loi qui nous revient de l’Assemblée nationale via la CMP a retenu son amendement, adopté par la commission des lois du Sénat.
Cet amendement, je le rappelle, prévoyait que lorsqu’une personne demande à obtenir sur papier un acte publié au Journal officiel de la République française, l’administration lui communique l’extrait correspondant. Il nous avait semblé, en effet, que cette disposition non seulement répondait à un vrai problème – l’existence de territoires oubliés de la révolution informatique, le fait que tous nos concitoyens ne nagent pas avec la même aisance dans le fleuve numérique –, mais éviterait aussi un refus de principe d’une modernisation pour une fois souhaitable et possible.
Que cette proposition de bon sens et de faible coût ait, au départ, reçu un accueil fort tiède du Gouvernement et de ses supporters m’a, je l’avoue, quelque peu surpris.
Parmi les objections, une seule était à mon sens réellement fondée : le risque d’abus de cette procédure, les maniaques désœuvrés ne manquant pas. Le texte final, en prévoyant que « l’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique », y a apporté une réponse satisfaisante.
Les autres objections m’ont laissé rêveur : le terme « administration » serait trop « général », m’a-t-on dit. La proposition de loi n’entraînerait pas de changement par rapport à la situation actuelle où l’administration est destinataire de 90 % des abonnements papier – quant aux autres, ma foi, qu’ils fassent comme ils peuvent… Il serait inutile de prévoir ce recours individuel, le Journal officiel n’étant pas disponible en kiosque ; pour le lire, il est déjà nécessaire de recourir à internet ou de se rendre à la mairie, qui se fera un plaisir de vous en délivrer la photocopie…
Happy end, donc !
Cet examen de passage réussi par le premier texte examiné, et probablement adopté, selon la procédure prévue à l’article 47 ter de notre règlement lève-t-il pour autant toutes les réserves à l’encontre de cette procédure ? Malheureusement non !
Pas plus que la réduction des temps de parole en séance, allant parfois jusqu’au ridicule – comme nous avons pu l’apprécier lors de l’examen du projet de loi de finances –, le transfert du pouvoir législatif de la séance publique, où tous les parlementaires peuvent exercer leur pouvoir d’initiative et intervenir, à une commission ne va pas dans le sens d’une revalorisation du Parlement. Il contribue plutôt à sa transformation en un théâtre où sont validées des décisions prises dans la coulisse. L’essentiel est d’aller le plus vite possible…
Certes, des précautions ont été prises, notamment le fait que cette procédure ne puisse être utilisée sans le consentement unanime des groupes. Mais, que je sache, un parlement est composé de parlementaires et non de groupes. On l’oublie un peu trop !
Je ne crains pas que, dans un avenir proche, soient examinés selon cette procédure d’autres textes que consensuels ; mais, au train où vont les choses, rien ne dit qu’il en sera toujours ainsi. Les rapports Jospin, Balladur et dernièrement Bartolone-Winock, pour ne parler que des dernières années, de même que, je dois le dire, certaines évolutions de notre règlement ne sont pas là pour me rassurer.
Même cet essai réussi n’est pas totalement rassurant dès lors que l’on entre dans le détail de la discussion : la dématérialisation du Journal officiel est-elle seulement une banale question technique et financière ou une question politique essentielle : la possibilité d’accès de tous à la loi ? Est-ce une question simple ou compliquée ?
Si, pour moi, il est évident que tous les citoyens ne sont pas égaux devant l’accès à l’information numérisée, j’ai constaté, à l’occasion de l’examen de ces propositions de loi, que cette évidence n’était pas partagée par tout le monde.
Si cette expérience réussie est un encouragement à continuer, c’est aussi une invitation à ne pas confondre vitesse et précipitation, le détail et l’essentiel. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe écologiste, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme il est agréable d’achever un parcours législatif consensuel en ces temps de crise – certes, sur un sujet qui, en apparence, peut ne pas passionner les foules : la dématérialisation du Journal officiel. Néanmoins, les deux textes, organique et ordinaire, dont nous débattons marquent une étape significative dans la voie de l’administration électronique.
Certains passionnés du Journal officiel, attachés à la magie tactile du papier, verseront quelques larmes à la perspective de n’avoir plus entre les mains ce recueil quasi quotidien de nos lois et décrets. Il est parfois plus facile et reposant pour les yeux de lire un texte imprimé que de visualiser un écran. Quoi qu’il en soit, le papier disparaît peu à peu au profit d’un écran de tablette ou d’ordinateur. O tempora, o mores, diront nos latinistes.
Ceux qui liront ces débats dans quelques années s’étonneront peut-être qu’il ait fallu réunir une commission mixte paritaire et engager la procédure accélérée pour résoudre une question aussi simple. Toutefois, l’objectif est de réaliser cette réforme au 1er janvier 2016.
La réforme profitera à tous. Elle favorisera la connaissance du droit par tous les citoyens, nul n’étant censé ignorer la loi. Si la maxime est belle, avouons que c’est un peu difficile quand le citoyen est confronté à des milliers de lois et décrets. C’est une incitation à faire des lois claires et courtes. Notre commission des lois s’y attelle sous la bienveillante férule de son président Philippe Bas. Cependant, les moteurs de recherche du site Legifrance sont là pour nous faciliter le travail, plus rapidement, plus sûrement, et donc plus efficacement.
Les nouvelles dispositions s’appliqueront outre-mer. Pour ce faire, alors que, en métropole, une loi ordinaire suffit, dans les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution, une loi organique est nécessaire. Le régime juridique du Journal officiel outre-mer figure donc au niveau le plus élevé après la Constitution, celui des lois organiques. Vice-présidente du groupe d’études Arctique, Antarctique et Terres australes, je n’aurai garde d’oublier l’application du nouveau texte aux Terres australes et antarctiques françaises. Ces terres aux paysages de rêve ont droit, elles aussi, au Journal officiel.
La commission mixte paritaire a procédé à quelques ajustements techniques. Depuis notre première délibération au Sénat, en effet, une ordonnance du 23 octobre 2015 a promulgué un nouveau code des relations entre le public et l’administration. Les lois que nous souhaitions modifier ont été insérées dans ce nouveau code. Le projet de loi ordinaire remplace donc heureusement les références aux lois codifiées par les dispositions du nouveau code. Là encore, la création de ce nouveau code, voulue par le Parlement, est bienvenue et permettra une meilleure compréhension de nos lois.
Une question méritait sans doute une précision de fond. C’est la possibilité pour les citoyens de demander aux administrations une copie papier du Journal officiel, particulièrement pour ceux qui n’ont pas encore accès à internet. Même si internet s’est considérablement démocratisé ces dernières années, il faut constater qu’une petite partie de la population y est réfractaire ou a du mal à s’y adapter. La Haute Assemblée a donc prévu la faculté pour tout citoyen de demander une copie papier.
En première lecture, j’avais évoqué la nécessité de préciser les conditions d’exercice de ce droit afin de prévenir tout abus. C’est la solution qui a heureusement été choisie par la commission mixte paritaire, qui s’est référée au régime de communication des documents administratifs précédemment prévu par une loi de 1978, et maintenant par le nouveau code des relations entre le public et l’administration. L’administration ne sera pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique.
C’est donc avec un enthousiasme non mesuré que notre groupe apportera ses suffrages à cette projection dans la modernité que représente cette heureuse réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les textes dont nous achevons la discussion ne constituent, sous bien des aspects, qu’un épisode mineur de la vie et du devenir de l’impression légale et administrative.
Rappelons les données du problème : la diffusion devenue très limitée de la version papier du Journal officiel, de l’ordre de 2 500 exemplaires par jour, à mettre en regard du succès relatif de la version électronique, qui touche plus de 65 000 abonnés, rendue évidemment attractive par la gratuité, explique la proposition principale qui nous est faite.
Épisode mineur, car cela fait déjà quelque temps que l’activité de la direction de l’information légale et administrative, la DILA, dont les Journaux officiels sont l’un des éléments, fait l’objet de la plus grande attention de la part de l’autorité de tutelle, à savoir le secrétariat général du Gouvernement. Je rappelle que mon collègue Thierry Foucaud a longtemps eu l’honneur d’être le rapporteur de la commission des finances pour le budget annexe des Journaux officiels avant que cette tâche ne soit confiée à mon collègue et ami Bernard Vera, ancien sénateur de l’Essonne.
Aujourd’hui, l’impression publique, avec ses différentes entités, est directement affectée par l’évolution des techniques d’impression, la montée en puissance d’internet et la modernisation progressive des outils de travail.
L’impression des Journaux officiels a fait l’objet de lourds investissements en matériels modernes de tirage, noir et blanc comme couleur, dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils sont encore loin d’être pleinement utilisés.
En effet, nonobstant la part mineure que représente la vente au numéro ou par abonnement du Journal officiel dans les comptes de la direction, nous sommes bien obligés de constater que le regroupement opéré entre l’ancienne direction de la Documentation française et la direction des Journaux officiels ne s’est pas traduit par un développement spectaculaire de l’activité. Depuis plusieurs années, la DILA connaît un chiffre d’affaires en stagnation, signe d’une absence de volonté de développement des activités par les autorités de tutelle.
Une telle situation interpelle d’autant plus que la direction a connu, ces dernières années, une réduction sensible du personnel en activité, les effectifs de la société anonyme de composition et d’impression du Journal officiel, la SACIJO, ayant été réduits de moitié au fur et à mesure de restructurations recourant largement à des mesures d’âge pour être « vécues » sans trop de douleur… du point de vue de la tutelle !
Un nouveau protocole d’accord entre direction et syndicat a été signé en juin dernier. Il fixe comme objectif la mise en œuvre d’une nouvelle réduction des effectifs de la SACIJO, quand bien même l’essentiel des suppressions d’emplois ne pourra intervenir que sous la forme de départs volontaires avec incitations financières à la clé.
Je suis évidemment conscient de m’éloigner des quelques centaines de milliers d’euros d’économies en jeu avec la fin de la version papier du Journal officiel, objet de ces commissions mixtes paritaires, mais la question du développement et du devenir du pôle d’impression publique que constitue la DILA demeure posée en ce mois de décembre, comme elle était posée en octobre quand nous avons examiné les textes des propositions de loi initiales.
Provisionner un certain nombre de départs volontaires dans les quatre ou cinq années à venir se révélera-t-il moins coûteux à terme que rechercher de nouvelles activités pour la SACIJO, comme le prévoit également le protocole d’accord ?
La qualité de la formation et l’expérience des salariés de cette entreprise, héritière de la société Wittersheim qui, jusqu’en 1880, effectuait le travail d’impression pour le compte de l’État, sont des raisons suffisantes pour que soit étudiée, avec bien plus de sérieux que jusqu’à présent, la possibilité de regrouper un certain nombre de travaux d’impression publics, aujourd’hui réalisés par des établissements privés pour le compte de ministères ou d’administrations.
Comment ne pas évoquer ici le fait que le Sénat confie un certain nombre de travaux d’impression à des imprimeries de labeur, domiciliées en banlieue, alors même que nous disposons, avec l’imprimerie des Journaux officiels, d’un outil performant quasiment situé à nos portes, dans Paris intra-muros ? Au moment où l’on nous parle tant de réduire les atteintes à l’environnement liées à l’activité économique, cela serait bienvenu.
Nous pourrions également évoquer les travaux d’impression du ministère de la défense, dont les principales directions sont appelées à occuper le nouveau site de Balard.
Dans tous les cas de figure, il est grand temps que la recherche d’économies pour le budget de l’État en matière d’impression publique passe par le regroupement du plus grand nombre d’activité au sein de l’imprimerie des Journaux officiels, notamment en vue de dégager des économies d’échelle en amortissant les investissements réalisés.
Pour terminer, je dirai que les textes issus des commissions mixtes paritaires ne posent pas de problèmes majeurs, le recours au papier demeurant possible pour qui le souhaiterait. Comme lors de l’examen des propositions de loi, nous nous abstiendrons donc sur les conclusions des commissions mixtes paritaires, le devenir stratégique de la DILA et de la direction des Journaux officiels demeurant, à nos yeux, posé.
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les commissions mixtes paritaires ont adopté à l’unanimité les propositions de loi portant sur la dématérialisation du Journal officiel de la République française présentées par notre collègue Vincent Eblé. Je tiens ici à souligner la qualité et la pertinence de son travail, ainsi qu’à remercier mes collègues membres des CMP pour ce bel d’élan d’unanimité.
En acceptant ce changement de support de diffusion du Journal officiel, nous allons renforcer, j’en suis sûr, la position de la France au classement mondial de l’e-gouvernement, réalisé tous les deux ans par le département des affaires économiques et sociales de l’ONU. En effet, la France, qui se situait en sixième position mondiale en 2012, est déjà passée au quatrième rang en 2014, juste derrière la Corée du Sud, l’Australie et Singapour. Elle est par ailleurs le premier pays de l’Union européenne pour ce qui concerne la qualité de son e-administration.
Cette classification montre une fois encore que notre pays sait évoluer, contrairement à ce qui est répété à longueur de temps par certaines personnes. En revanche, nous ne faisons sans doute pas suffisamment preuve de volonté didactique vis-à-vis de nos concitoyens. C’est d’ailleurs au regard de cette considération que je souhaiterais appeler votre attention sur deux points.
En commission, la possibilité accordée, grâce au vote d’un amendement de nos collègues Mézard et Collombat, qui était très pertinent,…
M. Jean-Pierre Sueur. Une fois encore ! (Sourires.)
M. André Gattolin. … à tout administré de demander la communication papier d’un extrait du Journal officiel l’intéressant a fait beaucoup débat. Il a notamment été argué que cette mesure pourrait présenter le risque de donner lieu à une éventuelle guérilla procédurale prenant la forme de demandes de reproduction d’une page en milliers d’exemplaires en vue de provoquer la paralysie de l’administration. Pour illustrer cette hypothèse, l’un de nos éminents collègues de la commission des lois a pris l’exemple, évidemment fictif, de possibles manœuvres de ce type exécutées par de dangereux écologistes lors de débats environnementaux.
Prêter ce genre de pensée à des défenseurs de l’environnement, c’est bien mal les connaître. Disons-le clairement, si certaines formes de recours, parfois discutables, voire abusives sont actionnées par certains de nos concitoyens, c’est bien souvent parce que nos procédures de concertation en amont des décisions prises ne sont pas toujours à la hauteur de celles qui ont cours chez beaucoup de nos voisins européens.
Améliorer l’accès à l’information officielle est une chose, mettre en œuvre la concertation et le débat public en amont des choix faits par les pouvoirs publics en est une autre. Je ne suis pas certain que le classement de notre pays à cet égard soit aussi flatteur que celui qui concerne l’e-administration.
J’arrête là ma réflexion sur les formes que peut prendre l’expression citoyenne, car j’ai bien noté que les membres de la commission ont exprimé leur pusillanimité en limitant ce droit à reproduction en reprenant la formule de la loi du 17 juillet 1978 sur les demandes abusives.
L’autre remarque que je souhaite faire concerne la fracture numérique et, de façon plus large, la question de l’accès équitable à la connaissance que chaque citoyen français doit avoir de ses droits et de ses obligations. J’insiste de nouveau sur cette problématique, que j’ai déjà soulevée lors de la discussion budgétaire sur la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».
Dans la volonté actuelle de faire du tout-numérique, on oublie trop souvent que les Français ne possèdent pas tous un ordinateur et, surtout, que les usages communs d’internet sont loin de correspondre à tous les potentiels technologiques offerts par ce nouvel outil.
Savoir aller trouver l’information pertinente dans la jungle d’internet, où se confondent vraies et fausses informations, informations institutionnelles et communications commerciales, n’est pas donné à tout le monde. Les moteurs de recherche supposés nous aider en la matière sont souvent vérolés par le business du référencement qu’ils ont eux-mêmes développé. D’ailleurs, il n’existe pas, à ma connaissance, d’étude sérieuse permettant d’évaluer le ranking, ou le classement, des sites institutionnels dans l’ordonnancement des références proposées par le moteur de recherche en position ultra-dominante dans notre pays. C’est bien dommage, car elle nous fournirait un bon indicateur de performance de nos administrations publiques en matière de diffusion d’information au sein de la sphère internet.
Pour autant, si je me félicite du processus de dématérialisation du Journal officiel, que nous allons adopter, je ne pense pas qu’il soit pertinent de l’appliquer systématiquement et sans discernement à tous les actes de la vie citoyenne. Je pense en particulier aux projets de dématérialisation des cartes d’électeur ou du matériel de propagande électorale. Après l’utilisation de machines à voter, qui remplacent dans de nombreuses villes le vote papier, ces projets reviennent de manière récurrente.
Je me permets de vous rappeler que le développement de cette technique était censé garantir plus de fiabilité lors des opérations de dépouillement des votes. Or, comme le constate le dernier rapport portant sur les municipales de 2014 de l’Observatoire du vote, les résultats électoraux issus des bureaux de vote équipés d’un ordinateur de vote présentent davantage d’incohérences que ceux provenant des bureaux de vote équipés de simples urnes. Les écarts constatés ne peuvent être imputés à la nouveauté, puisque, dans les communes étudiées, les dispositifs de vote électronique sont en usage depuis huit à dix ans. Cet exemple montre bien que le recours aux nouvelles technologies doit être considéré au cas par cas.
Pour conclure sur le sujet qui nous occupe, j’indique que le groupe écologiste votera naturellement en faveur de ces textes. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)