M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Monsieur le sénateur, les retards de versement d’indemnités journalières que vous évoquez peuvent être liés au délai de traitement nécessaire à la liquidation et au versement des prestations. Ils peuvent être rallongés si les employeurs, par méconnaissance de la procédure, tardent à transmettre l’attestation de salaire nécessaire au calcul des droits du salarié.

La généralisation progressive de la déclaration sociale nominative, qui interviendra en 2017, après une montée en charge au cours de l’année 2016, supprimera cette attestation et raccourcira d’autant les délais.

Le Gouvernement s’est également engagé, dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, à simplifier la réglementation des indemnités journalières pour réduire les délais de versement.

De plus, les partenaires sociaux de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services d’aide à domicile se sont engagés à mener en 2015 une négociation sur la généralisation de la subrogation, qui éviterait au salarié d’avoir à supporter financièrement les conséquences d’un retard de versement des indemnités journalières.

Le sujet a d’ailleurs été abordé plusieurs fois lors de commissions mixtes paritaires cette année. Il est souhaitable qu’un compromis soit trouvé. Cela relève de la responsabilité des partenaires sociaux.

Parallèlement, le Gouvernement s’attache à faciliter l’accès aux droits des salariés et à renforcer la situation économique du secteur. Le ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et celui de Marisol Touraine ont signé avec ce secteur un engagement de développement de l’emploi et des compétences.

Il est prévu un cofinancement par les organismes paritaires collecteurs agréés de branche et l’État à hauteur de 6 millions d’euros. Des actions de professionnalisation des fonctions « ressources humaines », pour une meilleure maîtrise de la règlementation et des obligations, sont notamment prévues.

Enfin, des marges de manœuvre financière supérieures seront dégagées via la mise en place d’un fonds de restructuration destiné aux services d’aide à domicile, au bénéfice duquel Marisol Touraine et Laurence Rossignol ont annoncé, le 13 novembre dernier, la mobilisation de 25 millions d’euros supplémentaires.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est conscient des problèmes que vous soulevez et met en œuvre des solutions concrètes.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. De façon un peu surprenante, vous évoquez, madame la secrétaire d'État, la méconnaissance de la procédure par les employeurs, ainsi que des mesures de simplification qui permettraient de raccourcir les délais. En revanche, vous n’avez pas vraiment répondu à la demande formulée par les organisations syndicales et les salariées elles-mêmes.

En cette période où le Gouvernement demande, à juste titre, à la société de faire bloc, je regrette qu’on laisse sur le bord de la route des salariées aussi précaires, sans apporter de véritable réponse à leur demande, pourtant extrêmement simple : pouvoir vivre décemment.

Je rappelle qu’il s’agit d’une profession extrêmement précarisée, féminisée à hauteur de 98 %. Ces femmes sont soumises à des journées de travail d’une très grande amplitude, doivent travailler le week-end, en faisant preuve d’une grande flexibilité, ce qui entraîne une fatigue physique et psychique. Certains frais professionnels ne leur sont pas remboursés, alors qu’elles gagnent 832 euros en moyenne par mois… Ces femmes ont attendu six ans pour obtenir le dégel de leur point d’indice. Que représentent 8 euros obtenus en six années ? Un morceau de pain sec par jour !

Il faut absolument que le Gouvernement prenne les choses en main pour que ces femmes, dont le bulletin de paie affiche parfois zéro euro, ne subissent pas cette situation plus longtemps.

Il est indispensable de prendre des mesures immédiatement. Le Gouvernement a les moyens d’intervenir ; il y a de l’argent pour cela. S’il le faut, mettons en place, comme je l’ai proposé, une contribution de solidarité acquittée par les actionnaires. Ainsi, nous aurons les moyens d’offrir à la fois un meilleur service aux usagers, de meilleures conditions de travail aux salariés de ce secteur, qui sont, je le redis, à 98 % des femmes.

projet de schéma directeur de gestion des eaux du bassin rhône-méditerranée

M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez, auteur de la question n° 1220, adressée à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Vivette Lopez. Madame la secrétaire d’État, je souhaite vous interpeller à propos des inquiétudes de nombreux élus en ce qui concerne la mise en œuvre du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, le SDAGE, élaboré par le comité de bassin Rhône-Méditerranée selon des critères ne correspondant pas à l’hydrologie de notre bassin méditerranéen.

Le président de la communauté d’agglomération d’Alès, une majorité d’élus départementaux et les élus de la chambre d’agriculture du Gard ont émis un avis défavorable sur la mise en œuvre de ce schéma, établi par le préfet coordonnateur de bassin, gestionnaire du dossier.

Ce document réglementaire majeur, qui a une portée juridique forte, aurait été établi sans concertation, malgré la forte volonté des élus du secteur de préserver la qualité de la ressource en eau, indispensable à la vie de leur territoire. Les nombreuses actions menées ces dernières années, en matière de renouvellement des canalisations de distribution de l’eau potable, de réduction des prélèvements et des rejets polluants et de lutte contre les inondations, témoignent de cette volonté.

Ces actions, jusqu’alors réalisées dans le cadre d’un schéma local d’aménagement et de gestion des eaux –le SAGE – sont censées être adaptées au contexte et aux problématiques locaux. Le schéma local est incitatif pour les acteurs de l’eau, alors que le schéma directeur, s’il était maintenu en l’état, entraînerait un emballement réglementaire déconnecté des réalités du terrain.

Qui mieux que les élus et les acteurs du milieu agricole est à même de définir les actions à mener pour la maîtrise et la gestion de l’eau ?

Le SDAGE est particulièrement coercitif et laisse présager une augmentation sans précédent du prix de l’eau, qui aura des conséquences négatives pour le développement de nos communes. En outre, les usagers, qui n’en peuvent déjà plus, devront subir le poids financier supplémentaire des réalisations menées par des cabinets extérieurs, qui ne connaissent pas toujours la réalité du terrain.

Par ailleurs, l’économie agricole – déjà soumise à de multiples contraintes, telles que la réduction des prélèvements d’eau, les modifications des pratiques agricoles, la réduction voire l’arrêt de certains traitements phytosanitaires et la réduction des surfaces agricoles – en serait affaiblie.

Madame la secrétaire d’État, je souhaiterais que vous entendiez les remarques des élus et des agriculteurs qui vivent sur ce territoire ; je ne doute pas que vous prendrez en considération leurs légitimes revendications.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Madame la sénatrice, Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, m’a chargée de vous répondre. Je vous prie de bien vouloir l’excuser.

Les SDAGE sont les plans de gestion instaurés par la directive du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau. Ils sont élaborés au sein d’un comité de bassin, instance partenariale de concertation entre les usagers, les élus et l’État. Les SDAGE sont mis à jour tous les six ans, la prochaine échéance étant la fin de cette année.

Le SDAGE Rhône-Méditerranée a été adopté par le comité de bassin le 20 novembre dernier, après une phase d’élaboration entamée au cours de l’année 2014 et une consultation du public et des assemblées locales organisée entre le 19 décembre 2014 et le 18 juin 2015. Plus de 5 600 avis émanant du public et plus de 330 contributions des acteurs institutionnels ont été enregistrés. Le comité de bassin a décidé des suites à donner à chacune de ces contributions, dont celle de la communauté d’agglomération d’Alès, qui a bien été recensée. Le conseil général du Gard, la commission locale de l’eau des Gardons et le syndicat mixte d’aménagement et de gestion équilibrée des Gardons ont exprimé un avis favorable sur le projet.

Le SDAGE doit permettre d’atteindre les objectifs environnementaux fixés par la directive-cadre sur l’eau, en particulier celui du bon état des masses d’eau. C’est pourquoi la loi rend ses orientations fondamentales, ses dispositions et ses objectifs opposables à toutes les décisions administratives prises dans le domaine de l’eau, aux documents d’urbanisme et aux schémas régionaux des carrières, dans un rapport de compatibilité.

La détermination des objectifs du SDAGE et le calibrage des actions pour atteindre ceux-ci, recensées dans un « programme de mesures », ont été menés en parallèle. Ainsi, après un long processus de concertation, le SDAGE et le programme de mesures du bassin Rhône-Méditerranée ont été construits en considérant ce qu’il était possible de réaliser dans un cycle de six ans, compte tenu de la faisabilité technique et économique des mesures et du temps de réaction du milieu.

M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez.

Mme Vivette Lopez. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de ces informations. Les élus et le monde agricole, je le répète, souhaitent être consultés sur les décisions à venir.

réforme du numerus clausus

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, auteur de la question n° 1243, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Laurence Cohen. Par un hasard du calendrier, le Gouvernement vient d’annoncer une hausse de 6,4 % du numerus clausus pour les études médicales, avec une augmentation du nombre d’admis dans dix régions. Si cela va évidemment dans la bonne direction, cette hausse paraît encore trop éloignée des réalités et des besoins de la population en matière de santé.

Je rappelle que, depuis 2005, la France a perdu 3 500 généralistes. Au-delà, je regrette que l’Île-de-France ne soit pas comprise dans cette liste de dix régions, alors même qu’un département comme le Val-de-Marne a perdu 20 % de ses généralistes depuis 2007.

Comme je l’ai déjà souligné dans cet hémicycle, le 19 février dernier, il semble nécessaire de mettre en œuvre une réforme structurelle du mode de calcul du numerus clausus. Lors de la rentrée 2015, près de 56 000 étudiants se sont inscrits en première année commune aux études de santé, afin d’accéder à l’un des métiers du secteur de la santé. Du fait du numerus clausus, qui dicte le taux de réussite dans ces filières, seulement 13 % d’entre eux seront admis en deuxième année de médecine.

De 9 000 étudiants reçus en deuxième année de médecine en 1971, date d’instauration de ce système de sélection, nous sommes passés à un peu plus de 7 000 aujourd’hui.

Pourtant, à mesure que la médecine progresse et que de nouvelles problématiques de santé apparaissent, liées notamment au vieillissement de la population ou à l’apparition de problèmes de santé publique comme l’épidémie du virus de l’immunodéficience humaine, le VIH, les besoins ne cessent d’augmenter, d’autant que la population française est passée de 51 millions à 65 millions de personnes durant la même période.

Cette baisse du nombre de médecins et de professionnels paramédicaux est lourde de conséquences pour une partie de la population, puisque les déserts médicaux ne cessent de s’étendre, en territoires tant ruraux qu’urbains. Par exemple, dans certaines villes du Val-de-Marne, le ratio est de un médecin pour 3 600 habitants, la moyenne de la France métropolitaine étant d’un médecin pour 300 habitants.

L’obsolescence du numerus clausus a été soulignée en 2013 par un rapport de l’Inspection générale des finances, qui précise que 56 % des nouveaux masseurs-kinésithérapeutes ont suivi leurs études à l’étranger, principalement en Belgique ou en Espagne, de même que 29 % des nouveaux chirurgiens-dentistes s’inscrivant à l’ordre professionnel. La conclusion que l’on peut tirer de ces statistiques, c’est que les quotas sont contournés de fait.

Le Gouvernement compte-t-il réformer la première année des études de santé en définissant le nombre d’étudiants admis en fonction des enjeux et des besoins de santé plutôt que d’un plafond fixé a priori, comme c’est le cas actuellement, tout en maintenant le niveau d’exigence nécessaire ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser M. Thierry Mandon, retenu par la réunion du Conseil européen des ministres de la recherche.

Vous affirmez la nécessité de réformer le système du numerus clausus applicable à la fin de la première année commune aux études de santé afin de répondre aux enjeux et besoins de santé publique, notamment à la difficulté posée par les zones médicales sous-denses.

La détermination du numerus clausus intervient chaque année dans le cadre d’une concertation entre les ministères chargés de la santé et de l’enseignement supérieur. Il est ensuite arrêté, conformément à l’article L. 631-1 du code de l’éducation, en fonction « des besoins de la population, de la nécessité de remédier aux inégalités géographiques et des capacités de formation des établissements concernés ». En 1971, il correspondait seulement aux capacités d’accueil hospitalières.

Si la régulation démographique des professionnels de santé s’exerce essentiellement via la détermination du nombre d’étudiants à former, leur exercice en fin d’études est au contraire fondé sur le principe de la libre installation, ce qui garantit la qualité de l’exercice de la profession.

Pour remédier au problème des déserts médicaux, le Gouvernement a mis en place des mesures d’incitation à l’installation de médecins généralistes dans des zones sous-denses dans le cadre du pacte territoire-santé. En outre, des contrats d’engagement de service public sont proposés aux internes afin de les inciter à s’installer dans ces mêmes zones.

Soucieux d’améliorer le système de formation des étudiants et de répondre aux besoins de santé publique, le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche attend de connaître les préconisations de la grande conférence de la santé. Mise en place par le Premier ministre, elle travaille actuellement sur la définition de nouvelles modalités d’accès des étudiants aux filières de santé, et donc sur le numerus clausus. Au regard des recommandations présentées, le ministère pourra adopter, le cas échéant, de nouvelles règles dans ce domaine.

Je vous informe que le pacte territoire-santé prévoit comme première mesure une augmentation significative du numerus clausus, avec une hausse immédiate de 6,4 % ciblée sur dix régions manquant de médecins.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Je vous remercie de ces éléments d’information, madame la secrétaire d’État, qui cependant ne répondent pas réellement à ma question.

Il existe des inégalités sanitaires flagrantes entre territoires, comme en témoigne l’existence de déserts médicaux extrêmement étendus. Or les mesures prises ne répondent pas à ce problème. Il manque des médecins, généralistes et spécialistes, ainsi que des professionnels paramédicaux ; étant moi-même orthophoniste, je constate que les listes d’attente de patients sont de plus en plus longues… Il convient donc de former davantage de personnels de santé.

Par ailleurs, vous avez indiqué tout à l’heure à mon collègue Michel Billout que les hôpitaux de Nemours, de Montereau et de Fontainebleau étaient confrontés à d’importantes difficultés de recrutement, d’où la décision de les fusionner. S’il existe des difficultés pour recruter, il faut former davantage de personnels médicaux.

Enfin, on a besoin de davantage de personnels pour répondre non seulement aux besoins en médecine de ville, mais aussi aux demandes des centres de santé.

Pour toutes ces raisons, je vous demande d’appuyer très fortement la révision en profondeur du numerus clausus.

M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)

PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Organisme extraparlementaire

M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie.

Conformément à l’article 9 du règlement, la commission des finances a été invitée à présenter la candidature d’un sénateur pour siéger en qualité de membre titulaire au sein de cet organisme extraparlementaire.

4

Retrait de deux questions orales

M. le président. J’informe le Sénat que les questions orales n° 1270 de M. Roland Courteau et n° 1279 de M. Vincent Delahaye sont retirées du rôle des questions orales, à la demande de leur auteur.

5

Articles additionnels après l’article 63 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Seconde partie

Loi de finances pour 2016

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Ecologie, développement et mobilité durables - Budget annexe : contrôle et exploitation aériens - Compte d'affectation spéciale : aides à l'acquisition de véhicules propres - Compte d'affectation spéciale : services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 163, rapport général n° 164, avis nos 165 à 170).

seconde partie (suite)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

M. le président. Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Écologie, développement et mobilité durables

Budget annexe : Contrôle et exploitation aériens

Compte d’affectation spéciale : Aides à l’acquisition de véhicules propres

Compte d’affectation spéciale : Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

Seconde partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Article 51 ter (nouveau) (début)

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (et article 51 ter), du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et des comptes d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres » et « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ».

La parole est à M. Jean-François Husson, rapporteur spécial.

M. Jean-François Husson, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les paysages, l’eau et la biodiversité, l’information géographique et cartographique, la prévention des risques, l’énergie, le climat et l’après-mines, la conduite et le pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables et pour les aides à l’acquisition de véhicules propres. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en 2016, la mission « Écologie, développement et mobilité durables » contribuera largement à la réduction des dépenses publiques, par une diminution de ses autorisations d’engagement de l’ordre de 8 % et une baisse de ses crédits de paiement de près de 2 %. En outre, le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie connaîtra une réduction de 671 emplois, soit plus de 2 % de ses effectifs, ce qui en fera le deuxième contributeur, derrière le ministère des finances et des comptes publics.

La mission fait l’objet d’un traitement budgétaire rigoureux depuis au moins quatre exercices, aussi bien en loi de finances initiale qu’en exécution, du fait d’annulations très substantielles de ses crédits.

Les efforts ainsi demandés au ministère, sans adaptation concomitante de ses missions, font peser plusieurs risques. Les services comme les opérateurs atteignent leurs limites et ont du mal à assurer le renouvellement des compétences humaines, ce qui menace le niveau d’expertise qu’ils peuvent apporter dans la mise en œuvre des politiques en faveur de l’environnement. En outre, la plupart d’entre eux se trouvent aujourd’hui dans une situation de sous-investissement chronique qui les oblige à ponctionner leur fonds de roulement et fragilise leur situation financière. Enfin, l’absence de visibilité sur leurs ressources peut entraver leur capacité à lancer des projets et des interventions.

Mes chers collègues, vous comprendrez que cette situation rende de plus en plus difficile la mise en œuvre des politiques définies par le ministère et ses opérateurs et fasse peser une incertitude sur l’atteinte des objectifs qui nous sont assignés par les directives européennes dans le domaine environnemental, qu’il s’agisse de l’eau, de la biodiversité ou de la qualité de l’air.

Certes, il ne faut pas réduire les moyens d’une politique aux crédits budgétaires qui lui sont alloués. En l’espèce, les ressources extrabudgétaires sont nombreuses, entre les dépenses fiscales, le programme d’investissements d’avenir, la contribution au service public de l’électricité, la fameuse CSPE, ou bien encore les certificats d’économies d’énergie.

Cependant, le Parlement ne dispose que d’une information partielle, voire inexistante,…

M. André Gattolin. Absolument !

M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. … et d’un pouvoir de contrôle des plus limités sur l’évolution, l’usage et l’efficacité de ces moyens, ce qui plaide pour un enrichissement des documents budgétaires dans ce domaine.

Au-delà, je veux insister sur les nombreux défauts qui entachent la politique du Gouvernement dans les domaines écologique, énergétique et environnemental.

Vous le savez, la fin de l’année 2015 et l’année 2016 s’inscrivent dans un contexte particulier, avec l’organisation, en ce moment même, à Paris, de la COP 21, mais aussi avec la mise en œuvre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Or le budget pour 2016 ne paraît pas suffisamment ambitieux à cet égard. Plus grave, on ne distingue ni cohérence ni stratégie claire de la part du Gouvernement. Au contraire, nous relevons des contradictions.

Je vais illustrer mon propos par quelques exemples.

Dans le domaine de l’eau et de la biodiversité, on ne peut que regretter le peu d’empressement du Gouvernement à inscrire à l’ordre du jour du Sénat l’examen en séance publique du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, alors même que ce texte a été présenté en conseil des ministres en mars 2014 et examiné à l’Assemblée nationale il y a maintenant plus de six mois. Ce retard a bien évidemment pour conséquence de différer la création de l’Agence française pour la biodiversité, un opérateur qui doit regrouper plusieurs établissements œuvrant dans le domaine de la biodiversité terrestre et marine et qui offre, par ailleurs, d’intéressantes perspectives de mutualisation.

Dans le domaine de la transition énergétique, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le CEREMA, jeune opérateur issu, en 2014, de la fusion de onze services et ayant notamment pour vocation d’apporter à l’État et aux acteurs territoriaux un appui d’ingénierie et d’expertise sur les projets d’aménagement, voit sa montée en puissance compromise par une réduction très marquée de ses moyens. Cette situation est regrettable, parce que cet opérateur a vocation à devenir un partenaire précieux des collectivités locales dans le contexte actuel de la réforme territoriale et de la baisse de leurs dotations.

Dans le domaine de la lutte contre la pollution, il me paraît prématuré de réduire le montant des bonus accordés aux véhicules hybrides, alors que la vente de voitures de ce type a enfin commencé à prendre son essor en 2015. Je relève cependant avec satisfaction que le bonus en faveur des véhicules électriques sera maintenu à son niveau actuel, ce qui paraît de nature à conforter la dynamique constatée cette année. Par ailleurs, 30 millions d’euros de crédits supplémentaires seront ouverts pour financer l’extension de la prime à la conversion des véhicules diesel de plus de dix ans, contre quatorze ans auparavant.

Enfin, dans le domaine fiscal, le projet de loi de finances pour 2016 ne comporte en fait que très peu de dispositions en faveur de la transition écologique. Si le collectif budgétaire comporte un ensemble de mesures de fiscalité énergétique, en lien avec la réforme de la CSPE, le Gouvernement semble, là encore, ne pas avoir de stratégie globale et cohérente, puisqu’il a fait adopter par l’Assemblée nationale, de façon isolée, dans le cadre de la loi de finances pour 2016, une hausse du prix du diesel ayant vocation à financer des mesures en faveur des ménages modestes, et non des actions en faveur de l’environnement ou au service de la transition énergétique.

En conclusion, mes chers collègues, la commission des finances recommande de ne pas adopter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

M. Roland Courteau. C’est regrettable !

M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. En revanche, elle préconise l’adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial, et M. André Gattolin applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les infrastructures et services de transport, la sécurité et les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture et pour les services nationaux de transport conventionnés de voyageurs. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais vous présenter les programmes 203, « Infrastructures et services de transports », et 205, « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture », de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », dont je suis le corapporteur, au même titre que Jean-François Husson et Vincent Capo-Canellas. Je vous présenterai également les crédits du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ».

Comme les années précédentes, je regrette que le budget des infrastructures et services de transport ne constitue pas une mission à part entière, alors qu’il représente un enjeu financier et socio-économique considérable pour notre pays.

Le programme 203, dont je suis le rapporteur, ne présente qu’une partie des dépenses consacrées aux transports, en raison du rôle majeur joué par l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, dans le financement des grandes infrastructures.

Établissement public administratif créé en 2004, l’AFITF est financée par des taxes qui lui sont affectées par l’État, auquel elle reverse ensuite une partie de son budget sous forme de fonds de concours, en ayant préalablement « fléché » les sommes ainsi reversées vers des projets précis, qu’il s’agisse des routes, du ferroviaire ou encore du fluvial.

Or, contrairement aux crédits budgétaires, les fonds de concours ne sont qu’évaluatifs et le Parlement ne dispose pas du budget initial de l’AFITF au moment où il examine le projet de loi de finances. En fait, comme le rappelle la Cour des comptes à propos de l’Agence, « l’ampleur du recours à la technique des fonds de concours en provenance de cet établissement permet au ministère de disposer d’une masse de ressources reportables de droit et sans limite ».

Si je ne plaide pas pour une suppression de l’AFITF, je regrette que le circuit budgétaire du financement des infrastructures rende très difficile, voire impossible, de connaître le montant qui leur est effectivement consacré.

Depuis sa création, I’AFITF a engagé 33 milliards d’euros. Selon les éléments qui m’ont été transmis, elle pourrait disposer, en crédits de paiement, de 1,85 milliard d’euros pour ses dépenses d’intervention en 2016. À la fin de l’année 2015, il lui restait à mandater une somme d’environ 11,85 milliards d’euros – concernant, à 63 %, le transport ferroviaire –, soit un montant correspondant à plus de six exercices, au regard de son budget actuel. Son équilibre financier apparaît donc pour le moins instable. Selon Philippe Duron, son président, l’Agence aurait besoin de pouvoir décaisser environ 2,2 milliards d’euros chaque année pour faire face à ses engagements.

Comme vous vous en souvenez, mes chers collègues, l’AFITF aurait dû bénéficier des recettes de l’écotaxe. Or, non seulement elle n’a pas perçu ces recettes, mais elle a dû payer les indemnités accordées à Ecomouv’ en raison de la résiliation du contrat qui liait ce consortium à l’État.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, j’avais estimé à 830 millions d’euros environ la somme totale que devrait débourser l’État à la suite du fiasco de l’écotaxe. L’ardoise est, en réalité, beaucoup plus lourde, puisqu’elle s’élèvera à 969,2 millions d’euros, montant entièrement financé par l’État, donc par le contribuable, via l’AFITF.

Pour remplacer les recettes que l’Agence aurait dû percevoir au titre de l’écotaxe et lui permettre de faire face aux décaissements engendrés, en 2015, par la résiliation du contrat, la loi de finances pour 2015 lui avait affecté la totalité du produit d’une augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, sur le gazole pour les véhicules légers, à raison de 2 centimes d’euros par litre, et le déremboursement d’une partie de l’exonération sur le gazole des poids lourds, à hauteur de 4 centimes d’euros par litre, soit une somme de 1 139 millions d’euros pour l’année 2015.

Les décaissements liés à la résiliation du contrat liant l’État à Ecomouv’ étant nettement moins importants en 2016, l’article 14 du présent projet de loi de finances prévoyait que l’État n’affecterait, l’an prochain, à l’AFITF qu’une fraction du produit du relèvement de la TICPE, pour un montant de 715 millions d’euros.

La situation financière de l’AFITF étant très dégradée, le Sénat a décidé de lui affecter de nouveau, en 2016, l’intégralité du relèvement de la TICPE. J’espère, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement acceptera de faire évoluer sa position sur ce dossier crucial pour le financement de nos infrastructures de transport.

J’en viens au programme 203 proprement dit.

Les crédits qui lui sont alloués connaissent une légère diminution. Sur les 3,2 milliards d’euros du programme, l’essentiel de la dépense est constitué par la subvention, d’un montant de 2,5 milliards d’euros, versée à SNCF Réseau, ex-Réseau ferré de France. L’entretien routier et la subvention à l’établissement public Voies navigables de France subiront, pour leur part, une légère érosion par rapport à 2015.

Pour les différentes raisons que j’ai évoquées précédemment – absence de mission propre aux transports, illisibilité du budget qui leur est consacré, situation financière dégradée de l’AFITF et sous-évaluation délibérée du coût, pour le citoyen, du fiasco de l’écotaxe –, la commission des finances propose au Sénat de rejeter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

J’en viens maintenant au programme 205, « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture ». La dotation attendue pour 2016, en baisse par rapport à 2015, s’élève à 187,3 millions d’euros en autorisations d’engagements et 184,8 millions d’euros en crédits de paiement.

Le soutien au secteur des transports maritimes, via des exonérations de cotisations sociales patronales, absorbe 34,7 % des crédits du programme, soit 64,5 millions d’euros. Le transport maritime français est en effet confronté à une concurrence internationale exacerbée dans le contexte de la mondialisation. Ces crédits baisseront en 2016 en raison des pertes d’emplois dans le transport de passagers ; en revanche, les crédits consacrés aux missions régaliennes de sécurité et de sûreté en mer et à la formation des marins resteront stables.

Je dirai enfin un mot sur le compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ». Ce compte regroupe les crédits destinés à financer les trains d’équilibre du territoire – les TET –, c’est-à-dire une trentaine de lignes structurellement déficitaires dont l’exploitation est assurée par SNCF Mobilités, sous l’autorité de l’État.

Historiquement, la SNCF assurait une péréquation interne entre ses TGV, excédentaires, et les TET, déficitaires. Depuis 2010, l’État affecte des taxes au présent compte d’affectation spéciale afin de compenser le déficit d’exploitation de SNCF Mobilités dû aux TET, ainsi que la régénération du matériel roulant.

Le déficit d’exploitation de ces lignes s’est aggravé ces dernières années, la fréquentation des TET ayant diminué de 20 % depuis 2011, notamment en raison de l’essor du covoiturage. Pour tenir compte de cette réalité, les crédits de ce compte atteindront 216,2 millions d’euros en 2016, soit une hausse significative de 13,3 % par rapport à 2015.

La commission des finances a reconnu la nécessité de renouveler le matériel roulant de l’ensemble des lignes TET, qu’elle préconise de maintenir, tout en soulignant que la moyenne d’âge de ce matériel est de trente-cinq ans. Le Gouvernement a annoncé le renouvellement, d’ici à 2025, du matériel roulant sur les lignes TET structurantes.

La commission des finances propose donc au Sénat d’adopter les crédits de ce compte d’affectation spéciale sans modification. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)