M. Félix Desplan. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chère Catherine Tasca, auteur de la proposition de loi organique, mes chers collègues, le texte que nous examinons ce soir ne comporte qu’un article. Il a un objectif simple et concret : permettre à l’Autorité de la concurrence créée il y a un peu plus d’un an par le congrès de la Nouvelle-Calédonie de fonctionner enfin. Sa mise en marche est très attendue, tant par le gouvernement calédonien, les groupes politiques du congrès, les provinces, les intersyndicales, les organisations patronales que par les consommateurs calédoniens.
Ce texte est attendu, parce que, comme dans les autres territoires ultramarins, marqués par leur éloignement géographique, par une population restreinte et par une attirance pour les produits de consommation de la métropole, la vie est chère en Nouvelle-Calédonie.
Le surcoût du « panier » varie encore, selon les enseignes de grande surface, de + 96 % à + 155 % par rapport à la métropole. Sur la zone du Grand Nouméa, qui représente 90 % du chiffre d’affaires des grandes surfaces alimentaires, deux opérateurs détiennent ainsi plus de 80 % des surfaces commerciales, situation aggravée par les barrières réglementaires à l’entrée du territoire. Dans le secteur automobile, 80 % des marques sont aussi aux mains de deux groupes.
De façon plus générale, dans les secteurs où la concurrence existe, le différentiel de prix est de + 15 %. Mais, ailleurs, les prix sont en général deux fois plus élevés.
La cherté de la vie, que ce soit en matière de produits alimentaires, de tarifs bancaires, de coût de l’énergie ou dans le domaine du logement, a fait descendre les syndicats et les populations dans la rue à plusieurs reprises, notamment aux mois de mai 2011 et mai 2013. Grèves et manifestations ont conduit les autorités locales à mettre en place des mécanismes divers pour lutter contre ce qui ne doit pas être admis comme une fatalité.
La concurrence est l’une des clefs de cette lutte. La loi organique de 1999 a attribué à la Nouvelle-Calédonie les compétences de réglementation des prix, de concurrence, de répression des fraudes et de réglementation des professions commerciales. Depuis, la Nouvelle-Calédonie a adopté des textes mettant en place un droit de la concurrence avancé et des règles de transparence des relations commerciales. Elle a ainsi instauré un contrôle des concentrations, un contrôle des exploitations des surfaces commerciales et une injonction structurelle pour résorber les situations soulevant des risques de concurrence.
La Nouvelle-Calédonie a également souhaité la mise en place d’une autorité administrative indépendante, dotée de pouvoirs d’enquête, de recours et de sanctions, pour veiller à l’application de ces nouvelles dispositions.
On a critiqué – dans cette enceinte même – la multiplication des autorités administratives indépendantes, déplorant parfois leur inutilité pour les trois quarts d’entre elles. Cependant, à une question que lui posait, lors d’une audition, notre collègue le président Mézard, Bruno Lasserre, le président de l’autorité de la concurrence hexagonale, a répondu : « Il n’existe pas une économie de marché au monde qui n’ait son autorité de la concurrence. Si vous voulez la jungle, c’est-à-dire des réunions secrètes d’entente sur les prix entre les entreprises, supprimez-la. »
Les autorités calédoniennes ont le souci d’apporter des réponses structurelles, mais aussi des modes d’action lisibles par les consommateurs. C’est pourquoi le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a créé un Observatoire des prix, un outil d’information grand public et facile d’accès.
Tout cela est d’autant plus nécessaire aujourd’hui que la conjoncture économique est défavorable.
Les cours du nickel, première exportation de la Nouvelle-Calédonie, qui détient 25 % à 30 % des ressources mondiales, se sont effondrés. Des fours sont fermés ou suspendus, des salariés reclassés ou en départ anticipé. Les pertes d’exploitation s’élèveraient à plusieurs centaines de millions de dollars. Cette crise a été à l’origine d’un conflit social, le « conflit des rouleurs », qui a opposé les mineurs et les camionneurs aux institutions locales plusieurs semaines au mois d’août dernier. La question se posait notamment, et elle se pose toujours, de ne plus réserver les exportations du minerai aux clients traditionnels que sont l’Australie, le Japon et la Corée du Sud, mais de vendre à la Chine du minerai à basse teneur. Pour certains, cela soutiendrait l’activité économique, mais, pour d’autres, ce serait contre-productif, la production de fonte brute – pig iron – par la Chine obtenue avec ce minerai de basse teneur et l’importance de ces stocks pouvant contribuer à une baisse des prix.
Ces choix sont du ressort des autorités calédoniennes, mais je sais, madame la ministre, que vous avez toujours été à l’écoute, appelant chaque fois à un accord raisonné et raisonnable de toutes les parties.
Pour que l’entente, obtenue par un dialogue constant entre les uns et les autres, puisse aboutir à une redynamisation de la vie économique, accompagnée d’une réduction des inégalités, les mécanismes créés doivent fonctionner. Or l’Autorité de la concurrence, seule autorité administrative indépendante créée jusqu’à présent en Nouvelle-Calédonie, ne fonctionne toujours pas.
L’actuelle proposition de loi organique doit y remédier.
Le projet de loi organique initial autorisant la création en Nouvelle-Calédonie d’autorités administratives indépendantes ne prévoyait pas d’incompatibilités. Le Sénat a adopté, sur l’initiative de Catherine Tasca, auteur de la proposition de loi organique en débat aujourd’hui, un amendement précisant que la composition et les modalités de désignation des membres de l’autorité devaient être de nature à assurer son indépendance. L’Assemblée nationale est allée plus avant : sur l’initiative du rapporteur d’alors de la commission des lois, elle a très strictement encadré les critères et modalités de nomination, pour préserver les membres de la pression des pouvoirs politiques ou administratifs, qu’ils soient métropolitains ou locaux, ou d’entités économiques privées.
La fonction de membre d’une autorité administrative est devenue incompatible avec l’exercice de tout autre emploi public. Dans la pratique, il ne s’est guère révélé possible de trouver des candidats répondant à ces critères. Il s’agit maintenant d’être un tant soit peu pragmatique.
Notre collègue Catherine Tasca a fait une proposition. Le congrès de la Nouvelle-Calédonie a émis sur ce texte un avis favorable, avec des observations dont il a été tenu compte lors de nos débats en commission des lois.
La personne présidant l’autorité ne pourra exercer aucun autre emploi public en Nouvelle-Calédonie. Les autres membres pourront exercer parallèlement un emploi public, mais uniquement au sein de l’État. Par ailleurs, un délai de carence de trois ans empêchera que soit nommée une personne qui, au cours des trois années précédant sa désignation, aurait exercé les mandats ou fonctions ou détenu des intérêts compris dans le champ des incompatibilités s’appliquant respectivement au président ou aux autres membres d’une autorité administrative indépendante.
C’est, je le crois, un texte raisonnable. C’est en tout cas un texte consensuel. Ce matin, les députés de la commission des lois ont adopté une proposition de loi organique semblable, sur l’initiative du député UDI Philippe Gomes. L’Assemblée nationale devrait se prononcer sur ce texte-là en séance le 26 novembre prochain. Si nous adoptons l’amendement déposé, les deux propositions de loi organique seront similaires. Les deux assemblées pourront donc s’accorder sur un texte conforme dans les prochaines semaines. La mise en route prochaine de l’Autorité de la concurrence en sera grandement facilitée.
Je vous appelle donc, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi organique présentée par notre collègue Catherine Tasca. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Sylvie Goy-Chavent ainsi que MM. Joël Labbé, Michel Savin et Jacques Genest applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Madame la présidente, madame la ministre, madame la vice-présidente de la commission des lois, madame l’auteur de la proposition de loi organique, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les difficultés provoquées par la vie chère sont particulièrement présentes en outre-mer, où le niveau des prix est régulièrement montré du doigt pour être nettement plus élevé qu’en métropole, notamment pour les biens de première nécessité. Face à cette situation, à plusieurs reprises ces dernières années et dans plusieurs de ces territoires, les populations se sont mobilisées pour exprimer leur inquiétude.
La Nouvelle-Calédonie n’est pas épargnée. En 2012, l’INSEE évaluait que les prix y étaient 34 % plus élevés qu’en métropole et insistait bien sur le fait que les prix des biens de la vie quotidienne étaient les plus concernés. La différence de prix entre les produits alimentaires était la plus marquée, avec des prix 65 % supérieurs en Nouvelle-Calédonie.
Cette situation s’explique en partie par l’éloignement, les circuits d’approvisionnement longs, le volume des importations. À ce sujet, nous sommes, d’ailleurs, favorables à l’encouragement et au développement des productions locales et des circuits courts. En fait, le nombre restreint d’acteurs économiques bénéficiant d’une situation de quasi-monopole est en grande partie la source de ce problème. La position dominante de certains acteurs facilite le maintien de cartels, peut permettre des arrangements collusifs ; l’absence de concurrence permet à quelques oligopoles de profiter de la situation aux dépens des consommateurs.
Au mois de février 2012, la Nouvelle-Calédonie a sollicité à cet égard l’expertise de l’Autorité de la concurrence en vue de la réalisation de deux études portant sur les mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation et sur l’organisation des structures de contrôle en matière de concurrence. Un avis a été remis au mois de septembre 2013, dont les conclusions sont claires : deux groupes disposaient alors de plus de 80 % de parts de marché en surface de vente.
Lorsque l’on rapproche cette conclusion du constat du niveau élevé des prix en Nouvelle-Calédonie, particulièrement des biens de première nécessité, on comprend pourquoi les autorités calédoniennes ont choisi de confier à terme la responsabilité du contrôle de la concurrence à une autorité administrative indépendante. Sa mise en place n’a malheureusement pas pu se faire, car, comme cela a déjà été dit, les conditions à remplir pour s’assurer de l’indépendance des futurs membres de l’autorité administrative de la concurrence – ne pas avoir exercé un emploi public ou un mandat électif ni avoir eu des intérêts, directs ou indirects, dans une entreprise du secteur dont l’autorité assure la régulation – ont soulevé des difficultés pratiques.
La superficie limitée du territoire et l’impossibilité pour les membres de la nouvelle autorité indépendante d’occuper ce poste à temps plein, nécessitant donc d’avoir un emploi annexe qui ferait très possiblement partie de la liste que j’ai mentionnée, sont autant de caractéristiques qui rendent ces conditions compliquées à appliquer.
Des propositions ont été formulées pour remédier à ce problème, soutenues notamment par le gouvernement de Nouvelle-Calédonie. Elles créent en particulier un délai de carence pour permettre aux membres de l’autorité administrative indépendante d’avoir par le passé exercé des fonctions citées dans la liste des restrictions en prévenant les éventuels conflits d’intérêts. Des conditions plus strictes applicables au président de l’autorité sont quant à elles prévues, c’est une bonne chose et c’est tout à fait logique.
Au nom du groupe écologiste, je tiens à remercier notre collègue Catherine Tasca d’avoir porté ces propositions devant le Sénat, d’avoir recherché un consensus entre les différentes sensibilités politiques afin de nous permettre d’avancer et d’avoir réussi à conserver l’indépendance de l’autorité de la concurrence, c’est bien là le plus important.
Il nous semble que les dispositions prises dans cette proposition de loi organique sont satisfaisantes pour tous, sur les travées du Sénat comme sur les bancs de l’Assemblée nationale.
Les membres du groupe écologiste voteront donc ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains. – M. Guillaume Arnell applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacky Deromedi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi organique qui nous est aujourd'hui soumise porte sur les institutions calédoniennes. Elle vise à faciliter la création d’une autorité administrative indépendante de la concurrence. En réalité, elle traduit des préoccupations économiques majeures des autorités calédoniennes, des partis politiques calédoniens et de l’opinion calédonienne.
Le constat est le même depuis plusieurs années – de nombreux rapports parlementaires s’en sont fait l’écho –, le secteur économique calédonien connaît des problèmes de concurrence pour la fourniture de biens et de services, dont le corollaire immédiat est le coût élevé des produits de première nécessité. Ce sont sur ces deux domaines qu’ont porté les efforts des acteurs économiques et des partis en présence.
Le premier point que j’aborderai concerne les prix. Les causes de leur niveau élevé sont bien connues : l’insularité, l’éloignement des circuits de distribution, les habitudes de consommation, les frais de transport, et des progrès qui doivent être accomplis en matière de concurrence.
Depuis 2012, le principe est la liberté des prix, assortie de deux exceptions : la liberté surveillée – les prix sont déposés auprès du service compétent du gouvernement calédonien au moins quinze jours avant leur entrée en vigueur – et la liberté contrôlée – les prix déposés sont soumis à l’accord préalable de ce gouvernement.
Deuxième point, qui nous occupe plus particulièrement aujourd’hui, le manque de concurrence a un impact évident sur les prix.
Les autorités calédoniennes ont modernisé l’arsenal juridique qui était à leur disposition. Le congrès de la Nouvelle-Calédonie a adopté à l’unanimité la loi du pays du 14 février 2014 qui institue un contrôle des concentrations. Les autorités calédoniennes ont choisi de confier, à terme, la responsabilité des contrôles à une autorité administrative indépendante.
Cette création est d’ores et déjà possible. Répondant en effet au souhait du Comité des signataires, la loi organique du 15 novembre 2013, votée à l’unanimité, a permis au congrès de la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes.
La loi organique soumet les membres de ces autorités à un régime d’incompatibilité stricte, afin de renforcer leur indépendance et d’empêcher les conflits d’intérêts. Elle prévoit que « la fonction de membre d’une autorité administrative indépendante est incompatible avec tout mandat électif, tout autre emploi public et toute détention, directe ou indirecte, d’intérêts dans une entreprise du secteur dont ladite autorité assure la régulation ».
La loi du pays du 14 février 2014 a d’ores et déjà créé l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie. Elle doit « veiller au libre jeu de la concurrence en Nouvelle-Calédonie ». Elle comprendra un président et trois autres membres nommés pour une durée de cinq ans, parmi lesquels sera désigné un vice-président. Le président exercera ses fonctions à plein temps, les autres membres seront « non permanents ». Toutefois, cette instance n’a toujours pas été installée à ce jour.
Le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a fait connaître les difficultés qu’il rencontrait pour recruter des membres au regard des incompatibilités prévues par le législateur organique.
La proposition de loi organique de Mme Tasca et des membres de son groupe a pour but de remédier à ces difficultés.
Saisi par le président du Sénat, en application de l’article 77 de la Constitution, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a, le 28 septembre 2015, émis un avis favorable sur ce texte sous réserve d’une demande de complément et de modification.
D’une part, le congrès appelle à reprendre une rédaction plus souple de l’incompatibilité. Il propose de « limiter l’interdiction aux emplois publics exercés en Nouvelle-Calédonie, sous l’autorité des instances calédoniennes », envisageant que « des fonctionnaires d’État – magistrats financiers ou professeurs d’économie, par exemple – pourraient ainsi venir utilement en Nouvelle-Calédonie pour y effectuer des vacations et permettre ainsi à cette autorité de s’installer ».
D’autre part, le congrès s’interroge « sur la possibilité d’introduire un délai de carence d’au moins trois années s’agissant d’agents ayant exercé en Nouvelle-Calédonie pour le compte de l’État ou d’agents ayant exercé en Nouvelle-Calédonie et ayant atteint l’âge de la retraite », appelant à retenir un « délai significatif ».
Le texte adopté par la commission des lois est une solution de compromis par rapport à la rédaction initiale de la proposition de loi organique et à l’avis exprimé par le congrès de la Nouvelle-Calédonie.
Les incompatibilités seraient différentes selon la nature des fonctions exercées au sein de la nouvelle autorité. Son président serait assujetti à une incompatibilité avec tout emploi public exercé en Nouvelle-Calédonie, les autres membres à une incompatibilité avec tout emploi public exercé dans les institutions locales.
Un délai de carence de trois ans est prévu empêchant la désignation de ces membres s’ils ont exercé les fonctions couvertes par les incompatibilités professionnelles trois ans auparavant.
Notre groupe votera la proposition de loi organique telle qu’amendée par la commission des lois. Il y voit une nouvelle occasion de montrer son attachement à la Nouvelle-Calédonie et à sa prospérité économique et sociale.
Nous souhaitons, bien sûr, qu’une approche consensuelle puisse être trouvée entre les deux assemblées, comme il est d’usage depuis de nombreuses années pour les textes relatifs à la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sylvie Goy-Chavent ainsi que MM. Yves Détraigne et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi organique relative au statut des autorités administratives indépendantes créées par la nouvelle-calédonie
Article unique
L’article 27-1 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase, les mots : « , tout autre emploi public » sont supprimés ;
b) La dernière phrase est supprimée ;
2° Après le même deuxième alinéa, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :
« Est également incompatible l’exercice :
« 1° Pour le président d’une autorité administrative indépendante, de tout autre emploi public exercé en Nouvelle-Calédonie ;
« 2° Pour les autres membres d’une autorité administrative indépendante, de tout autre emploi public placé sous l’autorité ou la tutelle des institutions, des provinces et des communes de la Nouvelle-Calédonie.
« Nul ne peut être désigné président ou membre d’une autorité administrative indépendante si, au cours des trois années précédant sa désignation, il a exercé un mandat électif ou un emploi public ou détenu des intérêts considérés comme incompatibles avec ces fonctions en application des troisième à cinquième alinéas du présent article.
« Il ne peut être mis fin au mandat d’un membre d’une autorité administrative indépendante qu’en cas d’empêchement ou de manquement à ses obligations, constaté par une décision unanime des autres membres de l’autorité. »
Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par M. Darnaud, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Après les mots :
emploi public
rédiger ainsi la fin de l’alinéa :
de la Nouvelle-Calédonie, des provinces et des communes de la Nouvelle-Calédonie ainsi que de leurs établissements publics.
II. – Alinéa 9
1° Supprimer les mots :
président ou
2° Après les mots :
mandat électif
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
ou détenu des intérêts considérés comme incompatibles avec cette fonction en application du deuxième alinéa du présent article. Il en est de même pour la désignation :
« a) Du président si, au cours de la même période, il a exercé un emploi public considéré comme incompatible avec cette fonction en application du 1° du présent article ;
« b) Des autres membres si, au cours de la même période, ils ont exercé un emploi public considéré comme incompatible avec cette fonction en application du 2° du présent article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Comme je l’ai évoqué lors mon intervention en discussion générale, la commission propose de préciser, d’une part, la rédaction concernant les emplois publics locaux qui entrent dans le périmètre de l’incompatibilité professionnelle des membres et, d’autre part, le champ d’application du délai de carence de trois ans exigé avant la désignation des membres de cette autorité administrative indépendante.
Comme pour les incompatibilités, le périmètre n’est pas le même pour le président et les autres membres ; par cohérence, il reprend celui qui est applicable, respectivement, au président et aux autres membres, pendant leur mandat.
Le délai de trois ans, suggéré par le congrès de la Nouvelle-Calédonie, n’est pas modifié. Il n’est pas inconnu puisqu’il correspond, par exemple, à la durée que l’article 432–13 du code pénal prévoit pour écarter, après la cessation des fonctions, la prise illégale d’intérêts.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement puisqu’il permet de préciser utilement le texte de la proposition de loi organique, tant pour ce qui concerne son application aux emplois publics de Nouvelle-Calédonie, à l’exclusion des fonctionnaires de l’État, que pour l’application du délai de carence. Ainsi, c’est une bonne manière d’améliorer le texte.
Par ailleurs, j’ai oublié d’indiquer à M. le sénateur Guillaume Arnell que l’organisation des relations entre l’autorité nationale et l’autorité locale chargées de la concurrence est telle que l’appel des décisions de l’autorité locale n’a pas lieu devant l’autorité nationale mais devant la cour d’appel de Paris. L’autorité locale bénéficie donc de l’expertise de l’autorité nationale sans qu’il y ait de rapport hiérarchique. (M. Guillaume Arnell marque sa satisfaction.)
Mme la présidente. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi organique relative au statut des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 60 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 341 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur l’ensemble des travées.)
Je constate que cette proposition de loi organique a été adoptée à l’unanimité.
La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Je tiens à remercier la commission des lois et M. le rapporteur mais aussi l’ensemble des collègues qui ont participé à ce débat et qui ont accompagné l’évolution de ce texte depuis le début.
Pour ma part, je me réjouis que, une fois de plus, le Sénat ait su construire un consensus sur un sujet qui lui tient particulièrement à cœur. Je suis sûre que, pour les Néo-Calédoniens, c’est le signe d’une attention profonde et d’une compréhension réelle de leurs problèmes. (M. Jean-Pierre Sueur opine.)
Merci donc à vous tous, mes chers collègues, ainsi qu’à vous-même, madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – MM. Joël Labbé et Guillaume Arnell applaudissent également.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
9
Devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre
Suite de la discussion et rejet d’une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre (proposition n° 376 [2014-2015], résultat des travaux de la commission n° 75, rapport n° 74).
Mes chers collègues, je vous rappelle que nous avons commencé l’examen de ce texte le 21 octobre dernier.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, même si cela m’a beaucoup coûté, je me suis permis de vous adresser une lettre ouverte. Je souhaite vous exprimer le fond de ma pensée sur ce texte.
Au nom du groupe écologiste, je demanderai un scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi. Je le ferai d’abord sur chacun des amendements de suppression, si tant est qu’ils soient maintenus,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ce n’est pas à vous d’en décider !
M. Joël Labbé. … ce dont je ne suis pas certain.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Nous verrons bien !
M. Joël Labbé. Le 24 avril 2013, les immeubles du Rana Plaza s’effondrent, faisant 1 138 morts et plus de 1 500 blessés. On se rend compte des conditions inacceptables de travail qui y avaient cours.
Les étiquettes des commanditaires ont parlé : Carrefour, Auchan, Camaïeu. Ces marques, qui étalent chez nous leurs belles vitrines, ont une part énorme de responsabilité, par la pression qu’elles exercent pour profiter de coûts toujours plus bas, imposer des délais de production toujours plus courts et, bien entendu, dégager des marges toujours plus importantes.
Comment cautionner ces formes nouvelles d’un abominable esclavage moderne, dissimulé dans un contexte de mondialisation par des relations obscures de sous-traitance et de filialisation ?
La présente proposition de loi est très modérée. Elle prévoit l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan de vigilance. Seules les atteintes graves aux droits humains sont visées. En réalité, ce texte ne fait que rendre effectifs les engagements internationaux de la France en matière d’environnement, de droits humains et de droit du travail, notamment les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.
Quels sont les arguments avancés par ceux qui s’y opposent ? Le principal, c’est celui de la compétitivité des sociétés françaises.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Pas exactement !
M. Joël Labbé. Vient ensuite l’argument habituel selon lequel c’est à l’Europe de se positionner. Comme si l’Europe, ce n’était pas nous !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ce n’est pas seulement nous !
M. Joël Labbé. D’autres pays européens se préparent d'ailleurs à adopter des dispositions similaires à celles que nous examinons ce soir.
La France n’a-t-elle pas le devoir d’aller de l’avant ? Je parle de la France, pays des Lumières, pays des droits de l’homme ; je parle de cette France rebelle, de cette France qui se tient debout aujourd'hui ! N’est-ce pas le moment pour elle de retrouver toute sa fierté, toute sa dignité ? Ensuite, les autres pays d’Europe, puis l’Union européenne suivront. Et, enfin, c’est sur la planète entière que les droits humains seront respectés !
Le rôle du Sénat a été, me semble-t-il, bien défendu cet après-midi sur toutes les travées de l’hémicycle. Mais, il faut le dire, aujourd'hui, l’image de notre institution aux yeux des Françaises et des Français n’est pas terrible !
Adopter la présente proposition de loi, ce serait justement l’occasion de réhabiliter le rôle politique de la Haute Assemblée. Ce serait l’occasion de défendre l’intérêt public, l’intérêt du bien public, l’intérêt des générations futures. Ce serait l’occasion d’être véritablement moteur sur la question des droits humains, pour que ceux-ci soient respectés partout dans le monde ! Définitivement !
Aujourd'hui, nous sommes en deuil. On parle beaucoup, et à juste titre, des morts ! Combien de familles endeuillées ? Combien de familles qui nous inspirent de la peine ? Mais la vie a la même valeur partout, sur toute la planète !
Alors, pourquoi un tel blocage ?
D’abord, une motion préjudicielle a été déposée en commission, afin d’enterrer complètement le texte. Pour ma part, j’ai découvert cette manière de procéder ! Fort heureusement, cette motion n’a pas été votée.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Elle a été retirée ; ce n’est pas la même chose !
M. Joël Labbé. En séance, des amendements de suppression seront présentés pour empêcher le texte de passer.
Étant curieux de nature, je me suis renseigné pour savoir d’où une telle opposition venait. Et je suis remonté jusqu’à l’Association française des entreprises privées. Ici, cette organisation pèse sur le parti politique qui tient à ce que la proposition de loi ne soit pas votée. Je tiens à le dire haut et fort ! Il faut le savoir, l’Association française des entreprises privées réunit tous les patrons du CAC 40 et des grandes sociétés françaises !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Elle ne s’en cache pas !
M. Joël Labbé. Pour ma part, je ne la connaissais pas !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Il faut lire les journaux !
M. Joël Labbé. Il faut absolument que le Sénat entende cette association et l’interroge sur ses motivations !
J’ai demandé un scrutin public, car je souhaite que chaque sénatrice et que chaque sénateur exprime son vote en son âme et conscience. J’espère que nos collègues absents ce soir ont pu faire connaître leur avis sur ce texte auprès de leur groupe. Oser voter à la place de quelqu'un qui n’a pas donné son avis serait une grave erreur politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.