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Nomination de membres de deux éventuelles commissions mixtes paritaires
M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion des deux commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion, d’une part, de la proposition de loi organique, et, d’autre part, de la proposition de loi portant dématérialisation du Journal officiel de la République française, il va être procédé à la nomination des membres de ces commissions mixtes paritaires.
La liste des candidats a été publiée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à ces éventuelles commissions mixtes paritaires :
Titulaires : MM. Philippe Bas et Alain Anziani, Mme Jacky Deromedi, MM. Hugues Portelli, Michel Mercier et Vincent Eblé, Mme Éliane Assassi.
Suppléants : MM. Jacques Bigot, François Bonhomme, Pierre-Yves Collombat et Christophe-André Frassa, Mme Jacqueline Gourault, M. Jean-Yves Leconte, Mme Catherine Troendlé.
Ces nominations prendront effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de ces commissions mixtes paritaires et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
9
Pénalisation du financement d'un parti politique par une personne morale
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à pénaliser l’acceptation par un parti politique d’un financement par une personne morale, présentée par M. Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés (proposition n° 492 [2014-2015], texte de la commission n° 118, rapport n° 117).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi.
M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, parlons vrai : il s’est produit une malfaçon dans notre travail législatif.
Un texte a été voté qui renouvelle l’interdiction, pour une personne morale, de financer un parti politique, et donc pour un parti politique d’accepter le financement d’une personne morale. Toutefois, la sanction pénale devant frapper un tel financement a été omise…
Aucun sénateur ni aucun député ne s’est alors rendu compte de cette malfaçon, non plus qu’aucun des brillants administrateurs de l’Assemblée nationale et du Sénat.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est comme cela qu’arrivent les accidents !
M. Jean-Pierre Sueur. Peut-être parlé-je par euphémisme, monsieur le président de la commission des lois, en employant le mot de « malfaçon ».
Aucun membre du Gouvernement, aucun collaborateur de cabinet ou de services ministériels ne s’est aperçu de celle-ci. Aucun journaliste non plus n’a relevé cette omission. Seul l’avocat d’un parti politique dont on ne parle que trop a vu la faille.
Telle est la réalité ; cela montre d’ailleurs à ceux qui en douteraient, madame le garde des sceaux, que les lois sont des œuvres humaines et donc toujours perfectibles.
Pour remédier à la malfaçon, deux voies étaient envisageables.
La première, dans laquelle se sont engouffrés nos amis députés, alors même que je m’étais permis de les mettre en garde, a consisté à adopter un amendement lors de la discussion du projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne.
Cependant, au mois d’août dernier, cet amendement a connu le même sort funeste qu’un certain nombre d’autres dispositions : le Conseil constitutionnel l’a censuré, considérant qu’il s’agissait d’un cavalier législatif.
Cette jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a d’ailleurs évolué depuis dix ou vingt ans, aura une conséquence : dans la mesure où la facilité consistant à insérer des cavaliers législatifs qui n’ont qu’un rapport indirect, voire pas de rapport du tout, avec le texte discuté est désormais interdite, le Parlement aura à examiner un plus grand nombre de textes de loi.
La seconde voie, qu’avec les membres du groupe socialiste et républicain j’avais proposé d’emprunter dès la découverte de la malfaçon, consistait à déposer une proposition de loi, celle dont l’examen nous réunit aujourd’hui. J’observe d’ailleurs que si nous avions choisi d’emblée cette voie, la rectification aurait pu intervenir dès le mois de juillet dernier, ce qui eût été plus rapide que le recours à un amendement censuré ensuite par le Conseil constitutionnel…
M. Michel Delebarre, notre brillant rapporteur,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est peu de le dire ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. … exposera tout cela en détail dans un instant.
Pour ma part, je voudrais revenir sur les conditions dans lesquelles la loi relative à la transparence de la vie publique a été adoptée, en m’appuyant sur l’analyse très fine du président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, Jean-Jacques Urvoas. Celui-ci a en effet remarqué que le texte contenant cette malfaçon a été adopté par le Sénat le 15 juillet 2013, à une époque où une certaine affaire, impliquant l’un de vos anciens collègues du Gouvernement, madame le garde des sceaux, suscitait un émoi tel que le pouvoir exécutif fut conduit à souhaiter l’adoption d’une législation nouvelle dans les meilleurs délais. La commission mixte paritaire s’est donc réunie dès le 16 juillet, le texte est revenu en commission à l’Assemblée nationale le 17 juillet, avant d’être débattu par les députés en séance publique le 22 juillet, puis au Sénat le 23 juillet : voilà bien une procédure express, un examen le plus accéléré possible.
Au cours du même mois, l’Assemblée nationale et le Sénat étaient également invités à discuter du projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature, du projet de loi relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d’action publique, du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles – ce n’est pas rien ! –, de la proposition de loi fixant le nombre et la répartition des sièges de conseiller de Paris, du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens, du projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur.
L'Assemblée nationale devait en outre examiner le projet de loi renforçant la protection du secret des sources des journalistes, dont j’espère vivement, madame le garde des sceaux, qu’il sera bientôt inscrit à l’ordre du jour de nos travaux. Il est en effet absolument nécessaire de voter un texte qui protège les sources des journalistes. Je le dirai de nouveau demain, à l’occasion d’un débat organisé sur ce sujet par des associations de journalistes.
On le voit, il s’est agi d’une procédure d’examen très rapide, menée au milieu d’un agenda très chargé.
Madame le garde des sceaux, j’ai bien entendu ce que vous avez dit hier sur la procédure accélérée ; permettez-moi de prendre quelque distance avec vos propos : le temps de l’exécutif n’est pas forcément le temps du législatif.
Tous les gouvernements souhaitent que leurs projets de loi soient adoptés dans les meilleurs délais. En l’espèce, les délais étaient vraiment très brefs, et l’on a dû constater une malfaçon législative. Tirons-en les conséquences : il est bon de procéder à une double lecture, conformément à la procédure normale prévue par la Constitution.
M. Jean-Claude Requier. Il a raison !
M. Jean-Pierre Sueur. N’oublions pas que chaque mot, chaque ligne, chaque alinéa de la loi s’applique à tous les Français, souvent pendant très longtemps.
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. Il faut donc élaborer la loi avec un soin vigilant ; c’est pourquoi la pluralité des lectures est nécessaire.
Nous pouvons toutefois améliorer nos procédures, en particulier en ne répétant pas en deuxième lecture les débats de la première lecture. Des mesures ont d’ores et déjà été prises en ce sens au Sénat, d’autres pourront l’être encore.
Reste qu’il faut absolument préserver le temps nécessaire pour écrire la loi, pour accomplir ce travail qui consiste à peser chaque amendement, chaque ligne, chaque mot du texte de loi, à préciser les positions des uns et des autres, à chercher la meilleure rédaction. La loi est notre bien commun, celui de notre nation et de notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Delebarre, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, Jean-Pierre Sueur a rappelé les conditions dans lesquelles est intervenue la malfaçon législative que la proposition de loi qu’il a déposée tend à corriger.
Monsieur le président de la commission des lois, si le règlement du Sénat devait être revu, j’insisterais pour qu’un hommage particulier puisse être rendu, par exemple en observant une minute de silence, lorsque l’un d’entre nous a agi d’une manière extraordinairement positive pour l’image du Sénat. Personne d’autre que Jean-Pierre Sueur n’avait vu le problème que la proposition de loi dont il est l’auteur vise à régler. Cela mériterait que tous les membres de cette assemblée se lèvent et l’applaudissent.
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne suis pas encore mort ! (Sourires.)
M. Michel Delebarre, rapporteur. Cela restera dans les annales.
Jean-Pierre Sueur a prononcé un plaidoyer pour le bicamérisme et insisté sur la nécessité de la deuxième lecture. C’est une position à laquelle la commission des lois du Sénat ne peut que s’associer.
La malfaçon législative issue de l’élaboration de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique aboutit à ce que la lettre de la loi ne corresponde plus à la volonté du législateur. Certains journalistes ont évoqué une « bourde parlementaire ». Je rappellerai que l’amendement sénatorial en cause avait reçu un avis favorable du Gouvernement en séance publique et avait été maintenu dans le texte par l’Assemblée nationale. Aucun observateur n’avait relevé cette malfaçon législative avant qu’un épisode judiciaire, relayé par la presse, ne la mette en lumière au printemps 2015.
Ces précisions apportées, je rappellerai l’état du droit actuel.
L’article 11-4 de la loi du 11 mars 1988 interdit le financement d’un parti politique par une personne morale, à l’exception d’un autre parti politique. Cependant, l’article 11-5 du même texte ne prévoit plus de sanctions pénales pour les faits commis depuis le 13 octobre 2013. La proposition de loi répare cette lacune pour l’avenir, mais le principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère s’oppose à la poursuite des faits commis antérieurement à la promulgation de la loi que nous examinons.
Même si le quantum de peine, particulièrement de l’amende, peut paraître symbolique, il importe que la méconnaissance d’une règle aussi fondamentale pour la vie démocratique soit assortie d’une sanction pénale. C’est le sens de la loi pénale : sanctionner un comportement que la société juge dommageable. Certes, cette infraction est peu sollicitée par les parquets, au point qu’aucune condamnation pénale ne semble avoir été prononcée sur ce fondement durant la dernière décennie. En effet, le financement illégal de partis politiques implique généralement la commission d’autres infractions, au périmètre plus large, sur la base desquelles des poursuites sont engagées.
En souhaitant que ce texte puisse recueillir l’assentiment rapide de l’Assemblée nationale, la commission des lois vous appelle, mes chers collègues, à l’adopter, ainsi que l’amendement de précision que je vous présenterai. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne siégeais pas au banc du Gouvernement lors de l’examen du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique : le Gouvernement avait alors été représenté par un ministre infiniment plus éminent que moi. Cela étant, j’assume bien évidemment l’omission commise à cette occasion.
Monsieur Sueur, j’ai apprécié la double explication que vous avez donnée de cette erreur : vous avez d’abord généralisé la faute, en passant en revue l’ensemble des catégories d’acteurs n’ayant pas perçu la malfaçon, puis vous l’avez imputée partiellement au calendrier des travaux parlementaires.
Il convient de souligner à la fois la vigilance du législateur et son courage pour corriger cette erreur. Monsieur le sénateur, j’ai noté la gratitude très relative que vous avez exprimée à l’endroit des députés qui ont tenté de le faire au travers d’un amendement au projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, que le Conseil constitutionnel, saisi par des sénateurs, a censuré, considérant qu’il s’agissait d’un cavalier.
Reste que des députés, en particulier Dominique Raimbourg, rapporteur de ce projet de loi, ont eu à cœur d’apporter la réponse législative la plus rapide possible à cette lacune juridique extrêmement pénalisante et difficilement supportable.
C’est au législateur qu’il appartient de faire la loi, de définir la norme, que le magistrat doit appliquer en observant le principe de la stricte interprétation de la loi pénale. En vertu de ce principe, une juridiction a considéré que, dans un cas d’espèce, la sanction du récipiendaire d’un don provenant d’une personne morale n’était pas établie par la loi, en tout cas que le délit n’était plus constitué.
Il me paraît bon de rappeler que le législateur, qu’il s’agisse de l’Assemblée nationale ou du Sénat, a manifesté le souci de définir de façon claire et précise, dans la loi relative à la transparence de la vie publique, le délit de financement illicite des partis politiques, tout en rendant possible la participation au financement d’un parti politique et sans sanctionner indûment un parti politique qui recevrait des sommes d’un donateur en ignorant que ce dernier a également financé d’autres partis politiques et franchi ainsi le plafond. Enfin, il a fait en sorte de prévenir les contournements auxquels avait donné lieu la législation précédente. Les intentions du législateur étaient donc extrêmement louables, raisonnables, d’une grande maturité. C’est seulement une erreur de rédaction qui nous conduit aujourd'hui à devoir corriger cette loi. Le Conseil constitutionnel ayant considéré que les dispositions introduites à cette fin dans le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la santé étaient des cavaliers, il était urgent d’y revenir.
Le travail effectué par la commission des lois du Sénat permettra une meilleure application des dispositions de votre proposition de loi, monsieur Sueur. La commission a en effet précisé les conditions dans lesquelles le délit est constitué pour le donateur des fonds, ainsi que pour celui qui les reçoit. À cet égard, le plafond est fixé à 7 500 euros par an et par personne physique, et non plus par an et par bénéficiaire, comme c’était le cas avant l’entrée en vigueur de la loi relative à la transparence de la vie publique. Le délit est également constitué si le don provient d’une personne morale autre qu’un parti politique ou un groupement politique, d’un État étranger ou d’une personne morale étrangère.
La rédaction me semble cette fois précise et exhaustive. Ce texte s’inscrit dans la longue lignée des dispositions prises pour moraliser le financement de la vie publique, depuis le scandale des décorations vendues par le gendre du président Jules Grévy, voilà plus d’un siècle.
Nous ajoutons aujourd'hui un étage supplémentaire et important à notre législation. Je ne suis pas très éloignée de penser que, en l’état actuel du fonctionnement des partis politiques, cet étage constitue le dernier de l’édifice, même si, comme vous tous, je suis instruite de l’ingéniosité, de l’inventivité et de la créativité de ceux qui cherchent à contourner la loi. Il n’est pas donc pas à exclure que nous devions légiférer de nouveau dans l’avenir ; souhaitons que ce soit le plus tard possible ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l’essentiel ayant déjà été dit, je soulignerai simplement que le mérite de cette proposition de loi est de nous contraindre à nous interroger sur notre pratique de législateur. La malfaçon législative que nous nous employons à corriger aujourd’hui n’avait été décelée par aucun d’entre nous, aucun de nos collaboratrices et collaborateurs, aucun de nos collègues de l’Assemblée nationale, non plus que par le Gouvernement, les membres des cabinets et des services ministériels, le Conseil constitutionnel ou la presse.
Cette situation doit nous conduire à faire preuve d’humilité et à nous interroger sur notre façon de faire la loi, ainsi que sur toute la procédure parlementaire. On peut penser qu’une deuxième lecture du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique aurait pu nous éviter une telle maladresse.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Esther Benbassa. Elle doit aussi nous conduire à nous interroger sur notre façon de faire de la politique. Chacun ici sait comment fonctionne le financement public des partis politiques. Le financement par des personnes morales, nationales ou étrangères, est proscrit.
Le premier à avoir décelé la faille juridique que nous sommes aujourd'hui appelés à corriger est le trésorier du Front national, M. Wallerand de Saint-Just, dont on ne peut que saluer l’habileté. Il l’a mise en exergue lors de son audition par les juges d’instruction dans le cadre des enquêtes sur le financement illicite d’un parti qui prétend être le premier de France, qui connaît l’interdiction du financement par des personnes morales mais qui, en l’absence de sanction, estime normal de l’enfreindre : tout un programme…
Mais cette affaire n’est pas la seule à défrayer la chronique. Affaire Bygmalion ou affaire libyenne du côté des Républicains, prêts russes à des taux ridiculement bas du côté du Front national, encore lui, sans compter diverses affaires d’emprunts jamais remboursés : la liste est trop longue, et nombre de formations politiques sont concernées.
Toutes ces affaires plaident pour une réforme d’ampleur du financement de la vie politique, au-delà de la simple correction d’une faille législative. D’ailleurs, les sanctions prononcées pour financement d’un parti par une personne morale sont extrêmement rares, les affaires relevant souvent d’autres incriminations, comme l’abus de bien social.
Le député Romain Colas a récemment remis un rapport sur l’évaluation de la pertinence des dispositions législatives et réglementaires relatives au financement des campagnes électorales et des partis politiques. Il envisage de déposer une proposition de loi fondée sur les préconisations contenues dans ce rapport. Le chantier est de taille !
Les écologistes soutiennent toutes les initiatives allant en ce sens.
En 2011, les députés écologistes avaient d’ailleurs déposé une proposition de loi sur ce sujet, prévoyant notamment la limitation des dons des particuliers aux partis politiques, la transparence de la réserve parlementaire, la mise en place de déclarations d’intérêts et de situation patrimoniale. Ce texte avait été rejeté par la majorité UMP.
En 2013, François de Rugy, un autre écologiste, faisait adopter l’encadrement des conditions d’affiliation d’un membre du Parlement à un parti ou groupement politique au regard du calcul de l’aide publique versée aux formations politiques, ainsi que le plafonnement des dons à 7 500 euros par donateur, et non plus par parti politique.
Nous pouvons aller plus loin, par exemple en renforçant les moyens d’investigation et de contrôle de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en nous penchant davantage sur la transparence, au sein des partis, en ce qui concerne les comptes, les adhésions, les flux financiers entre partis, les prêts, etc.
La défiance des citoyens à l’égard des politiques, accusés d’être « tous pourris », doit nous interpeller. La transparence est une manière de répondre au populisme.
Je réaffirme donc l’engagement des écologistes en faveur d’une plus grande transparence de la vie politique. Nous voterons cette proposition de loi, tout en appelant de nos vœux l’élaboration d’un texte ambitieux sur cette question. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise fait suite à la suppression bien involontaire des dispositions sanctionnant les dons de personnes morales aux partis politiques dans la désormais fameuse loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
En 2013, l’Assemblée nationale avait introduit des dispositions relatives au financement de la vie publique dans ce texte qui en était dépourvu. Les règles de plafonnement des dons des personnes physiques aux partis politiques avaient alors été modifiées. Dans le même temps, le Sénat s’était saisi de la question du financement d’un parti politique par un autre micro-parti.
Le plafond annuel de 7 500 euros s’appréciait auparavant par parti politique, ce qui permettait à une même personne de donner cette somme la même année à plusieurs partis, y compris à des « micro-partis » collectant au profit d’un seul parti. L’Assemblée nationale avait proposé d’apprécier dorénavant ce plafond par donateur, et non par parti bénéficiaire, ce que le Sénat approuva.
Or un parti politique pouvait ignorer que le donateur avait effectué d’autres dons et que le plafond légal était ainsi dépassé. Les sanctions pénales prévues dans ce cas par la loi du 11 mars 1988 – une amende de 3 750 euros et un an d’emprisonnement, pour le donateur comme pour le parti bénéficiaire – n’étaient donc plus adaptées.
Au printemps 2015, dans le cadre d’une procédure judiciaire, des juges d’instruction se sont trouvés dans l’incapacité de poursuivre un parti politique pour financement par une personne morale.
Nous parlementaires avons ainsi réalisé que, lors de l’élaboration dans la précipitation, en moins d’un mois, de la loi relative à la transparence de la vie publique, nous avions omis de traiter la question du financement des partis politiques par une personne morale, étant mobilisés par les sujets centraux de ce texte, à savoir la création de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et les déclarations de situation patrimoniale et d’intérêts des personnalités publiques.
Cette impasse a eu un certain retentissement médiatique. De fait, en l’état nouveau du droit, seul le financement d’un parti politique par une personne physique au-delà du plafond légal peut faire l’objet d’une sanction pénale, le don d’une personne morale ne pouvant plus être sanctionné.
C’est donc cette malfaçon législative, ce loupé, cette bourde, cette imperfection, quel que soit le nom qu’on voudra lui donner, que notre collègue Jean-Pierre Sueur nous propose fort à propos de corriger pour l’avenir, selon le principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.
Je ferai observer à Mme Benbassa qu’il convient de faire montre de prudence en matière de leçons de vertu. Pour ma part, je garde le souvenir de M. Thévenoud pointant un doigt accusateur vers certains bancs de l’Assemblée nationale lors de la discussion du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique. On a vu depuis quelle était sa pratique personnelle de ses préceptes éthiques…
La commission des lois a suivi son rapporteur, qui a récrit l’article unique de manière plus précise, sans en changer la finalité.
Nous souscrivons à cette initiative, car elle nous paraît de nature, pour l’avenir, à prévenir tout dérapage fâcheux qui viendrait inévitablement encore nourrir la chronique inépuisable des relations entre l’argent et la politique.
En effet, et Mme la garde des sceaux y a fait référence, notre histoire politique est riche d’épisodes malheureux venus alimenter l’imaginaire collectif de notre pays, qui en est d’ailleurs parfois friand.
Nous pourrions également lire avec intérêt le rapport du Groupe d’États contre la corruption, le GRECO, organe du Conseil de l’Europe, dont les recommandations sur le financement des partis politiques me semblent intéressantes.
Enfin, je suis de ceux pour qui légiférer dans le calme, presque à contretemps du calendrier politique précipité ou contraint, est le meilleur moyen de légiférer juste.
En ce sens, je partage pleinement le viatique qui doit guider le législateur, en particulier la Haute Assemblée. Il faut moins de lois, précipitées ou bâclées, et plus de temps de préparation, ainsi que de précautions dans leur élaboration ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.