Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall, Barbier, Bertrand et Guérini, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Dans les deux mois suivant la date d’entrée en vigueur du décret mentionné à l’article 7-3 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, les magistrats mentionnés au même article et les membres du Conseil supérieur de la magistrature établissent une déclaration de situation patrimoniale selon les modalités prévues respectivement à l’article 7-3 et à l’article 10-1-1.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 21, modifié.
(L'article 21 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 21
Mme la présidente. L'amendement n° 39, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 8 de la même ordonnance est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les magistrats en fonction ne peuvent recevoir de décoration. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. La pratique des « cadeaux » dans les juridictions, qu’ils émanent d’avocats, d’experts ou de tout autre intervenant ou partenaire de la justice, devrait être prohibée ou strictement limitée à des sommes minimes. Il en est de même de certains usages qui veulent que, suivant la situation géographique de telle ou telle juridiction, il soit régulièrement offert à des magistrats des forfaits de ski, des places de concert ou de match...
Dans le même ordre d’idées, la remise de décorations aux magistrats, notamment la Légion d’honneur, devrait à nos yeux être interdite. C’était d’ailleurs le sens d’un amendement du député socialiste René Dosière lors de l’examen du projet de loi organique relatif à la limite d’âge des magistrats de l’ordre judiciaire.
Ces décorations sont interdites dans la plupart des pays européens, et à juste titre, dès lors qu’elles sont susceptibles de créer un soupçon de dépendance à l’égard du pouvoir exécutif et d’entretenir une forme de « redevabilité » de certains magistrats vis-à-vis de l’exécutif, ce qui ne peut être que nuisible à la justice.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. C’est l’éternel débat sur la compatibilité de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de la magistrature avec le fait de recevoir des décorations.
Certes, à l’occasion de l’examen du projet de loi organique portant diverses dispositions relatives au statut de la magistrature, la commission des lois de chaque assemblée a adopté une disposition de cette nature, qui a été à chaque fois supprimée en séance publique.
Mes chers collègues, en s’en remettant à la sagesse de la Haute Assemblée, la commission des lois laisse à chacun d’entre vous le soin de décider du sort qu’il convient de réserver à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le sujet est récurrent. Il a fait l’objet de nombreux débats sans que des progrès dans la réflexion soient constatés.
La Légion d’honneur et l’Ordre national du mérite permettent de distinguer ceux qui ont montré du mérite, des qualités particulières, des engagements dans leur vie professionnelle ou dans leurs activités civiles, militaires ou associatives.
Que cette question se pose de manière plus aiguë pour les magistrats ne me choque pas. Que ces derniers puissent être décorés ne me choque pas non plus dès lors que cela s’appuie sur des éléments vérifiables : le parcours, les états de service, l’engagement, la personnalité ou la moralité.
Je ne vois ni l’utilité ni l’urgence d’interdire aux magistrats de recevoir des décorations. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je partage l’avis de Mme la garde des sceaux sur ce point.
Il me paraît particulièrement difficile d’interdire à l’ensemble d’une profession, par ailleurs très honorable, de voir ses mérites individuels reconnus par l’attribution d’une distinction, qui est d’ailleurs non une récompense, mais un acte de reconnaissance de la République.
C’est tout aussi peu admissible si l’on se place du point de vue non plus des magistrats, mais des ordres nationaux. En effet, qu’est-ce que cette distinction républicaine, sinon un acte de reconnaissance qui repose sur l’honorabilité des personnes ? Prétendre que, parce que l’on reçoit une distinction, on se met sous la dépendance de celui qui l’attribue, c’est un contresens !
Mme Cécile Cukierman. La décoration n’arrive pas un matin au réveil !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Si l’on considère que les ordres nationaux ne sont pas ce qu’ils doivent être, supprimons-les !
Mais il ne faut pas en priver des professionnels respectables et honorables, qui, comme les autres, doivent pouvoir voir leurs mérites reconnus.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. J’ai écouté avec intérêt le plaidoyer du président de la commission des lois en faveur du maintien de cette disposition. L’attribution d’une distinction est sans doute légitime pour les professionnels en activité, mais elle ne l’est pas pour les parlementaires, qui ne peuvent pas recevoir de décoration durant l’exercice de leur mandat.
Il est arrivé à des parlementaires – peut-être certains jugeront-ils que cela relève du fait divers – d’être soupçonnés d’avoir remis la Légion d’honneur en contrepartie d’avantages supposés.
En d’autres termes, pour certains, une décoration entraînerait un risque de corruption.
Les magistrats sont certainement à l’abri de ces travers. Ils sont purs et tout à fait insensibles à des pressions telles que l’attribution d’une distinction en contrepartie d’une décision de justice favorable...
La France compte des hommes et des femmes qui, quelles que soient les fonctions qu’ils exercent, sont intouchables par nature. Continuons donc ainsi, et laissons les choses en l’état…
Mme la présidente. L'amendement n° 46, présenté par M. Mézard, n'est pas soutenu.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 40, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 10 de la même ordonnance ainsi rédigé :
« Art. 10. – Toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du Gouvernement de la République est interdite aux magistrats.
« Dans l’exercice du droit de grève, les magistrats ne peuvent faire obstacle au traitement du contentieux de la privation de liberté. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale commune, à l’heure où de violents propos viennent entacher les valeurs de notre République, nous ne pouvons que regretter que le Gouvernement n’ait pas décidé de modifier l’article 10 de l’ordonnance n° 58-1270. Au mois de mai 204, le député Éric Ciotti proposait de la réécrire dans un tout autre sens, afin d’interdire le syndicalisme chez les magistrats.
Certes, ce projet de loi organique consacre la reconnaissance du syndicalisme judiciaire ; nous nous en félicitons. Mais il ne revient pas sur l’article 10 de cette ordonnance, notamment l’alinéa 3, qui dispose qu’« est également interdite toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions ». Or c’est en vertu de cette disposition que certains croient pouvoir s’opposer au droit de grève des magistrats, alors même que l’article renvoie seulement à la règle de continuité du service public. À nos yeux, c’est tout l’article 10 qui doit être repensé.
Les deux premiers alinéas de l’article, qui renvoient à la révolte des parlements sous l’Ancien régime, doivent également être réécrits. Il y est en effet question de « délibération politique » du corps judiciaire et de « démonstration de nature politique ». Or le devoir de réserve n’équivaut pas à une interdiction de se prononcer sur la loi, qui est une construction politique, dans le temps de son élaboration comme de son application.
D’ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt Koudechkina contre Russie du mois de février 2009, a reconnu aux magistrats un droit de critique contre les atteintes à leur indépendance, informations qui revêtent un caractère d’intérêt général et méritent donc de faire l’objet d’un débat libre dans une société démocratique.
Nous souhaitons donc la réécriture de l’article 10, afin de préciser que seules les activités en lien avec le contentieux de la privation de liberté devraient être assurées, sans autre réserve.
À défaut, nous proposons la suppression de l’alinéa 3 de cet article, car il est confus sur la possibilité pour les magistrats de s’exprimer collectivement, de manifester lorsque leurs conditions de travail, mais aussi les conditions de leur indépendance sont en cause, voire de porter un regard critique sur la loi, au stade de son élaboration comme de son application.
Je le rappelle, le droit de grève est reconnu sans ambiguïté aux magistrats administratifs et financiers, ainsi qu’aux fonctionnaires de justice, dont la présence est tout aussi indispensable au fonctionnement et à la continuité des juridictions.
Finalement, seule l’hostilité à la forme républicaine du gouvernement est un positionnement incompatible avec l’appartenance au corps judiciaire. C’est pourquoi seule cette interdiction mérite de rester dans l’ordonnance du 22 décembre 1958.
Mme la présidente. L'amendement n° 41, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l’article 10 de la même ordonnance est supprimé.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Il est proposé non seulement de reconnaître le droit de grève aux magistrats, mais aussi de donner la possibilité au corps judiciaire de prendre des délibérations politiques, en supprimant la prohibition prévue à l’actuel article 10 de l’ordonnance statutaire. Or cette prohibition est justifiée par le souci de garantir l’impartialité de la justice.
Et l’interdiction du droit de grève des magistrats traduit le fait que la justice n’est pas un service public comme les autres et que son fonctionnement ne doit pas être entravé.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’avis du Gouvernement est également défavorable.
L’adoption de ces deux amendements aurait pour effet d’entraver la conciliation prévue dans l’ordonnance statutaire, qui permet de combiner la possibilité pour les magistrats judiciaires de mener des actions concertées et le droit pour les justiciables de bénéficier d’un fonctionnement normal des services de la justice.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 41.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 22
Après l’article 10 de la même ordonnance, il est inséré un article 10-1 ainsi rédigé :
« Art. 10-1. – I. – Le droit syndical est garanti aux magistrats qui peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer et y exercer des mandats.
« II. – Pour l’exercice de ce droit, les magistrats sont soumis aux dispositions législatives et réglementaires de droit commun applicables aux fonctionnaires, sous réserve des dispositions suivantes.
« Sont considérées comme représentatives au sens de l’article 27-1, les organisations syndicales de magistrats ayant obtenu au moins un siège à la commission d’avancement prévue à l’article 34 parmi les sièges attribués aux magistrats des cours et tribunaux ou ayant obtenu au moins un taux, fixé par le décret en Conseil d’État mentionné au III, des suffrages exprimés lors de l’élection du collège des magistrats des cours et tribunaux et du ministère de la justice qui élit les magistrats du corps judiciaire appelés à siéger à la commission d’avancement prévue aux articles 13-1 à 13-5.
« Les représentants syndicaux, titulaires et suppléants appelés à siéger à la commission d’avancement ainsi qu’à la commission permanente d’études, se voient accorder une autorisation d’absence sur simple présentation de leur convocation. Ils bénéficient des mêmes droits lorsqu’ils prennent part, en cette qualité, à des réunions de travail convoquées par l’administration.
« Sous réserve des nécessités de service, des décharges d’activités peuvent être accordées aux représentants des organisations syndicales représentatives de magistrats.
« Un crédit de temps syndical, utilisable sous forme de décharges de service ou de crédits d’heures selon les besoins de l’activité syndicale, est attribué aux organisations syndicales de magistrats et déterminé à l’issue du renouvellement de la commission d’avancement.
« Les organisations syndicales de magistrats désignent librement parmi leurs représentants les bénéficiaires de crédits de temps syndical.
« Dans la mesure où la désignation d’un magistrat se révèle incompatible avec la bonne administration de la justice, le ministre motive son refus et invite l’organisation syndicale à porter son choix sur un autre magistrat. Le Conseil supérieur de la magistrature doit être informé de cette décision.
« III. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article et notamment les conditions et les limites dans lesquelles les décharges d’activité de service peuvent intervenir. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par M. Portelli, Mme Procaccia, M. Vasselle, Mme Di Folco, MM. A. Marc et Laufoaulu, Mme Mélot et MM. Doligé, Milon, Cardoux, J. Gautier, Danesi, Charon, Cambon et Delattre.
L'amendement n° 15 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article 10 de la même ordonnance, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art.10-1. – L’existence de groupements professionnels à caractère syndical est incompatible avec l’indépendance de la magistrature. »
La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l’amendement n° 1.
M. Alain Vasselle. La politisation de la magistrature constatée à la suite de l’introduction du syndicalisme des magistrats dans les années soixante-dix a été le principal facteur d’affaiblissement de son indépendance et de sa légitimité.
Nous proposons donc d’interdire le syndicalisme dans la magistrature, afin de conforter son indépendance et de nous aligner sur les règles en vigueur dans les grands États démocratiques, où l’indépendance des magistrats est séculaire. La France s’honorerait à se mettre en conformité avec ces pays.
M. François Pillet, rapporteur. À cette heure tardive, je pense que nous pouvons nous dispenser d’un débat un peu vif sur le sujet et nous en tenir à des considérations de droit.
C’est donc pour des raisons exclusivement juridiques – je ne me prononcerai pas sur les autres – que j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Premièrement, une telle mesure serait contraire aux engagements internationaux de la France. En effet, dans un arrêt récent, qui a abouti à la condamnation de la France pour l’interdiction faite aux militaires de se syndiquer, la Cour européenne des droits de l’homme a rappelé qu’elle n’acceptait pas les « restrictions qui affectent les éléments essentiels de la liberté syndicale sans lesquels le contenu de cette liberté serait vidé de sa substance ». La Cour est extrêmement claire.
Deuxièmement, cela ne correspond pas aux standards de l’Europe. D’abord, l’article 12.1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne consacre la liberté syndicale pour tous. Ensuite, je rappelle que la très grande majorité des grandes démocraties consacrent la liberté syndicale des magistrats. Le seul État à l’exclure absolument est l’Espagne, mais ce pays est malgré tout conduit à accepter les associations professionnelles. Le Royaume-Uni encadre l’exercice de la liberté syndicale, sans l’interdire totalement.
Troisièmement, l’adoption d’un tel dispositif contredirait près de cinquante ans de pratique et de jurisprudence, qui ont conduit à la reconnaissance du fait syndical dans la magistrature.
Certes, les auteurs des amendements évoquent des débordements malheureux. Mais, nous le savons tous ici, condamner la liberté en raison des abus qui en sont faits, c’est renoncer à toute liberté !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien dit !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis très défavorable sur cet amendement.
C’est délibérément que nous avons tenu à inscrire la liberté syndicale dans la loi. Il s’agissait de lever toute ambiguïté. En effet, s’il y avait de multiples références à cette liberté, elle ne figurait pas explicitement dans la loi jusqu’à présent.
Monsieur le sénateur Alain Vasselle, vous avez déclaré que les magistrats étaient fortement politisés. Ce reproche leur a été adressé de manière récurrente lors de l’examen du texte interdisant l’intervention du garde des sceaux dans les procédures individuelles en 2015 ou du projet de révision constitutionnelle. Selon moi, l’idée que les magistrats syndiqués seraient politisés et corporatistes relève d’une accusation globale et aveugle et ne se fonde pas sur une appréciation objective des faits.
Je trouve rassurant que, dans une démocratie, des magistrats puissent se syndiquer, se regrouper et défendre collectivement les intérêts de leur corps. Il est important que la magistrature se porte bien dans la société. Je ne vois pas pourquoi le droit de se syndiquer, qui est garanti dans notre démocratie, devrait être refusé aux magistrats.
À mes yeux, le procès permanent en corporatisme, en syndicalisme excessif et en politisation des magistrats contribue surtout à fragiliser l’institution judiciaire. Nous devons concevoir que les magistrats puissent être organisés en syndicats.
Les magistrats ont commencé par créer, voilà longtemps, une association, qui a depuis évolué en syndicat. C’est grâce à cette force rassemblée que la magistrature se porte bien, évolue et se dynamise. C’est ce qui fait avancer l’organisation de nos juridictions, le traitement réservé à la magistrature, les conditions de nomination ou de travail...
Je le répète, ce procès lancinant ne me paraît pas fondé. Surtout, il n’est pas souhaitable pour l’institution judiciaire. C’est délibérément, avec lucidité et volontarisme, que nous avons inscrit la liberté syndicale dans ce projet de loi organique !
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. L’indépendance de la justice et l’impartialité des magistrats, c'est un sujet particulièrement sensible !
Toute profession mérite respect et reconnaissance. J’ai entendu les propos de Mme la garde des sceaux et, surtout, les explications passionnées et pédagogiques de M. le rapporteur, auxquelles je me rallie.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Madame la garde des sceaux, selon vous, le « mur des cons » n’était donc qu’une blague de potaches !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. M. le rapporteur et Mme la garde des sceaux ont avancé des arguments politiques et des arguments juridiques.
Ma première observation, que certains trouveront peut-être subjective, sera de nature politique. Depuis que le droit de se syndiquer a été accordé aux magistrats, on constate une dérive politique chez un certain nombre d’entre eux. Les faits dont notre collègue vient de parler en témoignent.
Ma seconde observation sera juridique. J’aimerais bien que l’on invoque l’Europe avec le même zèle dans tous les domaines. Or bien des gouvernements, de droite comme de gauche, traînent des pieds dès lors qu’il s’agit de s’aligner sur les dispositions européennes. On les invoque selon que cela nous arrange ou pas, selon que l’on veut ou non conserver les dispositions réglementaires ou législatives en vigueur sur le territoire national… Sachons en tirer les enseignements.
Pour l’heure, je retire mon amendement, auquel les membres de cette Haute Assemblée sont très majoritairement opposés.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. M. le sénateur Alain Marc m’a envoyé au visage que, selon moi, le « mur des cons » serait une blague de potaches ; son intention n’était certainement pas louable. Je ne vois pas en quoi je serais concernée par l’action d’un syndicat ou d’un autre.
Mais sa phrase est intéressante. Elle montre qu’il est facile de porter un jugement global et définitif à partir du propos ou de l’attitude déplacés d’une seule personne. On pourrait aussi prendre prétexte des déclarations d’un parlementaire pour conclure que le principe de l’immunité, qui garantit la liberté de parole, n’est pas fondé…
Comme je l’indiquais tout à l’heure, réfléchir sur la magistrature – cela vaut évidemment pour d’autres sujets –, c’est réfléchir sur les principes.
Or, sur le principe, je considère important que les magistrats puissent se syndiquer et mener leurs actions syndicales. Ils le font dans le respect des règles énoncées par la démocratie, et les débordements ne peuvent pas servir de référence.
En tout cas, j’ose espérer que nos capacités de raisonnement sont suffisamment éclairées pour que nous ne prenions pour référence d’éventuels débordements, qu’il s’agisse de la magistrature ou d’un autre corps constitué.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l’article.
M. Pierre-Yves Collombat. Chers collègues, si le « mur des cons » n’était effectivement pas spécialement bienvenu, il ne faudrait pas non plus oublier ce qui se passait autrefois, dans les années soixante à quatre-vingt. Souvenons-nous de l’état dans lequel pouvait être la magistrature dans certaines circonstances. Si vous voulez des détails, je vous en donnerai.
À mon avis, on va plutôt dans le bon sens. La politisation, si politisation il y a, est plutôt moins visible et moins violente qu’à certaines époques.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 22.
(L'article 22 est adopté.)
Article 23
L’article 11 de la même ordonnance est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions et les limites de la prise en charge par l’État, au titre de la protection, des frais exposés par le magistrat dans le cadre d’instances civiles ou pénales, ou devant la commission d’admission des requêtes jusqu’au renvoi devant la formation disciplinaire compétente du Conseil supérieur de la magistrature. » – (Adopté.)
Article 24
L’article 12-2 de la même ordonnance est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le magistrat a fait l’objet de poursuites disciplinaires s’étant conclues par une décision de non-lieu à sanction, il peut demander le retrait des pièces relatives à ces poursuites de son dossier individuel.
« Dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, le dossier du magistrat peut être géré sur support électronique. » – (Adopté.)
Article 25
La même ordonnance est ainsi modifiée :
1° Après le premier alinéa de l’article 44, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le magistrat à l’encontre duquel il est envisagé de délivrer un avertissement est convoqué à un entretien préalable. Dès sa convocation à cet entretien, le magistrat a droit à la communication de son dossier et des pièces justifiant la mise en œuvre de cette procédure. Il est informé de son droit de se faire assister de la personne de son choix.
« Aucun avertissement ne peut être délivré au-delà d’un délai de deux ans à compter du jour où l’inspecteur général des services judiciaires, le chef de cour, le directeur ou le chef de service de l’administration centrale a eu connaissance des faits susceptibles de justifier une telle mesure. »
2° Il est rétabli un article 47 ainsi rédigé :
« Art. 47. – Les titulaires de l’action disciplinaire ne peuvent engager une procédure disciplinaire au-delà d’un délai de trois ans à compter du jour où l’un d’eux a eu connaissance des faits susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire. »
Mme la présidente. L'amendement n° 53, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 47. – Le garde des sceaux, ministre de la justice, dans les cas mentionnés à l’article 50-1 ou au premier alinéa de l’article 63, et les chefs de cour, dans les cas mentionnés à l’article 50-2 ou au deuxième alinéa de l’article 63, ne peuvent saisir le Conseil supérieur de la magistrature de faits motivant des poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de trois ans à compter du jour où ils ont eu connaissance de ces faits. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.