Sommaire
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
Secrétaires :
MM. Jackie Pierre, François Fortassin.
2. Communications d’avis sur deux projets de nomination
3. Candidatures à un organisme extraparlementaire
4. Avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie sur un projet de loi
5. Accord France-Russie relatif à des bâtiments de projection et de commandement – Adoption définitive en discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des finances
M. Harlem Désir, secrétaire d’État
Clôture de la discussion générale.
Adoption définitive de l’article unique du projet de loi dans le texte de la commission.
Suspension et reprise de la séance
6. Nomination de deux membres d’un organisme extraparlementaire
7. Demande d’avis sur un projet de nomination
8. Modernisation de notre système de santé – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Article additionnel après l'article 43 A
Amendement n° 554 rectifié bis de Mme Corinne Imbert. – Rejet.
Amendement n° 98 rectifié de M. François Commeinhes. – Non soutenu.
Adoption de l’article.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes
Amendement n° 438 de M. Claude Malhuret. – Rectification.
Amendement n° 438 rectifié de M. Claude Malhuret. – Retrait.
Amendement n° 439 de M. Claude Malhuret. – Adoption.
Amendement n° 440 de M. Claude Malhuret. – Retrait.
Amendement n° 441 de M. Claude Malhuret. – Adoption.
Amendement n° 442 de M. Claude Malhuret. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 1228 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 43 ter
Amendement n° 1234 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 876 rectifié de M. Michel Amiel. – Retrait.
Amendement n° 811 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 94 rectifié de M. François Commeinhes. – Non soutenu.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l'article 43 quater
Amendement n° 815 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 1020 rectifié de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 1018 rectifié de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 1011 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 814 rectifié de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 1014 rectifié de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 1019 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille
Adoption de l’article.
Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission des affaires sociales
Amendement n° 297 de M. Jean-Pierre Grand. – Non soutenu.
Amendement n° 482 de Mme Catherine Génisson. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement.
Amendement n° 816 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 435 de M. Claude Malhuret. – Rejet.
Amendement n° 1131 rectifié de M. Jacques Cornano. – Rejet.
Amendement n° 1176 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Rejet.
Amendement n° 235 rectifié sexies de Mme Jacky Deromedi. – Retrait.
Amendement n° 413 de M. Jérôme Bignon. – Non soutenu.
Amendement n° 1180 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Rejet.
Amendement n° 436 de M. Claude Malhuret. – Rejet.
Amendement n° 789 rectifié de Mme Laurence Cohen. – Retrait.
Amendement n° 817 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 929 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 1143 rectifié de M. Jacques Cornano. – Non soutenu.
Amendement n° 927 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 414 de M. Jérôme Bignon. – Non soutenu.
Amendement n° 415 de M. Jérôme Bignon. – Non soutenu.
Amendement n° 416 de M. Jérôme Bignon. – Non soutenu.
Amendement n° 417 de M. Jérôme Bignon. – Non soutenu.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
Article 45 (suite)
Amendement n° 418 de M. Jérôme Bignon. – Non soutenu.
Amendement n° 926 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 419 de M. Jérôme Bignon. – Non soutenu.
Amendement n° 420 de M. Jérôme Bignon. – Non soutenu.
Amendement n° 421 de M. Jérôme Bignon. – Non soutenu.
Amendement n° 422 de M. Jérôme Bignon. – Non soutenu.
Amendements identiques nos 381 rectifié de Mme Catherine Procaccia et 580 de M. Alain Vasselle. – Non soutenus.
Amendement n° 657 rectifié de M. Jean-François Husson. – Non soutenu.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 45
Amendement n° 1111 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 1229 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles 45 bis et 45 ter – Adoption.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l'article 46
Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission des affaires sociales
Mme Marisol Touraine, ministre
Amendement n° 24 rectifié ter de Mme Brigitte Micouleau. – Retrait.
Amendement n° 821 de Mme Laurence Cohen. – Devenu sans objet.
Amendement n° 145 rectifié quater de Mme Caroline Cayeux. – Retrait.
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur de la commission des affaires sociales
Adoption, par scrutin public, de l’article modifié.
M. Alain Milon, corapporteur de la commission des affaires sociales
Amendement n° 1258 du Gouvernement
Renvoi de la suite de la discussion.
9. Communication du Conseil constitutionnel
10. Clôture de la seconde session extraordinaire de 2014-2015
compte rendu intégral
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
vice-président
Secrétaires :
M. Jackie Pierre,
M. François Fortassin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communications d’avis sur deux projets de nomination
M. le président. Conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l’article 13 et de l’article 56 de la Constitution, la commission des lois a fait connaître qu’elle a émis, lors de sa réunion du mercredi 30 septembre 2015, un vote favorable (34 voix pour et deux bulletins blancs) à la nomination de M. Jean-Jacques Hyest aux fonctions de membre du Conseil constitutionnel. (Applaudissements.)
Lors de sa réunion du 30 septembre 2015, conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010–837 et de la loi n° 2010–838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un vote favorable sur le projet de nomination de M. Jean-Marc Lacave aux fonctions de président-directeur général de Météo-France (23 voix pour, deux bulletins blancs).
Acte est donné de ces communications.
3
Candidatures à un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs appelés à siéger au sein de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.
La commission des affaires étrangères a proposé la candidature de M. Michel Boutant et la commission des lois celle de Mme Catherine Troendlé.
Les candidatures ont été publiées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
4
Avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie sur un projet de loi
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du congrès de la Nouvelle-Calédonie, par lettre en date du 30 septembre 2015, un avis sur le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIème siècle.
Acte est donné de cette communication.
5
Accord France-Russie relatif à des bâtiments de projection et de commandement
Adoption définitive en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie sur le règlement des obligations complémentaires liées à la cessation de l’accord du 25 janvier 2011 relatif à la coopération dans le domaine de la construction de bâtiments de projection et de commandement (projet n° 695, texte de la commission n° 702, rapport n° 701, avis n° 710).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, votre chambre examine aujourd’hui le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie sur le règlement des obligations complémentaires liées à la cessation de l’accord du 25 janvier 2011 relatif à la coopération dans le domaine de la construction de bâtiments de projection et de commandement.
Il s’agit d’un accord important puisqu’il permet de clore définitivement le dossier de la vente de deux bâtiments de projection et de commandement, ou BPC, à la Russie en 2011.
La décision avait en effet été prise dès 2008 de vendre ces deux bâtiments à la Russie, ce qui a abouti au contrat de vente et à l’accord intergouvernemental de 2011 entre la France et la Fédération de Russie.
La décision de vendre de tels bâtiments, destinés, comme leur nom l’indique, à la « projection » de forces, à un pays qui, trois ans auparavant, avait agressé un État voisin relevait d’un pari risqué.
La politique russe vis-à-vis de pays voisins, souvent liés à l’Union européenne par des accords de partenariat ou d’association, les événements en Ukraine qui ont suivi la révolte du Maïdan, l’annexion illégale et non reconnue par la communauté internationale de la Crimée et le plongeon du Donbass dans la guerre civile ont rendu l’exécution de ce contrat impossible.
La France et la Russie ont donc abouti conjointement au constat que les deux bâtiments de projection et de commandement ne pourraient être livrés.
Nous avons donc décidé de négocier les conditions d’un règlement à l’amiable de cette question.
Un accord a été trouvé et signé le 5 août dernier. Il vous est soumis aujourd’hui pour la partie qui requiert une autorisation parlementaire en vertu de la Constitution.
La décision du Gouvernement a été prise après mûre réflexion, en toute indépendance, dans un esprit de responsabilité.
Responsabilité, tout d’abord, au plan international : le conflit ukrainien, au cœur de l’Europe, a créé une situation exceptionnelle qui ne permettait pas de livrer ces matériels.
Nous avons pris notre décision en toute indépendance, ce qui n’implique pas de ne pas tenir compte des circonstances et des inquiétudes, pour certaines légitimes, de nos plus proches partenaires au sein de l’Union européenne.
Avant de juger de l’opportunité de cette décision, il faut donc s’interroger : que serait-il advenu de notre légitimité au sein du format Normandie pour traiter de la résolution ukrainienne après avoir livré un tel matériel ? Quelle aurait été notre crédibilité auprès de certains de nos amis européens à plaider sans relâche pour la défense européenne en ayant ainsi ignoré leurs préoccupations pressantes ?
Responsabilité, aussi, de la France au regard de ses engagements, ce qui nous a conduits à privilégier la négociation avec la Russie.
À cet égard, il n’y a aucune violation par la France de ses engagements, puisque le différend apparu sur cette question a été finalement réglé à l’amiable. Le contrat et l’accord signés en 2011 sont remplacés par de nouveaux textes, négociés et signés avec la Russie. Je note d’ailleurs que celle-ci ne nous fait aucun mauvais procès à ce sujet. La question est close à titre bilatéral.
Responsabilité, enfin, au regard des intérêts financiers de la France, la négociation avec la Russie nous préservant d’une procédure d’arbitrage dont le résultat aurait été hasardeux et certainement plus coûteux. À tout le moins, il nous aurait exposés à une très longue procédure, pendant laquelle les bateaux auraient dû être gardés, stationnés et entretenus, sans possibilité de les vendre. Cette option devait être évitée.
Cet accord nous a permis de récupérer la pleine propriété des bâtiments, et donc de pouvoir les revendre, ce qui était évidemment l’intérêt financier de la France.
Est-ce à dire que nous avons pris une décision contre la Russie, que nous refuserions de la considérer comme un partenaire ? En aucun cas.
Tout d’abord, cette affaire a été menée de bout en bout non pas contre la Russie, mais avec elle. La solution trouvée résulte d’une négociation.
Ensuite, ne pas livrer, dans les circonstances actuelles, de tels bâtiments ne signifie pas que nous renoncions à des relations étroites avec ce pays, par-delà les difficultés qu’il ne faut pas nier.
Prenons le dossier du nucléaire iranien : c’est en bonne intelligence avec la Russie, et d’autres partenaires, que nous l’avons traité.
Le dossier syrien, nous savons que, malgré nos profonds désaccords, qui ont encore été exprimés aux Nations unies, c’est en relation avec Moscou, et d’autres, évidemment, que nous devons le gérer.
La crise ukrainienne, c’est bien sûr avec les autorités ukrainiennes et les autorités russes que nous en parlons, de façon d’ailleurs assez constructive en ce moment, dans le cadre du format dit de Normandie.
Au total, l’accord auquel nous sommes parvenus est un bon accord qui nous permet de sortir dans des conditions satisfaisantes d’une situation compliquée.
Quatre textes ont été négociés et signés.
D’abord, un accord intergouvernemental qui met fin à l’accord de 2011, qui attribue la pleine propriété des deux BPC à la France et qui exclut tout recours entre la France et la Russie sur ce dossier. Cet accord intergouvernemental ne relève pas de l’article 53 de la Constitution et ne nécessite pas formellement d’autorisation parlementaire ; il vous a néanmoins été communiqué parce qu’il constitue un tout avec le texte suivant.
Celui-ci, qui est le deuxième texte, est un accord sous forme d’échange de lettres qui prévoit deux dispositions essentielles qui l’une comme l’autre justifient une autorisation du Parlement : le montant du remboursement dont bénéficie la Russie et l’exclusion de toute indemnisation pour tout préjudice éventuel à l’égard des tiers.
Le troisième texte est un avenant au contrat signé entre DCNS et Rosoboronexport, qui met fin au contrat commercial initial et solde les choses entre les deux entreprises.
Le quatrième texte, est une convention entre l’État et DCNS.
Les travaux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, dont je remercie le président, M. Raffarin, et le rapporteur, M. del Picchia, ont été l’occasion, je crois, d’éclairer la Haute Assemblée sur le contenu exact de ces accords, et notamment leur aspect financier.
Je le répète : notre conviction est que l’accord obtenu est un bon accord pour la France.
Sur le plan de nos relations avec la Russie, c’est un accord amiable qui solde la question et évite tout contentieux futur avec elle sur ce dossier.
Sur le plan financier, il répond à l’objectif que nous nous étions fixé en début de négociation : rembourser la Russie des sommes qu’elle avait engagées au titre de ce contrat ; mais n’accepter aucune forme de pénalité financière. Tel est bien le cas.
Enfin, cet accord nous permet de disposer de la pleine propriété des bateaux, ce qui nous a permis, comme vous le savez, de conclure un accord avec l’Égypte le 22 septembre dernier, actant la revente des deux bateaux pour un montant de 950 millions d’euros.
Cet accord avec l’Égypte confirme le bien-fondé de l’approche retenue par le Gouvernement. Nous nous étions engagés à revendre ces navires, et ce rapidement, pour limiter les coûts de l’opération pour l’État et pour donner un avenir à deux navires de haute technologie que peu de chantiers navals dans le monde sont capables de produire ; c’est fait. On nous a dit que la décision de ne pas livrer à la Russie entacherait notre réputation de fournisseur fiable : c’est, une fois de plus, contredit par les faits.
Dans cette affaire, le Gouvernement a donc géré au mieux une situation qui était mal engagée, en préservant à la fois nos intérêts diplomatiques, industriels et financiers. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement vous appelle, mesdames, messieurs les sénateurs, à approuver cet accord. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Robert del Picchia, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre débat d’aujourd’hui peut vous sembler tardif. De fait, comme l’a indiqué M. le secrétaire d’État, tout est déjà réglé entre la France et la Russie. Par ailleurs, il a été annoncé la semaine dernière que les deux bâtiments en cause étaient déjà presque revendus à l’Égypte, ce que vous venez de nous confirmer, monsieur le secrétaire d’État. Néanmoins, je voudrais saisir cette occasion pour lever quelques interrogations.
Comme certains ont peut-être la mémoire courte, je voudrais tout d’abord rappeler que la décision prise par la France de vendre ces équipements militaires à la Russie en 2011 s’inscrivait dans un contexte favorable. (M. Alain Richard fait un signe dubitatif.) Les relations économiques entre nos deux pays s’étaient considérablement développées et la Russie était alors, malgré le coup de force en Géorgie à l’été 2008, considérée comme un partenaire digne de confiance.
Le contrat de vente prévoyait, pour 1,2 milliard d’euros, la fourniture de deux BPC de classe Mistral : le Vladivostok au 1er novembre 2014 et le Sébastopol au 1er novembre 2015.
Alors que la coopération avec les Russes se déroulait dans les meilleures conditions, elle a été, comme vous le savez, brutalement remise en cause le 3 septembre 2014 quand le Président de la République a déclaré que les conditions n’étaient pas réunies pour que la France autorise la livraison du premier BPC.
Les événements survenus en Ukraine au cours de l’année 2014 bouleversaient évidemment le contexte dans lequel s’inscrivait l’exécution du contrat.
Les violations graves du droit international dont la Russie s’était rendue coupable à travers l’annexion de la Crimée et le soutien militaire apporté aux séparatistes dans l’est du pays avaient conduit l’Union européenne et d’autres pays occidentaux à adopter plusieurs trains de sanctions, parmi lesquelles un embargo sur le commerce des armes.
Or, mes chers collègues, cet embargo n’était pas rétroactif et ne s’appliquait en principe qu’aux contrats conclus après le 1er août 2014. C’est donc politiquement qu’il est apparu difficile de poursuivre l’exécution comme si rien ne s’était passé, d’autant qu’un certain nombre de partenaires de la France avaient fait part à cette dernière de leurs inquiétudes. Certains ont pu regretter alors que notre pays ait à ce point « subi » la pression de ses « alliés » à la veille du sommet de Newport et donné l’impression de « s’aligner »...
La suspension de l’exécution plaçait alors la France dans une situation inconfortable, l’État comme DCNS étant exposés à un risque de contentieux long et coûteux, empêchant toute revente. Les Russes, de leur côté, avaient intérêt à isoler cet « irritant » du reste des dossiers diplomatiques en cours.
C’est dans ce contexte que les pourparlers engagés au début de l’année 2015 ont abouti, le 5 août dernier, à la signature de deux accords intergouvernementaux, dont un seul nous est soumis, consacrant la reconnaissance de la propriété des BPC à la France, fixant le montant de la transaction et reconnaissant à la France le droit de réexporter ces bâtiments.
Ces deux accords, soulignons-le, sont entrés en vigueur le 5 août dernier, car la Russie voulait percevoir la somme le jour de la signature. L’autorisation demandée au Parlement n’a donc qu’une portée assez relative, vous en conviendrez, puisqu’il nous est demandé de ratifier a posteriori un accord déjà financièrement exécuté...
Sur le fond, la commission des affaires étrangères prend acte de la solution sur laquelle les parties se sont accordées.
La Russie récupère les sommes qu’elle avait dépensées, soit 949,7 millions d’euros, dont 892,9 millions d’euros au titre des avances et 56,8 millions d’euros au titre du remboursement des dépenses de formation des équipages. Elle récupère également les équipements installés par elle sur les BPC et obtient, en outre, gratuitement – puisqu’ils ne peuvent être récupérés – les savoir-faire et technologies transférés.
De son côté, la France n’a remboursé à la Russie que les seules dépenses directement liées à la construction des BPC, à l’exclusion de toute indemnisation morale, pénalité ou autre coût indirect, comme l’aménagement des quais de la nouvelle base navale de Vladivostok. Surtout, la France a obtenu le droit de réexporter les bâtiments vers un État tiers, sous réserve d’en avoir préalablement informé par écrit la Russie. Cette question de la revente était essentielle. On ne peut que se féliciter, pour le constructeur, pour les sous-traitants, pour les salariés, pour la France, de cette perspective de revente. L’accord assure également la protection des savoir-faire et technologies transférés à la Russie, en conditionnant tout transfert à un pays tiers à l’autorisation préalable de la France.
J’en viens maintenant à la question clef. Quel sera le coût de cette affaire pour l’État et pour les industriels ?
M. Christian Cambon. Voilà la question !
M. Jean-Claude Lenoir. Et pour les contribuables ?
M. Robert del Picchia, rapporteur. Concernant les industriels, DCNS a reversé au budget de l’État, dans les trois jours suivant le versement de l’indemnisation à la Russie, les sommes qu’elle avait perçues de la société russe, soit 892,9 millions d’euros. L’entreprise sera indemnisée par la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, de la perte subie, à l’exclusion toutefois de sa marge, laquelle est difficile à estimer. Des négociations sont actuellement en cours afin de déterminer le montant exact de cette indemnisation.
DCNS pourrait subir in fine un « manque à gagner » relativement important, au détriment d’investissements qu’elle pourrait faire en matière de recherche et développement, ce que nous ne pouvons que regretter.
Les sous-traitants, quant à eux, ne subiront pas de perte, compte tenu des assurances qui les couvrent.
Le coût que supporteront les finances publiques recouvre d’abord une dépense budgétaire de 56,8 millions d’euros, correspondant aux coûts de formation des équipages russes que la France a accepté de rembourser, imputée sur le programme 146 de la mission « Défense ». Je le dis avec fermeté, mes chers collègues : le programme 146, déjà soumis à de fortes tensions de trésorerie, devra récupérer 56,8 millions d’euros d’ici à la fin de la gestion 2015.
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Robert del Picchia, rapporteur. La commission des affaires étrangères sera vigilante sur le respect de cet engagement du Gouvernement.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Absolument !
M. Robert del Picchia, rapporteur. Cette dépense demeurera néanmoins une charge pour le budget général de l’État en 2015.
Par ailleurs, l’État devra assumer une moindre recette de 500 millions d’euros, au compte « État » de la COFACE en 2015 ; vous le savez, la COFACE reverse chaque année entre 500 millions et 700 millions d'euros. Pour l’exercice 2015, cela représente au total un coût de 557 millions d’euros pour l’État.
Le produit de la revente – puisque revente il y aura pour 950 millions d’euros, vous l’avez confirmé, monsieur le secrétaire d'État – ne bénéficiera au budget qu’en 2016, c'est-à-dire lorsque les deux BPC seront en état d’être revendus, vraisemblablement au printemps prochain. Certains avancent des estimations plus ou moins étayées ; l’avenir dira si les Cassandre ont eu raison. Nous attendons naturellement des précisions du Gouvernement sur ce point.
En conclusion, malgré notre réticence liée au montage financier qui ponctionne le programme 146 et au fait que l’accord nous est soumis alors qu’il est déjà exécuté, la commission des affaires étrangères a adopté ce projet de loi de ratification.
Cet accord nous sort, en effet, d’une situation difficile sur le plan industriel et nous permet d’envisager un apaisement de nos relations avec la Russie, qui est aujourd’hui un interlocuteur incontournable sur un grand nombre de sujets, ainsi que l’actualité le confirme.
Pour ma part, à titre personnel, je m’abstiendrai lors du vote sur ce texte. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant de présenter les conclusions de la commission des finances, je veux rendre hommage à la commission des affaires étrangères, saisie au fond, à son président, à son rapporteur et à l’ensemble de ses membres pour la qualité de leurs analyses sur un sujet aussi complexe et sensible, aux multiples facettes.
Pour sa part, la commission des finances a souhaité se saisir de ce projet de loi pour en apprécier les conséquences financières et examiner la procédure retenue dans l’accord.
La première question qu’il convient de se poser, le rapporteur M. Robert del Picchia l’a posée avant moi, est celle-ci : l’accord est-il neutre sur le plan financier, comme on a pu le lire ici ou là ?
Rappelons à ce stade que le texte qui nous est soumis porte sur l’accord, sous forme d’échange de lettres entre la France et la Russie, et non sur la vente envisagée à l’Égypte des deux BPC non livrés à la Russie.
Sur le plan budgétaire – c’est une bonne nouvelle –, les chiffres de la commission des finances et ceux de la commission des affaires étrangères sont identiques.
M. Roger Karoutchi. Tant mieux ! (Sourires.)
M. Robert del Picchia, rapporteur. Quelle chance ! (Nouveaux sourires.)
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. Ainsi, sur les 949,7 millions d’euros versés à la Russie, 893 millions d’euros correspondent au remboursement des sommes avancées pour l’acquisition des BPC et 56,7 millions à une indemnisation des frais exposés par la Russie. Cette dernière somme est supportée par le budget de l’État et ne relève pas du domaine assurantiel. Cela équivaut donc pour l’État à une perte.
Comme l’a fait remarquer le rapporteur, la France escomptait à la fin de l’année une recette de la COFACE d’un montant de 500 millions d’euros ; celle-ci n’aura pas lieu. Par conséquent, en 2015, au manque à gagner initial de 500 millions d’euros s’ajoutera un besoin de financement de 56,7 millions d’euros.
Sur le plan financier, le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale a estimé le coût pour l’État à 1,1 milliard d’euros, montant dont il faut déduire 56,7 millions, le solde – 1,05 milliard d’euros – étant porté sur le compte que l’État détient auprès de la COFACE. Ce chiffre sera affiné en fonction des discussions actuellement en cours entre la COFACE et DCNS. Si la vente des BPC se réalise, la partie du prix du contrat correspondant à la vente sèche des bateaux – les prestations complémentaires devant être réglées directement à DCNS – sera versée sur le compte de l’État auprès de la COFACE. La recette escomptée est évaluée entre 850 millions d’euros et 900 millions d’euros. Le bilan fait donc apparaître une perte totale pour l’État de l’ordre de 200 millions d’euros à 250 millions d’euros.
Voilà pour l’analyse technique, mais, sans qu’il soit besoin d’entrer dans le détail, chacun peut comprendre que la substitution d’un contrat de 950 millions d’euros avec l’Égypte à un autre contrat de 1,2 milliard d’euros avec la Russie ne peut être neutre ; une perte est inévitable. Comme par hasard – les mathématiques sont têtues –, cette perte oscille toujours entre 200 millions d’euros et 250 millions d’euros.
J’en viens aux conséquences pour les industriels, notamment pour DCNS. L’État affirme que la marge de DCNS n’a pas forcément besoin d’être compensée. C’est bien possible et cela se traduirait d’ailleurs par une économie sur le compte que l’État détient auprès de la COFACE. Toutefois, c’est oublier que l’État est actionnaire de DCNS à hauteur des deux tiers. Par conséquent, si la marge n’est pas couverte, l’opérateur est fragilisé et l’État montre qu’il ne gère pas bien ses engagements.
En outre, dans un tel contexte, si la perspective d’une revente à l’Égypte tombe à point nommé, cela ne peut se faire sans une opération vérité des prix. Monsieur le secrétaire d’État, il faut jouer cartes sur table ! C’est pourquoi j’ai été quelque peu étonné, pour ne pas dire choqué, par la réponse que j’ai reçue du secrétaire d’État chargé du budget au questionnaire que je lui ai adressé voilà une dizaine de jours pour y voir plus clair : « J’ai pris bonne note de votre correspondance et ai prescrit un examen attentif de ce dossier. Je ne manquerai pas de vous apporter une réponse dans les meilleurs délais. » (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) J’attends toujours la réponse... Heureusement, nous sommes maintenant réunis pour débattre. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains applaudit également.)
Une autre question essentielle se pose : la procédure retenue est-elle sécurisée ?
Le versement à la Russie de 949,7 millions d’euros a été opéré à partir du programme 146 « Équipement des forces », comme l’a rappelé le rapporteur. Reconnaissons que cette imputation budgétaire est assez étonnante au regard de la LOLF, puisque le versement d’une indemnité à un État étranger n’a rien à voir avec l’objet de ce programme, d’autant que les BPC restent la propriété de DCNS et n’ont pas été affectés à la Marine.
En d’autres termes, si le budget de la défense reçoit 893 millions d’euros, il supporte en revanche l’avance de 56,7 millions d’euros correspondant au remboursement des frais que la Russie a engagés.
Je tiens à le rappeler, pour le budget des armées, nous sommes toujours sous le régime de la loi de finances initiale pour 2015 et, comme nous en sommes d’ailleurs convenus avec le Gouvernement, 2,2 milliards d’euros de recettes exceptionnelles ne se feront pas et seront donc transformées en crédits budgétaires lors du collectif de fin d’année. Aussi, il ne faudrait pas que ces 56,7 milliards d’euros passent dans l’épaisseur du trait du règlement des recettes exceptionnelles en fin d’année. Je nous invite donc tous à être vigilants sur ce point.
Plus étonnante est l’analyse que le Gouvernement fait de l’article 53 de la Constitution. Dans l’exposé des motifs du projet de loi, il précise que cet accord est soumis au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution, lequel dispose que les engagements internationaux « qui engagent les finances de l’État […] ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi » et qu’« ils ne prennent effet qu’après avoir été ratifiés ou approuvés ».
Or, dans cet exposé des motifs, le Gouvernement précise également que le présent accord a été signé à Moscou le 5 août 2015 et qu’il est entré en vigueur à la date de sa signature, d’où le versement de 949,7 millions d’euros à la même date.
Le présent accord comporte donc une stipulation contraire à la Constitution et la validité de son entrée en vigueur immédiate est évidemment contestable, les normes constitutionnelles restant, en droit interne français, supérieures aux conventions internationales.
Or, bien qu’il le prévoie, l’accord n’a pu prendre effet avant son approbation. Le paiement effectué au profit de la Russie était donc dénué de fondement légal. Je m’interroge sur le fait qu’un comptable public ait pu accepter de procéder à un paiement de près de 1 milliard d’euros sur le fondement d’un accord international qui ne pouvait constitutionnellement pas produire d’effets de droit ! (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Que se serait-il passé si le Conseil constitutionnel avait été saisi préalablement au titre de l’article 54 ? Que dirait le Conseil constitutionnel s’il était saisi a posteriori ?
On ne peut que regretter que le Gouvernement ait choisi de régler une affaire aussi sensible par des moyens dont la sécurité juridique est aussi douteuse.
Par ailleurs, nous ne pouvons que relever le recours à la méthode consistant à nous mettre devant le fait accompli. Imagine-t-on la Russie rembourser l’indemnité qui lui a été versée si ce projet de loi n’était pas adopté ? À quoi bon saisir le Parlement si son vote, quel qu’il soit, est sans effet ?
Mes chers collègues, l’accord du 5 août a un mérite, celui de mettre fin à une affaire au coût diplomatique certain et qui présentait des risques financiers importants. La concomitance de l’examen de cet accord avec la perspective d’une revente à l’Égypte tombe à point nommé. Toutefois, cet accord ne lève pas les réserves sur le coût final de l’opération et, surtout, sur les graves errements en termes de procédure. Car c’est bien de l’accord international avec la Russie que nous débattons.
Pour toutes ces raisons, la commission des finances n’a pas souhaité émettre un avis favorable sur ce projet de loi, afin de ne pas créer un précédent entérinant le recours à une procédure triplement contestable : d’un point de vue budgétaire d’abord – il y a détournement de la LOLF –, d’un point de vue juridique ensuite – l’accord n’est pas conforme à la Constitution – et d’un point de vue politique enfin – les pouvoirs du Parlement sont contournés.
En revanche, le sens des responsabilités et de l’intérêt national qui nous anime tous ne nous a pas conduits à émettre un avis défavorable. La commission des finances s’en est donc remise à la sagesse de notre assemblée. Pour ma part, je m’abstiendrai. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la querelle autour de la non-livraison des vaisseaux Mistral à la Russie a contribué à rafraîchir nos relations avec Moscou durant plusieurs mois. Le présent projet de loi constitue ainsi une étape bienvenue vers une normalisation de nos relations avec la Fédération de Russie.
Disons-le d’emblée : cet accord est un soulagement. Il semble être le meilleur accord qu’il était possible d’espérer au regard de nos relations avec la Russie. Il nous préserve d’un contentieux dont le règlement aurait pu être financièrement beaucoup plus lourd pour la France. Sans accord, il n’existait aucune perspective de revente. Les coûts de maintenance et de gardiennage, qui se chiffrent en millions d’euros, se seraient alors accumulés. Enfin, l’accord permet d’assainir notre relation avec la Russie, sur le plan tant diplomatique que commercial.
Pour autant, et cela vient d’être dit, le paiement immédiat de l’indemnité fausse le pouvoir du Parlement. Il nous prive d’un véritable choix de vote dans la mesure où un rejet fragiliserait notre nation dans ses rapports avec la Russie.
Or le franchissement de cette étape soulève de nombreuses questions à l’échelon tant local que national, mais aussi, bien entendu, à l’échelon international.
À l’échelon local, on peut difficilement faire l’économie des inquiétudes. À première vue, le remboursement de 949,7 millions d’euros prévus par le présent texte ménage, par l’intermédiaire de la COFACE, l’équilibre financier du groupe DCNS qui a été l’ensemblier des deux navires.
Toutefois, nous continuons à nous poser des questions.
Si les stipulations de l’accord tendent à limiter les effets de transferts de technologie, cela résonne comme un vœu pieu. Nous avons formé plusieurs centaines d’officiers russes pendant quatre années sur notre sol. Croire que nous pouvons rompre l’exécution de notre contrat avec la Russie sans favoriser de tels transferts me semble illusoire.
L’évaluation du préjudice subi par les entreprises locales, ne serait-ce qu’au regard des éventuelles atteintes à la propriété intellectuelle et à la sauvegarde des savoir-faire, est par définition difficile à estimer. Nous allons néanmoins indemniser la Russie au titre de la formation de ceux qui pourraient reproduire notre savoir-faire chez eux à hauteur de 56,8 millions d’euros.
Dès lors, il semble clair que le présent projet de loi sous-évalue les conséquences locales, à moyen terme, de la crise des Mistral.
À l’échelon national, il faut évaluer les perspectives financières et commerciales de l’accord qui nous est proposé.
Le circuit financier du dédommagement russe repose en dernière analyse sur les épaules de l’État. Il représente près de 1 milliard d’euros supplémentaires dans une équation budgétaire tendue. Cette somme doit d’ailleurs être prélevée dans le programme 146 et conduire à une réallocation des crédits 2015 au sein d’une mission « Défense » dont l’architecture budgétaire a été bien mise à mal tout au long de l’année par la sous-budgétisation de nos opérations extérieures et par le feuilleton des sociétés de projets.
Dans un tel contexte de tension financière, l’annonce de la revente des vaisseaux à l’Égypte semble être une excellente nouvelle, même si bien des interrogations subsistent, concernant en particulier le prix de vente.
Ce prix de vente préservera-t-il les marges de DCNS ? Quel sera le coût de la réaffectation des navires et de la formation des marins ? Surtout, qui prendra ces coûts en charge ? Une revente « au rabais », si vous me pardonnez cette facilité d’expression, serait en effet un très mauvais signal envoyé par notre pays. Nous savons que les deux vaisseaux sont taillés pour la navigation en eaux froides. Or l’Égypte, jusqu’à preuve du contraire, ne croise pas dans les eaux adaptées.
Avant l’Égypte, plusieurs autres pays semblaient intéressés par le rachat de ces navires ; je pense notamment au Canada ou encore à l’Inde. Leurs gouvernements ont toutefois dû annoncer successivement qu’ils ne s’en porteraient pas acquéreurs. Ne prenons-nous pas le risque, sur le marché du matériel de défense, de donner l’impression que la France est un revendeur de « seconde main » ?
Au-delà des récents succès enregistrés par le Rafale, après plusieurs années de vaches maigres, ne prenons-nous pas le risque de dégrader, avec une revente trop rapide, la signature de la marque « France » dans le secteur de la défense ?
Toutes ces interrogations résultent de l’ambivalence de notre diplomatie à l’égard de la Russie.
La politique menée par le gouvernement russe, notamment en Ukraine, a conduit à des dérives. Nous désapprouvons bien évidemment les actions de la fédération russe. Toutefois, nous ne pouvons pas nier le fait, évident en soit, que la Russie est un interlocuteur incontournable sur les questions internationales, mais aussi continentales. Les échos qui nous parviennent de l’Assemblée générale des Nations unies suffisent à l’illustrer une fois de plus.
La crise ukrainienne et le soutien apporté par Vladimir Poutine au régime de Bachar el-Assad pendant la première phase de la guerre civile syrienne ont contribué à creuser le fossé entre l’Europe et la Russie. Des réflexes dignes de la guerre froide ont ressurgi dans plusieurs pays, je pense à la Pologne notamment.
Toutefois, le Président de la République est parvenu, via le format Normandie et dans le cadre du processus de Minsk à créer un cadre adapté pour renouer le dialogue avec nos voisins russes.
L’affaire du Mistral nous permet en réalité d’observer le déploiement progressif d’une véritable diplomatie européenne, au moins à l’égard de la Russie.
En effet, pour sauvegarder son dialogue avec la Russie sans se dédire et sans froisser ses partenaires européens de Pologne, ou plus largement de l’Est, la France devait aller jusqu’au bout de l’inexécution de ce contrat de vente tout en parvenant à s’entendre avec la Russie sur le coût de l’indemnisation.
L’inexécution du contrat de vente peut donc se lire comme une contrepartie française en faveur du développement d’un dialogue équilibré et constructif entre l’Europe et la Russie. Cet accord clôt ainsi une phase d’entente avec nos voisins russes, en même temps qu’il peut permettre d’en inaugurer une nouvelle.
J’ai employé à dessein le terme d’ « interlocuteur » et non pas de partenaire jusqu’à présent, car je considère que nous ne pouvons pas être totalement idéalistes face à la Russie. (M. Alain Richard s’exclame.) Nous devons parvenir à un équilibre de fermeté où la parole de la France et de ses partenaires européens est jugée crédible, car elle serait ferme, cohérente mais constructive.
Cela nous pousse donc à revenir à la question de l’efficacité des sanctions politiques et économiques en matière internationale.
L’inexécution du contrat de vente des Mistral doit être lue, en 2014, dans le cadre des sanctions européennes à l’égard de la Russie suite aux prolongements de la crise ukrainienne.
Toutefois, à ma connaissance, il n’existe aucune situation dans laquelle des sanctions ont mécaniquement entraîné un infléchissement de la position du pays sanctionné. (M. Alain Richard s’exclame de nouveau.) Pire, les sanctions renforcent souvent le pouvoir en place en suscitant une cohésion nationale. Ainsi, Cuba n’a pas changé de régime du fait de l’embargo. Saddam Hussein n’a pas quitté le pouvoir du fait des sanctions américaines. L’interdit jeté pendant des décennies sur l’Iran n’a pas remis en cause le régime en place. Au contraire, les sanctions, si elles n’aboutissent pas à la reprise du dialogue, ne font que sanctuariser le statu quo. Sanctionner sans discuter, c’est permettre aux gouvernements visés de trouver l’appui de leur population contre la menace extérieure. Certes, cette question est très compliquée.
Dès lors, il est absurde de claquer la porte au nez de la Russie.
Tout renoncement au dialogue revient, somme toute, à abandonner tout espoir d’infléchir les positions russes et de faire évoluer la politique de Moscou pour la rapprocher de nos standards. A fortiori, ne pas discuter avec la Russie, c’est se priver d’un interlocuteur indispensable à la résolution de nombreuses crises internationales, au premier rang desquelles se trouvent celles de Syrie et d’Irak.
M. Christian Cambon. Évidemment !
M. Joël Guerriau. Monsieur le secrétaire d’État, j’espère que vous pourrez nous apporter les éléments nécessaires pour répondre aux nombreuses interrogations locales, nationales et internationales que suscite le présent projet de loi et qui sont encore sans réponses. Dans l’immédiat, les sénateurs du groupe UDI-UC s’abstiendront en grande majorité sur ce texte.
Enfin, je tiens à saluer le travail, le savoir-faire et le métier de nos entreprises, de nos artisans et de tous les corps de métiers attachés aux chantiers navals de Saint-Nazaire. Au-delà des implications diplomatiques de ce projet de loi, je n’oublie pas leur dévouement au service de l’équipement défensif de notre pays. J’ai bon espoir de ne pas être le seul dans ce cas au sein de cet hémicycle. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Jeanny Lorgeoux s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici quasiment parvenus au terme d’une affaire épineuse et à rebondissements, que j’ai qualifiée de « malheureuse » en commission, et dont avait hérité ce gouvernement : la vente de bâtiments de projection et de commandement à la Russie, décidée par un accord entre les gouvernements de France et de Russie en janvier 2011 et un accord industriel entre DCNS et ROE en juin de la même année. La livraison du premier bâtiment devait avoir lieu à l’automne 2014.
Cette affaire n’était simple ni pour le Président de la République, ni pour le ministre des affaires étrangères, ni pour le ministre de la défense.
Il faut le rappeler, la vente de ces bâtiments a nourri une polémique pratiquement dès l’origine. Car à l’opportunité de vendre ou non ces systèmes d’armes à la Russie, s’est ajoutée celle de la suspension de la livraison, puis celle de l’annulation de la vente. Je considère que le Président de la République et les ministres ont su, avec cet accord amiable, en toute cohérence avec notre politique étrangère, en sortir par le haut.
Venons-en à l’accord, qui a trois objectifs.
Le premier est politique : il s’agit d’éliminer ce qui pouvait être une gêne pour conserver des relations « franches » avec la Russie en soldant ce qui pouvait ou allait devenir un contentieux, qui aurait pu être très grave.
Le deuxième est de réduire au maximum les conséquences financières pour les industriels français qui ont construit ces deux navires.
Le troisième est de ménager les meilleures conditions possibles pour revendre ces bâtiments.
Grâce à cet accord, ces trois objectifs ont été, je le pense, atteints, et ce en un temps raisonnablement court.
La Russie obtient donc le remboursement des sommes qu’elle a avancées. Le 5 août dernier, à la signature de l’accord, et cela fait partie de la négociation, la France a procédé au versement de 949,7 millions d’euros. Cette somme comprend la restitution des sommes versées pour l’achat des deux bâtiments, à savoir 893 millions d’euros, et les dépenses reconnues pour la formation des équipages et le développement de matériels spécifiques par la Russie, soit 56,7 millions d’euros. Bien que la partie russe l’ait souhaité, la France n’a payé ni indemnités, ni frais financiers, ni pénalités de retard, ni dédommagement de coûts liés à d’autres programmes, comme la navalisation des hélicoptères Kamov qui devaient - mais peut-être devrais-je dire « devront » – équiper les BPC. De plus, nous avons obtenu l’accord de la Russie qui permet la revente de ces BPC.
Notre capacité à commercer a-t-elle été atteinte, comme certains ont pu le dire ou voulaient le faire croire ? Personnellement, je ne le pense pas. C’est ainsi que, outre l’Égypte avec laquelle nous sommes en train de conclure la revente de ces bateaux, je note que plusieurs pays ont manifesté un grand intérêt pour eux, au point qu’il n’est pas interdit d’espérer des commandes ultérieures. Par ailleurs, depuis la décision du Président de la République, le 3 septembre 2014, de suspendre la livraison du premier BPC, le carnet de commandes de nos industriels de l’armement a pratiquement triplé. En témoigne le contrat très important conclu par Airbus, au printemps dernier, avec une Pologne jusqu’alors très réticente.
Sur les plans politique, diplomatique, commercial, nous avons, à ce jour, toutes les raisons d’être satisfaits. Le bilan financier, en tout état de cause, sera tiré plus tard, à la fin des opérations. Je voudrais tout de même, dès maintenant, féliciter le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, Louis Gautier, et son équipe…
M. Jeanny Lorgeoux. Très bien !
M. Daniel Reiner. … qui n’ont pas ménagé leur peine pour la célérité et l’efficacité avec lesquelles ils ont su mener ces négociations a priori difficiles.
Maintenant, il convient de rappeler un peu l’histoire de la vente de ces navires. Je me souviens que cette vente n’allait pas de soi. Elle avait rencontré des réserves des deux parties. Et des partisans de la transaction au sein de l’administration Russe, je pense en particulier à l’ex-ministre de la défense, ont peut-être quitté leur fonction sous la pression du lobby militaro-industriel russe. Une partie de notre propre état-major, un an après la guerre russo-géorgienne, n’y était guère favorable non plus, d’autant que le chef d’état-major russe avait déclaré bruyamment, peu avant, que la guerre contre la Géorgie aurait été menée plus efficacement si la Russie avait disposé de pareils bâtiments. La Pologne ainsi que d’autres ex-membres du Pacte de Varsovie, aujourd’hui membres de l’Union européenne et de l’OTAN, et ceux ici qui participent régulièrement aux travaux de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN le savent bien, nous avaient fait part de leur inquiétude, de leur étonnement – le mot est faible – et de leur mécontentement. On peut les comprendre au vu de l’histoire récente. La décision de vendre était un choix risqué, mais assumé. Après l’annexion de la Crimée par la Russie et ses menées militaires dans le Donbass, il n’était plus possible de traiter cette transaction sous un angle purement commercial.
Qu’aurait-on pensé si l’on avait retrouvé l’un ou l’autre de ces bâtiments en mer Noire au moment où la France s’impliquait avec son partenaire allemand dans le règlement de la crise ukrainienne ? Serait-elle parvenue à mener les négociations qui ont abouti aux accords de Minsk de septembre 2014 et de février 2015 ?
Par ailleurs, et vous le savez, la France a participé activement, au sein de l’Union européenne, à la mise en place d’un embargo sur les ventes d’armes et sur les biens à double usage, décidé le 31 juillet 2014 et mis en œuvre dès le lendemain. Un second train de mesures était intervenu le 14 septembre, quelques jours après la décision présidentielle de suspendre la livraison des bâtiments. Dès lors, comme l’a très justement souligné le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale lors de son audition par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, il devenait intenable politiquement de détacher la question de la livraison de ces bâtiments de l’embargo. En effet, même si ces dispositifs ne portaient que sur les contrats à venir et n’incluaient donc pas ces bâtiments, il aurait paru incongru que la France livre des armements de cette importance à un État dont on savait la responsabilité dans ces crises.
C’est donc bien en s’appuyant sur le point 4 de l’article 2 de la « Position commune européenne », qui interdit toute exportation d’armes menaçant de déséquilibrer la paix et la stabilité d’une région, que s’est fondée la décision du Président de la République de suspendre puis d’annuler ce contrat.
Au fond, nous pouvons le dire maintenant, les raisons qui ont empêché leur livraison sont celles qui auraient pu, en son temps, empêcher leur vente.
La vente des armes, nous le savons, n’est pas un commerce comme les autres ; elle obéit à des logiques en étroites interactions avec la politique extérieure, et c’est elle qui doit en dicter le sens et le contenu. Souhaitons que, dans les futures transactions, nous ne soyons pas confrontés une nouvelle fois à une situation similaire.
S’agissant de nous, parlementaires, peut-être que cette affaire est l’occasion de regarder comment on peut améliorer le contrôle effectif du Parlement en matière d’exportation d’armements.
M. Jean-Vincent Placé. Oui !
M. Daniel Reiner. N’oublions pas pour autant que l’origine de cette affaire tient d’abord à l’attitude de la Russie qui, en annexant la Crimée et en menant une politique de tension en Ukraine, voire dans d’autres pays, a renié les traités qu’elle avait signés, remettant ainsi en cause la stabilité des frontières sur notre continent.
Nous savons néanmoins que ce pays demeure un interlocuteur nécessaire dans la résolution des crises, mais un interlocuteur avec lequel il convient de parler fermement, et nous pouvons le faire maintenant.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d'État, le chemin était étroit et vous avez, en toute indépendance et dans un bel esprit de responsabilité, résolu une équation difficile à multiples inconnues : régler dans le même temps les dimensions financière, commerciale et diplomatique, en signant cet accord, que notre groupe, naturellement, va approuver aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. François Fortassin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la question de l’exportation de matériel militaire n’est jamais un sujet léger et facile. À des intérêts industriels s’ajoutent en effet des enjeux géopolitiques et surtout éthiques. Le difficile arbitrage entre ces intérêts est souvent source de contradictions. En témoigne la décision de revendre ces navires à l’Égypte, régime guère plus fréquentable que la Russie.
Il nous appartient aujourd’hui de démêler cet enchevêtrement en nous gardant de verser dans l’excès ou la caricature.
Dès l’origine, l’accord ainsi que le contrat commercial afférent étaient contestables. L’attitude de la Russie en Ukraine a rendu inévitable la suspension d’un marché qu’il aurait en réalité été sage de ne jamais conclure – je le dis gentiment à l’adresse de la précédente majorité –, puis l’engagement de négociations en vue d’un règlement amiable.
À plusieurs égards, il est heureux que nous soyons parvenus à cet accord négocié avec la Russie.
Tout d’abord, avoir vidé ce contentieux permettra de maintenir un dialogue de qualité avec elle et d’assurer la position de médiateur qu’occupe, conjointement avec l’Allemagne, la France dans l’épineux dossier ukrainien. En outre, le soutien militaire de plus en plus affiché et concret que la Russie apporte au régime de Bachar al-Assad en fait ipso facto un partenaire incontournable en vue d’un règlement politique de cette crise, mais c’est un autre débat.
Ce règlement amiable nous permet aussi d’éviter le chemin long et incertain du recours à l’arbitrage. Cet accord nous offre en effet d’appréciables garanties juridiques, notamment en termes de propriété intellectuelle. Il ne prévoit ni pénalités ni remboursement de frais afférents à d’autres programmes connexes.
Pour autant, monsieur le secrétaire d’État, des zones d’ombre subsistent quant aux conséquences de cette opération pour les finances publiques.
Le prix exact de revente à l’Égypte n’a pas été communiqué. Il est toutefois certain que celui-ci comprend une moins-value par rapport au contrat initial. Or ce prix déterminera le montant de l’indemnisation de DCNS que devra supporter la COFACE. Et cette indemnisation diminuera d’autant les sommes excédentaires que cet assureur reverse chaque année à l’État.
Reste aussi en suspens la question du démontage des équipements russes, si cela s’avérait finalement nécessaire.
Il ne fait nul doute que l’opération aura un impact sur les finances de l’État. J’espère, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement fera preuve de transparence à ce sujet et saura associer pleinement le Parlement.
Mais force est de constater que, dès lors qu’est en cause l’exportation de matériel militaire, l’implication du Parlement, comme l’a fort bien dit Daniel Reiner, est justement là où le bât blesse. Ne nous y trompons pas, c’est au seul titre des conséquences de cette cessation sur les finances publiques que nous sommes saisis aujourd’hui, comme le prévoit l’article 53 de la Constitution. Et encore, nous débattons alors que le versement a de toute manière déjà été effectué !
Il faut aussi souligner que nous nous exprimons uniquement sur l’un des deux accords signés ce 5 août, celui qui règle les conséquences financières. Celui qui met un terme à l’accord initial ne nous est même pas soumis. De même, le Parlement n’a aucunement été amené à s’exprimer au sujet de l’accord et du contrat initialement signés par le président Sarkozy et, à ma connaissance, ces documents ne nous ont d’ailleurs pas été communiqués en vue de nos débats aujourd’hui.
Preuve supplémentaire, s’il en était besoin, de cette mise à l’écart du Parlement : l’annonce que ces navires seront revendus à l’Égypte, avant même que la Chambre haute ait eu l’occasion de débattre.
Ce sont là les conséquences néfastes d’une interprétation constante en vertu de laquelle toutes les questions diplomatiques et de défense, dont relève l’exportation de matériel militaire, ressortent du fameux « domaine réservé » de la Présidence de la République.
Quelle que soit l’opinion que nous puissions avoir sur les sujets de fond, il importe de mettre un terme à cet état de fait, certes permis par la Constitution, mais totalement contraire à l’impératif démocratique. Choisir d’exporter des armes, ce n’est pas un simple choix diplomatique ou commercial, c’est un choix qui implique des valeurs, une éthique, et donc évidemment des prises de position politiques.
Or, dans une démocratie, la représentation nationale est par nature le lieu où s’effectuent de tels choix, car c’est là que s’affrontent des visions divergentes du bien commun. Au regard de l’exigence démocratique, un contrôle du Parlement s’impose. Celui-ci pourrait par exemple prendre la forme d’une délégation parlementaire de contrôle des exportations de matériel de guerre, comme l’a proposé le groupe écologiste à l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019.
Le caractère lucratif de ces contrats rend malheureusement illusoire le vœu de mettre un terme à ce dangereux commerce. En revanche, la mise en place d’un véritable mécanisme de contrôle parlementaire est parfaitement envisageable, et cela existe d’ailleurs dans bon nombre de démocraties, comme au Royaume-Uni.
La décision de vendre ces navires à l’Égypte souligne l’urgente et impérieuse nécessité d’instaurer un tel contrôle. Les carnets de commandes des industriels français de l’armement sont bien garnis, et leurs clients sont rarement des démocraties libérales.
Monsieur le secrétaire d’État, le commerce des armes n’est pas le doux commerce de Montesquieu ! Nos importantes exportations d’armes vers le Moyen-Orient risquent fort de déstabiliser un peu plus la zone.
Tout porte à croire que le Gouvernement a cédé aux impératifs du court terme en cherchant à se « débarrasser » au plus vite de ces navires en faisant peu de cas du caractère dictatorial et arbitraire du régime de M. al-Sissi.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Eh oui !
M. Jean-Vincent Placé. Aussi, le groupe écologiste regrette profondément cette décision. Néanmoins, par souci de cohérence (Exclamations ironiques sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) de la politique française à l'égard de la Russie, nous voterons tout de même en faveur de l’approbation de cet accord. (Même mouvement.) Nous aurions espéré toutefois que le Gouvernement sache mettre un terme aux habitudes et renonce à armer un régime peu recommandable. Néanmoins, sur ce dossier, monsieur le secrétaire d’État, vous avez la confiance du groupe écologiste. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Gournac s’exclame.)
M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Bravo l’artiste !
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la décision sur le vote de ce projet de loi de ratification d’un accord entre la France et la Fédération de Russie relatif à l’annulation de la livraison de deux navires de guerre n’est pas simple à prendre, car le sujet est complexe.
D’un côté, il s’agit en effet d’un bon accord,…
M. Jean Bizet. Ah !
Mme Michelle Demessine. … satisfaisant pour les deux parties, mais, de l’autre, cet accord sert à effacer les conséquences d’une mauvaise décision, selon nous, du Président de la République.
En premier lieu, il faut reconnaître et apprécier la qualité des négociations qui ont été menées par le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, M. Gautier, avec le vice-Premier ministre M. Rogozine. Elles ont débouché sur un accord à l’amiable, ce qui prouve que les Russes ont été conciliants et qu’ils y trouvent également leur compte, ce qui n’est pas peu dire.
Cet accord a donc de grands mérites : il solde définitivement ce dossier épineux et, en écartant toute pénalité, limite les coûts que nous avons à supporter ; il garantit aussi une paix juridique durable et, surtout, nous permet de revendre librement les deux navires, ce que le contrat initial interdisait.
Nous disposerons donc de la liberté totale de les réexporter, sans possibilité de veto de la part des Russes, avec la simple obligation de les informer préalablement « pour ne pas aller à l’encontre de leurs intérêts de sécurité immédiats ».
Concrètement, avec cet accord, nous rembourserons d’abord, ce qui paraît normal, les sommes avancées par la Russie pour l’achat des deux bâtiments.
À ce sujet, il faut être lucides, tant sur la réalité du contrôle parlementaire sur les sommes qui nous sont présentées que sur son efficacité, puisque le Parlement est amené à voter ce projet de loi après que l’argent a été versé, dès le mois d’août, à la banque centrale russe.
Ensuite, le montant global du remboursement englobe les frais engagés par l’armée russe pour former 400 marins pendant un an et demi et pour adapter sur les navires une partie du matériel à ses besoins.
Enfin, nous relevons avec satisfaction que cet accord ne prend pas en compte tous les frais annexes, estimés à près de 55 millions d’euros, puisqu’il ne comporte ni indemnités, ni pénalités de retard, ni dédommagement d’autres coûts afférents, comme ceux qui sont liés à l’aménagement des hélicoptères russes ou des quais du port de Vladivostok.
Comme vous avez déjà eu l’occasion de le dire, monsieur le secrétaire d’État, il est primordial que, dans une situation qui reste très difficile, cet accord préserve nos intérêts diplomatiques et financiers, sans toutefois compromettre nos relations futures avec la Russie.
Cet aspect est d’autant plus important à l’heure où la Russie est un interlocuteur dont il n’est pas possible de se passer, un interlocuteur dont nous avons besoin pour trouver des solutions politiques aux deux grands conflits qui ravagent aujourd’hui la Syrie et l’Ukraine.
En outre, les incertitudes qui planaient sur les possibilités et les conditions de revente de ces navires viennent d’être levées, puisque l’Égypte a annoncé la semaine dernière qu’elle rachetait les deux navires.
Là aussi, les conditions peuvent sembler nous être favorables, car selon un communiqué de l’Élysée, ce rachat s’effectuera « sans pertes » pour la France, ce qui signifie sans doute que la réadaptation des navires pour la marine de guerre égyptienne est comprise dans le coût négocié.
Si l’on devait s’en tenir aux seuls termes de l’accord entre la France et la Russie, il y aurait tout lieu, à quelques réserves près, de s’en satisfaire.
Mais en matière d’exportation des armements, on ne peut raisonner en dehors d’un contexte et sans principes.
Pour notre part, nous estimons que, dans ce cas précis, le Président de la République, en ne livrant pas ces navires de guerre, a pris une mauvaise décision : il a avancé des critères contestables pour refuser la livraison de ces navires de guerre, et a cédé aux pressions de quelques pays membres de l’Alliance atlantique qui n’ont assurément pas la même conception que la France de la stabilité et de l’intangibilité des frontières en Europe.
De plus, rien ne nous obligeait vraiment à prendre une telle décision, puisque l’embargo européen ne portait que sur les contrats à venir. Le Président de la République a tergiversé, puis, devant la lassitude des Russes, il a pris, par défaut, la décision de ne pas faire délivrer par l’administration l’autorisation d’exportation.
Ainsi, au-delà des appréciations que l’on peut porter sur l’accord en lui-même et sur l’opportunité de la décision d’annuler les livraisons, l’examen de ce texte doit être l’occasion d’une réflexion sur la nécessité de revoir le mécanisme d’autorisation des exportations d’armement.
Il est actuellement du seul ressort de l’exécutif. Il faut donc trouver les formes pour y associer le Parlement afin que celui-ci puisse donner son avis sur les orientations de la politique d’exportation des armements mise en œuvre par le Gouvernement. C’est une exigence démocratique.
Il faudrait ainsi que les grands marchés et les livraisons de matériels sur des zones de conflits soient débattus en toute transparence, selon des critères rendus publics.
Convenons qu’un débat sur l’opportunité de la vente de ces bateaux à la Russie, avant même la signature de l’accord, n’aurait pas été inutile. Dans le même ordre d’idée, espérons que l’évolution de la situation en Arabie Saoudite et en Égypte, l’une finançant, l’autre achetant, ne placera pas de nouveau notre pays dans une situation délicate.
En conclusion, bien que cet accord entre la France et la Russie soit satisfaisant, nous considérons qu’il n’est que la conséquence d’une mauvaise décision du chef de l’État. Celle-ci se fondait sur des critères que nous désapprouvons, et cédait à des pressions extérieures qui ont porté atteinte à notre souveraineté.
Pour cet ensemble de raisons, le groupe communiste, républicain et citoyen s’abstiendra sur ce texte.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères et de la défense, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un projet de loi qui a la particularité d’être empreint de caducité, pour deux raisons.
Tout d’abord, ce texte arrive un peu tard, puisque la somme d’un peu plus de 940 millions d’euros a été versée à la Russie par la Banque de France le 5 août 2015, le jour où a été scellé l’accord entre Moscou et Paris annulant la vente des deux Mistral. Le Parlement est ainsi au pied du mur, pour ne pas dire derrière.
Ensuite, l’annonce faite par le Président de la République, mercredi dernier, du rachat de ces deux mêmes navires par l’Égypte constitue un nouveau paramètre financier qui n’a pas, bien sûr, été intégré à l’étude d’impact jointe au projet de loi.
Cependant, puisqu’il nous est permis de débattre à ce stade, je vous livrerai tout de même le sentiment de la majorité des membres du RDSE quant à cette affaire des Mistral, dont les enjeux sont non seulement financiers, mais aussi politiques – tout le monde l’a bien compris.
Sur le plan comptable, la question est simple : pour la France, est-ce Mistral gagnant ou Mistral perdant ? (Sourires.)
Avant l’embellie égyptienne, il est clair que nous allions vers un naufrage financier qui aurait pu coûter plusieurs centaines de millions d’euros à notre pays.
Certes, aujourd’hui, c’est une nouvelle donne : le chèque égyptien permet de compenser l’indemnisation de DCNS opérée par la COFACE pour le compte de l’État.
Mais il reste quelques incertitudes quant aux pertes induites, que vous serez peut-être en mesure de lever, monsieur le secrétaire d’État. Le montant global du marché des Mistral s’élevait à 1,2 milliard d’euros. La COFACE va-t-elle régler la marge qui était prévue pour l’entreprise de construction navale ? Notre commission des finances estime que le budget de l’État supportera un manque à gagner compris entre 200 millions et 250 millions d’euros.
Enfin, le contrat avec la Russie avait prévu un accès gratuit à des technologies et savoir-faire, par exemple en matière d’assemblage des coques de navire. Si l’accord du 5 août dernier lui interdit de réexporter cet avantage, il n’en demeure pas moins que cela représente désormais un don gracieux pour l’industrie russe.
Au-delà des enjeux économiques, il est également question, bien entendu, de l’autonomie stratégique de la France. En mai 2014, le Président de la République affirmait, depuis l’Allemagne, que le contrat signé en 2011 avec la Russie s’exécuterait, pour finalement annoncer quelques mois plus tard sa suspension.
Sans méconnaître les dessous de la crise ukrainienne, les sanctions européennes n’imposaient pas l’annulation de ce contrat. C’est donc une décision clairement politique, celle du Président de la République et du Gouvernement, que l’on nous demande aujourd’hui d’approuver a posteriori.
Devons-nous la partager ? Pour le RDSE, cette décision appelle plusieurs remarques.
La première, c’est que l’on peut se demander si elle a été prise en toute indépendance compte tenu des pressions non dissimulées exercées par les États-Unis et l’Allemagne. Tout en respectant nos alliés, avons-nous des leçons à recevoir de ces deux pays, qui défendent souvent très bien leurs propres intérêts quand cela s’avère nécessaire ? S’agissant de l’Allemagne, je rappellerai juste que l’Ukraine constitue un réservoir de main-d’œuvre bon marché qu’elle ne trouve plus au sein de la Mitteleuropa, où les salaires ont grimpé. En 2010, l’Allemagne alignait 1 800 usines en Ukraine, contre 50 pour la France ! Qui donc a le plus à perdre dans la crise ukrainienne ? On peut s’interroger...
Quant aux États-Unis, ils ont repris le dialogue avec la Russie, devenue le centre de toutes les attentions au sommet de l’ONU. La France a donc pris une décision dans un contexte où la Russie était censée être isolée, mais, en réalité, elle ne l’est plus vraiment.
Ensuite, je souhaitais faire deux observations concernant le nouveau client des Mistral qu’est l’Égypte.
D’une part, vendre aux Égyptiens, c’est in fine faire plaisir à la Russie. En effet, les deux pays ont de nombreuses habitudes de coopération militaire depuis Nasser. Le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale l’a lui-même indiqué lors de son audition par nos collègues députés.
D’autre part, si l’Égypte constitue actuellement un pôle de stabilité dans la région, on ne peut pas dire que ce pays réponde complètement aux standards démocratiques qui sont les nôtres. Ce contrat n’est donc pas plus exemplaire que le précédent sur le plan éthique, surtout lorsque l’on sait que l’Arabie Saoudite, pointée du doigt sur la question du respect des droits de l’homme, aide financièrement l’Égypte dans la constitution d’une force militaire arabe conjointe.
Tout cela manque un peu de cohérence...
Enfin, mes chers collègues, je terminerai sur la question des relations franco-russes, qui sont bien sûr un enjeu fondamental de ce dossier.
La France et la Russie ont toujours entretenu de bonnes relations. Alors, gardons-nous bien de céder aux sirènes d’une prétendue néo-guerre froide qui n’a pas lieu d’être. Les États-Unis oscillent toujours entre méfiance et rapprochement avec Moscou. De notre côté, agissons en toute indépendance avec un grand pays qui reste pour nous, malgré toutes ses difficultés internes, un partenaire privilégié.
À cet égard, pour conclure, mes chers collègues, je reprendrai les propos que le président François Mitterrand, désormais entré dans l’histoire, avait tenus à Moscou en 1984, pour sa première visite officielle : « Rares ont été les moments au cours des siècles où nous nous sommes affrontés, et lorsque ces affrontements se sont produits, le mouvement naturel de l’Histoire les a aussitôt surmontés, effacés, avant de nous réunir, jusque et y compris dans la fraternité d’armes ». (Applaudissements sur les travées du RDSE. – Mme Sophie Joissains applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, cet après-midi, nous devons nous prononcer sur un accord international d’un genre particulier. Jusqu’alors, nous avions plutôt l’habitude de voter en faveur d’accords de coopération, dans les domaines militaire, éducatif, culturel et judiciaire.
Il s’agit aujourd’hui d’approuver un projet de loi concernant la rupture d’un accord entre la France et la Russie, dont la relation d’amitié est ancienne.
Avant d’aborder des questions techniques, je souhaite formuler quelques remarques.
Le projet qui nous est soumis prend la forme de deux accords intergouvernementaux. C’est sur le second que nous devons nous prononcer, conformément à l’article 53 de la Constitution, qui a été abondamment évoqué.
Négocié par le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale et le vice-Premier ministre russe sous la forme d’échange de lettres, il précise les modalités de la transaction et reconnaît à la France le droit de réexporter les bâtiments après information de la partie russe.
Tout d’abord, je constate que nous examinons un accord qui est déjà en vigueur. Cela fait bientôt deux mois que la Russie est remboursée et indemnisée ! Il y aurait beaucoup à dire sur la réactivité du Gouvernement et son empressement à consulter la représentation nationale. Accepter un paiement à la Russie au lendemain de la signature n’est pas conforme à l’article 53 de la Constitution.
Ensuite, on ne peut que regretter que le dossier Mistral n’ait pas fait l’objet d’un débat au Parlement, en amont même de la signature de l’accord du 5 août, et avant les négociations. L’annulation de la vente des Mistral impacte les finances de l’État, en particulier le programme 146 du budget de la défense.
Cela est d’autant plus dommageable que, il y a moins de trois mois, lors de l’examen de la révision de la loi de programmation militaire, on nous assurait que les budgets seraient stabilisés. Or, après avoir attentivement écouté les rapporteurs du texte, j’observe que le programme 146 est devenu un « amortisseur » de Mistral.
J’ai toute confiance en nos rapporteurs budgétaires qui, à l’occasion de l’examen de la loi de finances, ne manqueront pas de nous détailler les conséquences de cet accord.
J’en viens maintenant aux questions de fond. Chacun d’entre nous a pu mesurer à quel point le sujet était complexe. En tant que puissance diplomatique et exportateur mondial d’armement, la France doit concilier éthique, responsabilité internationale et intérêts nationaux.
Aussi, ce débat doit être l’occasion d’une mise en perspective tant sur les faits que sur la méthode du Gouvernement. L’occasion pour nous de ne pas se contenter seulement du « happy-end » issu de la revente de ces deux bateaux.
Mes chers collègues, je m’interroge sur la réalité des arguments invoqués par le Gouvernement et sur les conséquences de ses choix dans le temps.
Premièrement, au regard du contexte géopolitique : la crise ukrainienne, l’annexion de la Crimée par la Russie, les violences dans la région du Donbass et les accords de Minsk de février 2015.
Oui, les violations du droit international sont inacceptables. Oui, la politique étrangère russe implique une mobilisation et une réaction proportionnelle à la gravité des faits.
Cependant, la parole et les engagements de la France peuvent-ils supporter de tels revirements, alors même que c’est le respect de la parole et des actes qui ont forgé sa crédibilité sur la scène internationale ?
M. Jean Bizet. Exact !
M. André Trillard. Les volte-face successives de notre diplomatie nous laissent dubitatifs.
Le 24 juillet 2014, soit trois mois après l’annexion de la Crimée en mars 2014, le ministre des affaires étrangères déclarait sur France Inter : « En ce qui concerne le contrat Mistral, il a été signé en 2011. Ce n’est pas ce gouvernement-ci mais peu importe. Et il y a une règle qui est que les contrats signés et payés sont honorés. »
M. Alain Joyandet. Bravo !
M. André Trillard. Sur les mêmes ondes, le 25 novembre 2014 (M. Alain Gournac s’exclame.), il affirmait : « Nous considérons que les conditions d’une livraison ne sont pas réunies, pour des raisons évidentes aujourd’hui, quand vous regardez ce qui se passe en Ukraine. »
Vous nous avez expliqué ensuite qu’en tant que pays négociateur dans les accords de Minsk, le dossier Mistral constituait un handicap pour notre diplomatie.
D’un côté, nous soutenions les sanctions économiques et l’embargo sur les armes et, de l’autre, nous refusions d’honorer un contrat d’armement payé par les Russes, et antérieur à l’embargo.
Pour ma part, je pense qu’il est possible de sortir de ce cadre bien rodé. Ce n’est pas la livraison des Mistral qui a porté préjudice à la France, c’est la « non-décision » et le statu quo qui ont fragilisé notre action.
Vous présentez ces accords comme le résultat d’un choix et d’un acte d’indépendance de la France. Nous pouvons en douter, car les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Pologne et les États baltes ont explicitement demandé à la France de suspendre ces livraisons.
Dans les résolutions de crise, l’Europe doit réussir à parler d’une seule voix. Néanmoins, l’unité de l’Union européenne n’implique pas pour la France de perdre sa singularité.
En outre, diaboliser un pays et ses dirigeants est une politique infructueuse. Cela exacerbe les tensions entre les nations. Ces reflexes motivés par l’émotion et par la quête du geste fort sont précisément aux antipodes de l’exercice diplomatique. Nous le constatons chaque jour : en Iran, seul un dialogue ouvert mais ferme a permis un accord historique sur le nucléaire ; en Syrie, après quatre ans de guerre, chacun s’accorde enfin sur le fait qu’aucune transition ne sera possible sans un dialogue avec toutes les parties, même si la France fait plutôt un choix différent.
Sur toutes les travées, nous sommes attachés au respect du droit international et à l’intégrité territoriale des États.
Malgré le cessez-le-feu et les accords de Minsk, le processus n’est pas terminé et la solution politique est encore inaboutie.
Deuxièmement, vous nous dites que l’accord permet une paix juridique pour les entreprises françaises et que nous devrions, de ce fait, souscrire à ce projet de loi. Ce n’est pas aussi évident.
Oui, l’accord permet à DCNS d’échapper à des pénalités de retard, liées d’abord à l’indécision, et à un recours contentieux aux coûts exorbitants.
Cependant, comme l’ont rappelé les rapporteurs, le Gouvernement a versé 949,75 millions d’euros à la Russie : 892,9 millions d’euros correspondant au remboursement des deux BPC et 56,85 millions d’euros pour les dépenses relatives à la formation des équipages et experts russes et au développement de matériels spécifiques.
Notons d’ailleurs que les versements ont été faits en euros et qu’entre la commande et le paiement, d’une part, et aujourd’hui, d’autre part, le rouble a perdu 70 % de sa valeur – c’est ainsi que la Russie a dû se payer. Dans ces conditions, elle ne pouvait qu’être favorable à cet accord.
Pour la France, la facture ne se limite pas à ces remboursements. Plusieurs questions demeurent. Qui paie la maintenance et le gardiennage des navires, estimés à 2 millions d’euros par mois ? Qui paie le démontage et la restitution de matériels à la Russie, représentant 2,5 millions d’euros ? Quel est le prix à terme du « decocooning » des bâtiments, c’est-à-dire la remise en marche et l’adaptation des équipements aux besoins des acheteurs égyptiens, la Méditerranée étant, en effet, assez différente de l’Arctique ?
En outre, une inconnue subsiste concernant les pertes pour nos industriels.
Les assurances de la COFACE ont permis à DCNS, STX, CNIM et Thalès d’être remboursés, mais la question des marges commerciales est encore en suspens. Elle ne peut être occultée, car, contrairement à ce que pensent certains, même dans cet hémicycle, une entreprise travaillant sans marges disparaît.
M. Alain Joyandet. C’est vrai !
M. Jean Bizet. Il paraît !
M. André Trillard. Troisièmement, je m’interroge sur l’argument selon lequel l’accord permet à notre pays de recouvrer la pleine propriété des bateaux, rendant possible leur revente le plus rapidement possible.
L’annonce du rachat des BPC par les Égyptiens est une bonne nouvelle, mais ne croyons pas que la France soit le seul fournisseur de l’Égypte en matière d’armement. Pour preuve, la commande à la Russie d’hélicoptères Ka-52 Alligator, compatibles, d’ailleurs, avec les BPC français.
Enfin, n’oublions pas qu’en juin dernier la Russie et l’Égypte ont organisé des manœuvres navales communes.
La clause de réexportation sans veto russe permet de limiter les pertes financières pour l’État. Grâce à la revente des BPC, ce coût sera ramené entre 200 millions et 250 millions d’euros – nous disposerons bientôt du chiffre exact.
Ma quatrième remarque porte précisément sur ce que vous ne dites pas, je pense aux risques industriels et commerciaux à terme.
Les garanties de la COFACE, fussent-elles à 100 %, ne couvrent pas les pertes relatives aux fuites de savoir-faire. Quid de la diffusion de maîtrise technologique rare, résultant de plusieurs années d’investissement dans la recherche et développement de la part des groupes industriels français et des PME sous-traitantes ?
Pendant plusieurs mois, mon département, la Loire-Atlantique, a accueilli 400 marins et experts russes. Ces derniers ont reçu des formations de très haut niveau prévues dans le cadre des accords de 2011.
Nous avons dédommagé la Russie pour ces formations, alors même que les équipages ont eu accès à des technologies hautement classifiées et sensibles.
Croyez-vous que cet accord efface des mémoires russes les maîtrises de logiciels dispensées à Saint-Nazaire ?
De même, je pense aux EDAR de la CNIM. Dans le secteur des engins amphibies de débarquement, la France est à la pointe, mais la diffusion de ce savoir-faire pourrait être très préjudiciable.
Enfin, je rappelle aussi une autre réalité : celle du marché. Oui, en 2015, les exportations d’armement françaises ont battu des records, mais c’est aussi le résultat de décennies d’investissements, que nous serions incapables de fournir aujourd’hui.
Prenons garde à ne pas altérer notre crédibilité commerciale, en particulier au moment où le marché de l’armement est en pleine expansion et où nous faisons face à une concurrence effrénée.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains ne soutiendra pas le texte, certains s’abstiendront, d’autres voteront contre. Pour ma part, je m’abstiendrai, car nous n’avons pas l’habitude dans le département d’avoir des bateaux au rebut parmi ceux que nous fabriquons à Saint-Nazaire. Nous sommes généralement fiers de nos fabrications et nous aimons bien les voir naviguer. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à travers ce débat, il est aussi et surtout question du positionnement diplomatique, stratégique et historique de notre pays. À un moment où les troubles internationaux se multiplient, où les rapports de force mondiaux évoluent et où les droits internationaux sont écornés, il était nécessaire, même indispensable, d’en tenir compte et donc de tenir bon, avec sang-froid et sans fébrilité. C’est ce qui a été fait, et c’est tout à l’honneur de la France.
Je rappelle que ces deux navires ont été construits à Saint-Nazaire, avec autant de compétence et de minutie que des paquebots de croisière, dont le plus grand paquebot du monde actuellement en voie d’achèvement. Ils démontrent la qualité du « made in France » dans ce domaine industriel, tant civil que militaire, et cela méritait d’être souligné.
Toutefois, revenons sur le fond.
Le respect de la parole donnée a été parfois évoqué, or celle-ci a été conforme à nos engagements, à nos intérêts et à nos valeurs.
Conforme à nos engagements, car dès l’été 2014 Paris avait prévenu que la décision finale dépendrait du comportement de la Russie dans la crise ukrainienne.
L’offensive russe en Ukraine n’est pas un fait divers, et encore moins les milliers de morts qui ont accompagné l’annexion de la Crimée. De fait, la Russie piétinait les consensus sur l’intangibilité des frontières, mais aussi de nombreux traités internationaux. Elle violait l’acte final de la conférence d’Helsinki de 1975, qui organisait le respect de nos frontières au sein du territoire européen. Elle violait le mémorandum de Budapest de 1994, garantissant l’intégrité et l’indépendance de l’Ukraine, en échange, et ce n’est pas rien, de son engagement à se défaire de son stock d’armes nucléaires.
L’attitude de la Russie ressuscitait ainsi la pire des perspectives, celle de la guerre entre États européens.
Fallait-il détourner notre regard ? Fallait-il ignorer ce nouveau contexte politique majeur ? À l’évidence, non ! Ou alors, quelle forme de lâcheté historique !
Cette décision est donc bien conforme à nos engagements traditionnels.
Mais elle est aussi conforme à nos intérêts. En effet, une décision de livraison aurait très grandement affecté nos relations de confiance avec une grande partie de l’Union Européenne, et la France se serait alors retrouvée isolée et décrédibilisée. De plus, ces bâtiments de guerre, compte tenu du changement radical du contexte géopolitique depuis 2011, auraient même pu, un jour, être utilisés contre un pays allié.
C’est aussi une décision conforme à nos valeurs. Certes, le commerce international, et je le déplore comme beaucoup d’entre vous, ne fait pas toujours bon ménage avec les principes qui sont les nôtres et avec les droits de l’homme. Toutefois, livrer deux navires de guerre à un gouvernement qui agresse ses voisins au mépris des règles du droit international aurait-il été conforme à l’image de la France dans le monde, et même à l’image que la France se fait d’elle-même ?
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Yannick Vaugrenard. Certains ont pu dire, se référant à une prétendue tradition gaullienne, que cela aurait dû nous conduire à respecter ce contrat avec la Russie au lieu de se plier à une prétendue injonction américaine.
C’est une profonde erreur : d’abord, parce que dans les heures les plus graves le général de Gaulle n’a jamais hésité à ranger notre pays dans le camp auquel il appartient géographiquement ; ensuite, et précisément dans un cas semblable, le général de Gaulle avait pris une décision identique en 1967 à la suite de la guerre des Six-Jours, il avait annulé la livraison de matériels militaires à Israël et, lui aussi, de façon rétroactive, et Israël est un pays ami.
Ainsi, au bout du compte, ce sont bien nos intérêts européens et de grande puissance, vassale de personne, qui ont prévalu. Cette décision est donc bien conforme à nos valeurs, à nos intérêts et à nos engagements.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Yannick Vaugrenard. Cependant, le chemin fut aussi diplomatiquement étroit, et chacun s’en est bien rendu compte, pour éviter toute humiliation et sans pour autant insulter l’avenir. Voilà pourquoi, avec la Russie, c’est un accord amiable qui aura prévalu sur un contentieux financier plus durable et certainement plus coûteux. Cet accord amiable plus intéressant politiquement et diplomatiquement, l’est aussi pour nos finances publiques, chacun l’aura compris.
Par ailleurs, cet accord voulu aussi par les Russes démontre, si nécessaire, que la France est plus respectée lorsqu’elle est ferme sur les principes que lorsqu’elle se montre fébrile et hésitante. Notre pays a fait preuve de l’exigence nécessaire et d’une volonté de dialogue indispensable.
Pour conclure, et depuis mercredi dernier, nous savons que ces deux navires Mistral seront vendus à l’Égypte, ce qui devrait clore l’aspect financier, face aux enjeux stratégiques qui sont indiscutablement d’une autre dimension.
Mes chers collègues, sur un sujet comme celui-là qui engage des principes, la parole et l’honneur de la France, sachons mettre de côté nos vaines querelles non dénuées parfois d’arrière-pensées franco-françaises. Nous traversons une période internationale particulièrement troublée et dangereuse. Face à cela, ce sont les principes fondamentaux de notre pays qui doivent être pris en considération, dans le respect du droit international, des règles collectivement définies, qui prévalent sur les intérêts, y compris financiers de très court terme.
Il fallait tenir compte de l’évolution et du comportement de la Russie depuis la signature du contrat de 2011. C’est tout à l’honneur du Président de la République de l’avoir fait, c’est tout à l’honneur de la France, riche de son passé et de son histoire, d’avoir su comprendre le présent, pour mieux préserver et préparer l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe et M. Jean-Vincent Placé applaudissent également.)
M. Roland Courteau. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Harlem Désir, secrétaire d’État. Je tiens à remercier l’ensemble des orateurs, tout en soulignant que, à une exception près, aucun d’entre eux n’a contesté le bien-fondé de la décision de ne pas livrer à la Russie, dans les circonstances actuelles, les deux bâtiments de projection et de commandement.
Chacun peut porter sa propre appréciation sur l’opportunité de la conclusion de ce contrat avec la Russie en 2011, compte tenu des événements de Géorgie et du comportement de la Russie dans son environnement. Les différents points de vue se sont exprimés à ce sujet. Chacun conçoit que les circonstances ne permettaient plus la livraison de ces bateaux, compte tenu de la situation en Ukraine, de l’annexion de la Crimée, de nos relations avec les pays voisins de la Russie, du rôle que nous jouons dans la résolution de la crise ukrainienne – une réunion au format Normandie se tiendra vendredi à Paris, à l’invitation du Président de la République, et réunira les Présidents Porochenko et Poutine, ainsi que la Chancelière Merkel, pour veiller à la mise en œuvre complète des accords de Minsk. Il ne faut pas non plus oublier l’inquiétude que le comportement de la Russie et la livraison potentielle de ces bateaux suscitaient au sein de plusieurs États membres de l’Union européenne. En effet, l’Ukraine n’est pas la seule riveraine de la mer Noire, certains membres de l’Union européenne le sont également. Enfin, nous savons que beaucoup de pays amis étaient très sensibles à cette question, comme la Pologne – aujourd’hui même, une réunion au format Weimar, avec des représentants de la Pologne, de l’Allemagne et de la France, doit se tenir dans quelques heures au Quai d’Orsay – ou les pays baltes.
Dès lors, que convenait-il de faire ? Fallait-il laisser s’engager un contentieux, avec des bateaux qui seraient restés à quai à Saint-Nazaire sans pouvoir être réexportés, puisqu’ils étaient toujours propriété de la Russie ? Par ailleurs, un arbitrage aurait forcément abouti au versement d’une indemnisation et de pénalités. Nous avons choisi d’engager une négociation avec la Russie, laquelle admettait que la situation ne permettait plus la livraison des bateaux et acceptait de dénouer le contrat dans des conditions lui permettant de récupérer les sommes qu’elle avait versées à la France en paiement et les dépenses qu’elle avait engagées pour la formation de ses marins. En revanche, nous avons demandé et obtenu que la rupture de ce contrat n’entraîne pas d’autres frais financiers ni le versement de pénalités. Cette négociation a permis à la France – c’était pour nous une clause essentielle – de récupérer immédiatement, dès la signature de l’accord annulant la vente de 2011, la propriété des bateaux, afin de pouvoir les revendre.
En annulant la vente, nous nous engagions donc à rembourser la Russie. En récupérant la propriété des bateaux, nous nous assurions la possibilité de les revendre et de faire en sorte que DCNS n’ait pas travaillé pour rien, mais aussi que l’État n’ait pas à l’indemniser et puisse également percevoir les dividendes que la COFACE doit lui verser. Tels sont les différents aspects de l’opération rendue possible par l’accord du 5 août.
Évidemment, le Gouvernement a immédiatement informé le Parlement de la signature de cet accord. Il a transmis, en toute transparence, tous les éléments concernant l’annulation de cette vente, afin que les assemblées puissent être saisies du dossier dès la reprise des travaux parlementaires. Il en sera de même jusqu’à la conclusion de l’autre partie de l’opération – dont vous n’êtes pas saisis aujourd’hui –, à savoir la revente de ces bateaux à l’Égypte, qui permettra d’éviter toute perte financière pour l’État.
D’un point de vue budgétaire, l’incidence de cette opération sur le programme 146 sera nulle, puisque ce programme sera à nouveau abondé en fin de gestion. Pour les finances publiques en général, un point pourra être fait au moment de la conclusion de la partie financière de l’accord de vente d’ores et déjà signé avec l’Égypte. Tous les éléments seront alors disponibles, y compris ceux concernant la COFACE.
Je souhaite enfin répondre à une question posée par plusieurs orateurs concernant notre politique en matière d’exportations d’armements. Les choses sont tout à fait claires : nous devons transcender nos divergences partisanes, parce que ces contrats ont nécessairement une incidence sur la politique étrangère et de défense de notre pays ainsi que sur ses industries de défense, dont les qualités sont reconnues, qu’il s’agisse de constructions navales, d’aéronautique ou d’autres types d’équipements. Nous devons donc respecter un cadre qui ne soit pas soumis aux variations politiques, du moins pas de façon excessive.
Le dispositif français de contrôle des ventes d’armes est reconnu comme l’un des plus rigoureux. Il existe des présomptions d’interdiction, une commission interministérielle délivre les autorisations au cas par cas, sous l’autorité du Premier ministre. La France respecte le cadre établi au sein de l’Union européenne, notamment la position commune de 2008 qui fixe des critères pour les biens contrôlés. Enfin, la France a signé et ratifié le traité sur le commerce des armes dont elle assure la promotion.
Pour l’ensemble de ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de ne pas vous opposer, pour l’immense majorité d’entre vous, à cet accord qui respecte l’intérêt diplomatique, financier et industriel de la France. Chacun doit se réjouir du fait qu’une situation, créée par l’accord de vente de 2011 et mettant notre pays en difficulté, y compris dans le cadre de ses relations avec la Russie, puisse aujourd’hui se dénouer dans un cadre négocié. L’accord signé le 5 août permettra de revendre ces bateaux de très grande qualité à l’Égypte, pour le plus grand bien de nos industries et dans l’intérêt financier de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la fédération de russie sur le règlement des obligations complémentaires liées à la cessation de l’accord du 25 janvier 2011 relatif à la coopération dans le domaine de la construction de bâtiments de projection et de commandement
Article unique
Est autorisée l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie sur le règlement des obligations complémentaires liées à la cessation de l’accord du 25 janvier 2011 relatif à la coopération dans le domaine de la construction de bâtiments de projection et de commandement, signées à Moscou le 5 août 2015, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. En qualité de président du groupe d’amitié France-Ukraine, je voterai ce projet de loi pour manifester mon soutien à la politique de sanctions mise en place par la France à l’égard de la Russie.
En mars 2014, il faut le rappeler, la Russie a envahi la Crimée et annexé ce territoire au mépris des règles les plus élémentaires du droit international. À ce titre, je souscris entièrement aux propos que vient de tenir notre collègue Vaugrenard.
Je rappelle également que la Russie soutient activement, pour ne pas en dire davantage, les séparatistes qui, à l’est de l’Ukraine, mettent en péril l’intégrité territoriale de ce pays. Ce conflit a déjà fait plus de 8 000 morts, sans parler des blessés, des disparus et des réfugiés. Enfin, malgré la signature des accords de Minsk au mois de février, le cessez-le-feu est loin d’être respecté. J’ai pu m’en rendre compte personnellement en me rendant à Marioupol au mois de juin : nous entendions le canon à quelques kilomètres. Dans ce contexte, il n’aurait pas été concevable de livrer des navires militaires à la Russie, même si la décision du Conseil de l’Union européenne ne nous obligeait pas à renoncer à cette vente.
Je suis bien conscient, comme l’ensemble de nos collègues, de l’importance de la relation franco-russe. Je suis bien conscient du fait que la Russie est un partenaire incontournable. Malgré tout, ce n’est pas une raison pour accepter l’inacceptable, c’est-à-dire la violation du droit international et de l’intégrité territoriale d’un État.
Cet accord permet d’acter la non-livraison de ces matériels militaires et de clore à l’amiable ce dossier. Même si je partage un certain nombre des réserves émises sur la procédure – en particulier, le Parlement a été largement mis devant le fait accompli –, pour les raisons que je viens d’énoncer, je voterai en faveur de l’approbation de cet accord.
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.
M. Alain Joyandet. L’annulation de ce contrat a provoqué des débats légitimes au sein de la commission des affaires étrangères. Je souhaite dire à nos collègues du groupe socialiste qu’ils peuvent constater que la majorité de la commission et son président ont fait preuve d’une grande modération, car ils ont l’intérêt national chevillé au corps.
Si je prends la parole, c’est parce que je ne peux pas laisser dire certaines choses. Je sais que la meilleure défense, c’est l’attaque, mais je ne peux pas laisser faire le procès des décisions de 2011 à l’occasion de ce débat, monsieur Reiner. Il est trop facile de recourir à cet artifice pour se sortir d’une affaire qui est gérée en dépit du bon sens depuis quelques mois. Cela dit, je ne critique pas M. Gautier, qui a très bien négocié dans le cadre que les autorités politiques lui ont indiqué – évidemment, notre administration n’est pour rien dans cette affaire !
En 2011 – il se trouve que je n’étais pas très éloigné des preneurs de décision, à l’époque –, personne n’interdisait à la France de vendre du matériel militaire à la Russie. M. le secrétaire d’État a peut-être fait un lapsus tout à l’heure, lorsqu’il a évoqué la Géorgie, mais je le remercie d’avoir cité cet exemple. En effet, si la question de l’Ukraine avait été réglée comme l’a été celle de la Géorgie, c’est-à-dire avec un vrai leadership français dans la mise en route de la diplomatie européenne, la question de la livraison de ces deux navires ne se serait peut-être pas posée.
M. Jean-Yves Leconte. Ce n’est pas la même situation !
M. Alain Joyandet. On ne peut pas, aujourd’hui, refaire l’histoire de 2011 et l'on ne peut que constater, hélas, que cette décision a été prise dans la précipitation, en rupture avec toutes nos règles, qu’il s’agisse de l’article 53 de la Constitution, de la loi organique relative aux lois de finances ou du budget de la défense.
Enfin, monsieur le secrétaire d’État, je ne peux que constater une absence totale de transparence : qu’en est-il de la vente des bateaux à l’Égypte ? Un contrat a-t-il réellement été signé ? Dans ce contrat, quelles sont les conditions financières ? La Russie a été remboursée intégralement. Si elle a demandé à être payée comptant le jour de l’accord, c’est parce qu’elle craignait qu’il soit remis en cause !
Sur le fond, je ne pense pas que la Russie avait vraiment besoin de ces navires. Certains ont pu dire que, si la Russie avait disposé de ces bateaux lors de la crise ukrainienne, la situation aurait été différente, mais je n’en crois rien. En 2011, nous avons signé un accord essentiellement diplomatique et commercial dans le cadre d’une relation franco-russe qui se réchauffait utilement, compte tenu de la situation internationale.
Aujourd’hui, je ne peux que regretter la décision d’annulation de ce contrat, car les conditions dans lesquelles elle a été prise seront très onéreuses pour le budget. Enfin, monsieur le secrétaire d’État, j’attends de connaître le contenu du contrat de vente à l’Égypte. S’agit-il d’une simple annonce ? Le contrat est-il signé ? Quel est le prix réel de vente des bateaux ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Alain Joyandet. Surtout, quelles sont les conditions financières de cet accord ?
J’aurais sans doute été solidaire de la commission, mais je ne peux pas accepter que, dans une affaire aussi mal gérée, on se défausse en réécrivant l’histoire et en faisant le procès du contrat de 2011 !
M. le président. Mes chers collègues, je vous demande de respecter votre temps de parole.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Rassurez-vous, monsieur le président, comme je ne réécrirai pas l’histoire et que je ne justifierai pas le passé, je serai bref.
Hier, la commission des finances, après avoir écouté l’excellent rapport pour avis de M. de Legge, a décidé de s’en remettre à la sagesse de notre assemblée. Nous sommes en règle générale toujours favorables à la sagesse, mais, en l’espèce, je veux qu’il soit clairement dit que les commissaires socialistes ont voté pour le projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Face à la situation complexe, je comprends qu’il ait fallu du temps pour trouver une solution. Pour autant, je ne peux pas accepter que l’on essaie de vendre cet accord à l’opinion publique comme un accord équilibré, financièrement neutre pour la France. La démonstration nous a été faite, même si nous n’avons pas tous les éléments, la transparence n’étant pas totale, que tel n’est pas le cas. De surcroît, il y a beaucoup à redire sur la forme, notamment au regard de la Constitution. Nous ne pouvons donc pas être satisfaits par la manière dont cette affaire a été traitée.
Pour ma part, je ne suis pas du tout d’accord avec la façon dont les choses sont présentées, même si je reconnais qu’il fallait bien évidemment un arrangement avec l’acheteur, qui n’a pas reçu ses bateaux. C’est la raison pour laquelle je ne suivrai pas l’abstention prônée par mon groupe et que je voterai contre le projet de loi.
Par ailleurs, je suis surpris qu’un certain nombre de points n’aient pas été abordés. Le Gouvernement se réjouit d’avoir trouvé un bon accord et d’être sorti de cette situation sans impact, mais, monsieur le secrétaire d’État, je suis désolé de vous dire qu’il y a énormément d’entreprises françaises qui souffrent du fait que notre pays n’ait pas tenu sa parole. La parole de la France, c’est quand même quelque chose ! Dorénavant, quand nous allons discuter avec les Russes, nos interlocuteurs se demanderont si nous allons tenir nos engagements.
Je rappelle également que, à la suite des sanctions, que je ne discute pas, puisque ce n’est pas l’objet de notre débat, j’ai cru entendre dire que les agriculteurs avaient perdu 300 millions d’euros. Or je n’ai pas entendu dire que l’État allait compenser cette perte pour notre agriculture, qui se trouve en grande difficulté. Si nous avions fait des efforts pour tous ceux qui ont eu à souffrir, peut-être aurais-je eu une autre position… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)
Je le répète, monsieur le secrétaire d’État, je ne peux pas vous suivre lorsque vous essayez de faire croire aux Français qu’il s’agit d’un bon accord, financièrement équilibré.
Enfin, pardonnez-moi de déborder un peu du sujet, mais, puisque nous avons annulé l’écotaxe, pour un coût de 1 milliard d’euros au passif du budget, peut-être pourrions-nous essayer de vendre nos portiques aux Égyptiens… (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Bizet. Chiche !
M. le président. La parole est à M. Jacques Genest.
M. Jacques Genest. Sur le fond, je n’ai pas grand-chose à ajouter, puisque nos rapporteurs et les différents orateurs du groupe ont parfaitement exprimé nos craintes et nos critiques. En revanche, sur la forme, je trouve très choquant de nous demander d’avaliser un accord qui a été signé le 5 août et appliqué immédiatement. On ne respecte pas la Constitution !
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous dites que cette situation ne jette aucun discrédit sur notre pays, mais, honnêtement, le fait d’avoir bafoué la parole de la France sera très préjudiciable à nos industriels.
Pour toutes ces raisons, je ne participerai pas au vote.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. J’entends, ici ou là, certains être tentés de ramener le débat à des considérations politiques. Or il s’agit d’un sujet autrement plus compliqué : pouvons-nous vendre des armes en toutes circonstances ? Comment éviter qu’un conflit ne cannibalise complètement les relations diplomatiques avec un pays dont nous avons besoin sur d’autres terrains ?
À mon sens, la France ne pouvait pas ne pas réagir à ce qui s’est passé en Crimée. La France doit défendre le droit international et ne peut pas accepter que l’on joue avec les frontières. Il fallait donc prendre des décisions, ce qui a été fait, et engager une négociation. Personnellement, je pense que la négociation en elle-même n’est pas mauvaise, même si, mes chers collègues, elle ne pouvait pas être gratuite. En effet, elle entraîne forcément un déficit en termes d’image et des difficultés financières pour nos entreprises.
Monsieur le secrétaire d’État, vu les circonstances et l’objectif, qui était de rechercher un accord amiable avec la Russie, ce qui n’était pas si évident, la négociation a été bien menée par M. Gautier et son équipe. Naturellement, je le répète, personne ne peut nier que cette affaire a un coût politique et financier. C’est une chose que d’essayer de sortir le moins mal possible d’une situation, c’en est une autre que de pouvoir en tirer un bénéfice, ou en tout cas de trouver un équilibre, mais je comprends bien que la situation du Gouvernement et de ses négociateurs était très difficile, compte tenu, je le répète, de l’impératif qui était le leur d’obtenir un accord diplomatique assez visible avec la Russie. Il faut bien avoir ces points en tête pour comprendre la situation et la nécessité de trouver une issue.
À titre personnel, je m’abstiendrai, car je ne veux pas envoyer un message négatif à la Russie au moment où le Président Poutine, à la tribune de l’ONU, fait des propositions nouvelles pour nous sortir de ce que le Président de la République a appelé « la tragédie syrienne ».
Cette crise grave avec la Russie ne doit pas nous faire oublier que nous sommes en guerre, en Syrie et contre le terrorisme. Dans ce conflit, nous avons un adversaire qui est Daech, que le Président russe a également désigné comme son adversaire prioritaire.
Dans ce contexte, nous ne pouvons pas laisser M. Obama discuter seul avec M. Poutine de l’avenir de la Syrie. La diplomatie française doit se replacer au centre de ces décisions, et l’affaire ukrainienne, monsieur Maurey, aussi importante et stratégique soit-elle, ne peut pas réduire la relation historique, géopolitique, stratégique entre la France et la Russie à cette seule question, même si, bien sûr, nous ne devons céder ni sur nos convictions ni sur nos intérêts.
Aujourd’hui, il est très important de valider cet accord, mais, dans le même temps, nous devons envoyer un message clair : sur l’Ukraine, la volonté de la France est de mettre le format Normandie au service de la sortie de crise ; souhaitons que cette initiative aboutisse et continuons nos efforts, mais acceptons de réviser nos critères de décision sur la Syrie en considérant que la guerre totale contre Daech doit être engagée et que cette proposition de nouvelle coalition doit être étudiée par la France.
D’une certaine manière, je dis « oui » à la négociation, mais je dis « non » à tout ostracisme envers la Russie, sans qui nous ne retrouverons pas la paix. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Nomination de deux membres d’un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission des affaires étrangères et la commission des lois ont proposé des candidatures pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Michel Boutant et Mme Catherine Troendlé membres de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.
7
Demande d’avis sur un projet de nomination
M. le président. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article L. 114-3-3 du code de la recherche, M. le Premier ministre, par lettre en date du 21 septembre 2015, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente sur le projet de nomination de M. Michel Cosnard aux fonctions de président du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
8
Modernisation de notre système de santé
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé (projet n° 406, texte de la commission n° 654, rapport n° 653 [tomes I et II], avis nos 627 et 628).
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.
Titre IV (suite)
Renforcer l’efficacité des politiques publiques et de la démocratie sanitaire
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du titre IV, à l’article 43 A.
Chapitre IV
Associer les usagers à l’élaboration de la politique de santé et renforcer les droits
Article 43 A
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 210 rectifié est présenté par MM. Barbier, Mézard et Guérini, Mme Malherbe et MM. Requier, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Vall.
L'amendement n° 1130 rectifié est présenté par MM. Cornano, Antiste, Desplan et Patient, Mme Jourda et M. Cazeau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l'article L. 1110-8, après le mot : « santé », sont insérés les mots : « et de son mode de prise en charge, sous forme ambulatoire ou à domicile, en particulier lorsqu'il relève de soins palliatifs au sens de l'article L. 1110-10, » ;
2° Après la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 1111-2, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :
« Elle est également informée de la possibilité de recevoir, lorsque son état de santé le permet, notamment lorsqu'elle relève de soins palliatifs au sens de l'article L. 1110-10, les soins sous forme ambulatoire ou à domicile. Il est tenu compte de la volonté de la personne de bénéficier de l'une de ces formes de prise en charge. »
La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l’amendement n° 210 rectifié.
M. Gilbert Barbier. L’article 43 A, qui a été introduit par l’Assemblée nationale, nous paraît avoir son utilité. En effet, il arrive assez fréquemment que les malades, notamment ceux qui ont besoin de soins palliatifs, ne soient pas bien orientés. Il est donc nécessaire qu’ils sachent qu’ils ont la possibilité de recevoir des soins sous forme ambulatoire ou à domicile.
M. le président. La parole est à M. Jacques Cornano, pour présenter l'amendement n° 1130 rectifié.
M. Jacques Cornano. Cet amendement vise à rétablir l’article dans sa rédaction votée à l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission des affaires sociales. L’article 43 A a été supprimé par la commission en juillet, car il prévoyait une obligation d’information du patient sur les différents modes de prise en charge dont il est susceptible de bénéficier et sur son libre choix en la matière.
Bien évidemment, nous ne nous opposons ni à l’information des patients ni à leur liberté de choix, mais nous préférons faire confiance aux professionnels de santé. En effet, il va de soi que le médecin informe son patient des différentes possibilités qui s’offrent à lui et veille à ce qu’il soit pris en charge selon des modalités adaptées.
Même si la prise en compte de la préférence du malade est nécessaire, le choix du mode de prise en charge est une responsabilité du médecin plus qu’un droit du malade. Cet article, qui laissait penser le contraire, ouvrait la voie, à nos yeux, à des dérives qui ne sont peut-être pas souhaitables, même si nous entendons bien qu’il visait à offrir aux patients une information sur toutes les possibilités de soins existantes, notamment en matière d’hospitalisation à domicile. Le problème, c’est que la rédaction de l’article nous semblait susceptible de créer des situations difficiles. Je vous demande donc, mes chers collègues, de bien vouloir retirer vos amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Étant sensible à la démarche portée par les auteurs de ces amendements, j’émets un avis favorable.
Si j’ai très bien entendu le raisonnement de Mme la rapporteur, j’ai tout aussi bien entendu dans l’intonation de sa voix qu’elle était, comme moi, sensible à la démarche proposée. Si elle demande le retrait des amendements, c’est parce qu’elle souhaite préserver la pureté juridique du texte de loi. Néanmoins, à un moment où nous débattons de la fin de vie et où il est important de pouvoir orienter les patients, je crois que ces précisions sont utiles.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 210 rectifié et 1130 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 43 A est rétabli dans cette rédaction.
Article additionnel après l'article 43 A
M. le président. L'amendement n° 554 rectifié bis, présenté par Mme Imbert, MM. Retailleau et D. Laurent, Mme Cayeux, MM. Mandelli et Pillet, Mme Morhet-Richaud, M. Karoutchi, Mme Deromedi, MM. Danesi, Charon, Bonhomme et Delattre, Mmes Deseyne, Primas et Mélot, MM. Fouché et Mouiller, Mme Giudicelli, MM. Lefèvre, Gournac, Allizard et de Legge et Mme Gruny, est ainsi libellé :
Après l’article 43 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre préliminaire du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est complété par un article L. 1110-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1110-... - Toute personne malade a le droit, lorsque son état de santé le permet et que cela est compatible avec l’organisation de sa prise en charge, de poursuivre son activité professionnelle dans le cadre d’une hospitalisation à domicile. Lorsqu’elle perçoit des revenus professionnels, elle renonce au bénéfice des indemnités journalières. »
II. – Après le septième alinéa de l’article L. 3236 du code de la sécurité́ sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Si l’état de santé du patient le permet et si cela est compatible avec sa prise en charge, il peut, après avis de son médecin traitant, poursuivre son activité́ professionnelle dans le cadre d’une hospitalisation à domicile, sous réserve de renoncer au bénéfice des indemnités journalières. »
La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. À l’occasion du plan cancer 2014–2019, les pouvoirs publics ont fait du maintien dans l’emploi une priorité.
L’objet du présent amendement est de reconnaître au patient le droit de conserver son activité professionnelle dans le cadre d’une hospitalisation à domicile lorsque celle-ci est compatible avec son état de santé et sous réserve qu’il en ait formulé le souhait. Le II tire les conséquences de cette disposition en modifiant le code de la sécurité sociale pour prévoir que, dans une telle hypothèse, le patient perdrait le bénéfice des indemnités journalières.
Au-delà du fait de permettre aux personnes malades hospitalisées à domicile de reprendre leur activité professionnelle, le bénéfice moral d’un retour possible à une vie presque normale serait également important. Nous devons, à mon sens, favoriser ce dispositif, d’autant que l’organisation du travail dans un grand nombre d’activités le rend possible.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Le présent amendement vise à permettre aux personnes bénéficiant d’une hospitalisation à domicile de poursuivre leur activité professionnelle si leur état de santé le permet et sous réserve de renoncer à leurs indemnités journalières.
Le développement de l’hospitalisation à domicile présente un nombre certain d’avantages pour les patients, comme pour le système de soins. Ce mode de prise en charge est avant tout, comme son nom l’indique, une hospitalisation. Il s’adresse donc à des patients dont l’état de santé nécessite un suivi médical important. On peut toutefois – comme le proposent les auteurs de l’amendement – imaginer des situations dans lesquelles l’état de santé du patient hospitalisé à domicile lui permet de reprendre, au moins partiellement, une activité professionnelle.
La réflexion des auteurs de l’amendement nous a semblé intéressante. Néanmoins, elle soulève un certain nombre de questions. En effet, un arrêt maladie est prescrit par le médecin lorsque l’état de santé du patient ne lui permet pas de travailler. Des indemnités journalières sont alors versées par l’assurance maladie pour compenser la perte de revenu. À l’inverse, si un patient est apte à travailler, il n’est pas mis en arrêt maladie et ne perçoit pas d’indemnité. Autoriser un patient en arrêt maladie à poursuivre son activité semble donc contradictoire.
En outre, on peut s’interroger sur l’articulation de ce dispositif avec le temps partiel thérapeutique.
Pour toutes ces raisons, nous aimerions connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Cet amendement aborde un sujet que nous allons sans doute avoir à traiter de plus en plus souvent à l’avenir. À partir du moment où les soins ambulatoires se développent, il devient envisageable de réfléchir à l’articulation d’un éventuel temps de travail avec des maladies – y compris des maladies graves – qui permettent un peu d’activité dans la journée dès lors que le malade n’a pas à se déplacer. Néanmoins, je ne suis pas certaine que le paysage actuel soit assez clarifié pour l’envisager.
Je voudrais exposer deux objections.
D’abord, comme cela vient d’être dit, cette proposition est en contradiction avec notre droit de la sécurité sociale. Je rappelle que l’hospitalisation à domicile est une hospitalisation à part entière. Dans ces conditions, il pourrait être tentant d’assimiler la situation d’un patient hospitalisé dans un hôpital à celle de la personne hospitalisée à domicile…
Ensuite, et cette objection mérite quelque réflexion, on pourrait imaginer des pressions exercées par certains employeurs sur leurs salariés, les incitant à travailler un peu pendant des périodes où ils le peuvent et faisant dépendre leur avenir professionnel de l’acceptation de la suggestion ainsi formulée.
Madame la sénatrice, je souhaite que vous retiriez votre amendement. Votre réflexion est pertinente, mais des difficultés juridiques et éthiques restent à aplanir.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. Je soutiens fermement cet amendement.
Je viens non pas du monde médical mais du monde de l’entreprise. À ce titre, j’ai eu à accompagner plus d’une fois des personnes atteintes d’un cancer. Je peux vous dire qu’il est vraiment essentiel pour elles de pouvoir conserver une partie de leur activité professionnelle.
J’entends que les choses sont compliquées sur le plan juridique, mais il faut aussi donner un signe. Les patients qui auront pu conserver une activité atteindront plus facilement le stade de la convalescence.
J’en viens aux indemnités journalières. Une personne qui travaille a un salaire. L’employeur prendra donc en charge la rémunération du patient qui travaille à domicile, et la sécurité sociale n’aura rien à supporter.
Vous craignez des pressions de la part des employeurs. Elles existent déjà : tous les jours, certains font pression pour que leurs salariés travaillent à leur domicile, le soir ou le week-end. Il ne s’agit cependant que d’une minorité. Et ce n’est pas parce qu’une minorité d’employeurs ne respectent pas la personne humaine qu’il faut délaisser tous ces malades qui ont seulement envie de continuer à exister ! L’enjeu est là, car le travail est justement le moyen de rester dans la vie sociale, ce qui participe bien souvent à la guérison. Je souhaite donc vivement que cet amendement soit maintenu.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Il est vrai que, pour des personnes atteintes de pathologies lourdes, notamment toutes celles qui touchent au cancer, il est très important de pouvoir continuer à faire partie intégrante de la société, en particulier en accomplissant un travail, gage d’appartenance à la communauté active de nos concitoyens.
Pour autant, et je suis complètement d’accord avec les arguments développés à la fois par notre rapporteur et Mme la ministre, je trouve pour le moins – je vais le dire de façon peut-être un peu radicale – choquant que cette proposition d’insertion dans la société pour des personnes malades et psychologiquement vulnérables soit subordonnée à la suppression des indemnités journalières. C’est la raison pour laquelle notre groupe ne votera pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. On parle des salariés et de la pression que pourraient exercer sur eux les employeurs, mais n’oublions pas les travailleurs indépendants, les auto-entrepreneurs, les conjoints d’artisans, de commerçants. Pour avoir entendu des témoignages et pour bien connaître l’hospitalisation à domicile, je sais que certains d’entre eux sont obligés de continuer à suivre leurs dossiers quand ils sont à l’hôpital. À mon sens, il y a lieu d’être pragmatique et de leur permettre de poursuivre leur activité professionnelle.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, corapporteur. Les anciens présidents de conseil général ou maires le savent en tant qu’employeurs, certains salariés en arrêt de travail – quel que soit le type de maladie – demandent à pouvoir travailler chez eux. Il est vrai qu’il y a quelques années, lorsque le télétravail n’était pas aussi développé, la poursuite de l’activité professionnelle était nettement plus compliquée que de nos jours. Or, comme le dit la chanson, le travail, comme le sport, contribue à la bonne santé.
L’amendement de notre collègue Imbert est extrêmement intéressant : certains salariés – ce n’est évidemment pas possible dans tous les métiers – pourraient continuer de rendre service à leur entreprise et aussi à eux-mêmes. Nous sommes d’ailleurs confrontés, comme je l’ai été encore récemment, à des demandes de salariés qui le souhaitent.
Toutefois, un certain nombre de difficultés ne sont pas abordées ou ne trouvent pas de réponse satisfaisante dans l’amendement tel qu’il est présenté. Je pense aux indemnités journalières, à la responsabilité du médecin, aux cas d’hospitalisation à domicile, aux problèmes relatifs au code de la sécurité sociale, etc. En attendant d’approfondir la réflexion, peut-être dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il serait préférable que l’amendement soit retiré.
M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.
Mme Hermeline Malherbe. Je ne suis pas certaine qu’il faille légiférer sur le sujet. Il existe déjà des dispositifs permettant à des salariés en arrêt maladie de longue durée qui le souhaitent de travailler sous des formes adaptées, notamment à temps partiel. Il est vrai que la poursuite d’une activité professionnelle est importante psychologiquement pour certains patients. Peut-être serait-il souhaitable d’aller plus loin pour l’avenir, mais la solution proposée aujourd’hui n’est pas satisfaisante à mes yeux.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je suis d’accord avec notre rapporteur et le président Alain Milon pour dire que cet amendement n’est pas totalement abouti. En outre, même si son dispositif vise le code de la sécurité sociale, il touche aussi à l’organisation du travail. Or, en la matière, une négociation avec les partenaires sociaux s’impose avant que Parlement ne légifère. La conférence sociale aura lieu dans quelques semaines. Attendons d’ouvrir le débat dans ce cadre plus large plutôt que de prendre une décision à l’occasion de l’examen d’un projet de loi de santé.
Sur le fond, nous ne sommes pas favorables à cet amendement. Comme le disait Mme Génisson, il est assez choquant que les salariés ou même les travailleurs indépendants soit obligés de renoncer à leurs indemnités journalières. La sagesse, qui empreint la Haute Assemblée, voudrait que cet amendement soit retiré.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Sur le fond, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il est important qu’un patient puisse continuer son activité professionnelle. C’était d’ailleurs l’un des axes du plan cancer 3. Sur le plan technique, c’est toutefois un peu plus compliqué.
La formule retenue par l’amendement « elle renonce au bénéfice des indemnités journalières » n’est peut-être pas excellente, mais je veux dire à Mmes Génisson et David que, dans le système actuel, lorsqu’on perçoit un salaire, on ne touche pas d’indemnité.
Mme Catherine Génisson. Cela mérite qu’on y travaille !
M. le président. Madame Imbert, l'amendement n° 554 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Corinne Imbert. Malgré l’estime et le respect que j’ai pour le président Milon, je ne vais pas être sage.
Nous discutons d’un projet de loi de modernisation de notre système de santé. Alors, soyons modernes : donnons ce nouveau droit aux malades !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 554 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 43 B
(Non modifié)
I. – L’article L. 1114-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Le troisième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« II. – Les représentants des usagers dans les instances mentionnées au I suivent une formation de base délivrée par les associations de représentants d’usagers agréées au titre du même I.
« Cette formation est conforme à un cahier des charges. Le cahier des charges ainsi que la liste des associations délivrant la formation sont arrêtés par le ministre chargé de la santé.
« Cette formation donne droit à une indemnité versée au représentant d’usagers par l’association assurant la formation. Un décret détermine les modalités selon lesquelles une subvention publique est allouée à cet effet à l’association. Un arrêté du ministre chargé de la santé fixe le montant de cette indemnité. »
II. – Le 2° du I entre en vigueur au 1er janvier 2016.
III. – La condition de formation n’est pas opposable aux représentants des usagers nommés avant le 1er juillet 2016. – (Adopté.)
Article 43
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du cinquième alinéa de l’article L. 1142-22, les mots : « des représentants d’usagers » sont remplacés par les mots : « des représentants d’associations d’usagers du système de santé agréées au titre de l’article L. 1114-1 » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 1222-5, les mots : « des associations de patients et de donneurs » sont remplacés par les mots : « de représentants d’associations d’usagers du système de santé agréées au titre de l’article L. 1114-1 et d’associations de donneurs de sang » ;
2° bis Au 2° de l’article L. 1313-4, les mots : « agréées ayant une activité dans le domaine de la qualité de la santé et de la prise en charge des malades » sont remplacés par les mots : « d’usagers du système de santé agréées au titre de l’article L. 1114-1 » ;
3° Au deuxième alinéa de l’article L. 1413-8, après le mot : « institut », sont insérés les mots : « , des représentants d’associations d’usagers du système de santé agréées au titre de l’article L. 1114-1 » ;
4° Au deuxième alinéa de l’article L. 1417-6, les mots : « des représentants d’usagers » sont remplacés par les mots : « des représentants d’associations d’usagers du système de santé agréées au titre de l’article L. 1114-1 » ;
5° Au second alinéa de l’article L. 1418-3, après les mots : « missions de l’agence », sont insérés les mots : « , de représentants d’associations d’usagers du système de santé agréées au titre de l’article L. 1114-1 » ;
6° Le deuxième alinéa de l’article L. 3135-2 est complété par les mots : « , ainsi que d’au moins un représentant d’associations d’usagers du système de santé agréées au titre de l’article L. 1114-1 » ;
7° Au 5° de l’article L. 5322-1, après le mot : « associations », sont insérés les mots : « d’usagers du système de santé » ;
8° Le 1° de l’article L. 6113-10-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Son conseil d’administration comprend au moins un représentant des associations d’usagers du système de santé agréées en application de l’article L. 1114-1 ; ».
II. – Le I entre en vigueur :
1° À l’expiration du mandat en cours des représentants des usagers à la date de publication de la présente loi, pour chacun des établissements mentionnés aux 1°, 2°, 2° bis, 4° et 7° du même I ;
2° À la date de publication des textes d’application nécessaires à la mise en œuvre de ces dispositions, et au plus tard un an après la promulgation de la présente loi, pour chacun des établissements et groupements mentionnés aux 3°, 5°, 6° et 8° dudit I.
M. le président. L'amendement n° 98 rectifié, présenté par MM. Commeinhes et Houel, Mme Mélot et MM. Charon et Calvet, n'est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 897 rectifié est présenté par MM. Amiel et Guérini et Mme Malherbe.
L'amendement n° 1009 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 11
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le quatrième alinéa du I de l'article L. 162-17-3 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « , ainsi que deux représentants des associations agréées en application de l'article L. 1114-1 du code de santé publique et deux représentants d'associations de lutte contre les inégalités de santé ».
La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour présenter l'amendement n° 897 rectifié.
Mme Hermeline Malherbe. L’article 43 prévoit que les représentants d’associations d’usagers du système de santé agréées siègent au sein du conseil d’administration de plusieurs agences sanitaires. Il s’agit de renforcer la démocratie sanitaire dans la gouvernance du système de santé. C’est une très bonne chose !
Notre amendement vise à élargir la participation des représentants des usagers et des organisations luttant contre les inégalités de santé au Comité économique des produits de santé, le CEPS, chargé de fixer les prix des médicaments et les tarifs des dispositifs médicaux à usage individuel pris en charge par l’assurance maladie de façon obligatoire. Cela se fait déjà au sein des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, ainsi qu’à différents niveaux dans le système de santé.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 1009.
Mme Aline Archimbaud. La négociation sur le prix du nouveau traitement contre l’hépatite C a agi comme un révélateur des dysfonctionnements dans le processus de fixation des prix des médicaments. De nombreuses associations se sont en effet inquiétées de l’accès équitable à ce traitement, craignant que, à défaut, cela n’entraîne une perte d’espérance de vie, la survenue de complications et d’incapacités liées à la maladie ou encore le recours à des traitements moins coûteux mais moins efficaces. Cela est d’autant plus regrettable que l’arrivée de nouveaux traitements, beaucoup plus efficaces et dont les effets secondaires sont nettement moindres, laisse entrevoir la possibilité d’éradiquer cette épidémie.
En outre, les prix demandés par les laboratoires font souvent peser un risque important sur les dépenses d’assurance maladie. La faiblesse de la démocratie sanitaire dans le processus de négociation des firmes pharmaceutiques avec le CEPS et dans la fixation du prix des médicaments est donc d’autant plus regrettable.
L’article 43 du projet de loi de santé tendant précisément à renforcer et à systématiser la démocratie sanitaire dans la gouvernance du système de santé, le présent amendement vise à inclure des représentants d’usagers au sein du CEPS.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 43 quinquies du projet de loi prévoit que les associations d’usagers du système de santé et les associations de lutte contre les inégalités de santé pourront adhérer à un accord-cadre avec le CEPS, qui leur permettra de bénéficier d’une information très complète sur ses activités. Il n’a donc pas semblé opportun à la commission de prévoir en outre la présence de deux représentants d’associations d’usagers du système de santé et de deux représentants d’associations de lutte contre les inégalités de santé au sein du CEPS lui-même.
La commission demande donc le retrait de ces deux amendements identiques. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Ce débat a eu lieu avant même la présentation du texte au Parlement, lorsque nous avons rencontré les représentants des associations de patients, dont le Collectif interassociatif sur la santé.
L’article 43 quinquies prévoit un accord-cadre entre le CEPS et les représentants des usagers. Il représente une avancée considérable en matière d’information des usagers, les associations de patients en ont convenu.
Le Gouvernement ayant déjà répondu aux préoccupations qui motivent ces deux amendements identiques, je sollicite leur retrait.
M. le président. Madame Malherbe, l'amendement n° 897 rectifié est-il maintenu ?
Mme Hermeline Malherbe. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 897 rectifié est retiré.
Madame Archimbaud, l'amendement n° 1009 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1009 est retiré.
Je mets aux voix l'article 43.
(L'article 43 est adopté.)
Article 43 bis
(Non modifié)
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article L. 1114-1 est supprimé ;
2° La première phrase du quatrième alinéa du I de l’article L. 1451-1 est complétée par les mots : « , y compris en ce qui concerne les rémunérations reçues par le déclarant d’entreprises, d’établissements ou d’organismes mentionnés au troisième alinéa ainsi que les participations financières qu’il y détient » ;
3° À l’article L. 1451-3, après le mot : « publique », sont insérés les mots : « , notamment en ce qui concerne les rémunérations reçues et les participations financières détenues au titre des liens d’intérêts directs déclarés, » ;
4° Au chapitre III du titre V du livre IV de la première partie, sont insérées une section 1 intitulée : « Produits de santé à usage humain » et comprenant l’article L. 1453-1 et une section 2 intitulée : « Médicaments vétérinaires » et comprenant l’article L. 5141-13-2, qui devient l’article L. 1453-2 ;
5° L’article L. 1453-1 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
– au premier alinéa, après le mot : « publiques », sont insérés les mots : « , sur un site internet public unique, » ;
– au début du 6°, sont ajoutés les mots : « Les académies, » ;
– au 7°, le mot : « entreprises » est remplacé par les mots : « personnes morales » et les deux occurrences des mots : « les éditeurs » sont supprimées ;
– au 9°, après le mot : « initiale », sont insérés les mots : « ou continue » ;
– il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Cette obligation ne s’applique pas aux conventions régies par les articles L. 441-3 et L. 441-7 du code de commerce et qui ont pour objet l’achat de biens ou de services par les personnes physiques ou morales mentionnées aux 1° à 9° du présent I auprès des entreprises mentionnées au premier alinéa. » ;
b) Après le I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Les entreprises produisant ou commercialisant des produits mentionnés au II de l’article L. 5311-1 ou assurant des prestations associées à ces produits sont tenues de rendre publiques, au-delà d’un seuil fixé par décret, sur le site mentionné au I, les rémunérations versées à des personnes physiques ou morales dans le cadre des conventions mentionnées au même I. » ;
c) Au II, après le mot : « espèces », sont insérés les mots : « autres que les rémunérations mentionnées au I bis » ;
d) Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – Les informations publiées sur le site internet public unique mentionné au I du présent article sont réutilisables, à titre gratuit, dans le respect de la finalité de transparence des liens d’intérêts et dans les conditions prévues aux articles 10 à 13 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal et, lorsque cette réutilisation donne lieu à un traitement de données, dans les conditions prévues par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment à ses articles 7, 38 et 40. » ;
e) La première phrase du III est ainsi modifiée :
– après le mot : « État », sont insérés les mots : « , pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, » ;
– après le mot : « publiques », sont insérés les mots : « sur le site internet public unique » ;
– après le mot : « objet », il est inséré le mot : « précis » ;
6° L’article L. 1453-2, tel qu’il résulte du 4° du présent article, est ainsi modifié :
a) Au début du 5° du I, sont ajoutés les mots : « Les académies, » ;
b) Le même I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’obligation mentionnée au premier alinéa du présent I ne s’applique pas aux conventions régies par les articles L. 441-3 et L. 441-7 du code de commerce et qui ont pour objet l’achat de biens ou de services par les personnes physiques ou morales mentionnées aux 1° à 8° du présent I auprès des entreprises mentionnées au premier alinéa. » ;
c) Après le I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Les entreprises produisant ou commercialisant des médicaments vétérinaires ou assurant des prestations associées à ces produits sont tenues de rendre publiques, au-delà d’un seuil fixé par décret, les rémunérations versées à des personnes physiques ou morales dans le cadre des conventions mentionnées au I. » ;
d) Au III, après le mot : « espèces », sont insérés les mots : « autres que les rémunérations mentionnées au I bis » ;
7° Après la dernière occurrence du mot : « à », la fin de l’article L. 1454-3 est ainsi rédigée : « 9° du I du même article, les rémunérations mentionnées au I bis dudit article, ainsi que les avantages mentionnés au II du même article qu’elles leur procurent. » ;
8° L’article L. 5442-13 est abrogé ;
9° Après l’article L. 1454-3, il est inséré un article L. 1454-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1454-3-1. – Est puni de 45 000 € d’amende le fait pour les entreprises produisant ou commercialisant des médicaments vétérinaires ou assurant des prestations associées à ces produits de ne pas rendre publics les conventions mentionnées au I de l’article L. 1453-2 conclues avec les personnes physiques et morales mentionnées au même I, les rémunérations mentionnées au I bis du même article, ainsi que les avantages mentionnés au III dudit article qu’elles leur procurent. »
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, sur l'article.
M. Claude Malhuret. Madame la ministre, mes paroles vont sans doute sonner plus agréablement à vos oreilles que celles que j’ai prononcées hier.
Plusieurs articles de ce titre IV comportent de réelles avancées en matière de transparence, il convient de le dire. Mais, avant de les évoquer, je voudrais répondre aux propos de notre collègue Barbier hier après-midi. Je n’ai pu le faire sur-le-champ, parce que mon temps de parole était épuisé, mais il n’est pas question de laisser ses propos sans réponse.
Gilbert Barbier me reproche, pas moins, d’injurier les chercheurs français et d’insulter la recherche médicale française. Je vais donc préciser ma pensée, directement en lien avec le débat sur l’article 43 bis.
J’ai le plus grand respect pour la recherche française et pour les chercheurs français. Les vrais : ceux qui ne roulent en général pas sur l’or, travaillent sans faire de bruit dans leur laboratoire et font avancer la science. Ce n’est pas eux que j’ai pris à partie, et je regrette que notre collègue ait suggéré que je les aurais confondus avec les quelques chefs de service dont j’ai parlé : ceux qui signent quinze, vingt ou trente contrats par an avec l’industrie pharmaceutique.
Quand on sait qu’un essai clinique dure au minimum de six mois à un an, il n’est pas difficile de comprendre que ceux-là apposent leur signature sur des essais dont ils n’ont pas vu le commencement de l’ombre d’un patient. Ce sont eux que j’ai qualifiés de baudets à contrats et à conflits d’intérêts. Je maintiens très sereinement mes propos.
Ce sont les mêmes qui trustent les places dans les commissions, agences et hautes autorités, avec leur titre d’experts. À cet égard, je tiens à démonter l’argument souvent entendu, ici comme ailleurs, et que Gilbert Barbier a repris hier, un argument qui me met en colère : on ne pourrait se passer de ces experts, car c’est précisément parce qu’ils travaillent avec l’industrie pharmaceutique qu’ils seraient compétents en matière de médicaments.
À la vérité, deux mondes existent qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre : celui de la recherche fondamentale, qui découvre les molécules, et celui des essais cliniques, qui se borne à recevoir les produits des laboratoires et à les tester sur des patients. Ce travail-là, n’importe quel chef de service de n’importe quel hôpital peut le réaliser, et l’on fait injure à tous ces médecins en soutenant que des experts sans conflit d’intérêts seraient des experts sans intérêt.
C’est, bien entendu, le contraire qui est vrai : 90 % des chefs de service refusent de cosigner des essais qu’ils n’ont pas conduits ; ils signent seulement ceux qu’ils peuvent matériellement conduire, c’est-à-dire un ou deux par an, parfois aucun. Naturellement, ils sont dix fois moins cités dans la littérature que ceux qui en signent, de façon anormale, trente par an. Voilà comment l’industrie fabrique des « experts » !
Il est dramatique que les commissions, aveuglées par ce tour de passe-passe, recrutent en priorité ces prétendus experts, dont la notoriété est le fruit de conflits d’intérêts. Aussi bien, contrairement à ce qu’on répète, il n’y aurait aucune difficulté à trouver des experts qui n’ont pas de conflit d’intérêts : il suffirait de s’adresser aux centaines de chefs de service hospitalo-universitaire qui n’en ont pas, ou peu, et qui sont évidemment tout aussi experts que ceux qui en sont bardés.
Si toutes les agences et commissions faisaient le contraire de ce qu’elles font aujourd’hui et ne recrutaient plus aucun expert qui signe plus de deux contrats par an avec l’industrie, la santé publique française et le déficit de la sécurité sociale s’en porteraient beaucoup mieux !
Je remercie Gilbert Barbier de m’avoir donné l’occasion de préciser ma pensée.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Je tiens à exposer au Sénat, dès avant que M. Malhuret ne présente son premier amendement, la logique d’ensemble des dispositions figurant aux articles 43 bis et 43 ter du projet de loi.
La transparence, j’en ai fait l’un des engagements de l’action que je mène et l’un des fils conducteurs de plusieurs textes adoptés depuis trois ans. Au demeurant, je remercie M. Malhuret d’avoir reconnu que, parmi les dispositions dont nous allons débattre dans quelques instants, certaines représentent des avancées tout à fait importantes dans ce domaine.
Je suis absolument convaincue que, pour sortir de l’ère du soupçon, ce qui est absolument indispensable, nous avons besoin de transparence : c’est en ne cachant rien, en permettant à chacune et à chacun de connaître les liens d’intérêts qui unissent des professionnels de santé avec des industriels, des liens qui ne sont pas nécessairement des conflits, que nous irons de l’avant.
Des mesures ont déjà été adoptées il y a un certain temps. Ainsi, ce n’est pas un hasard si le site transparence.sante.gouv.fr est extrêmement fréquenté : les Français sont désireux de connaître les relations qui unissent leurs professionnels de santé à des industriels. N’oublions pas non plus le décret du 9 juillet 2015, dont nous avons parlé hier, relatif à la composition de la commission de la transparence et de la commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé.
Lors des débats à l’Assemblée nationale, j’ai fait adopter deux séries de dispositions.
L’article 43 bis prévoit que les rémunérations versées dans le cadre des collaborations entre industries et professionnels de santé seront rendues publiques sur le site transparence.sante.gouv.fr et via la mise en ligne des déclarations publiques d’intérêts. En outre, il autorise la réutilisation de ces données, mesure qui n’est pas négligeable : des journalistes, mais d’autres aussi, pourront se saisir des informations portées sur le site, les trier, les exploiter et les présenter en fonction de leurs objectifs.
L’article 43 ter se rapporte au suivi de ces informations. Compte tenu du très grand nombre d’intervenants concernés et de la spécificité du secteur, la solution la plus efficace pour assurer ce suivi consiste à demander à chaque agence sanitaire de se doter d’un déontologue ; celui-ci établira un rapport annuel rendu public et pourra adresser aux personnes tenues à déclaration des demandes d’informations auxquelles elles seront tenues de répondre.
Tel est le dispositif adopté par l’Assemblée nationale. Je propose au Sénat de le compléter pour franchir une nouvelle étape en matière de transparence.
Il s’agit, plus précisément, d’habiliter le Gouvernement à renforcer les dispositions dites anti-cadeaux. Je vous rappelle que l’actuel dispositif en la matière, distinct de celui relatif à la transparence, interdit l’octroi par les entreprises d’avantages aux acteurs concernés, à l’exception des avantages accordés dans le cadre de conventions de recherche, d’évaluations scientifiques ou de l’hospitalité offerte de manière directe ou indirecte lors de manifestations de promotion ou de manifestations à caractère exclusivement professionnel et scientifique, dès lors qu’elles sont prévues par convention. Il est destiné à préserver l’indépendance des professionnels de santé, en particulier celle des prescripteurs.
Je souhaite que cette réglementation soit étendue à toutes les entreprises dont les produits ou les prestations sont susceptibles d’avoir une incidence sur la santé publique ; à toutes celles, en somme, qui proposent des produits de santé, qu’ils soient remboursés ou non – seuls les produits remboursés sont aujourd’hui concernés. Nous débattrons plus en détail de cette proposition dans quelques instants, mais je tenais à en souligner dès à présent l’importance.
Je vous proposerai également de compléter l’article 43 ter, relatif à la création du déontologue, afin d’en étendre les dispositions aux personnes qui, sans faire partie des commissions, sont invitées à apporter leur expertise sanitaire au conseil placé auprès du ministre.
Toutes ces mesures forment un ensemble cohérent destiné à renforcer la transparence.
Mesdames, messieurs les sénateurs, notre intention est d’assurer la transparence, mais sans encourager l’esprit de soupçon systématique. Des fraudes ont été commises, et aussi des tentatives pour occulter la réalité des choses ; elles ont conduit à une prise de conscience qui doit nous inspirer. Il n’en faut pas moins rappeler que les liens entre la recherche et l’université passent par les relations entretenues par des services hospitaliers, des professionnels de santé et des chercheurs avec des industriels. Ces relations sont possibles, et même nécessaires, mais elles doivent être nouées dans la transparence absolue, car c’est la transparence qui distingue le lien d’intérêts du conflit d’intérêts.
Tels sont les principes qui guideront mes positions au sujet des amendements présentés sur les articles 43 bis et 43 ter.
M. le président. L’amendement n° 438, présenté par M. Malhuret, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
intérêts directs
insérer les mots :
ou par personne interposée
La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Notre débat intervient au moment même où s’ouvre le procès que quinze caisses d’assurance maladie ont intenté au laboratoire Servier, qui refuse – on croit rêver ! – de leur rembourser les dépenses qu’elles ont engagées pour les victimes du Mediator ; au moment aussi où trente médecins, parmi lesquels plusieurs chefs de service notoires, publient un manifeste dans lequel ils appellent leurs confrères à cesser toute collaboration avec ce laboratoire, et alors que paraît le nouveau livre du professeur Even, Corruption et crédulité en médecine.
Ce débat et donc opportun, et nous pouvons vous remercier, madame la ministre, de l’avoir lancé. J’émettrai à ce stade seulement deux réserves.
En premier lieu, ce projet de loi est le énième texte censé améliorer la lutte contre l’opacité et contre les conflits d’intérêts. Si vous nous le proposez, c’est que les précédents textes n’ont rien changé, ou si peu. Il faut donc que votre projet aille plus loin qu’eux, comme vous venez vous-même de nous l’expliquer. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un certain nombre d’amendements, en liaison avec deux institutions exemplaires en la matière : la revue Prescrire et le Formindep.
Je regrette de n’avoir pas obtenu la majorité, hier, sur mon amendement touchant à la publication des essais cliniques, car les exceptions à la transparence contenues dans l’article L. 1121-1 du code de la santé publique constituent une véritable lacune. Nous avons eu peu de temps pour en débattre ; j’espère que la commission et vous-même, madame la ministre, pourront se pencher à nouveau sur ma proposition d’ici à la prochaine lecture.
L’amendement n° 438 trouve sa justification dans le fait que les personnes physiques concernées par l’article 43 bis perçoivent souvent des rémunérations et détiennent fréquemment des participations financières par l’intermédiaire de personnes morales dans lesquelles elles possèdent des intérêts. Dès lors, si ces personnes morales ne sont pas visées par l’article, la transparence recherchée pourra aisément être contournée.
En second lieu, je m’interroge sur la date d’application des dispositions de la future loi. Hier, madame la ministre, nous avons eu un échange un peu vif au sujet de votre décret de mai 2013 pris en application de la loi Bertrand. Vous m’avez expliqué que ce décret avait été cassé par le Conseil d’État non pas parce qu’il supprimait l’indication des montants des contrats, mais parce qu’il manquait de base légale. Je ne continuerai pas à polémiquer avec vous sur ce sujet, car je suis persuadé que nous souhaitons l’un et l’autre aller dans la même direction. Reste que l’invalidation du décret, quelle qu’en soit la raison, a eu une conséquence : l’impossibilité d’appliquer complètement la loi. Nous allons combler cette lacune en adoptant le présent article, mais il faudra attendre encore plusieurs mois la parution des nouveaux décrets.
Si la date choisie comme point de départ pour la déclaration des contrats devait être celle de la publication des nouveaux décrets, ce sont plus de quatre ans qui auraient été perdus depuis la première loi de 2011. Il est donc important de fixer cette date au point de départ initialement prévu : le 1er janvier 2012. Il ne s’agit bien sûr pas de rétroactivité, mais de l’application des dispositions initiales, que l’invalidation du décret a malheureusement suspendue. Pouvez-vous nous confirmer que telle est bien votre intention ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à étendre la publicité aux participations financières détenues par personnes interposées. Un tel élargissement a paru excessif à la commission, qui sollicite le retrait de l’amendement ; s’il est maintenu, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur Malhuret, vous soulevez un débat important, même si je ne suis pas certaine que la rédaction de votre amendement corresponde exactement à votre intention.
À plusieurs reprises, hier et cet après-midi, vous avez mentionné le laboratoire Servier et le scandale absolu que l’affaire du Mediator a été et continue d’être. De fait, ce laboratoire ne se grandit ni ne s’honore en jouant la montre vis-à-vis de certaines victimes, auxquelles il explique qu’il aurait trop de travail pour pouvoir traiter en temps et en heure les dossiers de demande d’indemnisation qui lui sont présentés. Si vraiment il souhaite, comme il l’affirme, tourner la page de l’épisode frauduleux du Mediator, qu’il cesse de lambiner, de ratiociner et de prendre des mesures dilatoires, et qu’il agisse ! Je suis sûre, monsieur le sénateur, que vous serez d’accord avec moi pour lancer cet appel au laboratoire Servier, à qui il suffit d’indemniser les victimes, identifiées comme telles par un comité unanimement reconnu et respecté.
Dans l’exposé des motifs de votre amendement, vous expliquez que le champ des sommes soumises à déclaration doit être étendu aux sommes perçues par l’intermédiaire de personnes morales. Le dispositif de votre amendement, quant à lui, comporte l’expression « personne interposée ». C’est cette formulation qui pose problème.
Soumettre à déclaration les sommes perçues par le truchement de personnes morales, j’y suis d’autant moins opposée que cette mesure a déjà été prise. En effet, elle figure dans l’arrêté du 5 juillet 2012 portant fixation du document type de la déclaration publique d’intérêts mentionnée à l’article L. 1451-1 du code de la santé publique, qui prévoit l’identification des personnes morales. En d’autres termes, il faudra déclarer non seulement les sommes touchées directement, mais aussi celles perçues par l’intermédiaire de personnes morales.
En revanche, la notion de « personne interposée » peut s’appliquer à une personne physique. Dans ce cas, on se heurte à des difficultés d’ordre constitutionnel, puisque la jurisprudence du Conseil constitutionnel précise que les exigences posées à l’égard d’un conjoint ou d’un proche, par exemple, doivent être proportionnées à l’objectif d’intérêt public recherché.
Je ne suis pas certaine que le Conseil constitutionnel considérerait ici que la proportionnalité est bien respectée. Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Malhuret, l'amendement n° 438 est-il maintenu ?
M. Claude Malhuret. Compte tenu de ce que je viens d’entendre, il va être très facile de nous mettre d’accord. Plutôt que de retirer mon amendement, je vais le rectifier en ajoutant le mot « morale ».
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 438 rectifié, présenté par M. Malhuret, et ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
intérêts directs
insérer les mots :
ou par personne morale interposée
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Tout comme Mme la ministre, nous avions tiqué sur les mots « personne interposée ». Néanmoins, ainsi rectifié, l’amendement est déjà satisfait par le droit en vigueur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Comme je l’ai déjà indiqué, un arrêté vise clairement la société ou l’association dont la personne est membre.
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour explication de vote.
M. Claude Malhuret. Ce débat est un peu technique. L’article du code de la santé publique auquel vous avez fait référence, madame la ministre, précise, certes, que les personnes morales doivent être mentionnées, mais il ne prévoit pas de déclaration des montants. Or, vous le savez bien, ce sont souvent les associations cliniques, les sociétés ou groupes dans lesquels les chefs de service réalisent des essais cliniques qui permettent de financer leurs propres services. Je ne le conteste pas, cela me semble tout à fait normal. Toutefois, si nous voulons la transparence, il faut soit faire en sorte que l’article que vous citez mentionne la déclaration des montants ou y insérer les mots « personnes morales interposées ».
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Un projet de décret prévoit que le montant figurera. Je peux vous transmettre le texte si vous le souhaitez.
M. Claude Malhuret. Dans ces conditions, je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 438 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 540 est présenté par Mmes Bricq et Génisson, MM. Daudigny, Sueur et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 837 rectifié est présenté par M. Forissier, Mme Di Folco, MM. Kennel, Husson, Laufoaulu, Laménie et Calvet et Mmes Deseyne et Deromedi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- au premier alinéa, après les mots : « au II de l’article L. 5311-1 » sont insérés les mots : « à l’exception de ceux mentionnés aux 14°, 15° et 17° » ;
II. – Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les entreprises produisant ou commercialisant des produits mentionnés aux 14°, 15° et 17° du II de l’article L. 5311-1 ou assurant des prestations associées à ces produits sont tenues de rendre publique l’existence des conventions relatives à la conduite de travaux d’évaluation de la sécurité, de vigilance ou de recherche biomédicale qu’elles concluent avec les bénéficiaires mentionnés aux 1° à 9° du présent I. » ;
III. – Alinéa 13
Remplacer les mots :
mentionnées au premier alinéa
par les mots :
produisant ou commercialisant des produits mentionnés au II de l’article L. 5311-1 ou assurant des prestations associées à ces produits
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l’amendement n° 540.
Mme Nicole Bricq. La loi de 2011 sur le renforcement de la sécurité sanitaire a prévu la publicité des conventions conclues entre les entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé et un certain nombre de bénéficiaires. C’est une question de transparence, sujet dont vous avez parlé avec force, madame la ministre. Je vous remercie d’ailleurs d’avoir exposé votre perception générale de cet article.
Le décret d’application du 21 mai 2013 a limité, pour les produits cosmétiques, la liste des conventions devant faire l’objet de déclaration. Or, le 24 février 2015, le Conseil d’État a annulé ce décret au motif que cette restriction n’avait pas de base légale. Notre amendement, que je défends ici en toute transparence – je n’ai aucun lien, ni de près ni de loin, avec l’industrie cosmétique –, a pour objet de donner une base légale à cette restriction.
Les entreprises du secteur de la cosmétique ont fonctionné pendant deux ans sur une base simplifiée qui reconnaissait leur spécificité, sans remettre en cause la nécessaire transparence. Je n’évoque pas ici les grands navires amiraux, les grandes sociétés mondiales dans le domaine des cosmétiques. Je parle de toute une grappe de petites et moyennes entreprises qui font partie d’un pôle de compétitivité dans la région Centre, la région d’Île-de-France et un peu partout en France, comme à Grasse notamment. Beaucoup de ces entreprises travaillent, seules ou pour des grands groupes, dans un secteur très performant où la compétition mondiale est forte.
Ces entreprises seront en difficulté si on ne donne pas une base légale à cette restriction. Elles devront alors remplir beaucoup de paperasse. Il faut prendre en compte cette situation dont elles risquent de pâtir, car nous sommes engagés, aux côtés du Président de la République, dans une démarche de simplification de la bureaucratie qui pénalise les entreprises.
Je défends donc très ouvertement les entreprises du secteur de la cosmétique, parce que, dans de nombreuses communes en France, elles produisent, exportent, innovent et investissent même beaucoup dans la recherche – parfois jusqu’à 15 % à 20 % de leurs profits.
M. le président. La parole est à M. Michel Forissier, pour présenter l'amendement n° 837 rectifié.
M. Michel Forissier. Je souscris pleinement à ce que vient de dire notre excellente collègue Mme Bricq. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Hier, dans cet hémicycle, certains ont déclaré examiner ce texte à travers le prisme du médecin. Pour ma part, je regarde ce projet de loi à travers le prisme du chef d’entreprise. En effet, pour la petite histoire, j’ai créé ma première entreprise en mai 1968. Beaucoup d’entre nous ont fait des choses en mai 68... (Sourires.)
Aujourd’hui, ce qui me semble aberrant, c’est le double discours du Gouvernement. D’un côté, M. Macron nous explique qu’il faut favoriser la création d’entreprise et simplifier la vie des entreprises. De l’autre, on a une disposition qui, telle qu’elle est présentée, est un handicap supplémentaire pour un secteur qui – je le rappelle – est susceptible de se délocaliser. Nous n’avons pourtant pas tellement les moyens d’affaiblir un secteur, classé deuxième en France derrière le secteur aéronautique en matière d’exportations en 2014, et premier exportateur mondial. Les produits cosmétiques véhiculent de surcroît une image positive de la France.
Notre pays demeure leader mondial. La croissance du secteur est portée par un grand dynamisme et un tissu divers d’entreprises : il y a aussi bien des TPE, des PME, des ETI que des grands groupes. Nous envoyons donc un mauvais signal à ce secteur économique. C’est la raison pour laquelle je présente cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La restriction des exigences légales peut être de nature à simplifier les procédures auxquelles sont soumises certaines entreprises du secteur de la cosmétique, notamment les plus petites d’entre elles. La commission souhaite donc connaître l’avis du Gouvernement sur ces amendements, en sachant qu’elle y est a priori plutôt favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. J’indique d’emblée que le Gouvernement émet un avis favorable. Je formulerai tout de même une observation : on ne peut pas justifier ces amendements au nom de considérations économiques.
Ces amendements visent à inscrire dans la loi un système dérogatoire au droit commun, qui avait été précédemment prévu par décret. Une fois le décret annulé, les règles qui avaient été élaborées pour le secteur de la cosmétique n’existent plus. Désormais, ce sont les règles générales valables pour les produits de santé qui s’appliquent.
Vous proposez un système spécifique. Soit ! Mais on ne peut pas réclamer un tel système au nom de considérations économiques, sinon vous pourriez voir des entreprises du médicament qui, au nom de l’intérêt économique de leur secteur, demandent que la transparence ne s’applique pas à elles. Cela a d’ailleurs été le cas pendant longtemps !
Dans le secteur de la cosmétique, il n’est pas question de relation entre un professionnel et un patient ou une personne susceptible de tomber malade. C’est la spécificité du secteur qui justifie que l’on applique des règles différentes.
Le Gouvernement est favorable à ces amendements, car ils visent purement et simplement à inscrire dans la loi les dispositions qui figuraient dans le décret annulé. Ils permettent ainsi de donner une base légale à des pratiques et des orientations. En revanche, il convient de ne pas se tromper d’explication.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je tiens à remercier Mme Bricq et M. Forissier d’avoir déposé ces amendements, ainsi que Mme la ministre d’y être favorable.
Je suis bien d’accord avec vous, madame la ministre, sur l’état d’esprit qui doit être celui de ces amendements. Cependant, une difficulté est apparue après que le décret a été annulé. Dans une région que nous connaissons bien, où se situe un pôle de compétitivité lié à la cosmétique, cette question n’est pas neutre. Il faut bien entendu avoir à l’esprit l’ensemble des réflexions en matière sanitaire et en matière de transparence, car elles sont nécessaires, mais il faut aussi prendre en compte la situation de ces entreprises.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 540 et 837 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 439, présenté par M. Malhuret, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- au premier alinéa, les mots : « l’existence » sont remplacés par les mots : « l’objet précis, la date, le bénéficiaire direct et le bénéficiaire final, et le montant » ;
La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Dans sa rédaction actuelle, l'article 43 bis resterait compatible avec une simple publication du montant agrégé de l'ensemble des contrats passés entre laboratoires et professionnels de santé et ne requerrait pas une publication détaillée contrat par contrat. Cette éventualité est d'autant plus à craindre que la publication du montant total agrégé des contrats correspond à la définition de la « transparence » qu'a adoptée le syndicat européen de l'industrie pharmaceutique, l'EFPIA.
Il me paraît opportun de préciser sans ambiguïté dans la loi que la publication individuelle du montant de chaque contrat est nécessaire. C’est d’autant plus facile que ces données sont déjà soumises au Conseil national de l’ordre des médecins dans le cadre de la loi « anti-cadeaux ». Toute objection concernant une quelconque difficulté technique est donc à écarter.
Quant à l’objection qui consisterait à considérer la mesure comme fragilisant les entreprises françaises dans le contexte concurrentiel, la réponse est simple : la publication individuelle des rémunérations des contrats est appliquée par nos laboratoires aux États-Unis, au titre de l’open payments data. Par conséquent, toute objection s’appuyant sur une incompatibilité avec le droit de la concurrence apparaîtrait également infondée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. On peut effectivement considérer que la formule « l’existence des conventions » est floue et qu’il serait bienvenu d’apporter des précisions. La commission s’est donc montrée plutôt favorable à cet amendement. Néanmoins, nous souhaiterions entendre Mme la ministre à ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je suis sensible à la préoccupation que vous exprimez, monsieur le sénateur, même si je crois que ce que vous appelez de vos vœux est d’ores et déjà possible. Vous souhaitez que figure un montant individualisé par prestation. Nous travaillons dans ce sens, mais nous avons la conviction que, sur un plan juridique, les textes actuels permettent une telle démarche.
Cela étant, si le fait de l’écrire ainsi – sachant que les textes actuels appellent un travail d’interprétation – clarifie la situation, je suis prête à m’en remettre à la sagesse du Sénat.
J’ajouterai un point, qui ne concerne pas votre amendement. Pour ma part, je suis sensible à la crédibilité de la démarche que nous engageons. En effet, dès lors que nous mettons en place des règles de transparence, assorties de sanctions en cas de non-respect, encore faut-il avoir les moyens de vérifier qu’elles sont bien respectées. Or cela ne va pas de soi. Nous recevons des informations, mais sur quoi nous fonder pour dire que ces informations ont été correctement transmises ou sont incomplètes ? Un travail est à réaliser sur ce point, et j’ai souhaité que mes équipes puissent s’y atteler dès à présent.
M. le président. L'amendement n° 440, présenté par M. Malhuret, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 29
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… À l’article L. 1454-3, le mot : « sciemment » est supprimé ;
La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Le terme « sciemment » rend inopérant tout contrôle et toute sanction. En outre, il est contradictoire avec les dispositions identiques visant l’industrie vétérinaire. Il s’agit donc de mettre les deux sujets en cohérence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Le présent amendement tend à punir les entreprises omettant, même de bonne foi, de rendre publiques des conventions qu’elles ont signées avec des professionnels de santé, des établissements de santé ou d’autres personnes physiques ou morales du monde de la santé.
Le caractère intentionnel de la faute nous semble essentiel et la rigueur de la loi en matière de lutte contre les conflits d’intérêts ne doit pas être excessive. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Cette question, me semble-t-il, dépasse très largement les enjeux qui nous occupent ici. Elle concerne effectivement l’équilibre de la loi pénale : on ne peut sanctionner des fautes qui ne sont pas intentionnelles. Pour cette raison, je vous demande, monsieur Malhuret, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Malhuret, l'amendement n° 440 est-il maintenu ?
M. Claude Malhuret. N’ayant aucune chance de le voir adopter, je le retire, mais je voudrais faire l’observation suivante : c’est précisément parce que le principe de la loi pénale consiste à condamner uniquement en cas d’acte intentionnel que le mot est inutile. Par définition, les juges ne prennent en compte que les infractions volontaires.
Je voudrais également poser une question – on verra bien si j’obtiens une réponse.
Mme Deroche nous a expliqué que les choses allaient trop loin et que les entreprises ne devaient pas être condamnées quand, de bonne foi, elles n’ont pas effectué les déclarations. Peut-on m’indiquer dans quelles conditions des entreprises peuvent, de bonne foi, omettre d’effectuer les déclarations prévues, c’est-à-dire les déclarations portant sur leurs liens d’intérêts avec les professionnels de santé ? J’attends que l’on me donne des exemples, car, comme le disait quelqu’un, quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup.
Mme Nicole Bricq. C’est de la vieille histoire !
M. le président. L'amendement n° 440 est retiré.
L'amendement n° 441, présenté par M. Malhuret, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 29
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… À l’article L. 1454-3, les mots : « l’existence » sont remplacés par les mots : « l’objet précis, la date, le bénéficiaire direct et le bénéficiaire final, et le montant » ;
La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Cet amendement ainsi que le suivant répondent à la même préoccupation que l’amendement n° 439. Le sujet revient simplement à différents alinéas de l’article que nous examinons.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise effectivement, comme l’amendement n° 439, à remplacer le terme « existence » par une liste plus détaillée des modalités. L’avis est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Comme précédemment, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Pour répondre à M. Malhuret, je citerai l’exemple d’un congrès rassemblant 500 ou 1 000 personnes, au cours duquel un repas est offert à tous les participants ou à certains d’entre eux. En dressant la liste des invités, un nom ou deux sont oubliés de bonne foi, sans volonté de fraude de la part de l’entreprise. C’est un exemple que nous avons eu à connaître dans le cadre de l’activité du site transparence.sante.gouv.fr et, dans ce cas de figure, la bonne foi de l’entreprise peut effectivement être reconnue.
M. le président. L'amendement n° 442, présenté par M. Malhuret, est ainsi libellé :
Alinéa 33
Remplacer les mots :
publics les
par les mots :
publics l’objet précis, la date, le bénéficiaire direct et le bénéficiaire final, et le montant des
Cet amendement a été précédemment défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 43 bis, modifié.
(L'article 43 bis est adopté.)
Article 43 ter
(Non modifié)
I. – L’article L. 1451-4 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 1451-4. – I. – Chaque autorité compétente veille, pour les personnes relevant d’elle et mentionnées à l’article L. 1451-1, au respect des obligations de déclaration des liens d’intérêts et de prévention des conflits d’intérêts définies au présent chapitre.
« II. – Les autorités et les organismes mentionnés aux articles L. 1142-22, L. 1222-1, L. 1313-1, L. 1413-2, L. 1415-2, L. 1417-1, L. 1418-1, L. 3135-1 et L. 5311-1 du présent code et à l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale désignent, en outre, chacun un déontologue chargé de cette mission et notamment de s’assurer au moins annuellement, auprès de chaque personne tenue à déclaration de ses liens d’intérêts, que cette déclaration est à jour.
« Le déontologue remet chaque année, au plus tard au 31 mars, un rapport sur les conditions d’application des dispositions relatives à la transparence et aux liens d’intérêts. Ce rapport est publié sur le site internet de l’autorité ou de l’organisme concerné.
« Les personnes mentionnées à l’article L. 1451-1 du présent code sont tenues de répondre aux demandes d’informations que leur adresse, dans l’exercice de sa mission, le déontologue de l’autorité ou de l’organisme dont elles relèvent.
« Les conditions de désignation et d’exercice des fonctions du déontologue sont précisées par décret en Conseil d’État. »
II. – Le deuxième alinéa du I de l’article L. 1451-1 du même code est complété par les mots : « ainsi que, le cas échéant, au déontologue mentionné au II de l’article L. 1451-4 ».
III. – Le IV de l’article L. 162-17-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les ministres auprès desquels est placé le Comité économique des produits de santé désignent, dans les conditions définies au II de l’article L. 1451-4 du code de la santé publique, un déontologue chargé, pour le comité, de la mission définie au même II. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 810 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 1010 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 1138 rectifié est présenté par MM. Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini, Mézard, Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Avant l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 1451-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après le quatrième alinéa, sont insérés deux paragraphes ainsi rédigés :
« I bis. – Les membres des commissions et conseils siégeant auprès des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, ainsi que les dirigeants, personnels de direction et d’encadrement et les membres des instances collégiales, des commissions, des groupes de travail et conseils des autorités et organismes mentionnés aux articles L. 1123-1, L. 1142-5, L. 1142-22, L. 1222-1, L. 1313-1, L. 1413-2, L. 1415-2, L. 1417-1, L. 1418-1, L. 1431-1, L. 3135-1 et L. 5311-1 du présent code, à l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale, à l’article 5 de la loi n° 2001-398 du 9 mai 2001 créant une Agence française de sécurité sanitaire environnementale et à l’article L. 592-2 du code de l’environnement sont tenus, dans les deux mois qui suivent leur nomination, d’adresser à l’autorité compétente une déclaration exhaustive, exacte et sincère de leur situation patrimoniale concernant la totalité de leurs biens propres ainsi que, le cas échéant, ceux de la communauté ou les biens indivis. Ces biens sont évalués à la date du fait générateur de la déclaration comme en matière de droits de mutation à titre gratuit.
« Durant l’exercice de ses fonctions, chacune des personnes dont la situation patrimoniale ou les intérêts détenus connaissent une modification substantielle en fait, dans le délai d’un mois, déclaration à l’autorité compétente.
« I ter. – La déclaration de situation patrimoniale porte sur les éléments suivants :
« 1° Les immeubles bâtis et non bâtis ;
« 2° Les valeurs mobilières ;
« 3° Les assurances-vie ;
« 4° Les comptes bancaires courants ou d’épargne, les livrets et les autres produits d’épargne ;
« 5° Les biens mobiliers divers d’une valeur supérieure à un montant fixé par voie réglementaire ;
« 6° Les véhicules terrestres à moteur, bateaux et avions ;
« 7° Les fonds de commerce ou clientèles et les charges et offices ;
« 8° Les biens mobiliers, immobiliers et les comptes détenus à l’étranger ;
« 9° Les autres biens ;
« 10° Le passif.
« Le cas échéant, la déclaration de situation patrimoniale précise, pour chaque élément mentionné aux 1° à 10° du présent II, s’il s’agit de biens propres, de biens de la communauté ou de biens indivis.
« Les déclarations de situation patrimoniale déposées en application du quatrième alinéa du I comportent, en plus des éléments mentionnés aux mêmes 1° à 10°, une présentation des événements majeurs ayant affecté la composition du patrimoine depuis la précédente déclaration. » ;
2° Sont ajoutés deux paragraphes ainsi rédigés :
« III. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, précise le modèle et le contenu des déclarations prévues aux I bis et I ter et fixe leurs conditions de mise à jour et de conservation.
« IV. – Lorsque l’autorité compétente n’a pas reçu les déclarations de situation patrimoniale dans les délais prévus au I bis, elle adresse à l’intéressé une injonction tendant à ce qu’elles lui soient transmises dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’injonction.
« La même procédure est applicable en cas de déclaration incomplète ou lorsqu’il n’a pas été donné suite à une demande d’explications adressée par l’autorité compétente. »
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 810.
Mme Laurence Cohen. Notre amendement porte sur les conflits d’intérêts entre les hauts fonctionnaires et les laboratoires pharmaceutiques.
Le scandale du Mediator, pour ne prendre que cet exemple emblématique, a démontré la nécessité de mettre un terme à la connivence entre les autorités de santé, leurs tutelles et les firmes pharmaceutiques. Il faut pour cela une réforme totale de la filière du médicament, avec une lutte sans relâche contre les conflits d’intérêts. Comme le montre notre discussion, le projet de loi contient un certain nombre d’éléments, tout à fait positifs, allant dans ce sens.
Les élus et les experts représentant l’État face aux laboratoires, mais aussi tous les médecins, doivent rendre publics leurs liens avec l’industrie pharmaceutique et répondre pénalement de leur responsabilité.
Il est tout aussi impératif, pour nous, de sanctionner plus durement les laboratoires ne déclarant pas leurs liens avec la formation des médecins par l’instauration d’une pénalité sur leur chiffre d’affaires, qui pourrait nourrir la recherche publique et la formation indépendante des médecins.
Cet amendement tend donc à étendre les missions de contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique aux membres des instances liées à la santé publique.
Face à la défiance de nos concitoyens à l’égard des élus et leurs craintes quant à l’indépendance des hauts fonctionnaires, il est nécessaire de lutter contre les tentatives de corruption et les conflits d’intérêts en faisant toute la transparence sur les liens avec le secteur privé.
Les membres des commissions en position de prendre part à des décisions concernant l’évolution des régulations pharmaceutiques ou la commercialisation et l’utilisation de médicaments sont amenés à subir de fortes pressions, et d’éventuels conflits d’intérêts peuvent voir le jour, d’où cette proposition.
De la même façon que cette mesure s’impose aux membres de Gouvernement par la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, les représentants de l’État en matière de santé adressent personnellement au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration de leur situation patrimoniale dans les deux mois suivant leur nomination. En cas de modification substantielle de cette situation en cours d’exercice, ils doivent en faire déclaration, dans un délai d’un mois, à la Haute Autorité.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 1010.
Mme Aline Archimbaud. Par souci de transparence et de cohérence dans la mobilisation engagée contre les conflits d’intérêts, nous présentons cet amendement, qui tend à élargir l’application de l’article 4 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique aux membres des commissions et conseils siégeant auprès des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, ainsi qu’aux dirigeants, personnels de direction et d’encadrement, et membres de toute une série d’instances collégiales, commissions, groupes de travail et conseils des autorités.
Cette nouvelle disposition viserait, par exemple, les commissions de conciliation et d’indemnisation chargées de faciliter le règlement amiable des litiges relatifs aux accidents médicaux, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’Institut national du cancer, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé ou encore l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Les procédures que les personnes concernées seraient tenues d’observer viennent d’être décrites par ma collègue Laurence Cohen. Celles-ci auraient à adresser personnellement au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration de leur situation patrimoniale.
M. le président. L’amendement n° 1138 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 810 et 1010 ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’ensemble des personnes visées par ces deux amendements identiques sont déjà tenues, lors de leur prise de fonctions, d’établir une déclaration d’intérêts, qui est rendue publique et doit être mise à jour. Il n’y a donc pas lieu de leur imposer également une déclaration de patrimoine. C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Pardonnez-moi, madame Deroche, mais je ne saisis pas l’argumentation. Nous avons, à juste titre, des exigences vis-à-vis des élus afin de garantir la transparence. Ce que Mme la ministre nous a présenté démontre vraiment la volonté du Gouvernement d’agir en faveur de cette transparence. Les présents amendements procèdent de cette même volonté. Je ne vois pas pourquoi la règle ne serait pas appliquée à des personnes pouvant subir des pressions telles qu’elles pourraient conduire, à un moment donné, à des glissements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 810 et 1010.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 1228, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer la référence :
à l’article L. 1451-1
par les références :
aux articles L. 1451-1 et L. 1452-3
II. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
de chaque personne tenue à déclaration de ses liens d’intérêts, que cette déclaration est à jour
par les mots :
des services de l’autorité ou de l’organisme que les déclarations des personnes mentionnées au I du présent article ont été déposées et sont à jour
III. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le premier alinéa de l’article L. 1452-3 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ils la remettent également, le cas échéant, au déontologue mentionné au II de l’article L. 1451-4. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Cet amendement, que j’ai annoncé dans la présentation d’ensemble, tend à identifier les personnes qui seraient soumises à déclaration publique d’intérêts et que le déontologue aurait sous son contrôle. D’ailleurs, madame Cohen, la mise en place de cette procédure répond à la préoccupation que vous avez exprimée à l’occasion de la présentation de votre amendement.
Ce dispositif profondément nouveau conduira à des changements de comportement. D’ailleurs, je constate avec intérêt et satisfaction que, sans attendre que la loi les y oblige, des établissements hospitaliers ont engagé une démarche en ce sens. Je pense en particulier à l’AP-HP, où une réflexion est en cours pour mettre en place dans les prochains mois – concomitamment sans doute à la promulgation du présent texte – des dispositifs déontologiques.
À ce propos, vous me permettrez une petite pointe d’humour ou d’ironie purement politique dans ce débat fort courtois et transpartisan.
Ce matin, en lisant évidemment avec intérêt l’interview qu’a donnée le chef d’un grand parti politique d’opposition dans la presse, j’ai été assez surprise par l’une de ses propositions, à savoir expérimenter l’autonomie des hôpitaux sur le modèle de ce qui existe pour les universités. Mais les hôpitaux sont des établissements publics autonomes ! Certes, ils ont une tutelle, car on n’imagine pas que tel hôpital décide de ne soigner que certaines maladies ou d’appliquer ses propres tarifs. Les agences régionales de santé, à travers le budget de l’État, allouent en quelque sorte un budget à chaque hôpital, à charge pour ce dernier d’organiser ses services et ses structures en fonction des moyens dont il dispose.
Chaque direction d’hôpital prend ses propres décisions, ce qui est même parfois source de difficultés et de conflictualité. Ainsi, l’IGAS vient de rendre un rapport dans lequel elle pointe des dysfonctionnements dans un grand CHU du sud de la France, l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille, pour ne pas le nommer, par exemple des embauches en nombre excessif, lesquelles relevaient de l’unique responsabilité de l’AP-HM.
L’autonomie des établissements hospitaliers est un fait. Peut-être la seule intention de l’auteur de cette proposition est-elle de trouver un prétexte pour fermer des hôpitaux de proximité, des établissements hospitaliers ?
Mme Catherine Procaccia. Pas de polémique !
Mme Marisol Touraine, ministre. Vous ne vous en privez pas… (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.) Vous me permettrez néanmoins de formuler cette observation, toujours avec le sourire !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement de cohérence tend à prendre en compte le dispositif mis en place par la loi Bertrand pour les experts sanitaires. Il conviendra certes de l’étudier à nouveau, mais l’amendement ne soulève en lui-même aucune difficulté.
La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour explication de vote.
M. Claude Malhuret. Je voterai cet amendement, qui permet une avancée. Pour autant, cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir à la façon de procéder. Comme l’a dit Catherine Deroche, les commissions d’éthique existent ; les remplacer par un déontologue, est-ce un mieux ? Je ne sais pas. Mais pourquoi pas…
L’IGAS a rendu un rapport sur ce sujet. Le rapport de la mission d’information sur le Mediator et la pharmacovigilance de l’Assemblée nationale proposait même d’aller plus loin. Sans doute est-ce trop tôt, et il faudra que nous y réfléchissions.
Tout à l’heure, Mme Cohen évoquait les déclarations de patrimoine et d’intérêts que doivent faire les élus auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, et j’imagine, madame la ministre, que celle que vous devez également faire est aussi contraignante que la nôtre – lorsque j’étais ministre, cette obligation n’existait pas. Nous nous y astreignons.
Les déontologues, c’est bien, mais on sait comment cela évolue : je suis sûr que chez Servier, il y a un déontologue, tout comme je suis également sûr qu’il y en a un chez Volkswagen. Le reproche qu’on peut leur faire, c’est d’être à la fois juge et partie. Si l’on veut éviter ce genre de situation, il faudra un jour se poser la question suivante : ne faudrait-il pas, par souci de cohérence, que les professionnels ou les titulaires de mandats soumis à déclaration d’intérêts transmettent celle-ci à la HATVP, à l’instar des élus ?
C’est sans doute un peu tôt, mais, avant d’aller plus loin, il convient de réfléchir à cette éventualité.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Notre groupe votera l’amendement du Gouvernement, qui va dans le bon sens et dont l’adoption permettra de faire un pas supplémentaire vers plus de transparence.
Cela étant, je ne vois dans cette proposition du Gouvernement aucune contradiction avec celle que nous avons formulée dans notre amendement. Très franchement – je le dis moi aussi avec le sourire –, nous aurions pu voter l’un et l’autre de ces amendements et faire ainsi progresser la transparence.
M. le président. Je mets aux voix l'article 43 ter, modifié.
(L'article 43 ter est adopté.)
Articles additionnels après l'article 43 ter
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 382 rectifié est présenté par Mme Procaccia et MM. J. Gautier et Cambon.
L'amendement n° 481 est présenté par Mme Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 43 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 161-41 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les membres du collège et des commissions spécialisées se conforment aux obligations de dépôt des déclarations prévues au 6° du I de l'article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. »
II. – L’article L. 5322-1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les membres du conseil d’administration se conforment aux obligations de dépôt des déclarations prévues au 6° du I de l'article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. »
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour présenter l’amendement n° 382 rectifié.
Mme Catherine Procaccia. Notre proposition va dans le sens de la déclaration qu’a faite Mme la ministre sur la déontologie et la transparence. Cet amendement vise en effet à renforcer le contrôle des conflits d’intérêts dans le secteur de la santé et du médicament.
Nous proposons d’appliquer les obligations déclaratives prévues par la loi non plus aux seuls membres du collège de la Haute Autorité de santé, mais également aux membres du Conseil d'administration de l’Agence nationale de sécurité du médicament et aux membres des commissions spécialisées de la HAS, qui en sont actuellement exclus.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l'amendement n° 481.
M. Yves Daudigny. Cet amendement vise à renforcer le contrôle des conflits d’intérêts dans le secteur de la santé et du médicament.
Voilà quelques mois encore, une affaire révélée par le site d’information Mediapart concernant les agissements de certains responsables de la chaîne de mise sur le marché des médicaments a montré de graves dysfonctionnements et la nécessité de faire évoluer la réglementation concernant les conflits d’intérêts dans ce secteur.
Face à ce scandale, madame la ministre, vous avez pris des engagements forts et fait voter à l’Assemblée nationale deux amendements visant, d’une part, à renforcer la transparence des informations pour ce qui concerne les liens entre les professionnels de santé, les acteurs de santé et les laboratoires pharmaceutiques, et, d’autre part, à instituer des déontologues chargés de la prévention des conflits d’intérêts dans un certain nombre d’agences et d’autorités sanitaires.
Concernant l’institution de déontologues, c’est une excellente mesure pour faire progresser une véritable culture de prévention des conflits d’intérêts.
En 2011, la commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, présidée par le vice-président du Conseil d’État, M. Jean-Marc Sauvé, a, la première, mis en avant la nécessité d’instituer des « tiers référents de proximité en tant qu’échelon de droit commun d’aide à la décision, de conseil et de prévention en matière de déontologie et de conflits d’intérêts ». Une telle approche a déjà été expérimentée dans le secteur privé, où certains grands groupes ont adopté des codes de conduite et d’éthique et désigné des interlocuteurs dédiés.
De même, le fait que certaines collectivités, à l’instar des villes de Paris et Strasbourg, aient récemment pris l’initiative de constituer des commissions ou de nommer des déontologues témoigne de l’intérêt et de l’actualité de ce type de démarche.
Mais, à notre sens, cela ne suffit pas. Si les déontologues peuvent jouer un rôle utile de conseil, ils ne disposent d’aucun moyen de contrôle ou d’investigation ni d’aucun pouvoir coercitif pour faire cesser une éventuelle situation de conflit d’intérêts. C’est pourquoi, par cet amendement, nous proposons de compléter le dispositif en prévoyant que les membres des commissions spécialisées de la Haute Autorité de santé et les membres du conseil d’administration de l’Agence nationale de sécurité du médicament, particulièrement exposés au regard des missions qui leur sont confiées, déclarent leur patrimoine et leurs liens d’intérêts à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, comme cela est déjà le cas pour les membres du collège de la HAS. Ainsi, leurs déclarations seraient contrôlées par une autorité extérieure qui dispose de réelles prérogatives pour exercer sa mission, notamment pour détecter un éventuel enrichissement illicite ou enjoindre à un membre de faire cesser une situation de conflit d’intérêts, sans pour autant multiplier les dispositifs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’ensemble des personnes visées par ces deux amendements identiques sont déjà tenues, lors de leur prise de fonctions, d’établir une déclaration d’intérêts, qui est rendue publique et qu’elles sont tenues de mettre à jour. Aussi la commission a-t-elle estimé qu’il n’y avait pas lieu de leur imposer également une déclaration de patrimoine. Elle a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Par cohérence avec ce que j’ai dit au cours du débat que nous venons d’avoir, je ne peux être favorable à ces deux amendements identiques puisqu’une partie du dispositif diffère de celui qui est inscrit dans le projet de loi.
Par ailleurs, leurs auteurs demandent que les membres non seulement du collège, comme cela est déjà prévu, mais également des commissions de la Haute Autorité de santé soient soumis aux obligations déclaratives. Si tel devait être le cas, le régime auquel serait astreinte la HAS serait différent de celui qui est applicable aux autres autorités administratives indépendantes. On ne voit pas bien pourquoi une personne siégeant une fois quelques heures dans une commission à titre d’expert serait obligée de faire une déclaration au même titre qu’un membre du collège, qui est, lui, soumis à cette obligation.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement sollicite le retrait de ces deux amendements, même s’il comprend ce qui a motivé leurs auteurs.
M. le président. Madame Procaccia, l'amendement n° 382 rectifié est-il maintenu ?
Mme Catherine Procaccia. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 382 rectifié est retiré.
Monsieur Daudigny, l'amendement n° 481 est-il maintenu ?
M. Yves Daudigny. Non, je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 481 est retiré.
L'amendement n° 1234, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 43 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi qui ont pour objet :
1° D’étendre le champ des entreprises concernées par l’interdiction d’offrir des avantages aux professionnels de santé, actuellement prévue à l’article L. 4113-6 du code de la santé publique ainsi qu’au dernier alinéa de l’article L. 5122-10 du même code, à l’ensemble des personnes fabriquant ou commercialisant des produits de santé à finalité sanitaire ou des prestations de santé ;
2° D’étendre le champ des personnes concernées par l’interdiction de recevoir des avantages à l’ensemble des professions de santé, des étudiants se destinant à ces professions, ainsi qu’aux associations qui les regroupent ;
3° D’étendre le champ d’application de l’interdiction de recevoir ces avantages à l’ensemble des fonctionnaires et agents des administrations de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics et de toute autre autorité administrative qui, élaborent ou participent à l’élaboration d’une politique publique en matière de santé ou de sécurité sociale ou sont titulaires de pouvoirs de police administrative à caractère sanitaire, ainsi qu’aux personnes qui apportent leur concours aux conseils, commissions, comités et groupes de travail placés auprès de ces administrations et autorités pour l’exercice de ces compétences ;
4° De définir les dérogations à l’interdiction de recevoir ou d’offrir des avantages et le régime d’autorisation de ceux-ci par l’autorité administrative ou l’ordre professionnel concerné ;
5° De spécifier les avantages exclus du champ de l’article L. 4113-6 du code de la santé publique et de préciser les conditions dans lesquels ils sont admis.
II. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi qui ont pour objet :
1° D’harmoniser et de mettre en cohérence les dispositions du code pénal, du code de la santé publique et du code de sécurité sociale relatives aux sanctions pénales ou administratives instituées en cas d’infraction ou de manquement aux dispositions qui font l’objet du I et celles relatives aux sanctions pénales ou administratives des infractions ou manquements aux dispositions relatives à la transparence des liens d’intérêts dans le domaine de la santé ;
2° D’adapter les prérogatives des agents et des autorités chargés de constater les infractions et manquements mentionnés au 1° et de mettre en œuvre les sanctions.
III. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de chacune des ordonnances.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Cet amendement vise à renforcer le dispositif « anti-cadeaux », que j’ai évoqué tout à l’heure. Aujourd’hui, seuls les produits remboursables entrent dans le champ de la législation « anti-cadeaux » ; nous proposons ici d’étendre le dispositif à l’ensemble des produits de santé et d’élargir le cercle des professions concernées à l’ensemble des agents des administrations chargées de la politique de santé, au-delà des seules professions de santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il est vrai que le contrôle des avantages offerts aux professionnels de santé par les entreprises est un enjeu important. Il apparaît nécessaire de revoir de manière cohérente l’ensemble du dispositif mis en place au fil du temps et, en dernier lieu, par la loi Bertrand sur le médicament. Néanmoins, la commission demeure toujours rétive à toute demande d’habilitation à légiférer par ordonnance. C’est pourquoi elle a émis un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. J’entends que la commission est d’accord sur le fond. Or cela fait des années que la Cour des comptes demande que ce dispositif soit clarifié. Paradoxalement, le rejet de cet amendement contreviendrait à cet objectif. Le résultat serait sinon l’inverse, à tout le moins assez éloigné de ce que vous recherchez et la législation « anti-cadeaux » resterait en deçà de ce que tout le monde, sur ces travées, souhaite.
J’entends les réserves de la commission sur la demande d’habilitation à légiférer par ordonnance, mais si elles devaient prévaloir sur le fond, le droit ne progressera pas.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 43 ter.
Article 43 quater
(Non modifié)
Après le douzième alinéa de l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Sans préjudice de l’application de la loi n° 2013-316 du 16 avril 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, les associations agréées au titre de l’article L. 1114-1 du code de la santé publique disposent également d’un droit d’alerte auprès de la Haute Autorité de santé. À ce titre, elles peuvent la saisir de tout fait ayant des incidences importantes sur la santé, nécessitant que la Haute Autorité fasse usage de ses compétences définies au présent chapitre.
« La Haute Autorité de santé rend publiques les suites qu’elle apporte aux saisines des associations ainsi que les modalités selon lesquelles elle les a instruites. Elle peut entendre publiquement l’association auteur de la saisine ainsi que toute personne intéressée. »
M. le président. L'amendement n° 876 rectifié, présenté par MM. Amiel et Guérini, Mme Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Au début de l'article
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le dernier alinéa de l'article L. 161-41 du code de sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Chaque commission spécialisée comprend au moins un représentant des associations agréées en application de l'article L. 1114-1 du code de santé publique. »
La parole est à Mme Hermeline Malherbe.
Mme Hermeline Malherbe. Cet amendement relève du même esprit que le précédent.
L’article 43 quater confère aux associations d’usagers du système de santé un droit d’alerte auprès de la Haute Autorité de santé. C’est une avancée certaine, mais insuffisante à nos yeux.
Aussi, cet amendement, que j’ai cosigné avec M. Amiel et quelques autres collègues, prévoit la présence de représentants des associations d'usagers au sein des commissions spécialisées de la HAS.
En effet, ces commissions, véritables lieux de travail, d'échange, de production d'avis et de recommandations, sont déterminantes dans la gouvernance du système de santé. Tel est le cas, par exemple, de la commission de la transparence de la HAS, qui joue un rôle essentiel concernant le prix des produits de santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement prévoit la présence d’au moins un représentant des associations d’usagers du système de santé au sein de chaque commission spécialisée de la Haute Autorité de santé.
Les associations d’usagers du système de santé sont d’ores et déjà étroitement associées aux activités de la HAS. En outre, elles bénéficieront, grâce à l’article 43 quater du présent projet de loi, d’un droit d’alerte auprès de la Haute Autorité de santé. Enfin, certaines des commissions spécialisées de la HAS doivent veiller à la stricte confidentialité de leurs travaux.
Par conséquent, la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement sollicite également le retrait de cet amendement, mais pas tout à fait pour les mêmes raisons.
Depuis le décret du 9 juillet 2015, la présence des représentants des usagers au sein de la commission de la transparence et de la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé, est assurée. C’était déjà le cas auparavant dans les autres commissions. Votre amendement est donc satisfait, madame la sénatrice.
M. le président. Madame Malherbe, l'amendement n° 876 rectifié est-il maintenu ?
Mme Hermeline Malherbe. Mon amendement étant satisfait, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 876 rectifié est retiré.
L'amendement n° 811, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après les mots :
du code de la santé publique
insérer les mots :
et les lanceurs d’alerte
II. – Alinéa 3, première phrase
Après les mots :
des associations
insérer les mots :
et des lanceurs d’alerte
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous le savons bien, la Haute Autorité de santé a des compétences importantes en matière de politique de santé, puisqu’elle s’est vu confier des missions d’évaluation, de certification et de recommandation.
Nous saluons donc comme une avancée le fait que les associations d’usagers puissent désormais alerter cette autorité de faits qui, s’ils étaient méconnus, feraient peser un risque grave sur la santé publique et l’environnement.
S’il est important que ces associations agréées puissent saisir la Haute Autorité de santé de tout fait dangereux pour la santé, il semble logique d’étendre ce droit à toute personne à même de détenir ces mêmes informations.
L’affaire du Mediator, avec le combat exceptionnel mené par Irène Frachon, montre ainsi qu’un individu peut être à même de réunir un faisceau de preuves concernant des faits susceptibles de représenter un danger pour la sécurité sanitaire.
Le présent amendement vise donc à étendre le droit d’alerte prévu dans cet article 43 quater pour les associations agréées à tout lanceur d’alerte, et pas seulement aux associations d’usagers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 43 quater prévoit la création d’un droit d’alerte auprès de la HAS pour les associations d’usagers du système de santé, sans préjudice de l’application de la loi n° 2013-316 du 16 avril 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte.
La commission estime que le présent amendement n’est pas nécessaire ; elle en sollicite le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame David, l'amendement n° 811 est-il maintenu ?
Mme Annie David. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
L’exemple du Mediator a été cité à plusieurs reprises dans cet hémicycle lors des débats que nous avons eus les jours précédents, et le nom d’Irène Frachon a déjà été prononcé par d’autres membres de cette Haute Assemblée. Il faut effectivement permettre à toute personne, à l’image de cette femme courageuse, d'être reconnue en tant que lanceur d’alerte auprès de la Haute Autorité de santé, à l’instar – c’est une avancée que nous saluons – des associations d’usagers du système de santé agréées. Il serait regrettable de restreindre cette possibilité. Nous aurions même souhaité élargir le champ de notre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Je profite de ce débat pour interroger Mme la ministre sur la proposition de loi concernant les lanceurs d’alerte qui a été votée par le Sénat. Où en sont les décrets d’application ?
M. le président. Madame la ministre, pouvez-vous fournir des éléments d’information à cet égard ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, ce décret d’application ne relève pas de mon champ ministériel. Il vous faudra reposer votre question à la ministre concernée. (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 94 rectifié, présenté par M. Commeinhes, Calvet, Charon et Houel et Mme Mélot, n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 43 quater.
(L'article 43 quater est adopté.)
Articles additionnels après l'article 43 quater
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 815, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 43 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
I. – Le premier alinéa de l’article L. 162-16-4 est ainsi modifié :
1° Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Ces conventions et les remises accordées sont publiques. » ;
2° Il est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Au terme de chaque année, une entreprise exploitant une spécialité de référence commercialisée transmet au comité économique des produits de santé le chiffre d’affaires réalisé en France attribuable à cette spécialité. Le comité économique des produits de santé rend publique cette information. »
II. – Après l’article L. 162-16-4, il est inséré un article L. 162-16-4-… ainsi rédigé :
« Art. L. 162-16-4-… – L’entreprise exploitant le médicament remet un rapport annuel à la direction de la sécurité sociale détaillant médicament par médicament le prix de vente au public, le prix réel et la justification du différentiel entre prix de vente et prix réel.
« Les informations transmises sont évaluées par un auditeur indépendant.
« La direction de la sécurité sociale rend publiques ces informations dans des conditions précisées par décret. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Le processus de fixation des prix des médicaments est mené par le Comité économique des produits de santé, lors de négociations avec l’industrie pharmaceutique.
Or ce processus est flou et peu connu du public. Il existe des différences entre le prix facial et le prix réel des médicaments, du fait notamment des différentes remises : taux L, remises spécifiques, contrats de performance, etc. Cela brouille la vision du public. Or l’opacité, on le sait, nourrit les suspicions.
Nous souhaitons une plus grande transparence sur les dépenses de santé et, de manière générale, sur l’économie du médicament, de la phase de recherche à celle de la commercialisation.
Pour cela, nous proposons que soit rendu public le chiffre d’affaires réalisé chaque année par produit. De même, un rapport annuel devra être fourni par l’exploitant du médicament à la Direction de la sécurité sociale, avec, pour chaque médicament, le prix de vente au public, le prix réel, et enfin la justification du différentiel de prix entre prix réel et prix de vente. Ces informations seront rendues publiques par la Direction de la sécurité sociale.
Cette exigence de transparence nous semble d’autant plus justifiée que le chiffre d’affaires réalisé peut conduire au versement de contributions à l’assurance maladie, lorsqu’il dépasse un certain seuil.
M. le président. L'amendement n° 1020 rectifié, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 43 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Ces conventions et les remises accordées sont publiques. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Dans le même esprit, cet amendement vise à rendre publiques l’ensemble des conventions signées par le CEPS avec l’industrie pharmaceutique, ainsi que les remises accordées par rapport au prix facial des médicaments.
Alors que le médicament représente près de 15 % des dépenses de l’assurance maladie, les politiques qui lui sont liées, et les négociations, sont trop souvent confidentielles et les informations publiques incomplètes. L’effort de transparence en la matière, en rendant publiques tout ou partie des demandes adressées au CEPS ainsi que des décisions prises, permettrait de soumettre celles-ci à des expertises extérieures et de limiter les conflits d’intérêts.
L’accès à une information complète, notamment sur les différences entre prix facial et prix réel à la suite des diverses remises – taux L, clauses et remises spécifiques, dispositifs alternatifs de conventions, contrats de performance, etc. –, contribuerait par ailleurs à une vision plus éclairée, pour les parlementaires comme pour la société civile, des finances publiques et de la politique publique du médicament.
M. le président. L'amendement n° 1018 rectifié, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 43 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L.162-16-4-… ainsi rédigé :
« Art. L.162-16-4-… – L’entreprise exploitant le médicament remet un rapport annuel à la direction de la sécurité sociale détaillant médicament par médicament le prix de vente au public, le prix réel et la justification du différentiel entre prix de vente et prix réel.
« Les informations transmises sont évaluées par un auditeur indépendant. La direction de la sécurité sociale rend publiques ces informations dans des conditions précisées par décret. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement vise, quant à lui, à rendre publics le prix réel des médicaments ainsi que la justification du différentiel entre prix de vente et prix réel. Mais il se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Sur la publicité de l’ensemble des conventions signées entre le CEPS et les industries pharmaceutiques prévue par l’amendement n° 815, la commission a émis un avis défavorable. En effet, même si nous approuvons toute démarche de transparence, nous estimons que les conventions signées entre le CEPS et les industries pharmaceutiques doivent conserver un caractère de confidentialité.
Sur l’amendement n° 1020 rectifié, qui a pour objet la publicité du prix du médicament et des remises accordées par les industriels, la commission a jugé que cette mesure serait contraire au secret des affaires et viendrait priver les négociations au sein du CEPS de tout intérêt pour les firmes, ce qui ne se traduirait pas nécessairement par une baisse des prix. D’ailleurs, plusieurs éléments d’information seront désormais disponibles pour les associations de patients.
La commission émet donc un avis défavorable.
Quant à l’amendement n° 1018 rectifié relatif à la différence entre le prix public et le prix réel de chaque médicament, là encore, la commission estime que ces dispositions priveraient la négociation avec le CEPS de tout intérêt pour les entreprises.
Par ailleurs, on dispose déjà du montant global des remises, et plusieurs éléments seront mis à disposition des associations en application de l’article 43 quinquies. Je rappelle à cet égard que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, publie chaque année un rapport sur la consommation de médicaments en France.
Pour toutes ces raisons, la commission a également émis un avis défavorable sur l’amendement n° 1018 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet le même avis défavorable sur ces trois amendements.
J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur cette question. Si l’on va dans le détail de chacune des conventions, on se heurte au problème du secret des affaires, qui a été évoqué. Pour le reste, un rapport d’activité est réalisé chaque année par le CEPS, qui fournit des éléments d’information de nature agrégée : on y trouve le montant des remises qui ont été accordées, des prix faciaux qui ont été négociés. Tous ces documents sont disponibles.
Par ailleurs, je l’ai dit hier, le rapport de Mme Polton sur l’évaluation des médicaments doit trouver son prolongement dans un autre rapport, sur les mécanismes de fixation des prix, celui-là. Mme Cohen avait regretté que ces groupes de travail ne soient pas connus. Ils ont néanmoins fait l’objet de lettres de mission rendues publiques et les suggestions les plus novatrices du rapport de Mme Polton ont donné lieu à de très nombreux articles dans la presse.
Ce travail sur les mécanismes de fixation des prix se poursuit.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1018 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 43 quinquies
I. – Après l’article L. 162-17-4-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 162-17-4-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-17-4-2. – Le Comité économique des produits de santé peut conclure un accord-cadre, d’une durée maximale de trois ans renouvelable, avec une ou plusieurs associations représentant les malades et les usagers du système de santé agréées au niveau national en application de l’article L. 1114-1 du code de la santé publique et une ou plusieurs associations de lutte contre les inégalités de santé. Cet accord a notamment pour objet de favoriser la concertation et les échanges d’informations concernant la fixation, dans le domaine de compétence du comité, des prix et des tarifs des produits de santé remboursables par la solidarité nationale.
« L’accord peut être conclu entre le Comité économique des produits de santé et les associations mentionnées au premier alinéa du présent article ayant transmis au comité une demande de participation aux négociations en vue de sa signature. La demande est accompagnée d’un dossier présentant l’activité de l’association ainsi que, le cas échéant, les liens de toute nature, directs ou indirects, qu’elle entretient avec les entreprises ou établissements dont les produits entrent dans le champ de compétence du comité, ainsi qu’avec les sociétés ou les organismes de conseil intervenant dans ce champ de compétence.
« Les associations représentant les malades et les usagers du système de santé agréées au niveau national en application de l’article L. 1114-1 du code de la santé publique et les associations de lutte contre les inégalités de santé peuvent présenter une demande d’adhésion à un accord-cadre en cours de validité ou une demande de participation aux négociations en vue du renouvellement de l’accord ; dans les deux cas l’association est tenue de produire le dossier mentionné au deuxième alinéa du présent article.
« L’accord-cadre détermine notamment :
« 1° Les conditions dans lesquelles les associations agréées en application de l’article L. 1114-1 du code de la santé publique et les associations de lutte contre les inégalités de santé sont auditionnées, à leur demande, par le Comité économique des produits de santé, sous réserve d’avoir déposé auprès du comité le dossier mentionné au deuxième alinéa du présent article ;
« 2° Les modalités selon lesquelles, en vue d’exercer leur droit d’audition, les associations mentionnées au 1° sont régulièrement informées des dates de réunion du comité et des sujets figurant à son ordre du jour ;
« 3° La composition et les modalités de fonctionnement d’un comité d’interface, réuni au moins deux fois par an, au cours duquel le président du Comité économique des produits de santé présente aux associations mentionnées au 1° un bilan de l’activité du comité. Cette présentation est suivie d’un débat ;
« 4° Les règles et délais applicables à la procédure d’adhésion à l’accord-cadre et de renouvellement de celui-ci ;
« 5° Les modalités selon lesquelles les associations agréées en application de l’article L. 1114-1 du code de la santé publique et les associations de lutte contre les inégalités de santé respectent des obligations de réserve et de confidentialité au regard des informations qu’elles reçoivent dans le cadre de l’application du présent article. »
II. – La demande mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 162-17-4-2 du code de la sécurité sociale est transmise dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, en vue de la première conclusion d’un accord-cadre.
M. le président. L'amendement n° 1011, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les conditions d’accès effectif aux documents transmis par l’industrie pharmaceutique au Comité économique des produits de santé en vue de la fixation des prix des produits de santé ;
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement prévoit que les conditions d’accès effectif aux documents transmis par l’industrie pharmaceutique au CEPS sont précisées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Les dispositions de cet amendement ont déjà été examinées en commission. Donner aux associations d’usagers du système de santé accès à tous les documents transmis par l’industrie pharmaceutique au CEPS en vue de la fixation du prix des produits de santé poserait de graves problèmes de confidentialité. (Mme Aline Archimbaud le concède.)
Au regard, notamment, des exigences du droit de l’Union européenne en matière de secret des affaires et de droit de la propriété intellectuelle, il est nécessaire qu’un certain nombre d’informations ne soient divulguées qu’aux membres du CEPS, lesquels sont spécialement habilités pour en avoir connaissance et sont soumis au secret professionnel.
Aussi, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Archimbaud, l’amendement n° 1011 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1011 est retiré.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 814 rectifié, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – L’article L. 162-17-3 du même code est ainsi modifié :
1° Après le quatrième alinéa du I, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Deux députés et deux sénateurs assurant une représentation pluraliste du Parlement, désignés respectivement pour la durée de la législature par l’Assemblée nationale et pour la durée de leur mandat par le Sénat, sont associés aux travaux du Comité économique des produits de santé, sans voix délibérative.
« Chaque parlementaire dispose d’un droit d’alerte auprès des ministères compétents. II peut les saisir pour toute information concernant un fait, une donnée ou une action, dès lors que la méconnaissance de ce fait, de cette donnée ou de cette action lui paraît impacter la politique économique du médicament.
« Dans un délai de six mois, les ministères compétents rendent publiques les suites qu’ils apportent aux saisines parlementaires ainsi que les modalités selon lesquelles ils les ont instruites. Ils peuvent entendre publiquement le parlementaire auteur de la saisine ainsi que toute personne intéressée. » ;
2° Au III, est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Ce rapport fait l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat. »
… – Le premier alinéa de l’article L. 162-16-4 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’ensemble des informations transmises par l’entreprise exploitant le médicament au Comité économique des produits de santé doivent être rendues publiques. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Tout d’abord, cet amendement tend à assurer la présence de deux députés et de deux sénateurs ou sénatrices au sein du CEPS. Ces élus y siégeraient en qualité d’observateurs et auraient accès à l’ensemble des documents transmis à cette instance. Choisis en fonction des équilibres parlementaires, ils disposeraient d’un droit d’alerte auprès des ministères de tutelle du CEPS, ceux-ci étant soumis à une obligation de réponse publique.
Ensuite, nous proposons que soient organisés chaque année un débat et une présentation de l’activité du CEPS au sein des deux assemblées. Le but est de renforcer l’information des parlementaires à propos des médicaments, notamment dans la perspective de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale.
En effet, le médicament représente 15 % des dépenses de l’assurance maladie en France. Il est donc logique que le Parlement puisse exercer un contrôle démocratique dans ce domaine.
Enfin, les données transmises au CEPS par les industriels devront être rendues publiques, toujours dans une logique de transparence renforcée.
Ces informations devront porter sur le service médical rendu par les médicaments, les évaluations médico-économiques, les montants consacrés au financement d’opérations de recherche liées aux produits de santé, les montants effectifs consacrés au développement, notamment les crédits affectés au financement d’essais cliniques, les crédits d’impôt, les bourses et les autres financements publics dont les industriels ont bénéficié en lien avec ces activités de recherche et de développement, les éventuels achats de brevets liés aux produits de santé, bien entendu le coût d’opérations d’acquisition ou de spéculation éventuellement liées à l’acquisition de brevets, les coûts de production des produits de santé ainsi que les coûts de commercialisation et de promotion engagés par les industriels.
Vous l’aurez compris : il s’agit de renforcer le contrôle démocratique et citoyen, en vue de prévenir la mainmise d’une logique libérale sur un secteur aussi sensible que celui du médicament. À ce titre, l’enjeu est doublement stratégique. D’une part, il relève de la santé publique et de la sécurité sanitaire. D’autre part, il est intrinsèquement lié aux objectifs de réduction du déficit en matière d’assurance maladie, qui vous sont si chers !
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 877 rectifié bis est présenté par MM. Amiel, Mézard et Guérini, Mme Malherbe et MM. Requier, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Vall.
L'amendement n° 1015 rectifié est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Après le quatrième alinéa du I de l'article L. 162-17-3 du code de la sécurité sociale, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Deux députés et deux sénateurs assurant une représentation pluraliste du Parlement, désignés respectivement pour la durée de la législature par l'Assemblée nationale et pour la durée de leur mandat par le Sénat, sont associés aux travaux du Comité économique des produits de santé, sans voix délibérative.
« Chaque parlementaire dispose d'un droit d'alerte auprès des ministères compétents. Il peut les saisir pour toute information concernant un fait, une donnée ou une action, dès lors que la méconnaissance de ce fait, de cette donnée ou de cette action lui paraît impacter la politique économique du médicament.
« Dans un délai de six mois, les ministères compétents rendent publiques les suites qu'ils apportent aux saisines parlementaires ainsi que les modalités selon lesquelles ils les ont instruites. Ils peuvent entendre publiquement le parlementaire auteur de la saisine ainsi que toute personne intéressée. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 877 rectifié bis.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement est similaire à celui que Mme Cohen vient de défendre. Il s’agit d’associer étroitement les associations au fonctionnement du CEPS. À cette fin, nous proposons de créer un droit d’audition systématique de ces dernières, ainsi qu’un comité d’interface, dont les réunions régulières permettront au CEPS de présenter un bilan de son activité.
En outre, cet amendement tend à associer à ce comité quatre parlementaires, à savoir deux députés et deux sénateurs, dans le respect des équilibres des assemblées.
Mme Catherine Génisson. Cela risque d’être compliqué !
M. Jean-Claude Requier. Ces parlementaires auront le statut d’observateur et auront accès à l’ensemble des documents transmis. Ils ne bénéficieront pas du droit de vote, mais disposeront d’un droit d’alerte auprès des ministères de tutelle du CEPS.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 1015 rectifié.
Mme Aline Archimbaud. Le présent amendement tend à ce que deux députés et deux sénateurs, représentatifs des équilibres parlementaires, siègent au sein du CEPS en qualité d’observateurs, tout en ayant accès à l’ensemble des documents transmis. Nous ne proposons pas de leur donner le droit de vote au sein de ce comité. En revanche, ils doivent disposer d’un droit d’alerte auprès des ministères de tutelle du CEPS, s’ils en identifient le besoin. Dans ce cadre, ces ministères seraient soumis à une obligation de réponse publique.
M. le président. L'amendement n° 1014 rectifié, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
Le III de l’article L. 162-17-3 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce rapport fait l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Le présent amendement tend à préciser, outre ce que je viens de dire, que le rapport d’activité du CEPS fait l’objet d’un débat tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
M. le président. L'amendement n° 1019, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le premier alinéa de l’article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L'ensemble des informations transmises par l’entreprise exploitant le médicament au Comité économique des produits de santé sont rendues publiques. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement se justifie par son texte même, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 814 rectifié a déjà été déposé en commission et examiné à ce titre au mois de juillet.
Le présent article prévoit qu’un accord-cadre est signé entre les associations d’usagers du système de santé et le CEPS, afin de favoriser la concertation et les échanges d’informations concernant la fixation, dans le domaine de compétence de ce comité, des prix et des tarifs des produits de santé remboursables par l’assurance maladie.
Ainsi, cet accord-cadre va considérablement accroître la transparence sur les activités du CEPS. Il permettra, nous l’espérons, de dissiper les suspicions qui entourent trop souvent les décisions de cette instance.
Il n’a pas paru nécessaire à la commission de prévoir, au sein du CEPS, la présence de parlementaires dotés d’un droit d’alerte.
Par ailleurs, cet amendement vise à ce que l’ensemble des informations transmises par les industriels au CEPS soient rendues publiques. Or cette disposition va à l’encontre de l’exigence de confidentialité qui s’applique à certaines données, du fait de la protection de la propriété intellectuelle et du secret des affaires, garantis tant par le droit français que par le droit de l’Union européenne.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Les amendements identiques nos 877 rectifié bis et 1015 rectifié tendent à assurer la présence de parlementaires au sein du CEPS. Ils reçoivent eux aussi un avis défavorable, pour les raisons précédemment indiquées.
L’amendement n° 1014 rectifié vise à assurer l’organisation d’un débat, à l’Assemblée nationale et au Sénat, sur le rapport d’activité du CEPS. Il est déjà prévu que ce document est remis chaque année au Parlement. Or, sous réserve de la priorité accordée au Gouvernement, le Sénat et l’Assemblée nationale fixent librement leur ordre du jour. En outre, depuis 2008, une semaine par mois est consacrée aux travaux de contrôle du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques.
Il est donc inutile d’inscrire une telle disposition dans un texte législatif, qui, au demeurant, n’aura pas valeur de loi organique.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Quant à l’amendement n° 1019, qui tend à assurer la publicité des informations transmises au CEPS, il reçoit, lui aussi, un avis défavorable, au nom du respect de la propriété intellectuelle.
Ainsi, la commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 877 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 877 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 1015 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme Aline Archimbaud. Je retire l’amendement n° 1019, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 1019 est retiré.
(M. Hervé Marseille remplace M. Claude Bérit-Débat au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille
vice-président
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 813 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 1013 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale, après les mots : « syndicats représentatifs des entreprises concernées », sont insérés les mots : « , après consultation du comité d’interface mentionné à l’article L. 162-17-4-2 ».
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 813.
Mme Annie David. L’article 43 quinquies ouvre la possibilité d’un accord-cadre entre le CEPS et les associations d’usagers du système de santé agréées. Le but est de favoriser la concertation et les échanges d’informations entre ce comité et les associations agréées quant à la fixation des prix et des tarifs remboursables par l’assurance maladie.
Le présent amendement vise à étendre cette logique de concertation avec les associations aux conventions signées entre les entreprises pharmaceutiques et le CEPS.
En effet, le code de la sécurité sociale indique que le CEPS peut conclure avec des entreprises des conventions d’une durée maximum de quatre ans relatives à un ou à des médicaments remboursés par la sécurité sociale.
Ces conventions portent notamment sur la fixation des prix, les éventuelles remises, ou encore les études pharmaco-épidémiologiques.
Il est prévu que le cadre de ces conventions puisse être fixé par le biais d’un accord avec les syndicats représentatifs des entreprises concernées.
En conséquence, nous proposons que cet accord soit établi après consultation des associations d’usagers agréées signataires d’accords-cadres avec le CEPS. Ainsi, ces associations concourront réellement aux activités et aux décisions du CEPS – en l’occurrence, à ses relations avec les industries pharmaceutiques.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, ces dispositions s’inscrivent dans la logique de l’article 43 quinquies. Prenant acte de la décision de renforcer la démocratie sanitaire, nous proposons d’en étendre le champ d’application !
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l’amendement n° 1013.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Le comité d’interface créé par le présent article doit permettre au président du CEPS de présenter aux associations qui auront signé un accord-cadre un bilan d’activité de l’organisme dont il a la charge.
Ce comité d’interface n’est pas une instance permanente qui aurait vocation à être consultée chaque fois que le CEPS signe une convention avec un laboratoire.
Aussi, la commission demande le retrait de ces amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Tel qu’il a été adopté, le présent article prévoit, d’une part la conclusion d’accords-cadres entre le CEPS et des représentants des usagers et, de l’autre, la mise en œuvre d’un comité d’interface. Cette dernière instance n’aura pas pour simple vocation de recevoir un rapport une fois par an ! Elle devra peser sur les orientations et sera réunie régulièrement pour débattre avec ses divers interlocuteurs.
Aussi, sous une forme différente, ces amendements me semblent satisfaits. Voilà pourquoi le Gouvernement demande leur retrait.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Madame la ministre, sauf erreur de ma part, l’article 43 quinquies n’est pas encore voté. Même si son adoption est en bonne voie, il est encore en cours d’examen.
Mme Annie David. Vous nous assurez que ces amendements sont satisfaits. L’essentiel était que ces points soient précisés en séance publique. Compte tenu des explications que vous venez de nous apporter, je retire l’amendement n° 813.
M. le président. L’amendement n° 813 est retiré.
Madame Archimbaud, l’amendement n° 1013 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1013 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 812 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 1012 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Sans préjudice de l’application de la loi n° 2013-316 du 16 avril 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, chaque association signataire de l’accord-cadre dispose également d’un droit d’alerte auprès des ministères compétents sur l’activité du comité économique des produits de santé. À ce titre, elle peut les saisir pour toute information concernant un fait, une donnée ou une action, dès lors que la méconnaissance de ce fait, de cette donnée ou de cette action lui paraît impacter la politique économique du médicament.
Dans un délai de six mois, les ministères compétents rendent publiques les suites qu’ils apportent aux saisines des associations signataires de l’accord-cadre ainsi que les modalités selon lesquelles ils les ont instruites. Ils peuvent entendre publiquement l’association auteur de la saisine ainsi que toute personne intéressée.
La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 812.
M. Dominique Watrin. Cet article permet aux associations de lutte contre les inégalités de santé formées par les usagers de conclure un accord-cadre avec le CEPS. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette mesure, permettant à ces associations d’être mieux informées sur les activités de ce comité, d’autant que ce sont des activités sensibles s’il en est, comme la fixation des prix des médicaments et des dispositifs médicaux.
On le sait, la pression exercée par les laboratoires est à l’origine de nombreuses suspicions de conflits d’intérêts. S’il est nécessaire que les associations soient mieux informées et davantage associées aux activités du CEPS, il convient de faire en sorte qu’elles puissent utiliser réellement ces nouvelles prérogatives.
Aussi, nous proposons d’accorder à ces associations un droit de saisine des ministres de tutelle, si elles identifient des faits ou des actions dont la méconnaissance pourrait impacter la politique économique du médicament.
Il s’agit donc de compléter le dispositif de la loi relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, en vertu de laquelle les associations de patients peuvent se voir reconnaître un pouvoir d’alerte. Dans ce cas précis, ce pouvoir concernerait les associations signataires d’un accord-cadre avec le CEPS.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l’amendement n° 1012.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement tend à assurer une cohérence entre le présent projet de loi et la loi relative aux lanceurs d’alerte issue d’une proposition de loi déposée par notre collègue Marie-Christine Blandin. Il ouvre aux associations de patients la possibilité de se voir reconnaître un pouvoir d’alerte. Il s’agit là d’une avancée importante.
Aussi, le présent amendement vise à compléter l’article 43 quinquies, en permettant aux associations signataires de l’accord-cadre avec le CEPS de saisir les ministères de tutelle, si elles identifient des faits ou des actions dont la méconnaissance paraît impacter la politique économique du médicament, quant à l’accès effectif des usagers au système de santé.
En outre, comme Mme David vient de l’indiquer, les suites données à ce droit d’alerte doivent pouvoir être rendues publiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’objet de l’article 43 quinquies est d’améliorer la confiance qui doit exister entre le CEPS, chargé de déterminer la politique de prix en matière de médicaments et de dispositifs médicaux, et le public. Au contraire, les auteurs de ces amendements semblent partir d’un postulat de défiance ; ils prévoient une procédure de saisine des ministres là où l’accord-cadre doit permettre le dialogue.
Au demeurant, ces amendements tendent à transposer les dispositions de la loi du 16 avril 2013 relative au droit d’alerte dans les domaines de la santé publique et de l’environnement au domaine de la politique économique du médicament sans tenir compte des différences importantes qui existent entre ces différents champs.
Dans le domaine de la santé publique ou de l’environnement, le fait même que le public méconnaisse certaines informations, comme la nocivité ou la dangerosité d’un produit, peut avoir des conséquences sur la santé publique ou sur l’environnement. Divulguer ces informations permet donc d’éviter des conséquences néfastes sans qu’une intervention des pouvoirs publics soit nécessaire.
Il n’en va pas de même, aux yeux de la commission, pour la politique économique du médicament. En effet, on voit mal comment la divulgation au public d’une information de nature médico-économique est de nature à impacter les politiques menées ou encore les décisions prises par le CEPS, qui est une instance à vocation technique.
Par ailleurs, les informations auxquelles les associations sont susceptibles d’avoir accès dans le cadre de leur dialogue avec le CEPS sont par hypothèse connues des pouvoirs publics.
Je rappellerai également qu’une partie de ces informations est couverte par le secret des affaires.
La commission demande donc le retrait de ces amendements identiques ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 812 et 1012.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 43 quinquies.
(L'article 43 quinquies est adopté.)
Article 44
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 1112-3 et à la fin de la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 6144-1, les mots : « commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge » sont remplacés par les mots : « commission des usagers » ;
1° bis (Supprimé)
2° Les trois derniers alinéas de l’article L. 1112-3 sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :
« La commission des usagers participe à l’élaboration de la politique menée dans l’établissement en ce qui concerne l’accueil, la prise en charge, l’information et les droits des usagers. Elle est associée à l’organisation des parcours de soins ainsi qu’à la politique de qualité et de sécurité élaborée par la commission ou la conférence médicale d’établissement. Elle fait des propositions sur ces sujets et est informée des suites qui leur sont données.
« Elle peut se saisir de tout sujet se rapportant à la politique de qualité et de sécurité élaborée par la commission ou la conférence médicale d’établissement. Elle fait des propositions et est informée des suites qui leur sont données.
« Elle est informée de l’ensemble des plaintes et des réclamations formées par les usagers de l’établissement ainsi que des suites qui leur sont données. En cas de survenue d’événements indésirables graves, elle est informée des actions menées par l’établissement pour y remédier. Elle peut avoir accès aux données médicales relatives à ces plaintes ou à ces réclamations, sous réserve de l’obtention préalable de l’accord écrit de la personne concernée ou de ses ayants droit si elle est décédée. Un décret en Conseil d’État prévoit notamment les modalités de consultation des données et de protection de l’anonymat des patients et des professionnels.
« Les membres de la commission sont astreints au secret professionnel dans les conditions définies aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.
« Le conseil de surveillance des établissements publics de santé ou une instance habilitée à cet effet dans les établissements privés délibère au moins une fois par an sur la politique de l’établissement en ce qui concerne les droits des usagers et la qualité de l’accueil et de la prise en charge, sur la base d’un rapport présenté par la commission des usagers. Ce rapport et les conclusions du débat sont transmis à la conférence régionale de la santé et de l’autonomie et à l’agence régionale de santé, qui est chargée d’élaborer une synthèse de l’ensemble de ces documents.
« La composition et les modalités de fonctionnement de la commission des usagers sont fixées par décret. » – (Adopté.)
Article 45
I. – Le titre IV du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le chapitre III devient le chapitre IV et l’article L. 1143-1 devient l’article L. 1144-1 ;
2° Le chapitre III est ainsi rétabli :
« CHAPITRE III
« Action de groupe
« Section 1
« Champ d’application de l’action de groupe et qualité pour agir
« Art. L. 1143-1. – Une association d’usagers du système de santé agréée au niveau national en application de l’article L. 1114-1 peut agir en justice afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des usagers du système de santé placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d’un producteur ou d’un fournisseur de l’un des produits mentionnés au II de l’article L. 5311-1, ou d’un prestataire utilisant l’un de ces produits, à leurs obligations légales ou contractuelles. L’action n’est pas ouverte aux associations ayant pour activité annexe la commercialisation de l’un des produits mentionnés au même II.
« L’action ne peut porter que sur la réparation des préjudices résultant de dommages corporels subis par des usagers du système de santé.
« Art. L. 1143-2. – (Supprimé)
« Section 2
« Jugement sur la responsabilité
« Art. L. 1143-3. – Dans la même décision, le juge constate que les conditions mentionnées à l’article L. 1143-1 sont réunies et statue sur la responsabilité du défendeur au vu des cas individuels présentés par l’association requérante. Il définit le groupe des usagers du système de santé à l’égard desquels la responsabilité du défendeur est engagée et fixe les critères de rattachement au groupe.
« Le juge détermine les dommages corporels susceptibles d’être réparés pour les usagers constituant le groupe qu’il définit.
« Le juge saisi de la demande peut ordonner toute mesure d’instruction, y compris une expertise médicale.
« Art. L. 1143-4. – Le juge qui reconnaît la responsabilité du défendeur ordonne, à la charge de ce dernier, les mesures de publicité adaptées pour informer de cette décision les personnes susceptibles d’avoir subi un dommage du fait du manquement constaté.
« Ces mesures ne peuvent être mises en œuvre qu’une fois que la décision mentionnée à l’article L. 1143-3 ne peut plus faire l’objet de recours ordinaires ni de pourvoi en cassation.
« Art. L. 1143-5. – Dans la décision mentionnée au premier alinéa de l’article L. 1143-3, le juge fixe le délai dont disposent les usagers du système de santé, remplissant les critères de rattachement et souhaitant se prévaloir du jugement prévu à l’article L. 1143-3, pour adhérer au groupe afin d’obtenir la réparation de leurs préjudices. Ce délai, qui ne peut être inférieur à six mois ni supérieur à trois ans, commence à courir à compter de l’achèvement des mesures de publicité ordonnées.
« Au choix de l’usager, la demande de réparation est adressée à la personne reconnue responsable soit directement par lui, soit par l’association requérante, qui reçoit ainsi mandat aux fins d’indemnisation.
« Le mandat donné à l’association requérante ne vaut ni n’implique adhésion à cette association.
« L’usager donnant mandat à l’association lui indique, le cas échéant, sa qualité d’assuré social ainsi que les organismes de sécurité sociale auxquels il est affilié pour les divers risques. Il lui indique également les prestations reçues ou à recevoir de ces organismes et des autres tiers payeurs du chef du dommage qu’il a subi, afin que ceux-ci puissent faire valoir leurs créances contre le responsable. L’association informe du mandat reçu les organismes de sécurité sociale et les tiers payeurs concernés.
« Art. L. 1143-5-1. – Lorsqu’il statue sur la responsabilité, le juge peut condamner le défendeur au paiement d’une provision à valoir sur les frais non compris dans les dépens exposés par l’association, y compris ceux afférents à la mise en œuvre de l’article L. 1143-15.
« Il peut ordonner, lorsqu’il la juge nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, la consignation à la Caisse des dépôts et consignations d’une partie des sommes dues par le défendeur.
« Section 3
« Médiation
« Art. L. 1143-6. – Le juge saisi de l’action mentionnée à l’article L. 1143-1 peut, avec l’accord des parties, donner mission à un médiateur, dans les conditions fixées à la section 1 du chapitre Ier du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, de proposer aux parties une convention réglant les conditions de l’indemnisation amiable des dommages qui font l’objet de l’action.
« Le juge fixe la durée de la mission du médiateur dans la limite de trois mois. Il peut la prolonger une fois, dans la même limite, à la demande du médiateur.
« Art. L. 1143-7. – Le médiateur est choisi par le juge sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de la santé. Le juge peut décider que le médiateur est assisté d’une commission de médiation composée, sous la présidence du médiateur, dans des conditions déterminées par le décret prévu à l’article L. 1144-1.
« Le médiateur et les membres de la commission sont tenus au secret professionnel concernant les documents et informations reçus et les discussions tenues dans le cadre des travaux de la commission, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.
« Art. L. 1143-8. – Qu’elle comporte ou non la détermination des responsabilités, la convention d’indemnisation amiable fixe les conditions dans lesquelles les personnes mises en cause assurent aux personnes ayant subi un dommage corporel en raison d’un ou plusieurs faits qu’elle identifie la réparation de leur préjudice.
« Elle précise notamment :
« 1° Si les éléments à la disposition des parties et la nature des préjudices le permettent, le type de dommages corporels susceptibles de résulter du ou des faits mentionnés au premier alinéa ;
« 2° Les modalités d’expertise individuelle contradictoire ;
« 3° Les conditions dans lesquelles la charge des expertises mentionnées au 2° est supportée par les personnes mises en cause ;
« 4° Les conditions dans lesquelles les offres transactionnelles individuelles sont présentées aux personnes intéressées ainsi qu’aux tiers payeurs ayant supporté des frais du fait des dommages subis par ces personnes ;
« 5° Le délai dans lequel doivent intervenir les demandes de réparation pour bénéficier des conditions qu’elle prévoit ;
« 6° Les modalités de suivi du dispositif ;
« 7° Les mesures de publicité mises en œuvre par les personnes mises en cause pour informer les usagers du système de santé concernés de l’existence de la convention, de la possibilité de demander réparation aux conditions qu’elle fixe ainsi que du délai et des modalités applicables.
« Art. L. 1143-9. – La convention d’indemnisation amiable est proposée aux parties par le médiateur.
« Elle doit être acceptée par l’association requérante et l’une au moins des personnes mises en cause dans l’action engagée en application de l’article L. 1143-1 et être homologuée par le juge saisi de cette action.
« Art. L. 1143-10. – L’homologation met fin à l’action entre les parties signataires de la convention.
« Les décisions prises par le juge en application des articles L. 1143-6 et L. 1143-7 ne sont pas susceptibles de recours.
« Art. L. 1143-11. – (Supprimé)
« Section 4
« Mise en œuvre du jugement et réparation individuelle des préjudices
« Art. L. 1143-12. – À la demande des personnes remplissant les critères de rattachement au groupe, ayant adhéré à celui-ci et demandant la réparation de leur préjudice sous l’une ou l’autre forme prévue au deuxième alinéa de l’article L. 1143-5, les personnes déclarées responsables par le jugement mentionné à l’article L. 1143-3 procèdent à l’indemnisation individuelle des préjudices subis, du fait du manquement reconnu par ce jugement.
« Toute somme reçue par l’association au titre de l’indemnisation des usagers est immédiatement versée en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations ou, si l’association le demande, sur un compte ouvert, par l’avocat auquel elle a fait appel en application de l’article L. 1143-15, auprès de la caisse des règlements pécuniaires des avocats du barreau dont il dépend. Ce compte ne peut faire l’objet de mouvements en débit que pour le versement des sommes dues aux intéressés.
« Art. L. 1143-13. – Les usagers dont la demande n’a pas été satisfaite en application de l’article L. 1143-12 par les personnes déclarées responsables peuvent demander au juge ayant statué sur la responsabilité la réparation de leur préjudice dans les conditions et limites fixées par le jugement rendu en application des articles L. 1143-3 et L. 1143-5.
« Art. L. 1143-14. – Le mandat aux fins d’indemnisation donné à l’association dans les conditions définies à l’article L. 1143-5 vaut également mandat aux fins de représentation pour l’exercice de l’action en justice mentionnée à l’article L. 1143-13 et, le cas échéant, pour l’exécution forcée du jugement prononcé à l’issue.
« Art. L. 1143-15. – L’association peut s’adjoindre, avec l’autorisation du juge, toute personne appartenant à une profession judiciaire réglementée, dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État, pour l’assister.
« Art. L. 1143-16. – Le règlement amiable qui intervient entre le responsable et le demandeur ou ses ayants droit, y compris en application de la convention mentionnée à l’article L. 1143-9 du présent code, et le jugement statuant sur les droits à indemnisation du demandeur ou de ses ayants droit sont soumis, selon le cas, au chapitre VI du titre VII du livre III du code de la sécurité sociale, au chapitre IV du titre V du livre IV du même code, à l’article L. 752-23 du code rural et de la pêche maritime, à l’ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l’État et de certaines autres personnes publiques ou au chapitre II et à l’article 44 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation.
« Section 5
« Dispositions diverses
« Art. L. 1143-17. – L’action mentionnée à l’article L. 1143-1 suspend la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant des manquements constatés par le jugement prévu à l’article L. 1143-3 ou des faits retenus dans la convention homologuée en application de l’article L. 1143-9.
« Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle ce jugement n’est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation ou à compter de la date de l’homologation de la convention.
« Art. L. 1143-18. – La décision prévue à l’article L. 1143-3 a autorité de la chose jugée à l’égard de chacun des membres du groupe dont le préjudice a été réparé au terme de la procédure mentionnée aux articles L. 1143-12 et L. 1143-13.
« Art. L. 1143-19. – N’est pas recevable l’action prévue à l’article L. 1143-1 lorsqu’elle se fonde sur les mêmes faits, les mêmes manquements et la réparation des mêmes préjudices que ceux ayant déjà fait l’objet du jugement prévu à l’article L. 1143-3 ou d’une convention homologuée en application de l’article L. 1143-9.
« L’adhésion au groupe ne fait pas obstacle au droit d’agir selon les voies de droit commun pour obtenir la réparation des dommages n’entrant pas dans le champ défini par la décision du juge mentionnée à l’article L. 1143-3 ou par une convention homologuée en application de l’article L. 1143-9.
« Art. L. 1143-20. – Toute association d’usagers du système de santé agréée au niveau national, en application de l’article L. 1114-1, peut demander au juge, à compter de sa saisine en application de l’article L. 1143-1 et à tout moment au cours de l’accomplissement des missions mentionnées à l’article L. 1143-14, sa substitution dans les droits de l’association requérante en cas de défaillance de cette dernière.
« Art. L. 1143-21. – Les actions prévues aux articles L. 1143-1 et L. 1143-13 peuvent être exercées directement contre l’assureur garantissant la responsabilité civile du responsable, en application de l’article L. 124-3 du code des assurances.
« Art. L. 1143-22. – Est réputée non écrite toute clause ayant pour objet ou effet d’interdire à une personne de participer à une action de groupe.
« Section 6
« Dispositions relatives à l’outre-mer
« Art. L. 1143-23. – Le présent chapitre est applicable dans les îles Wallis et Futuna. »
II (Non modifié). – Le présent article entre en vigueur à la date fixée par les dispositions réglementaires prises pour son application, et au plus tard le 1er juillet 2016.
III (Non modifié). – Trente mois au plus tard après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les conditions de mise en œuvre de la procédure d’action de groupe et propose les adaptations qu’il juge nécessaires.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Nous en arrivons à un article important de ce projet de loi, à savoir l’article 45, relatif à l’action de groupe.
Les victimes d’une défaillance du système de santé ont actuellement deux voies de recours à leur disposition : elles peuvent soit engager une action individuelle, soit s’inscrire dans l’un des régimes spécifiques de réparation des dommages médicaux au titre de la solidarité nationale, suivant une procédure de recours amiable.
Or ces voies d’action se sont révélées peu adaptées à la réparation des dommages sériels causés par la défectuosité ou le mésusage des produits de santé, comme cela a pu être le cas dans l’affaire du Mediator.
Dans le but de remédier à ces insuffisances, il est ici proposé de mettre en place une action de groupe en matière de santé.
Cette action, sous réserve des adaptations rendues nécessaires par la nature corporelle des dommages à indemniser, est conçue sur le modèle de l’action de groupe en matière de consommation.
Elle présente quatre grandes caractéristiques.
En premier lieu, la procédure commune ne pourra être engagée que par une association d’usagers du système de santé agréée, qui jouera un rôle de filtre.
En deuxième lieu, cette action visera à élargir la responsabilité d’un produit de santé dans la survenue de dommages sériels de nature exclusivement corporelle.
En troisième lieu, la procédure sera articulée en deux phases : la première permettra d’établir la responsabilité de l’exploitant ou du prestataire, tandis que la seconde visera à l’indemnisation des victimes et à la réparation individuelle des préjudices.
En quatrième et dernier lieu, la phase de réparation des préjudices pourra être amiable ou contentieuse.
La commission des affaires sociales a adopté neuf amendements à cet article, dont huit sur proposition de M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois.
Je reprendrai maintenant les principales modifications apportées à l’issue des travaux de la commission.
Tout d’abord, la qualité à agir dans le cas d’une action de groupe en matière de santé a été limitée aux seules associations d’usagers du système de santé agréées au niveau national. Cette limitation, qui rapproche cette action de groupe de celle qui existe en matière de consommation, permettra de donner les meilleures chances de succès au requérant, en s’assurant que les acteurs qui porteront l’action de groupe disposeront de l’expérience et des moyens suffisants pour faire face à une procédure souvent longue et complexe.
Ensuite, la commission a raccourci de cinq à trois ans le délai maximal pendant lequel l’adhésion au groupe des victimes est possible. Il s’agit ainsi de limiter la durée de la situation d’incertitude à laquelle sont exposés les professionnels susceptibles d’être poursuivis, sans pour autant léser les droits des victimes.
Enfin, la commission a choisi de réserver au juge ayant statué sur la responsabilité dans le cadre de la première phase de l’action du groupe la charge de se prononcer sur la réparation individuelle des préjudices lors de la deuxième phase. Il s’agit ainsi de limiter les risques de divergence d’appréciation d’une juridiction à une autre, ce qui pourrait porter atteinte à l’égalité des justiciables.
Voilà donc l’équilibre du texte qui vous est présenté par la commission, équilibre que nous souhaitons pouvoir conserver.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Comme Mme la rapporteur vient de le rappeler, l’article 45 ouvre la possibilité d’actions de groupe, initiées par des associations agréées d’usagers du système de santé, pour des dommages subis du fait de produits de santé défaillants.
Cette possibilité nouvelle constitue – je tiens à le dire d’emblée – une avancée indiscutable, qui mérite d’être saluée. Néanmoins, nous regrettons son caractère trop limité. La rédaction actuelle exclut en effet de l’action de groupe les victimes d’autres préjudices sanitaires. Il est extrêmement regrettable que les victimes de l’amiante, sujet particulièrement important à nos yeux, soient ainsi exclues.
Je pense également aux préjudices d’origine environnementale, qui tendent à se développer. Là encore, il est dommage que les victimes ne puissent faire usage de ce dispositif.
Dès lors, cette limitation très stricte des possibilités d’action de groupe réduit considérablement la portée de l’avancée, même si celle-ci reste marquante.
Madame la ministre, à l’Assemblée nationale, vous avez approuvé la rapporteur, lorsqu’elle a déclaré « qu’il n’était pas opportun d’étendre ce champ, car se poserait alors la question de la possibilité d’une action de groupe sans qu’il y ait manquement ou faute ou responsable identifié ». Nous estimons au contraire qu’il est nécessaire d’ouvrir les actions de groupe à ces autres préjudices, et ce le plus rapidement possible.
De la même manière, nous regrettons que cet article réserve aux seules associations agréées la possibilité d’engager une action de groupe, alors que les victimes pourraient vouloir intervenir directement.
Pour cette raison, nous avons déposé plusieurs amendements concernant les dommages sanitaires d’origine environnementale et les préjudices sanitaires subis dans le cadre du travail, ainsi qu’un amendement visant à permettre à plusieurs personnes victimes de dommages causés par des produits de santé défectueux d’agir en justice à l’encontre d’un producteur, d’un fournisseur ou d’un prestataire, via une association d’usagers du système de santé agréée.
Nous reviendrons donc plus longuement dans le débat sur ces sujets, même si j’ai bien entendu Mme la rapporteur nous indiquer que la commission souhaitait maintenir l’équilibre trouvé. Il n’empêche, nous essaierons de vous convaincre et défendrons nos amendements !
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans ce projet de loi, la démocratie sanitaire n’est pas un vain mot ; elle ne tient pas de la formule ou de l’affichage. Ce texte reconnaît aux représentants des usagers une place réelle dans l’élaboration de la politique de santé et renforce la capacité des personnes à faire valoir leurs droits.
En instaurant l’action de groupe pour les victimes de produits de santé, cet article 45 constitue l’un des aspects essentiels d’une approche globale, collective et solidaire de la réparation des dommages qui peuvent résulter de l’administration de médicaments. Un tel dispositif est indispensable aux victimes isolées et dénuées des moyens nécessaires pour contrebalancer les capacités judiciaires, techniques et financières des producteurs.
Je comprends donc mal les modifications apportées par notre commission au texte issu de l’Assemblée nationale ; elles ont pour objet, à mon sens, de réduire les possibilités offertes aux victimes d’accéder à l’action de groupe.
En effet, la réduction de cinq à trois ans du délai requis pour l’adhésion au groupe et la limitation de l’accès à cette procédure aux seules associations reconnues au niveau national sont autant de restrictions apportées à l’indemnisation des victimes.
Si je désapprouve l’amendement n° 297, qui tend à supprimer l’article et, partant, ce nouveau droit, je lui reconnais du moins la qualité de la franchise. En effet, soit l’on admet la légitimité de l’action de groupe – dans ce cas, pourquoi multiplier les entraves à son exercice ? – ; soit on la réfute. Mais l’entre-deux dont témoignent les propositions de la commission n’est pas satisfaisant, et ce d’autant moins qu’il ne suffit pas d’adhérer au groupe pour être indemnisé, puisqu’il appartiendra encore au juge de remplir son office en appréciant la réalité du dommage et le lien de causalité. La commission ne l’ignore pas.
C’est pourquoi, pour notre part, nous proposerons la suppression de ces restrictions à l’exercice de ce nouveau droit.
M. le président. L'amendement n° 297, présenté par M. Grand, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 482, présenté par Mme Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet, M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8, première phrase
Supprimer les mots :
au niveau national
II. – Alinéa 18, seconde phrase
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
cinq
III. – Alinéa 59
Supprimer les mots :
au niveau national
La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Je placerai mes propos dans le droit fil de ceux de mon collègue Yves Daudigny.
L’article 45 instaure l’action de groupe dans le domaine de la santé, une procédure très attendue par les associations d’usagers du système de santé.
Ce type d’actions doit permettre de regrouper dans une seule procédure les demandes de réparation concernant un grand nombre de patients. Cela constitue une avancée majeure, puisque les patients victimes, grâce à cette nouvelle voie de recours plus efficace, ne seront plus seuls face à la puissance de certaines industries.
La commission des affaires sociales a adopté neuf amendements à cet article, dont la majorité à l’initiative de la commission des lois. Parmi ceux-ci, certains, comme M. Daudigny vient de le dire, restreignent la portée de l’action de groupe.
C’est pourquoi notre amendement vise à rétablir le dispositif initial sur deux points particuliers.
Le I et le III de l’amendement ont pour objet de rétablir la possibilité pour toute association agréée, que ce soit au niveau régional ou au niveau national, de porter une action de groupe. En effet, des accidents sériels peuvent revêtir un caractère localisé : les associations de victimes créées à cette occasion au niveau local doivent pouvoir conduire cette action.
Le II vise quant à lui à rétablir le délai de cinq ans offert aux victimes pour adhérer au groupe. Ce délai est plus favorable aux victimes, car il permet de prendre en compte le temps que certaines conséquences d’accidents liés aux soins mettent à se manifester ainsi que le temps souvent nécessaire pour imputer un dommage à une cause précise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. J’ai déjà expliqué dans mon propos préalable sur l’article quel avait été l’esprit dans lequel la commission des affaires sociales et la commission des lois avaient travaillé sur cet article. Vous ne serez donc pas surprise que nous donnions un avis défavorable à cet amendement, ma chère collègue.
Pourquoi avons-nous choisi d’autoriser les seules associations agréées au niveau national à engager une action de groupe ? Nous l’avons fait parce que cela permet d’augmenter les chances de succès des actions. Les associations agréées au niveau national disposent en effet généralement mieux que les associations locales des moyens nécessaires et de l’expérience suffisante pour faire face aux difficultés procédurales de l’action de groupe en matière de santé – une action sans doute complexe, longue et coûteuse.
Bien sûr, certaines associations peuvent être constituées au niveau local pour représenter les victimes d’accidents localisés. Pour autant, rien n’interdit à ces associations d’adhérer à des associations nationales, et notamment à des collectifs d’associations, qui disposeront de moyens bien plus importants et de meilleures chances de succès en cas d’action de groupe. Cette adhésion est d’ores et déjà une réalité : il suffit de regarder la composition du collectif interassociatif sur la santé, le CISS.
Quant au raccourcissement de cinq à trois ans du délai d’adhésion, la commission a considéré qu’il permet de limiter la situation d’incertitude d’une entreprise sur le risque auquel elle est exposée, sans pour autant léser les victimes. Celles-ci disposeront toujours, en effet, d’un délai important – trois ans - et de la possibilité, par ailleurs, d’engager une action individuelle.
L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement donnera un avis favorable sur cet amendement, dont la logique répond à la sienne.
Je relève que la position de la commission concernant l’action de groupe diffère significativement du projet du Gouvernement sur deux points, sans d’ailleurs remettre en cause ni l’organisation ni les objectifs de cette action : le caractère national des associations agréées susceptibles d’engager l’action de groupe et le délai dans lequel l’action de groupe peut être engagée.
Sur le premier point, rappelons tout d’abord que certains dommages ou accidents sont très localisés. Il en est des exemples très connus, tels les irradiés d’Épinal ou ceux de Toulouse.
Face à cet enjeu local, des associations locales se sont créées. Pourquoi leur demander d’adhérer à une structure nationale, alors que celle-ci risque de devenir une association de principe et de se lancer dans des procédures systématiques qui seront dupliquées les unes sur les autres, ce que certains cherchent justement à éviter ?
Dans l’affaire du Mediator, des associations locales auraient pu se mobiliser, même s’il est vrai que, dans ce cas précis, elles auraient pu adhérer à une confédération nationale, puisque le problème a été identifié sur l’ensemble du territoire. Néanmoins, tous les dommages n’apparaissent pas systématiquement sur tout le territoire.
Par ailleurs, le délai de trois ans paraît court au regard de la procédure judiciaire engagée, à la prise de conscience et aux démarches individuelles entreprises. Il faut au préalable un jugement sur la responsabilité pour que les éventuelles victimes réalisent qu’elles entrent dans le champ de ce jugement, prennent conscience des dommages qu’elles ont subis, se rapprochent d’associations.
Après en avoir débattu avec la Chancellerie et les structures juridiques et judiciaires habilitées, il nous semble que le délai de cinq ans est à la fois raisonnable et responsable.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, rapporteur pour avis.
M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Pourquoi se limiter aux associations locales alors que, dans un certain nombre de cas, celles-ci n’ont pas les moyens d’agir ni de mener à son terme une action de groupe ?
Pour avoir auditionné diverses associations en tant que rapporteur pour avis de la commission des lois, je puis témoigner que celles-ci n’ont pas fait montre d’une volonté excessive de jouer un rôle de premier plan dans ce cadre. Pour la commission des lois, le danger, c’est qu’une association locale se saisisse la première d’un sujet, se voie déboutée et que cela ferme la porte à toute action future.
Madame la ministre, vous avez affirmé qu’une association locale était mieux à même d’agir quand il s’agissait d’un sujet local et vous avez cité l’affaire des irradiés d’Épinal. Même dans une affaire comme celle-ci, on peut imaginer qu’une association locale demande à la structure nationale à laquelle elle se rattache d’engager l’action de groupe. Dans la mesure où l’on compte plus de cent associations nationales contre quatre cents associations locales, des rattachements sont envisageables.
Le rétablissement du délai de cinq ans ne paraît pas souhaitable, et ce pour deux raisons.
D’une part, et la commission des lois y est très attentive, cela prolongerait la situation d’incertitude liée au risque de contentieux dans laquelle serait placée l’entreprise défenderesse. Il faut trouver un équilibre raisonnable entre les droits ouverts par l’action de groupe et la nécessité pour l’entreprise de ne pas vivre dans l’incertitude trop longtemps.
D’autre part, les amendements de la commission des affaires sociales et de la commission des lois ont permis des avancées sensibles. La rédaction de l'article 45 a été modifiée pour autoriser l’engagement d’une nouvelle action de groupe, lorsque celle-ci ne porte pas sur la réparation des mêmes préjudices qu’une action précédente. C’est un progrès notable, car des victimes de seconde génération – par exemple, les victimes du Distilbène – pourront profiter d’une telle disposition. Puisqu’une deuxième action de groupe est permise, il n’est pas nécessaire de prolonger outre mesure la possibilité d’engager une action de groupe.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Pour avoir été vice-présidente de la mission commune d’information sur le Mediator, j’avoue être hostile à tout ce qui restreint l’action de groupe et ne comprends pas la frilosité dont on fait preuve à l’égard de cette possibilité, tellement attendue par les victimes.
Annie David a évoqué le cas de l’amiante. S’il y a bien un problème que l’on connaît dans l’Orne et le Calvados, avec ce que l’on appelle « la vallée de la mort », c’est bien celui-là ! Des salariés de Moulinex ne sont toujours pas indemnisés. Et c’est un problème local, mes chers collègues !
On parle d’incertitude pour les entreprises. Pour ma part, j’aimerais parler d’incertitude pour les victimes : certaines d’entre elles attendent la prise en charge de leurs problèmes médicaux dix ans ou quinze ans.
Pour toutes ces raisons, je voterai l’amendement n° 482.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. L’article 45 constitue une importante contribution à la modernisation de notre système de santé. L’action de groupe existe dans un grand nombre de pays d’Europe et aux États-Unis. Grâce à elle, le malade, le consommateur ne se retrouve pas seul devant un grand groupe, notamment pharmaceutique. Par conséquent, il ne faut pas sous-estimer la portée de cet article, qui consacre le principe d’une action de groupe à la française.
Pour ce qui est du rôle des associations, le débat s’est ouvert entre nous de savoir si sont seules autorisées à agir les associations nationales ou si cette possibilité est ouverte aux associations régionales.
Mme la ministre l’a souligné, il arrive que les problèmes de santé soient très localisés. C’est pourquoi il ne faut pas limiter l’innovation prévue à cet article ; bien au contraire, il faut lui donner toute son ampleur. L’expérience montre qu’il est utile que les malades puissent se défendre et, à ce titre, accéder à l’action de groupe.
La mesure prévue à l'amendement n° 482 a donc toute sa place et donnera à l’action de groupe sa vraie dimension. Il serait dommage de la limiter en ramenant le délai à trois ans. Surtout, il faut que les associations locales et régionales puissent lancer des actions de groupe aux côtés des malades et des consommateurs.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Pour ma part, je voterai cet amendement.
L’article 45, qui instaure cette possibilité d’action de groupe, est très important et très attendu. Cela étant, il faut tenir compte de la réalité des situations.
Dans les faits, quand il s’agit de produits de santé, les victimes sont le plus souvent des malades, c’est-à-dire des personnes affaiblies. Elles habitent parfois très loin de Paris et, isolées, peuvent ne pas disposer de tous les moyens de communication. Il convient de tenir compte de leur situation particulière et de leur laisser le choix de se faire représenter par des associations locales ou régionales, lorsque celles-ci existent et sont actives, ou de s’adresser directement à des associations nationales. N’ajoutons pas à leurs problèmes des difficultés logistiques.
De même, le délai de trois ans est trop court. Ceux qui connaissent des victimes du Mediator savent que c’est très compliqué pour elles, car elles sont malades. Trouver les bons interlocuteurs et décider d’engager les démarches prend du temps. Dans ces conditions, pourquoi ne pas sereinement conserver le délai de cinq ans ?
Il a été question de l’incertitude des entreprises, mais il faut aussi penser à la situation des victimes. Il ne faudrait pas qu’elles aient l’impression qu’on ne leur laisse pas le temps de demander justice et réparation.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Dans cette affaire, madame la ministre, mes chers collègues, le mieux risque d’être l’ennemi du bien.
Nous touchons là un domaine où l’émotionnel est extrêmement important. Comme vous le savez, la plupart des malades, quelle que soit leur affection, ont tendance à devenir médecins. Avec cet amendement, on risque de remplacer les médecins par des juges.
Pour moi, le délai de trois ans est valable. Quant aux associations, il me semble que, plus on éloigne l’organe qui alerte, plus on échappe à cette force de l’émotionnel qui est si prégnante, surtout dans le domaine de la santé. Il n’est qu’à regarder autour de nous le nombre de personnes qui veulent tout simplement savoir comment elles doivent se soigner.
Par conséquent, dans ce domaine, il ne faut pas aller trop loin. Cet amendement, très séduisant à première vue, présente des dangers importants. C’est pourquoi je ne le voterai pas.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. En toute logique, le groupe CRC votera cet amendement, comme je l’ai annoncé en m’exprimant sur l’article. À voir le résultat du travail accompli par la commission, on a la sensation que les victimes ne sont pas véritablement prises en compte.
Mme Catherine Deroche et M. Alain Milon, corapporteurs. Ce n’est pas vrai !
Mme Annie David. C’est en tout cas ce que l’on ressent.
Contrairement à ce que pense François Fortassin, réduire le délai ne permet pas d’échapper à l’émotion. En revanche, le porter à cinq ans permettra aux victimes d’être mieux reconnues et leur donnera le temps de constituer leur dossier pour être indemnisées par la suite.
Aline Archimbaud a très bien expliqué pourquoi il ne fallait pas brider les associations locales et n’autoriser que les structures nationales à engager des actions de groupe.
Il serait dommage que l'article 45 soit adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission : ce serait rogner sur la belle avancée que constituait sa version initiale, notamment en termes de droits des victimes à se faire reconnaître en tant que telles et à être indemnisées.
C’est sans doute un point de désaccord avec vous, mesdames, messieurs les rapporteurs, mais c’est bien ce que nous ressentons.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois.
M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois. Je me sens obligé de réagir à ce que je viens d’entendre. Il semble qu’il y ait un malentendu.
Relisons le texte.
L’alinéa 18 de l'article 45 précise que « le juge fixe le délai dont disposent les usagers du système de santé [...] pour adhérer au groupe à fin d’obtenir la réparation de leurs préjudices. Ce délai, qui ne peut être inférieur à six mois ni supérieur à trois ans, commence à courir à compter de l’achèvement des mesures de publicité ordonnées ». Comment, dans ces conditions, soutenir que l’on cherche à brider les victimes ?
Madame Archimbaud, les plus faibles des faibles, les humbles, ceux que, comme nous, vous souhaitez protéger, auront trois ans à compter de la mesure de publicité pour adhérer à l’action de groupe. On va donc signaler à ces personnes qu’elles peuvent adhérer ; elles n’auront même pas à se déplacer pour ce faire.
Il y a des choses que l’on peut entendre, d’autres non. De tels propos traduisent selon moi une certaine méconnaissance du dispositif tel qu’il figure dans le projet de loi.
Loin de nous l’idée de vouloir restreindre la possibilité pour qui que ce soit d’adhérer à une action de groupe. Je le répète : nous soutenons l’action de groupe. Nous avons simplement souhaité instaurer un bon équilibre entre les droits des patients d’engager une telle action et ceux de l’entreprise dont la crédibilité est mise en doute et qui, si elle sait assumer ses responsabilités, souhaite cependant voir s’éteindre un jour une affaire malheureuse la concernant.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je remercie M. le rapporteur pour avis de la commission des lois d’avoir réaffirmé le soutien de la commission à l’action de groupe.
Permettez-moi de revenir sur les associations. Il est important de réintroduire la possibilité pour les associations agrées à l’échelon régional d’engager une action de groupe.
Mme la ministre a évoqué les cas des irradiés d’Épinal et de Toulouse. Ces deux affaires gravissimes – et nous ne sommes pas là dans l’émotionnel, mon cher collègue –, avaient véritablement un caractère régional. Autoriser les associations régionales à engager une action de groupe permettrait peut-être d’éviter une certaine surenchère médiatique et de porter une affaire à un niveau auquel elle ne devrait pas être portée. De nombreux sujets sont propres à un territoire, à une région, à une zone délimitée.
Il me paraît donc important, je le répète, que les associations agrées au niveau régional puissent engager une action de groupe.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je n’en avais pas l’intention, mais le débat qui vient de s’instaurer me pousse à intervenir.
J’entends bien les arguments de M. le rapporteur pour avis, qui a indiqué que la commission avait cherché à trouver un bon équilibre entre l’intérêt des patients et celui des entreprises. Toutefois, sur le délai pendant lequel l’adhésion au groupe est possible, je ne vois pas pourquoi il faudrait le réduire à trois ans. Rien ne le justifie.
Il est vrai, comme cela a été beaucoup dit, qu’il faut du temps, lorsqu’on est touché par un drame, pour dépasser ce que l’on vit et pour oser entamer des démarches. Réduire le délai ne facilitera pas les choses. Il me paraît au contraire important de conserver le délai initialement prévu.
Soutenir les patients, c’est, pour emprunter un mot célèbre, laisser du temps au temps.
De même, il est difficile pour les patients qui vivent ces situations dramatiques de s’adresser aux seules associations nationales. Ils ont besoin d’un lien de proximité, à l’échelon régional, voire parfois à l’échelon local. Pourquoi rendre encore plus compliquées des démarches qui le sont déjà suffisamment ? C’est sur ces points que portent nos désaccords.
Pour notre part, nous soutiendrons cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Madame David, vous n’avez pas le droit de vous targuer de détenir le monopole du soutien aux victimes. Si nous ne nous étions pas du tout préoccupés de leur sort, nous aurions soutenu l’amendement de notre collègue Jean-Pierre Grand, qui visait purement et simplement à supprimer l’article !
Nous soutenons l’action de groupe en matière de santé. Nous avons simplement adapté l’article 45.
Je le rappelle, alors qu’on a voulu un temps calquer l’action de groupe en matière de santé sur l’action de groupe en matière de consommation, même si les sujets sont bien différents et si les enjeux et les conséquences ne sont pas les mêmes, le délai pour les actions de groupe en matière de consommation est de six mois, contre trois ans ici pour les actions de groupe en matière de santé.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. J’ai écouté attentivement les échanges qui viennent d’avoir lieu.
Je ne m’attarderai pas sur la question des délais. Comme je l’ai dit, et comme l’ont également dit de nombreux intervenants, il faut du temps. Certains patients réagissent rapidement face à des enjeux de santé de ce type, d’autres ont besoin de davantage de temps.
Je reviendrai en revanche plus longuement sur les associations.
À écouter le débat, on pourrait imaginer qu’il y a, d’un côté, ceux qui défendent les associations nationales, lesquelles seraient structurées, organisées, donc limitées en nombre, même si celui-ci est déjà assez important, et, de l’autre, ceux qui défendent de petites structures, lesquelles seraient plus promptes à engager des procédures, seraient moins stables ou moins solides. Je dois dire que je ne sais pas très bien quelle est la raison qui amène la commission à adopter une position si restrictive.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi introduit ce qui n’allait de soi ni pour les associations, ni pour les juristes – sans parler des pays étrangers -, à savoir la notion d’agrément. Seules des associations agréées, répondant donc à un cahier des charges, pourront engager une action de groupe. Les associations locales qui seront agréées ne seront pas de petites associations s’inscrivant dans une logique strictement réactive et émotionnelle – encore que, sur ces sujets, un peu d’émotion ne soit pas totalement inutile – et se contentant d’organiser des réunions de victimes venues échanger sur leurs difficultés. Il s’agira de structures agréées et satisfaisant à un ensemble de conditions, ayant notamment la capacité juridique de porter des débats.
J’insiste sur ce point, car certains pourraient se dire que, dans l’intérêt même de l’action de groupe, il ne serait pas sérieux de prétendre que l’on peut trouver les ressources nécessaires dans une petite ville ou dans une région. Or la ressource aura été identifiée auparavant, et c’est aussi pour cela que du temps est nécessaire.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je me souviens que, en 2006, le Vidal indiquait que le Mediator pouvait être prescrit pour faire baisser le taux de triglycérides. J’avais d’ailleurs lu des publications allant dans ce sens et les médecins généralistes renouvelaient les prescriptions des spécialistes.
À l’époque, un spécialiste que j’avais interrogé m’avait dit qu’il valait peut-être mieux ne plus prescrire le Mediator, car, selon une publication, des atteintes valvulaires étaient à craindre. J’ai ensuite appris que ce médicament avait été retiré du marché en Espagne et en Italie. Cette affaire a tout de même été un choc pour de nombreux médecins, et surtout pour les malades.
J’entends bien les arguments de la commission, mais, pour ma part, je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, corapporteur. Comme Mme la ministre, j’ai écouté ce débat avec beaucoup d’attention. Je ne reviendrai pas sur le sujet des associations nationales ou locales, agréées ou non.
Je souhaite juste relire l’alinéa 18 de l’article, qui prévoit que « le juge fixe le délai dont disposent les usagers du système de santé, remplissant les critères de rattachement et souhaitant se prévaloir du jugement prévu à l’article L. 1143-3, pour adhérer au groupe afin d’obtenir la réparation de leurs préjudices. Ce délai, qui ne peut être inférieur à six mois ni supérieur à trois ans, commence à courir à compter de l’achèvement des mesures de publicité ordonnées ». Cela signifie que, même si le délai maximum était porté à cinq ans, le juge pourrait décider de le fixer à six mois. Mais cela ne vous gêne pas !
M. Alain Fouché. Bonne question !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le rapporteur, quelle que soit la durée maximale fixée dans la loi – trois ans ou cinq ans – le juge pourra décider de fixer un délai inférieur, jusqu’à six mois.
M. Alain Milon, corapporteur. Ce n’est pas ce que l’on dit !
Mme Marisol Touraine, ministre. En revanche, si le délai maximal est prévu à cinq ans dans la loi, le juge pourra le fixer à quatre ans. Il aura donc la possibilité de fixer un horizon plus lointain. Ce n’est pas parce que l’on peut le moins qu’on ne peut pas le plus !
Mme Laurence Cohen. Exactement !
M. Alain Fouché. Il ne s’agit pas d’un « horizon » : on parle ici d’un délai !
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, corapporteur. J’entends bien ce que dit Mme la ministre. Je constate juste que cela ne gêne personne que le juge puisse fixer le délai à six mois ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 482.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales. (Exclamations sur différentes travées.)
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 265 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 157 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Je suis saisi de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 816, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Après la référence :
L. 1114-1
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
ou toute personne justifiant d’un intérêt à agir peut agir en justice afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des usagers du système de santé placés dans une situation identique ou similaire et ayant pour cause commune :
II. – Après l’alinéa 8
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« 1° Un manquement d’un producteur ou d’un fournisseur de l’un des produits mentionnés au II de l’article L. 5311-1 ou d’un prestataire utilisant l’un de ces produits à leurs obligations légales ou contractuelles ;
« 2° Une défaillance du système de santé ;
« 3° Une origine environnementale ;
« 4° Un accident du travail ou une maladie professionnelle.
III. – Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L’article 45 instaure une procédure d’action de groupe en réparation des préjudices corporels causés par l’utilisation de produits de santé.
Ce dispositif est nécessaire, et nous en saluons la création. Nous avons tous en mémoire l’affaire des prothèses PIP et les nombreux scandales sanitaires qui auraient pu être évités, ou pour le moins limités, si l’action de groupe en santé avait été possible.
Comme l’a dit notre collègue Annie David, cet article est positif, mais il comporte, à nos yeux, deux limites que nous souhaitons dépasser par l’amendement que je vous présente.
D’abord, cet article limite la possibilité de mener une action de groupe aux seules associations agréées d’usagers du système de santé. Nous proposons d’étendre cette faculté à « toute personne justifiant d’un intérêt à agir » : des patients, des riverains victimes d’une pollution, des syndicats de travailleurs constatant une récurrence d’accidents du travail, etc.
Ensuite, le présent article ne vise que les dommages causés par les produits de santé défaillants. Or, il existe une grande diversité de dommages à même de donner lieu à des actions de groupe.
Nous proposons donc d’ajouter la possibilité de mener une action de groupe pour des dommages causés par une défaillance du système de santé, ou un problème environnemental, ou encore un accident du travail ou une maladie professionnelle. Cela nous ramène au précédent débat.
Cet amendement s’appuie notamment sur le scandale de l’amiante. Nous ne pouvons négliger le rôle qu’aurait pu avoir une action de groupe pour alerter, agir et mettre fin à ce drame sanitaire.
Tel est le sens de notre amendement.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 818 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 930 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 8, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, ou un manquement à une obligation légale, réglementaire ou contractuelle d’un professionnel, d’un établissement et réseau de santé, d’un organisme d’assurance maladie, d’une autorité sanitaire ou tout autre organisme participant à la prise en charge
II. – Alinéa 9
1° Supprimer le mot :
ne
et le mot :
que
2° Après les mots :
dommages corporels
insérer les mots :
, moraux et matériels
III. – Alinéa 14
Après les mots :
dommages corporels
insérer les mots :
, moraux et matériels
IV. – Alinéa 21, deuxième phrase
Remplacer les mots :
du dommage
par les mots :
du ou des dommages
V. – Alinéa 30
1° Remplacer le mot :
subi
par les mots :
été exposées à
2° Après le mot :
corporel
insérer les mots :
, matériel ou moral
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 818.
Mme Annie David. Comme ma collègue Laurence Cohen vient de l’indiquer, l’article 45 du projet de loi va selon nous dans le bon sens ; il nous paraît néanmoins insuffisant, les possibilités d’action restant limitées aux dommages causés par des produits de santé.
On omet ainsi la question de l’accès aux droits et à la santé, et on exclut donc les dommages, y compris moraux, qui pourraient être causés par des dysfonctionnements du système de santé, dysfonctionnements à même d’entraver l’accès aux soins pour certaines catégories de la population.
Or nous constatons déjà, pour certaines personnes ou certains groupes de populations, de véritables freins dans l’accès à la prévention, aux soins et aux droits. Ces barrières sont multiples et peuvent se cumuler : barrières sociales, administratives, financières. Elles ont conduit près de 30 % de nos concitoyennes et de nos concitoyens à renoncer à des soins récemment. Elles expliquent par ailleurs que 11 % de l’activité du Défenseur des droits porte sur des questions de santé.
L’action de groupe pourrait être un moyen utile d’agir contre ces inégalités de santé et cette défaillance dans l’accès aux soins. Elle permettrait, par exemple, aux personnes confrontées à un même fait, comme le refus de soins, d’être moins isolées dans leurs démarches pour faire valoir leurs droits.
Tel est le sens de cet amendement, que nous vous invitons à adopter.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 930.
Mme Aline Archimbaud. Il est proposé d’élargir l’action de groupe aux entraves à l’accès à la santé liées à des manquements à une obligation légale.
Pour diverses raisons, certaines personnes, en particulier celles qui ont le moins les moyens de se défendre, se voient refuser des droits. C’est parfois pour elles un véritable parcours du combattant, nous l’avons constaté, que de se faire ouvrir certains droits.
Cet amendement vise non pas à créer de nouveaux droits, mais à faire de l’action de groupe un outil permettant de mieux faire valoir les droits existants et donc d’y accéder lorsqu’ils sont indûment refusés.
L’action de groupe est aussi un moyen de lutter contre l’isolement, dont les plus démunis sont souvent de surcroît victimes dans leurs démarches, ce qui les pousse fréquemment à renoncer au contentieux et, ceci expliquant cela, à l’accès aux droits.
M. le président. L'amendement n° 435, présenté par M. Malhuret, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’action porte sur l’indemnisation intégrale des préjudices subis par des usagers du système de santé.
La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Cet amendement vise à remédier à un certain nombre de paradoxes dans la proposition qui nous est faite.
Tout d’abord, en limitant l’indemnisation aux seules conséquences corporelles d’un produit de santé, le projet de loi exclut de fait toute une série de préjudices qui sont pourtant indemnisés lorsque les victimes recourent aux tribunaux lors d’actions individuelles ou à l’ONIAM.
Les tribunaux et l'ONIAM indemnisent actuellement les préjudices résultant d’un produit de santé en appliquant la « nomenclature Dintilhac ». Cette nomenclature recense l’ensemble des postes de préjudices liés aux dommages corporels reconnus par le droit français. C’est une garantie pour la victime d’obtenir l’indemnisation intégrale de ses préjudices.
Donc, tout en créant l’action de groupe, initiative que je salue, vous lui enlevez du même coup une grande partie de son intérêt, les victimes sachant à l’avance qu’en cas de succès de leur action leur indemnisation sera inférieure à celle qu’elles pourraient obtenir en suivant une autre voie.
J’ajoute - c’est un point annexe, mais important – que, si l’indemnisation se limite aux seuls dommages corporels, c’est bien entendu la sécurité sociale qui paiera tout ou partie du reste, c'est-à-dire tous les soins découlant des préjudices autres que corporels. C’est dans ce cadre que des caisses d’assurance maladie engagent des actions contre le laboratoire Servier. Or je suppose, madame la ministre, que ce n’est pas ce que vous souhaitez.
C’est pourquoi je propose d’intégrer la référence à l’indemnisation intégrale dans l’action de groupe, afin de garantir la pertinence de cette nouvelle voie procédurale.
Enfin, il me semble que l’alinéa est mal rédigé. Il est indiqué que l’action ne peut porter que sur la réparation des préjudices résultant de dommages corporels, ce qui laisse entendre que la réparation serait limitée à ces derniers. Or, à mon avis, un juge pourra tout à fait estimer ultérieurement que cela recouvre l’intégralité des préjudices. Cet alinéa me paraît donc contradictio in adjecto.
M. le président. L'amendement n° 1131 rectifié, présenté par MM. Cornano, Antiste et Cazeau, Mme Jourda et M. Patient, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Remplacer les mots :
la réparation des préjudices
par les mots :
la réparation pleine et entière des préjudices de toute nature, y compris moraux
La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. En limitant l’indemnisation aux seules conséquences corporelles d’un produit de santé, le projet exclut de fait toute une série de préjudices qui sont pourtant d’ores et déjà indemnisés par les tribunaux ou par l’ONIAM.
Le risque est de mettre en œuvre une nouvelle voie procédurale qui ne présentera pas l’intérêt recherché pour les usagers de santé, ce qui pourrait conduire les victimes à se détourner de l’action de groupe.
Dans la pratique, la nomenclature posée par le rapport Dinthillac, utilisée par les tribunaux comme par l’ONIAM, recense l’ensemble des postes de préjudices liés aux dommages corporels reconnus par le droit français.
C’est une garantie pour la victime d’obtenir une indemnisation intégrale de ses préjudices et il est important que ces principes puissent continuer à s’appliquer dans cette nouvelle procédure qu’est l’action de groupe en matière de santé.
M. le président. L'amendement n° 1176 rectifié, présenté par Mme Laborde, M. Guérini, Mme Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Après le mot :
réparation
insérer le mot :
intégrale
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Je considère que l’amendement a été largement défendu. Je souscris pleinement aux arguments qui ont été avancés par mes collègues.
M. le président. L'amendement n° 235 rectifié sexies, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa et Cantegrit, Mme Garriaud-Maylam, MM. Cadic et Commeinhes, Mme Estrosi Sassone, M. Houel, Mme Lamure, MM. Laufoaulu et Malhuret, Mme Micouleau et MM. Pillet, Saugey et Vasselle, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Après les mots :
réparation des préjudices
insérer les mots :
, y compris moraux,
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Cet amendement rédactionnel de ma collègue Jacky Deromedi vise à introduire une clarification : les préjudices moraux sont également couverts par l'action de groupe en santé.
M. le président. L’amendement n° 413, présenté par M. Bignon, n’est pas soutenu.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 437 est présenté par M. Malhuret.
L'amendement n° 1181 rectifié est présenté par Mme Laborde et MM. Guérini et Requier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Claude Malhuret, pour présenter l'amendement n° 437.
M. Claude Malhuret. Le présent amendement porte sur un autre sujet, même s’il est inclus dans la même discussion commune.
En France, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé n’a pas permis d’améliorer la situation des victimes, ou en tout cas pas suffisamment. C’est notamment toujours sur la victime que repose la charge de la preuve, malgré l’impossibilité pour elle, dans de nombreux cas, d’accéder aux données scientifiques détenues par les fabricants.
De surcroît, engager la responsabilité des firmes pharmaceutiques est devenu particulièrement difficile depuis la transposition, en 1998, d’une directive européenne de 1985 concernant la responsabilité du fait des produits défectueux des fabricants.
En plus d’avoir à démontrer le lien entre la prise des médicaments et la survenue d’un effet indésirable, autrement dit l’imputabilité, les victimes doivent désormais démontrer aussi la défectuosité du médicament, c'est-à-dire le fait qu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre.
On se trouve donc en face d’une serrure à double verrou où un seul verrou peut être débloqué à la fois : soit l’effet indésirable est connu et précisé dans la notice, et la démonstration d’imputabilité est possible, mais le produit n’est pas considéré comme défectueux, puisque le patient, ou en tout cas le médecin, était averti de sa survenue potentielle ; soit l’effet indésirable, absent de la notice, n’est pas encore connu et il est alors quasi impossible pour la victime de démontrer l’imputabilité de ces dommages au médicament.
À titre de comparaison, dans le domaine de la consommation, supposons qu’un constructeur automobile, allemand par exemple, écrive dans ses instructions que le taux de CO2 rejeté par le moteur diesel que vous avez acheté est peut-être supérieur à ce qui est annoncé dans la brochure,…
M. Yves Daudigny. C’est provocateur !
M. André Reichardt, rapporteur pour avis. Hypothèse d’école…
M. Claude Malhuret. … il serait, par analogie, indemne de poursuites. Vous voyez qu’il y a là un vrai problème.
Il est donc important que la charge de la preuve soit considérablement allégée afin de conforter les victimes. Celles-ci pourraient apporter un faisceau d’éléments permettant de présumer qu’un produit de santé est impliqué dans leur dommage. La conséquence entre le dommage et un effet indésirable des produits ou un risque pourrait alors présumer l’imputabilité lorsque cet effet ou ce risque est mentionné dans la présentation du produit en cause.
Il me semble important d’inverser la charge de la preuve dans ce cas.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 1181 rectifié.
Mme Françoise Laborde. L’alinéa 14 prévoit que « Le juge détermine les dommages corporels susceptibles d’être réparés pour les usagers constituant le groupe qu’il définit. » Cette formulation, cela a été dit, semble trop restrictive, car elle exclut les éventuels dommages imprévus qui surviendraient à moyen et à long terme.
En effet, le juge ne peut pas, au moment de la création du groupe, déterminer les préjudices, qui ne seront le plus souvent établis qu’après l’expertise médicale.
C’est la raison pour laquelle nous vous proposons également de supprimer l’alinéa 14.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les neuf amendements restant en discussion ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 816 vise à étendre le périmètre de l’action de groupe : d’une part, il tend à ouvrir l’action à d’autres personnes que les seuls usagers du système de soins ; d’autre part, il a pour objet d’élargir son champ aux dommages sanitaires d’origine environnementale et aux maladies professionnelles.
Certaines des préoccupations exprimées dans l’objet de l’amendement pourront être satisfaites en pratique. Il est tout à fait envisageable, tout d’abord, que se constitue une association de personnes qui s’estimeront victimes de défaillances du système de santé. Par ailleurs, les dommages subis du fait de certaines expositions dans le cadre professionnel, comme dans le cas de l’amiante, font d’ores et déjà l’objet de dispositifs d’indemnisation spécifiques.
En tout état de cause, la procédure de l’action de groupe est encore mal connue en France, puisqu’elle n’existe que depuis peu et est susceptible de créer une forte insécurité juridique. Il paraît donc plus sage, au moins dans un premier temps, de s’en tenir au périmètre qui nous est proposé par l’article 45, et qui couvre déjà un champ très large.
La commission demande donc le retrait de l'amendement n° 816 ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
L’amendement n° 818 vise à élargir le champ de l’action de groupe en santé en l’étendant notamment aux dommages matériels et moraux. Il est identique à l’amendement n° 930.
L’équilibre de la rédaction proposée fait globalement consensus ; il repose sur la survenue d’un dommage corporel, lequel est bien plus facile à constater et à prouver que le dommage moral. J’insiste cependant sur un point : que le dommage lui-même soit de nature corporelle n’exclut pas que la réparation porte sur l’ensemble des chefs de préjudice associés à ce dommage, y compris, notamment, les préjudices moraux ou patrimoniaux.
Je vous propose donc de nous en tenir, ici encore, au périmètre prévu dans le texte.
En conséquence, la commission sollicite le retrait des amendements identiques nos 818 et 930. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 435, présenté par M. Malhuret, tend à revenir sur la limitation de l’action de groupe aux dommages corporels. Je ne peux que répéter ici les arguments développés précédemment. Par ailleurs, cet amendement pose un problème de rédaction, dans la mesure où le principe, en matière de réparation des préjudices, est toujours celui de la réparation intégrale.
En conséquence, l'avis est défavorable.
La commission émet également un avis défavorable sur les amendements nos 1131 rectifié et 1176 rectifié, pour les mêmes raisons.
L’amendement n° 235 rectifié sexies vise à étendre le champ de l’action de groupe en santé à la réparation des préjudices moraux. Cette précision est inutile. Ainsi que je l’ai indiqué précédemment, la nature corporelle du dommage n’exclut pas que la réparation porte sur l’ensemble des chefs de préjudice associés à ce dommage, ce qui inclut notamment les dommages moraux et patrimoniaux.
En conséquence, l'avis est défavorable.
Les amendements identiques nos 437, présenté par M. Malhuret, et 1181 rectifié, présenté par Mme Laborde, visent à supprimer la détermination par le juge du champ des dommages corporels susceptibles d’être réparés dans le cadre de l’action de groupe.
Il apparaît, à la lecture de l’objet de ces amendements, que les auteurs opèrent une confusion entre la notion de dommage et celle de préjudice, que nous nous étions pourtant efforcés de distinguer dans le cadre de la loi sur la consommation.
Je rappelle que l’action de groupe, en matière de santé comme en matière de consommation, comporte deux phases nécessaires et successives. Au cours de la première phase, il s’agit pour le juge de circonscrire le périmètre de l’action de groupe à partir des différents dommages constatés sur les victimes et de statuer sur la responsabilité du défendeur dans la survenue de ces préjudices. Au cours de la seconde phase est examinée la réparation individuelle des préjudices afin d’assurer l’indemnisation des victimes.
La commission sollicite donc le retrait de ces deux amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je partage l’analyse de Mme la rapporteur.
L’amendement n° 816 vise à élargir le champ de l’action de groupe au-delà des seuls dommages résultant de l’usage de produits de santé. La question de l’amiante, que vous évoquez régulièrement, madame la sénatrice, ne peut laisser insensible, bien évidemment.
Toutefois, nous ne sommes pas allés au terme des analyses qui nous permettraient de déterminer le cadre dans lequel des actions de groupe pourraient être engagées dans de telles situations.
Il est donc prématuré de vouloir introduire de nouveaux mécanismes dans ce projet de loi de modernisation de notre système de santé. En revanche, il pourrait être envisagé de les introduire dans le projet de loi relatif à la justice du XXIe siècle, qui sera débattu prochainement.
En conséquence, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 816.
Plusieurs amendements portent ensuite sur la question des préjudices pris en compte.
Je reprendrai la distinction, précédemment évoquée, entre dommage et préjudice.
Si un dommage corporel doit exister pour que l’action de groupe puisse être engagée, les préjudices résultant de ce dommage corporel peuvent être très divers – il peut s’agir par exemple d’un préjudice moral, et on pense à l’anxiété –, et ils ouvrent droit à une réparation qui, en tout état de cause, sera définie sur une base individuelle et intégrale. La nomenclature Dintilhac, issu du rapport du même nom, sera totalement applicable à l’ensemble des situations que nous évoquons.
Je sollicite donc le retrait des amendements nos 818, 930, 435, 1131 rectifié, 1176 rectifié et 235 rectifié sexies.
L’amendement n° 437, présenté par M. Malhuret, et l’amendement identique n° 1181 rectifié, défendu par Mme Laborde, sont, eux, légèrement différents. Le régime applicable à la charge de la preuve n’est pas modifié à l’occasion de l’introduction de l’action de groupe. On ne peut donc pas dire qu’une personne serait pénalisée en s’engageant dans une action de groupe au lieu de rester dans le cadre d’une action individuelle, où elle bénéficierait d’une meilleure prise en considération.
En réalité, il n’y a aucune incidence de l’action de groupe sur la nature du régime de responsabilité.
Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements identiques nos 437 et 1181 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 818 et 930.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. Olivier Cadic. Monsieur le président, je retire l’amendement n° 235 rectifié sexies !
M. Claude Malhuret. Je fais de même pour l’amendement n° 437 !
Mme Françoise Laborde. Et je retire l’amendement n°1181 rectifié !
M. le président. L’amendement no 235 rectifié sexies, ainsi que les amendements identiques nos 437 et 1181 rectifié sont retirés.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 853 rectifié est présenté par Mmes Aïchi, Archimbaud et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 862 rectifié est présenté par MM. Amiel, Mézard et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 9
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 1143-1-… – Au moins deux usagers visés à l’article L. 1143-1 peuvent agir directement en justice sans passer par une association ou à la place d’une association dans l’un des cas suivants :
« 1° Il n’existe pas d’association compétente ou ayant intérêt à agir ;
« 2° L’association reste inactive et n’agit pas en justice même quinze jours après mise en demeure par les usagers susvisés ;
« 3° L’association est dans l’impossibilité d’agir ou de continuer son action en justice ;
« 4° L’association est dans une situation de conflit d’intérêts ou de risque de ce conflit.
La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l’amendement n° 853 rectifié.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 862 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Il est défendu également, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ces deux amendements visent à supprimer, dans certains cas, l’obligation de passer par une association pour engager une action de groupe.
Le modèle français de l’action de groupe réserve à des associations agréées la qualité pour engager une action de groupe.
Il y a deux raisons à cela : d’une part, les associations jouent un rôle de filtre des actions susceptibles d’être engagées, en fonction notamment de leurs chances de succès, ce qui contribue à lutter contre l’engorgement des tribunaux ; d’autre part et surtout, compte tenu de la complexité de la procédure d’action de groupe, il est indispensable que le requérant dispose de moyens et d’une expérience suffisants. Je rappelle en effet que, si une première action de groupe échoue, c’est l’ensemble des victimes qui sont privées d’une telle voie de recours. Il importe donc de tout mettre en œuvre pour garantir les chances de succès des victimes.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Archimbaud, l'amendement n° 853 rectifié est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Oui, monsieur le président.
M. le président. Madame Laborde, l'amendement n° 862 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 853 rectifié et 862 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1180 rectifié, présenté par Mme Laborde et MM. Guérini et Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Rétablir l'article L. 1143-2 dans la rédaction suivante :
« Art. 1143-2. – S'agissant des produits de santé à usage humain, le demandeur doit prouver l'imputabilité du dommage au produit. Il peut le faire par tous moyens, notamment par des indices de nature sémiologique, clinique ou chronologique. L'imputabilité est présumée quand des études épidémiologiques ou de pharmacovigilance établissent suffisamment que la prise du produit en cause entraîne le risque de réalisation du dommage dont la réparation est demandée. Elle est également présumée lorsque le producteur du produit en notifie le risque dans la présentation du produit.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. L’une des principales difficultés pour les victimes réside dans l’établissement du lien de causalité entre l’utilisation d’un produit de santé et le dommage subi.
C’est en effet à la victime d’apporter la preuve de ce lien et non au professionnel de santé. Or il est particulièrement difficile pour les victimes d’apporter cette preuve, les éléments pertinents étant détenus par les fabricants de produits de santé.
Le présent amendement a pour objet de faciliter l’établissement du lien de causalité entre l’utilisation d’un produit de santé et le dommage subi par le patient. La démonstration du lien de causalité doit être facilitée sous peine d’écarter trop de victimes de l’indemnisation.
M. le président. L'amendement n° 436, présenté par M. Malhuret, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 1143-... – S’agissant des produits de santé à usage humain, le demandeur doit prouver l’imputabilité du dommage au produit. Il peut le faire par tous moyens, notamment par des indices de nature sémiologique, clinique ou chronologique. L’imputabilité est présumée quand des études épidémiologiques ou de pharmacovigilance établissent suffisamment que la prise du produit en cause entraîne le risque de réalisation du dommage dont la réparation est demandée. Elle est également présumée lorsque le producteur du produit en notifie le risque dans la présentation du produit.
La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. J’ai déjà défendu par erreur cet amendement à la place de l’amendement n° 437, que j’ai finalement retiré.
Je n’ai rien à ajouter à mes précédents propos ni à ceux de Mme Laborde à l’instant. Cela étant, cette présentation anticipée a permis à Mme la ministre de me répondre, disant que l’action de groupe ne changeait pas les conditions des actions individuelles ou des indemnisations prévues par l’ONIAM.
J’en suis conscient, mais je proposais justement que, à l’occasion de l’examen de l’action de groupe, nous commencions à modifier les textes s’agissant des conditions d’imputabilité et de défectuosité.
Mme la ministre me répondra sans doute que l’on ne peut pas, à l’occasion de l’examen de ces dispositions portant sur l’action de groupe, changer tout ce qui concerne l’action individuelle. Si nous voulons le faire, nous devons y réfléchir pour l’avenir.
Il est toutefois paradoxal que des effets secondaires, y compris parfois des effets secondaires graves, puissent être évoqués dans des notices – cela prouve qu’ils peuvent survenir – et que la victime ne puisse pas, de ce fait même, intenter de recours contre le fabricant, celui-ci étant exonéré de toute responsabilité par la simple publication du risque potentiel.
J’ai pris précédemment l’exemple d’un constructeur automobile allemand, et je me permets de nouveau de recourir à une autre analogie, sans doute un peu caricaturale : si les laboratoires Merck avaient précisé, dans la notice du Vioxx, que ce médicament était susceptible, dans quelques cas, de provoquer des arrêts cardiaques – c’est le cas pour d’autres médicaments autorisés aujourd’hui, mais avec un rapport bénéfice-risque pesé –, les ayants droit des 20 000 morts et les 150 000 victimes d’accidents cardiaques du Vioxx n’auraient pas pu introduire d’action de groupe aux États-Unis !
On ne réglera sans doute pas ce problème par amendement, mais il y a là, me semble-t-il, un vrai sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur cet amendement, mais je vais laisser mon collègue André Reichardt exposer le point de vue de la commission des lois.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. André Reichardt, rapporteur pour avis. Ces deux amendements visent à créer une présomption d’imputabilité propre à l’action de groupe en matière d’accidents liés à un produit de santé.
La création de l’action de groupe, faut-il le rappeler, porte exclusivement sur la procédure, et non sur le fond du droit, qui ne peut être modifié sans une réflexion et une consultation beaucoup plus larges.
L’objet de l’amendement est de faciliter l’établissement du lien de causalité jusqu’à instaurer une présomption d’imputabilité. Vous l’avez compris, mes chers collègues, une telle présomption n’existe pas à l’heure actuelle en droit français et nous ne disposons d’aucune étude d’impact sur les conséquences d’un tel renversement de la charge de la preuve.
C’est la raison pour laquelle la commission des lois a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je ferai la même réponse que M. le rapporteur pour avis.
J’entends parfaitement les arguments qui sont avancés et je comprends que la démarche des auteurs de ces amendements consiste à se servir de l’introduction de l’action de groupe dans notre droit pour modifier les règles d’imputabilité et de présomption – présomption de fait, présomption de droit, régime de la preuve, régime de responsabilité.
Toutefois, comme cela vient d’être souligné, la mise en place de l’action de groupe ne vise qu’à définir une nouvelle procédure et nous ne pouvons pas, à cette occasion, modifier des règles portant sur le fond du droit. De surcroît, je ne crois pas que la ministre chargée de la santé soit la mieux placée pour le faire !
M. André Reichardt, rapporteur pour avis. C’est dommage ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n°436.
Mme Annie David. Nous avons déposé un amendement n° 789 rectifié similaire aux deux amendements précédents, mais portant article additionnel après l’article 45, et non sur l’article 45 lui-même. Je regrette de ne pas avoir été plus vigilante puisque, de ce fait, je n’ai pas pu associer mon groupe aux deux collègues qui ont défendu ces amendements, ce qui ne nous empêche pas de les soutenir, bien entendu.
Comme les amendements nos 1180 rectifié et 436, l’amendement n° 789 rectifié vise à éviter aux victimes d’avoir à fournir la preuve du lien de causalité entre l’utilisation d’un produit de santé et le dommage subi.
Monsieur le président, à la suite des explications données par Mme la ministre, je retire d’ores et déjà cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 789 rectifié est retiré.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, j’en rappelle les termes.
L'amendement n° 789 rectifié était présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Cet amendement est ainsi libellé :
Après l’article 45
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1386-9 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« S’agissant des produits de santé à usage humain, le demandeur doit prouver l’imputabilité du dommage au produit. Il peut le faire par tous moyens, notamment par des indices de nature sémiologique, clinique ou chronologique. L’imputabilité est présumée quand des études épidémiologiques ou de pharmacovigilance établissent suffisamment que la prise du produit en cause entraîne le risque de réalisation du dommage dont la réparation est demandée. Elle est également présumée lorsque le producteur du produit en notifie le risque dans la présentation du produit. »
Je mets aux voix l'amendement n° 436.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 817, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 13
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 1143-3. – Dans la même décision, le juge constate que les conditions mentionnées à l’article L. 1143-1 sont réunies et statue sur la responsabilité du défendeur au vu des cas individuels présentés par les requérants. Il définit le groupe de personnes à l’égard desquelles une responsabilité commune est susceptible d’être engagée en fixant les critères de rattachement au groupe.
II. – Alinéa 20
Remplacer les mots :
l’association requérante
par les mots :
une majorité de requérants
III. – Alinéa 40
Remplacer les mots :
l’association requérante
par les mots :
une majorité de requérants
IV. – Alinéa 50
Remplacer les mots :
L’association peut
par les mots :
Les requérants peuvent
V. – Alinéa 59
Après la référence :
L. 1114-1
insérer les mots :
, ou toute personne justifiant d’un intérêt à agir,
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 816.
Cet amendement visait à étendre le champ de l’action de groupe tel qu’il est actuellement prévu par le projet de loi, c’est-à-dire au-delà de seules associations d’usagers du système de santé agréées et au-delà des seuls dommages subis du fait de produits de santé défaillants.
L’amendement n° 817 vise à étendre le champ d’action des actions de groupe à toute personne ayant intérêt à agir.
M. le président. L'amendement n° 929, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 13
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 1143-3. – Dans la même décision, le juge constate que les conditions mentionnées à l’article L. 1143-1 sont réunies et statue sur la responsabilité du défendeur au vu des cas individuels présentés par les requérants. Il définit le groupe de personnes à l’égard desquels une responsabilité commune est susceptible d’être engagée en fixant les critères de rattachement au groupe.
II. - Alinéa 18, première phrase
Remplacer les mots :
usagers du système de santé
par le mot :
personnes
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement est similaire à l’amendement n° 816.
Il vise à étendre le champ d’action de l’action de groupe aux défaillances existant dans toute une série de domaines, raison pour laquelle nous proposons de remplacer les mots « usagers du système de santé » par le terme de « personnes ».
M. le président. L'amendement n° 1143 rectifié, présenté par MM. Cornano et Antiste, Mme Jourda et M. Patient, n’est pas soutenu.
Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 234 rectifié quinquies est présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa et Cantegrit, Mme Garriaud-Maylam, MM. Cadic et Commeinhes, Mme Estrosi Sassone, M. Houel, Mme Lamure, M. Laufoaulu, Mmes Mélot et Micouleau et MM. Pillet, Saugey et Vasselle.
L'amendement n° 488 rectifié, présenté par MM. Marseille et Bockel, n’est pas soutenu. (Sourires.)
L'amendement n° 928 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 13, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
ainsi que tout élément permettant leur évaluation
II. – Après l'alinéa 13
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« Il précise également les conditions d'indemnisation individuelle et notamment :
« 1° Les modalités d'expertise individuelle contradictoire ;
« 2° Les conditions dans lesquelles la charge des expertises mentionnées au 1° est supportée par la ou les personnes mises en cause ;
« 3° Les conditions de formulation des offres transactionnelles individuelles aux personnes intéressées ainsi qu'aux tiers payeurs ayant supporté des frais du fait des dommages subis par ces personnes.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l’amendement n° 234 rectifié quinquies.
M. Olivier Cadic. Cet amendement tend à clarifier les conditions d'indemnisation individuelles qui doivent être fixées par le juge dans sa décision, à l'instar de ce qui est proposé par le projet de loi dans le cadre de la médiation.
En effet, en particulier pour les litiges en matière de santé, les aspects tels que les expertises individuelles, la prise en charge de ces dernières ou encore la communication d'éléments aux tiers payeurs, sont cruciaux dans la détermination des préjudices en vue de la demande de réparation et doivent être déterminés par le juge.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 928.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement tend en effet à clarifier les conditions d’indemnisation individuelle qui doivent être fixées par le juge dans sa décision, à l’instar de ce qui est proposé par le projet de loi dans le cadre de la médiation.
En particulier pour les litiges en matière de santé, les expertises individuelles, la prise en charge de ces dernières ou encore la communication d’éléments aux tiers payeurs, sont particulièrement importants dans la détermination des préjudices en vue de la demande de réparation et doivent être déterminés par le juge.
M. le président. L'amendement n° 927, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le juge détermine les modalités d’adhésion au groupe pour demander réparation et précise si les usagers du système de santé s’adressent directement à la personne reconnue responsable ou à l’association requérante, qui reçoit ainsi mandat aux fins d’indemnisation, après avoir obtenu l’accord de cette dernière, ou du tiers mentionné à l’alinéa suivant.
« Il peut également désigner un mandataire judiciaire, aux frais du professionnel, en vue d’obtenir l’indemnisation des usagers par ce dernier.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement vise à clarifier les modalités tant d’adhésion au groupe que de liquidation des préjudices.
Contrairement à ce que prévoit la loi relative à la consommation prévoit pour l’action de groupe dans les domaines qu’elle couvre, le présent projet de loi prévoit que les modalités de demande de réparation par le professionnel responsable sont laissées au libre choix de l’usager.
Cette disposition n’est pas acceptable, dans la mesure où elle laisse la porte ouverte à des demandes différentes de la part des usagers appartenant au groupe et ne permet pas une réparation dans des conditions optimales.
Cet amendement tend donc à reprendre les termes de la disposition de la loi relative à la consommation, qui confie au juge le soin de fixer dans sa décision les modalités d’adhésion au groupe pour demander réparation.
Il vise également à ce que l’association puisse être chargée de la liquidation des préjudices seulement si elle en est d’accord. Dans le cas contraire, le dispositif risque de paralyser les associations de consommateurs en leur faisant porter le poids de l’indemnisation des victimes, procédure longue et coûteuse.
En outre, l’amendement tend à clarifier la possibilité de faire assurer par un mandataire judiciaire la liquidation des préjudices en lieu et place du professionnel ou de l’association. Cela présenterait un double avantage : éviter une asphyxie des associations, qui pour la plupart n’ont pas les ressources suffisantes pour assurer la répartition des préjudices, et renforcer l’impartialité de ce mandataire, plus particulièrement vis-à-vis du professionnel, puisqu’il interviendrait directement sur désignation du magistrat.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 855 rectifié est présenté par Mmes Aïchi, Archimbaud et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 864 rectifié est présenté par MM. Barbier, Amiel, Mézard et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 50
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 1143-15. – Hors les cas où la représentation est obligatoire, l’association d’usagers du système de santé agréée doit s’adjoindre obligatoirement l’assistance d’un avocat quelle que soit la juridiction devant laquelle cette action est portée.
La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l’amendement n° 855 rectifié.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 864 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Je précise simplement qu’il s’agit de rétablir la présence de l’avocat, présence qui n’est pas une option, mais bien une obligation. En effet, l’assistance de l’avocat offre aux justiciables des garanties que seul un avocat peut leur assurer, comme le respect de la déontologie, l’assurance responsabilité civile professionnelle ou encore les compétences professionnelles d’un expert.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les sept amendements restant en discussion ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 817 vise à supprimer le filtre de l’association et à ouvrir le champ de l’action de groupe à toute personne ayant intérêt à agir.
Je me suis déjà exprimée sur la nécessité de conserver un filtre associatif, dans l’intérêt des requérants.
En outre, je m’interroge sur le caractère opérationnel de la notion de « majorité de requérants ».
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 929 tend à élargir le périmètre d’action de groupe au-delà des seuls usagers du système de santé.
La commission est également défavorable à cet amendement.
L’amendement n° 234 rectifié quinquies, défendu par M. Cadic, ainsi que l’amendement identique n° 928, défendu par Mme Archimbaud, visent à préciser dans la loi les éléments d’évaluation du préjudice sur lequel le juge est appelé à statuer. Il semble que ces précisions soient plutôt de niveau réglementaire. Nous souhaitons entendre l’avis du Gouvernement sur ce point et sur les orientations qu’il a retenues.
L’amendement n° 927 tend à confier au juge la détermination des modalités de la réparation.
Dans la rédaction de l’article 45, les victimes ont le libre choix de passer ou non par le biais de l’association pour obtenir leur indemnisation. Dans le cas où elles choisissent de ne pas le faire, il leur revient de s’adresser directement aux professionnels concernés. Dans la rédaction qui nous est proposée ici, ce libre choix serait remplacé par une décision du juge. Il n’a pas semblé opportun à la commission d’encadrer de cette manière les modalités de réparation dans le cadre d’une action mettant en jeu des préjudices très individualisés.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Les amendements identiques nos 855 rectifié et 864 rectifié visent à rendre obligatoire le recours des requérants à un avocat au stade final de la procédure, à savoir la mise en œuvre du jugement et la réparation individuelle des préjudices. Il paraît difficilement envisageable d’instituer un tel monopole dans le seul périmètre de l’action de groupe en santé alors que, de manière générale, l’exécution des décisions de justice relève plutôt des huissiers de justice. La rédaction de l’alinéa 50, qui vise « toute personne appartenant à une profession judiciaire réglementée », n’interdit pas en tout état de cause que le requérant puisse s’adjoindre les services d’un avocat, y compris à ce stade de la procédure.
La commission sollicite le retrait de ces deux amendements ; à défaut elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne reviens pas sur le choix de passer par des associations agréées pour engager la procédure, nous en avons déjà débattu. Il paraît nécessaire de donner de la cohérence, de la solidité et de la force à ces actions. À l’inverse, permettre à des individus d’engager seuls, de leur côté, des procédures revient à les priver de l’intérêt de l’action de groupe.
Les amendements nos 234 rectifié quinquies et 928 visent à préciser dans la loi les éléments d’évaluation du préjudice. Mme la rapporteur a rappelé, à juste titre, que ces précisions étaient de niveau réglementaire.
En effet, ces amendements visent à détailler tout ce qui devra figurer dans le jugement, c’est-à-dire l’évaluation des critères de rattachement, les modalités d’expertise individuelle, les conditions de leur prise en charge ainsi que les conditions de formulation des offres.
L’ensemble est sans doute bien trop détaillé pour être de niveau législatif. Cependant, le juge peut d’ores et déjà apporter les trois premières précisions dans sa décision s’il l’estime nécessaire. Et si ces précisions figurent dans la partie relative à la médiation, c’est précisément parce que, cette étape de règlement des demandes étant nouvelle, elle doit être encadrée pour que nous y voyions clair.
En ce qui concerne la dernière précision, à savoir les conditions de formulation des offres, elle ne relève pas de l’office du juge mais incombe aux responsables, et figure dans la convention d’indemnisation amiable au stade de la médiation.
Voilà pourquoi ces précisions ne sont pas de nature législative.
Par l’amendement n° 927 vous demandez que le juge détermine les modalités d’adhésion au groupe. Il me semble qu’il appartient à chaque victime, lors de la phase d’indemnisation, de décider si elle passe par l’association porteuse de l’action de groupe ou si elle s’adresse directement au responsable désigné par le juge. Cette décision incombe donc à chaque personne, notamment en raison du caractère confidentiel des données médicales, qui peuvent amener une personne à ne pas souhaiter confier son dossier à des tiers associatifs.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Les amendements identiques nos° 855 rectifié et 864 rectifié visent à rétablir la présence d’un avocat. Or cette décision dépend de la victime, qui peut choisir de recourir ou non à un avocat.
M. le président. Madame Archimbaud, les amendements nos 929, 928, 927 et 855 rectifié sont-ils maintenus ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je les retire, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos° 929, 928, 927 et 855 rectifié sont retirés.
Monsieur Cadic, l'amendement n° 234 rectifié quinquies est-il maintenu ?
M. Olivier Cadic. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 234 rectifié quinquies est retiré.
Madame Laborde, l'amendement n° 864 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 864 rectifié est retiré.
Les amendements nos 414, 415, 416 et 417, présentés par M. Bignon, ne sont pas soutenus.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 45, à deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 418, présenté par M. Bignon, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 926, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 27, seconde phrase
Après les mots :
dans la même limite
insérer les mots :
, en cas de litige complexe
II. – Alinéa 28, seconde phrase
1° Après les mots :
assisté d’une commission
insérer le mot :
paritaire
2° Après les mots :
médiation composée
insérer les mots :
à parts égales de représentants des usagers du système de santé et de représentants du monde médical
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement vise à mieux encadrer les possibilités de médiation judiciaire figurant dans le présent projet de loi. En effet, le recours à un médiateur doit être proposé par le juge seulement si les deux parties au litige ont donné leur consentement, car la médiation ne doit pas être utilisée pour allonger les procédures ou décourager les plaignants. De même, il s’agit de préciser que, en cas de convocation d’une commission par le juge pour assister le médiateur, cette dernière doit être paritaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Sur le premier point, la notion de litige complexe semble très difficile à définir et risque, de ce fait, d’être très peu opérationnelle.
Sur le second point, il n’est pas certain que la médiation aboutisse à un résultat si elle repose sur une commission paritaire. Surtout, cette précision paraît relever plutôt du niveau réglementaire.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je vous demande de retirer cet amendement, madame la sénatrice.
D’une part, je crois également que ces dispositions relèvent du domaine réglementaire et, d’autre part, j’attire votre attention sur le fait que demander qu’une commission soit paritaire me semble risqué. Il faut en effet s’assurer que toutes les parties au litige soient présentes autour de la table et le législateur ne peut pas déterminer a priori que les parties seront également représentées par des personnes appartenant aux deux sexes.
Mme la présidente. Madame Archimbaud, l’amendement n° 926 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 926 est retiré.
L’amendement n° 419, présenté par M. Bignon, n’est pas soutenu.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 854 rectifié est présenté par Mmes Aïchi, Archimbaud et les membres du groupe écologiste.
L’amendement n° 863 rectifié est présenté par MM. Barbier, Amiel, Mézard et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 47
Rédiger ainsi cet alinéa :
« En application de l’article 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, les sommes issues de la procédure d’action de groupe, au titre de l’indemnisation des victimes sont, lorsqu’un avocat représente et/ou assiste l’association, versées sur un compte ouvert par cet avocat auprès de sa caisse des règlements pécuniaires des avocats.
La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l’amendement n° 854 rectifié.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 863 rectifié.
Mme Françoise Laborde. La commission des affaires sociales a permis que les indemnisations versées aux requérants dans le cadre d’une action de groupe puissent transiter par la caisse des règlements pécuniaires des avocats, la CARPA, dès lors que l’association requérante est assistée par un avocat. Il ne s’agirait donc que d’une faculté.
Pour notre part, nous proposons que les fonds d’indemnisation transitent nécessairement par les CARPA, dès lors qu’un avocat assiste ou représente l’association. Cet amendement vise ainsi à sécuriser la circulation des fonds reçus au titre de l’indemnisation des usagers du système de santé et à assurer la traçabilité des versements.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois. Les auteurs de ces deux amendements les justifient par la nécessité d’assurer la sécurisation des fonds en confiant la gestion de ceux-ci à la CARPA. Or, selon la commission des lois, cette sécurisation est déjà bien assurée par le dépôt obligatoire sur un compte bloqué de la Caisse des dépôts et consignations, dispositif retenu pour la plupart des professions réglementées.
J’ajoute que, si l’association requérante décide de demander à son avocat de manipuler les fonds, ceux-ci passeront nécessairement par son compte CARPA.
Enfin, mes chers collègues, permettez-moi de rappeler qu’il n’est jamais obligatoire que les fonds soient remis à un avocat. Ils peuvent être remis directement au requérant, ce qui est de nature à régler la totalité des questions que vous vous posez.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Archimbaud, l’amendement n° 854 rectifié est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 854 rectifié est retiré.
Madame Laborde, l’amendement n° 863 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Non, je le retire, madame la présidente, puisqu’il nous est indiqué que les conditions d’une sécurisation optimale sont réunies.
Mme la présidente. L’amendement n° 863 rectifié est retiré.
Les amendements nos 420, 421 et 422, présentés par M. Bignon, ne sont pas soutenus.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 381 rectifié est présenté par Mme Procaccia et MM. J. Gautier et Cambon.
L’amendement n° 580 est présenté par M. Vasselle.
Ces amendements ne sont pas soutenus.
L’amendement n° 657 rectifié, présenté par MM. Husson, Mouiller, Longuet, Saugey, Paul et Laménie et Mme Hummel, n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’article 45.
(L’article 45 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 45
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 154 rectifié est présenté par MM. Barbier, Mézard, Guérini, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Requier et Vall.
L’amendement n° 620 est présenté par MM. Daudigny et Anziani, Mme Bataille, M. Berson, Mme Bonnefoy, MM. Cazeau, Madrelle, Manable et F. Marc et Mmes Monier, Schillinger et Yonnet.
L’amendement n° 788 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 1016 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L’amendement n° 1177 rectifié bis est présenté par Mme Laborde.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 45
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article 1386-12 du code civil, les mots : « ou par les produits issus de celui-ci » sont remplacés par les mots : « par les produits issus de celui-ci ou par un produit de santé à usage humain ».
L’amendement n° 154 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l’amendement n° 620.
M. Yves Daudigny. En 1998, lors de l’examen de la proposition de loi relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, transposant la directive européenne du 25 juillet 1985, de nombreux parlementaires avaient souligné le paradoxe consistant à prévoir une exonération de responsabilité des producteurs pour risque de développement dans un texte destiné à mieux protéger les victimes de produits défectueux.
Il n’avait pas non plus échappé à la commission des lois du Sénat qu’une telle exonération de responsabilité contredisait notre droit positif qui ne reconnaissait pas cette cause d’exonération relevant, selon l’analyse du Conseil d’État, du champ de la responsabilité sans faute, sinon, aux termes de l’article 1386-4 du code civil, de l’appréciation des circonstances et du moment de la mise en circulation du produit défectueux.
La commission des lois avait donc proposé de ne pas transposer cette disposition, laissée à l’appréciation des États membres. Elle estimait en effet que le régime de responsabilité en vigueur n’avait jusqu’alors ni entravé la recherche, l’innovation ou la compétitivité des entreprises ni posé de problème assurantiel. L’Allemagne a maintenu un régime d’assurance obligatoire, comme nous en avons créé un pour les accidents de la circulation ou les accidents du travail.
La commission des lois estimait également que le principe fondamental de la liberté d’entreprendre était indissociable du principe de responsabilité et que l’on ne pouvait revendiquer l’un sans assumer l’autre.
Le Gouvernement proposait, quant à lui, d’exclure de l’exonération de responsabilité pour risque de développement les éléments du corps humain, ainsi que tout autre produit de santé destiné à l’homme. C’est à ce principe que nous vous suggérons de revenir, mes chers collègues.
Le contexte du drame du sang contaminé explique certainement que seule ait alors été retenue l’exclusion des éléments du corps humain et des produits issus de celui-ci. Cependant, depuis lors, nous avons connu de nouveaux drames dus aux médicaments. Aujourd’hui, le contexte se prête malheureusement à un retour au principe de responsabilité des producteurs qui s’est appliqué, je le rappelle, jusqu’en 1998.
La création d’une action de groupe en matière de santé est une grande avancée pour les victimes, mais elle n’influe pas sur la nature du régime de responsabilité applicable. Or l’exclusion de responsabilité a priori est source de grandes complications et de parcours judiciaires longs et complexes, comme celui qui a été suivi dans l’affaire du Mediator.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 788.
Mme Laurence Cohen. La notion de risque de développement revient dans l’actualité. Il s’agit du risque non connu au moment du lancement d’un produit, qui se révèle du fait du développement ultérieur des connaissances scientifiques et techniques, ce qui permet d’établir la nocivité du produit. Les exemples sont de plus en plus fréquents, de la crise du sang contaminé à celle du Mediator, en passant par celles de la vache folle, ou de l’hormone de croissance.
La loi du 19 mai 1998 a transposé la directive européenne relative à la responsabilité liée aux produits défectueux. Elle fonde la responsabilité des fabricants de produits de santé sur les articles 1386-1 et suivants du code civil pour les produits mis en circulation après le 20 mai 1998.
Afin d’établir la responsabilité d’un fabricant de produits de santé, la victime d’un dommage corporel doit prouver son dommage, le défaut du produit et le lien de causalité entre ce dernier et le dommage subi. Or la directive européenne a prévu une exonération de responsabilité en cas de risque de développement pour le fabricant. Résultant de la transposition de ce texte en droit français, l’article 1386-12 du code civil prévoit même une exonération nationale spécifique, lorsque le dommage a été causé par un élément du corps humain ou par les produits issus de celui-ci. Cette exonération peut s’appliquer dès lors que le fabricant peut démontrer que l’état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise sur le marché ne permettait pas de déceler le défaut du produit.
Pourtant, la transposition de cette disposition était optionnelle, et tout État pouvait choisir de maintenir dans sa législation la mention selon laquelle le producteur était responsable même s’il prouvait que l’état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit par ses soins ne permettait pas de déceler l’existence du défaut.
Ainsi, le Luxembourg et la Finlande ont choisi de conserver la responsabilité pour risque de développement lié aux médicaments et aux produits alimentaires.
Le présent amendement a donc pour objet d’étendre les exceptions posées à cette exonération de responsabilité, comme le permet la directive européenne, à l’ensemble des produits de santé à usage humain.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l’amendement n° 1016.
Mme Aline Archimbaud. Il s’agit exactement du même amendement ; mes arguments sont identiques à ceux qui viennent d’être développés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 1177 rectifié bis.
Mme Françoise Laborde. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous examinons un article portant seulement sur la procédure, et non sur le fond du droit de la responsabilité.
Sans préjuger l’opportunité des amendements présentés, je précise que la commission n’a pas conduit de travaux ni d’auditions spécifiques sur le sujet. Il lui paraît donc délicat de se prononcer sur ce thème très sensible sans avoir recueilli l’analyse des différentes parties concernées.
Qui plus est, alors que l’action de groupe pourrait déjà considérablement modifier l’environnement juridique des professionnels comme des victimes, il ne lui semble pas opportun d’ajouter un nouvel élément de déstabilisation en revenant, en tout cas à ce stade, sur le fond du droit applicable.
La commission demande donc le retrait de ces quatre amendements, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. J’émets le même avis, et pour les mêmes raisons, car je ne me prononce pas au fond.
Je ferai néanmoins deux observations.
Tout d’abord, nous examinons un article de procédure, qui, comme je l’ai dit tout à l’heure, n’est pas le bon cadre pour redéfinir les fondements de la responsabilité, c’est-à-dire l’imputation du dommage et l’appréciation au fond.
D’autre part, si ces amendements étaient adoptés, nous serions face à un bouleversement significatif. Je ne dis pas qu’une telle réforme n’est pas envisageable, mais nous ne pouvons pas la faire sans concertation préalable, sans échanges, sans évaluation de ce qu’elle représenterait.
Cependant, je tiens à rassurer ceux qui ont présenté ces amendements : en France, la jurisprudence a atténué les effets de la cause exonératoire en prenant en compte les obligations d’information constante à la charge des laboratoires sur leurs produits.
Certes, il ne s’agit que de jurisprudence, et je comprends bien que l’on puisse souhaiter un cadre nouveau, mais celui-ci doit alors être déterminé dans une réflexion plus globale sur l’appréciation de la responsabilité.
Mme la présidente. Monsieur Daudigny, l’amendement n° 620 est-il maintenu ?
M. Yves Daudigny. J’y insiste, ma proposition consiste non pas à créer une situation nouvelle par rapport à celle qui existe aujourd’hui, mais à revenir à la situation antérieure.
Par ailleurs, aux termes de la directive du 25 juillet 1985, l’État membre souhaitant prévoir dans sa législation la responsabilité du producteur pour risque de développement doit en informer la Commission, qui dispose alors d’un délai de trois mois à compter de la réception de l’information pour se prononcer. Passé ce délai, sans retour de la Commission, l’État membre peut prendre immédiatement la mesure.
Enfin, je ne résiste pas à l’envie de revenir à ce débat de 1998 au Sénat, que j’ai déjà évoqué. J’ai eu beaucoup de mal à en choisir un extrait, tous les échanges étant intéressants. Mais celui-ci est frappant : M. Pierre Fauchon, alors rapporteur du texte, déclarait : « en tant que libéral moi-même, je n’imagine pas que le champ de la liberté ne puisse pas être équilibré par le champ de la responsabilité. Je n’imagine pas qu’on puisse être libre de créer et de vendre des produits tout en affirmant et en faisant proclamer dans une loi que l’on ne sera pas responsable de ce que l’on crée, de ce que l’on vend et de ce que l’on distribue. »
Cela étant, au vu des explications de Mme la ministre, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 620 est retiré.
Madame Cohen, maintenez-vous l’amendement n° 788 ?
Mme Laurence Cohen. Étant donné les explications de mon collègue, je le maintiens. (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 788, 1016 et 1177 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1017 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 1144 rectifié est présenté par MM. Cornano et Antiste, Mme Jourda et M. Desplan.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 45
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1386-9 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« S’agissant des produits de santé à usage humain, le demandeur doit prouver l’imputabilité du dommage au produit. Il peut le faire par tous moyens, notamment par des indices de nature sémiologique, clinique ou chronologique. L’imputabilité est présumée quand des études épidémiologiques ou de pharmacovigilance établissent suffisamment que la prise du produit en cause entraîne le risque de réalisation du dommage dont la réparation est demandée. Elle est également présumée lorsque le producteur du produit en notifie le risque dans la présentation du produit. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l’amendement n° 1017.
Mme Aline Archimbaud. Un amendement similaire à celui-ci a déjà été examiné voilà quelques heures lors de l’examen d’un autre article, et il n’a pas été adopté ; tous deux portent sur la preuve du lien causal. Par conséquent, je retire le présent amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 1017 est retiré.
L’amendement n° 1144 rectifié n’est pas soutenu.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 407 rectifié est présenté par MM. Adnot et Husson.
L'amendement n° 664 est présenté par M. Vasselle.
L'amendement n° 931 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 45
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre IV du titre Ier du livre Ier du code de l’action sociale et des familles est complété par un article L. 116-… ainsi rédigé :
« Art. L. 116-… – Les associations régulièrement déclarées ayant une activité dans le domaine de la qualité de la prise en charge des personnes en situation de handicap, des personnes âgées et des personnes en difficultés sociales, sont agréées dans les conditions prévues au premier alinéa du I de l’article L. 1114-1 du code de la santé publique.
« Seules les associations agréées et les associations de consommateurs mentionnées à l’article L. 411-1 du code de la consommation représentent les usagers dans les instances du secteur social et médico-social mentionnées au présent code. »
Les amendements nos 407 rectifié et 664 ne sont pas soutenus.
La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l’amendement n° 931.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement tend à tenir compte de la recommandation n° 6 de la décision du Défenseur des droits, en date du 11 avril 2013, relative au respect des droits des personnes âgées vulnérables avant et pendant leur séjour en établissement spécialisé.
Comme dans le secteur hospitalier, la défense des usagers du secteur social et médico-social doit en effet s’appuyer sur des associations agréées à cet effet, offrant toutes les garanties d’absence de conflits d’intérêts, d’indépendance et d’impartialité. Il est donc proposé d’insérer dans le code de l’action sociale et des familles un article reprenant les dispositions de l’article L. 1114-1 du code de la santé publique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission des affaires sociales avait déjà eu l’occasion de se prononcer favorablement sur un amendement similaire lors de l’examen en première lecture du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement.
Le Gouvernement avait cependant opposé un avis défavorable, après avoir expliqué que, les traditions associatives, comme les relations avec les pouvoirs publics, étant différentes dans les sphères sanitaire et médico-sociale, l’adoption de ces dispositions ne pourrait conduire qu’à alourdir des processus fonctionnant aujourd’hui relativement bien dans le secteur médico-social.
Néanmoins, dans la mesure où les dispositions figurant dans le présent amendement correspondent à une demande régulièrement exprimée à l’occasion de l’examen de différents textes, le Défenseur des droits s’étant lui-même prononcé en faveur d’une telle mesure, la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je serai défavorable à cet amendement s’il n’est pas retiré, en cohérence avec ce que j’ai dit lors de l’examen du projet de loi relatif à adaptation de la société au vieillissement.
Depuis de très nombreuses années, cette question ressurgit régulièrement. Les acteurs du secteur médico-social ne sont pas favorables à une telle démarche, car, Mme Deroche l’a rappelé, ils ont une culture différente. La référence à l’agrément dans le secteur médico-social n’aurait pas la même portée que dans le secteur sanitaire.
Le projet de loi précité est en cours de navette, et je ne peux pas émettre un avis qui soit contraire à celui qui a été exprimé par le Gouvernement voilà quelques semaines. La réflexion est pour nous toujours au même point.
Mme la présidente. Madame Archimbaud, l’amendement n° 931 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Compte tenu de ces explications et de la concomitance du débat sur le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, qui aborde aussi ce sujet, je le retire. Ce n’est pas la peine de compliquer les choses en attendant l’issue de l’autre discussion législative.
Mme la présidente. L’amendement n° 931 est retiré.
L'amendement n° 1111, présenté par Mmes Archimbaud et Bouchoux, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 45
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le ministère de la santé et des affaires sociales présente au Parlement un rapport sur la situation des victimes des essais nucléaires.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Il s’agit encore d’une demande de rapport, mais je n’ai pas trouvé d’autre moyen d’aborder cette question dans l’hémicycle. Je vais donc défendre cet amendement, même si je sens poindre votre avis défavorable, madame la rapporteur.
La loi Morin du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français manque pour l’instant clairement d'efficacité, comme le montre même le rapport n° 856 déposé au mois de septembre 2013 au Sénat.
En cinq ans, seulement dix-sept modestes indemnités ont été accordées par le CIVEN, le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires, dont le fonctionnement est par ailleurs sujet à caution. Ainsi, son rapport d'activité pour 2014 n'a toujours pas été communiqué aux associations représentatives, et la commission consultative de suivi ne s'est plus réunie depuis le 9 octobre 2013, soit depuis bientôt deux ans. Il s’agissait alors de la quatrième séance, alors que la loi impose deux réunions par an.
Le ministère de la défense maintient, quant à lui, son acharnement à faire appel de toute décision favorable à une victime, et le budget annuel, sanctuarisé à hauteur de 10 millions d’euros, est à peine entamé. La loi Morin est, et restera inefficace, parce qu'elle dispose au II de son article 4 que la présomption de causalité est écartée si « le risque attribuable aux essais nucléaires [peut] être considéré comme négligeable. » Cette notion floue et jamais prouvée est la seule cause du rejet de 98 % des demandes recevables, qui répondent aux trois conditions suivantes : pathologie, secteur géographique et période d'exposition.
Cet amendement vise donc à inciter à continuer le travail sur cette question. Nous devons déterminer s'il est encore raisonnable d'encourager les victimes et leurs familles à déposer un dossier devant le CIVEN. En effet, une telle procédure les lance dans un circuit juridictionnel susceptible de les conduire jusqu'au Conseil d'État s'ils ne décèdent pas avant.
Il est très difficile d’obtenir une réponse sur cette question ; or il s’agit aussi de santé publique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche. Concernant la demande de rapport, l’avis est défavorable, mais il est vrai que ce sujet, souvent évoqué lors de l’examen de la mission « Anciens combattants » du projet de loi de finances, est important.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je vous demande de retirer votre amendement, madame la sénatrice, tout en faisant une annonce, qui, je crois, va vous faire plaisir : la commission de suivi se réunira le 13 octobre prochain. Vous avez donc une date…
Les choses ont évidemment trop tardé et tout ne s’est pas passé de manière optimale, mais, enfin, nous avons réussi à organiser cette réunion.
Par ailleurs, je tiens à vous rappeler que, à la suite de la refonte du dispositif d’organisation de l’indemnisation, le CIVEN est dorénavant une autorité administrative indépendante, tandis que la commission consultative de suivi est placée sous la présidence du ministre chargé de la santé. C’est cette commission qui va devoir travailler et il s’agira d’engager un dialogue respectueux, attentif et ferme à l’égard de l’autorité indépendante.
Mme la présidente. Madame Archimbaud, l'amendement n° 1111 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Madame la ministre, pouvez-vous me confirmer que la tutelle de cet organisme sera confiée à la ministre chargée de la santé et que la prochaine réunion aura lieu le 13 octobre prochain ?
Mme Aline Archimbaud. Puisque vous convenez que la situation n’est pas complètement satisfaisante et que vous avez prévu une réunion pour le 13 octobre, nous attendons cette date. Pour l’heure, je retire mon amendement.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Je veux vous apporter des précisions, car je crains d’avoir été trop rapide.
La loi relative à la programmation militaire du 18 décembre 2013 a modifié le dispositif, notamment en termes de gouvernance. Le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires est désormais une autorité administrative indépendante. La commission consultative de suivi de l’application de la loi de 2010, qui a été modifiée en 2013, est désormais placée sous ma présidence.
Il a fallu trouver nos marques face à ce changement de dispositif, ce qui nous a pris un peu de temps. Le système est maintenant opérationnel, puisque la nomination des membres du comité d’indemnisation est intervenue au mois de février dernier.
Je vous le dis, j’ai vraiment la volonté de faire en sorte que le changement de gouvernance soit l’occasion d’améliorer l’indemnisation des victimes des essais nucléaires. La commission de suivi que je présiderai en octobre doit être une première étape pour travailler en ce sens.
Cette commission pourra adresser des recommandations au Gouvernement et au Parlement. Dans ces conditions, un rapport ne me paraît pas nécessaire. De plus, c’est l’autorité administrative indépendante qui statue en toute indépendance. Il se peut donc qu’il y ait des différences d’appréciation, mais nous verrons bien ! Il ne faut pas préjuger ce qui se passera dans les prochains mois !
Mme la présidente. L'amendement n° 1111 est retiré.
Article 45 bis A
(Non modifié)
I. – Au I de l’article L. 1142-3-1 du code de la santé publique, après le mot : « finalité », sont insérés les mots : « contraceptive, abortive, ».
II. – Le I s’applique aux demandes d’indemnisation postérieures au 31 décembre 2014. – (Adopté.)
Article 45 bis B
(Non modifié)
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le 11° de l’article L. 221-1, il est inséré un 12° ainsi rédigé :
« 12° De se prononcer sur l’opportunité, pour les organismes mentionnés aux articles L. 211-1, L. 215-1 et L. 752-4 du présent code, de porter les litiges devant la Cour de cassation. » ;
2° Après l’article L. 221-3-1, il est inséré un article L. 221-3-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 221-3-1-1. – En cas de faute civile ou d’infraction pénale susceptible d’avoir causé préjudice à l’assurance maladie, la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés peut se substituer aux caisses primaires d’assurance maladie et aux caisses générales de sécurité sociale pour agir en justice pour leur compte, dans des conditions fixées, le cas échéant, par décret. »
Mme la présidente. L'amendement n° 1229, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Rédiger ainsi ces alinéas :
2° Après l’article L. 171-6, il est inséré un article L. 171-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 171-7. – En cas de faute civile ou d’infraction pénale susceptible de leur avoir causé préjudice, la caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la caisse nationale du régime social des indépendants, la caisse centrale de la mutualité sociale agricole, peuvent se substituer aux caisses locales de leur réseau pour régler à l’amiable les litiges ou pour agir en justice pour leur compte, selon les modalités et conditions fixées par décret. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Cet amendement vise à permettre à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, de se substituer aux caisses locales en cas de règlement amiable des litiges. Ainsi, la CNAMTS pourra mutualiser l’action des caisses, notamment dans le cadre de l’action de groupe instaurée par l’article 45 du présent projet de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a estimé que les extensions prévues dans cet amendement sont cohérentes avec l’objet de l’article, lequel vise à mieux gérer les contentieux à l’échelon des caisses.
J’émets donc, au nom de la commission, un avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 45 bis B, modifié.
(L'article 45 bis B est adopté.)
Article 45 bis
(Non modifié)
L’article L. 1142-24-5 du code de la santé publique est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Sous réserve que le premier avis de rejet n’ait pas donné lieu à une décision juridictionnelle irrévocable dans le cadre des procédures mentionnées au troisième alinéa, un nouvel avis peut être rendu par le collège dans les cas suivants :
« 1° Si des éléments nouveaux sont susceptibles de justifier une modification du précédent avis ;
« 2° Si les dommages constatés sont susceptibles, au regard de l’évolution des connaissances scientifiques, d’être imputés au benfluorex. » – (Adopté.)
Article 45 ter
(Non modifié)
I. – L’article L. 1142-28 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 1142-28. – Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l’occasion d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins et les demandes d’indemnisation formées devant l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en application du II de l’article L. 1142-1 et des articles L. 1221-14, L. 3111-9, L. 3122-1 et L. 3131-4 se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage.
« Le titre XX du livre III du code civil est applicable, à l’exclusion de son chapitre II. »
II. – Le I s’applique lorsque le délai de prescription n’était pas expiré à la date de publication de la présente loi. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.
Toutefois, lorsqu’aucune décision de justice irrévocable n’a été rendue, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales applique le délai prévu au I aux demandes d’indemnisation présentées devant lui à compter du 1er janvier 2006. Dans ce cas, il ne peut engager d’action subrogatoire ou récursoire à raison de droits qui, en application du premier alinéa du présent II, étaient prescrits à la date de publication de la présente loi. – (Adopté.)
Article 46
Le titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
1° bis (Supprimé)
2° L’article L. 1111-7 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque la personne majeure fait l’objet d’une mesure de protection juridique, la personne en charge de l’exercice de la mesure, lorsqu’elle est habilitée à représenter ou à assister l’intéressé dans les conditions prévues à l’article 459 du code civil, a accès à ces informations dans les mêmes conditions. » ;
b) À l’avant-dernier alinéa, après les mots : « ayants droits », sont insérés les mots : « , du concubin ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité. »;
3° (Supprimé)
4° Après le mot : « les », la fin de la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 1111-18 est ainsi rédigée : « les ayants droit, le concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité peuvent solliciter l’accès au dossier conformément au V de l’article L. 1110-4. »
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 115 rectifié est présenté par MM. Commeinhes, Charon et Calvet, Mmes Deromedi et Hummel, M. Houel et Mme Mélot.
L'amendement n° 221 rectifié quinquies est présenté par MM. Vasselle, D. Robert, Cornu, Cambon, Laufoaulu, Trillard, Saugey et César, Mme Lopez, M. Dassault et Mme Gruny.
L'amendement n° 497 rectifié est présenté par MM. Marseille et Bockel.
L'amendement n° 1100 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Supprimer les mots :
ou à assister
L’amendement n° 115 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l'amendement n° 221 rectifié quinquies.
M. Alain Vasselle. Cet amendement a essentiellement pour objet de s’assurer que la rédaction actuelle du texte autorise la consultation de la personne concernée, en l’occurrence un majeur protégé, quant à l’accès à son dossier médical.
En effet, tel qu’il est rédigé, le présent projet de loi laisse à penser que seul le tuteur pourrait engager la procédure tendant à recueillir des éléments relatifs au dossier médical et que l’avis de l’intéressé lui-même ne serait pas sollicité.
Quand la personne en cause n’a pas les facultés pour ce faire, on comprend très bien que soit délégué au tuteur ou au curateur le soin d’entreprendre ces démarches, mais lorsque l’usager est capable de donner son avis, il me paraît important de préserver son droit à être lui-même contacté.
Mme la présidente. Les amendements nos 497 rectifié et 1100 ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission des lois sur l’amendement n° 221 rectifié quinquies ?
M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois. Si, en application de l’article 459 du code civil, le juge a estimé que la personne devait bénéficier d’une assistance parce que son état ne lui permettait pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, il semble naturellement important que la personne chargée de cette assistance ait accès aux éléments lui permettant d’accomplir sa mission.
De plus, l’article 46 prévoit que l’accès au dossier médical du malade par la personne qui l’assiste se fait dans les mêmes conditions que l’accès de l‘intéressé lui -même. Il ne prive donc pas le malade de son propre droit d’accès au dossier. Ce droit n’est pas transféré. Dans ces conditions, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Vasselle, l'amendement n° 221 rectifié quinquies est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. À partir du moment où le rapporteur pour avis de la commission des lois considère que les dispositions du texte permettent à la personne majeure d’être consultée et d’émettre son avis, nous sommes satisfaits. Je retire cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 221 rectifié quinquies est retiré.
Je mets aux voix l'article 46.
(L'article 46 est adopté.)
Article additionnel après l'article 46
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 136 rectifié bis est présenté par Mmes Cayeux, Gruny et Micouleau, MM. Grand, Cambon, Bouchet et Bouvard, Mme Deromedi, MM. Karoutchi, de Nicolaÿ, Commeinhes, Charon et Reichardt, Mmes Duranton et Troendlé, MM. Lefèvre et D. Robert, Mme Hummel, MM. Kennel, Vogel et Falco, Mme Deseyne, MM. J.P. Fournier, Cardoux et B. Fournier, Mme Mélot, MM. Houel, Perrin, Pillet, Chasseing, Raison et Doligé, Mme Estrosi Sassone, M. Mouiller, Mme Kammermann, MM. Cornu, Vaspart, Houpert, A. Marc, Béchu et Trillard, Mmes Lamure et Primas et MM. Gournac, Adnot et Bignon.
L'amendement n° 819 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 890 rectifié est présenté par Mme Laborde, MM. Barbier, Mézard et Guérini, Mme Malherbe et MM. Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Requier et Vall.
L'amendement n° 934 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 46
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1141-4 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 1141-4. – La commission de suivi et de propositions de la convention mentionnée au 10° de l’article L. 1141-2-1 remet chaque année au Gouvernement et au Parlement un rapport rendu public sur son activité, l’application de la convention et sur les nouvelles mesures adoptées en vue d’améliorer l’assurance et l’accès à l’emprunt des personnes présentant un risque aggravé de santé. Ce rapport comporte, le cas échéant, des propositions de nature à parfaire le dispositif conventionnel, législatif ou réglementaire existant.
« Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application du présent article ainsi que les sanctions applicables en cas de manquement à la présente obligation. »
La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour présenter l'amendement n° 136 rectifié bis.
Mme Caroline Cayeux. Cet amendement vise à introduire davantage de transparence dans l’application de la convention AERAS, c'est-à-dire « S’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé ».
Une commission de suivi devrait publier un rapport annuel, or il n’y en a pas eu depuis 2009. La voie conventionnelle privilégiée pour plus de souplesse n’étant pas suivie, nous proposons d’accorder une valeur législative aux dispositions de cette convention et de prévoir des sanctions en cas de manquement.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l'amendement n° 819.
M. Dominique Watrin. Mêmes arguments !
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 890 rectifié.
Mme Françoise Laborde. La convention AERAS signée en 2006 n’est pas appliquée partout. Or je pense qu’un suivi doit avoir lieu chaque année. Je ne suis pas friande de ce type de document, mais aucun rapport n’ayant été remis depuis 2009, je serais ravie, de même que mes collègues signataires du présent amendement, d’en disposer, même tous les deux ans !
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 934.
Mme Aline Archimbaud. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a jugé qu’une demande de rapport annuel n’était peut-être pas pertinente dans la mesure où un certain recul est nécessaire pour qu’un tel document soit réellement utile. Elle s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, aux termes de la convention AERAS modifiée par un avenant signé le 2 septembre dernier « la Commission de suivi et de propositions de la convention remet au Gouvernement, aux présidents des assemblées ainsi qu’au président du Conseil national consultatif des personnes handicapées un rapport rendu public sur son activité, l’application de la convention et sur les nouvelles mesures adoptées ».
Des propositions ont par ailleurs été faites à cette commission, afin de revoir le contenu et la périodicité de ce rapport.
Sur le principe de la remise d’un rapport, il me semble que la demande formulée dans ces amendements est satisfaite. Par ailleurs, je crains qu’il ne soit disproportionné de sanctionner la non-remise d’un rapport.
Le Gouvernement demande donc le retrait de ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Dans son exposé, pour justifier le dépôt de l’amendement n° 136 rectifié bis, Mme Cayeux a fait état du non-respect de l’obligation de remettre un rapport figurant dans la convention. Or Mme la ministre nous informe que, à la suite de la signature, très récemment, le 2 septembre dernier, d’un avenant, cette contrainte a été ajoutée. Il me semble que seule la commission pourrait nous éclairer sur la position à adopter.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Compte tenu des explications de Mme la ministre, la commission demande le retrait de ces amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Cayeux, l'amendement n° 136 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Caroline Cayeux. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Monsieur Watrin, l'amendement n° 819 est-il maintenu ?
M. Dominique Watrin. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Madame Laborde, l'amendement n° 890 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Non, je le retire, madame la présidente, puisque les propos de Mme la ministre figureront au compte rendu intégral des débats.
Mme la présidente. L'amendement n° 890 rectifié est retiré.
Madame Aline Archimbaud, l'amendement n° 934 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 136 rectifié bis, 819 et 934.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 46 bis
I. – La section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est complétée par un article L. 1141-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 1141-5. – La convention nationale mentionnée à l’article L. 1141-2 détermine les modalités et les délais au-delà desquels les personnes ayant souffert d’une pathologie cancéreuse ne peuvent, de ce fait, se voir appliquer une majoration de tarifs ou une exclusion de garanties pour leurs contrats d’assurance ayant pour objet de garantir le remboursement d’un crédit relevant de ladite convention. La convention prévoit également les délais au-delà desquels aucune information médicale ne peut être recueillie par les organismes assureurs pour les pathologies cancéreuses dans ce cadre.
« Ces modalités et ces délais sont mis à jour régulièrement en fonction des progrès thérapeutiques.
« La convention prévoit l’extension des dispositifs prévus aux deux premiers alinéas aux pathologies autres que cancéreuses, notamment les pathologies chroniques, dès lors que les progrès thérapeutiques et les données de la science attestent de la capacité des traitements concernés à circonscrire significativement et durablement leurs effets.
« Art. L. 1141-6. – (Supprimé)
« Art. L. 1141-7. – (Supprimé) »
II. – À défaut de mise en œuvre du premier alinéa de l’article L. 1141-5 du code de la santé publique par la convention nationale mentionnée à l’article L. 1141-2 du même code avant le 31 décembre 2015, les délais prévus et les modalités d’application de l’article L. 1141-5 sont fixés par décret. Pour les pathologies mentionnées au dernier alinéa du même article L. 1141-5, cette échéance est portée à dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi.
Mme la présidente. La parole à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La promesse du Président de la République d’instaurer ce que l’on appelle un « droit à l’oubli » pour les anciens malades du cancer souhaitant accéder à une assurance-crédit s’est traduite par la signature par l’État, les représentants de malades et les représentants des organismes prêteurs et assureurs, le 2 septembre dernier, d’un avenant à la convention AERAS.
Parallèlement, l’article 46 bis du présent projet de loi vise à inscrire dans le code de la santé publique cette démarche conventionnelle tout en laissant à la négociation le soin de fixer les modalités et les délais.
Conformément à cet accord, les personnes ayant eu un cancer ne seront plus tenues de le déclarer à l’assureur à l’issue d’un délai de quinze ans après l’arrêt des traitements. Pour les cancers diagnostiqués avant l’âge de quinze ans, ce délai est abaissé à cinq ans après l’arrêt des traitements.
Par ailleurs, l’avenant signé par les parties prévoit que ce délai pourra être réduit pathologie par pathologie lorsque les progrès de la médecine permettront de considérer que les personnes concernées ne présentent plus un risque de rechute supérieur au risque encouru par l’ensemble de la population. Le délai de quinze ans est donc un délai maximal.
Il est en outre précisé que ces paramètres doivent être mis à jour régulièrement en fonction des progrès thérapeutiques.
Il est prévu d’étendre ce dispositif à certaines maladies chroniques autres que les pathologies cancéreuses. Une première liste de ces autres pathologies doit être publiée avant la fin de l’année.
Si la Ligue contre le cancer ou le Collectif interassociatif sur la santé, le CISS, figurent parmi les signataires de l’accord, certaines associations estiment que ces paramètres sont trop restrictifs et doutent de la bonne volonté des assureurs de mettre en œuvre les avancées figurant dans la convention. De nombreux amendements, dont l’objet est de permettre à la loi d’aller plus loin que l’accord, ont été déposés. Ils portent à la fois sur les délais, les paramètres d’âge fixés par la convention AERAS et sur certaines des modalités de mise en œuvre et de contrôle actuellement prévues par ledit texte. La démarche conventionnelle visant à améliorer l’accès de personnes qui présentent un risque aggravé en matière de santé existe depuis les années quatre-vingt-dix. Elle a permis des progrès notables grâce à l’adhésion des parties concernées.
Dans la mesure où les amendements visant à modifier les paramètres fixés par la voie conventionnelle remettent en cause la signature de l’État à l’accord trouvé le 2 septembre dernier, peut-être existe-t-il un risque de fragiliser l’adhésion des acteurs.
Néanmoins, la commission a émis un avis de sagesse à l’égard des amendements visant à aller plus loin que le contenu de l’accord susmentionné. Ceux-ci prennent en compte les craintes des associations et les témoignages que nous avons recueillis : tous nos interlocuteurs ont regretté une certaine timidité de la convention.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Je veux évoquer à mon tour les grandes orientations et le sens de cet article 46 bis.
À entendre certains propos – ceux de Mme la rapporteur, je tiens à le préciser, n’ont pas été de cette nature –, on a le sentiment que la législation sur le droit à l’oubli existerait dans notre pays depuis des années et qu’il y aurait des difficultés pour la faire progresser. Mais telle n’est pas du tout la réalité ! En fait, pour la première fois – et nous agissons en pionniers –, nous allons inscrire dans la loi française le principe du droit à l’oubli, principe qui va être décliné. Et c’est un saut qualitatif absolument majeur ! Je voudrais que chacune et chacun prenne bien conscience de la transformation radicale que cela représente !
À la suite de discussions entre les différentes parties prenantes, l’avenant à la convention AERAS a été signé le 2 septembre dernier. J’y insiste, dix-sept associations sont signataires ! Elles sont engagées dans ce processus d’amélioration de la vie quotidienne de centaines de milliers, voire de millions, de nos concitoyens, qui, après avoir souffert d’un cancer, ne sont plus considérés comme malades par leur médecin, contrairement à l’opinion de leur assureur.
Pourquoi alors inscrire dans une loi les dispositions dont nous discutons, s’il s’agit de renvoyer les évolutions à la convention ? Deux raisons expliquent ce choix.
Tout d’abord, lorsque le présent projet de loi a été élaboré, cet avenant n’était pas signé. Ainsi, les parties prenantes potentielles ont été avisées de la volonté du Gouvernement d’avancer dans cette direction. Elles savaient donc que le législateur se substituerait à la négociation faute de signature.
Maintenant que la convention a été modifiée, il faut que le législateur pose une règle qui permettra ensuite au Gouvernement de s’assurer de la bonne mise en œuvre de cette convention.
Vous l’avez dit vous-même, madame la rapporteur, voilà maintenant une quinzaine d’années, des conventions impliquant des assureurs n’ont pas donné les résultats escomptés. C’est précisément parce que le Gouvernement veut faire confiance à la démarche conventionnelle tout en marquant sa vigilance que nous vous soumettons, mesdames, messieurs les sénateurs, cet article visant à encadrer le dispositif.
Certains considèrent que nous n’allons pas assez loin, mais je veux attirer l’attention sur le fait que dispositif est en train d’être mis en place et qu’il est fondé sur des évaluations scientifiques. Sur certains points, nous pouvons sans doute le faire évoluer un peu.
J’émettrai d’ailleurs tout à l’heure un avis favorable sur un amendement relatif aux cancers pédiatriques, car celui-ci est motivé par les recommandations de l’Institut national du cancer, l’INCA.
Je suis en revanche défavorable à d’autres amendements proposés, non que je sois opposée à ce que nous allions dans le sens suggéré un jour, mais parce que, si nous bousculons le dispositif qui vient à peine d’être établi, nous prenons le risque d’un blocage.
En outre, pour ne prendre que cet exemple, nous ne disposons pas de la base scientifique nous permettant de ramener le délai ouvrant le droit à l’oubli de quinze à dix ans.
J’attire donc votre attention sur le fait que nous proposons une avancée absolument décisive. Alors que l’on parle de droit à l’oubli depuis des années, c’est la première fois qu’un dispositif le concrétise. Le droit à l’oubli est non pas une pétition de principe, mais une réalité qui s’appuie sur des données scientifiques, en particulier celles qui émanent de l’INCA.
Par-delà les attentes d’approfondissement du dispositif auxquelles je suis sensible, je souhaite vivement que notre débat ce soir ne fasse pas oublier l’avancée remarquable que constituent la signature de l’avenant à la convention et l’inscription dans la loi de ce droit à l’oubli.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. Un constat : en France, la seule discrimination autorisée par le code pénal aux assureurs concerne l’état de santé.
Pour obtenir un prêt auprès d’une banque, il faut souscrire à une assurance, qui est censée prendre le relais du remboursement en cas de décès ou d’invalidité. Or si l’on souffre d’une maladie au long cours ou que l’on a été malade au cours de sa vie, les assureurs considérant que ce risque est multiplié, les surprimes s’accumulent.
Eu égard aux plaintes répétées des associations de patients, notamment à l’action très déterminée des malades du cancer, un nouveau protocole d’accord vient d’être signé dans le cadre de la convention AERAS. Il est censé faciliter l’accès au prêt pour les anciens malades atteints de cancer.
Hélas, malgré les promesses du troisième plan cancer et tous les efforts de l’INCA pour faire aboutir au mieux les négociations, cette nouvelle convention est en deçà des attentes des malades, des associations, mais aussi des acteurs de la santé qui se battent chaque jour pour donner un avenir à leurs patients.
Le droit à l’oubli est reconnu seulement pour les cas de cancer, et encore, de manière restrictive. On parle donc des personnes ayant eu un cancer avant l’âge de quinze ans, totalement guéries et qui ne suivent plus aucun traitement depuis cinq ans. Sont également concernées les personnes touchées par un cancer à l’âge adulte, mais guéries et dont le dernier traitement remonte à plus de quinze ans.
En revanche, une personne qui a eu un cancer du sein – pathologie qui, hélas, affecte de nombreuses femmes – à trente-cinq ans par exemple est exclue du dispositif à un âge où elle pourrait avoir besoin d’emprunter.
L’UFC-Que Choisir, qui a eu accès à un certain nombre de données de l’AERAS, évoque 60 % de marges pour les assureurs dans le domaine des risques médicaux aggravés. Assurer les malades est un secteur lucratif… Non seulement les assureurs surtaxent, mais en plus les versements d’indemnités sont très peu nombreux.
Nous demandons donc que cette convention, qui se révèle trop peu contraignante pour les assureurs et en décalage par rapport aux progrès de la médecine, soit encadrée par le législateur dans le cadre du présent projet de loi.
Il faut enfin que soit rapidement mis en place, comme l’avait promis solennellement le Président de la République, un véritable droit à l’oubli, non seulement pour les enfants, mais aussi pour les adolescents et les adultes guéris cinq ans après la fin de leur traitement.
Mme la présidente. Je suis saisie de vingt-quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 24 rectifié ter, présenté par Mmes Micouleau, Debré, Deseyne et Deromedi, M. G. Bailly, Mmes Morin-Desailly et Canayer, MM. P. Leroy, J.P. Fournier, Chaize, Chatillon, Grand, Lemoyne, Falco, Cambon, Cardoux, Lefèvre, Laufoaulu, Danesi, Fouché, Calvet, Béchu, César, Delattre, Vasselle, Revet, Legendre, Pellevat, Commeinhes, Mouiller, B. Fournier, Mayet, Tandonnet, Médevielle et Cadic, Mmes Lamure et Estrosi Sassone, MM. Doligé, de Raincourt, Houel et Malhuret, Mme Duchêne, MM. Charon, Chasseing et Mandelli, Mme Morhet-Richaud, M. Laménie, Mme Procaccia et M. Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 2, après la première phrase
Insérer deux phrases ainsi rédigées :
Pour toutes les pathologies cancéreuses survenues avant l’âge de 18 ans, ce délai ne peut pas excéder cinq ans. Au-delà de l’âge de 18 ans, les personnes malades des cancers qui présentent des « taux de survie » à cinq ans au moins égaux ou supérieurs à celui des enfants et des adolescents bénéficient du même délai ne pouvant excéder cinq ans.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Micouleau.
Mme Brigitte Micouleau. Cet amendement vise à étendre le droit à l’oubli pour les organismes d’assurance et les banques à toutes les personnes dont la guérison d’un cancer est constatée.
Entre son dépôt et son examen en séance, est intervenue le 2 septembre dernier la signature d’un avenant à la convention AERAS. Cet avenant est en deçà des attentes des malades, des associations, mais aussi des acteurs de la santé qui se battent au quotidien pour donner un avenir à leurs patients. Il n’est pas non plus à la hauteur des promesses du troisième plan cancer.
Cela étant, je retire cet amendement au profit notamment de l’amendement n° 137 rectifié bis et des suivants. Compte de tenu de la révision de la convention AERAS, ces amendements présentent en effet le mérite de parfaitement répondre, et de manière complète, à la question majeure du droit à l’oubli.
Mme la présidente. L’amendement n° 24 rectifié ter est retiré.
Les six amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 137 rectifié bis est présenté par Mmes Cayeux, Gruny et Micouleau, MM. Grand, Cambon, Mandelli, Bouchet et Bouvard, Mme Deromedi, MM. Karoutchi, de Nicolaÿ, Commeinhes, Charon et Reichardt, Mmes Duranton et Troendlé, MM. Lefèvre, D. Robert et Gilles, Mme Hummel, MM. Kennel, Vogel et Falco, Mme Deseyne, MM. J.P. Fournier, Cardoux et B. Fournier, Mme Mélot, MM. Houel, P. Leroy, Perrin, Pillet, Chasseing, Raison et Doligé, Mme Estrosi Sassone, M. Mouiller, Mme Kammermann, MM. Cornu, Vaspart, César, Houpert, A. Marc, Béchu et Trillard, Mme Primas et MM. Gournac, Adnot et Bignon.
L’amendement n° 549 est présenté par Mme Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet, M. Sueur, Mmes Lienemann, D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 608 rectifié bis est présenté par Mme Jouanno, M. Guerriau, Mme Billon et M. Luche.
L’amendement n° 820 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 891 rectifié est présenté par Mme Laborde, MM. Barbier et Guérini et Mme Malherbe.
L’amendement n° 935 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 2
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le délai au-delà duquel aucune information médicale ne peut être recueillie par les organismes assureurs ne peut excéder dix ans après la date de fin du protocole thérapeutique définie par l'Institut national du cancer.
« Ce délai est réduit à cinq ans pour toutes les pathologies cancéreuses survenues avant l'âge de dix-huit ans révolus et, au-delà de l'âge de dix-huit ans, pour les localisations cancéreuses dont le taux global de survie nette à cinq ans est supérieur ou égal à celui des moins de dix-huit ans.
« Un décret en Conseil d'État détermine les informations médicales qui peuvent être demandées dans le cadre du formulaire de déclaration de risque mentionné aux articles L. 113-2 du code des assurances, L. 221-13 du code de la mutualité et L. 932-5 du code de la sécurité sociale afin de garantir le respect des droits définis par le présent article.
« Un décret définit les modalités d'information des candidats à l'assurance relatives aux dispositions du présent article.
La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour présenter l’amendement n° 137 rectifié bis.
Mme Caroline Cayeux. Nous abordons une série d’amendements touchant au droit à l’oubli. J’ai bien entendu, madame la ministre, les explications que vous nous avez fournies au sujet de la signature récente d’un avenant à la convention AERAS. Reste que plusieurs précisions nous paraissent devoir être inscrites dans la loi.
Le présent amendement vise à préciser les délais, définis par la convention AERAS, au-delà desquels le droit à l’oubli intégral est accordé aux anciens malades de cancer : en d’autres termes, les délais à partir desquels ils ne sont plus obligés de déclarer la pathologie à l’organisme d’assurance lors de la souscription d’un prêt bancaire.
Premièrement, il tend à fixer le délai maximal pour accorder le droit à l’oubli aux personnes ayant été atteintes de pathologies cancéreuses à dix ans, au lieu des quinze ans prévus par l’avenant signé le 2 septembre dernier, un délai qui ne repose à ce jour sur aucun fondement scientifique.
Deuxièmement, cet amendement a pour objet d’accorder à l’ensemble des mineurs le droit à l’oubli cinq ans au maximum après la fin des traitements. Au reste, je vous rappelle que le Président de la République a pris l’engagement que le droit à l’oubli serait appliqué également « à tous les autres malades dont les données de la science nous disent qu’ils sont définitivement guéris ».
Troisièmement, nous vous proposons, au nom du principe d’égalité des droits, d’étendre ce droit à l’oubli intégral à cinq ans aux personnes âgées de plus de dix-huit ans pour lesquelles le taux global de survie à cinq ans par pathologie est comparable à celui des enfants et des adolescents.
Enfin, un décret d’application devrait garantir que les questionnaires médicaux que les candidats emprunteurs doivent remplir assurent le droit à l’oubli, et un autre que ces candidats seront informés des nouvelles stipulations de la convention AERAS.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour présenter l’amendement n° 549.
Mme Catherine Génisson. À la suite de Mme la rapporteur et de Mme la ministre, je me félicite, au nom de mon groupe, de la reconnaissance d’un nouveau droit, qui est fondamental : le droit à l’oubli. Il me paraît très important que l’article 46 bis prévoie, dans son alinéa 3, la mise à jour régulière des modalités et délais de ce droit en fonction des progrès thérapeutiques.
L’amendement qui vous est présenté, mes chers collègues, vise à préciser les délais, définis par la convention AERAS, au-delà desquels le droit à l’oubli intégral est accordé aux anciens malades de cancer : en d’autres termes, les délais à partir desquels ils ne sont plus obligés de déclarer la pathologie à l’organisme d’assurance lors de la souscription d’un prêt bancaire.
Premièrement, il tend à fixer le délai maximal pour accorder le droit à l’oubli aux personnes ayant été atteintes de pathologies cancéreuses à dix ans, au lieu des quinze ans prévus par l’avenant signé le 2 septembre dernier, un délai qui ne semble reposer sur aucun fondement scientifique.
Deuxièmement, l’amendement a pour objet d’accorder à l’ensemble des mineurs le droit à l’oubli cinq ans au maximum après la fin des traitements. De fait, l’avenant du 2 septembre dernier, s’il marque une avancée significative en prévoyant un droit à l’oubli pour les jeunes âgés de moins de quinze ans cinq ans après la date de fin des traitements, exclut du dispositif les jeunes ayant contracté une pathologie cancéreuse entre quinze et dix-huit ans, sans aucune justification d’ordre médical, éthique ou juridique. Or les enfants et les adolescents présentent des taux de survie comparables, supérieurs à 82 %, selon une étude réalisée par l’Institut national du cancer au mois de janvier dernier. En outre, les jeunes âgés de quinze à dix-huit ans ne représentent que 800 nouveaux cas par an.
Troisièmement, nous vous proposons, au nom du principe d’égalité des droits, d’étendre ce droit à l’oubli intégral à cinq ans aux personnes âgées de plus de dix-huit ans pour lesquelles le taux global de survie à cinq ans par pathologie est comparable à celui des enfants et des adolescents.
Enfin, un décret d’application devrait garantir que les questionnaires médicaux que les candidats emprunteurs doivent remplir assurent le droit à l’oubli, et un autre que ces candidats seront informés des nouvelles stipulations de la convention AERAS.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 608 rectifié bis.
Mme Annick Billon. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 820.
Mme Laurence Cohen. Comme mes collègues qui viennent de prendre la parole, je trouve que l’article 46 bis du projet de loi répond à une demande extrêmement forte exprimée par de nombreux patients, notamment par les malades atteints du cancer. L’ouverture d’un nouveau droit, le droit à l’oubli, avait été promise par le président François Hollande lors de l’annonce du plan cancer 2014-2019, au mois de février 2014 ; les membres du groupe CRC considèrent eux aussi qu’il s’agit d’une avancée importante.
Cet article prévoit que les conventions conclues entre l’État, les associations de malades ou de personnes handicapées et les professionnels de l’assurance pourront déterminer les délais au-delà desquels les personnes ayant souffert d’un cancer ne pourront plus se voir appliquer ni des exclusions de garanties ni des majorations de tarifs.
Le présent amendement vise à préciser les délais fixés par l’avenant à la convention signé le 2 septembre dernier.
D’abord, nous vous proposons d’établir le délai maximal pour accorder le droit à l’oubli aux personnes ayant été atteintes de pathologies cancéreuses à dix ans, au lieu de quinze ans. En effet, les études menées sur le taux de survie des personnes atteintes de cancer à l’horizon de cinq ou dix ans concluent que les récidives surviennent le plus souvent pendant les premières années.
Ensuite, l’amendement tend à accorder à l’ensemble des mineurs le droit à l’oubli cinq ans au maximum après la fin des traitements. Le protocole d’accord prévoit ce délai uniquement pour les jeunes de moins de quinze ans, excluant de fait les mineurs âgés de quinze à dix-huit ans. La fixation de cette limite d’âge n’est justifiée par aucune raison d’ordre médical, éthique ou juridique. Mes chers collègues, vous avez certainement eu connaissance, comme nous, sénatrices et sénateurs du groupe CRC, de nombreux témoignages qui nous pressent d’améliorer encore les règles du droit à l’oubli.
Enfin, nous vous proposons, au nom du principe d’égalité des droits, d’étendre le droit à l’oubli intégral à cinq ans aux personnes pour lesquelles le taux global de survie à cinq ans par pathologie est comparable à celui des enfants et des adolescents.
Les conditions d’application de ce droit seraient précisées par décret.
Mes chers collègues, entendons ce que nous disent les associations de patients et répondons à leur attente tout à fait justifiée !
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 891 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement étant identique à ceux qui viennent d’être défendus, je ne m’étendrai pas. Je tiens simplement à appuyer les propos de Mme la rapporteur et de Mme la ministre : en fonction de l’évolution des maladies et des progrès scientifiques, les conditions d’application du droit à l’oubli devront être actualisées.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l’amendement n° 935.
Mme Aline Archimbaud. La reconnaissance, promise par le Président de la République, d’un nouveau droit, le droit à l’oubli, est un progrès considérable. Cet amendement vise à franchir un pas supplémentaire dans un domaine sensible, qui concerne un très grand nombre de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Il me paraît important que le Parlement œuvre, au côté du Gouvernement, pour favoriser la réinsertion dans la société des personnes ayant été atteintes de cancer.
Nous proposons en particulier la publication d’un décret en Conseil d’État destiné à garantir que les questionnaires médicaux que les candidats emprunteurs doivent remplir assurent le droit à l’oubli. En effet, ces questionnaires adressés par les banques ou les assurances provoquent des difficultés en chaîne.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 138 rectifié bis est présenté par Mmes Cayeux, Gruny et Micouleau, MM. Mandelli, Grand, Cambon, Bouchet et Bouvard, Mme Deromedi, MM. de Nicolaÿ, Commeinhes, Charon et Reichardt, Mmes Duranton et Troendlé, MM. Lefèvre, D. Robert et Gilles, Mme Hummel, MM. Kennel, Vogel, Joyandet et Falco, Mme Deseyne, MM. J.P. Fournier, Cardoux et B. Fournier, Mme Mélot, MM. Houel, P. Leroy, Perrin, Pillet, Chasseing, Raison et Doligé, Mme Estrosi Sassone, M. Mouiller, Mme Kammermann, MM. Cornu, Vaspart, César, Houpert, A. Marc, Béchu et Trillard, Mme Primas et MM. Gournac, Adnot et Bignon.
L’amendement n° 609 rectifié bis est présenté par Mmes Jouanno et Billon et MM. Guerriau et Luche.
L’amendement n° 936 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le délai au-delà duquel aucune information médicale ne peut être recueillie par les organismes assureurs ne peut excéder dix ans après la date de fin du protocole thérapeutique définie par l'Institut national du cancer.
La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour présenter l’amendement n° 138 rectifié bis.
Mme Caroline Cayeux. Nous proposons que le délai au-delà duquel aucune information médicale ne saurait être recueillie par les organismes assureurs ne puisse excéder dix ans à compter de la date de fin de protocole thérapeutique définie par l’Institut national du cancer. Rien, en effet, ne justifie d’attendre quinze ans pour accorder le droit à l’oubli.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 609 rectifié bis.
Mme Annick Billon. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l’amendement n° 936.
Mme Aline Archimbaud. Il est également défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Les cinq amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 139 rectifié ter est présenté par Mmes Cayeux, Gruny et Micouleau, MM. Grand, Cambon, Bouchet et Bouvard, Mme Deromedi, MM. de Nicolaÿ, Commeinhes, Charon et Reichardt, Mmes Duranton et Troendlé, MM. Lefèvre, D. Robert et Gilles, Mme Hummel, MM. Kennel, Vogel, Joyandet et Falco, Mme Deseyne, MM. J.P. Fournier, Cardoux et B. Fournier, Mme Mélot, MM. Houel, P. Leroy, Perrin, Pillet, Chasseing, Raison et Doligé, Mme Estrosi Sassone, M. Mouiller, Mme Kammermann, MM. Cornu, Vaspart, César, Houpert, A. Marc, Béchu et Trillard, Mme Primas et MM. Gournac, Adnot, Pointereau et Bignon.
L’amendement n° 566 est présenté par MM. Roche, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des démocrates et indépendants - UC.
L’amendement n° 610 rectifié bis est présenté par Mme Jouanno, M. Guerriau, Mme Billon et M. Luche.
L’amendement n° 892 rectifié est présenté par Mme Laborde, MM. Barbier et Guérini et Mme Malherbe.
L’amendement n° 937 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour toutes les pathologies cancéreuses survenues avant l'âge de dix-huit ans révolus, le délai fixé par la convention au-delà duquel aucune information médicale ne peut être recueillie par les organismes assureurs ne peut excéder cinq ans après la date de fin du protocole thérapeutique définie par l'Institut national du cancer.
La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour présenter l’amendement n° 139 rectifié ter.
Mme Caroline Cayeux. Cet amendement vise à étendre à l’ensemble des mineurs le dispositif du droit à l'oubli.
L’avenant signé le 2 septembre dernier par les parties à la convention AERAS marque certes des avancées importantes, mais il reste bien en deçà des promesses faites par le Président de la République lors de l’annonce du troisième plan cancer. En particulier, il exclut, sans justification d’ordre médical, éthique ou juridique, les jeunes ayant contracté une pathologie cancéreuse entre quinze et dix-huit ans du dispositif adopté pour les moins de quinze ans. Ces jeunes ne représentent que 800 nouveaux cas par an, avec des taux de survie supérieurs à 82 %, selon une étude de l’Institut national du cancer publiée au mois de janvier dernier. Leur risque très relatif peut donc être mutualisé par les organismes assureurs sur l’ensemble des emprunteurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Roche, pour présenter l'amendement n° 566.
M. Gérard Roche. Madame la ministre, il nous paraît incompréhensible que le droit à l’oubli, qui devrait couvrir l’ensemble des mineurs, s’arrête à l’âge de quinze ans. Cette discrimination nous étonne d’autant plus que les jeunes âgés de quinze à dix-huit ans ne représentent que 800 nouveaux cas par an, avec un taux de guérison de 82 %, en sorte que les risques pour les assureurs sont infimes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 610 rectifié bis.
Mme Annick Billon. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 892 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Il est également défendu, madame la présidente. Je me pose la même question que M. Roche !
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 937.
Mme Aline Archimbaud. Il est aussi défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 140 rectifié ter est présenté par Mmes Cayeux, Gruny et Micouleau, MM. Grand, Cambon, Bouchet et Bouvard, Mme Deromedi, MM. de Nicolaÿ, Commeinhes, Charon et Reichardt, Mmes Duranton et Troendlé, MM. Lefèvre, D. Robert et Gilles, Mme Hummel, MM. Kennel, Vogel, Joyandet et Falco, Mme Deseyne, MM. J.P. Fournier, Cardoux et B. Fournier, Mme Mélot, MM. Houel, P. Leroy, Perrin, Pillet, Chasseing, Raison et Doligé, Mme Estrosi Sassone, M. Mouiller, Mme Kammermann, MM. Cornu, Vaspart, César, Houpert, A. Marc, Béchu et Trillard, Mme Primas et MM. Gournac, Adnot, Pointereau et Bignon.
L'amendement n° 611 rectifié bis est présenté par Mme Jouanno, M. Guerriau, Mme Billon et M. Luche.
L'amendement n° 938 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les pathologies cancéreuses survenues après l’âge de quinze ans, et pour lesquelles le taux de survie nette à cinq ans par localisation est supérieur ou égal à celui des moins de quinze ans, le délai prévu par la convention au-delà duquel aucune information médicale ne peut être recueillie par les organismes assureurs ne peut excéder cinq ans après la fin du protocole thérapeutique définie par l’Institut national du cancer.
La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour présenter l’amendement n° 140 rectifié ter.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 611 rectifié bis.
Mme Annick Billon. Il est également défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l’amendement n° 938.
Mme Aline Archimbaud. Il est aussi défendu.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 141 rectifié bis est présenté par Mmes Cayeux, Gruny et Micouleau, MM. Mandelli, Grand, Cambon, Bouchet et Bouvard, Mme Deromedi, MM. Karoutchi, de Nicolaÿ, Commeinhes, Charon et Reichardt, Mmes Duranton et Troendlé, MM. Lefèvre, D. Robert et Gilles, Mme Hummel, MM. Kennel, Vogel et Falco, Mme Deseyne, MM. J.P. Fournier, Cardoux et B. Fournier, Mme Mélot, MM. Houel, P. Leroy, Perrin, Pillet, Chasseing, Raison et Doligé, Mme Estrosi Sassone, M. Mouiller, Mme Kammermann, MM. Cornu, Vaspart, César, Houpert, A. Marc, Béchu et Trillard, Mmes Lamure et Primas et MM. Gournac, Adnot et Bignon.
L’amendement n° 939 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Un décret en Conseil d’État détermine les informations médicales qui peuvent être demandées dans le cadre du formulaire de déclaration de risque mentionné aux articles L. 113-2 du code des assurances, L. 221-13 du code de la mutualité et L. 932-5 du code de la sécurité sociale afin de garantir le respect des droits définis par le présent article.
« Un décret définit les modalités d’information des candidats à l’emprunt relatives aux dispositions du présent article.
La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour présenter l’amendement n° 141 rectifié bis.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l’amendement n° 939.
Mme Aline Archimbaud. Il convient que les questionnaires de santé que les candidats à l’emprunt doivent remplir ne comportent pas de question ambiguë, et que ces derniers soient informés au préalable de leurs nouveaux droits.
Mme la présidente. L'amendement n° 821, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Un décret en Conseil d’État détermine les informations médicales qui peuvent être demandées dans le cadre du formulaire de déclaration de risque mentionné aux articles L. 113-2 du code des assurances, L. 221-13 du code de la mutualité et L. 932-5 du code de la sécurité sociale afin de garantir le respect des droits définis par le présent article.
« Un décret définit les modalités d’information des candidats à l’emprunt relatives aux dispositions du présent article.
II. – Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Les organismes assureurs doivent respecter, pour les opérations destinées à garantir les prêts entrant dans le champ de la convention nationale prévue à l’article L. 1141-2, les conclusions des études produites par la Commission des études et recherches instituée auprès de l’instance de suivi et de proposition mentionnée au 10° de l’article L. 1141-2-1 ainsi que les délais définis par la grille de référence établie par ladite commission.
« Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application du précédent alinéa ainsi que les sanctions applicables en cas de manquement à la présente obligation.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement est un amendement de repli par rapport à celui que nous avons défendu précédemment. Il n’a plus pour objet de fixer des délais pour les conventions, mais vise à insister sur deux points.
En premier lieu, il convient de s’intéresser au formulaire de déclaration des risques établi par les organismes assureurs. Afin de faire du droit à l’oubli une réalité, il est important qu’un décret détermine avec précision les informations qui peuvent être demandées et la manière dont elles le sont. Il faut s’assurer que l’absence de déclaration est respectée et que les questionnaires ne comportent pas de questions ambiguës. Il s’agit également de garantir aux personnes concernées une information fiable sur ces nouveaux droits, faute de quoi ces derniers ne seront pas mis en œuvre.
Deuxièmement, le présent amendement tend à rappeler les obligations des organismes assureurs. Ceux-ci doivent respecter d’une part, les conclusions des études menées dans le cadre de l’instance de suivi et de proposition dont nous avons déjà parlé, d’autre part, les délais définis par la grille de référence établie par ladite instance. Il est également prévu de définir des sanctions en cas de non-respect de ces obligations.
Pour que les anciens malades bénéficient d’un véritable droit à l’oubli, il est donc important de s’assurer que cette déclaration soit remplie correctement.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 143 rectifié ter est présenté par Mmes Cayeux, Gruny et Micouleau, MM. Grand, Cambon, Bouchet et Bouvard, Mme Deromedi, MM. de Nicolaÿ, Commeinhes, Charon et Reichardt, Mmes Duranton et Troendlé, MM. Lefèvre, D. Robert et Gilles, Mme Hummel, MM. Kennel, Vogel, Joyandet et Falco, Mme Deseyne, MM. J.P. Fournier, Cardoux et B. Fournier, Mme Mélot, MM. Houel, Perrin, Pillet, Chasseing, Raison et Doligé, Mme Estrosi Sassone, M. Mouiller, Mme Kammermann, MM. Cornu, Vaspart, Houpert, A. Marc, Béchu et Trillard, Mmes Lamure et Primas et MM. Gournac, Adnot, Pointereau et Bignon.
L'amendement n° 893 rectifié est présenté par Mme Laborde, MM. Barbier et Guérini et Mme Malherbe.
L'amendement n° 941 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Les organismes assureurs doivent respecter, pour les opérations destinées à garantir les prêts entrant dans le champ de la convention nationale prévue à l’article L. 1141-2, les conclusions des études produites par la commission des études et recherches instituée auprès de l’instance de suivi et de proposition mentionnée au 10° de l’article L. 1141-2-1 ainsi que les délais définis par la grille de référence établie par ladite commission.
« Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application du précédent alinéa ainsi que les sanctions applicables en cas de manquement à la présente obligation.
La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour présenter l’amendement n° 143 rectifié ter.
Mme Caroline Cayeux. Le présent amendement a pour objet de garantir le droit à l’oubli. Pour cela, l’engagement des assureurs à respecter les nouveaux délais fixés par la commission des études et recherches instituée par la convention AERAS paraît indispensable. Or, jusqu’à présent, le texte de cette convention précise simplement que « les assureurs tiennent compte » des conclusions des études produites par cette commission pour le calcul des primes et exclusions de garanties.
Cet amendement vise donc à inscrire dans la loi l’obligation pour les assureurs de respecter les nouveaux délais définis et à établir qu’un décret d’application précisera les sanctions en cas de manquement à cette obligation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 893 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Les anciens malades ont le droit de retrouver toute leur place dans la société et de ne plus subir la double peine que constituent la maladie et l’après-maladie. Un certain nombre d’efforts sont nécessaires pour que tout cela s’arrange.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 941.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement est identique à ceux qui viennent d’être présentés. Il appelle donc les mêmes observations.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Comme je l’ai indiqué auparavant, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’ensemble des amendements qui ont été déposés sur l’article 46 bis.
Les amendements identiques nos 137 rectifié bis, 549, 608 rectifié bis, 820, 891 rectifié et 935 visent à inscrire dans la loi des paramètres qui sont aujourd’hui établis par la négociation et à modifier les paramètres qui ont été retenus dans l’avenant signé le 2 septembre dernier.
Notons que le délai qui a été fixé à quinze ans après l’arrêt des traitements, et qui est nécessaire pour l’ouverture du droit à l’oubli, constitue un maximum qui devra être abaissé, pathologie par pathologie, en fonction des progrès de la médecine. Une première grille de référence doit être élaborée avant la fin de la présente année. À mes yeux, cette méthode semble préférable au renvoi à un taux global de survie qui ne saurait refléter qu’imparfaitement le risque réellement encouru par les candidats à l’assurance.
Les amendements identiques nos 139 rectifié ter, 566, 610 rectifié bis, 892 rectifié et 937 concernent le droit à l’oubli pour les personnes dont le cancer est survenu avant l’âge de dix-huit ans, et non plus avant l’âge de quinze ans comme prévu dans le texte. Ils traitent donc d’un sujet important.
Les jeunes qui ont été atteints d’un cancer pendant leur enfance ou leur adolescence éprouvent d’importantes difficultés pour se projeter dans l’avenir. Par conséquent, la commission émet un avis de sagesse positive sur ces amendements.
Alors que la convention AERAS se borne actuellement à indiquer que certaines informations ne pourront plus être demandées, les auteurs des amendements identiques nos 141 rectifié bis et 939 proposent qu’un décret définisse à l’avenir la nature des informations qui pourront l’être. Pourtant, l’engagement pris par les parties à la convention peut paraître suffisant – s’il est respecté – pour garantir le droit à l’oubli, sans qu’il soit nécessaire de fixer de manière exhaustive la liste des informations qui peuvent être requises.
Un tel décret pourrait d’ailleurs se révéler incompatible avec les dispositions de l’article L. 113-2 du code des assurances qui oblige les candidats à l’assurance à répondre avec exactitude aux questions qui leur sont posées.
Les amendements identiques nos 143 rectifié ter, 893 rectifié et 941 ont pour objet d’établir l’opposabilité des conclusions des études menées par l’instance de suivi et de propositions prévue par la convention AERAS. Cependant, il faut noter que la rédaction de ces amendements pose problème, car la commission des études et recherches visée par l’amendement n’est pas mentionnée dans le code de la santé publique.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 137 rectifié bis, 549, 608 rectifié bis, 820, 891 rectifié et 935 dans la mesure où, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, nous ne disposons pas des bases scientifiques pour ramener systématiquement la durée du droit à l’oubli de quinze à dix ans.
Ensuite, évoquer un taux de survie au moins égal à celui des personnes ayant souffert d’un cancer pédiatrique est extrêmement flou et scientifiquement infondé, puisqu’il n’existe pas un taux moyen de survie. On observe seulement des taux moyens de survie, pathologie par pathologie, catégorie de cancer par catégorie de cancer. Qu’il s’agisse d’un cancer du sein, du foie, des poumons ou du pancréas, à chaque fois, le taux moyen de survie est extraordinairement différent.
Enfin, il me semble que demander un décret qui encadre les informations pouvant figurer dans le questionnaire est un peu paradoxal. Dès lors qu’un droit à l’oubli est institué, l’idée consiste plutôt à faire en sorte que la rédaction du questionnaire permette aux anciens malades de ne pas répondre aux questions concernant leur maladie. Le simple fait de demander à encadrer la manière de poser ces questions est un peu étonnant.
Dans la même logique, en l’absence de données scientifiques, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 138 rectifié bis, 609 rectifié bis et 936, qui visent à ramener la durée du droit à l’oubli de quinze à dix ans. J’insiste sur le fait que l’Institut national du cancer, qui est très actif en faveur du droit à l’oubli et qui travaille beaucoup pour que celui-ci se concrétise, affirme ne pas être actuellement en mesure de « documenter » scientifiquement les dispositions figurant dans ces amendements.
Les auteurs des amendements identiques nos 139 rectifié ter, 566, 610 rectifié bis, 892 rectifié et 937 proposent d’élargir la notion de cancer pédiatrique à tous les cancers survenus avant l’âge de dix-huit ans. Dans ce cas, en revanche, nous disposons de données scientifiques qui permettent certes de réduire l’incertitude au maximum, mais pas forcément d’assurer le résultat escompté. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat. Pour autant, il existe là une possibilité d’aller de l’avant : la sagesse du Gouvernement est par conséquent très favorable !
Les amendements identiques nos 140 rectifié ter, 611 rectifié bis et 938 font référence aux pathologies cancéreuses à taux de survie comparable. J’ai déjà exposé tout à l’heure les raisons pour lesquelles il ne me paraissait pas possible d’y être favorable.
Les amendements identiques nos 141 rectifié bis et 939 visent, quant à eux, à encadrer par un décret les informations pouvant figurer dans les questionnaires médicaux. Là encore, j’ai expliqué pourquoi cela me semblait un peu contradictoire.
Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 821, dans la mesure où ses auteurs renvoient au problème des questionnaires.
Les amendements identiques nos 143 rectifié ter, 893 rectifié et 941 tendent à inscrire dans la loi l’obligation pour les organismes assureurs de respecter les conclusions de la commission des études et recherches, ainsi que les délais prévus par la grille de référence.
Or, à partir du moment où un contrat existe – une convention en l’occurrence –, ses parties prennent des engagements dont le non-respect peut déjà entraîner des sanctions. Par ailleurs, le vote du principe d’un droit à l’oubli dans le cadre de ce projet de loi permettra évidemment d’exercer des pressions sur les assureurs.
Pour ces raisons, il ne me paraît pas nécessaire d’entrer davantage dans le détail au niveau de la loi. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je constate que la commission a fait preuve d’une certaine réticence à donner un avis favorable sur tous les amendements en discussion commune, exception faite de son avis de sagesse positive émis sur ceux qui visent à étendre le droit à l’oubli avant l’âge de dix-huit ans. La commission ne m’a donc pas semblé totalement à l’aise sur ce sujet, ce que je peux d’ailleurs comprendre, compte tenu du fait que l’avenant à la convention a été signé le 2 septembre dernier.
En effet, l’encre est à peine sèche que l’on décide déjà de légiférer ! On semble considérer que la convention ne sera pas mise en application ou douter que ses signataires agissent dans le sens de leurs engagements. Cela place le législateur que nous sommes dans une situation un petit peu difficile, car il ne faudrait pas laisser penser que notre vote exprime un acte de défiance à l’égard de ceux qui se sont engagés vis-à-vis de cet accord.
Par ailleurs, un autre problème se pose. Nous allons instaurer des contraintes relativement fortes par la voie législative. Qu’en sera-t-il, demain, si l’on demande aux assureurs de s’engager plus avant dans le dispositif que nous souhaitons mettre en œuvre ? L’évolution sera-t-elle économiquement supportable pour les compagnies d’assurance, même avec les mécanismes de réassurance ? Ne risquons-nous pas de nous retrouver avec des cotisations d’assurance bien plus élevées qu’elles ne l’auraient été si l’esprit et la lettre de la convention étaient respectés ?
En conclusion, je ne sais que faire. Pour autant, je comprends tout à fait les auteurs des amendements et partage leur objectif. L’attente est très forte chez nos concitoyens et, me semble-t-il, nous avons beaucoup trop tardé pour légiférer en la matière ou pour engager une négociation conventionnelle en vue d’aboutir au résultat que nous espérons. C’est cette impatience, à mon avis, qui est à l’origine du dépôt de cette série d’amendements, issus de pratiquement tous les groupes de la Haute Assemblée.
Je pense donc que le Sénat, dans toute sa sagesse, saura prendre la décision qui s’impose !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Nous nous retrouvons effectivement dans une situation un peu difficile : il y a d’un côté, le constat positif de l’existence de cette convention et de la création du droit à l’oubli, de l’autre, la volonté d’aller le plus loin possible en la matière tout en ayant le souci, comme vient de le souligner M. Vasselle, de ne pas « casser » une convention à peine signée. Les signataires pourraient effectivement s’interroger sur la réalité de la volonté de voir aboutir celle-ci.
Je le rappelle, l’alinéa 3 de l’article 46 bis prévoit tout de même une mise à jour régulière des délais en fonction des progrès thérapeutiques. Ce point est, je crois, très important.
Un sujet nous conduit à nous interroger néanmoins, madame la ministre. Nous nous appuyons sur les travaux de l’INCA qui constituent notre bible en matière de cancérologie. Or ces travaux ne semblent pas conforter la validité du délai de quinze ans.
Ainsi, les récidives surviennent souvent les premières années suivant la fin du traitement, faisant du taux de survie à cinq ans, voire à dix ans, des estimations fiables de la probabilité de guérison des cancers. Au-delà de dix ans, le risque résiduel étant stable, plus aucune étude de risque n’a été menée jusqu’à présent.
Je souhaite donc savoir, madame la ministre, pour quelle raison – sans doute est-ce au nom du principe de précaution – ce délai de quinze ans a été institué. Celui-ci ne semble reposer sur aucune donnée scientifique précise.
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour explication de vote.
Mme Agnès Canayer. Le droit à l’oubli est un droit de l’homme et sa reconnaissance dans la loi constitue effectivement une avancée fondamentale. Mais la loi est là pour encadrer l’exercice des libertés fondamentales et des droits de l’homme. Je juge donc essentiel qu’elle établisse un socle de base s’agissant de la reconnaissance et de l’exercice de ce droit à l’oubli, ce d’autant que la science progresse.
Certes, des conventions et accords ont été conclus, mais ils n’engagent que leurs signataires. Rien n’interdit d’aller plus loin dans ce cadre, dès lors que les dispositions fixées dans la loi sont respectées.
Cela étant, pour plus de 80 % des cancers, le taux de survie est supérieur à cinq ans. Il faut donc raccourcir le délai pour le droit à l’oubli, afin d’être en adéquation avec les progrès scientifiques.
Pour toutes ces raisons, je voterai en faveur de tous les amendements présentés. Ils permettent d’avancer sur cette question du droit à l’oubli.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. J’ai bien entendu Mme la ministre évoquer des données scientifiques. Toutefois, je rejoins Catherine Génisson dans son questionnement sur les éléments appelant à privilégier un délai de quinze ans, plutôt que de dix ans.
Mme la ministre nous explique que rien ne vient étayer, sur le plan scientifique, le délai de dix ans. Mais alors, quelles données scientifiques militent pour un délai de quinze ans ?...
Je me réjouis de la sagesse très favorable du Gouvernement sur la question des mineurs. C’est déjà un point important en faveur de l’adoption de l’article. Mais je regretterai vraiment que, à l’issue de nos travaux, nous n’ayons pas progressé sur cette question du délai.
S’agissant du questionnaire, j’entends bien les arguments et réserves exprimés par Mme la ministre. Mais il me semble que, en nous en tenant à un questionnaire ambigu, soulevant des questionnements quant à l’efficience même de ce droit à l’oubli, nous passerions tout de même un peu à côté de l’objectif que nous partageons, à savoir l’obtention, pour les personnes concernées, d’un véritable droit à l’oubli.
Françoise Laborde l’a très bien dit, il est question de double peine. Il y a des personnes malades, mais il y a aussi des personnes qui, après leur maladie, continuent d’être pénalisées. Il faut mettre un terme à cette double peine !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Sans revenir sur l’ensemble des questionnements, je veux tout de même évoquer quelques points en réponse aux interpellations, en particulier celle de Mme Génisson.
Je suis quelque peu désolée de devoir employer de tels termes alors que nous parlons de vie, de maladie et de personnes malades. Mais la durée de quinze ans a été fixée en s’appuyant sur des données produites par l’INCA dans le cadre du groupe de travail relatif au droit à l’oubli et – c’est précisément ce terme que je regrette de devoir employer – ces données sont statistiques. Ce sont les seuls éléments à partir desquels nous pouvons travailler, ce qui n’empêche pas que certaines personnes puissent être de facto guéries au bout de cinq, dix, douze ans, soit avant le terme des quinze ans.
J’ajoute que l’INCA, en parallèle, a entamé un travail de définition de grilles et procédera à des évaluations des risques statistiques de rechute ou des chances statistiques de guérison pour les différents cancers. Les premières grilles seront connues assez rapidement et il n’est pas du tout impossible – c’est même plus que possible – que la limite de quinze ans soit abaissée pour certains cancers.
L’INCA va donc examiner si les taux de guérison propres à certains types de cancers sont statistiquement plus élevés, très élevés. Je ne peux pas vous dire sur quelles catégories précises il travaille, ni quelles seront les premières grilles produites, mais l’idée est bien de considérer le délai de quinze ans comme un délai maximal. Au bout d’un certain temps, nous disposerons d’un ensemble de grilles, permettant d’établir des délais différenciés selon les cancers concernés.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Malheureusement, en matière de cancérologie, il est impossible de garantir à une personne qu’elle est définitivement guérie. On ne peut procéder que par statistique selon les pathologies, les groupes d’âge, etc. Bien entendu, les chances de guérison définitive augmentent au fur et à mesure des années, mais, j’y insiste, comme vient de le souligner Mme la ministre, l’analyse dans ce domaine ne peut être que statistique.
Si l’INCA a fixé un seuil de quinze ans, il l’a fait à partir de moyennes établies sur des données très variables selon les pathologies – on sait très bien, par exemple, que le taux de survie des personnes atteintes d’un cancer du poumon est très inférieur à celui de malades de cancer d’un autre type. Il faut donc, me semble-t-il, lui faire confiance. En imposant une limite trop basse, nous risquons de voir la convention repoussée par les signataires, alors même que, peut-être, dans quelques années, le seuil pourra évoluer. En l’état actuel des choses, on procède par statistique. C’est ainsi !
Par ailleurs, certains d’entre vous, mes chers collègues, ont déposé des amendements tendant à étendre le dispositif concernant les jeunes âgés de moins de quinze ans aux moins de dix-huit ans. L’âge de dix-huit ans correspond à la majorité civile, et non à l’état d’adulte. C’est pourquoi, les services de pédiatrie n’accueillent les malades que jusqu’à l’âge de quinze ans : au-delà, les jeunes patients sont admis dans les services pour adultes.
Et ce n’est pas totalement anodin. En effet, le fait de considérer la personne guérie en l’absence de signes durant cinq ans peut s’appliquer pour les cancers de l’enfant, mais certains cancers de l’adolescent, malheureusement, sont très évolutifs.
J’estime qu’il faut conserver, quitte à le faire évoluer dans quelques années, l’âge de quinze ans retenu dans le cadre de la convention – de nouveau, il a été déterminé scientifiquement et n’a rien à voir avec l’âge de la majorité civile.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, corapporteur. Effectivement, l’encre de l’avenant à la convention était à peine sèche quand nous avons examiné l’ensemble de ces amendements. Pour autant, nous disposions tout de même d’une expérience assez longue puisque, je vous le rappelle, mes chers collègues, les premières conventions conclues entre l’État, les assureurs et les associations de malades datent de 1991. Elles concernaient les patients séropositifs. Les premières conventions traitant de l’ensemble des pathologies datent, quant à elles, de 2001.
Je souhaite, par ailleurs, évoquer brièvement deux sujets.
D’une part, je veux rendre hommage au travail qui a été réalisé, en 2008, au Sénat, dans le cadre d’un rapport d’information relatif à la convention AERAS. Ce rapport, extrêmement important, contenait un certain nombre d’orientations, qui ont été reprises par la suite, pas forcément de manière volontaire, y compris, d’ailleurs, dans le présent projet de loi. Il avait été rédigé par Mme Marie-Thérèse Hermange, au nom de la commission des affaires sociales, et a conduit à l’adoption ultérieure, dans cette enceinte, d’un texte. Il m’importait de rendre hommage au travail réalisé par Marie-Thérèse Hermange sur ce sujet important, ce d’autant plus que nombre de ses interventions sur d’autres questions ont été reprises dans le cadre de ce débat, sans jamais qu’elle soit citée.
D’autre part, mes chers collègues, en m’appuyant sur mon ancienneté médicale, j’aurais tendance à vous inviter, dès lors que nous ne disposions pas de tous les éléments lors de l’examen en commission et que l’encre n’était pas encore sèche, à suivre les avis du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Les membres de mon groupe voteront certains de ces amendements, tout en ayant conscience des incertitudes scientifiques qui demeurent. L’introduction du droit à l’oubli dans ce projet de loi représente un progrès et il me semble bon que, sur un sujet préoccupant autant de Français, le Sénat manifeste son intérêt et exprime une préoccupation forte. C’est aussi la meilleure façon de soutenir tous ceux qui cherchent et se battent en ce sens.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Madame la ministre, sur ce sujet difficile et sensible, vous avez été totalement convaincante. Vous avez bien montré que le point de départ, ce sont les données statistiques fournies par l’INCA. Ces données, qui ne sont pas établies de manière définitive, permettent de dresser des grilles qui elles-mêmes évolueront dans le temps. À l’avenir, notre souci sera tout simplement de vérifier que la convention évolue en fonction de ces grilles.
Au vu de ces éléments, Catherine Génisson et moi-même nous rangeons à l’avis du Gouvernement. C’est pourquoi nous ne voterons pas les amendements identiques nos 137 rectifié bis, 549, 608 rectifié bis, 820, 891 rectifié et 935 ; en revanche, nous voterons, s’ils ne sont pas devenus entre-temps sans objet, les amendements identiques nos 139 rectifié ter, 566, 610 rectifié bis, 892 rectifié et 937.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 137 rectifié bis, 549, 608 rectifié bis, 820, 891 rectifié et 935.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 138 rectifié bis, 609 rectifié bis, 936, 139 rectifié ter, 566, 610 rectifié bis, 892 rectifié, 937, 140 rectifié ter, 611 rectifié bis, 938, 141 rectifié bis, 939 et 821 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 143 rectifié ter, 893 rectifié et 941.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 142 rectifié ter est présenté par Mmes Cayeux, Gruny et Micouleau, MM. Grand, Cambon, Bouchet et Bouvard, Mme Deromedi, MM. de Nicolaÿ, Commeinhes, Charon et Reichardt, Mmes Duranton et Troendlé, MM. Lefèvre, D. Robert et Gilles, Mme Hummel, MM. Kennel, Vogel, Joyandet et Falco, Mme Deseyne, MM. J.P. Fournier, Cardoux et B. Fournier, Mme Mélot, MM. Houel, Perrin, Pillet, Raison et Doligé, Mme Estrosi Sassone, M. Mouiller, Mme Kammermann, MM. Cornu, Vaspart, Houpert, A. Marc, Béchu et Trillard, Mmes Lamure et Primas et MM. Gournac, Adnot et Bignon.
L'amendement n° 940 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Ces modalités et ces délais sont mis à jour chaque année afin de tenir compte des avancées thérapeutiques et des données épidémiologiques par la commission des études et recherches instituée auprès de l’instance de suivi et de proposition mentionnée au 10° de l’article L. 1141-2-1.
La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour présenter l’amendement n° 142 rectifié ter.
Mme Caroline Cayeux. Le présent amendement vise à renforcer la garantie de réduction des délais d'application du droit à l'oubli en fonction des avancées thérapeutiques et des données épidémiologiques.
La convention prévoit notamment que les études réalisées par le groupe de travail chargé entre autres de la mise à jour de la grille de référence sont réalisées « en tant que de besoin » et au plus tard lors du renouvellement de la convention.
Ce rythme de mise à jour étant beaucoup trop imprécis et lent, il convient de le définir très précisément par le biais de la loi, afin de s'assurer que le droit à l'oubli suive les progrès très rapides de la recherche et de la médecine.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 940.
Mme Aline Archimbaud. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Le projet de loi prévoit que les modalités et délais qui doivent être fixés par la convention AERAS afin de mettre en œuvre le droit à l’oubli sont mis à jour régulièrement en fonction des progrès thérapeutiques.
Aux termes de l’avenant adopté le 2 septembre dernier, la grille de référence qui permet l’abaissement progressif du délai ouvrant le droit à l’oubli doit être mise à jour a minima au moment de chaque renouvellement, soit tous les trois ans.
Dans les présents amendements, il est prévu une mise à jour annuelle. Cette périodicité paraît trop courte au regard du rythme des progrès de la médecine. En effet, elle ne permet pas d’avoir un recul suffisant et obligerait les partenaires à être en négociation permanente.
Au demeurant, ces amendements soulèvent plusieurs problèmes d’ordre rédactionnel, notamment parce que la commission des études et recherches n’est pas mentionnée dans le code de la santé publique.
Par conséquent, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je souscris aux propos que vient de tenir Mme la rapporteur. Chacun dans cette enceinte souhaite que les futures grilles et les révisions dont elles feront l’objet prennent en considération les évolutions de la science, de la médecine et les progrès thérapeutiques.
C’est à la fois grâce à une meilleure connaissance des données statistiques et à l’arrivée de nouveaux traitements que nous pourrons améliorer la situation d’un certain nombre de patients.
Mais, madame Cayeux, madame Archimbaud, la loi ne peut pas définir le rythme des progrès thérapeutiques. Procéder aux essais et aux vérifications cliniques, aux analyses épidémiologiques, cela prend du temps, et la révision annuelle que vous proposez n’offrirait pas le recul nécessaire pour ce faire.
À la vérité, je ne suis pas certaine que le législateur sache mieux que les scientifiques à quel rythme les choses peuvent se faire. L’inscription dans la loi de dispositions aussi précises, aussi détaillées, aussi exigeantes n’aura au final aucune portée pratique. À quoi bon voter des textes s’ils ne débouchent sur rien de concret ? Peut-être le risque est-il même de désespérer ceux à qui l’on s’adresse.
Mme la présidente. Madame Cayeux, l'amendement n° 142 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Caroline Cayeux. Non, je le retire, madame la présidente, compte tenu des explications avancées par Mme la ministre.
Mme la présidente. L'amendement n° 142 rectifié ter est retiré.
Madame Archimbaud, l'amendement n° 940 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 940 est retiré.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 144 rectifié bis est présenté par Mmes Cayeux, Gruny et Micouleau, MM. Grand, Cambon, Mandelli, Bouchet et Bouvard, Mme Deromedi, MM. de Nicolaÿ, Commeinhes, Charon et Reichardt, Mmes Duranton et Troendlé, MM. Lefèvre, D. Robert et Gilles, Mme Hummel, MM. Kennel, Vogel et Falco, Mme Deseyne, MM. J.P. Fournier, Cardoux et B. Fournier, Mme Mélot, MM. Houel, Perrin, Pillet, Chasseing et Doligé, Mme Estrosi Sassone, M. Mouiller, Mme Kammermann, MM. Cornu, Vaspart, Houpert, A. Marc, Béchu et Trillard, Mmes Lamure et Primas et MM. Gournac, Adnot et Bignon.
L'amendement n° 612 rectifié bis est présenté par Mmes Jouanno et Billon et MM. Guerriau et Luche.
L'amendement n° 822 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 5
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« Art. L. 1141-6. – Les personnes atteintes ou ayant été atteintes d’une pathologie pour laquelle l’existence d’un risque aggravé de santé a été établi ne peuvent se voir appliquer conjointement une majoration de tarifs et une exclusion de garantie pour leurs contrats d’assurance ayant pour objet de garantir le remboursement d’un crédit relevant de la Convention nationale mentionnée à l’article L. 1141-2. »
II. – En conséquence, alinéa 7, première phrase
Après la référence :
L. 1141-5
insérer (deux fois) les références :
et de l’article L. 1141-6
La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour présenter l’amendement n° 144 rectifié bis.
Mme Caroline Cayeux. La convention AERAS prévoit la possibilité pour les organismes assureurs d'appliquer non seulement des surprimes, mais aussi, conjointement, des exclusions de garantie importantes en cas de nouveau cancer ou de décès notamment.
Le présent amendement vise à ce que les contrats de garantie emprunteur ne puissent cumuler et les exclusions de garanties et les surprimes, ce afin de protéger les emprunteurs, qui sont bien souvent contraints d'accepter de telles clauses s'ils souhaitent souscrire un emprunt.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l'amendement n° 612 rectifié bis.
Mme Annick Billon. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l'amendement n° 822.
M. Dominique Watrin. Il est également défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ces trois amendements identiques visent à interdire aux assureurs d’appliquer à la fois des exclusions de garantie et des majorations de tarifs.
Face au risque aggravé que peut représenter l’état de santé des candidats à l’assurance, les assureurs peuvent être conduits à exclure certains risques des garanties qu’ils proposent ou à les couvrir moyennant une majoration du tarif.
Par hypothèse, les risques couverts à un tarif majoré ne sont pas exclus.
Par exemple, un assureur peut accepter de couvrir une personne souffrant ou ayant souffert d’une pathologie cancéreuse pour le risque décès, à un prix majoré, tout en excluant la couverture du risque invalidité.
L’exclusion et la majoration de tarif sont donc non pas cumulées, mais appliquées à des risques différents. Interdire aux assureurs de proposer de telles solutions pourrait avoir pour effet de réduire l’accès à l’assurance des personnes présentant un risque aggravé en matière de santé. En effet, un assureur ne pouvant pas majorer le tarif de l’assurance pour certains risques sera conduit à élargir le champ des exclusions de garantie.
L’adoption de ces amendements pourrait donc avoir des conséquences contraires à l’objectif de leurs auteurs. C’est pourquoi la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable pour des raisons identiques à celles que vient d’indiquer Mme la rapporteur.
D’une part, les surprimes et les exclusions de garantie répondent à deux enjeux différents. Par conséquent, il n’y a pas nécessairement à faire un choix entre les unes et les autres.
D’autre part, l’adoption de ces amendements tels qu’ils sont rédigés aboutirait à fragiliser l’accès au crédit de personnes qui par ailleurs se retrouvent en difficulté. Je ne pense pas que ce soit l’objectif des auteurs de ces amendements, qui recherchent plutôt l’inverse.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 144 rectifié bis, 612 rectifié bis et 822.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 145 rectifié quater, présenté par Mmes Cayeux, Gruny et Micouleau, MM. Grand, Cambon, Bouchet et Bouvard, Mme Deromedi, MM. de Nicolaÿ, Commeinhes, Charon et Reichardt, Mmes Duranton et Troendlé, MM. Lefèvre et D. Robert, Mme Hummel, MM. Kennel, Vogel, Joyandet et Falco, Mme Deseyne, MM. J.P. Fournier, Cardoux et B. Fournier, Mme Mélot, MM. Houel, Perrin, Pillet, Chasseing et Doligé, Mme Estrosi Sassone, M. Mouiller, Mme Kammermann, MM. Cornu, Vaspart, Houpert, A. Marc et Béchu, Mme Lamure, M. Trillard, Mme Primas et MM. Gournac et Bignon, est ainsi libellé :
Compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Après le 2° bis du II de l'article L. 612-1 du code monétaire et financier, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« …° De veiller, dans le cadre de son activité de contrôle des établissements de crédit et des organismes assureurs, au respect de leurs engagements au regard des dispositions de la convention nationale mentionnées à la section 2 du chapitre 1er du titre IV du livre Ier de la première partie du code de santé publique ;
« …° De remettre chaque année au Parlement et au Gouvernement un rapport d'activité sur le contrôle susmentionné ; ».
La parole est à Mme Caroline Cayeux.
Mme Caroline Cayeux. Afin de garantir la mise en place et la bonne application du droit à l'oubli dans l'intérêt des emprunteurs, le présent amendement vise à instaurer un contrôle par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution de l'application des dispositions prévues par la convention AERAS et le code de la santé publique complété par le présent projet de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Le contrôle par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ainsi que le bilan annuel, est déjà prévu par la convention. En outre, deux membres de l’Autorité siègent au sein de la commission de suivi et de contrôle de la convention, laquelle commission peut saisir l’Autorité.
Alors que les signataires de la convention ont déjà prévu un suivi et un contrôle de son application par l’Autorité, le présent amendement semble témoigner d’une certaine méfiance.
La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, il est bien entendu utile qu’un contrôle puisse être mis en œuvre par une autorité indépendante. Cette préoccupation, que nous partageons, a d’ailleurs été mise en avant par l’Inspection générale des affaires sociales lors de la mission d’appui à la commission de suivi et de propositions en vue de l’instauration du droit à l’oubli.
Néanmoins, votre amendement soulève un certain nombre de difficultés.
En premier lieu, l’intégration spécifique de la convention AERAS dans le champ des missions de l’Autorité de contrôle pourrait laisser entendre a contrario que celle-ci n’est pas compétente pour d’autres conventions applicables à d’autres champs. Cela pourrait la mettre en difficulté à l’occasion de contrôles qu’elle réaliserait.
En second lieu, le contrôle que vous proposez d’instaurer n’inclut pas les sociétés de financement, qui doivent cependant appliquer la convention Aeras au même titre que les établissements de crédit. Or il convient d’assurer un traitement équitable de l’ensemble des organismes soumis à cette convention en matière de contrôle.
Indépendamment de la question de la demande de rapport, qui n’est pas à mes yeux particulièrement problématique, il me semble que nous devons approfondir la réflexion sur la manière de clarifier les conditions d’intervention de l’Autorité de contrôle prudentiel.
N’étant pas certaine que cet amendement, tel qu’il est rédigé, réponde à la réalité de la situation, j’en sollicite le retrait.
Mme la présidente. Madame Cayeux, l'amendement n° 145 rectifié quater est-il maintenu ?
Mme Caroline Cayeux. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 145 rectifié quater est retiré.
La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l’article.
M. Alain Vasselle. Je voudrais profiter de cette occasion pour attirer l’attention de la Haute Assemblée et du Gouvernement sur un tout autre sujet que le droit à l’oubli.
Lorsque nous avons porté à soixante-dix ans l’âge auquel les entreprises peuvent imposer à leurs salariés de partir à la retraite, les compagnies d’assurance n’en ont pas tiré toutes les conséquences, de sorte que, au-delà de soixante-cinq ans, on n’est plus couvert, ou alors en supportant un taux très fortement majoré. Cette question n’a jamais été examinée ni réglée.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Nous sommes évidemment pour le droit à l’oubli, mais nous serons quelques-uns à nous abstenir sur cet article, tel qu’il est rédigé, faute d’approuver un dispositif qui ne s’appuie pas sur les données scientifiques produites par l’Institut national du cancer.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, corapporteur.
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur de la commission des affaires sociales. Ce débat ne pouvait être que passionné, car nous avons tous connu, au sein de notre famille ou dans notre entourage, des personnes qui, après avoir eu un cancer, ont su avec beaucoup de courage réapprendre à vivre, faire des projets, en affrontant des difficultés pour se construire un nouvel avenir.
Cependant, comment passer d’un débat passionné, relatif à l’individu, à un débat passionnant, portant sur l’intérêt général ? À cet égard, les auditions auxquelles nous avons procédé en tant que rapporteurs ont tenu une grande place.
Nous avons d’abord obtenu l’assurance que les anciens malades ont été associés à la convention. Une autre garantie tient à la notion de comitologie : il s’agit de prendre en compte l’évolution de la science pour élaborer des grilles qui permettront à l’avenir de progresser davantage encore en matière de droit à l’oubli. Enfin, comme l’a dit très justement M. Vasselle, les signataires de la convention doivent être considérés non pas comme des adversaires, mais comme des partenaires pour l’avenir. Grâce à ces garanties, ceux qui ont vaincu la maladie bénéficieront demain de davantage de possibilités. Pour nous, rapporteurs, il était important d’entendre Mme la ministre reprendre ces éléments à son compte.
Nous sommes bien entendu sans réserve favorables au droit à l’oubli, mais, au-delà, il faut surtout garantir les progrès de la médecine, permettre à la science de vaincre la maladie. À ce propos, nous avons eu l’occasion, avec le président du Sénat, de visiter le centre Gustave-Roussy. Tous les professeurs que nous avons rencontrés nous ont demandé de faire en sorte que nos chercheurs puissent rester en France. Nous réalisons d’énormes progrès, mais, aujourd’hui, beaucoup de chercheurs partent à l’étranger. Il faut essayer d’y remédier.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 46 bis, modifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 266 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 219 |
Pour l’adoption | 219 |
Le Sénat a adopté. |
Article 46 ter A
(Non modifié)
À l’article L. 111-8 du code des assurances, après le mot : « organes », sont insérés les mots : « , de cellules ou de gamètes ». – (Adopté.)
Article 46 ter
(Supprimé)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, corapporteur. Mon intervention sera peut-être un peu longue, mais je serai bref lors de l’examen de l’amendement du Gouvernement.
L’article 46 ter, qui résultait de l’adoption à l’Assemblée nationale d’un amendement du professeur Jean-Louis Touraine relatif aux greffons, a été supprimé par la commission des affaires sociales du Sénat.
La législation actuelle n’est en rien responsable du taux de refus du don d’organes constaté, contrairement à ce que prétendent les partisans d’un renforcement du principe du consentement présumé. Il est aisé d’en faire la démonstration.
L’Espagne, qui applique également le principe du consentement présumé, affiche un taux de refus du prélèvement d’organes de 18 %. La Belgique, qui applique le principe de la solidarité présumée, équivalent à celui du consentement présumé, connaît un taux de refus d’environ 20 %.
En France, on constate d’importantes disparités régionales, que la législation ne saurait expliquer. Le taux de refus est de 40 % en Île-de-France, et de seulement 20 % dans l’ouest de notre pays. Pour mémoire, le taux d’opposition au don en France, tel qu’il a été établi lors des enquêtes d’opinion, est de l’ordre de 20 % à 25 %.
En d’autres termes, il est possible, en France comme en Espagne, en Île-de-France comme dans l’ouest de notre pays, avec la législation actuelle, qui prend en compte le témoignage des proches, d’aboutir à un taux de refus effectif conforme au taux de refus attendu. La même loi s’appliquant sur l’ensemble du territoire national, le fait que les refus soient plus fréquents à Paris ou à Marseille qu’ailleurs n’est pas lié à la législation actuelle.
Pourquoi les refus sont-ils aussi nombreux ? L’amendement qui a été présenté à l’Assemblée nationale était censé réduire de façon drastique le taux d’opposition au don d’organes. Mais, en réalité, la mise en œuvre de son dispositif nous aurait détournés d’identifier les motifs réels de nos échecs et de rechercher des pistes d’amélioration.
Quant au recueil, auprès des proches, de la non-opposition, il dépend de deux éléments.
Le premier est la sensibilisation et l’information des Français. Un entretien avec les proches du défunt est notamment facilité lorsque les personnes auxquelles on s’adresse ont été sensibilisées au préalable.
Le second est le professionnalisme des personnels de santé impliqués dans de tels entretiens.
Ce qui fait le succès du système espagnol, c’est l’existence d’une culture du don d’organes, acquise par la population, et d’équipes de coordination particulièrement performantes.
En France, la connaissance affinée des déterminants des refus n’a jamais été prise en compte pour élaborer la communication de l’Agence de la biomédecine. Le déficit de sensibilisation et d’information du public est flagrant : notre organisation n’est pas optimale. Toutes les régions et tous les établissements autorisés à effectuer des prélèvements d’organes ne sont pas aussi performants.
Dans un esprit pragmatique, l’Agence de la biomédecine devrait s’inspirer des méthodes qui font leurs preuves dans certaines régions de France et les étendre aux autres, pour que les mesures prises puissent être fondées, autant que possible, sur des expériences de terrain.
Étrangement, cette démarche n’a jamais été entreprise, alors qu’elle tombe sous le sens. Elle mettrait probablement au jour des vérités qui dérangent : les carences en matière de communication auprès du public, le manque de formation des personnels de santé concernés, les défauts dans l’organisation territoriale, s’agissant notamment des réseaux de prélèvement.
En conclusion, nous sommes responsables du taux élevé de refus.
Parmi ceux qui soutiennent le principe du consentement présumé, certains laissent penser que l’esprit de la loi Caillavet, telle que rédigée en 1976, ferait du don d’organes après la mort un devoir social.
Qu’est-ce qu’un devoir social ? Léon Bourgeois en a donné cette définition en 1896 : « Le devoir social n’est pas une pure obligation de conscience. C’est une obligation fondée en droit, à l’exécution de laquelle on ne peut se dérober. »
Il convient de rappeler les termes de la loi Caillavet de décembre 1976, relative aux prélèvements d’organes : « Des prélèvements peuvent être effectués à des fins thérapeutiques ou scientifiques sur le cadavre d’une personne n’ayant pas fait connaître de son vivant son refus d’un tel prélèvement. »
Le décret n° 78-501 du 31 mars 1978, pris pour l’application de ce texte, ne fixait pas de limitation aux modalités selon lesquelles nos concitoyens pourraient exprimer un éventuel refus au don et, par là même, faire respecter leur intégrité corporelle après leur mort. La personne qui entend s’opposer à un prélèvement sur son cadavre peut exprimer son refus par tout moyen.
Pour résumer, l’esprit de la loi Caillavet, c’est la présomption de solidarité volontaire, et non celle de solidarité imposée.
Pour autant, peut-on exclure le témoignage des proches ? Si l’accord de ces derniers n’est pas légalement requis, leur acceptation, adhésion, approbation, acquiescement ou aval est nécessaire.
Il est illusoire de croire que le don d’organes puisse relever d’une obligation, contrainte ou injonction.
Comme le relève l’Agence de la biomédecine elle-même dans le bilan de l’application de la loi relative à la bioéthique qu’elle a dressé en octobre 2008, « en pratique, et quel que soit le régime de consentement exprès ou présumé, tous les pays s’assurent également de la non-opposition des familles ».
La commission a effectué, sur ce point, des recherches approfondies. À notre connaissance, exception faite de la Russie, aucun pays européen ne pratique de prélèvements d’organes en cas d’opposition des familles.
Si la non-opposition des proches comme préalable au don d’organes est la règle dans tous les pays démocratiques appliquant le principe du consentement présumé en l’absence d’inscription de la personne décédée sur un éventuel registre des refus, c’est sans doute qu’une application stricte du principe du consentement présumé n’a pas été jugée souhaitable.
À nos yeux, le prélèvement d’organes ne saurait donc être imposé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. L'amendement n° 1258, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Les deuxième à avant-dernier alinéas de l’article L. 1232-1 du code de la santé publique sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le médecin informe les proches du défunt, préalablement au prélèvement envisagé, de sa nature et de sa finalité, conformément aux bonnes pratiques arrêtées par le ministre chargé de la santé sur proposition de l’Agence de la biomédecine.
« Ce prélèvement peut être pratiqué sur une personne majeure dès lors qu’elle n’a pas fait connaître, de son vivant, son refus d’un tel prélèvement, principalement par l’inscription sur un registre national automatisé prévu à cet effet. Ce refus est révocable à tout moment. »
II. – Le 2° de l’article L. 1232-6 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« 2° Les modalités selon lesquelles le refus prévu au dernier alinéa du même article peut être exprimé et révoqué ainsi que les conditions dans lesquelles le public et les usagers du système de santé sont informés de ces modalités ; ».
III. – Les I et II entrent en vigueur six mois après la publication du décret en Conseil d’État prévu au II, et au plus tard le 1er janvier 2017.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Le prélèvement d’organes est un sujet difficile. Il touche à ce que nous pouvons avoir de plus intime, à savoir notre rapport avec la mort de nos proches.
Encore faut-il préciser ce dont nous parlons : à aucun moment il n’est question d’une obligation contrainte. Cet amendement, qui tend à rétablir un article qui avait été adopté par l’Assemblée nationale sur l’initiative du Gouvernement, n’a en aucun cas trait à une obligation de don d’organes. Si quelqu’un défendait cette idée, je serais la première à la combattre ! On ne peut évidemment pas imposer à qui que ce soit de donner ses organes après sa mort.
Le débat n’est absolument pas là. Il porte sur une réalité que vous avez détaillée de manière assez précise, monsieur Milon : comme beaucoup d’autres pays européens, la France vit sous l’empire d’une loi, en l’espèce la loi Caillavet, ayant instauré le principe du consentement présumé.
Au terme des débats qui se sont tenus à l’Assemblée nationale, un certain nombre de personnes m’ont demandé pourquoi le Gouvernement avait instauré le consentement présumé. Cela montre que la grande majorité de nos concitoyens sont convaincus que, en France, la règle s’appliquant en la matière est : qui ne dit mot ne consent pas, d’où la nécessité de consulter la famille !
En réalité, comme chacun le sait dans cet hémicycle, le principe fixé par la loi est celui du consentement présumé. Cela étant, il faut également tenir compte d’un ensemble de pratiques et de règles morales en vertu desquelles aucun médecin, aucun établissement n’opérera un prélèvement d’organes sur un défunt contre l’avis de sa famille.
Ainsi, on aboutit à la coexistence de deux principes : le consentement présumé, qui est d’ordre législatif, et le dialogue avec la famille, sauf – et encore ! – lorsque la personne décédée avait exprimé sa volonté de la manière la plus claire qui soit, ce qui arrive parfois.
Dès lors, tout l’enjeu est de savoir comment concilier ces deux ordres de principes.
Devant le manque de greffons, un député, qui porte le même nom que moi, mais qui n’est pas moi (Sourires.), a déposé un amendement dont la rédaction, rugueuse aux yeux de certains, a suscité des réactions, notamment dans le milieu médical et parmi les familles.
Cet amendement n’est pas celui que je suis en train de vous présenter. En effet, son dispositif a été profondément modifié sur l’initiative du Gouvernement, afin de bien mettre l’accent sur la place des familles et sur leur nécessaire consultation. Ces dispositions ne figuraient pas dans l’amendement déposé par M. Touraine, tandis que le présent amendement tend à inscrire dans la loi la nécessité du dialogue avec les familles.
Le paradoxe, c’est que, dans la pratique, ce dialogue a déjà lieu, mais qu’il n’est absolument pas inscrit dans la loi, qui ne prévoit que le principe du consentement présumé.
Nous devons donc inscrire nettement dans la loi la nécessité du dialogue avec la famille. Nous devons également nous pencher – c’est tout l’enjeu du présent amendement – sur les moyens de favoriser le recueil de la volonté des personnes à l’égard du prélèvement d’organes.
Un débat s’est fait jour sur ce point à l’Assemblée nationale. Pour certains, la seule manière d’exprimer son refus du don d’organes devrait être l’inscription sur le registre national. Cependant, cette méthode a paru à la fois très restrictive et peu pratique, d’où la proposition du Gouvernement d’engager une concertation avec les familles, les médecins et les acteurs du monde hospitalier pour déterminer les modalités du recueil de l’expression de la volonté.
À ce titre, certains de vos collègues députés ont suggéré que celle-ci figure sur la carte Vitale. D’aucuns m’assurent que cette solution n’est pas praticable : pour l’heure, je n’en sais rien. En conséquence, j’ai inscrit dans le présent amendement le principe d’une concertation, qui durera toute l’année 2016, pour aboutir, au 1er janvier 2017, à un décret en Conseil d’État qui déterminera les modalités de l’expression de la volonté, c’est-à-dire du refus, en matière de don d’organes.
Concrètement, il ne s’agit pas de revenir sur le principe du consentement présumé, ni, bien évidemment, d’instaurer une obligation de prélèvement : le Gouvernement ne l’a jamais envisagé. Il s’agit de répondre aux deux questions suivantes : comment renforcer la place de la famille du défunt, qui, plongée dans une situation de détresse, a besoin d’être accompagnée ? Comment faciliter l’expression de la volonté avant le décès ?
Il n’est pas évident que la solution du registre national soit la plus simple. Pour certaines personnes, le plus simple, c’est d’écrire sa volonté sur un bout de papier et de le conserver dans son portefeuille. Nous devons nous pencher sur cette question sans a priori ni tabou. Peut-être devons-nous permettre diverses manières d’exprimer son acceptation ou son refus du prélèvement d’organes.
Il va de soi qu’une personne ayant manifesté son refus ne peut ni ne doit faire l’objet d’un prélèvement, quoi qu’en pense sa famille. J’insiste sur ce point : l’expression d’une telle volonté est absolument intangible.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’Agence de la biomédecine procède déjà à la mise en évidence des bonnes pratiques. Le centre hospitalier universitaire de Nantes est un pionnier en France et en Europe : la région nantaise présente un taux de refus voisin de celui de l’Espagne, grâce à une pratique, à un savoir-faire, à une culture dont l’Agence de la biomédecine a connaissance. Des échanges, des coopérations ont actuellement lieu entre différents centres de prélèvement, mais, à l’évidence, cela ne suffit pas.
Tel est l’esprit du présent amendement, auquel il ne faut cependant pas donner une portée qu’il n’a pas. Il ne s’agit en aucun cas de bouleverser les principes du droit en matière de prélèvement d’organes. Il ne s’agit pas de remettre en cause le principe du consentement présumé, encore moins d’écarter les familles ou d’édicter une obligation. Je le répète, l’enjeu est de définir les modalités selon lesquelles le refus du prélèvement d’organes peut être exprimé.
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Communication du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 30 septembre, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles L. 671-2 et L. 671-3 du code de l’énergie (Dispositions particulières à l’outre-mer relatives au pétrole, aux biocarburants et bioliquides) (2015-507 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
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Clôture de la seconde session extraordinaire de 2014-2015
Mme la présidente. Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République portant clôture de la seconde session extraordinaire de 2014-2015.
En conséquence, il est pris acte de la clôture de la session extraordinaire.
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART