Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission demande le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je demande à M. Lemoyne de bien vouloir retirer son amendement, au bénéfice des éléments d’information que je vais lui communiquer.
À l’automne 2014, a été mis en place un ensemble de mesures relatives à l’interdiction de l’achat de tabac en ligne. Ces mesures récentes donnent déjà des résultats intéressants.
Ainsi, au mois de janvier, un trafic a été démantelé par les douanes. Il impliquait un commerçant implanté en Belgique qui fournissait en tabac des clients établis en France, via des commandes prises sur son site internet. Les investigations menées par plusieurs services douaniers – dont Cyberdouane – ont permis de déterminer qu’il livrait son tabac à Lille, où il était ensuite expédié par voie postale aux clients français. Les douaniers ont saisi 215 kilos de tabac destinés à 150 clients français. Ce commerçant a admis avoir expédié entre neuf et douze tonnes de tabac vers la France.
Par ailleurs, le futur plan contre le commerce illicite prévu dans le programme national de réduction du tabagisme devrait permettre de renforcer les contrôles.
De nouvelles mesures sont à l’étude pour conforter les missions de la douane en matière de contrôle des achats de tabac effectués sur internet. Le développement d’un partenariat avec les opérateurs – non pas de paiement, à ce stade, mais de fret postal – est prévu afin de renforcer l’efficacité des contrôles.
Telles sont les informations que je suis en mesure de vous livrer aujourd’hui. Nous pourrons vous en communiquer de nouvelles dans le cadre des débats parlementaires à venir. En tout état de cause, la remise d’un rapport ne me paraît pas nécessaire.
Mme la présidente. Monsieur Lemoyne, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je remercie Mme la ministre pour ces éléments d’information. Je retire mon amendement. Nous resterons attentifs à ce chantier.
Mme la présidente. L'amendement n° 393 rectifié bis est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 558 rectifié bis, présenté par MM. Chasseing, Béchu et Cadic, Mme Deromedi et MM. Détraigne, Fouché, Kennel, Laménie, Morisset et Nougein, est ainsi libellé :
Après l’article 5 duovicies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet un rapport au Parlement, dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi, sur la proportion du marché parallèle du tabac afin de mieux le combattre.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Que M. Vasselle et Mme le rapporteur veuillent bien m’en excuser : il s’agit là encore de demander la remise d’un rapport, en l’occurrence sur la part du marché parallèle du tabac, afin de pouvoir mieux combattre celui-ci. Cet amendement est complémentaire de celui défendu tout à l’heure par Mme Génisson, que j’ai voté.
Il est connu que le marché parallèle représente une part importante de la consommation de tabac en France et pénalise les buralistes sur tout le territoire, pas uniquement en zones frontalières. L’instauration du paquet neutre renforcerait encore, selon moi, l’achat de tabac dans les pays voisins. Il est souhaitable de se mettre en conformité avec la directive européenne.
Je propose d’étudier le marché parallèle de façon plus approfondie, ce qui permettra par la suite de mieux le combattre.
Mme la présidente. L'amendement n° 1050 rectifié, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 5 duovicies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre 2016, un rapport analysant les pistes d’amélioration de la traçabilité du tabac et de la lutte contre le commerce illicite des produits du tabac.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Ces demandes de rapport expriment la volonté d’un certain nombre d’entre nous d’obtenir davantage d’informations concernant la mise en œuvre d’actions énergiques en matière de lutte contre le trafic et le marché illicite. Nous pensons qu’il existe encore, sur ce point, des marges de progrès. Cela étant dit, je retire l’amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 1050 rectifié est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 558 rectifié bis ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 558 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 449 rectifié bis, présenté par MM. Commeinhes, Chatillon, Charon et Houel, Mme Mélot et M. A. Marc, n’est pas soutenu.
L'amendement n° 319, présenté par Mme Schillinger, est ainsi libellé :
Après l’article 5 duovicies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 4211-1-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4211-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 4211-1-... – Par dérogation au 4° de l'article L. 4211-1, toute personne titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionnés aux articles L. 4221-2 à L. 4221-5, peut également vendre au public les produits présentés comme supprimant l'envie de fumer ou réduisant l'accoutumance au tabac définis à l’article L. 5121-2 et non soumis à prescription obligatoire. »
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Le présent amendement a pour objet d’autoriser la vente des substituts nicotiniques en dehors des pharmacies, selon une « ouverture encadrée », à l’instar de ce qui a déjà été fait dans d’autres pays européens, tels que l’Italie et le Portugal. Cette vente se ferait uniquement dans les parapharmacies et sous le contrôle d’un docteur en pharmacie ayant la même formation et le même diplôme que les pharmaciens d’officine.
À l’heure où les cigarettes électroniques sont en vente libre, les substituts nicotiniques – patchs, gommes, sprays… – restent reconnus comme le moyen le plus efficace pour arrêter de fumer. Aujourd’hui, il est plus facile de se procurer des produits du tabac que des produits de sevrage. Les substituts nicotiniques, à prescription médicale facultative, peuvent être achetés librement dans les pharmacies et sur internet. Leurs prix restent toutefois bien trop élevés. Par ailleurs, ils ne sont pour l’instant remboursés qu’à hauteur de 50 euros par an et par personne – sous réserve de disposer d’une ordonnance – et de 150 euros pour certaines populations prioritaires, telles que les femmes enceintes et, bientôt, les jeunes. Ce montant demeure très insuffisant et laisse un reste à charge important pour le patient.
L’autorisation de vendre ces substituts nicotiniques hors des pharmacies d’officine permettra de faire baisser les prix et de rendre ces produits plus accessibles.
Actuellement, les prix varient d’une pharmacie à l’autre : on constate une amplitude de plus ou moins 40 % par rapport au prix de vente moyen et des écarts de l’ordre de 20 euros pour une même référence.
Enfin, la vente hors des pharmacies n’entraînera pas de mésusages. Par exemple, en Italie et au Portugal, pays qui ont opté pour une vente encadrée sous le contrôle de docteurs en pharmacie, il n’a pas été observé d’augmentation des mésusages et d’effets indésirables. Par ailleurs, selon certaines études, cela ne conduira pas à une surconsommation de médicaments.
Dans le cadre de la lutte contre le tabac, il est nécessaire d’étendre l’autorisation de vendre ces substituts nicotiniques hors des pharmacies d’officine, pour faire baisser les prix, faciliter l’accès aux produits et augmenter le pouvoir d’achat des Français.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Nous avons eu en commission une discussion très intéressante sur la surveillance médicale des patients qui commencent à prendre des substituts nicotiniques et sur le fait que ces produits sont en réalité considérés comme des médicaments.
Dès lors, autoriser les parapharmacies à vendre des substituts nicotiniques reviendrait à ouvrir, à terme, la voie à la vente d’autres médicaments en dehors des pharmacies, y compris dans les supermarchés, comme dans le système américain. Nous ne sommes pas favorables à une telle évolution : nous souhaitons que la surveillance médicale continue à s’exercer et que la vente de ces produits reste du ressort des pharmacies.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Les patchs nicotiniques ont en effet, dans notre pays comme dans d’autres, le statut de médicaments et bénéficient, à ce titre, d’une autorisation de mise sur le marché. Juridiquement, il est impossible d’établir une distinction, en matière de vente en dehors des pharmacies, entre les substituts nicotiniques et les autres médicaments. Si l’on autorisait la vente des patchs nicotiniques dans les supermarchés, par exemple, cela signifierait que ces derniers pourraient vendre l’ensemble des médicaments, comme d’aucuns le souhaitent. Ce n’est pas la position du Gouvernement.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement. Les médicaments doivent continuer à être vendus dans les pharmacies.
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.
Mme Patricia Schillinger. J’ai bien précisé que la vente de patchs ou d’autres substituts nicotiniques devrait être contrôlée par un docteur en pharmacie. La plupart de nos concitoyens, notamment les jeunes, font leurs courses dans de grandes surfaces qui abritent des espaces pharmacies où exercent des docteurs en pharmacie. Y autoriser la vente de substituts nicotiniques représenterait un pas en avant.
Nous avions eu le même débat à propos des tests de grossesse ; or la libéralisation encore plus large de leur vente n’a pas suscité de problèmes.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Je tiens à préciser, pour qu’il n’y ait pas de confusion, que les tests de grossesse ne sont pas des médicaments. L’autorisation de leur vente en dehors des pharmacies, à laquelle j’étais, pour ma part, favorable, a permis de faire baisser les prix.
Les patchs nicotiniques, en revanche, ont le statut de médicaments. Il n’est pas possible de prévoir qu’ils soient les seuls médicaments à pouvoir être vendus ailleurs que dans les pharmacies : si nous autorisons leur vente dans les grandes surfaces, par exemple, ces dernières pourront distribuer l’ensemble des médicaments. Telle est la volonté de certains, mais ce n’est pas la position du Gouvernement. Une telle évolution irait à l’encontre non seulement de la qualité du service, mais aussi du maillage territorial : un certain nombre de pharmacies seraient contraintes de fermer leurs portes, notamment dans les territoires ruraux.
Les pharmacies sont des commerces de proximité, et la France a la chance de pouvoir compter sur un maillage territorial de pharmacies dense. Je suis convaincue que nous n’aurions rien à gagner à affaiblir celui-ci au profit des grandes surfaces. Nos concitoyens bénéficieraient sans doute de prix d’appel, mais ils auraient une plus grande distance à parcourir pour se procurer leurs médicaments et le service serait de qualité moindre.
Je confirme donc mon avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.
Mme Corinne Imbert. Je remercie Mme la ministre et M. le président de la commission des affaires sociales pour leurs explications très claires sur le statut des patchs nicotiniques et l’importance du réseau pharmaceutique dans notre pays.
Le présent texte encourage les professionnels de santé, qu’ils soient médecins, pharmaciens, infirmiers ou kinésithérapeutes, à se constituer en pôles de santé, à travailler ensemble et à se doter d’un projet de santé. Je pense que l’accompagnement du sevrage tabagique peut s’inscrire dans un tel projet. En effet, le sevrage représente un cheminement difficile pour les fumeurs.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 319.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Chapitre II
Soutenir les services de santé au travail
Article 6
(Non modifié)
L’article L. 4623-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, un décret fixe les conditions dans lesquelles un collaborateur médecin, médecin non spécialiste en médecine du travail et engagé dans une formation en vue de l’obtention de cette qualification auprès de l’ordre des médecins, exerce, sous l’autorité d’un médecin du travail d’un service de santé au travail et dans le cadre d’un protocole écrit et validé par ce dernier, les fonctions dévolues aux médecins du travail. »
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l’article.
M. Dominique Watrin. L’article 6 est malheureusement le seul de ce projet de loi qui porte exclusivement sur la santé au travail, ce qui nous paraît en soi inquiétant.
Au-delà, la médecine du travail est malmenée depuis plusieurs années et condamnée, si rien n’est fait, à disparaître à plus ou moins long terme en raison de la faiblesse de sa démographie.
Lors d’une récente conférence, un éminent médecin du travail évoquait un seuil critique de 3 500 médecins du travail, en deçà duquel le système se gripperait. Or nous n’en sommes plus très loin. Dans les cinq à huit ans qui viennent, 60 % des médecins du travail partiront à la retraite. Dans les faits, la médecine du travail atteindra donc le seuil critique en 2020.
Plusieurs causes peuvent expliquer cette situation inquiétante : le manque d’attractivité d’une spécialité qui nécessite les plus longues études de médecine, le numerus clausus restrictif depuis plusieurs années, l’insécurité législative quant aux futures évolutions du métier. Ainsi, alors que toutes les spécialités médicales sont affectées par une démographie en berne, les effectifs de la médecine du travail, réputée ingrate, sont en chute constante.
Pour que cette spécialité puisse survivre, il faudrait que le nombre des installations égale au moins celui des départs à la retraite ou des cessations d’activité. Il faudrait former au moins 500 médecins du travail par an, mais le petit nombre actuel de médecins du travail en exercice est en soi un frein. En effet, dans notre système universitaire, les médecins sont formés par leurs pairs.
Cependant, un effort significatif des pouvoirs publics pourrait changer la donne, en assurant un cadre de travail pérenne aux équipes de santé au travail et en créant des passerelles entre les spécialités médicales. L’article 6 n’est pas intrinsèquement mauvais ou bon ; il est simplement en deçà des besoins.
La médecine du travail n’est pas un gadget hérité du XXe siècle, dont l’objet serait aujourd’hui caduc. Il ne s’agit pas non plus d’une contrainte, comme cela a pu être dit, notamment, dans certains milieux patronaux. C’est au contraire l’une des clefs les plus efficaces de la prévention en matière de santé au travail.
Nous voterons donc cet article 6, tel qu’il est rédigé, tout en exigeant de véritables réponses et de vraies garanties pour assurer la pérennité d’une médecine du travail axée sur la prévention, accompagnant vraiment les salariés et incitant les employeurs à adapter les postes de travail plutôt que de licencier des salariés en souffrance.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 6
Mme la présidente. L’amendement n° 679 rectifié, présenté par M. Labazée, Mmes Jourda, Meunier et Emery-Dumas, M. Madrelle, Mme Bricq, MM. Tourenne, Godefroy, Raoul, Montaugé, Leconte, J.C. Leroy, Cazeau et F. Marc, Mme Khiari, MM. Courteau et Manable et Mmes Perol-Dumont, Lienemann, Espagnac et Yonnet, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 4622-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Participent à la mise en œuvre de la politique vaccinale en contrôlant le statut vaccinal des travailleurs. Ils sont habilités à procéder aux vaccinations obligatoires et recommandées inscrites au calendrier vaccinal. »
La parole est à M. Georges Labazée.
M. Georges Labazée. Cet amendement vise à clarifier le rôle du médecin du travail dans la conduite de la politique vaccinale française.
En l’état actuel du droit, l’article L. 3111-1 du code de la santé publique habilite les médecins du travail à mettre en œuvre la politique vaccinale. Au même titre que les généralistes, ils sont autorisés à pratiquer toutes les vaccinations inscrites au calendrier vaccinal.
Pourtant, la circulaire du 26 avril 1998 relative à la pratique des vaccinations en milieu de travail est venue introduire une ambiguïté, en inscrivant en priorité l’exercice de la mission de contrôle vaccinal des médecins du travail dans la sphère d’activité professionnelle des travailleurs.
Cette ambiguïté s’est traduite, sur le terrain, par des réticences, de la part des médecins du travail, à pratiquer les vaccinations de l’ensemble du calendrier vaccinal. Cette imprécision normative est d’autant plus dommageable que les Français qui échappent le plus aux rappels vaccinaux et aux objectifs de couverture vaccinale fixés dans la loi de 2004 sont les adultes actifs.
Certains d’entre nous souhaitaient même aller plus loin que ce qui est prévu dans cet amendement, en permettant aux médecins du travail de prescrire des vaccinations. Nous souhaitons simplement, pour l’heure, que l’ambiguïté que je viens d’évoquer soit levée : ce serait un premier pas important. En effet, développer la vaccination au travail permettrait de faciliter l’accès au vaccin et d’en personnaliser le suivi, deux éléments indispensables à l’accroissement de la couverture vaccinale, qui est un objectif de santé publique, comme je le rappelle dans cet hémicycle depuis de nombreux mois.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, corapporteur de la commission des affaires sociales. M. Labazée a mis l’accent sur une imprécision juridique qui avait peut-être échappé à la commission des affaires sociales. En effet, les médecins du travail ont déjà, aux termes du code de la santé publique, autorité pour procéder à la vaccination et à son contrôle. S’il nous a semblé redondant d’inscrire une disposition du même type dans le code du travail, nous avons cependant admis que cet amendement permettait de viser plus globalement les services de santé au travail et d’associer ainsi l’ensemble de ces équipes à la responsabilité collective d’assurer la meilleure couverture vaccinale possible.
J’ajoute que je partage le constat fait précédemment par M. Watrin : la médecine du travail est le parent pauvre de ce projet de loi de modernisation de notre système de santé. Nous savons pourtant qu’il manque des médecins du travail, dans nos territoires ruraux comme dans certaines zones urbaines.
L’avis de la commission est favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je suis, pour ma part, beaucoup plus sceptique : il n’est pas certain qu’une telle disposition puisse être appliquée.
Je voudrais rappeler que la médecine du travail n’est pas une médecine généraliste. Elle est financée par les employeurs, et les médecins du travail ont accès non pas au dossier médical général du salarié, mais seulement aux éléments que ce dernier veut bien leur fournir. Ils se préoccupent de la santé du travailleur dans son environnement professionnel. À ce titre, ils peuvent participer à la politique vaccinale, pour autant que les vaccins soient en lien avec l’activité professionnelle.
Monsieur le sénateur, si votre proposition était adoptée en l’état, cela conduirait à aligner le statut des médecins du travail sur celui des médecins « classiques », si j’ose dire, la médecine du travail restant cependant financée par l’employeur…
J’entends votre préoccupation et les difficultés d’interprétation juridique que vous mettez en avant, monsieur le sénateur. Je vous demanderai néanmoins de retirer votre amendement, pour que nous puissions travailler sur cette question. En effet, son adoption nous donnerait peut-être le sentiment d’avoir fait œuvre utile, mais nous nous trouverions ensuite confrontés à toute une série de difficultés en termes d’articulation entre le code de la santé publique et le code du travail.
Je m’engage à mettre en place, si vous le souhaitez, un groupe de travail sur le sujet, qui pourrait nous remettre ses conclusions avant la fin de l’examen du présent projet de loi, ou en tout cas avant la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. En tout état de cause, je tiens vraiment à mettre en garde contre les incertitudes qui entourent l’applicabilité de cet amendement, dont je souhaite le retrait. À défaut, j’émettrai un avis défavorable, car je n’ai pas de réponse à toutes les questions soulevées par cette disposition.
M. Gilbert Barbier. Très bien, madame la ministre !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. J’entends bien les interrogations de Mme la ministre sur les difficultés que pourrait susciter l’inscription d’un tel dispositif dans le code du travail.
Cela étant, j’estime pour ma part que, tel qu’il est rédigé, il ne crée pas d’ambiguïté. Au contraire, il tend à clarifier les choses, puisque l’article L. 3111-1 du code de la santé publique habilite les médecins du travail à mettre en œuvre la politique vaccinale. Permettre aux médecins du travail d’assumer cette tâche dans le cadre des visites régulières effectuées par les salariés pendant leur temps de travail ne conduit pas, me semble-t-il, à aligner le statut des médecins du travail sur celui des médecins généralistes. Il y a une complémentarité entre le rôle des uns et celui des autres.
En effet, nombre de salariés, et plus généralement d’adultes, ne sont pas à jour de leurs vaccinations. Si les médecins du travail pouvaient, lors des visites médicales effectuées dans le cadre du travail – il y en aura une tous les deux ans dorénavant –, vérifier ce point auprès des salariés, cela permettrait de développer la couverture vaccinale, comme nous le souhaitons tous.
Le Premier ministre a annoncé une grande réforme du code du travail. Nous pourrons toujours, le cas échéant, revenir à cette occasion sur le problème soulevé par M. Labazée, mais nous pouvons, en attendant, prendre de l’avance en adoptant cet amendement, afin de permettre aux médecins du travail de jouer pleinement leur rôle dans la politique vaccinale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. J’ai déjà eu à plusieurs reprises l’occasion d’échanger sur ce sujet avec mon collègue Georges Labazée.
Le médecin du travail n’est pas un médecin prescripteur, il n’est pas le médecin traitant du salarié. Il peut bien évidemment avoir un rôle à jouer en termes de contrôle des vaccinations, mais la pratique des vaccinations me semble relever de la prescription.
Je rappelle que la loi de 2004 relative à l’assurance maladie dispose que les médecins du travail, comme ceux des assurances, n’ont pas accès au dossier médical du salarié. Il y a une différence fondamentale entre le médecin du travail, qui s’occupe du salarié sur son lieu de travail et de l’analyse des facteurs de risque sur ce dernier, et le médecin traitant, dont le champ d’intervention est global.
Georges Labazée sait que je suis défavorable à son amendement, même si celui-ci a un objectif louable, à savoir permettre une meilleure couverture vaccinale.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Mme la ministre et Mme Génisson ont bien posé le problème : le médecin du travail n’est pas un médecin généraliste.
Premièrement, il n’a pas accès à la totalité du dossier du salarié, qui n’est pas obligé de le lui communiquer. Si un médecin du travail vaccine une personne sans connaître exactement ses antécédents et ses pathologies, cela pose un véritable problème en termes de responsabilité. L’employeur prendra-t-il celle-ci à sa charge ?
Deuxièmement, un salarié consentira-t-il à être vacciné par un médecin du travail ? De quels vaccins parle-t-on ?
Le problème est assez délicat. Je comprends très bien la position de Mme la ministre, qui souhaite qu’une réflexion plus approfondie soit menée. Dans l’état actuel des choses, il me paraîtrait excessivement dangereux d’adopter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gillot, pour explication de vote.
M. Jacques Gillot. Le médecin du travail doit participer à la prévention et à la mise en œuvre de la politique vaccinale, sans pour autant pouvoir pratiquer la vaccination. En effet, qui interviendrait alors en cas de complication ? Serait-ce le médecin du travail ou le médecin traitant ? Il faut être très circonspect dans cette affaire.
Le médecin du travail doit pouvoir inciter les salariés à se faire vacciner et vérifier qu’ils sont bien à jour de leurs vaccinations, mais lui permettre de procéder à la vaccination soulèverait, me semble-t-il, d’importants problèmes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour explication de vote.
Mme Evelyne Yonnet. La vaccination est depuis toujours un problème en France. La proposition de Georges Labazée est intéressante, dans le sens où elle peut permettre des économies, non pas pour l’employeur, certes, mais pour le salarié. En effet, à l’heure actuelle, une première consultation chez le médecin traitant est nécessaire pour obtenir une prescription, puis une seconde, une fois le vaccin acheté, pour procéder à la vaccination. Pour un ouvrier, le coût de ces deux consultations et du vaccin peut être lourd.
Le médecin du travail connaît bien, lui aussi, le salarié. Il est devenu un intervenant à qui l’on parle de ses préoccupations professionnelles comme personnelles, à qui l’on fait des confidences. Pour avoir travaillé dans une grande entreprise, j’ai pu constater que le cabinet du médecin du travail ne désemplissait pas et que son rôle avait évolué. J’observe en outre que le médecin du travail peut déjà être appelé à pratiquer des vaccinations en cas d’épidémie, de grippe H1N1 par exemple : l’État réquisitionne alors l’ensemble des personnels de santé. Il ne paraîtrait donc pas scandaleux qu’un médecin du travail puisse vacciner les salariés.
Le véritable problème tient au coût pour l’employeur, mais je pense que des solutions peuvent être trouvées. Je soutiens cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Sauf erreur de ma part, les médecins du travail sont inscrits au conseil de l’Ordre. À ce titre, ils peuvent très bien pratiquer des vaccinations si les salariés et l’employeur le souhaitent.
Mme la présidente. Monsieur Labazée, l'amendement n° 679 rectifié est-il maintenu ?
M. Georges Labazée. Mme la ministre n’est en rien responsable des ambiguïtés introduites par la circulaire du 26 avril 1998.
Comme je l’ai indiqué, il n’est pas question d’autoriser le médecin du travail à prescrire : il s’agira pour lui de participer « à la mise en œuvre de la politique vaccinale en contrôlant le statut vaccinal des travailleurs ». Le texte de l’amendement est clair et précis.
Actuellement, nous assistons à un recul de la vaccination dans notre pays, alors même que la politique vaccinale joue un rôle majeur en termes de santé publique. Pourquoi ne pas adopter cet amendement, quitte à revenir sur la question dans la suite de la navette ? Un groupe de travail peut tout à fait être mis en place sous votre autorité, madame la ministre, afin d’affiner le dispositif.
Je maintiens mon amendement.