Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Claude Haut, Mme Catherine Tasca.
2. Candidatures à trois organismes extraparlementaires
3. Publication du rapport d’une commission d’enquête
4. Programmation militaire pour les années 2015 à 2019. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense
M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, rapporteur
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des finances
Demande de réserve, par la commission, de l’article 1er et de son rapport annexé jusqu’après la fin de la discussion des articles. – M. le président ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre. – La réserve est ordonnée.
Discussion générale (suite) :
5. Nominations à trois organismes extraparlementaires
6. Situation de la Grèce et enjeux européens. – Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
7. Candidature à une commission mixte paritaire
8. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
9. Communication du Conseil constitutionnel
10. Programmation militaire pour les années 2015 à 2019. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale (suite) :
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense
Clôture de la discussion générale.
Article 1er et rapport annexé (réservés)
Amendement n° 18 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 19 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 24 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 20 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 23 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Adoption de l’article.
Articles 4 et 4 bis – Adoption.
Amendement n° 21 rectifié du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 4 ter
Adoption de l’article.
Amendement n° 9 de Mme Michelle Demessine. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 10 de Mme Michelle Demessine. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 7 ter et 8 à 16 – Adoption.
Amendement n° 22 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 5 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 19 bis
Amendement n° 1 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 2 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 20
Amendement n° 3 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 4 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Article 1er et rapport annexé (précédemment réservés)
Amendement n° 12 rectifié de M. André Trillard. – Adoption.
Amendement n° 14 de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – Adoption.
Amendement n° 15 de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – Adoption.
Amendement n° 16 rectifié de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – Adoption.
Amendement n° 7 de M. Daniel Reiner. – Adoption.
Adoption de l’ensemble de l’article et de son rapport annexé, modifié.
Renvoi de la suite de l’examen du texte.
11. Nomination d’un membre d’une commission mixte paritaire
12. Nominations de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
13. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Claude Haut,
Mme Catherine Tasca.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidatures à trois organismes extraparlementaires
M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de trois organismes extra-parlementaires.
La commission des lois a fait connaître qu’elle propose les candidatures de :
- M. Yves Détraigne pour siéger au sein du Conseil national de la sécurité routière ;
- M. François Grosdidier pour siéger au conseil d’administration de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice ;
- enfin, M. François Grosdidier et M. Philippe Kaltenbach pour siéger comme membres titulaires au sein de la Commission nationale de la vidéoprotection.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
J’informe par ailleurs le Sénat que j’ai écrit à ces différents organismes pour leur signifier que, dans le cadre de la nouvelle organisation de nos travaux, il importe que leurs séances ne soient pas concomitantes à celles que nous consacrerons, à partir du 1er octobre, à des questions d’actualité au Gouvernement, à des explications de vote et des votes solennels, ni à nos réunions de commissions du mercredi matin. Il s’agit de leur permettre d’organiser leurs travaux de manière que nos collègues siégeant en leur sein puissent y participer.
3
Publication du rapport d’une commission d’enquête
M. le président. J’informe le Sénat que, ce matin, a expiré le délai de six jours nets pendant lequel pouvait être formulée la demande de constitution du Sénat en comité secret sur la publication du rapport fait au nom de la commission d’enquête sur le fonctionnement du service public de l’éducation, sur la perte de repères républicains que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés rencontrées par les enseignants dans l’exercice de leur profession, créée le 22 janvier 2015, sur l’initiative du groupe Les Républicains, en application de l’article 6 bis du règlement.
En conséquence, ce rapport a été publié ce matin, sous le n° 590.
4
Programmation militaire pour les années 2015 à 2019
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense (projet n° 494, texte de la commission n° 548, rapport n° 547, avis n° 524).
Je rappelle que, à seize heures quinze, nous interromprons ce débat pour la déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, sur la situation de la Grèce et les enjeux européens.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au seuil d’une nouvelle échéance majeure pour notre défense, j’ai l’honneur de vous présenter, au nom du Gouvernement, le projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense. Le texte qui vous est soumis résulte des travaux de l’Assemblée nationale et de ceux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Il revêt une importance de premier ordre pour la sécurité de la France, dans les circonstances où nous sommes.
Certes, cette échéance était prévue par l’article 6 de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019. Il était ainsi convenu que nous nous retrouvions avant la fin de l’année 2015 pour faire le point sur l’avancement de la programmation. Cependant, les développements internationaux et le très grand engagement de nos forces depuis 2013 ont motivé l’accélération de notre calendrier. Si le Gouvernement a jugé nécessaire de déclarer l’urgence, c’est avant tout parce que nos armées ont besoin de pouvoir disposer sans attendre d’un cadre et d’une perspective à moyen terme rénovés. Le projet de loi de finances pour 2016, en cours de préparation, intégrera ainsi les premiers effets de l’actualisation de la programmation militaire.
Depuis les attentats de janvier 2015 et la décision – très largement consensuelle, je crois – du Président de la République de doter la France d’une capacité de déployer, sur la longue durée, de 7 000 à 10 000 hommes sur son territoire, les missions combinées à l’intérieur et à l’extérieur du pays se déroulent selon un rythme qui menace la qualité de l’entraînement et de la préparation des hommes. Ce risque doit être conjuré le plus rapidement possible, car les tensions actuelles ne peuvent être maintenues plus longtemps sans mettre en péril la qualité et la sécurité dans l’action de notre armée professionnelle. Il fallait donc agir très vite.
J’ajoute que la démarche qui nous rassemble aujourd’hui n’a pas pour objet de redéfinir entièrement une nouvelle programmation. Il s’agit bien d’une actualisation : aucun des fondements stratégiques de la loi relative à la programmation militaire votée en 2013 n’est remis en cause ; j’y reviendrai. Cette actualisation se traduit par un accroissement de nos moyens et de nos ressources par rapport à la prévision initiale. C’était indispensable. Ce projet de loi est crucial pour adapter au mieux notre défense aux défis de sécurité présents et à venir.
Je commencerai par décrire les évolutions de notre environnement stratégique depuis le vote de la loi relative à la programmation militaire en décembre 2013.
Les crises récentes concourent toutes à une dégradation notable de la situation internationale et à l’augmentation durable des risques et des menaces qui pèsent sur l’Europe et sur la France. Les attaques terroristes de janvier 2015 à Paris, les tentatives déjouées, l’acte perpétré dans l’Isère ont montré que la France était, comme d’autres États européens, directement exposée à la menace terroriste, qui a pris une ampleur et des formes sans précédent.
Cette menace se joue des frontières. L’imbrication croissante entre la sécurité de la population sur le territoire national et la défense de notre pays à l’extérieur de ses frontières s’est brutalement matérialisée. Face à des groupes terroristes d’inspiration djihadiste qui sont militairement armés, qui conquièrent des territoires, qui disposent de ressources puissantes, nos forces sont engagées depuis 2013 à grande échelle dans des opérations militaires de contre-terrorisme particulièrement exigeantes, sur terre, dans les airs et sur mer. À dire vrai, c’est une bonne part de notre appareil de défense qui est mobilisée autour de cet enjeu ; il s’agit d’une nouveauté dans notre histoire militaire.
Au même moment, la crise ukrainienne a reposé, d’une façon inédite depuis de nombreuses années, la question de la sécurité internationale et de la stabilité des frontières sur le continent européen lui-même. Elle ravive le spectre de conflits interétatiques en Europe. C’est pourquoi les forces françaises doivent maintenir à un haut niveau leurs capacités à faire face à la résurgence de « menaces de la force », quelles qu’en soient les formes, y compris en Europe même. C’est pour cette raison aussi que les choix fondamentaux de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 doivent être confortés.
Par leur soudaineté, leur simultanéité et leur gravité, les évolutions récentes ont mobilisé à un degré très élevé les moyens tant de connaissance et d’anticipation que d’action de notre pays. Elles ont mis sous tension notre système de forces, souvent au-delà des contrats opérationnels retenus en 2013 : nous avons régulièrement jusqu’à plus de 9 000 hommes déployés en opérations extérieures et notre engagement sur le territoire national va bien au-delà des « 10 000 hommes pour un temps court » prévus par le contrat Protection de 2013, comme par celui de 2008. Des ajustements sont donc indispensables. C’est tout le sens de la clause de rendez-vous qui avait été fixée, très sagement, par la loi relative à la programmation militaire, la LPM.
J’observe que les transformations en cours ne concernent pas seulement la France : douze autres pays de l’Union européenne ont engagé une augmentation de leur budget de défense. Dans ce domaine, la France demeure au premier rang européen.
Cependant, je le redis, pour importantes qu’elles soient, ces évolutions ne remettent pas en cause les grands principes de la stratégie de défense et de sécurité nationale énoncés dans le Livre blanc. Par voie de conséquence, les grands équilibres définis par la loi relative à la programmation militaire sont confortés par le présent projet de loi. Le triptyque permanent « protection-dissuasion-intervention » doit impérativement continuer à structurer notre stratégie de défense et les missions de nos forces armées. Il ne peut être question d’abandonner l’une de ses composantes, comme certains le suggèrent, ouvertement ou de façon subreptice.
Cette exigence de maintenir le triptyque dans les conditions actuelles, que je crois partagée par une grande majorité d’entre nous, a un coût. Le Président de la République et le Premier ministre ont décidé de l’assumer pleinement, malgré le contexte très contraint de nos finances publiques, car la défense du pays doit primer lorsque sa sécurité est clairement en jeu.
L’analyse de notre situation de sécurité appelait un accroissement de notre dépense de défense ; c’est ce qui a été décidé.
Je voudrais maintenant mettre en relief les neuf orientations majeures qui caractérisent l’actualisation de la programmation militaire pour les années 2015 à 2019.
Premièrement, dans le contexte que je viens de rappeler, le Président de la République a fait le choix de définir un nouveau contrat de protection sur le territoire. L’objectif est que nos armées soient capables de déployer sur la durée – donc en intégrant les relèves – 7 000 soldats sur le territoire national, avec la faculté de monter presque instantanément jusqu’à 10 000 hommes pour un mois, comme nous l’avons fait en trois jours après les attentats de janvier.
À cet effet, les effectifs de la force opérationnelle terrestre, la FOT, seront portés à 77 000 hommes, au lieu des 66 000 prévus initialement par la LPM. La contribution de la réserve opérationnelle sera également accrue. Cette augmentation de capacité de notre armée de terre représente bien un tournant majeur dans notre histoire militaire récente. Elle profitera à l’ensemble de notre armée professionnelle et de nos missions.
Vous l’aurez en effet observé, dans la foulée des attentats de janvier et au regard de l’analyse des menaces qui a suivi, nous n’avons pas retenu les idées de « garde nationale » ni de réserve territoriale massive, qui avaient pourtant leurs mérites. Il s’agit bien d’un renforcement de nos unités de combat professionnelles. En effet, pour ce genre de mission, il faut des professionnels, un commandement, du renseignement, des capacités appropriées et renforcées.
J’entends d’ailleurs conduire une ample réflexion – je le dis en particulier au président Raffarin, qui m’avait interrogé sur ce point –, avec le chef d’état-major des armées et le général Bosser, sur le concept d’emploi, sur les capacités adaptées et les moyens de nos unités lorsqu’elles ont à être ainsi engagées sur le territoire national.
Ces forces ne sont pas des auxiliaires supplétifs de l’ordre public. Elles ont une mission de protection exigeante. Un tel déploiement doit permettre de contribuer, en renfort des forces de sécurité intérieure et de sécurité civile, à la protection non seulement de points d’importance vitale, mais aussi, le cas échéant, des flux essentiels pour la vie du pays, ainsi qu’au contrôle des accès terrestres, maritimes et aériens du territoire et à la sauvegarde des populations face à des menaces de tous ordres. Ces forces devront s’articuler avec la cyberdéfense, en pleine expansion.
Bien entendu, il sera rendu compte au Parlement. C’est pourquoi le Gouvernement est favorable à la remise d’un rapport sur les conditions d’emploi des forces armées lorsqu’elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population, comme le prévoit l’article 4 ter inséré par votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Je vous proposerai simplement, tout à l’heure, de décaler au 31 mars 2016 la livraison du premier rapport, afin de disposer d’un recul suffisant pour effectuer un retour d’expérience complet.
Deuxièmement, le Président de la République a décidé un allégement des déflations d’effectifs, dans le but, principalement, de renforcer nos capacités opérationnelles, ainsi que nos services de renseignement et de cyberdéfense.
Considérée globalement, cette réduction de la déflation permettra de gager les postes nécessaires pour la force opérationnelle terrestre, d’accompagner cette montée en puissance par les soutiens indispensables, de gager les besoins de créations de postes additionnels dans le domaine du renseignement – 650 postes de plus pour les services par rapport aux engagements de la LPM votée en 2013 – et de la cyberdéfense – au moins 500 postes de plus, pour un total supérieur à 1 000 postes sur la durée de la programmation –, enfin de poursuivre la transformation des armées et des services à l’horizon 2020. Je précise que ces postes permettront également d’accompagner les exportations d’armement. En effet, il ne suffit pas de signer des contrats : il faut accompagner la montée en puissance de leur exécution, ce qui nécessite que nos armées mobilisent et mettent à disposition des ressources à cette fin.
Troisièmement, le Président de la République a décidé d’accroître la dépense de défense de 3,8 milliards d’euros par rapport à la trajectoire initiale de la LPM.
Ces crédits additionnels profiteront tout d’abord au nouveau contrat Protection, avec 2,8 milliards d’euros affectés. En parallèle, des ressources supplémentaires seront consacrées à l’équipement des forces.
À cet égard, je pense d’abord à la régénération des matériels. L’effort financier en faveur de l’entretien des équipements était déjà inscrit dans la loi votée en 2013. Ainsi, l’entretien programmé des matériels bénéficiait d’une augmentation de 4,3 % par an en moyenne. Cet effort sera accru au profit des matériels les plus sollicités en opération, avec une dotation supplémentaire de 500 millions d’euros sur la période, soit à peu près 100 millions d’euros par an.
Je pense aussi à l’accentuation de notre effort sur les équipements critiques : 500 millions d’euros en crédits budgétaires nouveaux y seront consacrés, ainsi que 1 milliard d’euros issus de redéploiements internes, rendus possibles par la réaffectation des gains de pouvoir d’achat qui découlent de l’évolution favorable des indices économiques depuis le vote de la LPM en décembre 2013.
C’est donc au total 1,5 milliard d’euros – 500 millions d’euros de crédits budgétaires nouveaux et 1 milliard d’euros de gain de pouvoir d’achat – qui vont être dégagés et affectés à l’équipement des forces. Cela permettra en particulier d’adapter notre composante « hélicoptères » aux exigences des opérations sur tous les théâtres par l’acquisition de sept Tigre et de six NH 90 supplémentaires, de renforcer nos capacités de transport aérien tactique, très sollicitées – nous étudions et avons provisionné à cette fin la mise à disposition de quatre nouveaux appareils C 130 –, de confirmer, monsieur de Legge, les livraisons de frégates multimissions FREMM sur la période de programmation, malgré le prélèvement d’un bâtiment pour l’exportation vers l’Égypte, et d’avancer le lancement du programme des futures frégates de taille intermédiaire, lesquelles assureront le relais des FREMM à moyenne échéance. Par ailleurs, grâce à ces capacités budgétaires nouvelles, nous pourrons équiper nos drones de surveillance d’une charge d’écoute électromagnétique, ce qui est tout à fait indispensable. Enfin, j’y insiste particulièrement, nous allons pouvoir boucler le financement du troisième satellite CSO, réalisé en coopération avec l’Allemagne, qui devrait assumer la majeure partie de son coût.
S’agissant de ces satellites, je rappelle qu’ils sont appelés à prendre progressivement la relève d’Hélios II à partir de 2018. Deux satellites ont été commandés par la France ; les discussions avec l’Allemagne portaient sur la commande d’un troisième satellite, pour un lancement prévu en 2021, ce qui permettra une complémentarité de l’ensemble de la constellation. Je vous informe que le Parlement allemand a donné un avis favorable à cette coopération voilà trois jours. Je pense que nous serons en mesure de conclure un accord définitif dès la rentrée.
M. Jeanny Lorgeoux. Très bien !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il s’agit d’un progrès important pour notre sécurité.
Quatrièmement, les décisions prises par le Président de la République sécurisent et simplifient la structure financière de la programmation militaire.
En effet, le Président de la République a décidé de mettre un terme, pour l’essentiel, à la pratique délicate et souvent critiquée des ressources extrabudgétaires, à l’exception du recours aux ressources issues des ventes de patrimoine immobilier.
Aussi les 6,2 milliards d’euros de ressources exceptionnelles qui restaient à trouver pour la période 2015-2019 sont-elles converties, pour la plus grande part, en crédits budgétaires de droit commun, dès l’année 2015 en collectif à hauteur de 2,14 milliards d’euros, puis, pour le reste, dans les prochaines lois de finances initiales à partir de 2016.
Les 3,8 milliards d’euros supplémentaires qui viennent d’être décidés seront, de même, affectés à la mission « Défense » sous forme de crédits budgétaires. Il s’agit d’un effort considérable pour le budget de l’État par rapport aux prévisions, effort à la hauteur de la situation que j’ai décrite rapidement en commençant.
Au total, l’effort de la France en faveur de sa défense s’élèvera ainsi à 162,41 milliards d’euros pour la période 2015-2019, contre 158,61 milliards d’euros inscrits dans la LPM en 2013.
Je voudrais préciser ici, à l’intention en particulier de M. de Legge, rapporteur pour avis de la commission des finances, la manière dont ces évolutions, éminemment positives pour notre défense, vont être prises en compte dans la perspective de la prochaine loi de finances rectificative.
Pour 2015, la mise à disposition des 2,14 milliards d’euros interviendra dans le cadre du collectif budgétaire de fin de gestion. Toutefois, l’ouverture de ces crédits en fin d’année, combinée au besoin de financement au titre des surcoûts liés notamment aux opérations extérieurs, pourrait provoquer des tensions de trésorerie, en particulier pour les programmes 146 et 178. Pour y remédier, le ministère de la défense examine en ce moment même, avec le ministère du budget, la possibilité d’actionner différents leviers, en particulier une levée anticipée de la réserve de précaution, ainsi qu’un décret d’avance, qui devraient intervenir bien plus tôt qu’habituellement. Ces mesures permettront au ministère de la défense de disposer pleinement en 2015 des 31,4 milliards d’euros de crédits que j’ai annoncés à plusieurs reprises et que le Président de la République a décidé de sanctuariser.
Lors du débat à l’Assemblée nationale, vos collègues députés avaient introduit par amendements trois dispositions : d’une part, l’inscription dans les articles de loi, et non plus dans le rapport annexé, de la clause de sauvegarde relative à la couverture des volumes de carburant nécessaires à l’activité des armées en cas de hausse des cours ; d’autre part, la remise, d’ici à la fin de 2015, de deux rapports du Gouvernement sur l’opportunité d’introduire dans la loi de programmation des clauses de sauvegarde financières dans le cas d’un retournement des indices économiques et dans le cas où les cessions immobilières et de matériels ne seraient pas au rendez-vous.
La commission des finances du Sénat a souhaité modifier ce texte en insérant directement trois nouvelles clauses de sauvegarde complémentaires, qui amplifient les premières clauses inscrites par l’Assemblée nationale : les deux clauses relatives l’une aux gains liés aux indices économiques, l’autre aux ressources issues de cessions, sur l’opportunité desquelles un rapport était demandé, ainsi qu’une nouvelle clause relative au financement des opérations intérieures. Par ailleurs, la commission des finances a souhaité modifier la clause existante sur le financement des opérations extérieures et exonérer de la décote prévue par la loi relative à la mobilisation du foncier de l’État en faveur du logement social les cessions de terrains occupés par le ministère.
Je reviendrai tout à l’heure sur les raisons qui m’amènent à vous proposer de supprimer ces nouvelles dispositions, qui risquent de modifier substantiellement, à mon sens, l’équilibre du texte. Néanmoins, j’ai bien compris les intentions qui vous animent… (M. Robert del Picchia rit.)
Cinquièmement, vous le savez, la LPM porte une véritable ambition pour notre industrie de défense, et son actualisation, que j’ai retracée rapidement, prolonge cette orientation de base.
À cet égard, je veux d’abord rappeler que l’actualisation apporte des réponses claires, avec des succès majeurs qui viennent conforter notre programmation, aux interrogations, en partie justifiées, quant à la soutenabilité des paris faits sur nos exportations que suscitait, notamment dans cette enceinte, la LPM votée en 2013. La concrétisation récente, tant attendue, de l’exportation du Rafale au profit de l’Égypte et du Qatar, en attendant celle de l’engagement du Premier ministre indien Modi portant sur trente-six appareils, permet de lever ces interrogations. Comme vous le savez, d’autres prospects sont en cours, qui pourront peut-être aboutir rapidement.
En tout cas, plus que jamais, l’« équipe France » des exportations de défense doit être mobilisée, et je ne doute pas, pour ma part, que nous puissions enregistrer d’autres succès en faisant de nouveau preuve de cohésion et de cohérence.
L’État favorisera notre industrie par sa politique d’acquisition, qui profitera à plusieurs secteurs du fait du surcroît d’investissement que j’ai décrit précédemment : en moyenne annuelle, jusqu’en 2019, le ministère dépensera 17,6 milliards d’euros pour ses acquisitions d’équipements.
L’État poursuivra aussi, par son implication d’actionnaire, tous les mouvements permettant la création de leaders européens compétitifs.
Dans cet esprit, en coopération avec l’Allemagne et l’Italie, un projet de drone d’observation de reconnaissance de type MALE, qui pourrait équiper nos armées à partir de 2025, est en cours d’élaboration. C’est une avancée considérable, qui a été confirmée par les acteurs industriels lors du salon du Bourget.
Par ailleurs, la consolidation industrielle se poursuit dans le secteur terrestre. Le rapprochement entre Nexter et KMW devrait être finalisé très prochainement. Sans aller jusqu’à dire qu’elle débouchera sur l’émergence de l’« Airbus du terrestre », la concrétisation de cet accord n’en marquera pas moins une avancée majeure.
Dans le secteur des lanceurs spatiaux, la création de la coentreprise Airbus-Safran sera pleinement opérationnelle d’ici à la fin de 2015.
Je suis très heureux de l’aboutissement de ces trois dossiers sensibles, pour lequel les acteurs ont su se projeter dans une coopération porteuse de développements très positifs.
Sixièmement, ce projet de loi marquera la création des associations professionnelles nationales de militaires, les APNM, qui contribuera notamment à la rénovation de la concertation militaire. Il s’agit là, à n’en pas douter, d’une innovation majeure, qui fera date dans l’histoire de notre défense.
Vous le savez, le droit français a interdit traditionnellement aux militaires de créer des groupements professionnels ou d’y adhérer. Par deux arrêts prononcés le 2 octobre 2014, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France, estimant que cette interdiction générale et absolue figurant dans notre loi était contraire à l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Le chapitre II de ce projet de loi d’actualisation de la programmation militaire instaure donc le droit, pour les militaires, de créer librement des associations professionnelles nationales de militaires et d’y adhérer, et seulement à elles : en effet, la création de groupements à caractère syndical, au sens du droit commun du travail, reste proscrite.
Les « restrictions légitimes » à l’application de l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme citées dans les deux arrêts que j’ai évoqués concernent plus particulièrement les droits de grève, de manifestation ou de retrait, ou encore les actions collectives de la part des militaires engagés dans des opérations.
Il importe que cette avancée majeure soit accompagnée et acceptée par toute la communauté militaire. C’est la raison pour laquelle elle ne doit ni heurter, ni précipiter les choses, mais au contraire rassurer sur le fait qu’elle ne remet en cause ni les obligations fondamentales de nos armées ni l’unicité du statut militaire.
La création des APNM résulte d’un équilibre entre les règles de valeur constitutionnelle et les engagements conventionnels de la France. Les travaux du président Bernard Pêcheur ont abouti à une proposition de texte. Les députés ont souhaité élargir le champ de certaines dispositions, ouvrir un peu plus certaines options, dans le respect des équilibres. Vous avez pour votre part, mesdames, messieurs les sénateurs, sur certains points, souhaité revenir à la rédaction initiale du Gouvernement. Il appartiendra au dialogue en commission mixte paritaire de déterminer un compromis ; je ne doute pas qu’il sera équilibré.
Septièmement, je souhaite attirer votre attention sur la nouvelle politique des réserves que ce projet de loi vise à lancer. Il s’agit notamment d’associer davantage les réserves opérationnelles au renforcement de la posture de « protection » de nos armées, qu’il s’agisse des déploiements ou de la cyberdéfense. C’est pourquoi le texte qui vous est soumis prévoit un effort sans précédent au profit de la réserve opérationnelle.
Le projet de loi fixe pour objectif de faire passer de 28 000 à 40 000 le nombre de réservistes, en favorisant un élargissement des recrutements vers la société civile. Cette ambition est forte, tout en demeurant réaliste. Je puis vous assurer que les chefs d’état-major sont résolus à obtenir ce résultat ! Outre une augmentation du budget dédié à la réserve de 75 millions d’euros sur la période 2016-2019, des partenariats avec les entreprises sont engagés. Tout cela devrait permettre d’atteindre cet objectif ; j’y suis personnellement très attaché.
Huitièmement, au titre du lien entre l’armée et la nation, l’expérimentation en métropole d’un service militaire volontaire sera lancée. Il s’inspirera du service militaire adapté, dont vous savez qu’il a fait ses preuves dans les outre-mer.
Je souligne qu’il s’agit d’un dispositif militaire, porté par l’armée de terre, en partenariat avec des entreprises et des acteurs régionaux de l’emploi et de la formation. Deux centres, situés à Montigny-lès-Metz en Moselle et à Brétigny-sur-Orge dans l’Essonne, accueilleront des jeunes en service militaire volontaire à compter de la rentrée de 2015. Un troisième centre, qui sera établi dans un premier temps à La Rochelle, complètera l’expérimentation en 2016.
Le financement de cette expérimentation est intégré dans le projet d’actualisation de la programmation militaire. Il serait en revanche prématuré de définir dès aujourd’hui les modalités de financement du service militaire volontaire s’il devait être pérennisé à l’issue de cette phase d’expérimentation, comme le propose la commission de la défense du Sénat. C’est le sens de l’amendement gouvernemental que nous étudierons tout à l’heure. L’expérimentation est au compte du ministère de la défense. Lorsqu’elle sera parvenue à son terme, si elle se révèle assez forte et convaincante pour être poursuivie, je pense que les financements nécessaires devront être trouvés ailleurs.
En tout état de cause, ce dispositif s’intègre naturellement dans un ministère dont la tradition et l’exemplarité en matière de lien entre armées et jeunesse ne sont plus à démontrer, avec près de 20 000 jeunes recrutés par an, 6 000 stagiaires au titre du service militaire adapté outre-mer, 750 000 participants chaque année à la Journée défense citoyenneté, 10 000 stagiaires de tous niveaux et 30 000 jeunes accueillis dans le cadre du plan « égalité des chances ».
En plus de ce service militaire volontaire que nous créons et des missions que je viens d’évoquer, le ministère de la défense diversifiera et augmentera le nombre de missions de service civique qu’il propose, conformément à la décision du Président de la République de porter à 70 000 dès 2015 et à 150 000 en 2016 le nombre de jeunes volontaires du service civique, désormais universel.
Dans ce cadre, le Gouvernement a présenté, lors de la discussion à l’Assemblée nationale, un amendement au projet de loi d’actualisation qui a été adopté par les députés et qui permettra à l’Agence du service civique d’assurer la montée en charge du dispositif de service civique et de mettre en œuvre le volet jeunesse du programme européen « Erasmus + ».
Enfin, je voudrais souligner devant vous, pour éviter tout malentendu ou erreur d’interprétation, que la transformation en cours du ministère, engagée dans pratiquement toutes ses composantes, ne va pas s’arrêter, au contraire. Il y aura des mouvements de flux, avec des suppressions de postes destinées à gager des créations ou à accompagner des restructurations dans le cadre des plans stratégiques de chaque armée ou grand service : « Au contact ! » pour l’armée de terre – ce plan tout à fait remarquable a été établi par le général Bosser au terme d’un travail accéléré et très efficace –, « Horizon marine 2025 » pour la marine, « Unis pour faire face » pour l’armée de l’air, « SSA 2020 » pour le service de santé des armées, « SCA 2021 » pour le service du commissariat des armées.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai ouvert mon propos en insistant sur la gravité des menaces que nous devons affronter aujourd’hui et, malheureusement, dans la durée.
Face aux urgences opérationnelles, les armées ont répondu présentes à la mobilisation sans précédent par son ampleur, par sa rapidité, souhaitée par le Président de la République à la suite des attentats de janvier. Elles l’ont fait en dépit de toutes les difficultés qui ont pu se présenter, en faisant preuve, au-delà du courage et du professionnalisme que nous leur connaissons, d’une abnégation à toute épreuve.
Aujourd’hui, nos soldats ont besoin de votre soutien, au travers de l’approbation d’un effort détaillé dans cette actualisation de la programmation militaire. Ce soutien est nécessaire pour que nos armées continuent de remplir les missions qui leur sont confiées. Je souhaite vivement une mobilisation de tous, du Gouvernement comme du Parlement, c’est-à-dire de la nation dans toutes ses composantes, qui sait se rassembler lorsque l’essentiel est en jeu.
Je mesure le travail constructif accompli sur ce texte par la Haute Assemblée. Pour fréquenter régulièrement vos commissions, je mesure aussi combien les sénateurs ont à cœur d’assurer à nos armées les moyens de remplir leurs missions. Soyez d’ores et déjà remerciés de cette vigilance !
Cette actualisation est, me semble-t-il, à la hauteur des enjeux. Jamais une telle inflexion, en termes de ressources humaines et de finances, n’avait été décidée en cours de programmation : nécessité fait loi.
Jamais non plus la place des militaires au sein de la société, dans leur spécificité mais aussi dans la plénitude de leur citoyenneté, n’avait été reconnue au point où elle l’est aujourd’hui, au travers de la création des associations professionnelles nationales de militaires.
Je suis assez frappé du fait que jamais le niveau de confiance des Français à l’égard de nos forces armées n’avait été aussi élevé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est une image très forte qu’ont aujourd’hui nos armées auprès de la population.
Ma conviction est que les propositions que je vous soumets sont appelées à renforcer la qualité de nos forces et la confiance que nous plaçons en elles, ainsi que la confiance de nos forces en la représentation nationale et en la nation. Il y va de la sécurité du pays, notre bien commun ! (Applaudissements sur la plupart des travées.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, oui, c’est clair, il fallait actualiser la loi de programmation militaire de 2013 ! Cela était prévu, mais les circonstances imposent de le faire ici et maintenant.
Les crises extérieures se sont gravement accentuées. L’émergence de Daech marque une vraie rupture au regard du traitement habituel des menaces et représente un risque d’une extrême gravité pour notre sécurité. On a du mal, monsieur le ministre, à croire que la réponse militaire actuelle sera suffisante face à ce que l’on peut considérer comme un véritable fléau.
Par ailleurs, les « menaces de la force » ont fait leur retour avec l’annexion de la Crimée et les actes de guerre dans le Donbass, que peinent à contenir l’édifice utile de « Minsk 2 » et le dialogue sous « format Normandie », qui a ouvert une perspective mais laisse subsister bien des incertitudes.
Enfin, la menace intérieure, qui avait été pressentie et, d’une certaine manière, anticipée par les auteurs du Livre blanc de 2013, auxquels je veux rendre hommage, a pris corps avec les attentats de janvier et celui de l’Isère, au point que l’on peut dire que notre pays est aujourd’hui en guerre. Cela nous impose d’agir dans un esprit de rassemblement.
En 2013, certains paris avaient été faits. Ils sont aujourd’hui en partie « débouclés » : en positif avec la prise de risque récompensée s’agissant de l’exportation du Rafale, en négatif avec l’absence de cession des fréquences hertziennes, qui conduit aujourd’hui le Gouvernement à – enfin ! – budgétiser les ressources de la défense.
Permettez-moi de revenir un instant sur le rôle qu’a joué en la matière la commission des affaires étrangères, de la défense et des armées. En 2013, Jacques Gautier, Daniel Reiner et Xavier Pintat avaient conduit sa réflexion sur la trajectoire et sur la question des équipements. Robert del Picchia et Gilbert Roger avaient travaillé sur les ressources humaines, Jeanny Lorgeoux et André Trillard sur le renseignement et les études amont. Yves Pozzo di Borgo et Michelle Demessine s’étaient penchés, quant à eux, sur le sujet de l’entraînement des forces.
Je citerai encore les travaux de Jean-Marie Bockel sur la cyberdéfense et l’Afrique, ainsi que ceux d’Alain Gournac et de Michel Boutant.
J’ai pu constater que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées réalisait dans la durée un travail de grande qualité, en étant capable de dépasser un certain nombre de conflits de circonstance pour essayer de penser l’avenir dans un esprit de responsabilité. Je suis heureux de m’inscrire dans cette perspective, que les présidents Carrère et de Rohan ont dessinée avant moi.
En 2013, c’est notre commission qui, par le biais d’un amendement cosigné de tous ses rapporteurs, avait introduit la clause de sauvegarde budgétaire en cas de défaut de ressources exceptionnelles. C’est une disposition très importante que nous réutilisons à propos de ce texte.
Nous avons pu constater, dans les arbitrages récents, un alignement sur la doctrine de notre commission, qui, je n’en doute pas, monsieur le ministre, a été une carte d’atout dans votre jeu, notamment dans le cadre des négociations avec certains de vos collègues du Gouvernement que je ne citerai pas ici, même si nous avons effectué un contrôle sur pièces et sur place dans leur ministère. Ce travail a d’ailleurs été très utile, tout comme le débat qui a eu lieu au Sénat le 2 avril dernier afin de préparer l’actualisation de la LPM. Nous avons ainsi pu démontrer qu’il manquait 3 milliards d’euros au budget de la défense, somme que nous avons fini, ensemble, par obtenir, monsieur le ministre ! Nous avons mis en lumière, ensemble, la nécessité de faire face à l’exigence de sécurité. Les arbitrages rendus ont été les bienvenus, mais nous ne devons pas pour autant relâcher nos efforts, les mêmes causes pouvant produire, demain, les mêmes effets. Nous souhaitons donc toujours que nous soit soumis un collectif budgétaire afin de donner une traduction concrète à ces annonces.
Nous avons plusieurs motifs de satisfaction. Le plus important d’entre eux est peut-être l’inversion de la tendance globale : pour la première fois depuis longtemps, la baisse des crédits est enrayée. Nous sommes également d’accord avec les priorités fixées par ce texte : la protection du territoire national, la cyberdéfense, le renseignement, l’aéromobilité, l’attention portée à l’entraînement, le rôle citoyen des armées, l’accent mis sur la réserve. Ces priorités nous paraissent pertinentes.
Cependant, des motifs d’inquiétude subsistent.
Ils concernent tout d’abord les ressources, et ce dès l’exécution 2015, puisqu’il faudra attendre les crédits budgétaires jusqu’à fin décembre. Ce calendrier va contraindre à poser des « rustines » : dégel des réserves, décrets d’avance, remboursements divers demandés à des tiers. La Direction générale de l’armement, la DGA, va devoir dépenser 2 milliards d’euros entre le 30 et le 31 décembre ! C’est de l’équilibrisme ! Les conséquences risquent d’être importantes pour les industriels. Cette situation nous amène à réclamer ici solennellement la présentation d’un collectif budgétaire anticipé. Nous avons confiance dans les choix qui ont été annoncés, mais plus tôt ce collectif interviendra, plus nous serons rassurés.
Nos préoccupations portent également sur les ressources exceptionnelles, notamment celles qui sont liées aux cessions immobilières et aux ventes de matériels. Ces ressources considérables, qui s’établissent à 930 millions d’euros, pourraient être menacées si un certain nombre de paramètres venaient à évoluer dans le mauvais sens. Nous en reparlerons, puisque nous appelons à faire jouer, en l’occurrence, la procédure des clauses de sauvegarde.
Le calendrier nous préoccupe aussi. Le profilage dans le temps des crédits conduit à une concentration sur la fin de la programmation : la majeure partie de l’effort est concentrée sur 2018 et 2019, pour un engagement total de 3,8 milliards d’euros supplémentaires, sans qu’un seul euro de plus ne soit sorti en 2015…
Nous disposons d’une vision d’ensemble, mais cette actualisation n’est qu’une étape pour ceux qui entendent défendre les moyens mobilisés afin d’atteindre les objectifs fixés par la loi de programmation militaire. Il nous faudra rester vigilants, compte tenu de l’ampleur des crédits nécessaires en fin de programmation. À cet égard, notre commission coopère dans les meilleurs termes avec la commission des finances. Je tiens à saluer, à cet instant, le travail de Dominique de Legge, avec lequel nous avons pu trouver, dans un climat de compréhension mutuelle, les bons équilibres.
Ce sujet est extrêmement important pour notre pays. La France est tout de même l’un des rares pays, en Europe et dans le monde, capables de protéger de manière autonome leurs ressortissants et leur territoire, y compris en intervenant militairement hors de celui-ci, de dissuader, grâce à leur force de dissuasion, tout agresseur qui menacerait leurs intérêts vitaux et de se faire entendre sur la scène internationale.
Vous pouvez compter sur nous, monsieur le ministre, pour maintenir cette vigilance. Nous saluons les arbitrages interministériels et présidentiels que vous avez pu obtenir. Il apparaît clairement, aujourd’hui, que le secteur de la défense est pour notre pays non pas une charge, mais une force d’avenir. Il dispose de grandes capacités technologiques, techniques et humaines. Notre organisation militaire reflète l’évolution sophistiquée de la gestion de l’autorité dans les sociétés modernes. La France est l’un des rares pays au monde où l’excellence se rassemble autour du dispositif de défense.
Il nous faut renforcer notre défense pour nous protéger, mais aussi pour assumer notre place au sein du Conseil de sécurité des Nations unies et pouvoir parler en étant écoutés. Il est clair que ce secteur peut contribuer fortement à faire respecter la France dans le monde.
Monsieur le président, pour une meilleure organisation de nos travaux, je demande, au nom de la commission, la réserve de l’examen de l’article 1er jusqu’à la fin de la discussion des articles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Nous examinerons cette demande après l’intervention de M. le rapporteur pour avis de la commission des finances. Je ne pense pas que le Gouvernement y verra d’objection.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, chers collègues, j’irai à l’essentiel : concrètement, ce projet de loi d’actualisation comporte trois décisions d’importance majeure.
Premièrement, les recettes exceptionnelles prévues par la loi de programmation militaire pour la période 2015-2019 sont dans une très large mesure – à hauteur de plus de 5 milliards d’euros – remplacées par des crédits budgétaires.
Le projet de loi répond ainsi à la principale objection qui avait conduit un certain nombre d’entre nous à ne pas adopter le budget de la défense pour 2015.
On peut regretter que cette question n’ait pas été tranchée plus tôt, malgré les signaux d’alarme qui ont été tirés, notamment par notre assemblée, et que le Gouvernement se soit entêté à mettre en œuvre un « plan B » consistant en la fameuse opération de cession-relocation de matériel militaire à travers des sociétés de projet, cela alors même qu’un rapport réalisé par l’Inspection générale des finances, le Contrôle général des armées et la Direction générale de l’armement, fort opportunément classifié « confidentiel défense », concluait dès juillet 2014 que la vente des fréquences hertziennes ne serait pas au rendez-vous et émettait de fortes réserves sur les sociétés de projet, sur les plans tant financier et juridique qu’opérationnel. Je présenterai d’ailleurs un amendement visant à permettre aux commissions parlementaires de saisir la Commission consultative du secret de la défense nationale, la CCSDN, afin qu’elle puisse se prononcer sur le bien-fondé des classifications.
Toujours est-il que la raison a finalement prévalu : les ressources exceptionnelles, rebaptisées « recettes de cession », ne s’élèvent plus qu’à 930 millions d’euros, au total, de 2015 à 2019, et ne sont plus composées que de cessions immobilières, à hauteur de 630 millions d’euros, et de cessions de matériels militaires pour le solde.
Deuxièmement, le présent projet de loi prévoit d’augmenter les ressources totales du ministère de la défense pour la période allant de 2016 à 2019. Ce sont ainsi 3,8 milliards d’euros de crédits budgétaires supplémentaires qui seront répartis sur ces quatre années, dont 2,5 milliards d’euros après 2017.
Enfin, 18 750 équivalents temps plein seront maintenus, sur les 33 675 suppressions initialement prévues dans la loi de programmation militaire. Le coût de cette moindre déflation des effectifs représente 2,8 milliards d’euros, sur les 3,8 milliards d’euros de crédits supplémentaires dont bénéficie la défense.
Le milliard d’euros restant sera affecté pour moitié à l’entretien programmé des matériels et pour l’autre aux programmes d’équipement majeurs. Les programmes d’armement bénéficieront également du redéploiement de 1 milliard d’euros de crédits, grâce la baisse du coût des facteurs et des indices économiques sur lesquels se fondent les clauses d’indexation des contrats d’armement.
Le risque aurait été que le constat de gains de pouvoir d’achat du ministère de la défense ne conduise à des annulations de crédits. Le projet de loi prévoit au contraire que ces gains seront conservés par le ministère et consacrés à des dépenses d’équipement. Je tenais à le souligner.
Le projet de loi actualisant la programmation militaire va donc dans le bon sens, celui d’un renforcement et d’une sécurisation des moyens de la défense. Il remédie aux principaux reproches que l’on pouvait adresser à la loi de programmation militaire et au budget de la défense pour 2015. J’avais qualifié ce dernier d’insincère lors de son examen par notre commission, puis par le Sénat. Cela m’avait d’ailleurs valu quelques reproches. Pour autant, tout le monde savait que les recettes prévues ne seraient pas au rendez-vous. Les décisions annoncées par le Président de la République et ce projet de loi ne font que conforter cette analyse. Notre vote constituait un appel solennel adressé au Président de la République et au Gouvernement. Je me réjouis, monsieur le ministre, qu’il ait été entendu.
Il nous faudra cependant maintenir notre vigilance, afin que la défense bénéficie effectivement des ressources prévues dans le cadre de cette programmation actualisée.
C’est d’ailleurs le sens de trois amendements déposés par la commission des finances, qui ont été repris par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Je veux en remercier Jean-Pierre Raffarin et nos collègues membres de cette commission.
Le premier de ces amendements porte sur les opérations extérieures, les OPEX. Le projet de loi prévoit de maintenir la provision pour les OPEX à 450 millions d’euros. C’est évidemment très en dessous du coût prévisible de ces opérations. En 2014, celui-ci a atteint 1,12 milliard d’euros, soit un dépassement de 650 millions d’euros ; en 2015, il en ira de même.
Le maintien de la provision à ce niveau inchangé est d’autant plus surprenant que le Gouvernement, dans l’exposé des motifs du projet de loi, précise que l’actualisation est rendue nécessaire par un engagement des forces qui se situe au-delà des seuils fixés dans le Livre blanc : il n’en tire pas les conséquences financières.
Par ailleurs, le principe d’un financement interministériel demeure, mais, dans la mesure où ce financement s’effectue plus largement, dans le cadre de la solidarité interministérielle, le ministère de la défense y contribue fortement. Je constate d’ailleurs, pour le regretter, que toutes les missions et tous les ministères ne contribuent pas de la même façon et à due proportion à ce financement interministériel. Le manque à gagner pour la défense s’élève à 79 millions d’euros selon la Cour des comptes, et à 54 millions d’euros selon un mode de calcul plus favorable.
Dans ces conditions, il est difficile de parler de sanctuarisation. On aboutit à un mécanisme qui rogne les moyens de nos armées alors même que celles-ci sont engagées sur des théâtres extérieurs. Cela est d’autant plus dommageable que s’ajoute désormais le coût des opérations intérieures. Je rappelle que le ministère de la défense est en outre son propre assureur en ce qui concerne le système de paie Louvois.
C’est pourquoi la commission des affaires étrangères et la commission des finances ont proposé que le ministère de la défense ne contribue pas au financement du dépassement de la provision au titre des OPEX.
Les deux autres amendements, repris également par la commission saisie au fond, portent sur les cessions immobilières.
Il s’agit, d’abord, de rétablir la clause de sauvegarde prévue par la loi relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et supprimée par ce projet de loi, et, ensuite, de parer aux conséquences de la loi Duflot. La plus grande part des recettes viendra de la cession des emprises parisiennes, notamment de l’îlot Saint-Germain. Si la décote Duflot devait s’appliquer, les recettes prévues ne seraient point au rendez-vous.
Sans qu’ils fassent l’objet d’amendements, deux points méritent une vigilance particulière.
Il s’agit, en premier lieu, de l’entretien des matériels. Les équipements de nos forces engagées en opération extérieure s’usent de manière accélérée, notamment dans la bande sahélo-saharienne, en raison de conditions d’usage extrêmement abrasives. Un effort important doit être consenti pour leur régénération, sinon les forces armées ne pourront maintenir leur niveau d’engagement actuel. Le présent projet de loi y affecte 500 millions d’euros supplémentaires, alors que les besoins sont chiffrés à plus de 800 millions d’euros par l’état-major des armées. Il conviendra de prêter à cette question une attention particulière, car, si l’usure des matériels n’a pas d’incidence budgétaire tant que les réparations ne sont pas effectuées, elle représente bien une consommation des ressources de l’État.
Il s’agit, en second lieu, des ressources dégagées par redéploiement des crédits, soit 1 milliard d’euros. Elles reposent sur l’hypothèse que les indices économiques – taux de change, inflation, etc. – se maintiendront à un niveau bas durant le reste de la période de programmation. Il faudra surveiller leur évolution réelle et tirer éventuellement les conséquences de celle-ci le moment venu. De ce point de vue, l’amendement adopté par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées me paraît bienvenu.
Pour conclure, je rappelle que la LPM n’a qu’une valeur programmatique, les décisions normatives dans le domaine budgétaire relevant exclusivement des lois de finances. Or nous vivons toujours sous l’empire de la loi de finances de 2015. Cela signifie concrètement que la vente de fréquences figure toujours au budget de la défense, tout comme la diminution des effectifs, et que les crédits budgétaires annoncés en substitution des recettes exceptionnelles ne sont toujours pas inscrits.
Comme l’a souligné M. Raffarin, nous réclamons depuis plusieurs semaines, et pas seulement pour nos armées, une décision modificative. Monsieur le ministre, je prends acte de la réponse que vous avez bien voulu nous apporter par anticipation. Nous menons le même combat que vous. Puisque les décisions sont prises et que nous sommes, semble-t-il, d’accord, plus tôt le budget de 2015 sera revu dans le sens que nous espérons, mieux nos armées se porteront.
La commission des finances a souhaité enrichir ce projet de loi pour la bonne cause, monsieur le ministre. N’y voyez pas malice de notre part. Notre seule motivation est de conforter et de reconnaître l’action conduite par nos militaires sous votre autorité. Je forme le vœu que ce débat et la navette parlementaire permettent de trouver un équilibre satisfaisant pour nos armées et nos soldats, auxquels nous rendons hommage.
Sous réserve de ses amendements, la commission des finances a émis un avis favorable sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)
Demande de réserve
M. le président. J’ai été saisi par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées d’une demande de réserve de l’article 1er et du rapport annexé jusqu’après la fin de l’examen des articles.
Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la réserve est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, depuis le vote de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019, nos forces armées ont eu à mener trois opérations extérieures majeures – dans le Sahel, en Centrafrique et en Irak –, ainsi que l’opération Sentinelle, à la suite des attentats de janvier dernier et du renforcement de la menace terroriste.
En raison de cette situation évolutive et aiguë, le groupe UDI-UC juge lui aussi nécessaire l’actualisation de la programmation militaire. Le contexte international actuel exige en effet que nous soyons dotés des outils de défense adaptés, en termes tant d’effectifs que d’équipements.
Les attentats tragiques du mois de janvier dernier à Paris, ainsi que ceux qui ont, depuis, touché le Danemark, la Tunisie, l’Égypte, le Yémen ou le Koweït, justifient que la communauté internationale réponde en urgence à la menace du terrorisme islamiste.
Monsieur le ministre, vous l’avez souligné, outre cette menace, la crise ukrainienne nous rappelle aujourd’hui la possibilité de la résurgence de conflits en Europe. Ainsi, soixante-dix ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, un quart de siècle après la fin de la guerre froide, les tensions entre la Russie et l’Ukraine sont de sérieuses sources d’inquiétude et de déstabilisation pour l’Europe.
Devant ces enjeux transnationaux multiples et complexes, nous devons renforcer notre défense et veiller à ce que nos armées aient les moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs missions.
Dans le cadre de la loi de programmation militaire, nous avions fait le choix d’une armée ambitieuse et adaptable. La réactivité dont ont fait preuve les militaires français, non seulement dans le cadre de nos opérations extérieures en Afrique, mais aussi sur le territoire national au début de l’année, a confirmé une chose dont nous pouvons être fiers : la France demeure une puissance militaire importante et crédible sur la scène internationale. Notre armée, nos soldats y ont plus que leur part.
Nous sommes aujourd’hui le seul grand pays européen à avoir les capacités militaires et politiques de s’engager simultanément sur plusieurs théâtres d’opérations. Nous sommes aussi aujourd’hui le seul pays en Europe à s’engager de manière concrète dans des actions de combat, y compris au sol, en tout cas à cette échelle. Il s’agit donc d’éviter à tout prix le « décrochage » que causerait inévitablement un manque de moyens. Nous avons évoqué ce risque à plusieurs reprises et savons à quel point il est difficile ensuite de se remettre à niveau ; c’est pourquoi il faut, même en ces temps difficiles, se donner les moyens de l’écarter.
Pour ces raisons, la majorité des membres du groupe UDI-UC soutient la révision de la trajectoire financière et budgétaire prévue par le projet de loi actualisant la programmation militaire. Le renforcement du budget et des effectifs nous permettra, malgré le contexte économique contraint, d’assurer la totalité de nos missions et de conserver notre modèle d’armée adaptable.
L’engagement actuel des armées n’est pas tenable sans effectifs supplémentaires. Certains militaires ont déjà vu leurs permissions reportées, voire annulées, en raison du renforcement du rythme d’engagement. Je tiens à saluer à mon tour leur travail, leur engagement et leur courage constants au service de notre sécurité et de la défense des intérêts de la France, au péril de leur intégrité physique.
Nous parlementaires devons nous assurer qu’ils sont soutenus dans cet engagement par le renforcement des moyens qui leur sont accordés, de leur préparation, et le maintien en état de leurs équipements. Cela est nécessaire non seulement pour l’efficacité de leur action, mais aussi pour leur sécurité. J’espère d’ailleurs que l’effort de recrutement en cours, notamment pour l’armée de terre, porte ses fruits en dépit des difficultés à embaucher que connaît le secteur public.
En effet, l’accroissement de l’activité au titre des opérations extérieures doit nécessairement être compensé par un effort supplémentaire en termes de maintien en condition opérationnelle, prévu par le projet de loi.
Le renforcement des effectifs pour le renseignement et pour la cyberdéfense était particulièrement nécessaire eu égard au renforcement de la menace terroriste et à la multiplication des cyberattaques. Dans ce domaine, la France, qui était en retard voilà quelques années, est aujourd’hui à la pointe. Monsieur le ministre, je me félicite que vous ayez affirmé votre ambition que nous soyons les meilleurs en Europe dans ces secteurs. Il s’agit de ne pas perdre cette avance et, au contraire, de la conforter. (M. le ministre acquiesce.)
Dans ce domaine comme dans les autres, nous pouvons et devons nous appuyer sur la réserve. Au travers de la création d’une force de réserve opérationnelle de 1 000 réservistes « mobilisables en permanence » et de la mise à niveau de la réserve, le projet de loi souligne avec raison l’importance des réservistes dans nos armées. Ces derniers ont notamment un rôle crucial à jouer dans le cadre de la mission de protection du territoire national.
Or cette mission est devenue l’une des missions premières de nos forces armées : près de 1 600 résidents français sont partis combattre à l’étranger dans les rangs de Daech et sont prêts, par la suite, à revenir sur le territoire, ce phénomène n’étant pas propre à la France. L’emploi de nos forces armées sur notre territoire doit donc être au cœur de notre réflexion.
Sur ce sujet, des incertitudes demeurent. Quel type de missions pourra être mené ? Qui fait quoi ? Comment mettre en place une coopération efficace entre les militaires d’active et les réservistes déployés à l’intérieur du territoire et les forces de sécurité du ministère de l’intérieur, notamment la gendarmerie ? Cette dernière a d’ailleurs su, en matière de réserve opérationnelle, prendre une véritable longueur d’avance. De ce point de vue, elle peut certainement servir de modèle. (M. le ministre approuve.)
Monsieur le ministre, permettez-moi de revenir, à la suite du rapporteur et du rapporteur pour avis, sur les incertitudes relatives au budget et au financement que ce projet de loi ne lève pas entièrement.
L’abandon de l’option des sociétés de projet est une bonne décision, que le groupe UDI-UC soutient. Reste néanmoins à trouver une autre source de financement.
Vous semblez désormais compter sur la vente de fréquences hertziennes à très haut débit aux opérateurs de téléphonie mobile. Or, si les fruits de cette vente reviennent bel et bien à la défense, il ne s’agira de toute façon que d’une solution de court terme, car la somme obtenue, estimée à plus de 2 milliards d’euros, sera insuffisante, même si elle est importante, pour financer de manière pérenne les besoins supplémentaires de notre défense.
En l’absence de l’élaboration d’une loi de finances rectificative cette année, l’incertitude financière demeure, notamment concernant le financement des OPEX, qui doit répondre à une logique de besoins, et non à une logique de moyens.
Dans ce domaine, le travail accompli par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat et par son président, Jean-Pierre Raffarin, a permis d’introduire des clauses de sauvegarde nécessaires pour sécuriser la trajectoire financière prévue par le projet de loi.
Ces amendements de clarification ont vocation à améliorer la mise en œuvre du texte, et non à faire échouer le nécessaire dialogue entre nos deux assemblées sur ce projet de loi. À chaque jour suffit sa peine.
Ainsi, loin d’être un « luxe » accordé à la défense, l’augmentation du budget était strictement requise et nécessitera une gestion financière précise pour produire les effets recherchés et donner à nos armées des moyens à la hauteur de la mission qui leur est confiée.
Ce contexte économique difficile ne touche cependant pas exclusivement la France et, alors que les menaces sont de plus en plus transnationales, il apparaît nécessaire de développer nos partenariats, en premier lieu avec l’Europe, qui devrait être davantage concernée. Je sais à quel point ce sujet, véritable serpent de mer, est difficile, parfois désespérant, mais il faut en parler.
Le Conseil européen qui s’est tenu à Bruxelles les 25 et 26 juin a été l’occasion, pour les États membres, d’évaluer les progrès accomplis en matière de politique de sécurité et de défense commune depuis décembre 2013. Si cette démarche est positive, ce Conseil européen a une nouvelle fois été marqué par le manque de vision stratégique commune de l’Union européenne.
Pourtant, les restrictions budgétaires que nous mentionnons aujourd’hui et qui limitent largement notre marge de manœuvre concernent également nos partenaires européens. Il est donc temps de faire preuve de plus d’ambition et de travailler ensemble à l’émergence d’une véritable Europe de la défense et au développement d’une base industrielle et technique de défense européenne. Le contexte économique et géopolitique l’exige. Les Européens sont aujourd’hui confrontés aux mêmes limites et aux mêmes menaces. Tout ce qui a jusqu’à présent freiné cette démarche européenne doit être aujourd’hui remis sur la table. En effet, les circonstances actuelles sont tout à fait exceptionnelles.
Comme cela a été dit avant moi, nécessité fait loi ! Je suis aussi conscient que tout un chacun de la difficulté de cet exercice. Nous sommes néanmoins nombreux à penser, tout en étant attachés à la souveraineté de la France dans bien des domaines, que nous avons un avenir européen, y compris en matière de défense.
Contrairement à ce que certains pourraient craindre, ce partenariat européen n’est pas en concurrence ou redondant avec notre engagement au sein de l’OTAN : il en est complémentaire. Les États-Unis ne manquent d’ailleurs pas de rappeler, lors de chaque sommet entre alliés, l’importance d’une prise de responsabilités européenne en matière de défense, y compris en termes budgétaires pour les États.
La France à un rôle à jouer en vue de trouver cette voie européenne vers une défense continentale commune, car sur ces questions au moins, notre pays est aujourd'hui – pourquoi ne pas le dire ? – le plus crédible. Eu égard à la menace que ressentent tous les citoyens européens, cela nous donne un véritable poids.
Ainsi, monsieur le ministre, la majorité des membres du groupe UDI-UC soutiendra l’adoption du projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019, dans la mesure où il renforce les moyens de notre défense. Néanmoins, des incertitudes financières demeurent, alors même que la diversité et l’intensité des menaces auxquelles nous sommes aujourd’hui confrontés nous imposent de faire preuve de rigueur et d’anticipation. Ce débat trouvera donc son nécessaire prolongement lors de l’examen du prochain projet de loi de finances. Pour l’heure, le présent texte marque un progrès, or il faut avancer. Nous vivons aujourd'hui un moment important pour notre défense. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous poursuivons aujourd'hui un exercice entrepris voilà quelques mois. Nous avions en effet déjà débattu ici même, au mois d’avril, d’une actualisation de la programmation militaire.
On sait que les événements survenus ces deux dernières années, au Sud, au Moyen-Orient et sur les franges orientales de l’Union européenne, ainsi que sur notre territoire, particulièrement au mois de janvier, s’inscrivent tout à fait dans la perspective stratégique que nous avions esquissée dans le dernier Livre blanc. Celle-ci demeure. La gravité de ces événements a conduit à la prise de décisions au plus haut niveau de l’État, notamment par le Président de la République après le conseil de défense du 29 avril. Je salue sa détermination : ce n’était pas si simple compte tenu du contexte budgétaire actuel.
Au travers de cette actualisation de la programmation militaire, il s’agit non seulement de compléter les systèmes d’armes qui équipent nos forces, d’accompagner la montée en puissance du renseignement et de la cyberdéfense, mais également, pour reprendre vos mots, monsieur le ministre, de « densifier notre modèle de défense ». C’est en ayant cette perspective à l’esprit que je me propose d’aborder quelques points de ce projet de loi.
À la suite des attentats des 7 et 9 janvier, nos armées ont démontré qu’elles étaient des leviers puissants de résilience face à la déstabilisation voulue par les terroristes. L’efficacité avec laquelle elles ont relevé le défi de la lutte anti-terroriste sur notre sol tout en conservant un haut degré d’engagement à l’extérieur prouve que nous disposons d’un outil performant, servi par des femmes et des hommes d’un professionnalisme remarquable, et remarqué par tous nos concitoyens. C’est ainsi que l0 400 militaires ont pu être déployés dès le 13 janvier, dont 6 000 dans la seule région d’Île-de-France, en sus des 4 700 policiers et gendarmes, afin d’assurer la protection de plus de 800 points sensibles. À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle !
La LPM initiale fournissait un outil dont, faisant preuve collectivement d’une grande sagesse, nous avions vivement approuvé l’instauration, au travers de son article 6. J’en rappelle les termes :
« La présente programmation fera l’objet d’actualisations, dont la première interviendra avant la fin de l’année 2015. Ces actualisations permettront de vérifier, avec la représentation nationale, la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans la présente loi et les réalisations. Elles seront l’occasion d’affiner certaines des prévisions qui y sont inscrites, notamment dans le domaine de l’activité des forces et des capacités opérationnelles, de l’acquisition des équipements majeurs, du rythme de réalisation de la diminution des effectifs et des conséquences de l’engagement des réformes au sein du ministère de la défense. »
Nous nous emparons de cet outil six mois avant la date prévue. Cette démarche inédite donne un souffle politique et la légitimité requise par un effort engageant la nation entière.
Nous allons, avec ce projet de loi, accélérer la modernisation de notre appareil de défense et l’adapter aux temps que nous vivons. Je fais naturellement référence ici non seulement à la réponse au défi sécuritaire, mais également aux nouvelles formes de représentation que permettront les associations professionnelles nationales de militaires et à la création du service militaire volontaire.
Je retiendrai trois marqueurs de l’ambition de cette actualisation.
En premier lieu, il s’agit de fournir des moyens supplémentaires, grâce à un effort budgétaire exceptionnel. En effet, si la démarche est inédite, l’ampleur des moyens alloués au budget de la défense ne l’est pas moins. Cette LPM sera vraisemblablement la première dont la trajectoire financière sera respectée dans son intégralité, et même au-delà. Cela mérite d’être signalé.
C’est ainsi que 3,8 milliards d’euros de crédits budgétaires supplémentaires seront alloués à l’effort de défense. Ils permettront, d’ici à 2019, de préserver 18 750 postes de la déflation prévue : 2,8 milliards d’euros y seront consacrés. L’arithmétique s’imposant à une intention que certains voudraient malicieuse, la réduction de la déflation sera évidemment le plus coûteuse en fin d’exercice, ce qui justifie l’importance des crédits fixés pour les dernières années de la programmation.
Je rappelle que la précédente loi de programmation militaire et la révision générale des politiques publiques, la RGPP, prévoyaient 54 000 suppressions de postes, contre 24 000 pour la loi relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019. Finalement, le nombre de postes supprimés s’établira à environ 6 000.
Cette mesure essentielle en termes d’effectifs permettra d’honorer les contrats opérationnels demandés aux armées. C’est ainsi que l’armée de terre, parce qu’elle est la principale composante concernée par la protection des citoyens sur le territoire, verra sa capacité opérationnelle portée de 66 000 à 77 000 hommes.
Cette mesure profitera également à la cyberdéfense, aux forces spéciales, à hauteur de 1 000 personnels pour chacun de ces deux domaines, et aux services de renseignement. Au-delà, hors budget de la défense, diverses agences bénéficieront elles aussi d’effectifs nouveaux pour mettre en œuvre une politique de renseignement ambitieuse. Je laisse le soin à mon collègue Jeanny Lorgeoux d’évoquer le contexte géopolitique justifiant un tel effort.
Ensuite, et ce n’est pas le moins important, des crédits budgétaires seront substitués à des recettes exceptionnelles : demeureront 930 millions d’euros de cessions immobilières et de matériels. Cette substitution, que nous appelions de nos vœux, témoigne que les contrôles effectués par le Parlement ont porté leurs fruits. Le caractère trop aléatoire de ces recettes exceptionnelles contrastait avec la volonté présidentielle, plusieurs fois affirmée, de sanctuariser le budget de la défense. J’avais déjà eu l’occasion de le souligner ici même, au mois d’avril dernier.
En deuxième lieu, l’actualisation de la programmation militaire permettra un effort accru en matière d’équipement.
Je rappelle que la LPM faisait un pari en matière d’export, en particulier du Rafale. Ce pari est en passe d’être gagné grâce à la qualité de l’avion, à l’accompagnement par l’armée de l’air et, il faut le dire, à l’engagement du Gouvernement et de la diplomatie. À cet égard, je veux tout particulièrement saluer le vôtre, monsieur le ministre.
Les crédits d’équipement inscrits demeurent, avec un calendrier respecté : nous l’avons vérifié auprès de la DGA. C’est donc bien 1 milliard d’euros, sur 3,8 milliards d’euros, qui sera consacré à l’entretien programmé de nos matériels et à l’accélération de la modernisation de nos équipements.
L’insuffisante disponibilité de certains systèmes d’armes, en particulier ceux de retour d’opérations extérieures, est un souci pour nos armées et pour le ministère. Je sais, monsieur le ministre, que l’entretien programmé du matériel a constitué l’une de vos priorités. Ce n’est pas le tout, en effet, d’acheter du matériel nouveau ; encore faut-il bien l’entretenir. Monsieur le ministre, vous augmentez cet effort de 500 millions d’euros : c’est bien, d’autant que la LPM initiale avait déjà renforcé les moyens.
En fait, compte tenu du milliard d’euros qui devra être redéployé au profit des équipements, ce sont plus de 1,5 milliard d’euros supplémentaires qui seront affectés à l’équipement des forces.
Des hélicoptères Tigre et des appareils C 130 seront acquis, dont deux seront équipés de kits permettant le ravitaillement en vol des hélicoptères. Nous serons pour notre part particulièrement vigilants à l’entretien du parc des hélicoptères, lequel, reconnaissons-le, a connu quelques défaillances ces dernières années. Il est vrai que le taux de disponibilité remonte progressivement, mais il semble encore bien insuffisant au regard des besoins. L’aéromobilité est aujourd'hui une donnée incontournable de la réussite de l’action de nos forces en opérations extérieures, notamment dans la bande sahélo-saharienne. Nous l’avons mesuré de nos propres yeux.
Je ne détaillerai pas les autres équipements prévus. Ils concernent le ravitaillement en vol, le ciblage, des compléments d’équipement en matière de renseignement et, pour la marine, des bâtiments de soutien dont elle a le plus grand besoin.
En troisième lieu, l’actualisation de la programmation militaire permettra de renouveler l’esprit de défense.
Les événements récents conduisent aussi à changer le regard que la société civile porte sur la place des militaires. Je veux parler là non seulement de l’évolution de la représentation professionnelle des militaires, mais également du service militaire volontaire et du rôle accru de la réserve militaire dans les dispositifs opérationnels.
En effet, la création des associations professionnelles nationales de militaires apporte une réponse législative aux deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Il s’agit aussi de moderniser les modes de représentation des personnels. Je laisse le soin à Gilbert Roger d’évoquer cette question plus avant.
Enfin, la création d’un service militaire volontaire, qui fait l’objet d’un large consensus, participe du renouvellement du lien entre l’armée et la nation. Cette expérience est une transposition sur le territoire de la métropole du service militaire adapté d’outre-mer, dispositif que nous avons d’ailleurs évalué nous-mêmes lors d’une visite récente en Guyane.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Daniel Reiner. Je précise toutefois que, pour notre groupe, cette expérimentation d’un service militaire devrait être mise en œuvre, dans un premier temps, par le seul ministère de la défense.
Pour toutes ces raisons – moyens financiers en hausse, revue d’effectifs, équipements supplémentaires, renforcement du lien entre l’armée et la nation –, le groupe socialiste et républicain soutiendra cette actualisation de la programmation militaire, dont j’ai dit combien elle était inédite.
François Mitterrand disait que « les libertés qui nous paraissent aller de soi sont d’autant mieux assurées qu’on nous sait détenir les moyens suffisants pour les protéger ». Le présent projet de loi renforce ces moyens, qu’il s’agisse des équipements ou des hommes, dont on connaît la qualité. Je sais que beaucoup, sur de nombreuses travées du Sénat, sont prêts à apprécier cet effort à sa juste valeur. C’est la force de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées de rendre cela possible. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Leila Aïchi et M. Jean-Marie Bockel applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, voici maintenant près de six mois que l’opération Sentinelle a été déployée sur notre territoire, à la suite des terribles attentats qui ont frappé notre pays en début d’année. Je tiens, au nom de l’ensemble du groupe écologiste du Sénat, à saluer l’engagement remarquable de nos soldats au quotidien. En effet, dans le contexte particulièrement difficile que nous connaissons, l’armée est largement mise à contribution et elle participe de manière substantielle à la solidarité et à la cohésion sociale.
C’est justement parce que l’armée est sollicitée bien au-delà des contrats opérationnels initialement définis en 2013 et parce que les menaces se sont accrues que ce débat a lieu aujourd’hui.
Ainsi, l’actualisation que vous nous proposez, monsieur le ministre, présente deux points majeurs : d’une part, l’augmentation des ressources de 3,8 milliards d’euros de 2016 à 2019 et, d’autre part, la réduction de la tendance déflationniste qui prévalait jusque-là, en préservant 18 750 postes. Sont concernés, notamment, les forces opérationnelles terrestres, qui atteindront 77 000 hommes dès 2016 dans le cadre du nouveau « contrat de protection », ou encore le renseignement, dont les effectifs seront renforcés de 900 personnes.
Les écologistes soutiennent l’effort fait au niveau des effectifs, puisque, comme nous l’avons déjà dit, les soldats doivent être la priorité : ils sont au cœur de notre vision de la défense. Je sais, monsieur le ministre, que tel est également votre souci et je connais votre engagement en la matière.
Toutefois, il ne s’agit là que d’une première étape. Face à la multiplication des engagements de la France à l’étranger, la question des effectifs deviendra de plus en plus centrale. Avons-nous toujours les moyens d’intervenir à la fois en Afrique et au Moyen-Orient ?
Si nous reconnaissons bien évidemment que la menace terroriste a pris une dimension sans précédent dans ces régions, nous posons la question de la soutenabilité de notre engagement international et notons, à regret, l’absence criante d’une défense européenne.
Alors que la loi de programmation militaire pour les années 2014-2019 prévoyait un surcoût annuel constant sur la période pour les opérations extérieures, ou OPEX, de 450 millions d’euros, ce surcoût s’est déjà établi en 2014 à 1,12 milliard d’euros. Nous mesurons donc l’irréalisme de la trajectoire initiale, d’autant que cette même question risque de se poser l’an prochain. La multiplication des OPEX met la France dans l’incapacité de s’engager davantage aujourd’hui, à quelque niveau que ce soit, y compris dans le domaine humanitaire et celui de la prévention.
Or vous connaissez bien ma position sur ce sujet, monsieur le ministre : dans notre voisinage proche et éloigné, les risques engendrés par le stress environnemental seront les déclencheurs et signes avant-coureurs des crises de demain. Les principaux enjeux stratégiques sont intimement liés à l’accès aux ressources naturelles, aux matières premières, à l’énergie et à la démographie. Ces risques mettront au défi des structures étatiques dont l’effondrement et la faiblesse ont déjà été à l’origine de nombreuses opérations de maintien de la paix par le passé.
Face à ces risques, nous devons à tout prix avoir une approche ambitieuse et globale. En ce sens, monsieur le ministre, je me permettrais de dire quelques mots sur la dissuasion nucléaire. Vous connaissez la position des écologistes sur ce sujet. Toutefois, force est de constater que la réactualisation consacre la trajectoire définie en 2013 en matière de dissuasion, puisqu’aucune modification n’y est apportée. Nous le regrettons.
La modernisation de notre arsenal nucléaire relève-t-elle réellement de l’urgence ? L’arme nucléaire est-elle la réponse la plus adaptée aux défis sécuritaires d’aujourd’hui et de demain ? Ces questions doivent être posées.
Le maintien de notre dissuasion comme composante majeure de notre défense va continuer d’écraser le champ des capacités conventionnelles. Or celles-ci demeurent essentielles dans la prévention des crises, comme nous le voyons tous les jours.
En l’absence totale de débat autour du dimensionnement et de la posture de notre dissuasion, nous nous retrouvons aujourd’hui avec des marges de manœuvre largement réduites. Au total, mes chers collègues, près de 19,7 milliards d’euros de dépenses d’équipement seront dévolus aux armes nucléaires entre 2015 et 2019, soit 22,45 % des crédits d’équipement.
Alors que le Président de la République a mis en avant, lors du conseil de défense du 29 avril 2015, l’impératif d’équilibre budgétaire, les écologistes considèrent justement que la principale variable d’ajustement qui est aujourd’hui insuffisamment mise à contribution est bien évidemment la dissuasion nucléaire.
Malgré cette opposition de fond, que nous ne pouvons occulter, les écologistes tiennent toutefois à saluer une avancée importante de ce texte, à savoir la création des associations professionnelles nationales de militaires.
Il s’agit là, en effet, d’une étape importante, mise en œuvre a minima peut-être, mais qui va tout de même dans le sens d’une démocratisation et d’une plus grande transparence de l’armée. Sur ce point, il est important que les associations professionnelles soient interarmes, afin d’éviter tout corporatisme et de permettre ainsi une meilleure représentativité.
Même si certains amendements votés en commission sont venus limiter les prérogatives de ces associations, nous notons que, pour la première fois, les militaires bénéficieront de structures leur permettant d’exprimer leurs revendications et de défendre leurs intérêts professionnels. Ainsi, l’armée ne sera plus une exception à l’écart de la société.
Ce constat m’amène logiquement, enfin, à dire quelques mots sur le lien entre l’armée et la nation, qui me paraît être une priorité, particulièrement en cette période.
M. Roger Karoutchi. Ah ! tiens donc !
Mme Leila Aïchi. Les initiatives prises en ce sens par votre gouvernement doivent être soutenues, à l’image de la réserve citoyenne qui, si elle est bien encadrée et paritaire, peut promouvoir une citoyenneté engagée et renforcer les valeurs de la République.
J’avais également attiré votre attention, il y a peu, sur le projet de l’armée de l’air visant à établir un contact durable avec la jeunesse en coordination avec le milieu éducatif. Monsieur le ministre, pour lutter contre le terrorisme, ce genre d’initiative est indispensable et doit être encouragé. En effet, alors que la présence de l’armée est de plus en plus visible sur notre territoire, il est impératif que nous réfléchissions collectivement au renforcement du lien entre l’armée et les citoyens afin de rendre cette situation acceptable sur le long terme.
Nous le voyons de plus en plus, mes chers collègues, nous ne pouvons plus débattre de l’armée à huis clos. Cette dernière fait partie intégrante de la société française et doit contribuer à son dynamisme. Au moment où les passerelles se multiplient, il est de notre responsabilité de parlementaires de mettre en place les conditions nécessaires pour renforcer et pérenniser le dialogue entre l’armée et les citoyens. (Mme Bariza Khiari et M. Daniel Reiner applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Esnol.
M. Philippe Esnol. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en avril dernier, alors que nous évoquions déjà la nécessité d’actualiser la programmation militaire à la suite des événements tragiques du début de l’année, j’avais émis le souhait que s’arrête là la comptabilité macabre.
La liste des victimes s’est, hélas ! encore allongée et plus rien ne semble arrêter la barbarie djihadiste. Tout espoir d’un retour à la normale sur notre territoire national – si tant est qu’il ait existé – s’est évanoui. La pérennisation de l’opération Sentinelle est désormais perçue comme inéluctable. Le niveau d’engagement de nos troupes sur les théâtres extérieurs est également plus élevé que prévu, plongeant nos forces armées dans une situation de « surchauffe opérationnelle ». En outre, l’« arc de crises » se dessinant au sud de l’Europe, du Sahel à l’Afghanistan, se consolide pendant que l’État islamique poursuit sa progression, obtenant dans le même temps le ralliement de différents groupes terroristes.
Face à ce constat, le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui tente d’adapter notre outil de défense à ces besoins accrus de sécurité.
Tout d’abord, il abonde le budget de la défense de quelque 3,8 milliards d’euros supplémentaires entre 2016 et 2019, mais surtout – et c’était une revendication de longue date – il sécurise ce budget par la limitation des ressources exceptionnelles, ou REX.
On retiendra surtout de ces fameuses « ressources exceptionnelles », issues du produit de cessions de biens immobiliers, de matériel militaire ou de fréquences hertziennes, qu’elles ont manqué en 2015 et ont conduit à imaginer des solutions pour le moins surprenantes, à l’image des sociétés de projet. Ces REX ne représentent plus que 930 millions d’euros pour la période 2015-2019, soit 0,6 % du budget contre 3,5 % dans la programmation initiale. Cette « rebudgétisation » représente, monsieur le ministre, un progrès notable qui ne manquera pas d’être souligné, je n’en doute pas, par l’ensemble de mes collègues.
Une part notable de ces 3,8 milliards d’euros, soit 2,8 milliards d’euros, servira à financer la révision de la trajectoire des effectifs. Le rythme des déflations d’effectifs ralentit et nous accueillons cette décision avec soulagement. Ainsi, 18 750 postes seront sauvegardés afin de pouvoir continuer à mobiliser, dans la durée, 7 000 hommes dans le cadre de l’opération Sentinelle, tout en assurant la relève sur les théâtres extérieurs et sans que la préparation, essentielle à l’efficacité et à la sécurité de nos soldats, soit pour autant négligée.
Il est encore prévu que les secteurs stratégiques du renseignement et de la cyberdéfense bénéficient de la création de 900 postes de spécialistes, ce que nous appelions aussi de nos vœux.
Sur cet effort financier, un milliard d’euros sera consacré pour moitié à l’achat d’équipements, l’autre moitié étant réservée à l’entretien programmé du matériel.
Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, on ne peut que se réjouir que quelque 500 millions d’euros, dégagés par une évolution favorable de certains indices économiques, viennent compléter cette somme. Celle-ci sera destinée, pour l’essentiel, à la mise à jour capacitaire des moyens dédiés aux forces aériennes et au renseignement.
Dans l’aérien, la programmation est substantielle et, de fait, satisfaisante. Une dizaine d’hélicoptères supplémentaires, d’attaque mais aussi de transport, seront livrés en 2017 et 2018 ; un second escadron de Rafale viendra remplacer les Mirage ; trois avions ravitailleurs MRTT seront commandés de façon anticipée. Ce renouvellement de matériel sera par ailleurs accompagné – c’était indispensable – d’un plan de réorganisation générale du maintien en condition opérationnelle. Nous saluons cette initiative, car le matériel, sursollicité en OPEX, se détériore rapidement.
En ce qui concerne le renseignement, nos capacités d’observation spatiale seront renforcées par l’acquisition d’un troisième satellite de la composante spatiale optique, ou CSO, en coopération avec l’Allemagne. Pour les drones, les livraisons déjà prévues seront complétées par l’acquisition d’appareils embarqués de renseignement d’origine électromagnétique. Nous approuvons l’effort de recherche consenti pour rattraper notre retard en la matière. Ce retard nous contraint à nous fournir chez nos alliés américains et à chercher en urgence des mesures pour régler, notamment, la problématique du survol de sites sensibles par des mini-drones.
Les forces terrestres et spéciales, ainsi que la marine, ne seront pas en reste pour autant, comme en témoignent la régénération du parc de véhicules blindés, l’acquisition d’un quatrième bâtiment multimissions et de quatre bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers, etc. Personne n’a été oublié.
Ce projet de loi prévoit également quelques dispositions nouvelles, telles que l’expérimentation d’un service militaire volontaire. Si nous pouvions réserver à cette mesure un accueil plutôt favorable, considérant qu’il est essentiel de retisser un lien entre l’armée et la nation qui n’a cessé de s’étioler, permettez-nous, monsieur le ministre, d’être quelque peu déçus par la façon dont le dispositif est conçu, à savoir avant tout comme un dispositif d’insertion professionnelle destiné aux jeunes en difficulté auxquels il s’agirait de donner une seconde chance. Tant mieux si cette nouvelle version du service militaire permet de remplir cette fonction, mais lui assigner cette unique mission me paraît manquer d’ambition ! Est-ce bien là la vocation de nos forces armées que d’inculquer la ponctualité ? Nous nous contentons d’un décalque de ce qui existe outre-mer dans le cadre du service militaire adapté, alors que le dispositif mériterait d’être ouvert à d’autres profils et, également, d’être relié à l’objectif de montée en puissance de la réserve opérationnelle.
Sur la question inédite de la création d’associations professionnelles de militaires, décidée afin de nous mettre en conformité avec le droit européen à la suite de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme, le texte, en permettant d’instaurer un dialogue strictement restreint à la « condition militaire », me semble être équilibré.
Enfin, il me faut encore dire un mot sur l’Europe de la défense, sujet sur lequel on ne peut que déplorer l’absence d’avancées concrètes ! Nous attendions beaucoup du Conseil européen des 25 et 26 juin dernier, mais les questions de sécurité et de défense ont été mises de côté, au profit d’autres préoccupations telles que celles liées à la crise grecque. Les déclarations d’intention doivent désormais se traduire par des actes.
L’Union européenne a besoin d’agir de façon autonome en s’appuyant sur des capacités militaires crédibles. Le scandale de la mise sur écoute de l’Élysée opérée par l’agence de sécurité des États-Unis a mis en évidence ce besoin d’une coopération étroite au niveau européen, à la fois pour exister parmi les grands et pour établir une protection réellement efficace.
Aussi, comment ne pas s’inquiéter quand le Conseil européen demande qu’une stratégie de défense européenne lui soit soumise d’ici à juin 2016 ? La situation exige que nous accélérions. La France, grande puissance militaire, doit jouer un rôle de premier plan dans cette relance.
Bien que cet attentisme européen dangereux nous alerte, nous constatons que le Gouvernement confirme qu’il a pris la mesure de la situation en présentant ce projet de loi et les ajustements importants qu’il contient. Les crédits budgétaires repartent à la hausse, la tendance s’inverse en ce qui concerne les coupes dans les effectifs et des priorités nouvelles sont affirmées. C’est pourquoi le groupe du RDSE est favorable à l’adoption de ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. Nous reprendrons l’examen de ce projet de loi à l’issue du débat sur la situation de la Grèce et les enjeux européens.
5
Nominations à trois organismes extraparlementaires
M. le président. La commission des lois a proposé des candidatures pour trois organismes extraparlementaires.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Yves Détraigne membre du Conseil national de la sécurité routière, M. François Grosdidier membre du conseil d’administration de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice et enfin, MM. François Grosdidier et Philippe Kaltenbach membres titulaires de la Commission nationale de la vidéoprotection.
Mes chers collègues, je vous renvoie à ma précédente déclaration concernant la note que j’ai adressée à ces différents organismes pour faciliter les travaux des sénateurs en commission, notamment, mais aussi en séance publique, à l’occasion des votes solennels, des explications de vote et des questions au Gouvernement.
6
Situation de la Grèce et enjeux européens
Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat
M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, sur la situation de la Grèce et les enjeux européens.
Je salue la présence dans cet hémicycle de plusieurs membres du Gouvernement et donne immédiatement la parole à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis revenu spécialement d’Autriche, où je participais à la négociation sur le nucléaire iranien, pour assister au conseil des ministres ce matin et à votre débat cet après-midi. Je repartirai ensuite pour Vienne et ne pourrai donc être présent, demain matin, à l’important colloque qui se tiendra au Sénat. Je vous prie, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir excuser mon absence.
J’ai toutefois tenu, aujourd’hui, comme le veut la tradition, à vous lire le discours que M. le Premier ministre Manuel Valls prononce au même instant devant les députés.
« Depuis soixante-dix ans, l’Europe, ce “vieux rêve”, est devenue une réalité pour nos pays et pour nos peuples. Ensemble, à force de volonté, nous avons su transformer notre histoire, sceller une paix durable et faire que, du sud à l’est, la démocratie s’enracine.
« C’est une magnifique construction, par des nations qui ont uni leurs forces et leurs destins pour peser davantage, économiquement, mais aussi politiquement et diplomatiquement.
« Bien sûr, l’Europe a ses insuffisances : des vides démocratiques qui restent à combler, des faiblesses diplomatiques, des difficultés économiques. Mais une chose est presque certaine : sans l’Europe, nous perdrions beaucoup de nous-mêmes. Dans un monde qui change extraordinairement vite, nos nations se trouveraient finalement assez esseulées. Affaiblies, elles risqueraient de perdre progressivement pied.
« Nous avons souhaité que le débat d’aujourd’hui ait lieu pour que le Parlement soit pleinement associé, car nous sommes à un moment crucial, pour la Grèce et le peuple grec, assurément, mais aussi pour nous et pour la construction européenne.
« Nous devons refuser une Europe du ressentiment, de la punition et de l’humiliation, une Europe où monteraient, ici, les sentiments antigrecs, et là, les sentiments antiallemands, où s’installeraient plutôt les égoïsmes et les populismes ; une Europe où les plus faibles risqueraient d’être livrés à eux-mêmes.
« L’Europe fait l’objet de nombreuses définitions, mais elle se caractérise par le respect des peuples et des individus.
« Il y a entre la Grèce et la France un lien historique extrêmement fort. La Grèce, c’est le berceau de l’Europe, par son histoire, sa culture et ce qu’elle nous a apporté : la démocratie. Au début du XIXe siècle, le chant de liberté du peuple grec prenant son indépendance a été entonné par plusieurs grands poètes, écrivains et artistes français.
« La Grèce est aussi dans l’Union européenne depuis 1981, grâce notamment à la France et, à l’époque, au président Valéry Giscard d’Estaing. Elle sortait alors de la dictature des colonels.
« On peut citer aujourd’hui quelques personnages incontournables de cette culture commune que nous nous sommes forgée, dans plusieurs domaines. Je pense notamment à Costa-Gavras et à son film Z, sur l’histoire de son pays, ou à Jacqueline de Romilly, cette académicienne française qui a dévoué sa vie à la langue grecque, si bien qu’elle a reçu, à titre honorifique, la nationalité grecque.
« La Grèce est donc une véritable passion française, mais elle entretient aussi des liens forts avec l’Europe. Nous devons être fidèles au passé de cette relation et tenter de construire son avenir. La Grèce a aussi conscience de ce que l’Europe lui a apporté.
« Sachons donc entendre les messages. Par leur vote, les Grecs n’ont pas voulu couper les ponts avec l’Europe et n’ont pas dit non à l’euro » J’ajoute, à titre personnel, que, si la réponse était claire, la question posée l’était moins ! « Car, au fond, beaucoup de Grecs savent combien les conséquences d’une éventuelle sortie de la monnaie unique seraient lourdes ; quand on prétend que l’on peut en sortir “ calmement ” ou “ sans drame ”, ce sont des formules qui masquent une réalité bien différente.
« Une sortie de l’euro, si elle devait advenir, se traduirait certainement par un affaiblissement des revenus et une explosion du prix des importations, y compris pour les biens de première nécessité, sans que celle-ci puisse être compensée par une augmentation des exportations, la Grèce exportant très peu. Il faudrait aussi vraisemblablement s’attendre à des conséquences politiques, sociales et d’ordre public que personne n’est finalement capable de prévoir. Ce n’est pas ce que nous voulons pour le peuple grec et ce n’est certainement pas l’image que nous voulons donner de l’Europe aux yeux du monde. En tout cas, telle n’est pas la position de la France !
« L’Europe a besoin de solidarité, mais aussi d’unité et de stabilité. Le maintien de la Grèce dans l’euro et dans l’Union européenne représente également un enjeu géostratégique et géopolitique de très haute importance. » Ce matin, je me suis d’ailleurs permis, en conseil des ministres, de revenir sur cet aspect.
« Je pense, bien sûr, à nos relations avec la Turquie, aux regains de tensions possibles dans les Balkans et à la frontière est de l’Europe. La Grèce, en raison de ses liens avec la Russie et le monde orthodoxe, est un acteur majeur du partenariat oriental. Je pense, également, aux enjeux migratoires. La Grèce est aujourd’hui, avec l’Italie, l’un des pays les plus exposés aux arrivées massives de migrants. La Grèce, membre de l’OTAN, est aussi l’avant-poste européen face à un Proche-Orient en plein embrasement.
« Affaiblir la Grèce, c’est donc affaiblir collectivement l’Europe, avec des répercussions notamment économiques – revenant d’une discussion avec les membres permanents du Conseil de sécurité, je puis vous assurer personnellement que cette inquiétude est partagée par les dirigeants des grands pays du monde.
« C’est pourquoi la France – et, au premier rang, le Président de la République –, tout à fait consciente de ce qui se joue, ne ménage pas ses efforts pour tenter de trouver des solutions et faire converger les points de vue.
« Nous agissons sans relâche pour que la Grèce tienne ses engagements, pour écouter le choix fait par ce pays tout en assurant la cohésion de l’Europe. C’est à cette condition seulement que nous parviendrons à un accord satisfaisant pour toutes les parties.
« Telle est, après tout, l’histoire de l’Europe : trouver des solutions communes, bâtir ensemble, dans le respect de gouvernements élus démocratiquement – le gouvernement grec tout comme celui des autres pays – et des sensibilités de chacun, qui ne sont pas les mêmes quand on est à Athènes, à Dublin ou à Lisbonne.
« Rien n’est facile, bien sûr. Les débats sont réels, les risques sérieux. C’est pour cela que la France, membre fondateur de l’Union européenne, puise en elle-même cette force qui en a toujours fait un garant du destin européen. C’est notre vocation. Nous ne pouvons pas nous dérober à nos responsabilités et c’est, bien entendu, au Président de la République d’assumer ce rôle en priorité.
« La France – c’est ce que l’on attend d’elle – essaye de tout faire, aux côtés de ses partenaires, en s’appuyant sur sa propre force, mais aussi, si c’est possible, sur la force du couple franco-allemand. Notre rôle n’est pas d’exclure, de casser ou de renverser la table, mais d’essayer de trouver des compromis, c’est-à-dire des solutions qui puissent rassembler les uns et les autres.
« Quand l’essentiel est en jeu – en l’occurrence, tel est le cas –, la France et l’Allemagne ont le devoir de se hisser à la hauteur de l’événement. Bien sûr, chacun peut avoir sa sensibilité – c’est surtout vrai de nos opinions publiques –, mais la force de cette relation, c’est de savoir avancer ensemble.
« Cette relation n’est pas exclusive, mais elle est tout de même singulière, car, ensemble, nous avons une capacité à entraîner. Nous sommes deux pays souverains, conscients de leurs responsabilités et c’est dans cet esprit que s’est tenue à l’Élysée, lundi soir, la réunion dont il a été rendu compte.
« Rien n’est facile, mais c’est à nous d’essayer de nous élever à la hauteur du moment. C’est ce que fait le Président de la République aux côtés de la chancelière allemande, lundi dernier, et encore hier soir, à Bruxelles, avec le ministre des finances et des comptes publics.
« Je veux d’ailleurs saluer l’action déterminée de Michel Sapin, qui n’a eu de cesse, depuis le début des négociations, dans des circonstances très difficiles, de multiplier les échanges et de tout mettre en œuvre pour faire partager la vision française et soutenir la Grèce.
« Et si nous nous mobilisons autant, ce n’est pas, comme j’ai pu l’entendre de la part de certains, parce que nous serions à la remorque de l’Allemagne, ou parce que nous serions indulgents vis-à-vis du gouvernement grec, mais parce que c’est aussi notre intérêt, parce que notre intérêt, c’est l’Europe !
« Mesdames, messieurs, pour bien comprendre la situation actuelle, nous devons revenir, en peu de mots, sur les dix dernières années.
« La Grèce a connu une forte croissance économique durant les années 2000, en partie d’ailleurs grâce à la stabilité offerte par l’appartenance à la zone euro, mais, disons-le clairement, elle n’a pas su moderniser son économie ni mener les réformes nécessaires, que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé. Ainsi, au moment où a éclaté la crise économique, l’économie grecque était déjà très fragile, avec une dette publique et un déficit de la balance commerciale extrêmement élevés.
« Les mécanismes de prévention permettant d’anticiper une crise dans la zone euro n’ont pas fonctionné et il a été nécessaire d’inventer en urgence des mécanismes de gestion de crise. Sans la solidarité de ses partenaires européens, la Grèce aurait été en faillite en 2010. Nous avons évité cela, en lui apportant une assistance financière massive proche de 240 milliards d’euros et en mettant en place un programme de réformes pour le redressement de son économie, qui n’a pas été exécuté.
« La France, avec la majorité précédente, a soutenu ce plan. Si, aujourd’hui, nous acceptions ou proposions une sortie de la Grèce de la zone euro, nous serions en contradiction avec les orientations que la France a voulues pour l’Europe. Ce serait un aveu d’impuissance et, pour notre part, nous ne le voulons pas.
« Au prix de réels efforts, souvent douloureux pour la population – on parle d’une diminution de la production intérieure brute de 25 %, ce que personne ne doit sous-estimer –, l’économie grecque n’était certes pas guérie à la fin de 2014, mais la croissance était de retour et le budget public était en excédent primaire. Pour autant, le problème de la dette restait entier et les Grecs ne voyaient pas arriver concrètement le fruit de leurs efforts.
« Au début de l’année 2015, le gouvernement grec nouvellement élu a souhaité revoir les modalités du programme d’assistance, en particulier le détail des réformes nécessaires pour que la Grèce puisse recevoir le reste de l’aide financière prévue.
« Les discussions ont alors été longues et difficiles – je n’y reviendrai pas –, mais il y a deux semaines, vous savez sans doute que nous étions tout près d’un accord. Les institutions, que ce soit la Commission européenne, la Banque centrale européenne ou le Fonds monétaire international, avaient fait des propositions nouvelles, en fixant notamment des cibles budgétaires revues à la baisse. L’objectif était de permettre à la Grèce d’honorer ses engagements passés, mais aussi de renouer avec la croissance.
« Cependant, disons les choses telles qu’elles sont : le gouvernement grec a décidé d’interrompre de manière unilatérale…
M. Jean-Claude Lenoir. Hellas ! (Sourires.)
M. Laurent Fabius, ministre. … « les négociations – nous l’avons regretté – et d’organiser un référendum pour permettre à son peuple de s’exprimer souverainement. Ce choix, nous n’avons pas à le discuter. »
Cependant, l’ambivalence du résultat nous place dans une situation nouvelle que je veux décrire en quelques mots.
« Le sommet qui a eu lieu a permis au dialogue de reprendre, de réenclencher un processus et de rétablir le lien dont nous avions tous besoin pour avancer. Ce travail de dialogue doit se poursuivre. »
Ce matin, le premier ministre grec est intervenu devant le Parlement européen. Vous savez que des réunions se tiendront dans les jours qui viennent, mesdames et messieurs les sénateurs, aussi bien entre ministres des finances qu’entre chefs d’État ou de gouvernement. L’accord est à la fois difficile et à portée de main. Voilà le paradoxe !
« La condition d’un accord, le Président de la République l’a souligné, c’est la solidarité. C’est aussi la responsabilité, celle des États-membres, mais aussi celle de la Grèce. La France et ses partenaires européens y sont légitimement attachés, en particulier ceux qui ont, au cours des dernières années, consenti des efforts importants, voire des sacrifices considérables. L’Europe ne peut pas être conçue comme un droit de tirage illimité. Ce sont des règles communes à respecter. Sans cela, il n’y aurait pas d’union possible !
« Compte tenu de ces éléments, la France a décidé de se mobiliser jusqu’au bout pour aider la Grèce, mais il faut aussi que le gouvernement grec veuille s’aider lui-même. C’est donc aussi au gouvernement grec d’être au rendez-vous de son histoire et de l’histoire européenne. C’est donc un moment de vérité.
« En définitive, les bases d’un accord complet, global et durable sont connues.
« Premièrement, des réformes détaillées sont nécessaires pour moderniser et redresser l’économie, bâtir un État solide, réactif, efficace, un État qui fonctionne vraiment, mais aussi pour avancer sur des questions essentielles telles que les retraites – sans toucher aux petites retraites – ou la TVA. Mener ces réformes est une condition essentielle à l’obtention d’un nouveau programme d’aide financière.
« Deuxièmement, il faut des moyens pour financer la croissance en Grèce, car, comme je l’ai dit, c’est d’abord cela que veulent les Grecs. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a proposé un “ paquet ” de 35 milliards d’euros, qui devraient permettre d’apporter à l’économie grecque l’oxygène dont elle a besoin pour redémarrer.
« Troisièmement, une perspective claire sur le traitement de la dette est indispensable. Il n’y a pas, il ne peut pas y avoir de sujet tabou : il est donc essentiel d’établir une trajectoire soutenable de la dette grecque pour les prochaines années. C’est indispensable pour avancer vers une solution durable à la crise actuelle.
« Il est aujourd’hui urgent de conclure cet accord sur le fondement de ces trois éléments. Il nous reste très peu de temps, puisque nous avons jusqu’à dimanche pour y parvenir.
« Ce matin, les Grecs ont formellement soumis la demande d’un nouveau programme d’aides dans le cadre du mécanisme européen de stabilité. »
À ce titre, ils ont présenté une lettre – que vous avez certainement lue – qui nous semble équilibrée, positive, et qui fait preuve d’une réelle volonté de réformes. Même s’il manque encore des précisions, des étapes importantes permettront au dialogue de se nouer.
« Ainsi, le gouvernement grec présentera jeudi prochain un programme complet de réformes précises à mener à court et à moyen termes. Samedi, sur le fondement de l’évaluation faite par les institutions, une nouvelle réunion de l’Eurogroupe se tiendra, avant que, dimanche, une nouvelle réunion des chefs d’État ou de gouvernement ne soit organisée.
« Nous disposons donc de très peu de temps puisque nous avons cinq jours. Sans exagérer, c’est en partie la destinée de l’Europe, comme construction politique, qui se joue. Nous devons donc nous engager avec le souci de l’action. Pour cela, nous voulons être très clairs : comme l’a dit le Président de la République, quelle que soit l’issue, l’Assemblée nationale aura à se prononcer.
« L’histoire de la construction européenne est une histoire progressive, faite d’avancées, de reculs, souvent d’à-coups. C’est finalement sa capacité à surmonter les crises qui a permis à l’Europe de grandir.
« Qu’on le veuille ou non, l’Europe politique est mise à l’épreuve dans l’incertitude et, s’agissant du peuple grec, souvent dans la douleur. Toutefois, beaucoup d’entre nous avons réclamé cette Europe politique, déçus que nous étions par une Europe qui se confondait uniquement avec un projet économique, lequel n’était d’ailleurs pas toujours couronné de succès. Or nous y sommes ! Il appartient à la France, au couple franco-allemand dans la mesure du possible, de se saisir de cette crise – qui est rude – pour en faire une chance. »
Je crois d’ailleurs me souvenir que le mot κίνδυνος (kíndunos) signifie, en grec ancien, à la fois le risque et la chance. Il nous appartient de faire de ce risque, que nous n’avons pas souhaité, une chance que nous devrons bâtir. Nous avons la perspective d’une zone euro renforcée, et donc d’une Europe plus forte.
« Cependant, ce n’est possible que si l’on répond à l’urgence !
« De réels progrès ont été faits au cours des dernières années pour renforcer la zone euro. Elle est plus robuste qu’il y a encore quelque temps. Prenons l’exemple du Mécanisme européen de stabilité ou de l’Union bancaire.
« Pour autant, le travail sur l’approfondissement de la zone euro n’est absolument pas achevé. Au travers de cette crise, toute une série de questions se posent en filigrane : le gouvernement économique de l’Europe, l’agenda de convergence économique et fiscale, les avancées convergentes en matière sociale – qu’il s’agisse des salaires ou de la lutte contre toute forme de concurrence déloyale –, l’utilisation de la monnaie unique au service de la croissance et de l’emploi et, enfin, la représentativité démocratique.
« Tous ces enjeux sont devant nous. Après l’urgence, nous aurons aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, à y répondre ! La France, comme toujours, devra prendre des initiatives pour que l’Europe tienne sa place, avance, et continue de bâtir son histoire. »
Néanmoins, cela suppose d’abord que nous sachions apporter les réponses qui conviennent à la crise grecque et qui tiennent compte, à la fois, du vote intervenu dimanche, du souci exprimé par les autres pays de la zone euro, ainsi que de la nécessité de trouver des solutions qui permettent à tous d’avancer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. Acte est donné de la déclaration du Gouvernement.
Dans le débat, la parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous me permettrez d’évoquer un certain nombre de questions qui me semblent importantes, afin d’éclairer le débat, d’apporter des réponses et de dégager de véritables conclusions. Nous avons, du reste, parfois eu du mal à les discerner dans vos propos, monsieur le ministre…
Tout d’abord, je parlerai du référendum grec. Évidemment, personne ne met en cause la légitimité du recours au référendum dans cet hémicycle, et certainement pas moi qui, à l’époque du traité de Lisbonne, m’étais justement plaint de l’absence de recours à la voix du peuple ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
En premier lieu, à force de sacraliser ce que l’on appelle la voix du peuple grec, on a oublié les conditions de cette consultation populaire. Le secrétaire général du Conseil de l’Europe – qui n’a rien à voir avec les institutions de l’Union européenne – a formulé un certain nombre de remarques relatives à la précipitation avec laquelle elle a été organisée.
Quel aurait été le résultat du référendum de 1992 sur le traité de Maastricht, mes chers collègues, si le peuple de France n’avait disposé que d’une seule semaine de réflexion ?
M. Pierre Laurent. Cela fait cinq années que les Grecs y réfléchissent !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Dans la misère, de surcroît !
M. Bruno Retailleau. Quelle aurait été également la réponse du peuple de France s’il n’avait disposé que d’une seule semaine de réflexion lors du référendum de 2005 ?
Si nous sommes respectueux de l’expression de la souveraineté populaire grecque, nous le sommes tout autant de l’expression démocratique des autres pays. La voix du peuple grec vaut bien les voix des peuples baltes, du peuple slovaque, et des autres peuples européens.
M. Pierre Laurent. Ces peuples n’ont, eux, jamais été consultés !
M. Bruno Retailleau. Aujourd’hui, le gouvernement de M. Tsipras demande très clairement que le contribuable européen mette à nouveau au pot commun pour financer le programme démagogique sur lequel il a été élu il y a cinq mois. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Pierre Laurent. Et Goldman Sachs ?
M. Bruno Retailleau. Puisque l’on invoque souvent non seulement l’idée démocratique, mais également l’idée de solidarité, nous ne devons pas oublier, mes chers collègues, qu’il existe cinq autres pays de la zone euro, dans lesquels le niveau de vie des habitants est inférieur à celui des Grecs ! Ces pays sont pourtant également appelés à la rescousse financière !
Mme Marie-France Beaufils. Et alors ?
M. Jean-Pierre Bosino. En Afrique, c’est pire !
M. Bruno Retailleau. Pour finir, je dirai un mot sur la notion de souveraineté, à laquelle je suis très sensible. En effet, ceux qui invoquent ce concept pour parler de démocratie devraient aller au bout de leur raisonnement et réclamer une souveraineté pleine et entière, y compris l’exercice de la souveraineté monétaire.
En second lieu, j’évoquerai les acteurs du débat.
Si le contenu d’une négociation compte évidemment, les hommes et les femmes qui négocient comptent tout autant, car ils contribuent à établir la crédibilité du processus et à instaurer la confiance. Or, depuis les nombreux mois que cette négociation a débuté, quel a été le comportement du chef du gouvernement grec ? M. Tsipras a continuellement exigé davantage de solidarité de l’Europe, tout en acceptant moins de responsabilités pour son gouvernement !
Mme Marie-France Beaufils. Que dire alors de l’attitude de la « troïka » ?
M. Bruno Retailleau. Nous pensons que l’Europe est une solidarité et que cette solidarité appelle une responsabilité. L’une ne peut exister sans l’autre ! Elles constituent les deux faces d’une même réalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-France Beaufils. C’est inacceptable !
M. Bruno Retailleau. Comme le font tous les populistes, d’où qu’ils viennent, M. Tsipras a constamment recours à la rhétorique de la provocation et du chantage. Chose facile évidemment, il a installé dans l’esprit de son propre peuple l’idée que ce dernier était la victime de ses bienfaiteurs ! En réalité, l’Union européenne a servi de bouc émissaire commode de la crise grecque.
Je veux simplement rappeler deux réalités qui sont aussi – je le crois – deux vérités. Premièrement, la Grèce a bénéficié du plan de restructuration de sa dette qui est l’un des plus importants de l’histoire du capitalisme : 240 millions d’euros d’aides sous forme de prêts.
M. Pierre Laurent. Cet argent est allé dans les poches des banques !
M. Bruno Retailleau. En 2012, cette restructuration a coûté 110 milliards d’euros, notamment à des banques. Il est donc important de le souligner : l’Europe a manifesté sa solidarité !
Mme Michelle Demessine. Mais qui a réellement bénéficié de cet argent ?
M. Bruno Retailleau. Qu’a donc fait M. Tsipras durant cinq mois ? Il a discuté, joué de faux-semblants et revêtu l’habit de Robin des Bois ! Seulement, c’était un Robin des Bois au service des armateurs…
M. Pierre Laurent. Vous confondez avec M. Samaras !
M. Bruno Retailleau. … et peut-être même au service de l’église orthodoxe, paradoxalement ! (Vives protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce sont vos amis !
M. le président. Mes chers collègues, en grec, le mot silence se dit : σιγή [sigè] ! Veuillez poursuivre, monsieur le sénateur.
M. Bruno Retailleau. Quittant la scène grecque pour revenir sur la scène européenne, force est de constater que, malheureusement, la voix de la France a manqué. Souvenons-nous, par comparaison, des crises qui ont secoué la France durant le précédent quinquennat : alors que l’ancien président de la République assurait le leadership de la France, notre pays frappe aujourd’hui par son absence de leadership sur toutes les grandes questions européennes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Malheureusement, faute de faire entendre sa voix au service d’une position équilibrée, la France a en quelque sorte enfermé l’Allemagne et la Grèce dans un face-à-face ; ce n’était rendre service ni à la Grèce ni à nos partenaires allemands. Résultat : le couple franco-allemand est affaibli, comme le constatent nombre d’observateurs non seulement en France et en Allemagne, mais aussi dans bien d’autres pays. Au demeurant, cet affaiblissement est la grande tentation originelle du mandat de François Hollande.
Selon moi, ce manque de leadership a deux raisons.
En premier lieu, il vient d’une complaisance idéologique de la gauche vis-à-vis du gouvernement grec, qui porte l’étendard de la gauche radicale. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Par une sorte de réflexe nostalgique, un peu romantique, la gauche lui trouve de nombreuses circonstances atténuantes !
En second lieu, cette situation découle de l’affaiblissement de la voix de la France. Quand on peine à tenir ses propres engagements européens, quand on ajoute les déficits aux déficits et l’endettement à l’endettement, au point de devenir le champion du monde de la dépense publique, on a évidemment plus de mal à jouer le rôle de l’arbitre. Moyennant quoi, la France n’a jamais été aussi isolée sur la scène internationale (M. le ministre des affaires étrangères et du développement international rit.), et les Français eux-mêmes doutent de la capacité du Président de la République à dénouer la crise grecque.
M. David Assouline. C’est la méthode Coué !
M. Bruno Retailleau. Quelles sont donc les conséquences de la situation actuelle, et surtout quelles solutions peut-on lui apporter ?
Les solutions dépendent sans doute des pays européens, mais elles dépendent d’abord du gouvernement grec lui-même. De fait, la solidarité européenne a déjà joué et il faut désormais que la Grèce accepte ses responsabilités. Ainsi, elle ne doit plus avoir un État clientéliste ; il lui faut également sortir d’une économie de rente et se doter d’un cadastre. Les exigences minimales qui valent pour tous les autres pays européens doivent valoir aussi pour la Grèce ! Cette responsabilité doit s’exercer sous le regard de tous les peuples. Songeons, mes chers collègues, que la retraite moyenne versée en Grèce est bien plus élevée que les retraites de nombre d’agriculteurs, d’artisans ou de commerçants que je connais ! (Exclamations et rires sur les travées du groupe CRC.)
Si les réformes à mener doivent être justes, il faut absolument éviter deux écueils. D’abord, il convient de ne pas faire de la cavalerie, en bricolant dans la précipitation un accord qui ne résoudrait rien. On consentirait à la Grèce toujours plus de prêts ? Qui donc peut penser que c’est en alourdissant encore sa dette que l’on résoudra le problème de la Grèce, qui est aussi celui de l’Europe ? Ensuite, il importe d’éviter le « Grexident », c’est-à-dire une sortie incontrôlée de la Grèce de la zone euro. Si celle-ci se produisait, on ne sait pas ce qu’il adviendrait de l’Europe – quoique –, mais on sait très bien ce qu’il adviendrait du peuple grec : ce serait sans doute terrible pour lui !
Dans ces conditions, monsieur le ministre, il n’y a que deux solutions possibles.
Dans la première hypothèse, un vrai accord est conclu, fondé sur de vrais engagements, vérifiables. Je veux parler d’un accord donnant-donnant et gagnant-gagnant, comportant une « clause de revoyure » régulière, sans cela nous ne ferions que rejouer le mythe de Sisyphe ou alimenter le tonneau des Danaïdes – peu importe, la mythologie grecque est riche ! Seulement, un tel accord n’est possible qu’à la condition que les contribuables européens ne soient pas davantage sollicités sans que des contreparties soient exigées de la Grèce sur le plan des responsabilités.
Dans la seconde hypothèse, en l’absence d’accord reposant sur une responsabilité mutuelle, il faudra s’orienter vers une forme de mise en congé. Il s’agirait d’une sortie organisée de l’euro, assortie d’un plan d’accompagnement de la Grèce et, sans doute, d’un lien entre l’euro et la drachme.
M. Pierre Laurent. C’est irresponsable !
M. Bruno Retailleau. Naturellement, la Grèce resterait dans l’Union européenne et continuerait de bénéficier des 35 milliards d’euros qui lui sont versés chaque année au titre des fonds structurels et de la politique agricole commune. Au reste, s’il n’est pas possible de conclure un accord fondé sur le donnant-donnant, je pense qu’un ajustement monétaire serait peut-être moins douloureux pour la Grèce qu’un ajustement portant sur les valeurs réelles, c’est-à-dire sur l’emploi, la croissance et le niveau de vie.
Pour l’Europe, ce n’est sans doute pas la situation idéale ; mais nous avons désormais le Mécanisme européen de stabilité et, surtout, une Banque centrale européenne qui serait prête, pour contrer la spéculation qui viserait d’autres pays – des pays comme le Portugal et l’Espagne qui, eux, ont accompli des efforts –, à mettre à exécution son plan de rachat de dettes souveraines.
M. Jean-Pierre Bosino. L’Espagne, vous allez voir ce qui va s’y passer !
M. Bruno Retailleau. Dans votre conclusion, monsieur le ministre, vous avez indiqué que le Gouvernement souhaitait revenir devant nous et consulter le Parlement ; vous avez parlé de l’Assemblée nationale, mais j’imagine que vous vouliez parler de l’Assemblée nationale et du Sénat ! En vérité, il importe que le Parlement dans sa totalité s’exprime par un vote, dès lors qu’une position française aura été arrêtée. Il n’y a aucune raison que le peuple allemand soit le seul dont la souveraineté soit appelée à s’exercer via ses représentants ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Un vote !
M. Bruno Retailleau. Comme vous l’avez vous-même affirmé, monsieur le ministre, esquissant même un certain nombre de possibilités, la zone euro ne peut plus rester dans son état actuel ; elle a besoin d’un pilotage politique. Comment organise-t-on les convergences, notamment fiscales ? Nous devons répondre à cette question.
Une autre question se pose, que nous devons avoir à l’esprit : je veux parler cette fois non du « Grexit », mais du « Brexit ». Il faut commencer dès aujourd’hui à parler avec nos partenaires britanniques, pour prévenir une nouvelle situation de crise en anticipant les conclusions des discussions.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de reprendre à mon compte, pour conclure, une réflexion d’Hubert Védrine, tirée de son excellent ouvrage Continuer l’histoire : le moment est venu d’imaginer un nouveau projet européen, ce qui suppose une triple clarification, du point de vue de la géographie – qui fait partie de l’Europe et qui n’en fait pas partie ? –, du projet – l’Europe de l’essentiel ou l’Europe de l’accessoire ? – et des institutions – quelle Europe voulons-nous ?
Espérons que la présente crise nous permettra de clarifier nos idées, de même que la volonté politique de la France et de ses partenaires européens, au service de l’Europe, un idéal pour nombre d’entre nous, mais un idéal qui doit être fondé sur la raison ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – M. le président de la commission des affaires européennes et M. le rapporteur général de la commission des finances applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Didier Guillaume. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères et du développement international, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, « la France veut que la Grèce reste dans la zone euro, et elle travaille pour y parvenir »…
M. Philippe Dallier. À quel prix ?
M. Didier Guillaume. Ainsi s’est exprimé hier le Président de la République, à l’occasion du sommet des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro.
Je tiens à remercier le Gouvernement d’avoir provoqué ce débat au Parlement. Ce débat, mes chers collègues, a pour vocation d’éclairer ; il n’a pas besoin d’être sanctionné par un vote.
M. Francis Delattre. Ah, si !
M. Didier Guillaume. Qui donc, en effet, un vote mettrait-il face à face : les romantiques et les réalistes, ceux qui veulent casser l’Europe à tout prix et ceux qui veulent la conserver à tout prix ? À entendre certains, tel serait aujourd’hui l’enjeu.
M. Francis Delattre. Mais non !
M. Didier Guillaume. Nous, sénateurs du groupe socialiste et républicain, avec les socialistes de notre pays, voulons maintenir la Grèce dans la zone euro.
Oui, mes chers collègues, nous vivons des heures importantes. Les réunions d’urgence et de la dernière chance se succèdent depuis trop longtemps. Le chef de l’État l’a dit : on ne va pas remettre l’ouvrage sur le métier tous les deux ou trois mois ; il faut enfin trancher. Dimanche prochain, une semaine seulement après le référendum en Grèce, il faudra qu’une décision définitive soit prise. Reste à savoir quelle décision.
Tous les socialistes, sans aucune exception, soutiennent le chef de l’État, le Premier ministre et le Gouvernement dans leur volonté d’aboutir à un accord et d’éviter que la Grèce ne sorte de la zone euro. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Philippe Dallier. Quelle surprise !
M. Didier Guillaume. Je tiens à féliciter nos dirigeants pour leur pugnacité, et particulièrement Michel Sapin, qui travaille sans relâche depuis quelque temps pour que l’Eurogroupe parvienne à un accord.
Cette énième crise n’est que l’épilogue d’un scénario qui dure depuis cinq ans : elle renforcera l’Europe si sa conclusion empêche le « Grexit », mais elle l’affaiblirait si nous échouions et si la Grèce devait sortir de la zone euro.
Dimanche dernier, les Grecs ont voté : ils ont pris leurs responsabilités et voté « non ». Ce choix, que nous devons respecter, n’est pas – c’est un lieu commun que de l’affirmer – un « non » à l’Europe ; c’est un « non » à l’humiliation qui, poursuivie depuis cinq ans, a assommé le peuple grec. (M. Philippe Bas s’exclame.) Oui, le peuple grec est assommé ! C’est pourquoi les Grecs ont voté contre une politique d’austérité qui les touche durement, une politique trop drastique à leurs yeux.
Reste que leur économie est cassée et que leur dette a explosé, alors que les programmes d’aide mis en œuvre en 2010 et 2011 devaient leur permettre de la faire baisser. À la fin de 2014, celle-ci s’élevait à plus de 177 % du PIB. Aujourd’hui, les Grecs ne peuvent évidemment pas la rembourser. Alexis Tsipras l’a dit ce matin devant le Parlement européen : les Grecs n’en peuvent plus ! Nous pouvons les croire.
Lors de ce référendum, qui ne portait pas sur la sortie de l’euro, les Grecs ont sûrement voulu dire « oui » à la dignité en disant « non » à une question qui n’était au fond pas formulée. Si ce référendum a pu être un coup politique pour les dirigeants grecs,…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La démocratie serait un coup politique ?
M. Didier Guillaume. … je veux simplement dire que quiconque donnait il y a quelques jours des consignes aux Grecs depuis la France, qu’il les ait encouragés à voter « oui » ou à voter « non », agissait de manière absurde. Lorsqu’on respecte les pays et les peuples, on les laisse décider ce qu’ils ont à faire !
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Philippe Dallier. Dites-le à Mélenchon !
M. Didier Guillaume. De même, vouloir remplacer un gouvernement démocratiquement élu par un gouvernement de technocrates est une chose inacceptable de la part d’un responsable politique européen. Je le dis donc tout de go : arrêtons de montrer du doigt Alexis Tsipras, arrêtons de montrer du doigt un pays étranger. Face à l’histoire, il n’est pas responsable d’agir ainsi !
Notre tâche est aujourd’hui de dire au Premier ministre grec que la balle est dans le camp de son pays, et que nous devons avancer ensemble pour que la zone euro survive et vive et pour que l’Union européenne progresse. Pour cela, aux Grecs de prendre leurs responsabilités, car, en effet, ils ne peuvent pas continuer comme ils l’ont fait pendant des années. Cela suffit !
Nous avons un objectif : préserver le projet européen. Une sortie de l’euro ne serait pas un drame économique pour notre pays et les Français n’auraient pas forcément à payer d’impôts supplémentaires : là n’est pas la question ! Si les socialistes ne veulent pas que la Grèce quitte la zone euro, c’est dans l’intérêt des Grecs eux-mêmes !
Il s’agit, en somme, d’une affaire de solidarité. Cette solidarité, principe essentiel de l’Europe, est une réalité depuis des années ; il faut que le Premier ministre grec s’en rende compte. De fait, sur les plus de 320 milliards d’euros que pèse la dette grecque, 70 % sont détenus par des créanciers publics.
Cependant, les programmes successifs n’ont pas fonctionné. En effet, était-il raisonnable de prêter de l’argent aux Grecs pour ensuite leur vendre des armes ou leur octroyer les jeux Olympiques, alors qu’ils étaient déjà en mauvaise posture ? Nous devons donc aujourd’hui réparer nous-mêmes les erreurs du passé.
Il nous faut aussi reconnaître la fragilité de l’Europe et garder à l’esprit qu’une sortie de la Grèce de la zone euro mettrait l’Europe encore plus en difficulté. C’est pourquoi, même si nous pouvons avoir des positions différentes, nous ferons tout, tant que des négociations auront encore lieu, pour que la Grèce reste dans la zone euro et dans l’Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
À la suite de l’appel du Président de la République et du président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, à renforcer l’Union européenne, le maintien de la Grèce dans la zone euro et dans l’Europe constituerait justement un signal pour les peuples.
Depuis quelques années, – et nous sommes nombreux à pouvoir le constater – l’Europe avance parfois sans GPS, elle se perd, elle inquiète et on ne la comprend plus. Nous avons tous été affolés par les scores élevés de l’extrême droite et un taux d’abstention sans précédent lors des dernières élections européennes. Face à cette situation, nous ne pouvons affirmer que l’Europe se porte bien et continuer comme avant !
La France doit être au cœur d’une réorientation européenne, ou du moins d’un renforcement européen pour aller vers plus de stabilité et de cohésion citoyenne. L’Europe économique est en place aujourd’hui, mais l’Europe des citoyens doit être mise en place et l’Europe sociale est encore loin. Nous devons donc travailler en vue d’une meilleure intégration européenne.
Aujourd’hui, le Premier ministre grec a reconnu qu’il existait des failles dans son pays et que la dette actuelle n’est pas le seul fait des Européens, mais aussi de ses prédécesseurs. Cette analyse lucide et plutôt rassurante constitue une réelle avancée.
Au nom du groupe socialiste et républicain, j’affirme qu’une réforme en profondeur de l’État grec est indispensable, notamment pour améliorer la perception des impôts et lutter contre l’évasion fiscale. Sans cette réforme, rien ne pourra être fait et aucun accord ne sera possible avec l’Eurogroupe, avec notre pays et avec les pays européens. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. On verra !
M. Didier Guillaume. Le Président de la République a appelé à la fois à la responsabilité et à la solidarité. En effet, le peuple grec doit endosser ses responsabilités tout en bénéficiant de la solidarité indispensable des pays européens.
On peut envisager un nouveau plan d’aide ou un rééchelonnement de la dette, mais uniquement à condition d’avoir la certitude que la Grèce prend la bonne direction et endosse ses responsabilités, sans cela l’Europe ne pourra pas aller plus loin.
En France, certains appellent tout de go à une exclusion de la Grèce pour des raisons politiques et pour des questions d’orientations. En effet, ils souhaitent une Europe plus libérale, avec une loi du marché encore plus forte et sans les petits pays à la traîne. Notre conception de l’Europe est différente. L’histoire et la trajectoire de l’Europe sont claires : elles s’apparentent à celle de notre pays, de nos pays voisins et de nos alliés.
Le Président de la République, quoi que l’on puisse dire, a été présent tout au long de cette crise. La France a gardé la porte entrouverte, avant et après le référendum, contrairement à la majorité des pays européens, et c’est ce qui a permis de prolonger les négociations. La France serait isolée pour cette raison, mais en réalité elle ne l’est pas ! (Approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Elle a réussi à relancer les négociations et à faire en sorte que le « Grexit » qui semblait inévitable la semaine dernière ne le soit plus.
L’atout de la France est d’avoir renforcé le couple franco-allemand face aux crises. Ce couple fonctionne, il a éclairé l’Europe depuis la guerre, et il reste le noyau européen : de Gaulle-Adenauer, Mitterrand-Kohl et aujourd’hui Hollande-Merkel. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Roger Karoutchi. Il faut oser !
M. Didier Guillaume. Ne vous en déplaise, le Président de la République actuel, contrairement à son prédécesseur, n’est pas allé à Canossa pour mendier je ne sais quoi auprès du gouvernement allemand. (M. Philippe Dallier s’esclaffe. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est nul !
M. Didier Guillaume. Il souhaite que la France existe avec le couple franco-allemand. Peut-être que cela vous fait sourire ou vous ennuie, mais si l’on obtient un accord dans peu de temps, vous serez forcé d’admettre que vous vous êtes trompés.
Il ne faut jamais insulter l’avenir ni rabaisser la France, surtout lorsque l’on se réclame de la tradition gaulliste. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous sommes de vrais républicains (« Comme nous ! » sur les travées du groupe Les Républicains.) et nous devons soutenir la République. La France est un grand pays qu’il faut défendre et promouvoir : on ne peut passer son temps à la rabaisser et à affirmer qu’elle est isolée et que ses dirigeants ne sont pas au niveau ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Ces arguments ne sont pas à la hauteur du débat d’aujourd’hui.
Le Président de la République et le Gouvernement font tout leur possible, avec la chancelière allemande, pour donner un message positif.
M. Francis Delattre. Il suffit de regarder les sondages !
M. Didier Guillaume. Cher collègue, je ne vous parle pas de sondages ! Vous savez, les sondages n’ont jamais permis de gagner les primaires dans les partis politiques !
Le groupe socialiste et républicain a une position politique forte, ouverte et attractive. Nous sommes clairement pour le maintien de la Grèce dans la zone euro, sous réserve de l’accomplissement des réformes nécessaires, pour une zone euro plus unie et solidaire et pour une Union européenne mieux intégrée, moins technocratique et plus citoyenne.
Nous sommes tous des Européens et l’Europe est notre avenir commun. Nous devons donc continuer à la construire ensemble avec responsabilité, avec l’ensemble de ses pays membres, en veillant à intégrer les plus faibles comme les moins faibles dans la zone euro et dans l’Union européenne ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.
M. Francis Delattre. Enfin, un réaliste ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les discussions du sommet de l’Eurogroupe d’hier soir auraient pu déboucher sur un nouveau départ décisif dans la résolution de la crise de la dette grecque. Il n’en a rien été.
Quarante-huit heures après le référendum grec, chacun a campé sur ses positions, alors même que l’initiateur de ce référendum nous affirmait qu’il déboucherait sur un changement. Il faudra donc attendre que se tienne, dimanche prochain, une énième « réunion de la dernière chance ».
Pourtant, nous allons devoir sortir rapidement du jeu des postures et du renvoi systématique aux responsabilités respectives, tant passées que présentes. En effet, l’Union européenne se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins.
Oui, l’Union européenne porte aujourd’hui, avec la troïka, de lourdes responsabilités dans la situation actuelle de la Grèce.
Oui, son programme d’austérité et de réduction de la dette imposé aux différents gouvernements grecs a rendu le pays exsangue. Loin de porter ses fruits, il a même obéré l’économie du pays, laissant les Grecs dans une situation de détresse sans nom.
Oui, l’attitude intransigeante de l’Allemagne complique la situation. Même si l’agacement des uns et des autres est compréhensible, je ne pense pas que l’Allemagne, qui doit tant à l’Europe, serve le projet européen en se comportant ainsi. Toutefois, et il faut le souligner, la Grèce a aussi de lourdes responsabilités par rapport à sa situation actuelle.
Ses gouvernements successifs ont, en effet, brillé par leur incapacité à mener des réformes structurelles sérieuses, laissant un État sans pouvoir, gangrené par la corruption, miné par le clientélisme et débordé par une économie informelle et souterraine.
Pour autant, la seule question qui vaille aujourd’hui est la suivante : peut-on se permettre une sortie de la Grèce de la zone euro ?
Hier, la question a été évoquée ouvertement par l’Eurogroupe. Une sortie de la Grèce de la zone euro est peut-être économiquement, institutionnellement et monétairement envisageable, mais elle est politiquement insoutenable, voire tout simplement impensable !
Hier, on a également évoqué, en cas de sortie de la Grèce de la zone euro, la mise en place d'une aide humanitaire. La belle affaire ! C’est tout simplement surréel !
Disons-le clairement, abandonner la Grèce au bord du chemin européen, ce serait un aveu d’échec de la solidarité entre États membres de l’Union européenne, mais ce serait surtout un coup d’arrêt définitif à la construction européenne.
Tout d’abord, ce serait une aberration économique. Une sortie de la Grèce de la zone euro et un défaut de paiement général coûteraient bien plus cher à l’Union européenne qu’une restructuration de la dette.
Ensuite, une sortie de la Grèce serait aussi une aberration géopolitique. En effet, plutôt que de sacrifier le dogme de l’austérité, on préfèrerait jeter la Grèce dans les bras de la Chine et de la Russie au lieu de lui garder sa place au sein de l’Union ?
Enfin, laisser partir la Grèce serait également une aberration politique. Ceux qui sont aujourd’hui favorables à une sortie de la Grèce de la zone euro ont-ils seulement pensé que la Grèce est aussi, avec l’Italie, un des points de passage les plus sensibles de l’immigration clandestine vers l’Europe ? Que se passera-t-il demain en Grèce en termes de migrations, si l’État est exsangue et ne peut plus payer ses fonctionnaires ? Ce n’est pas uniquement un problème grec, mais un problème européen. Nous ne pouvons laisser un pays faire banqueroute en disant : « Après moi, le déluge » ! Non, la solution n’est pas là !
Bien entendu, la Grèce ne doit pas sortir de l’euro. Cependant, une fois ce principe posé, reste la question centrale : quelles sont les bases d’un compromis juste permettant de parvenir à une solution durable ? Aucun compromis viable ne sera possible sans une restructuration préalable de la dette grecque. Tous les économistes s’accordent à dire que celle-ci n’est pas soutenable. Il n’est pas responsable de continuer à étouffer la possible renaissance de l’économie grecque par le versement de traites démesurées.
Cependant, l’effort le plus important doit provenir de la Grèce elle-même. Elle se doit d’engager de profondes et sérieuses réformes structurelles, mais ces réformes ne sont pas celles proposées par la troïka, qui ont été si destructrices pour le pays et pour les plus fragiles socialement.
Il s’agit maintenant de lutter contre les véritables maux du pays et de prendre enfin des mesures à l’encontre des différentes oligarchies bien ancrées qui jouissent de privilèges fiscaux injustifiés. Certains de ces privilèges sont parfois même inscrits dans la Constitution grecque de 1975, qui, je le rappelle, a été révisée trois fois, sans que soit jamais abolie la toute-puissance de l’Église orthodoxe, qui ne paie pas d’impôts et dont les popes sont salariés par l’État. N’oublions pas non plus les armateurs qui menacent de quitter la Grèce à tout instant ni les possesseurs de grands comptes à l’étranger.
Je m’étonne que le Premier ministre grec, M. Alexis Tsipras, qui a organisé un référendum auprès de sa population en une semaine, n’ait pas saisi également cette occasion pour interroger le peuple sur une réforme de ce système archaïque et féodal. (Approbation générale.)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Exact !
M. André Gattolin. Même si ce n’est pas une chose facile, la Grèce a également besoin d’une sérieuse réforme de sa fiscalité, tout comme elle a besoin d’être dotée d’une véritable administration fiscale, afin de lutter efficacement contre l’évasion.
La légitimité tirée du référendum doit permettre à Alexis Tsipras de réformer son pays pour repartir sur de bonnes bases, elle l’y oblige même. C’est à cette tâche que l’Union européenne doit s’atteler, en le soutenant sur un agenda de réformes qui ne repose pas sur la privatisation des entreprises publiques ou la destruction du modèle social. Le courage ne consiste pas seulement à résister, mais aussi à créer et à réformer.
Le Parlement européen a fait preuve aujourd’hui de son utilité, contrairement à ce que l’on prétend souvent. En effet, M. Tsipras a avoué devant les députés européens certaines faiblesses : il a reconnu qu’il n’avait pas su réformer et qu’il avait surtout négocié. M. Juncker, quant à lui, a admis qu’il n’avait à aucun moment demandé l’abolition d’un certain nombre de privilèges dont bénéficient les armateurs. Ce début de dialogue public, devant l’ensemble des Européens et au sein d’institutions représentatives, permettra, je l’espère, de parvenir à une solution non seulement pour sauver la Grèce, mais aussi pour sauver l’Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe CRC.
M. Pierre Laurent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face au chantage et à l’injustice, le peuple grec a envoyé dimanche dernier un message d’espoir aux millions d’Européens qui souffrent de l’austérité.
Pour la deuxième fois en six mois, le peuple grec a exprimé sa soif de dignité, de démocratie et de liberté. Il a voté sans céder à l’arsenal des pressions politiques, médiatiques, financières, sans céder aux chantages, sans céder aux tentatives de détournement de la question qui lui était posée.
Après cinq ans d’une austérité inhumaine qui a produit l’exact contraire du prétexte invoqué pour l’imposer – et j’ai entendu tout à l’heure beaucoup de critiques à l’encontre des mécanismes d’aide qui ont financé la mise en place de cette austérité, mécanismes que vous avez tous votés, alors que nous vous alertions sur leurs conséquences –, 61 % des Grecs ont dit « non » à une nouvelle baisse des retraites, à l’augmentation de la TVA sur des produits de consommation courante et à une nouvelle saignée d’austérité qui aurait affaibli encore un peu plus leur pays.
Ils ont réaffirmé leur claire volonté de tracer un chemin de sortie de l’austérité et de trouver une solution durable et profitable à la Grèce, comme à l’ensemble des pays européens au sein de la zone euro.
Ils ont conforté la démarche de négociation honnête et raisonnable qu’Alexis Tsipras n’a cessé de défendre sur la scène européenne depuis son élection. Son mandat est désormais soutenu depuis quelques jours par la conférence de l’ensemble des partis grecs.
Monsieur le ministre, vous savez comme moi que cette démarche n’a malheureusement pas été celle de ses partenaires, la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international, qui, pendant ces longs mois, ont joué la faillite du pays, cherchant l’abdication politique de ses nouveaux dirigeants démocratiquement élus plutôt qu’un compromis viable. C’est d’ailleurs l’ultimatum du FMI, alors qu’un accord était à portée de main, la semaine dernière, qui a contraint le gouvernement grec à se tourner à nouveau vers son peuple.
Ce référendum a ainsi remis les pendules à l’heure, face au coup de force larvé contre les dirigeants démocratiquement élus de ce pays. Il a permis la reprise des négociations.
Le fait est que certains gouvernements ne veulent pas qu’une politique s’écartant du dogmatisme libéral dominant puisse être expérimentée dans l’Union européenne. Le problème n’est pas seulement grec. En effet, outre ce pays, l’Europe tout entière fait face à un choix qui concerne son avenir. C’est un enjeu qui nous touche tous.
Le débat n’est pas technique, car tous les ingrédients d’un accord viable sont sur la table, comme l’a encore montré Alexis Tsipras ce matin au Parlement européen. Le débat est politique.
Qui décide en Europe ? Est-ce la finance qui gouverne, dicte sa loi, ou les peuples ont-ils le droit de maîtriser démocratiquement l’utilisation du système monétaire et bancaire ? Un peuple qui vote a-t-il voix au chapitre ou sommes-nous entrés dans une « forme d’inconnu » qui ressemblerait à une dictature des marchés ? De la réponse à ces questions dépend notre avenir commun.
Français, Grecs, Européens, nous sommes tous concernés. Le « Grexit » serait irresponsable – et j’ai encore entendu ici des voix qui plaidaient en sa faveur. Monsieur Retailleau, vous oubliez de dire qu’il serait – et de très loin – la solution la plus coûteuse parmi toutes celles qui sont sur la table.
Quant aux règles dont le maintien aveugle nous a déjà conduits à cette catastrophe, elles ne représentent un avenir ni pour la Grèce, ni pour la France, ni pour l’ensemble des autres pays européens.
Dix ans après le « non » – lui-même largement bafoué – des Français au traité constitutionnel européen, les inventeurs de la démocratie, le berceau de notre civilisation, « le petit peuple qui combat sans épée ni balle », comme disait le poète Yánnis Rítsos, nous lancent donc un appel salutaire à repenser l’avenir de l’Europe. Ils s’adressent aujourd’hui à la France des Lumières, de la Révolution, de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, à la France solidaire, frondeuse, indépendante, résistante et intelligente.
Comme les dizaines de personnalités de gauche – et parfois de droite, peu nombreuses néanmoins –, les personnalités du mouvement social, syndical, culturel qui ont pris parti pour le peuple grec, comme les milliers de citoyens qui ont défilé dans toute l’Europe et dans notre pays en solidarité avec lui, comme les 67 % de Français qui, dans un sondage paru hier, déclarent nécessaires d’autres solutions que l’austérité pour sortir de la crise en Europe, notre groupe considère que la place de la France est avec les Grecs, à leurs côtés, pour les sortir de l’impasse, parce que la Grèce se bat aujourd’hui pour nous tous contre les irresponsables qui veulent la conduire à la catastrophe et contre ceux qui en profitent pour vendre leur camelote populiste et nationaliste.
Le débat n’oppose pas proeuropéens et antieuropéens ; il oppose les dogmatiques de l’ordre libéral, des partisans de la destruction de l’Europe, comme le Front national et ses alliés, à ceux qui, comme Alexis Tsipras et son peuple, comme nous, comme beaucoup d’autres forces en Europe, comme les syndicalistes allemands, veulent retrouver le chemin d’une Europe solidaire. L’Europe d’Alexis Tsipras est celle du progrès social et écologique, de la solidarité et de la démocratie, de la coopération consentie. Cette Europe, c’est la nôtre !
C’est à ce peuple debout et à cette idée de l’Europe que la France doit s’allier maintenant et jusqu’au bout. Nous aurions souhaité, monsieur le ministre, que le Parlement s’exprime plus tôt sur un mandat de négociation, comme cela se fait dans plusieurs pays européens. Nous souhaitons – et cela semble devoir être le cas – qu’il soit à nouveau consulté une fois les négociations terminées, si elles se terminent.
Le recours à cette méthode aurait peut-être empêché des fautes politiques, comme l’éviction du ministre des finances de la République hellénique lors de la réunion de l’Eurogroupe samedi dernier…
M. David Assouline. C’est le gouvernement grec qui l’a évincé !
M. Pierre Laurent. … ou la signature malheureuse du texte instaurant la fin du programme de financement d’urgence des banques grecques, ce qui a provoqué leur fermeture, alors même que le Président de la République nous assurait de sa détermination à trouver un accord.
La France n’a rien à gagner à l’ambiguïté, à la faiblesse, au renvoi dos à dos, au refus de prendre parti. L’heure est au choix et à une parole forte de notre pays pour rejeter le « Grexit », pour engager les discussions sur la dette grecque, pour soutenir le gouvernement grec et appuyer un plan d’investissements européen destiné à financer le redressement économique de ce pays. La Banque centrale européenne en a les moyens.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Pierre Laurent. Depuis janvier, elle crée chaque mois 60 milliards d’euros, pouvant d’aller jusqu’à 1 140 milliards d’euros. Au lieu d’injecter cet argent sur les marchés financiers, qu’elle l’utilise pour financer le redressement de la Grèce et des autres pays européens ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour le groupe du RDSE.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon propos débutera par une citation d’Aristote : « La décision du peuple doit être souveraine quand il absout ; elle ne doit pas l’être quand il condamne ». Reste à déterminer qui a condamné qui…
M. Roger Karoutchi. Et qui a absous qui !
M. Jacques Mézard. Il n’est pas crédible de considérer que la crise actuelle serait une surprise : l’inéluctable ne peut être surprenant.
Il ne faut cependant pas surpondérer cette crise et fragiliser constamment l’image de l’Europe, ce qui est le vœu des extrêmes, de droite comme de gauche.
Mme Jacqueline Gourault. C’est vrai !
M. Jacques Mézard. Cette crise est la résultante logique de gestions illogiques, elle est le fruit d’un cumul de responsabilités. Les errements des gouvernances successives de la Grèce ont mis en lumière les errements du système bancaire et, disons-le, de ce qui est perçu, dans le vécu d’une majorité de nos concitoyens, comme la technocratie de Bruxelles.
Monsieur le ministre, le présent débat a un sens, mais il est tardif. Le Parlement ne fut pas suffisamment consulté et associé en tant que tel.
M. Roger Karoutchi. C’est sûr !
M. Jacques Mézard. Vous nous annoncez pour bientôt un débat suivi d’un vote. C’est bien, mais le Parlement ainsi que nos concitoyens doivent être informés régulièrement et clairement sur les diverses opinions qui s’expriment ici, en France et dans les autres pays européens. Ce ne sont pas les chaînes d’information en continu qui assurent cette information, ces chaînes de l’instantané qui n’avaient d’yeux que pour la fête de dimanche soir à Athènes !
Le Président de la République et le Gouvernement font des efforts – que nous saluons – pour trouver un compromis, afin que la Grèce ne s’éloigne pas d’une Europe dont elle est, par l’histoire, un élément naturel. Ce rôle de facilitation et ce trait d’union entre une Europe du Centre et du Nord, d’un côté, et l’Europe méditerranéenne, de l’autre, est vraiment celui de la France, c’est une de ses missions historiques.
Il ne serait pas sain d’ignorer les dysfonctionnements et les irresponsabilités qui ont provoqué le choc, de l’entrée de la Grèce dans la zone euro avec des chiffres et des bilans falsifiés au rôle des banquiers, notamment ceux de Goldman Sachs – dont la carrière a peu pâti, c’est le moins que l’on puisse dire…. De la même façon, mes chers collègues, expliquer aux agriculteurs français les choix et les pertes en Grèce du Crédit agricole ne serait pas forcément un luxe.
Puisque, aujourd’hui, ce sont essentiellement les États européens, dont la France à hauteur de 42 milliards d’euros, qui ont pris le relais des banques, les contribuables ne sauraient oublier qu’ils assurent le relais des actionnaires des banques. Ne rien effacer, ne rien oublier…
Nous sommes de ceux qui croient en l’Europe, et même en l’Europe fédérale pour nombre d’entre nous, dont la poursuite de la construction est indispensable parce que le monde de demain sera de nouveau constitué de « grands empires », de blocs continentaux, et qu’une Europe morcelée n’y a que peu de chance de survie.
Cette vision ne saurait se réduire à une approche budgétaire : elle est d’abord politique, stratégique. Cela étant, elle ne peut s’affranchir des réalités financières et aucun des États ne doit non plus s’affranchir des règles communes, sinon l’édifice s’effondrerait.
Nous avons à surmonter beaucoup de contradictions, d’abord celle de faire vivre des États-nations dans une Europe dont le système de gouvernance est incompréhensible pour les citoyens. Les « technocrates de Bruxelles », expression entendue chaque jour dans nos départements, sont devenus un repoussoir commun aux citoyens européens et seraient la cause de tous nos malheurs. De cela aussi il faudra tenir compte, surtout quand on est favorable à la construction européenne.
Tout cela ne saurait exonérer la Grèce et ses gouvernements successifs de leurs responsabilités ni faire oublier cette facilité irresponsable à vivre à crédit, le surendettement des particuliers – que nous connaissons – étant peu différent de celui des États : il y faut des prêteurs et des consommateurs.
Je ne saurais d’ailleurs souscrire totalement aux propos tenus ce matin par M. Tsipras devant le Parlement européen. Selon lui, le peuple grec n’a pas vu la couleur des milliards d’euros de l’Europe. Si, comme il l’a dit, des oligarques en ont profité abusivement, les gabegies – l’âge de départ à la retraite, la gestion du cadastre, etc. – ont été acceptées par ses concitoyens pendant un certain nombre d’années.
M. Antoine Lefèvre. Tout à fait !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. Jacques Mézard. Il est symptomatique de constater, dans un sondage paru ce matin, que la grande majorité des Français considère que les 42 milliards d’euros de crédits apportés par la France ne seront jamais remboursés.
Mes chers collègues, quand on sait les difficultés auxquelles sont confrontées nos collectivités en raison de la baisse de la dotation globale de fonctionnement – d’un montant pourtant presque quatre fois moindre –, on se rend encore davantage compte de la nécessité de restaurer la confiance et d’aboutir à des solutions pérennes respectueuses de l’intérêt de tous, notamment de la population grecque – dont il est vrai qu’elle subit depuis cinq ans des conditions inversement proportionnelles à ce qu’elle a vécu –, sans pour autant reprendre la morale de La cigale et la fourmi, de Jean de la Fontaine ! (Sourires.)
Par ailleurs, il n’est pas possible que la Grèce soit un exemple à part pour les pays européens qui ont respecté les contraintes, car ceux-ci ne le comprendraient pas. Encore aujourd’hui, le Portugal, au prix de sérieux efforts demandés à sa population, vient de rembourser 2 milliards d’euros au FMI, après 6,6 milliards d’euros en mars.
Nous considérons que la Grèce doit respecter les engagements qu’elle a pris, que la Grèce, dans une vision historique et géopolitique, ne peut être hors de l’Europe – qu’il ne faut pas forcément confondre avec la zone euro. Si la Grèce devait abandonner l’euro pour préserver l’avenir, nous devrions l’aider à le faire dans des conditions acceptables quant à la restructuration de sa dette.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, pour nous, la solidarité ne saurait jamais exclure la fermeté. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, mes chers collègues, la situation de la Grèce est grave, mais elle résulte d’un mauvais calcul de départ, car l’ensemble des États européens ont voulu intégrer dans l’euro un pays qui n’en avait manifestement pas le niveau ni les pratiques.
M. Francis Delattre. Eh oui !
M. Philippe Adnot. La Grèce s’est donc crue plus riche qu’elle ne l’était.
Pour autant, cette situation nécessite-t-elle ce psychodrame surjoué, qui pourrait nous faire penser à une manipulation de nos opinions publiques ? Tous les États européens ne sont pas membres de la zone euro, certains parce qu’ils n’ont pas encore atteint le niveau requis, d’autres parce qu’ils ne le souhaitaient pas ; aucun n’en est mort.
Si la Grèce ne se considère pas en situation de redresser ses comptes, il faut lui ménager une sortie honorable, lui permettre de dévaluer sa monnaie pour qu’elle puisse redevenir compétitive ; mais soyons clairs : la potion sera aussi amère que celle qu’elle refuse aujourd’hui, sauf qu’elle ne lui sera pas imposée. Pour avoir vu de près la « dédollarisation » de l’Argentine et ses conséquences sociales, il me semble que certains, en Grèce, pourraient nourrir des regrets !
Pour conclure, laissons sortir les Grecs de l’euro s’ils le souhaitent, avec calme et sérénité, chacun assumera. Profitons-en aussi pour en tirer les conséquences sur notre propre situation en pensant aux éventuelles conséquences de l’augmentation de nos taux d’emprunt. Personne n’a à donner de leçons, personne n’a à en recevoir. Cette situation doit être assumée avec le calme des vieilles troupes. Monsieur le président, comme vous, je pense que nous devrons débattre à nouveau de cette question. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour le groupe UDI-UC.
M. François Zocchetto. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, mes chers collègues, il était temps que nous ayons un échange sur la question grecque. Depuis cinq ans, nous allons de sommet exceptionnel en sommet exceptionnel et nos concitoyens ne comprennent plus rien à cette succession ininterrompue de « rencontres de la dernière chance ».
Depuis 2009, la Grèce traverse une crise économique et sociale particulièrement lourde. Le peuple grec souffre et l’Europe a cherché depuis le début de cette crise à lui porter assistance.
Aussi, ne nous trompons pas sur le sens du référendum de dimanche dernier : nous devons mesurer avec précaution le sens des mots utilisés et la mise en scène orchestrée par M. Tsipras. Personne n’a jamais demandé à la Grèce de sacrifier aux dieux de l’austérité pour rétablir miraculeusement la croissance. Les partenaires européens de la Grèce, qui la soutiennent financièrement depuis six ans, lui demandent d’abord et avant tout des réformes structurelles.
Ni l’Union ni la zone euro ne sauraient donc être les otages d’une politique visant à esquiver les réformes nécessaires : ce serait une injustice à l’égard des autres peuples de l’Union européenne, tout aussi respectables que les Grecs, qui ont parfois dû, eux aussi, accomplir d’immenses efforts du fait de la crise financière. Un référendum ne suffit pas à donner gain de cause à un pays contre dix-huit autres démocraties. Il n’y a pas, d’un côté, le peuple grec opprimé et, de l’autre, une cohorte d’abominables technocrates sans cœur.
Aujourd’hui, cette situation soulève un vrai problème de confiance. Sans confiance, comment voulez-vous que les partenaires de la Grèce acceptent de nouveau de lui prêter l’argent acquitté par nos propres contribuables ? Sans confiance, quelle valeur donner à la parole d’un gouvernement qui semble incapable de réformer son propre pays ? Aucune reprise ne sera possible sans confiance. Aucune entreprise, grecque ou étrangère, ne prendra le risque d’investir dans un pays dénué de crédibilité. Seule la confiance permettra aussi de rouvrir le débat sur le nécessaire et incontournable rééchelonnement de la dette, voire sur la remise de celle-ci.
Jamais l’Eurogroupe ni la Commission européenne n’ont privilégié les coupes claires dans les prestations sociales. Ce qui est demandé aujourd’hui à la Grèce, cela a déjà été dit, c’est d’établir un cadastre, c’est de parvenir à une collecte efficace de l’impôt, c’est d’y assujettir enfin les armateurs, c’est de lutter contre les rentes de situation, à l’image de celles dont bénéficie l’Église orthodoxe. Est-ce de l’austérité ? Non, c’est simplement une question de justice entre citoyens européens.
À ce titre, il est d’ailleurs paradoxal de constater qu’un gouvernement d’extrême gauche, allié à l’extrême droite, préfère solliciter le contribuable européen, y compris le plus modeste, et mettre en péril l’ensemble de la zone euro plutôt que d’imposer des armateurs largement privilégiés. Comprenne qui pourra !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !
M. François Zocchetto. Face à une telle frénésie et à toutes les tensions de ces derniers jours, nous devons profiter de ce débat pour prendre un peu de hauteur et tenter l’analyse.
Certains enseignements peuvent être tirés du passé : nous avons voulu intégrer la Grèce dans l’euro avant que l’Europe soit assez forte pour contraindre ce pays, la Grèce, à en accepter toutes les exigences.
On constate en effet un important cumul de responsabilités dans le déclenchement de la crise. Les citoyens européens ne sont pas responsables de l’attitude des Grecs qui ont reconduit, pendant des décennies, des gouvernements inconséquents. Pour autant, l’Union européenne n’est pas non plus exempte de responsabilités. Comme cela a déjà été souligné à cette tribune, le symbole était trop fort et il fallait absolument, à une certaine époque, que la Grèce soit intégrée à la zone euro. La vigueur de l’euro et sa réussite ont masqué la fragilité de la Grèce, en lui permettant d’emprunter au même taux que l’Allemagne pendant près de dix ans.
Enfin, je ne tairai pas le rôle particulièrement trouble joué à une certaine époque par des organismes ou conseils financiers, tels que la banque Goldman Sachs qui n’a jamais été inquiétée.
Mme Marie-France Beaufils. Exactement !
M. François Zocchetto. Nous pouvons également tracer quelques perspectives pour l’avenir.
Il est évident qu’une éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro serait d’abord une catastrophe pour le peuple grec, peut-être aussi pour l’ensemble de l’Union européenne. Peut-on imaginer qu’un État aussi faible que l’État grec parvienne à réaliser une transition monétaire dans un pareil climat de défiance ? Évidemment, non ! Du côté européen, imagine-t-on que le « Grexit » puisse s’effectuer « sans drame » ? Je ne m’appesantirai pas sur la question de l’immigration, qui a déjà été évoquée à plusieurs reprises.
Chacun l’a bien compris, la sortie de la Grèce serait un échec politique majeur, un coin enfoncé dans le fonctionnement de la zone euro et un coup d’arrêt à l’approfondissement de la construction européenne. Aller dans cette voie reviendrait à s’engager dans une impasse !
À cet instant, la France a un rôle clé à jouer dans le dénouement de cette crise. Il est du devoir du Président de la République française de tout mettre en œuvre pour que cette crise soit l’occasion d’achever la construction de l’euro par un véritable saut fédéraliste européen en matière économique et financière.
Depuis 2009, il est devenu manifeste que l’euro ne peut plus demeurer une monnaie orpheline d’État. L’absence de pilotage politique de la zone euro a rendu la crise grecque possible. Au-delà des discours, nous avons besoin de mesures concrètes : les membres du groupe UDI-UC appellent ainsi de leurs vœux l’instauration d’un Trésor européen qui serait dirigé par un ministre des finances européen dont la légitimité démocratique permettrait d’assurer la cohésion politique de la zone euro. Ce ministre serait responsable devant un Parlement européen pleinement compétent, avec lequel il administrerait un véritable budget fédéral dont le volume permettrait de répondre à des chocs économiques.
M. Pierre-Yves Collombat. Soyons sérieux !
M. François Zocchetto. Loin des faux-semblants et des référendums de circonstance, une telle avancée européenne permettrait de garantir la cohésion économique de la zone euro dans le respect des peuples.
Vous l’aurez compris, si nous souhaitons sortir de cette crise par le haut, nous devons lui donner un véritable sens politique. Pour cela, M. Tsipras doit impérativement comprendre qu’un référendum ne le dédouane pas de ses responsabilités devant l’ensemble des citoyens de l’Union, mais il est tout aussi indispensable que nous prenions conscience de l’importance de ne pas laisser nos institutions européennes en l’état. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. David Rachline, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. David Rachline. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà où mène l’idéologie ! Voilà où mène votre idéologie imposée contre leur volonté aux nations du Vieux Continent ! Seulement, la nation qui a vu naître la démocratie vient de vous dire « stop » ! Ce n’est certes pas la première fois qu’un peuple dit « non » à l’oligarchie de l’Union européenne, et ce « non » grec est une réplique au « non » français de 2005 !
Cette crise souligne que la construction idéologique de l’euro visait deux objectifs : continuer la déconstruction des nations européennes et, dans le même temps, satisfaire les appétits avides des financiers et des banquiers ! Ne me dites pas que c’est faux ou qu’il s’agit de « fantasmes d’europhobes », selon votre expression favorite. (M. David Assouline s’exclame.) Il suffit de se rappeler les millions récupérés par les banques pour maquiller les comptes de la Grèce, mais surtout de voir l’évolution de la dette grecque depuis que le pays vit sous le diktat de la troïka…
M. David Assouline. C’est incompréhensible !
M. David Rachline. La dette n’a pas seulement augmenté, elle a doublé ! Cela tient au fait que, au-delà des problèmes structurels indéniables de la Grèce et pour lesquels les Grecs doivent trouver des solutions, les technocrates bruxellois se sont lancés dans une course en avant pour sauver l’euro de façon idéologique avec des plans de renflouement qui ont coûté des milliards aux contribuables français, pour rien,…
M. David Assouline. Votre temps de parole est écoulé !
M. David Rachline. L’UMP comme le PS ont votés ces plans, alors que nous dénoncions déjà leur inutilité et leur coût pour les Français !
M. le président. Veuillez vous orienter vers votre conclusion, monsieur le sénateur !
M. David Rachline. Pour terminer, je souhaiterais citer Philippe Séguin qui, en 1992, disait à la tribune de l’Assemblée nationale : « Rien n’est plus dangereux qu’une nation trop longtemps frustrée de la souveraineté par laquelle s’exprime sa liberté, c’est-à-dire son droit imprescriptible à choisir son destin. On ne joue pas impunément avec les peuples et leur histoire. » (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. David Assouline. On n’a rien compris !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, les événements des derniers jours ont fait perdre son caractère théorique à l’éventualité d’une sortie de la Grèce de la zone euro. Un tel épisode constituerait sans aucun doute un saut dans l’inconnu.
Toutefois, à défaut de connaître les conséquences politiques, voire économiques, d’un « Grexit », il est possible d’en mesurer les risques budgétaires. Pour être en mesure d’identifier ces risques, il convient tout d’abord de connaître les coûts supportés par la France au titre de l’assistance financière apportée à la Grèce.
Premier coût, le prêt bilatéral accordé par la France en 2010-2011 s’élève à 11,4 milliards d’euros. Ensuite, le budget français enregistre de moindres recettes en raison de la rétrocession des revenus perçus par la Banque de France sur les titres grecs qu’elle détient, ce qui minore les dividendes touchés par l’État. Ces rétrocessions de la France au profit de la Grèce représentent 2,8 milliards d’euros sur la période 2012-2025.
Par ailleurs, la France a apporté des garanties au Fonds européen de stabilité financière, pour un montant de 67,5 milliards d’euros à ce jour. Si ces garanties n’ont donné lieu à aucune dépense budgétaire, les prêts accordés par le FESF viennent abonder la dette publique de la France à hauteur de 29 milliards d’euros en 2015.
Au total, l’assistance financière apportée à la Grèce représentait 42,4 milliards d’euros de dette publique française en 2014, compte tenu des prêts du FESF et du prêt bilatéral, soit 1,5 % du PIB.
J’en arrive maintenant aux risques assumés par la France.
Ces derniers concernent tout d’abord le prêt bilatéral accordé à la Grèce. Si un défaut total venait à être constaté en 2015, le besoin de financement de notre pays serait accru de 11,4 milliards d’euros au titre de cet exercice – soit de près de 0,5 point de PIB. De même, une restructuration partielle du capital du prêt bilatéral conduirait à une augmentation des dépenses publiques, et donc du déficit, au cours de l’année de l’annulation. À titre d’exemple, un abandon de 10 % du capital du prêt bilatéral en 2015 aurait pour conséquence de dégrader le déficit public de 1,1 milliard d’euros. Dans tous les cas, des pertes de recettes viendraient s’ajouter, du fait du non-remboursement du capital et des intérêts devant débuter en 2020.
S’agissant des garanties apportées par la France au Fonds européen de stabilité financière, celles-ci ne seraient amenées à jouer que si le Fonds risquait de ne pas être en mesure d’honorer le paiement des sommes dues au titre des obligations émises afin d’apporter des prêts à la Grèce. À ce jour, le FESF se veut rassurant, indiquant qu’un appel des garanties ne serait pas nécessaire tant qu’il disposerait d’un accès au marché. Pour autant, une dénonciation totale ou partielle de la dette de la Grèce à l’égard du Fonds viendrait dégrader, en comptabilité nationale, le déficit de la France, au prorata des garanties apportées.
Par ailleurs, il convient de relever les risques auxquels est exposée la France, du fait de son appartenance à l’Eurosystème, face à un défaut de la Grèce. En raison des avoirs détenus par l’Eurosystème au titre du programme SMP et de la dette dite « Target 2 » de la Banque de Grèce, l’exposition de la France à ce titre s’élève à près de 24 milliards d’euros.
Ainsi, l’exposition totale théorique de la France à un défaut grec n’est pas de 40 milliards d’euros, comme nous l’entendons souvent, mais de près de 65 milliards d’euros, soit environ 3 % de son PIB.
À l’inverse, en cas de défaut grec, les restitutions de revenus perçus par la Banque de France sur les titres grecs seraient susceptibles de cesser, ce qui entraînerait une moindre dépense, supérieure au milliard d’euros.
Enfin, gardons à l’esprit qu’un « Grexit » pourrait également avoir des effets collatéraux. En particulier, le risque de dislocation de la zone euro pourrait faire bénéficier la France d’une fuite des investisseurs vers la qualité. Toutefois, il ne faut pas exclure le risque opposé, à savoir une hausse des taux d’intérêt. Selon les simulations réalisées par l’agence France Trésor, une hausse de cent points de base du taux d’intérêt se traduirait par un alourdissement de la charge de la dette de 2,4 milliards d’euros la première année. Le surcroît de charge d’intérêt qui résulterait de cette augmentation avoisinerait même la quarantaine de milliards d’euros à l’horizon de 2020.
Mes chers collègues, la peur n’évite pas le danger, certes, mais elle permet de mieux s’y préparer. Voilà pourquoi j’ai jugé utile de vous présenter, au nom de la commission des finances, les différents risques auxquels s’expose la France en cas de défaut de la Grèce : gardons en tête que ces risques atteignent près de 65 milliards d’euros ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères et du développement international, mesdames, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, la situation de la Grèce nous préoccupe depuis de longs mois déjà.
Désormais, nous en sommes à un point que je qualifierai de crucial, voire de non-retour. Le peuple grec avait accompli des efforts considérables avant les dernières élections législatives. Les premiers résultats étaient là. Les perspectives de croissance étaient nettement meilleures. Le pays enregistrait un excédent budgétaire primaire, modeste certes, mais réel.
L’arrivée d’une nouvelle majorité, animée d’un esprit de confrontation avec l’Union européenne, a changé la donne. Des discussions interminables se sont engagées. Permettez-moi de vous le rappeler : à ce jour, on dénombre presque six sommets et douze séances de l’Eurogroupe. Ces négociations ont été marquées par un manque de volonté flagrant du nouveau gouvernement grec de s’engager sur la voie des indispensables réformes structurelles.
Avant même l’annonce du référendum, notre collègue Simon Sutour s’est rendu à Athènes au nom de la commission des affaires européennes. Il nous a communiqué des informations précises, mais non rassurantes, quant à la situation dans ce pays. Contrairement aux autres États qui, comme l’Irlande ou le Portugal, sont placés sous programme d’assistance financière, la Grèce semble dans l’incapacité de sortir du cercle vicieux né de l’absence de réformes.
Le référendum du 5 juillet est une expression claire de la volonté du peuple grec dont nous respectons le vote. Cependant, en se prononçant ainsi, les Grecs ont fait un grand saut dans l’inconnu. Depuis, leur pays est plongé dans l’incertitude quant à son maintien dans la zone euro. Or la volonté d’un pays, fût-il la patrie de Platon, ne saurait s’imposer à l’ensemble de l’Europe. La Grèce ne peut solliciter indéfiniment ses partenaires pour pallier son inorganisation, son absence de volonté d’instituer un État structuré qui collecte l’impôt et qui, tout simplement, équilibre ses dépenses et ses recettes.
Dès lors, nous devons refuser ces postures populistes imputant la situation de la Grèce à une dictature de la finance, alors même – plusieurs orateurs l’ont déjà souligné – que le pays n’a pas adopté les dispositions élémentaires pour assurer un équilibre fiscal.
Les premiers créanciers de la Grèce sont tout simplement les contribuables européens, qui n’ont jamais failli dans leur solidarité vis-à-vis des Grecs. Gardons-nous d’encourager les courants populistes qui se font jour partout en Europe, notamment dans des pays qui, comme l’Espagne ou le Portugal, ont accompli des efforts considérables pour redresser leur situation.
Soyons clairs : le gouvernement grec n’a d’autre choix que de revenir à la table des négociations. Cela étant, il doit impérativement présenter des propositions concrètes pour empêcher la banqueroute annoncée du pays.
Nous aimons la Grèce et nous ne sommes pas opposés à une énième main tendue, mais la France et l’Europe doivent faire preuve de fermeté. Il ne peut être question d’imposer aux Français une nouvelle pression fiscale – le niveau d’imposition actuel est déjà insupportable – pour faire face aux inconséquences d’un gouvernement européen. Quoi qu’il en soit, toute nouvelle concession devra recevoir l’approbation de quatre Parlements nationaux, ceux de l’Allemagne, de la Finlande, des Pays-Bas et de l’Autriche. Or cet accord est loin d’être acquis !
De son côté, le couple franco-allemand doit jouer tout son rôle pour travailler à un règlement, mais la conclusion d’un nouvel accord doit être subordonnée à la mise en œuvre de réformes d’envergure, visant l’organisation de l’État et la fiscalité.
Si ces conditions sont réunies, la restructuration de la dette grecque ne sera pas un tabou. Cette solution est prévue par l’Eurogroupe depuis novembre 2012. Il serait même possible d’aller plus loin que la simple réduction des taux d’intérêt ou l’allongement de la maturité des prêts. La crise grecque peut être l’occasion, pour l’Europe, d’inventer un nouveau modèle de solidarité responsable. Nous avons précisément évoqué cette perspective au sein de la commission des affaires européennes.
Monsieur le ministre, l’une des solutions consisterait, pour les États créanciers qui le souhaitent, à convertir une partie de la dette grecque dont ils disposent en certificats d’investissement permettant de développer l’économie grecque.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Bref, des assignats…
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Cette solution a été mise en œuvre en Amérique latine à la fin des années 1980, par un ancien secrétaire d’État américain au trésor, M. Brady.
La crise grecque est un défi pour le fonctionnement de la zone euro. Une zone monétaire unifiée ne peut perdurer sans le respect de règles communes. Nous disons « oui » à la solidarité, mais « non » à l’assistanat ! Nous disons « oui » à la solidarité, mais, plusieurs d’entre nous l’ont rappelé, il ne saurait y avoir de solidarité sans responsabilité.
Je le dis et je le répète : la Grèce a toute sa place dans l’Union européenne. Toutefois, faute d’un accord, dont le destin se joue davantage à Athènes qu’à Bruxelles, il faudra bien finir par l’admettre : une sortie momentanée de la zone euro est inévitable. Cette éventuelle sortie ne doit pas nous faire peur. Certes, ce cas de figure n’est pas codifié dans les textes, mais il doit également être interprété comme un signe de la rigueur, du sérieux budgétaire et intellectuel dont l’Europe entière a besoin.
Enfin, permettez-moi de vous avouer une autre source de mon inquiétude. Force est de le constater, la parole de la France est un peu moins crédible, un peu moins audible sur la scène européenne,…
M. Daniel Reiner. Ce n’est pas vrai !
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. … pour une simple et bonne raison : économiquement, la France inquiète plus qu’elle ne rassure. (Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.) Mes chers collègues, j’en suis le premier désolé !
M. Daniel Reiner. On ne peut pas laisser dire cela !
M. Jeanny Lorgeoux. Ce sont des propos partisans…
M. Didier Guillaume. Des propos de déclinologue !
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le ministre, notre pays ne doit pas poursuivre dans cette voie.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. David Assouline. Restez dans les clous du temps de parole !
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. J’espère que vous pourrez nous rassurer sur ce point, monsieur le ministre. Au demeurant, il serait bon que le Gouvernement invite les deux chambres du Parlement à débattre de cet enjeu ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant tout, je tiens à remercier tous les orateurs de leurs interventions qui, comme toujours, se sont révélées intéressantes et stimulantes.
J’en suis persuadé, chacun a, dans cet hémicycle, apprécié les propos de MM. Bizet et de Montgolfier. M. le président de la commission des affaires européennes l’a souligné avec raison : nous sommes, en l’espèce, face à un saut dans l’inconnu. N’oublions pas cette réalité.
Les interventions des uns et des autres ont fait naître, dans mon esprit, diverses observations.
M. Retailleau, que je salue, s’est exprimé sur un ton toujours modéré, mais le fond de son propos m’a semblé – j’espère ne pas lui faire injure en le relevant – assez idéologique. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Tout à fait !
Mme Bariza Khiari. Et c’est peu de le dire…
M. Laurent Fabius, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez, d’entrée de jeu, posé la question du coût. Cette dernière est digne d’intérêt, même si elle n’est pas exclusive d’autres interrogations. Cela étant, je ne suis pas sûr de souscrire à votre analyse.
Sauf erreur de ma part, le cas de figure le plus onéreux serait, selon vous, le maintien de la Grèce dans la zone euro. Lorsque vous avez émis cette affirmation, je me suis tourné vers mon voisin au banc du Gouvernement, M. le ministre de l’économie, et nous avons confronté nos opinions sur ce point : les chiffres qu’il m’a communiqués n’inspirent pas ce sentiment.
Nous sommes tous, dans cet hémicycle, intellectuellement honnêtes. Aussi, ayons l’honnêteté de reconnaître que, dans un cas comme dans l’autre, un coût devra être assumé. Néanmoins, si la Grèce quitte la zone euro, ce coût risque d’être plus élevé, et surtout de s’imposer plus vite. Quoi qu’il en soit, évitons d’invoquer des arguments qui ne seraient pas frappés au coin de la rigueur scientifique.
En outre, plusieurs orateurs se sont lancés à la recherche de responsabilités. En procédant ainsi, on glisse de la science vers l’idéologie. Au reste, en écoutant diverses interventions, il m’a semblé que certains concentraient, de préférence, les responsabilités dans le camp idéologique opposé au leur… Dans les faits, tout le monde a des responsabilités dans cette affaire – et ce n’est pas parce que je suis Normand que je le dis ! (Sourires.)
Les gouvernements grecs qui se sont succédé présentaient toutes sortes de couleurs politiques. Or les cabinets qui, en Grèce, ont précédé l’actuel gouvernement, et qui étaient très souvent conservateurs, n’ont pas assuré une gestion impeccable. Nul ne saurait prétendre le contraire. De même, on ne peut pas affirmer que, depuis quelques mois, les finances de la Grèce sont soudain devenues florissantes. Plusieurs orateurs l’ont souligné à très juste titre, tous les gouvernements grecs ont leur part de responsabilité dans cette crise. Il faut donc avoir l’honnêteté intellectuelle de le reconnaître.
Admettons par ailleurs qu’il existe des responsabilités européennes. À cet égard, pour éviter tout effet boomerang, je déconseille à quiconque de se lancer dans un exercice tendant à définir une césure politique : on ne peut, pour reprendre une formule célèbre, estimer que, depuis l’arrivée aux affaires de ce gouvernement, la nuit ait succédé à la lumière… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Jack Lang !
M. Henri de Raincourt. C’est d’un bon auteur !
M. Laurent Fabius, ministre. On me corrigera si je me trompe : à Deauville, en 2010, date à laquelle François Hollande n’était pas encore Président de la République, a eu lieu un sommet au cours duquel une première opération de restructuration des dettes a été évoquée. Les décisions qui ont suivi ont emporté des conséquences que personne ne peut juger positives – j’en veux pour preuve les crises ayant, par la suite, frappé l’Irlande, le Portugal et d’autres pays.
Bref, ne nous lançons pas dans cet exercice. Reconnaissons, d’une part, que tous les gouvernements grecs ont leur part de responsabilité et, d’autre part, qu’il existe des responsabilités européennes partagées, parmi lesquelles on peut sans doute discerner des responsabilités françaises.
Monsieur Retailleau, vous avez par ailleurs développé une idée avec laquelle je ne suis pas d’accord, mais qui m’a semblé particulièrement intéressante. À vos yeux, les problèmes actuels de la Grèce seraient, en définitive, le fruit d’une idéologie particulière.
Je le répète, les divers ministères que la Grèce a connus ont reflété toutes les couleurs politiques. À ce titre, je ne peux songer sans sourire à la proximité, voire à l’identité qu’un autre orateur a dit percevoir entre les actuels gouvernements grec et français. Je dois vous l’avouer, avec tout le respect que nous éprouvons pour le gouvernement d’Athènes : cette parenté ne m’avait pas frappé…
M. Jean-Pierre Bosino. Nous non plus ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Didier Guillaume. Dans ce cas, nous sommes d’accord !
M. Laurent Fabius, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, pardonnez-moi de citer des noms – vous ne verrez là qu’un compliment de ma part : mais je dois ajouter que, jusqu’à présent, l’axe Macron-Tsipras ne m’a pas sauté aux yeux ! (Exclamations amusées. – M. Daniel Raoul applaudit. – M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique opine en souriant.)
M. Jean-Pierre Bosino. Ce n’est pas évident !
M. Laurent Fabius, ministre. J’espère que M. le ministre de l’économie ne m’en voudra pas. Au reste, je constate qu’il approuve mes propos.
M. Didier Guillaume. M. Macron est beaucoup plus à gauche ! (Sourires.)
M. Daniel Reiner. Sur le fond ! (Nouveaux sourires.)
M. Laurent Fabius, ministre. Bien entendu, les peuples votent comme ils l’entendent, et l’Europe – c’est l’un des défis qu’elle doit relever – doit prendre son parti de tous les choix ainsi exprimés tout en s’efforçant d’avancer.
Cher monsieur Retailleau, j’ai apprécié le ton que vous avez adopté. Permettez-moi simplement d’émettre cette remarque : lorsque, partant de la situation de la Grèce, vous avez étendu votre propos à la politique extérieure de la France, je me suis senti, pour une raison indéfinie, personnellement mis en cause. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Je ne puis en effet vous donner entièrement raison sur ce point.
Vous avez déploré « l’isolement de la France » et regretté, par opposition, le leadership que notre pays exerçait sous une présidence précédente. En vous écoutant, j’avais à l’esprit les efforts que le Président de la République et moi-même avons dû déployer pour nous réconcilier – c’est le terme exact –…
M. Daniel Reiner. Tout à fait !
M. Laurent Fabius, ministre. … avec nombre de pays – la liste est trop longue pour tenir sur la petite fiche où j’ai rassemblé mes notes – (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.), dont l’Algérie, les États de l’Afrique noire, la Turquie, la Pologne, le Mexique, le Japon et la Chine ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur plusieurs travées du groupe CRC.)
M. Daniel Reiner. Très bien !
M. Laurent Fabius, ministre. M. Guillaume a brillamment expliqué les raisons pour lesquelles nous devons, autant que possible, éviter le Grexit, tout en appelant à des réformes en Grèce. Du reste, cela m’a frappé, presque tous les orateurs ont, à juste titre, appelé à ces réformes. Cependant, tous n’en tirent pas les mêmes conséquences. Certains disent : « Il faut que la Grèce se réforme, afin de rester dans l’euro », d’autres : « Il faudrait que la Grèce se réforme, mais quoi qu’elle fasse, elle n’arrivera pas à rester dans l’euro ». Retenons en tout cas la première proposition : la Grèce doit absolument procéder à des réformes.
Vous avez ajouté avec raison, cher Didier Guillaume, que l’Union européenne devait faire de même. La situation requiert en effet responsabilité et solidarité. Après tout, cette crise révèle que beaucoup de choses ne fonctionnent pas bien au sein de l’Union européenne.
M. Gattolin a souligné que le Grexit, s’il devait advenir, coûterait plus cher qu’une autre solution. C’est exact. Il a également insisté sur les réformes nécessaires en Grèce et, comme plusieurs d’entre vous, il a relevé qu’aux aspects financiers et économiques s’ajoutaient de très importantes dimensions politiques et géopolitiques. Il faudrait orienter le débat en France vers ces aspects très intéressants ; j’y viendrai dans un instant.
M. Pierre Laurent a dit que le débat n’opposait pas les pro-européens aux anti-européens, soulignant que ce qui se passe en Grèce concerne la France et le reste de l’Europe. C’est très juste : on ne peut pas se contenter de dire que la Grèce ne représente que 2 % du PIB européen, que c’est un petit pays, que la Grèce, ce n’est pas nous. À tous égards, c’est aussi nous !
M. Mézard a tenu des propos très pertinents sur l’approche politique et stratégique. De même, il a affirmé clairement que l’ensemble des pays d’Europe et l’ensemble des gouvernements successifs de la Grèce portaient une part de responsabilité. Je le rejoins tout à fait sur ce point.
M. Adnot ne disposait pas de beaucoup de temps, mais il a montré que l’on pouvait dire beaucoup de choses exactes en peu de temps ! Cela n’a pas nécessairement été le cas, qu’il me pardonne, de M. Rachline (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.), qui a fait preuve de beaucoup d’humour dans sa brève intervention : il a commencé en disant : « Voilà où mène l’idéologie ! » Il parlait de la Grèce quand j’avais, moi, quelqu’un d’autre à l’esprit ! (Mêmes mouvements.)
M. Zocchetto a rappelé qu’il existait une différence entre justice et austérité et qu’un Grexit ne saurait se produire sans traumatismes. C’est tout à fait vrai. Il ne faut pas laisser croire que cela pourrait se dérouler de manière parfaitement contrôlée, alors qu’il s’agit d’un saut dans l’inconnu !
Il a également eu raison de rappeler que, s’il faut évidemment tenir compte du vote de la Grèce, beaucoup d’autres pays ont voté et que leurs gouvernements sont, eux aussi, légitimes. Cela nous pose à tous un véritable problème démocratique. La difficulté, c’est de faire la synthèse !
M. Francis Delattre. Ah, la synthèse !
M. Laurent Fabius, ministre. Cela s’appelle l’Europe !
À la suite de ces observations, je souhaite formuler deux séries de remarques.
Beaucoup d’entre vous ont utilisé le terme « solidarité », et c’est bien celui qui convient, à condition qu’y soit accolé celui de « responsabilité ». Il ne faudrait pas, en effet, que ceux qui sont plutôt partisans de la sortie de la Grèce laissent entendre que le Gouvernement français pratiquerait une solidarité aveugle et illimitée. Non ! Nous souhaitons que, du côté grec, il y ait des réformes ; il faut une contrepartie aux efforts que nous demandons aux autres pays européens.
En résumé, l’Europe doit aider la Grèce, mais la Grèce doit aider l’Europe à l’aider. C’est ainsi que se présente la situation. S’il n’en allait pas ainsi, les populations réagiraient, et on ne pourrait leur donner tort.
Les aspects financiers et économiques font l’objet de l’essentiel des commentaires dans les journaux, mais il y en a d’autres, dont nous devons montrer toute l’importance à nos compatriotes.
Sur le plan économique, soyons nets : si la sortie de l’euro advenait, elle emporterait des risques économiques considérables.
Tout d’abord pour la Grèce, qui se retrouverait sans monnaie nationale, puisque sa monnaie, aujourd'hui, c’est l’euro. Sa situation est donc différente de celle de l’Argentine, qui disposait du peso ; cela ne l’a du reste pas empêché de faire face à de grandes difficultés. Si la Grèce ne pouvait plus utiliser l’euro, l’enchaînement des conséquences serait extrêmement rapide : faillites bancaires ; appauvrissement brutal des petits déposants ; augmentation sensible du coût des importations, sans que les exportations la compensent, puisque la parité de la nouvelle monnaie serait très défavorable et que, de toute façon, la Grèce n’ayant pas d’industrie, ses capacités d’exportation sont extrêmement limitées. De plus, l’économie grise exploserait vraisemblablement, entraînant une chute des rentrées fiscales, qui ne sont déjà pas fameuses...
Mais cette sortie présenterait également des risques pour la zone euro, car on ne peut pas isoler ainsi, derrière je ne sais quelle muraille, tout un pays, même si l’économie grecque ne représente que 2 % du PIB européen.
Les risques économiques sont donc patents. Mais les risques politiques, dont nous n’avons peut-être pas suffisamment parlé, ne sont pas moins réels.
Personne ne peut soutenir que le projet européen se trouverait renforcé si, à la suite d’une crise, un pays était contraint de sortir de l’euro et de changer de monnaie. Il suffit de converser avec les représentants de pays étrangers pour s’en convaincre. Il se trouve que je participais, ces jours derniers, à une négociation sur le nucléaire iranien, en présence des Russes, des Chinois, des Américains. Personne parmi eux ne considère qu’une sortie de la Grèce de l’euro renforcerait l’Europe ! On ne saurait soutenir de tels paradoxes !
Et puis, le découragement européen déjà présent dans les opinions publiques se trouverait sans doute ainsi alimenté – mais c’est peut-être ce que certains recherchent ! En tout cas, les critiques populistes sur les dysfonctionnements de l’Union et les appels au repli se verraient confortés.
Et puis, mesdames, messieurs les sénateurs, songez que nous avons en perspective le référendum du Royaume-Uni !
Enfin, cette crise emporte des conséquences géopolitiques, et je remercie ceux – peu nombreux – qui l’ont rappelé. L’Union européenne est en effet confrontée à des situations très difficiles sur ses frontières méridionales et orientales, à des crises d’une intensité historique : la Syrie, l’Irak, la Libye, le terrorisme, les crises migratoires… Tant par sa géographie que par son histoire, la Grèce occupe une position stratégique : voisine de la Turquie, des Balkans, à proximité des côtes d’Afrique du Nord.
Mesure-t-on ce que représenterait, dans ces circonstances, le fait que la Grèce devienne un État failli ? L’une d’entre vous l’a très bien dit : qu’est-ce que cela entraînerait sur le plan migratoire et en matière de lutte contre le terrorisme ?
Je n’évoque même pas l’opportunisme gourmand – j’essaie de choisir mes mots ! – auquel pourrait se laisser aller la Russie, celle-ci se portant au secours de la Grèce parce que l’Europe n’aurait pas été capable de le faire. Il faut garder cela à l’esprit au moment de faire le choix.
Cela étant, à l’impossible nul n’est tenu. Si les Grecs ne font pas les efforts nécessaires, nous ne pouvons pas collectivement les faire à leur place. Il est de la responsabilité du Premier ministre grec de faire des propositions.
Nous commettrions toutefois une erreur si, par une espèce de parti pris idéologique, à des propositions qui seraient raisonnables nous répondions : « Hélas ! il est trop tard et, dès lors, vous devez être sanctionnés. »
Pour utiliser des termes grecs, je dirai qu’il s’agit, de part et d’autre, d’éviter l’ubris et de saisir le kairos.
L’ubris, c’est la démesure. Le Premier ministre grec a connu un grand succès électoral, de ceux qu’il faut savoir maîtriser. Lorsqu’on est fort, il est bon d’utiliser cette force pour aller vers le compromis. Mais cela vaut aussi pour tel ou tel autre pays européen qui choisirait de dire non à une perspective raisonnable.
Le kairos, c’est ce moment particulier de la vie d’une personne ou d’un peuple où l’on peut faire d’une difficulté une opportunité.
Nous n’avons pas choisi la difficulté, même si nous portons tous une part de responsabilité dans son apparition. Quoi qu'il en soit, la difficulté est là, et j’espère que nos peuples auront la sagesse d’éviter l’ubris et de saisir le kairos qui se présente à eux ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la situation de la Grèce et les enjeux européens.
Avant d’aborder la suite de notre ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures quinze, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Candidature à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. La commission des affaires sociales a désigné M. Philippe Mouiller pour siéger en qualité de membre titulaire à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées et visant à favoriser l’accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap, en remplacement de Mme Patricia Morhet-Richaud, démissionnaire.
Cette candidature a été publiée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
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Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
Mme la présidente. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense, actuellement en cours d’examen.
Cette liste a été publiée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
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Communication du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 8 juillet, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 280-1 ancien du code civil (Divorce – Prestations compensatoires) (2015-488 QPC).
Acte est donné de cette communication.
Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la séance.
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Programmation militaire pour les années 2015 à 2019
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette actualisation de la loi de programmation militaire était prévue et elle est nécessaire : prévue puisque l’article 6 de la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013 instituait une première actualisation avant la fin de l’année 2015 ; nécessaire en raison de l’accroissement des menaces contre notre pays, ses intérêts fondamentaux et sa population, la montée du terrorisme islamiste dans le monde et sur le territoire national étant sans doute la première menace à laquelle nous ayons à faire face.
Les attentats en région parisienne du mois de janvier ont changé de manière déterminante le contexte de mise en œuvre de cette programmation. C’est pourquoi je salue la décision que le Président de la République et vous-même, monsieur le ministre, avez prise d’avancer l’actualisation de quelques mois pour traduire rapidement dans la loi les adaptations rendues indispensables, sanctuariser ce budget et lui attribuer des crédits supplémentaires.
Vous avez précisé, monsieur le ministre, qu’il s’agissait d’une révision, destinée à actualiser les prévisions initiales, non d’une redéfinition des principes fondamentaux de la programmation militaire. Mon groupe reste en désaccord sur ces principes, mais c’est bien dans le seul cadre de cette actualisation que je porterai des appréciations sur les mesures qui nous sont proposées.
L’évolution de la situation et la nécessité de répondre à des besoins accrus ont heureusement conduit le Président de la République à tenir les engagements qu’il avait pris de ne pas laisser rogner le budget de la défense : ses crédits ont donc été sanctuarisés à hauteur de 31,4 milliards d’euros pour 2015.
Parmi les nouveautés figurant dans le présent texte, on peut d’abord relever des choix budgétaires importants.
Ainsi, on constate l’apport de nouveaux crédits, qui correspondent à une augmentation du budget de 3,8 milliards, étalée jusqu’à 2019, qui permettra notamment de nouvelles commandes de matériels.
Nous serons néanmoins attentifs et veillerons à ce que les crédits annoncés pour l’année 2015 soient effectivement et rapidement ouverts dans une loi de finances rectificative.
Sans douter de la volonté et de la sincérité du Président de la République, je relèverai toutefois que l’essentiel de cet effort budgétaire porte sur les deux dernières années de la programmation, soit après l’élection présidentielle de 2017. Espérons que cette trajectoire ne sera pas alors remise en cause !
J’apprécie particulièrement que, dans l’actualisation du volet financier de la loi de programmation militaire – LPM –, on ait substitué des crédits budgétaires aux ressources exceptionnelles, dont le caractère aléatoire faisait courir de sérieux risques à l’effectivité de la programmation.
Je me félicite surtout de l’abandon du dispositif de location-vente de matériels militaires, sous la forme de sociétés de projet dont les fonds étaient censés remplacer des ressources exceptionnelles défaillantes. Ce montage financier bizarre et complexe était trop hasardeux pour nos finances publiques, ne traduisait pas une vision à long terme du financement de nos équipements militaires et aurait pu affecter l’utilisation souveraine de nos matériels.
L’autre grande nouveauté de ce projet de loi est le choix stratégique d’une présence visible et permanente de forces terrestres sur le territoire national. Cela a nécessité de porter les effectifs de la force opérationnelle terrestre à 77 000 hommes, au lieu des 66 000 initialement prévus.
Cette conception d’une protection recentrée sur le territoire national nous invite, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, à une réflexion sur la doctrine d’emploi de nos armées à l’intérieur de nos frontières.
En tout cas, la nécessité d’assurer cette mission a conduit le chef de l’État à prendre la décision d’annuler plus de la moitié des réductions d’effectifs dans les armées : sur 34 000 postes menacés de suppression, 18 500 sont préservés.
Certains devraient avoir l’honnêteté de reconnaître que la réduction d’effectifs initialement prévue, dont la seule justification était de faire des économies au profit des équipements, ne pouvait en aucun cas permettre de faire face à une situation de crise imprévue.
C’est l’un des enseignements à tirer des attentats de janvier. C’est aussi la preuve que l’objectif de réduction inconsidérée des effectifs, que ce gouvernement avait maintenu dans la LPM initiale, était une profonde erreur, due à une vision étroitement comptable des choses.
Avant de conclure, je veux évoquer deux mesures proposées dans ce texte qui n’ont pas de rapport direct avec l’objectif d’actualisation : l’institution d’un droit d’association professionnelle des militaires et l’expérimentation d’un service militaire volontaire.
Différentes instances de concertation, dont le fonctionnement et l’efficacité méritent d’être considérablement améliorés, existent au sein des armées. Néanmoins, il faut reconnaître que ce sont deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme qui ont mis notre pays dans l’obligation de légiférer pour instituer un droit d’association au profit des militaires.
Vous le savez, monsieur le ministre, notre groupe est de longue date favorable à l’instauration d’un tel droit, que nous avions malheureusement échoué à faire inscrire dans la loi lors de la discussion sur le statut général des militaires, en 2005.
La solution législative élaborée par le Gouvernement est satisfaisante dans la mesure où elle permettra, je l’espère, de renforcer le dialogue au sein de nos forces armées, sans les affaiblir ni dénaturer l’état militaire.
Cependant, nos collègues députés ont eu raison de renforcer les prérogatives des associations nationales professionnelles de militaires, les ANPM. Ils ont en particulier élargi les possibilités qu’elles auront de se porter partie civile et ont garanti leur liberté d’expression sur les questions relevant de la condition militaire.
Enfin, si l’expérimentation d’un service militaire volontaire, largement inspiré par le succès du service militaire adapté dans les outre-mer, peut de prime abord sembler une bonne mesure, je m’interroge sur la duplication de dispositifs existants et, surtout, sur le financement à long terme de ce dispositif.
Telles sont les observations que je souhaitais faire, au nom du groupe CRC, sur l’actualisation de la loi de programmation militaire.
Au-delà des aspects positifs que je viens d’évoquer, il n’en demeure pas moins que nous avons toujours de profonds désaccords avec certains choix majeurs de la loi de programmation militaire initiale, notamment en ce qui concerne la sanctuarisation politique et financière de l’arsenal nucléaire. C’est la raison pour laquelle notre groupe votera contre le présent texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Rachline.
M. David Rachline. Madame la présidente, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier M. le ministre de la défense et ses services du dossier extrêmement précis qu’ils nous ont fait parvenir il y a déjà quelques semaines. Cela aide à y voir plus clair ceux d’entre nous qui ne sont pas membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Sur le fond du débat, à la lumière des tragiques événements qui ont touché, qui touchent et qui – il faut le craindre – toucheront notre pays, il semblerait que les plus hautes autorités de l’État aient enfin pris conscience de l’urgence de la situation pour notre politique de défense.
Bien sûr, monsieur le ministre, vous n’avez pas attendu la survenance de ces odieux attentats islamistes pour proposer un renforcement de nos capacités ou, plus exactement, la fin de la diminution engagée par vos prédécesseurs sous la pression budgétaire imposée par l’Union européenne.
Nous connaissons tous ici votre souci pour nos forces armées. Pourtant, jusque récemment, vos propositions s’étaient fracassées sur le mur de la rigueur budgétaire. Il est triste qu’il faille des événements dramatiques pour faire bouger les lignes, alors que tous les indicateurs sont depuis longtemps dans le rouge ! Il convient de noter que, lors des travaux sur le Livre blanc qui ont abouti à la loi de programmation militaire dont vous nous proposez la réactualisation, les militaires avaient déjà fait part non seulement du besoin urgent de modernisation des équipements, mais surtout de la dangerosité pour notre outil de défense de la diminution drastique des effectifs. Ils n’ont pas été écoutés et l’on s’aperçoit aujourd’hui qu’ils avaient raison.
Fort de cette prise de conscience, vous proposez de diminuer la baisse des effectifs ; mais une baisse de la baisse, ce n’est pas malheureusement pas une hausse !
Le dernier front, et non le moindre, sur lequel nos forces armées sont engagées est l’opération Sentinelle. Je tiens ici à rendre hommage à toutes les unités qui remplissent cette mission, certes importante, mais, il faut le reconnaître, peu exaltante pour nos soldats.
Pour ce qui est des finances, qui restent le nerf de la guerre, vous nous proposez une augmentation du budget programmé de 3,8 milliards d’euros sur la période 2015-2019. Toutefois, malgré l’urgence de la situation actuelle, 2,5 milliards d’euros ne sont programmés que pour après 2017 : en fait, vous reportez l’effort sur la future majorité.
Je n’ai malheureusement pas le temps d’entrer dans le détail des équipements à remplacer, à moderniser et à acquérir pour nos trois armées. En un mot, malgré quelques garanties, nous sommes extrêmement inquiets sur le niveau d’équipement de nos forces. Or, comme le soulignait le général de Villiers devant nos collègues de l’Assemblée nationale, 20 % des équipements terrestres de retour du Sahel sont irrécupérables. Ce fait ne semble pas être pris en compte dans ce texte. Il ne faudrait pas que le coefficient « vraie vie » utilisé dans une partie de nos armées devienne une clé de lecture incontournable pour comprendre les lois de programmation militaire.
Certes, l’armée française fait l’admiration de nos alliés par sa force de débrouillardise, mais ce n’est pas digne d’une grande puissance !
Je voudrais évoquer brièvement la création des associations professionnelles de miliaires. Outre le fait que je doute de la pertinence de telles associations, les différents conseils de la fonction militaire permettaient déjà aux chefs d’avoir un accès libre et direct à tous les échelons de la hiérarchie.
De fait, cette mesure est un nouveau signe de notre soumission à des instances clairement supranationales. Quand donc la France retrouvera-t-elle sa pleine et entière souveraineté ? Là est la vraie question, surtout lorsque ses armées, qui relèvent d’une fonction régalienne par excellence, en sont victimes !
J’imagine que ma conclusion ne vous surprendra pas, monsieur le ministre. Cette actualisation va dans le bon sens, mais nous sommes encore très loin du compte s’agissant tant des équipements que des effectifs. Nous préconisons, pour notre part, de garantir dans la Constitution que 2 % du PIB sont affectés à notre défense.
Nous comptons sur votre pugnacité pour veiller à ce que les crédits promis dans cette loi soient effectivement inscrits, et non pas soumis à des aléas, comme ce fut le cas dans le budget de 2015. Nous espérons surtout que vous continuerez à faire montre de pédagogie auprès de vos collègues, afin qu’ils comprennent enfin l’importance qu’il y a à doter nos armées des moyens nécessaires à leurs missions de protection de la France, de ses intérêts et de nos concitoyens !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a vingt mois, le Parlement adoptait la LPM, considérant qu’elle était la moins mauvaise possible dans le cadre budgétaire donné.
Nous avions alors souligné les faiblesses du texte. Permettez-moi de les rappeler : nouvelle réduction du format des effectifs et des équipements, format réduit que nous avions alors qualifié de «juste insuffisant » ; incertitudes sur les REX – ressources exceptionnelles –, qui représentent une part importante du budget de la défense, notamment pour les équipements ; faiblesse, que nous assumions, des crédits OPEX – opérations extérieures –, un amendement sénatorial ayant toutefois permis la prise en charge des dépassements au niveau interministériel ; exportations hypothétiques de matériel militaire, s’agissant notamment du Rafale ; insuffisance des commandes de pièces de rechange et de munitions ; enfin, reports de charges trop élevés chaque année.
Compte tenu de ces inquiétudes, le Sénat avait adopté, dans l’intérêt de la défense, une panoplie d’amendements visant à sécuriser les ressources et permettre la réalisation de la programmation, notamment grâce aux mesures suivantes : compensation par des cessions d’actifs ou des crédits budgétaires si les REX n’étaient pas au rendez-vous à temps et au niveau prévu ; sécurisation en cas de non-export ; contrôle sur pièces et sur place, auquel nous avons d’ailleurs recouru ; enfin, clause de revoyure avant la fin de l’année 2015 – nous y sommes !
Force est aujourd’hui de constater que nos inquiétudes étaient fondées. Avec cette actualisation, vous apportez, monsieur le ministre, une grande partie des réponses que nous attendions. C’était d’autant plus nécessaire que, en moins de deux ans, notre environnement a terriblement évolué avec la crise en Ukraine, la montée exponentielle de Daech et du terrorisme, ainsi que l’explosion du nombre de migrants arrivant par la Méditerranée.
La part la plus importante des ressources budgétaires que vous avez obtenue sert à financer la moindre déflation des effectifs : 18 750 postes n’ont pas été supprimés. Nous saluons cet effort, même s’il est largement absorbé par l’opération Sentinelle.
Des moyens sont prévus pour le maintien en condition opérationnelle et l’entretien programmé des matériels ainsi que pour lancer ou accélérer des programmes d’équipement, qui sont nécessaires à nos forces. Bravo ! Signalons toutefois que cela est surtout possible grâce aux économies réalisées du fait de la bonne évolution des indices économiques tels que l’inflation ou le coût des carburants. Attention à un renversement de tendance !
Constatant que les « REX fréquences », les recettes exceptionnelles attendues de la cession de fréquences hertziennes, n’étaient pas au rendez-vous, vous avez obtenu, monsieur le ministre, après un long bras de fer avec Bercy, un arbitrage du Président de la République, afin que l’essentiel de ces ressources soit rebudgétisé à partir de 2015 : c’est bien !
Enfin, les ventes à l’export, notamment du Rafale, sont au rendez-vous. À cet égard, permettez-moi de féliciter l’ensemble de « l’équipe France », qui a permis ces succès.
Nous sommes satisfaits de ces orientations, ainsi que de l’évolution à la baisse du report de charges.
Je voudrais néanmoins vous faire part de deux sujets de préoccupation : d’une part, la soudure entre les prévisions de la LPM initiale et la présente actualisation ; d’autre part, le coût direct, dès cette année, de l’opération Sentinelle, qui s’élève à environ 1 million d’euros par jour.
Le Gouvernement ne nous laisse pas espérer l’examen d’un collectif budgétaire d’ici à la fin de l’année. C’est pourquoi nous avons besoin d’être rassurés sur la levée anticipée de la réserve de précaution et sur un décret d’avance dans les derniers jours de 2015.
Comme je viens de l’indiquer, l’actualisation va dans le bon sens et permet de lancer ou de confirmer les programmes majeurs. Je n’y reviens donc pas, préférant m’attarder sur neuf points, qui me semblent essentiels.
Premièrement, la moindre déflation des effectifs permet de consentir un effort supplémentaire en matière de cybersécurité et de renseignement, de combler des manques dans l’armée de l’air et la marine et, surtout, de porter la capacité opérationnelle de l’armée de terre de 66 000 à 77 000 hommes .
Deuxièmement, je salue la création d’une brigade d’aérocombat, avec sept hélicoptères Tigre HAD supplémentaires, qui seront livrés avant la fin de l’année 2017, et la livraison de six hélicoptères NH90, qui a été avancée parce que ceux-ci sont indispensables pour remplacer les vieux Puma.
Je salue également l’effort réalisé pour assurer la réorganisation générale du maintien en condition opérationnelle du parc d’hélicoptères, avec des lots de pièces de rechange, des lots de projection, le recrutement de maintenanciers et une nouvelle contractualisation avec les industriels. Nous avions attiré votre attention, monsieur le ministre, sur ces carences, et nous sommes satisfaits que vous les ayez prises en compte.
Troisièmement, je me félicite des ventes à l’export du Rafale et, surtout, de la confirmation que la prévision initiale de livraison de cet appareil pour l’armée de l’air et la marine serait tenue, avec, notamment, l’arrivée d’un deuxième escadron de Rafale à vocation nucléaire.
Quatrièmement, compte tenu du vieillissement et du manque de disponibilité des C 160 et C 130, je note la modernisation de certains C 130 et l’armement de deux d’entre eux pour les forces spéciales, ainsi que l’étude de l’achat de quatre C 130, d’occasion ou neufs. Ne perdons pas de temps, monsieur le ministre, et adressons a letter of request à nos amis américains !
Cinquièmement, les douze MRTT seront enfin commandés, dont trois seront livrés d’ici à 2019. Permettez-moi de souligner que, il y a quelques mois, j’avais formulé cette demande par le biais d’un amendement et que vous vous y étiez opposé, monsieur le ministre.
Sixièmement, je dirai un mot du projet Cognac 2016-2017, qui prévoit de moderniser la formation et de différencier l’entraînement des pilotes de chasse. À cet égard, je rappelle que la décision a été approuvée lors d’un comité ministériel d’investissement il y a un an. Ne perdons pas de temps ! Ce projet, qui permet la manœuvre des effectifs et des implantations de l’armée de l’air, devrait permettre de réaliser des économies à hauteur de 150 millions d’euros par an.
Septièmement, les grandes commandes marines sont confirmées, avec quinze frégates de premier rang. La livraison de cinq frégates de taille intermédiaire a été avancée pour répondre à nos besoins et à des possibilités à l’export.
Huitièmement, j’évoquerai les forces spéciales. Permettez-moi de saluer l’intervention de nos forces spéciales au Sahel, et j’ai une pensée particulière pour les deux soldats blessés dimanche dernier, dont un gravement, qui ont été rapatriés hier soir.
Deux des quatre C 130 qui vont être achetés seront affectés aux forces spéciales ; ils disposent d’une capacité de ravitaillement en vol d’hélicoptères.
Par ailleurs, j’insiste une nouvelle fois sur le renouvellement nécessaire des véhicules de patrouille lourds et légers. Monsieur le ministre, tenons les délais !
Neuvièmement, notre effort en matière de missiles doit être poursuivi. Cela vaut pour le missile moyenne portée, le missile anti-navire léger, la rénovation à mi-vie des missiles Scalp, auxquels il faut ajouter la nécessaire augmentation des capacités du système SAMP/T pour nos armées et l’export. C’est ce que l’on appelle le programme B1NT.
En conclusion, je veux dire à cette tribune que cette actualisation correspond, en partie, à nos demandes, même si nous aurions aimé que l’effort soit plus important encore pour faire face aux menaces actuelles et que les crédits soient moins étalés dans le temps. Mais, comme nos amis de Bercy préfèrent les lois de finances annuelles ou triennales aux lois de programmation, qui ne sont pas normatives, nous avons adopté en commission un certain nombre d’amendements pour sécuriser et pérenniser les ressources.
Permettez-moi de formuler deux dernières remarques.
Nous sommes tous persuadés que l’opération Sentinelle, telle qu’elle est aujourd’hui mise en œuvre, doit évoluer vers plus de souplesse et de réactivité, au lieu d’être statique. Le Gouvernement et les armées doivent réfléchir à « un cadre doctrinal pour l’emploi des troupes sur le territoire national ». Nous avons demandé que ces travaux soient présentés au Parlement avant la fin de l’année.
Dans le droit fil de cette demande, nous saluons la volonté de faire évoluer la réserve opérationnelle en effectifs et en réactivité. Mais c’est plus facile à dire qu’à réaliser, monsieur le ministre, notamment vis-à-vis des employeurs privés et publics !
Enfin, certains évoquent la création d’une « Garde nationale » à la française. Méfions-nous des fausses bonnes idées ! Compte tenu des budgets limités, cela se ferait obligatoirement au détriment des crédits de la défense et aboutirait, de fait, à une armée à deux vitesses.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, les satisfactions l’emportent, mais la vigilance demeure. Dans ces conditions, je voterai, comme l’ensemble du groupe Les Républicains, ce projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 tel qu’il est issu des travaux de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC, du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, un an et sept mois après l’adoption de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019, nous devons examiner un projet de loi permettant de l’actualiser.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de rendre un hommage solennel à nos soldats qui, en France et à l’étranger, honorent notre pays. Il n’est pas un débat sur la défense où nous ne saluions leur courage et leur professionnalisme. De fait, ils méritent que nous dépassions le stade de la parole pour passer aux actes. Sachons leur donner les moyens de remplir leurs missions dans des conditions dignes de leur engagement.
C’est la première fois que nous procédons à une telle actualisation, au demeurant prévue à l’article 6 de la loi précitée. Cet exercice ne doit pas être pris à la légère. Je veux rappeler ici que le ministère de la défense, ses hommes et ses femmes ainsi que notre outil de défense doivent bénéficier d’une prévision à long terme. Ce principe vaut tant pour les ressources humaines et que pour l’équipement.
Je ne reviendrai pas en détail sur les dix-huit mois qui viennent de s’écouler ; le moins que l’on puisse en dire est qu’ils ont été intenses ! Je retiendrai simplement deux éléments importants, avant de m’exprimer ultérieurement sur les articles.
Premièrement, engager le plus tôt possible des crédits sincères pour nos armées est une exigence à laquelle nous ne pouvons déroger si nous voulons satisfaire aux ambitions qui sont les nôtres sur la scène internationale. Les tergiversations auxquelles ont donné lieu, au printemps dernier, les sociétés de projet l’ont prouvé ; le sujet est désormais clos, et nous nous en réjouissons.
Deuxièmement, je veux attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les engagements et la mobilisation de nos forces au regard du contexte sécuritaire international et national.
Depuis le début de notre engagement au Mali, puis dans la bande sahélo-saharienne, il est plus qu’évident que ces opérations ont vocation à durer, contrairement à ce qu’avait initialement annoncé le Président de la République.
Cela dit, il est impératif de prendre en compte la dualité des enjeux de ces OPEX. Nous ne remettons nullement en cause le prolongement de l’opération Barkhane face aux risques d’expansion du terrorisme dans toute l’Afrique, mais il faut bien comprendre que cet engagement implique des investissements humains et capacitaires importants. Faute de moyens, les risques peuvent être très lourds pour les hommes sur le terrain.
D’abord, le prolongement de ces OPEX nécessite de pouvoir assurer un turnover, avec des hommes suffisamment entraînés mais aussi, il ne faut pas le négliger, suffisamment reposés, et cela même si nous engageons des retraits progressifs de Centrafrique.
Ensuite, cette action nous conduit à adopter une véritable politique de maintien en condition opérationnelle. Le vieillissement ainsi que l’usure des matériels et des équipements sont fortement accélérés par une faible disponibilité, accélération encore renforcée par la multiplication des théâtres d’engagement, par les conditions extrêmes liées aux conditions climatiques et par un état d’usage avancé, ce qui réduit la marge de régénération et augmente à terme les coûts.
L’attrition des matériels est telle qu’elle peut altérer nos capacités opérationnelles et a un impact important sur les conditions d’entraînement.
Le chef d’état-major des armées, Pierre de Villiers, déclarait le 21 mai dernier : « Sans moyens financiers supplémentaires pour régénérer ces matériels, et compte tenu de leur âge, le maintien du niveau d’engagement actuel se traduirait à court terme par une diminution rapide de plusieurs parcs, dont ceux des avions de transport tactique et de patrouille maritime, des hélicoptères de manœuvre et des véhicules blindés. Sans moyens financiers supplémentaires pour l’entretien des matériels, nous mettons en danger notre personnel. »
De fait, monsieur le ministre, nous ne pouvons que nous féliciter de voir que, sur toute la période, 88 milliards d’euros seront consacrés aux équipements, auxquels s’ajoutent 500 millions d’euros qui seront uniquement dédiés à la régénération des matériels. Ces efforts témoignent de la prise en compte de cette priorité ; c’est une excellente nouvelle.
Par ailleurs, j’évoquerai la diminution des déflations en termes de ressources humaines.
La réduction nette des effectifs ne portera que sur 6 918 postes, et non plus sur les 33 000 prévus, dont 10 000 étaient imputables à la loi de programmation. Ce retour en arrière est une sage décision, qui repose aussi sur la réalité. Du reste, nous savions tous déjà, à l’époque, que ces suppressions de postes n’étaient pas tenables. La politique de gestion des ressources humaines et l’objectif d’efficacité imposent une prévision à long terme. Celle-ci ne souffre aucun revirement trop brutal, sous peine de déstabiliser l’institution et d’altérer directement nos capacités d’engagement.
La hausse de crédits prévue dans ce projet de loi sera largement consacrée au financement d’une masse salariale qui doit, elle aussi, être proportionnelle à nos besoins.
En tant que membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, nous saluons les hausses de crédits et l’affectation de ces derniers. Néanmoins, ce qui prime pour nous, c’est une sanctuarisation effective et une programmation sincère. Sur ce point, le travail de nos deux collègues Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Legge, qui est exemplaire et doit être pris en compte, nous conduira à émettre un vote favorable. Les clauses de sauvegarde intégrées au texte sont primordiales. Les garanties et la sanctuarisation réelle des crédits sont les gages d’un soutien concret à nos armées.
L’une des forces de la Haute Assemblée, c’est, me semble-t-il, d’améliorer et de renforcer ce qui peut l’être et de favoriser la responsabilité collective. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jeanny Lorgeoux.
M. Jeanny Lorgeoux. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ceux qui m’ont précédé à cette tribune ayant parfaitement détaillé le contenu et les enjeux de la révision qui nous est proposée, je serai peut-être plus utile au débat en tentant, modestement, de dégager la signification profonde de ce texte.
Parce que s’il s’agit de la France, de la défense du territoire, du combat sans merci contre le terrorisme, c’est-à-dire contre les ténèbres obscurantistes, le Président de la République et le Gouvernement se devaient de renforcer notre dispositif militaire. C’est chose faite avec la présente actualisation de la LPM. Nous les félicitions d’avoir clairement tranché, ce qui, convenons-en, n’était pas aisé. Toutefois, quand la boussole de l’Histoire s’affole, l’armature de l’État est le rempart de la Nation !
En votant cette révision, qui a le grand mérite de réaffirmer le cap, d’élargir le sillon déjà tracé, nous disons notre volonté de voir la France assumer son rang et son destin ; nous disons que, devant la montée des périls, devant la bascule géostratégique qui se déroule sous nos yeux de l’Atlantique jusqu’à la mer de Chine, devant la territorialisation en cours des espaces maritimes, devant l’exacerbation des paroxysmes moyen-orientaux – ai-je besoin de mentionner les poudrières de l’Irak, de la Syrie, de Gaza, du Yémen et de l’Iran ? –, devant l’intensification des trafics et fanatismes qui assassinent l’Afrique – alors qu’elle est une partie de notre avenir – en son milieu sahélien, de Bamako à Mogadiscio et d’Abuja à Benghazi, la France reste lucide et courageuse. Elle ne baisse pas la garde. Elle développe force et vigueur. Elle se bat pour des valeurs, au nom des Nations unies. Elle se bat aussi pour notre peuple, et pour ce que nous sommes.
Cette révision de la LPM peut apparaître, aux yeux de certains, comme un épisode budgétaire ou comptable connu des seuls initiés, comme une rustine, un simple rattrapage, face un étiage financier considéré hier comme inéluctable et mis en œuvre naguère, déjà sous l’impulsion de Bercy. Eh bien non ! Cette révision à la hausse de 3,8 milliards d'euros – excusez du peu ! – est un choix majeur, un signal lancé, un étendard brandi, une volonté affichée dans la mollesse ambiante de notre Europe empêtrée dans la dégradation des finances publiques. Elle est l’affirmation de notre engagement et de notre indépendance.
Comme le monde évolue sans cesse, le ministre de la défense modernise chaque jour, sur son établi, le dispositif dont il a la charge. Glanant et guignant ses crédits, les affermissant, dans un cadre régalien, il se donne les moyens de protéger le territoire ; il réinjecte des financements pour maintenir et rénover des matériels usés et relancer l’entraînement ; il arrête quasiment l’hémorragie des effectifs, tout en reventilant les souplesses acquises sur des môles de compétences opérationnelles de premier ordre ; mieux, il investit d’une manière très importante dans le renseignement et la cyberdéfense, ayant depuis longtemps compris qu’à la mécanique se substituait graduellement l’informatique ; au surplus, surmontant l’extraordinaire complexité des chassés-croisés d’informations recueillies et d’écoutes tous azimuts – c’est un euphémisme ! –, il fait prévaloir la qualité de l’analyse – discerner pour mieux cerner – sur le ratissage d’un large filet et recrute des experts de très haut niveau ; il investit dans des matériels nécessairement très complexes et très performants – acquisition d’un troisième satellite d’observation optique, de drones Reaper et de charges utiles de renseignement électromagnétique – pour améliorer notre connaissance intime de la menace.
Par ailleurs, la loi sur le renseignement, récemment adoptée, définit le cadre de la politique clairement affichée par le Gouvernement.
Celui-ci se met ainsi en position d’affronter l’ennemi, l’ennemi invisible, l’ennemi mobile, l’ennemi sans visage qui frappe, torture, égorge.
À travers cette révision de la LPM, la France envoie aussi un signal à nos amis européens : loin de désarmer, il faut au contraire maintenir, solidifier, fortifier, renforcer notre armée et, si possible, nos budgets militaires. La France envoie un autre message : la paix, chèrement acquise, se gagne dans le double mouvement articulé d’une diplomatie dynamique d’équilibre – nous le voyons avec Laurent Fabius – et de l’affirmation militaire – nous le voyons avec Jean-Yves Le Drian. La France envoie également le message selon lequel rien ne vaut sans la liberté d’être.
En effet, que signifierait une Europe rabougrie, vieillissante, engoncée dans son confort – fût-il relatif et inégalitaire –, rétive à l’altérité, vivant dans l’autarcie protectrice que confère le bouclier nucléaire français – voilà sa vocation –, cependant qu’à nos portes cognent de pauvres malheureux ? Non, notre rempart n’est pas un mur. Notre rempart, c’est notre sécurité. Notre rempart, c’est notre défense. Notre rempart, c’est notre République. L’Histoire, dans sa transparence glaciaire, montre que si l’on oublie cette simple vérité, le pays peut le payer un jour très cher, voire de sa liberté.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jeanny Lorgeoux. J’en termine, madame la présidente.
En attendant que l’Europe redevienne allante, prospère et solidaire, la révision de la loi relative à la programmation militaire vient à point nommé.
Je remercie tous les orateurs de s’être élevés, dans leurs interventions, au-dessus des querelles subalternes. Réunissons-nous, mes chers collègues, autour de ce bon projet de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jacques Gautier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est dans un contexte fort différent de celui de la fin 2013 que nous procédons à l’actualisation de la loi de programmation militaire. Force est de constater qu’une sous-évaluation importante des besoins avait alors prévalu. L’exercice d’actualisation était donc indispensable.
Évidemment, le contexte sécuritaire s’est fortement tendu avec les attentats de Paris, les exactions de Daech et leurs retombées sur toute la région, mais ces éléments étaient déjà en germe à la fin 2013. Nous avions d'ailleurs été nombreux à nous inquiéter de la diminution drastique des moyens de notre défense.
À cet égard, le tout récent vol de détonateurs et d’explosifs sur le site militaire de Miramas soulève de nombreuses questions.
Plutôt que de réagir au coup par coup, crise après crise, il importe de renforcer notre capacité de résilience. Déployer 7 000 militaires sur le territoire national dans le cadre de l’opération Sentinelle, pourquoi pas ? Mais nous savons tous que, face aux menaces, c’est très insuffisant. Il faut développer la vigilance, en particulier en matière de renseignement. Il importe, pour cela, d’impliquer au maximum les citoyens dans la défense de notre sécurité et de nos valeurs. Nombreux sont ceux qui souhaitent pouvoir s’associer à cette cause. Nous ne pouvons pas laisser retomber l’élan du 11 janvier !
Notre pays dispose déjà, depuis des décennies, de structures pour canaliser cette envie d’engagement : ce sont les réserves.
Représentant le Sénat au Conseil supérieur de la réserve militaire et travaillant depuis de longues années sur ces questions, je salue la volonté de passer de 28 000 à 40 000 réservistes relevant du ministère de la défense. Cet objectif de 40 000 réservistes, qui figurait dans la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014, n’avait pas été repris en 2013. Je me réjouis donc de sa réaffirmation, tout en m’interrogeant sur les moyens qui permettront de l’atteindre.
L’article 13 du projet de loi facilite la mobilisation des réservistes en réduisant les délais de préavis à l’employeur et en augmentant le nombre de jours annuels d’activité accomplis pendant le temps de travail. Ces dispositions viennent opportunément compléter la loi du 28 juillet 2011 tendant à faciliter l’utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure, élaborée à partir du rapport rédigé par Michel Boutant et moi-même. Cette loi prévoyait nombre de leviers pour une montée en puissance des réserves, mais il aura fallu près de quatre ans pour que les décrets d’application paraissent enfin.
La tentation est toujours de créer de nouveaux outils plutôt que de valoriser les outils existants. Le Président de la République a ainsi demandé une mission sur la création d’une réserve citoyenne, alors que celle-ci a été instituée il y a plus de quinze ans !
Une réelle confusion peut naître de la coexistence de dispositifs disparates réunis sous le nom de « réserve citoyenne », surtout si l’articulation et le mode de tutelle de ces dispositifs ne sont pas clarifiés. L’emploi de l’expression « réserve citoyenne » pour désigner des intervenants non enseignants dans les écoles brouille la communication, alors même que les réserves ont besoin d’une image plus claire et plus professionnelle pour recruter plus largement dans la société civile. En outre, il semblerait que la réserve citoyenne de l’éducation nationale soit moins un levier pour mobiliser de nouveaux volontaires qu’un label apposé sur des dispositifs déjà existants. Il aurait donc été préférable de choisir une autre appellation.
Un problème similaire se pose d’ailleurs avec la prétendue création d’un service militaire volontaire, qui ne serait que la transposition en métropole du dispositif de service militaire adapté créé en 1961 pour l’outre-mer. La création, en 2005, de l’Établissement public d’insertion de la défense, l’EPIDE, visait déjà à réaliser cette transposition pour mieux réinsérer des jeunes éloignés de l’emploi. Quelle serait l’articulation entre les deux dispositifs et avec le service civique ? Peut-être une agence nationale de la réserve citoyenne pourrait-elle utilement chapeauter l’ensemble des dispositifs.
Le principe de la mobilisation de la société civile au service de la sécurité et des valeurs de la Nation est essentiel. Ne le galvaudons pas ! Monsieur le ministre, je compte sur vous pour y veiller en réaffirmant la prééminence de la défense dans ce domaine.
Le besoin de clarté n’est pas contradictoire avec la pluralité des missions, loin de là. Il est très utile que des réservistes citoyens puissent intervenir dans les écoles de France. Je plaide pour qu’ils puissent également contribuer au rayonnement de la francophonie à l’étranger. La réserve citoyenne pourrait être un acteur clé de notre diplomatie économique et de notre politique d’influence. Si le présent projet de loi insiste sur l’élargissement du recrutement des réservistes dans la société civile, il méconnaît le besoin de favoriser un tel recrutement parmi les Français de l’étranger. J’ai déposé des amendements pour y remédier.
Enfin, en France comme à l’international, il est essentiel de renforcer les partenariats avec les entreprises, afin que celles-ci voient l’implication de leurs salariés dans la réserve comme un atout et non comme une contrainte. Trop de réservistes préfèrent aujourd’hui dissimuler leur engagement à leur employeur. Il importe de réfléchir à un moyen de rendre le dispositif plus attractif, pour les entreprises comme pour les salariés.
La réserve citoyenne pourrait aussi permettre de mobiliser des bénévoles sur un large éventail de missions d’intérêt général, bien au-delà des seules situations de crise, que ce soit au bénéfice d’équipes de sécurité civile, de services de de cyberdéfense, d’établissements scolaires, de collectivités territoriales ou en appui d’associations.
Les réserves ont un rôle considérable à jouer, tant par leur action en faveur du lien entre l’armée et la Nation que pour le trésor de compétences qu’elles permettent de mobiliser à moindres frais. C’est un progrès qu’elles soient dûment mentionnées dans ce projet de loi actualisant la LPM, mais il importe que des moyens matériels suffisants suivent effectivement ces annonces. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Roger.
M. Gilbert Roger. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’attitude des sénateurs du groupe Les Républicains siégeant au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et en particulier celle du président de cette commission, Jean-Pierre Raffarin. En effet, contrairement à leurs amis de l’Assemblée nationale, ils n’ont pas fui le débat tout au long de l’examen du texte en commission, mais ont eu une attitude à la hauteur des enjeux et des menaces qui pèsent sur la France.
La loi de programmation militaire adoptée en 2013 a fixé les objectifs de la politique de défense et la programmation financière qui leur est associée. Cependant, le contexte stratégique a connu des évolutions majeures, rendant en particulier nécessaire la prise en compte de l’accroissement de la menace terroriste.
D’une part, en janvier, la France a été frappée par la pire attaque terroriste perpétrée sur son territoire depuis cinquante ans. Il est indispensable d’adapter notre stratégie et notre outil de défense pour poursuivre la lutte contre le terrorisme, tout en ne perdant pas de vue l’objectif de redressement des finances publiques, dont la dégradation est en elle-même un enjeu de souveraineté.
D’autre part, la multiplication des crises en Afrique et au Moyen-Orient a contraint l’armée française à engager – parfois seule, hélas ! – des forces terrestres, aériennes et maritimes sur des théâtres d’opérations nouveaux, notamment en Centrafrique, au Sahel et en Irak. Ces opérations exigeantes ont fait apparaître, sur le plan des matériels, des besoins capacitaires auxquels il faut répondre, en particulier s'agissant des forces spéciales.
La France est directement exposée à la menace terroriste et, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, il existe une imbrication croissante entre la sécurité de la population sur le territoire national et la défense de notre pays à l’extérieur. Il n’y a donc plus de dissociation entre la menace extérieure et la menace intérieure.
Face à cette aggravation, l’actualisation s’impose.
En raison de la situation exceptionnelle que connaît la France depuis les attentats de janvier 2015, le Président de la République a décidé de renforcer l’action de nos armées sur le territoire national dans le cadre de l’opération Sentinelle, avec 10 000 militaires engagés en soutien des forces du ministère de l’intérieur pour contribuer à cette protection.
Par ailleurs, les effectifs de la force opérationnelle terrestre vont être portés à 77 000 hommes, au lieu des 66 000 initialement prévus. Il y aura donc bien 11 000 militaires supplémentaires qui participeront à toutes les activités, en particulier dans le cadre des OPEX.
L’actualisation de la LPM impose par ailleurs une moindre déflation de 18 750 postes, afin d’adapter l’organisation des armées à cette évolution de leurs missions. Je précise que le plan de restructuration pour 2015 n’est pas remis en cause par la réduction des déflations d’effectifs.
Je tiens à saluer cette décision du Président de la République, qui permettra non seulement de maintenir la qualité de nos interventions à l’extérieur, puisque nous serons en mesure de mobiliser à tout moment 10 000 hommes, mais également de pourvoir 650 postes supplémentaires dans le domaine du renseignement, et au moins 500 postes dans le domaine de la cyberdéfense, notamment des experts et des analystes capables de traiter les flux de plus en plus importants d’informations.
Le projet que nous examinons aujourd’hui donne à cette décision une traduction budgétaire d’une ampleur inédite puisqu’il prévoit une augmentation du budget de la défense de 3,8 milliards d’euros par rapport à la trajectoire initiale. C’est en effet la première fois dans notre pays qu’une LPM voit ses crédits augmenter en cours d’exécution, le principe des ressources exceptionnelles étant de surcroît abandonné au profit de véritables crédits budgétaires.
Le projet de loi tend aussi à instaurer le droit pour les militaires de créer des associations professionnelles nationales et militaires et d’y adhérer librement – et seulement à celles-ci. Cette nouvelle possibilité est toutefois assortie de restrictions légitimes, afin que ne soient remises en cause ni les obligations fondamentales et constitutionnelles de nos armées ni l’unicité du statut militaire.
Robert del Picchia et moi-même avons souhaité déposer un amendement pour rétablir la rédaction du projet de loi initial, selon laquelle les nouvelles ANPM pourraient se porter partie civile uniquement pour des faits dont elles sont personnellement et directement victimes, alors que la commission de la défense de l’Assemblée nationale a élargi cette faculté en autorisant la constitution de partie civile pour tous les faits dépourvus de lien avec des opérations mobilisant des capacités militaires. Nous pensons, en effet, que cet élargissement pourrait aboutir à une judiciarisation croissante de l’action militaire.
Autre dispositif important figurant dans le texte : l’expérimentation d’un service militaire volontaire, sur la base de l’expérience du service militaire adapté. Là aussi, nous avons déposé un amendement, afin d’étendre ce service aux missions de sécurité civile et aux chantiers d’application en outre-mer et à l’étranger. Pour nous, il importe de ne pas se cantonner à la seule métropole.
Si la réintroduction, souhaitée par certains, d’un service militaire obligatoire me semble totalement inadaptée aux enjeux actuels, en revanche, le déploiement du service militaire volontaire et le renforcement des réserves militaires opérationnelles et citoyennes répondent aux besoins du pays et aux aspirations des Français. Vous le savez, j’insiste depuis plusieurs années sur la nécessité de renforcer le lien entre l’armée et la Nation, notamment pour une classe d’âge qui peine parfois à trouver ses repères dans notre société. Ces dispositifs devraient faire consensus sur les travées de la Haute Assemblée.
Le ministre de la défense doit pouvoir compter sur la mobilisation des sénateurs pour garantir la sécurité de notre pays. Il y va de la crédibilité de notre gouvernement auprès de nos militaires et du maintien d’un niveau d’ambition élevé de la France sur la scène internationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Leila Aïchi applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout a été dit sur l’actualisation de la programmation militaire qui nous est proposée. Force est de constater qu’elle renforce, sans les modifier, les équilibres fondamentaux définis en 2013, ce qui signifie, en particulier, que n’est pas remis en cause le principe de la dissuasion nucléaire sous ses deux composantes, océanique et aéroportée, non plus que l’importance de l’effort budgétaire en ce domaine.
C’est un premier motif de satisfaction que je voulais souligner.
Le second point positif de cette actualisation est qu’elle renforce sensiblement les capacités en faveur du renseignement spatial et des drones, deux sujets qui méritent que l’on s’y attarde un peu.
En premier lieu, nos moyens d’observation spatiale seront améliorés par l’acquisition d’un troisième satellite de la capacité spatiale observation, CSO, en coopération avec l’Allemagne.
Le Conseil des ministres franco-allemand qui s’est tenu à Berlin le 31 mars dernier a en effet décidé de mettre en place une coopération entre le futur système allemand d’observation radar par satellite SARAL et le système de capacité spatiale d’observation français CSO, en cours de réalisation. Vous nous avez confirmé, monsieur le ministre, que cette coopération avait été approuvée par le Bundestag, ce qui est une très bonne nouvelle.
L’accord comprend, pour la France, l’acquisition d’un segment sol SARAL et, pour l’Allemagne, l’acquisition d’un segment sol CSO, afin de permettre l’échange d’images entre les deux pays.
Cet accord prévoit également le financement par l’Allemagne, aux deux tiers, c’est-à-dire pour un montant de 210 millions d’euros, d’un troisième satellite CSO de reconnaissance, dont la mise en service est prévue pour 2022.
En second lieu, il est désormais prévu d’acquérir une charge utile de renseignement d’origine électromagnétique sur drone MALE Reaper. Il s’agit de renforcer ainsi l’appui de nos forces en opérations extérieures, appui qui s’avère indispensable. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire vers quel type de charge nous nous dirigeons ?
Vous savez que l’achat de drones Reaper a été fortement soutenu par les rapporteurs du programme 146 de la commission des affaires étrangère, de la défense et des forces armées. Actuellement, les Reaper qui sont en possession de nos armées servent de manière intensive dans la bande sahélo-saharienne. Nos forces ne peuvent d’ailleurs plus se passer de cet apport essentiel.
Il est donc heureux que la livraison de douze drones MALE au total sur la durée de la programmation soit aujourd’hui confirmée. Trois d’entre eux sont livrés ; trois sont en commande, donc à venir, et six seront commandés par la suite, si j’ai bien compris. (M. le ministre de la défense acquiesce.)
Parallèlement, l’effort de recherche pour une génération de drones MALE, à l’horizon 2025, se poursuit : en mai dernier, l’Allemagne, l’Italie et la France sont convenues d’une étude d’environ deux ans pour déterminer les besoins opérationnels et élaborer un prototype. Le contrat serait de l’ordre de 60 millions d’euros, partagés entre les trois pays partenaires.
Monsieur le ministre, selon vous, quand ce contrat pourra-t-il prendre forme ?
Je note que l’actualisation de la programmation militaire tient également compte des avancées réalisées en ce qui concerne les drones tactiques.
Le programme « système de drones tactiques », SDT, se poursuit en vue de remplacer, à l’horizon 2017, les équipements en service dans l’armée de terre. L’installation de drones tactiques sur des bâtiments de la marine est aussi envisagée, notamment pour les futures frégates de taille intermédiaire.
Je conclurai en évoquant les risques liés à l’utilisation de mini-drones, récemment apparus avec les survols illégaux d’installations sensibles. Même si la menace n’est pas avérée, elle est potentielle pour les activités de défense. L’actualisation de la programmation militaire les prend en compte puisqu’il est expressément prévu qu’une première réponse sera mise en place avant la fin de l’année, avec l’achat de moyens existants, afin de détecter ces mini-drones et, éventuellement, d’en prendre le contrôle ou de les détruire.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le calendrier de ces acquisitions ?
Après avoir abordé ces aspects touchant à l’espace et aux drones, que je suis plus particulièrement au sein du programme 146, je voudrais dire de manière plus générale que cette actualisation de la programmation militaire, dans la mesure où elle renforce les moyens de défense, va dans le bon sens en inversant la tendance. Encore faudra-t-il que les promesses soient tenues et que les reports de charges soient maîtrisés. Pour s’en assurer, la commission, sous l’impulsion de son président Jean-Pierre Raffarin, a introduit dans le projet de loi plusieurs clauses de sauvegarde. C’est fort de ces assurances que, avec mes collègues du groupe Les Républicains, je voterai ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Madame la présidente, je souhaite répondre rapidement à quelques observations qui ont été faites, en complément de tout ce que j’ai déjà pu dire tant devant la commission de la défense que devant la commission des finances.
Tout d’abord, je tiens à remercier le président et rapporteur de la commission des affaires étrangères, Jean-Pierre Raffarin, ainsi que le rapporteur pour avis de la commission des finances, Dominique de Legge, aussi bien de leur soutien que de leur vigilance.
Je veux répondre à une préoccupation particulièrement forte que, parmi d’autres, ils ont exprimée et qui porte sur la validation des engagements financiers, en particulier pour 2015 – M. Gautier a parlé de la « soudure ».
Je crois l’avoir déjà dit, j’ai obtenu à la fois une levée anticipée de la réserve de précaution et un décret d’avance, ce qui permettra d’éviter les difficultés de trésorerie.
M. le président Raffarin a posé une question précise : sommes-nous capables de dépenser 2 milliards d’euros entre le 30 décembre et le 31 décembre ? La réponse est oui, car nous avons un logiciel qui marche – cela arrive ! (Sourires.) –, à savoir le logiciel Chorus, grâce auquel nous pouvons ne prévoir une loi de finances rectificative qu’à ce moment-là, même s’il y a d’autres raisons pour retarder le collectif, en particulier celles qui tiennent à la maîtrise budgétaire globale.
Cependant, je vous confirme que, à partir du moment où la loi de finances rectificative aura été votée, nous pourrons rapidement engager cette dépense, grâce à notre logiciel. Aussi, monsieur le président, nous pouvons prendre un rendez-vous téléphonique pour le 31 décembre au soir afin de vérifier si les 2 milliards d’euros ont bien été dépensés ! (Nouveaux sourires.)
S’agissant de l’échéancier des ressources additionnelles sur 2016-2019, je vous précise que l’échelonnement a été calibré au plus juste. D’abord, il permet la réalisation immédiate du contrat « Protection ». Ensuite, il est cohérent avec l’échéancier des commandes et des livraisons. C’est la raison pour laquelle – je m’adresse là, aussi, à M. Gautier –, nous allons engager le plus rapidement possible les commandes dès 2015-2016, ce qui permettra la mobilisation des crédits à l’échéance que j’ai indiquée tout à l’heure. J’ajoute que ces crédits seront complétés, dès 2016, par les marges dégagées sur le coût des facteurs.
En ce qui concerne ce coût, je veux préciser que le gain en pouvoir d’achat de 1 milliard d’euros qui a été identifié fait l’objet d’un rapport conjoint de l’Inspection générale des finances et du Contrôle général des armées. Les montants que j’indique ont été confortés par ces deux corps d’inspection et sont donc disponibles pour les engagements que j’ai évoqués dans mon propos introductif.
Monsieur Bockel, vous vous demandez si nous allons pouvoir trouver les effectifs nécessaires. Sachez que nous avons constaté, depuis 2014, un ratio très encourageant pour les recrutements : 2,4 candidats pour 1 poste.
Nous allons devoir recruter 11 000 femmes et hommes en 2015, et plus de 12 000 en 2016. Afin que nous soyons vraiment prêts pour ce rendez-vous, nous organiserons donc cinq campagnes de recrutement en 2015, au lieu de trois, et le même nombre l’année suivante.
Je ne suis pas inquiet quant à ces recrutements, qu’il s’agisse de leur volume ou de leur qualité.
S’agissant de la réserve opérationnelle, je partage votre conviction, madame Garriaud-Maylam. Nos déclarations à cet égard pouvaient paraître incantatoires à un moment donné, dans la mesure où ce sujet est évoqué depuis fort longtemps. Pour ma part, en tant que député siégeant au sein de la commission de la défense nationale à partir de 1978, j’en ai toujours entendu parler...
Il y a désormais un changement de culture au sein de nos armées concernant l’importance de la réserve.
J’ai par ailleurs engagé des discussions intenses et positives avec le MEDEF en vue de permettre, à l’horizon 2020, l’engagement sur le terrain de 1 000 femmes et hommes par jour. Nous nous rejoignons donc sur cet objectif, madame la sénatrice. (Mme Joëlle Garriaud-Maylam acquiesce.)
MM. Reiner, Gautier et Pintat m’ont interrogé à propos des équipements. Je tiens à leur dire que nous serons très vigilants sur le respect des engagements que j’ai énoncés dans mon propos introductif, y compris, monsieur Gautier, sur la rapidité de mobilisation des quatre C 130.
Pour ce qui concerne les hélicoptères, je vous indique, messieurs les sénateurs, que je suis très attentif à l’aéromobilité. Il s’agit là d’une inflexion forte de l’actualisation de la programmation militaire, même si l’on n’en a pas beaucoup parlé jusqu’à présent.
La force aéromobile est au centre du programme de l’armée de terre, car elle est très importante lorsque celle-ci est au contact. De nouvelles commandes sont nécessaires, des travaux d’entretien sont indispensables et il convient aussi d’assurer une meilleure efficacité de la maintenance ; je pense en particulier aux pièces de rechange, problème qui, je le sais, vous préoccupe particulièrement. Nous allons acquérir, pour les Tigre, deux lots de déploiement supplémentaires, qui passeront ainsi de trois à cinq.
M. Pintat a insisté sur l’ensemble du paquet « renseignement ». Je tiens à lui dire que non seulement tous les engagements en la matière sont respectés, mais que leur mise en œuvre est accélérée, y compris pour ce qui concerne les drones Reaper.
J’ai évoqué avant-hier, avec mon homologue américain, la question de la charge utile de renseignement d’origine électromagnétique, dite ROEM, sur les drones Reaper. Je ne peux guère m’étendre sur ce sujet à cette tribune, mais je suis en mesure de vous dire que l’ensemble du dispositif sera prêt à temps, tout comme les moyens de lutte contre les drones de petite envergure, lesquels ont fait l’actualité ces temps derniers.
M. Trillard a beaucoup insisté sur la question de l’entretien. Il s’agit pour nous d’une préoccupation essentielle. Nous consacrons à ce poste 500 millions d’euros, qui s’ajoutent à l’augmentation de 4,3 % par an prévue dans la loi de programmation initiale. Cet effort très significatif était indispensable en raison des conditions extrêmes auxquelles sont soumis nos matériels.
Quant à la dissuasion, évoquée par Mme Aïchi, par Mme Michelle Demessine, avec laquelle – je le réaffirme – je suis en désaccord sur ce point, et par M. Pintat, elle constitue l’un des éléments majeurs de notre sécurité, plus encore aujourd’hui qu’hier.
On constate en effet que nombre de puissances accroissent leurs dépenses ou leurs arsenaux. Certaines n’hésitent pas à effectuer des démonstrations avec leurs armements nucléaires, aussi bien à l’est du continent européen qu’en Asie. Nous estimons que c’est une raison supplémentaire d’assurer la sanctuarisation du financement de la dissuasion, sachant que celui-ci s’inscrit, pour ce qui concerne notre pays, dans une volonté d’assurer un strict équilibre, sans aller au-delà de ce qu’implique la dissuasion. C’est ce qui nous permet de garantir notre autonomie stratégique et cet élément de notre sécurité n’est aucunement remis en cause.
J’en viens au sujet de l’Europe, évoqué par plusieurs d’entre vous.
Je précise à MM. Lorgeoux, Bockel et Esnol que, lors du dernier Conseil européen, des avancées ont été obtenues à l’issue d’un débat qui a eu le mérite d’avoir lieu, en dépit d’une actualité chargée. Le Conseil a ainsi décidé que, pour la première fois, des crédits de recherche européens sur les sujets militaires seraient identifiés et affectés à des programmes.
Je retiens, par ailleurs, la mise en place du programme train and equip, instrument qui va servir à financer, sur fonds européens, les équipements des armées que nous formons.
Enfin, dans le domaine opérationnel, ce rendez-vous nous a permis d’évoquer la mise en œuvre effective des groupements tactiques de l’Union européenne, les GTUE. Nous devrions aboutir à un résultat sur ce point, tout comme sur l’élargissement du périmètre du mécanisme Athena de financement des opérations militaires, qui permet la prise en compte par l’Union des coûts d’intervention en OPEX. Voilà ce qu’il en est sur le plan capacitaire.
Sur le plan industriel, qu’il s’agisse des drones ou de l’armement terrestre, des avancées significatives ont également été obtenues avec nos voisins allemands et italiens.
Ces différentes avancées me permettent de dire que l’Europe de la défense avance pas à pas, grâce à la détermination de la France, qui n’a jamais été contestée, et à force de pressions et de constats de nécessité.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques remarques que je souhaitais faire avant la discussion des articles.
Je tiens à vous remercier du soutien que vous apportez à nos armées. Le fait que les armées françaises se situent au premier rang des armées européennes doit être pour nous tous un motif de fierté. Dans le contexte actuel, c’est également une ardente nécessité.
Depuis trois ans que j’ai l’honneur d’être à la tête du ministère de la défense, je suis également fier de mener cette action en lien étroit avec votre Haute Assemblée, dans un esprit de confiance et de dialogue, celui-là même qui a présidé, une fois de plus, à ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense
Chapitre Ier
Dispositions portant actualisation de la programmation militaire pour les années 2015 à 2019
Article 1er et rapport annexé (réservés)
Mme la présidente. Je rappelle que l’article 1er et le rapport annexé ont été réservés, à la demande de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, jusqu’à la fin de la discussion des articles.
Article 2
I. – (Non modifié) L’article 3 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 3. – Les ressources financières de la programmation militaire, hors charges de pensions, majorées d’un montant de 3,8 milliards d’euros courants, évolueront comme suit :
« |
(En milliards d’euros courants) |
|||||||
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
Total 2015-2019 |
|||
Ressources totales |
31,38 |
31,98 |
32,26 |
32,77 |
34,02 |
162,41 |
||
Dont crédits budgétaires |
31,15 |
31,73 |
32,11 |
32,62 |
33,87 |
161,48 |
||
Dont ressources issues de cessions |
0,23 |
0,25 |
0,15 |
0,15 |
0,15 |
0,93 |
» |
II. – (Non modifié) En cas de hausse du prix constaté des carburants opérationnels, la mission « Défense » bénéficie de mesures financières de gestion et, si la hausse est durable, des crédits supplémentaires sont ouverts en construction budgétaire, pour couvrir les volumes nécessaires à la préparation et à l’activité opérationnelle des forces.
III. – Dans l’hypothèse où l’évolution des indices économiques ne permettrait pas de dégager les ressources financières permettant d’assurer la soutenabilité financière de la trajectoire d’équipement des forces fixée par la présente loi de programmation, la compensation nécessaire au respect de celle-ci serait assurée au moyen de crédits budgétaires.
IV. – Dans l’hypothèse où le montant des ressources issues de cessions ou le calendrier selon lequel les crédits correspondants sont affectés au budget de la défense ne seraient pas réalisés conformément à la présente loi de programmation, ces ressources seraient intégralement compensées par des crédits budgétaires sur la base d’un financement interministériel.
V (nouveau). – Le I de l’article L. 3211-7 du code général de la propriété de personnes publiques est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La décote ne s’applique pas aux cessions d’immeubles domaniaux mis à la disposition du ministère de la défense. »
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau, sur l’article.
M. Joël Guerriau. Monsieur le ministre, en 2013, la loi de programmation militaire était mal engagée, avec une forte contrainte budgétaire alors que débutaient les interventions au Mali. Nous constatons que vous avez su transformer d’aléatoires recettes extrabudgétaires en crédits budgétaires, soit 9 milliards d’euros de crédits supplémentaires sur la période 2015-2019, qui se décomposent en 5,2 milliards d’euros de recettes exceptionnelles transformées en crédits et 3,8 milliards d’euros de rallonge.
Nous saluons la réussite à l’exportation de l’avion de combat Rafale, en Égypte, au Qatar et, prochainement, en Inde.
La construction de frégates permet également d’optimiser la charge des chantiers concernés.
Ces succès à l’export soulagent le budget de la défense et contribuent largement à la réalisation de cette LPM. Une bonne partie de cette manne contribue à renforcer le traitement des militaires et une autre partie, à remplacer et à moderniser nos équipements. Tout cela serait admirable si ces annonces ne masquaient pas une question essentielle, celle du financement des programmes nucléaires pour 400 millions à 600 millions d’euros de plus chaque année.
Nos excellents résultats à l’exportation ont un impact favorable à court terme, mais placent la barre très haut pour les prochaines années. Au rythme où vont nos besoins, ne faudra-t-il pas, à moyen terme, trouver encore de nouvelles recettes pour le financement pérenne des programmes militaires, ainsi que pour celui des OPEX ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Luche, sur l’article.
M. Jean-Claude Luche. Cet article 2 nous donne l’occasion de rappeler les interrogations qui subsistent sur la vente des fréquences hertziennes, et peut-être d’obtenir des réponses à cet égard.
S’agissant du calendrier de cette vente, il a d’abord été question de 2016, voire de 2017. Puis, la vente a été espérée cette année.
Monsieur le ministre, seriez-vous en mesure de nous donner rapidement un calendrier de la vente de ces fréquences, au regard des négociations qu’il faudra mener avec les opérateurs et des nécessaires adaptations de la télévision numérique pour les utilisateurs ?
Par ailleurs, cette vente semble intervenir bien tôt, notamment par rapport à ce que l’on observe chez nos voisins européens. Ne pourrait-on pas espérer qu’elle rapporte bien davantage si elle intervenait plus tard ?
Mme la présidente. L’amendement n° 18, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Tout d’abord, pour répondre à la question de M. Luche, je tiens à préciser que la question du lien entre la mise aux enchères des fréquences hertziennes et le budget de la défense n’est plus d’actualité depuis déjà un mois, dans la mesure où il n’y a plus de ressources exceptionnelles. Je ne suis donc plus concerné, en tant que ministre de la défense, par ce sujet des fréquences.
J’en viens à l’amendement n° 18, qui vise à supprimer l’alinéa 5, introduit à l’article 2 lors des travaux en commission.
Pour ce qui concerne la garantie du gain de pouvoir d’achat résultant de l’évolution des projections d’indices depuis 2013, je comprends l’objectif visé. Vous comprendrez néanmoins que je ne puisse soutenir cet ajout. En effet, c’est sur la base d’un chiffrage solide, étayé par l’Inspection générale des finances et le Contrôle général des armées, que des gains d’un montant de 1 milliard d’euros ont été mobilisés dans le financement des programmes d’armement.
Comme le disait fort savamment M. le rapporteur pour avis, l’actualisation est programmatique et le budget est normatif. Je vous renvoie donc à l’exercice budgétaire annuel, tout en vous assurant de ma volonté de vous donner très régulièrement toutes les informations relatives à l’évolution des indices.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapporteur. Si vous le permettez, madame la présidente, je donnerai en même temps l’avis de la commission sur l’amendement suivant, n° 19, également déposé par le Gouvernement. Ces deux amendements visent en effet à supprimer la clause de sauvegarde qui serait mise en œuvre au cas où le financement budgétaire ferait défaut. L’amendement n° 18 concerne l’évolution des indices économiques et l’amendement n° 19, les cessions d’immeubles.
Nous aborderons ces questions en commission mixte paritaire. Nous avons bien entendu votre message, monsieur le ministre, mais il nous semble plus sage d’émettre un avis défavorable afin que nous puissions débattre de façon argumentée avec nos collègues députés.
Mme la présidente. L’amendement n° 19, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
Mme la présidente. La commission a déjà fait part de son avis défavorable sur cet amendement.
Je mets aux voix l’amendement n° 19.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 24, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 7 et 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cet amendement relève du même esprit que les précédents.
Le Sénat a souhaité garantir davantage la capacité budgétaire du ministère de la défense, et donc de l’actualisation, en exonérant le ministère de la défense de sa participation au dispositif d’aide au logement social et en prévoyant que le produit des cessions immobilières serait totalement affecté audit ministère.
Nous avons procédé à l’analyse de nos recettes potentielles de manière très précise et en nous donnant beaucoup de marge. La crédibilité des recettes attendues sur la période est donc totale.
Par ailleurs, je ne souhaite pas que le ministère de la défense soit exonéré de sa contribution au dispositif d’aide au logement social. Peut-être la discussion en commission mixte paritaire permettra-t-elle de trouver une solution de compromis.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur. L’avis est défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
Vous le comprenez bien, monsieur le ministre, notre principal objectif est de protéger au maximum, dans la mesure du possible, le budget de la défense et d’éviter que celui-ci soit par trop sollicité.
Je pense que cette prise de position ferme du Sénat permettra de trouver les compromis nécessaires avec nos interlocuteurs de l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. Le groupe socialiste votera cet amendement.
Lorsqu’il procède à des ventes immobilières, le ministère de la défense ne peut se dispenser de proposer une décote en vue de favoriser la construction de logements sociaux. Cela nous paraît assez naturel !
On ne peut pas, en tant que maire d’une commune, demander la décote dès lors que l’on décide d’acquérir un terrain militaire et, ici, en tant que parlementaire, prétendre priver le ministère de la défense de la possibilité de décider une telle décote.
Néanmoins, je comprends que la commission cherche à garantir les recettes des cessions immobilières. Sans doute sera-t-il possible, en commission mixte paritaire, de trouver une solution de compromis consistant à limiter cette décote.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 2 bis (nouveau)
Le premier alinéa de l’article 4 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 précitée est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le ministère de la défense ne contribue pas à ce financement interministériel. »
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau, sur l'article.
M. Joël Guerriau. Les opérations extérieures ont fortement mobilisé l’ensemble de nos troupes. L’efficacité opérationnelle nécessite de prendre en considération les difficultés matérielles et morales auxquelles elles sont confrontées.
Les opérations menées de front par l’armée française ne pourront se poursuivre sur le long terme sans effectifs supplémentaires, d’autant que les théâtres d’opération ont parfois des dimensions considérables. Ainsi, la zone du Sahel représente à elle seule huit fois la superficie de la France.
La France s’est investie au-delà de ses capacités. Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, elle assume ses responsabilités. Pourrons-nous durablement maintenir toutes les opérations extérieures en cours ?
Les OPEX démontrent la nécessité d’une Europe de la défense, nécessité dont le groupe UDI-UC est absolument convaincu. (M. Jean-Marie Bockel applaudit.)
Mme la présidente. L'amendement n° 20, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le dépassement de la dotation annuelle au titre des opérations extérieures, fixée à 450 millions d'euros en loi de finances, fait l’objet d’un financement interministériel inscrit dans le projet de loi initial. Il est donc logique que le ministère de la défense y contribue.
Sans reprendre le débat général sur le financement des OPEX, je me permets d’insister sur la solidarité interministérielle et sur la nécessité de maintenir la participation du ministère de la défense à ce partage des surcoûts. C'est la raison pour laquelle cet amendement vise à supprimer la disposition visant à en exonérer le ministère de la défense, qu’a introduite la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur. C’est toujours la même philosophie de protection du budget du ministère de la défense qui anime la commission. Dans la mesure où le ministère de la défense finance déjà ces OPEX en loi de finances initiale, la commission estime qu’il convient de le dispenser des surcoûts.
Par conséquent, même si la commission a une position très ouverte sur la question, dans le droit fil de ses avis précédents, elle émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. Le groupe socialiste votera cet amendement. Ne pas le faire reviendrait à remettre en cause la solidarité interministérielle pour les opérations extérieures, qui constitue une tradition fort ancienne. Il serait donc assez malvenu que le ministère de la défense n’y contribue pas. (M. André Trillard s’exclame.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2 bis.
(L'article 2 bis est adopté.)
Article 2 ter (nouveau)
Après l’article 4 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 précitée, il est inséré un article 4-1 ainsi rédigé :
« Art. 4-1. – Le coût net, hors titre 5, des missions intérieures fait l’objet d’un financement interministériel.
« Les missions intérieures en cours font l’objet d’un bilan politique, opérationnel et financier communiqué par le Gouvernement aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat en même temps que le bilan mentionné au dernier alinéa de l’article 4 de la présente loi. »
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau, sur l'article.
M. Joël Guerriau. Ce projet de loi permet de conserver 18 750 postes, avec un déploiement d’effectifs sur le territoire national pour des opérations intérieures. Si nos militaires peuvent assumer cette mission ponctuellement, il ne leur revient pas de le faire de manière pérenne.
D’autres fléchages de financement sont possibles. N’avons-nous pas, au ministère de l’intérieur, de discutables suppressions d’effectifs de gendarmes et de policiers, des fermetures de gendarmeries et de commissariats ? Parfois, nos forces de police travaillent dans des conditions déplorables ou dans des locaux vétustes ou inadaptés.
Le manque d’effectifs de police et de gendarmerie, dont la sécurité intérieure est le métier, ne doit pas être compensé de manière pérenne par le déploiement de militaires. Au contraire, nous souhaitons qu’une attention particulière soit portée au renforcement des forces de sécurité intérieure.
Mme la présidente. L'amendement n° 23, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
II. - En conséquence, alinéa 3
Faire précéder cet alinéa de la mention :
« Art. 4–1. –
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Dans la même logique que précédemment, il s’agit de revenir sur des modifications apportées en commission qui suppriment un mécanisme de financement interministériel des coûts suscités par les missions intérieures, sur le modèle de celui des opérations extérieures.
Le montant des surcoûts induits en 2015 par l’opération Sentinelle, qu’il s’agisse des dépenses de rémunération, de fonctionnement ou d’investissement, sera consolidé à la fin de l’année et fera l’objet d’une discussion interministérielle permettant sa prise en compte dans les arbitrages gouvernementaux de fin de gestion de l’année 2015.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur. La commission veut aider le ministre dans son ultime phase de négociation à la fin de l’année 2015 et lui donner les moyens de mutualiser les opérations intérieures. Ce sujet a fait l’objet de longues discussions en commission. Ce n’est pas un point de doctrine majeur ; il s’agit surtout d’envoyer un signal.
Si les missions intérieures devaient se développer de manière très importante, il faudrait que leur coût soit partagé. C’est une position de principe que la commission souhaite affirmer, mais sur laquelle elle est évidemment prête à discuter.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. Le groupe socialiste votera cet amendement.
Chaque année, le Parlement vote le budget de la défense, qui inclut des équipements, des rémunérations, etc. Il serait tout de même surprenant, voire paradoxal que, chaque fois que des missions sont décidées, qu’elles soient extérieures ou intérieures, on fasse appel à la solidarité interministérielle et non au budget du ministère de la défense.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2 ter.
(L'article 2 ter est adopté.)
Article 3
(Non modifié)
L’article 5 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 5. – La réduction nette des effectifs du ministère de la défense s’élèvera à 6 918 équivalents temps plein sur la période 2015-2019 ; les évolutions s’effectueront selon le calendrier suivant :
« « |
(En équivalents temps plein) |
||||||
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
Total 2015-2019 |
||
Évolution des effectifs |
0 |
+2 300 |
-2 600 |
-2 800 |
-3 818 |
-6 918 |
« Ces évolutions d’effectifs porteront sur les seuls emplois financés sur les crédits de personnel du ministère de la défense. Au terme de cette évolution, en 2019, les effectifs du ministère de la défense s’élèveront ainsi à 261 161 agents en équivalents temps plein.
« À ces évolutions, s’ajouteront les augmentations d’effectifs de volontaires nécessaires à l’expérimentation du service militaire volontaire, ainsi que les augmentations d’effectifs éventuelles du service industriel de l’aéronautique. »
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau, sur l'article.
M. Joël Guerriau. Monsieur le ministre, les mesures prises dans le domaine du renseignement et de la cyberdéfense constituent l’un des points forts de ce projet.
Le terrorisme international utilise tous les moyens médiatiques pour séduire, convaincre, tromper ou terroriser, notamment à partir des réseaux sociaux. Nous devons gagner la bataille du cyberespace, car la cybernétique est à la source d’une réelle menace, qui ne cesse de croître en se perfectionnant.
En 2013, la LPM soulignait que les risques et menaces restaient « élevés ». L’armée estime désormais qu’ils « augmentent ». Ce déploiement d’effectifs est une réponse objective au besoin d’un corps militaire nouveau. Nous en sommes très satisfaits.
Les imprimantes 3D et les drones civils constituent également de nouvelles menaces. La diffusion rapide de ces technologies induit des risques difficilement prévisibles.
Les drones – aériens, terrestres ou marins –, la banalisation de la biologie moléculaire, la fabrication par les technologies numériques, notamment les imprimantes 3D, impliquent un contrôle renforcé. Le conflit en Ukraine montre que ces nouvelles technologies peuvent servir à surveiller et à tuer.
Les dispositions contenues à cet article constituent de bonnes initiatives.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Nougein, sur l'article.
M. Claude Nougein. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous comprendrez que, avant de s’exprimer sur cet article, le sénateur de Corrèze que je suis ait particulièrement à cœur de rendre hommage aux soldats – aux « Bisons », puisque tel est leur nom – fiers et vaillants du 126e régiment d’infanterie de Brive-la-Gaillarde. C’est un régiment qui n’a cessé de s’illustrer sur des théâtres d’opération extrêmement difficiles. Au nom de la représentation nationale, je veux leur dire notre reconnaissance, notre respect et notre soutien.
Je souhaite à présent appeler l’attention sur les conséquences des déflations d’effectifs et des restructurations. Selon les dispositions de la loi de programmation militaire de 2013, le ministère de la défense était censé supporter 60 % des baisses totales des effectifs de l’État. C’est absolument ahurissant ! Quel autre ministère supporterait de telles compressions de personnel, alors que ses missions s’accroissent ?
Paradoxalement, nous savons que d’autres ministères peinent encore à pourvoir les créations de postes prévues par la loi de finances, dont l’utilité n’est pas toujours avérée. De fait, l’article 3 renoue avec la réalité, en réduisant l’ampleur des suppressions de postes. Cette lucidité mérite d’être saluée.
En outre, cela permet la création de nouveaux postes ciblés. Pour être plus précis, le redéploiement de personnels issus des préservations de postes profitera principalement à la force opérationnelle terrestre, dont les effectifs passeront de 66 000 à 77 000 hommes. Cette avancée répond aussi aux engagements internationaux de la France.
Cependant, il ne faut pas oublier que le ministère de la défense a connu de nombreuses réformes structurelles ayant bouleversé son organisation et son identité. Il faut lui laisser le temps d’intégrer et de « digérer » ces réformes. Si les actualisations permettent des réajustements, il ne faudrait pas que celles-ci riment à terme avec instabilité.
Des changements de cap trop fréquents pourraient fragiliser nos capacités opérationnelles. De surcroît, l’institution et les hommes ont besoin aussi d’être rassurés et de savoir où ils vont. C’est ce qu’ils demandent. Tâchons d’y veiller !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
Les articles 3 et 5 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 précitée, dans leur rédaction résultant des articles 2 et 3 de la présente loi, font l’objet d’un rapport d’évaluation remis par le Gouvernement au Parlement en 2017, au plus tard le 31 mars, en vue, le cas échéant, d’une nouvelle actualisation. – (Adopté.)
Article 4 bis
Après le deuxième alinéa de l’article 10 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport décrit la politique de gestion des ressources humaines du ministère de la défense. À ce titre, il présente les effectifs du ministère et leur répartition par armée, direction et service, ainsi que par catégorie et par grade. Il justifie l’évolution de ces effectifs et de cette répartition pour chaque année de la période 2014-2019. Il comporte une analyse de l’évolution de la masse salariale du ministère et un bilan de l’utilisation des mesures d’incitation au départ. » – (Adopté.)
Article 4 ter (nouveau)
Le Gouvernement remet, avant le 31 décembre 2015, un rapport au Parlement sur les conditions d’emploi des forces armées lorsqu’elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population. Ce rapport fait l’objet d’un débat.
Mme la présidente. L'amendement n° 21, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Remplacer la date :
31 décembre 2015
par la date :
31 mars 2016
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il s’agit de revenir à la date initiale de remise au Parlement du rapport sur les conditions d’emploi des forces armées sur le territoire national, à savoir le 31 mars 2016.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur. La commission a proposé la date du 31 décembre 2015, ayant en perspective l’organisation d’un débat avant l’année qui précède l’élection présidentielle, plus précisément en février ou en mars 2016. Par conséquent, si le Gouvernement acceptait la date du 31 janvier 2016 et rectifiait son amendement en ce sens, la commission émettrait un avis favorable.
Mme la présidente. Monsieur le ministre, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par la commission ?
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 21 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Remplacer la date :
31 décembre 2015
par la date :
31 janvier 2016
Je mets aux voix l'amendement n° 21 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4 ter, modifié.
(L'article 4 ter est adopté.)
Article additionnel après l'article 4 ter
Mme la présidente. L'amendement n° 13, présenté par M. de Legge, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre II du titre Ier du livre III de la partie 2 du code de la défense est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l’article L. 2312-1 est complété par les mots : « ou, sur la proposition de son président, d’une commission parlementaire mentionnée aux articles 43 ou 51-2 de la Constitution » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 2312-4, après les mots : « devant elle », sont insérés les mots : « ou une commission parlementaire mentionnée aux articles 43 ou 51-2 de la Constitution sur la proposition de son président » ;
3° Après le mot : « considération », la fin de la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 2312-7 est ainsi rédigée : « , d’une part les missions du service public de la justice, le respect de la présomption d’innocence et les droits de la défense, ou l’exercice du pouvoir de contrôle du Parlement, d’autre part le respect des engagements internationaux de la France ainsi que la nécessité de préserver les capacités de défense et la sécurité des personnels. » ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 2312-8, après le mot : « juridiction », sont insérés les mots : « ou au président de la commission parlementaire ».
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Dispositions relatives au secret de la défense nationale
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des finances. Cet amendement vise à tirer les conséquences de la classification « secret défense » du rapport Charpin. Pour ma part, j’ai pu me procurer ce rapport, dont la presse s’est d’ailleurs largement fait l’écho. Tous ceux qui l’ont lu ont constaté qu’il n’avait rien de confidentiel, qu’il était purement technique, comme cela a été dit au cours de la discussion générale. Le problème est que, par définition, on ne peut pas exploiter publiquement un document ayant été ainsi classé.
Aujourd'hui, les juridictions peuvent saisir la Commission consultative du secret de la défense nationale et lui demander son avis sur le bien-fondé de la classification totale ou partielle d’un document. Toutefois, l’avis que rend la commission n’étant que consultatif, l’autorité ayant classé le document n’est nullement tenue d’en tenir compte et, le cas échéant, de déclassifier le document incriminé.
Le présent amendement ne vise pas à modifier la classification au titre du secret défense. Nous considérons simplement qu’il n’y a aucune raison que les commissions parlementaires ne puissent pas, contrairement aux juges, saisir cette commission.
Cet amendement tend à s’inscrire dans la continuité du travail du Sénat, lequel a adopté une disposition en ce sens lors de l’examen de la loi du 8 juillet 1998, sur l’initiative de nos anciens collègues Nicolas About et Jean-Paul Amoudry.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même s’il comprend l’irritation du rapporteur pour avis, qui n’a pu prendre connaissance du rapport Charpin, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. J’en ai pris connaissance, mais je n’ai pu l’exploiter publiquement !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cet amendement vise à aligner la situation des commissions parlementaires sur celles des juridictions, en leur permettant d’exiger de l’autorité administrative qu’elle saisisse la Commission consultative du secret de la défense nationale avant de statuer sur une demande de déclassification d’une information couverte par le secret de la défense nationale.
En effet, monsieur le rapporteur, le Gouvernement ne partage pas le raisonnement, développé dans l’objet de l’amendement, selon lequel les pouvoirs de contrôle que la Constitution confère au Parlement sur l’action du Gouvernement imposeraient que la procédure applicable aux juridictions soit également ouverte aux commissions parlementaires.
Il convient de le souligner, si le Conseil constitutionnel a jugé que l’exigence constitutionnelle de préservation des intérêts fondamentaux à laquelle concourt le secret de la défense nationale devait être conciliée avec le droit à un recours juridictionnel effectif, il avait auparavant estimé à deux reprises que les pouvoirs des commissions parlementaires s’exercent sous réserve du secret de la défense nationale et que ce n’était contraire à aucune exigence constitutionnelle.
L’opposabilité du secret de la défense nationale aux commissions parlementaires doit perdurer. C'est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur. La commission est généralement favorable à la protection du secret défense et ses positions sont souvent voisines de celle que vient d’exposer le Gouvernement. Toutefois, sur ce sujet, elle partage la position de M. le rapporteur pour avis.
Concernant le rapport Charpin, il est vrai qu’il a été difficile pour la commission, qui a pu consulter ce document, de ne pas pouvoir y faire référence lors des débats publics. Le problème soulevé est donc réel.
Partagée entre le Gouvernement et le rapporteur pour avis, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 ter.
Chapitre II
Dispositions relatives aux associations professionnelles nationales de militaires
Article 5
(Non modifié)
Après le troisième alinéa de l’article L. 4111-1 du code de la défense, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La condition militaire recouvre l’ensemble des obligations et des sujétions propres à l’état militaire, ainsi que les garanties et les compensations apportées par la Nation aux militaires. Elle inclut les aspects statutaires, économiques, sociaux et culturels susceptibles d’avoir une influence sur l’attractivité de la profession et des parcours professionnels, le moral et les conditions de vie des militaires et de leurs ayants droit, la situation et l’environnement professionnels des militaires, le soutien aux malades, aux blessés et aux familles, ainsi que les conditions de départ des armées et d’emploi après l’exercice du métier militaire. »
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau, sur l'article.
M. Joël Guerriau. La représentation et le droit d’expression des militaires nous semblent essentiels. Ils participent de la modernisation sociale des armées. Selon l’UDI-UC, le texte est parvenu sur ce point à un juste équilibre.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
(Non modifié)
Le titre II du livre Ier de la quatrième partie du code de la défense est ainsi modifié :
1° L’article L. 4121-4 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« L’existence de groupements professionnels militaires à caractère syndical ainsi que, sauf dans les conditions prévues au troisième alinéa, l’adhésion des militaires en activité à des groupements professionnels sont incompatibles avec les règles de la discipline militaire. » ;
b) Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les militaires peuvent librement créer une association professionnelle nationale de militaires régie par le chapitre VI du présent titre, y adhérer et y exercer des responsabilités. » ;
2° L’article L. 4124-1 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « et au statut des militaires » sont remplacés par le mot : « militaire » ;
– à la fin de la seconde phrase, les mots : « textes d’application du présent livre ayant une portée statutaire » sont remplacés par les mots : « loi modifiant le présent livre et des textes d’application de ce livre ayant une portée statutaire, indiciaire ou indemnitaire » ;
b) (Supprimé)
c) Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Une représentation du Conseil supérieur de la fonction militaire est appelée à s’exprimer, chaque année, devant le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire. Elle peut, en outre, demander à être entendue par ce dernier sur toute question générale intéressant la condition militaire. » ;
d) Après le mot : « travail », la fin du troisième alinéa est ainsi rédigée : « . Ils peuvent également procéder à une étude des questions inscrites à l’ordre du jour du Conseil supérieur de la fonction militaire qui concernent leur armée, direction ou service. » ;
e) Au cinquième alinéa, après le mot : « sort », sont insérés les mots : « ou par élection » ;
f) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’elles sont reconnues représentatives pour siéger au Conseil supérieur de la fonction militaire, les associations professionnelles nationales de militaires et leurs unions ou fédérations y sont représentées dans la limite du tiers du total des sièges. »
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout, sur l'article.
M. Michel Billout. Cet article vise à prendre en compte la création des associations professionnelles nationales de militaires et à assurer leur coordination avec les instances de concertation qui existent de longue date au sein des armées. Ces instances ayant d’ailleurs atteint leurs limites, leur fonctionnement et leur efficacité mériteraient d’être considérablement améliorés.
Les deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ont contraint notre pays à légiférer et à instaurer un droit d’association au profit des militaires. Il faut y voir une chance et la saisir sans réticence, et non pas une obligation qui nous serait imposée de l’extérieur, au mépris de notre souveraineté et de nos traditions en la matière.
Cette mesure est une nécessité de notre époque, car la cohésion de nos forces doit reposer non plus simplement sur l’adhésion à des valeurs et sur la discipline, mais aussi sur l’attention portée aux conditions dans lesquelles les hommes et les femmes militaires exercent leur métier.
Dans le contexte actuel, cette disposition doit être considérée comme une avancée pour la condition militaire. Elle correspond à un réel besoin, qui ne pouvait s’exprimer jusqu’alors et auquel les instances actuelles de concertation ne peuvent répondre, puisque tel n’est pas leur rôle.
Il est toutefois important de préciser que la création de ces associations ne conduira nullement à l’abandon de notre système de concertation militaire organisé autour des conseils de la fonction militaire et du Conseil supérieur de la fonction militaire. Elle ne bouleversera en rien l’identité profonde de nos armées, car elle ne remettra en cause ni leurs obligations fondamentales et constitutionnelles ni l’unicité du statut militaire.
Ma collègue Michel Demessine l’a dit précédemment, la solution législative élaborée par le Gouvernement est satisfaisante, dans la mesure où elle permettra, nous l’espérons, de renforcer le dialogue au sein de nos forces armées, sans les affaiblir ni dénaturer l’état militaire.
Toutefois, pour donner plus d’efficacité à ces associations, il nous semble nécessaire de renforcer leurs prérogatives, en particulier leurs possibilités de se porter parties civiles, et de leur garantir une plus grande liberté d’expression sur les questions relevant de la condition militaire.
Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par Mme Demessine, M. Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Remplacer les mots :
sont représentées dans la limite du tiers
par les mots :
représentent au moins la moitié
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement vise la composition du Conseil supérieur de la fonction militaire.
Nous l’avons dit, les associations nationales professionnelles de militaires sont totalement nouvelles et constituent un pas en avant important. Leur mise en place doit s’effectuer de manière non pas précipitée, mais progressive. Il serait en outre intéressant de concevoir une formule attractive, motivante et de nature à susciter l’intérêt des militaires.
Monsieur le ministre, nous savons que vous souhaitez véritablement que ces associations soient créées et qu’elles puissent fonctionner efficacement. Afin de leur donner de l’importance et de leur permettre de jouer un rôle essentiel dans le dialogue interne, nous proposons que leurs représentants disposent d’au moins la moitié des sièges au Conseil supérieur de la fonction militaire, soit quatre-vingt-cinq sièges pour les militaires d’active et les retraités.
Garantir une place de premier plan aux associations nationales professionnelles de militaires serait aussi une bonne façon pour le Conseil supérieur de la fonction militaire de jouer pleinement son rôle d’instance nationale de dialogue.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur. Même si elle comprend bien l’argumentation de Mme Demessine, la commission souhaite rester le plus près possible du texte initial du Gouvernement, lequel nous paraît constituer un bon équilibre.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
Le même titre II est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :
« CHAPITRE VI
« Associations professionnelles nationales de militaires
« Section 1
« Régime juridique
« Art. L. 4126-1. – (Non modifié) Les associations professionnelles nationales de militaires sont régies par le présent chapitre et, en tant qu’elles n’y sont pas contraires, par les dispositions du titre Ier de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association et, pour les associations qui ont leur siège dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin ou de la Moselle, par les dispositions du code civil local.
« Art. L. 4126-2. – (Non modifié) Les associations professionnelles nationales de militaires ont pour objet de préserver et de promouvoir les intérêts des militaires en ce qui concerne la condition militaire.
« Elles sont exclusivement constituées des militaires mentionnés à l’article L. 4111-2. Elles représentent les militaires, sans distinction de grade, appartenant à l’ensemble des forces armées et des formations rattachées ou à au moins l’une des forces armées mentionnées à l’article L. 3211-1 ou à une formation rattachée.
« Art. L. 4126-3. – Les associations professionnelles nationales de militaires peuvent se pourvoir et intervenir devant les juridictions compétentes contre tout acte réglementaire relatif à la condition militaire et contre les décisions individuelles portant atteinte aux intérêts collectifs de la profession. Elles ne peuvent contester la légalité des mesures d’organisation des forces armées et des formations rattachées.
« Elles peuvent exercer tous les droits reconnus à la partie civile concernant des faits dont elles sont personnellement et directement victimes.
« Art. L. 4126-4. – Aucune discrimination ne peut être faite entre les militaires en raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une association professionnelle nationale de militaires.
« Sans préjudice de l’article L. 4121-2, les membres des associations professionnelles nationales de militaires jouissent des garanties indispensables à leur liberté d’expression pour les questions relevant de la condition militaire.
« Art. L. 4126-5. – (Non modifié) Une association professionnelle nationale de militaires doit avoir son siège social en France.
« Sans préjudice de l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901 précitée et des articles 55 et 59 du code civil local, pour les associations ayant leur siège dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin ou de la Moselle, toute association professionnelle nationale de militaires doit déposer ses statuts et la liste de ses administrateurs auprès du ministre de la défense pour obtenir la capacité juridique.
« Art. L. 4126-6. – (Non modifié) Les statuts ou l’activité d’une association professionnelle nationale de militaires ne peuvent porter atteinte aux valeurs républicaines ou aux principes fondamentaux de l’état militaire mentionnés aux deux premiers alinéas de l’article L. 4111-1 ni aux obligations énoncées aux articles L. 4121-1 à L. 4121-5 et L. 4122-1. Son activité doit s’exercer dans des conditions compatibles avec l’exécution des missions et du service des forces armées et ne pas interférer avec la préparation et la conduite des opérations.
« Les associations sont soumises à une stricte obligation d’indépendance, notamment à l’égard du commandement, des partis politiques, des groupements à caractère confessionnel, des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs, des entreprises, ainsi que des États. Elles ne peuvent constituer d’unions ou de fédérations qu’entre elles.
« Art. L. 4126-7. – (Non modifié) Lorsque les statuts d’une association professionnelle nationale de militaires sont contraires à la loi ou en cas de refus caractérisé d’une association professionnelle nationale de militaires de se conformer aux obligations auxquelles elle est soumise, l’autorité administrative compétente peut, après une injonction demeurée infructueuse, solliciter de l’autorité judiciaire le prononcé d’une mesure de dissolution ou des autres mesures prévues à l’article 7 de la loi du 1er juillet 1901 précitée.
« Section 2
« Les associations professionnelles nationales de militaires représentatives
« Art. L. 4126-8. – I. – Peuvent être reconnues représentatives les associations professionnelles nationales de militaires satisfaisant aux conditions suivantes :
« 1° Le respect des obligations mentionnées à la section 1 du présent chapitre ;
« 2° La transparence financière ;
« 3° Une ancienneté minimale d’un an à compter de l’accomplissement de la formalité prévue au second alinéa de l’article L. 4126-5 ;
« 4° Une influence significative, mesurée en fonction de l’effectif des adhérents, des cotisations perçues et de la diversité des groupes de grades mentionnés aux 1° à 3° du I de l’article L. 4131-1 représentés.
« I bis. – Peuvent siéger au Conseil supérieur de la fonction militaire les associations professionnelles nationales de militaires ou leurs unions et fédérations reconnues, en outre, représentatives d’au moins trois forces armées et de deux formations rattachées, dans des conditions fixées par le décret mentionné à l’article L. 4126-10.
« II. – La liste des associations professionnelles nationales de militaires représentatives est fixée par l’autorité administrative compétente. Elle est régulièrement actualisée.
« Art. L. 4126-9. – Les associations professionnelles nationales de militaires représentatives ont qualité pour participer au dialogue organisé, au niveau national, par les ministres de la défense et de l’intérieur ainsi que par les autorités militaires, sur les questions générales intéressant la condition militaire.
« Elles sont appelées à s’exprimer, chaque année, devant le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire. Elles peuvent, en outre, demander à être entendues par ce dernier sur toute question générale intéressant la condition militaire.
« Section 3
« Dispositions diverses
« Art. L. 4126-10. – Les conditions d’application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d’État. Ce décret détermine notamment :
« 1° Les modalités de la transparence financière mentionnées au 2° du I de l’article L. 4126-8 ;
« 2° Les seuils à partir desquels les associations satisfont à la condition de représentativité prévue au 4° du même I ;
« 3° La fréquence d’actualisation de la liste mentionnée au II du même article, qui ne peut être supérieure à un an pendant les trois années suivant la promulgation de la loi n° … du … actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense ;
« 4° Les facilités matérielles accordées aux associations afin de leur permettre d’exercer leurs activités dans les conditions prévues aux articles L. 4126-2, L. 4126-3, L. 4126-6, L. 4126-8 et L. 4126-9 ;
« 5° (Supprimé)
« 6° La nature des vérifications auxquelles le ministre de la défense procède pour vérifier la licéité des statuts que les associations professionnelles nationales de militaires déposent auprès de lui en vue d’obtenir la capacité juridique ainsi que les conditions et le délai dans lesquels le ministre de la défense procède à ces vérifications. »
Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par Mme Demessine, M. Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Après le mot :
fonction
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
du résultat obtenu à l’élection des représentants au Conseil supérieur de la fonction militaire.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cette proposition allant dans le même sens que l’amendement précédent, elle risque de ne pas rencontrer un grand succès ! Il s’agit de préciser les critères de représentativité des associations nationales professionnelles de militaires. En effet, la représentativité est définie, dans la rédaction actuelle de ce texte, de façon telle qu’elle prêtera inévitablement le flanc à diverses contestations.
Le projet de loi prévoit que la représentativité des associations nationales professionnelles de militaires sera fondée sur les effectifs d’adhérents, sur les relevés de cotisations perçues et sur la diversité des groupes de grades représentés. Selon nous, cela équivaut à un contrôle des adhérents par la hiérarchie de l’institution et cela entre en contradiction avec le principe, enfin reconnu dans nos armées, de la liberté d’association.
Le Conseil supérieur de la fonction militaire doit devenir une instance démocratique, issue d’élections. Or le manque de légitimité et de crédibilité du système actuel provient essentiellement d’un processus de cooptation, par nature largement influencé par la hiérarchie.
L’élection devrait donc être le seul critère démocratique, simple et objectif de mesure de la représentativité des associations nationales professionnelles de militaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur. Comme sur l’amendement précédent, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 7 ter
Dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de l’ensemble des dispositions relatives à la concertation et au dialogue social des militaires. Ce rapport justifie notamment les seuils fixés en application du 2° de l’article L. 4126-10 du code de la défense ainsi que, le cas échéant, leurs modifications. – (Adopté.)
Article 8
(Non modifié)
Le 3° du II de la section V du chapitre Ier du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Crédit d’impôt accordé au titre des cotisations versées aux organisations syndicales ainsi qu’aux associations nationales professionnelles de militaires » ;
2° L’article 199 quater C est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « travail », sont insérés les mots : « , ainsi qu’aux associations professionnelles nationales de militaires représentatives au sens de l’article L. 4126-8 du code de la défense » ;
b) Au dernier alinéa, après les mots : « du syndicat », sont insérés les mots : « ou de l’association nationale professionnelle de militaires ». – (Adopté.)
Chapitre III
Dispositions relatives aux ressources humaines
Section 1
Gestion des personnels de la défense
Article 9
(Non modifié)
L’article 36 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale est ainsi modifié :
1° Au I, après les première et seconde occurrences du mot : « carrière », sont insérés les mots : « en position d’activité » ;
2° Au premier alinéa du II, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « deux » ;
3° Le IV est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « et par corps » sont supprimés ;
b) À la seconde phrase, l’année : « 2014 » est remplacée par l’année : « 2016 ». – (Adopté.)
Article 10
L’article 37 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 précitée est ainsi modifié :
1° Après les mots : « doivent avoir », la fin du troisième alinéa du I est ainsi rédigée : « accompli quinze ans de services militaires effectifs à la date à laquelle la demande écrite mentionnée au premier alinéa est formulée. » ;
2° À la seconde phrase de l’avant-dernier alinéa du II, le mot : « trente-six » est remplacé par le mot : « quarante-huit ». – (Adopté.)
Section 2
Positions statutaires
Article 11
(Non modifié)
I. – Le code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :
1° L’article L. 9 est ainsi modifié :
a) Le d du 1° est ainsi rédigé :
« d) D’une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ou d’un congé pour convenances personnelles pour élever un enfant de moins de huit ans. » ;
b) Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Dans le cas où le militaire est placé en :
« a) Congé de longue maladie ;
« b) Congé de longue durée pour maladie ;
« c) Congé complémentaire de reconversion. » ;
2° Le i de l’article L. 12 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le temps passé en congé de longue durée pour maladie et en congé de longue maladie est assimilé à des services militaires effectifs. »
II. – Au début du premier alinéa de l’article L. 4138-16 du code de la défense, sont ajoutés les mots : « Sans préjudice du d du 1° de l’article L. 9 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ». – (Adopté.)
Article 12
(Non modifié)
Après le premier alinéa de l’article L. 4138-3-1 du code de la défense, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce congé est également attribué, dans les mêmes conditions, au militaire blessé ou ayant contracté une maladie au cours d’une opération de sécurité intérieure, désignée par arrêté interministériel, visant à la défense de la souveraineté de la France ou à la préservation de l’intégrité de son territoire, d’une intensité et d’une dangerosité particulières, assimilables à celles d’une opération extérieure. » – (Adopté.)
Article 13
(Non modifié)
I. – Le septième alinéa de l’article L. 4221-1 du code de la défense est complété par la référence : « ou au 3° de l’article L. 4221-4-1 ».
II. – Après l’article L. 4221-4 du même code, il est inséré un article L. 4221-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4221-4-1. – En cas de crise menaçant la sécurité nationale, le ministre de la défense, ou le ministre de l’intérieur pour les réservistes de la gendarmerie nationale, peut, par arrêté pris dans les conditions fixées par un décret en Conseil d’État :
« 1° Réduire à quinze jours le délai prévu au premier alinéa de l’article L. 4221-4 ;
« 2° Porter à dix le nombre de jours d’activité accomplis pendant le temps de travail prévu au deuxième alinéa du même article L. 4221-4 ;
« 3° Réduire à cinq jours le préavis prévu au troisième alinéa dudit article L. 4221-4.
« L’arrêté détermine sa durée d’application.
« En cas de nécessité inhérente à la poursuite de la production de biens ou de services ou à la continuité du service public, les réservistes employés par des opérateurs publics et privés ou des gestionnaires d’établissements désignés par l’autorité administrative conformément aux articles L. 1332–1 et L. 1332-2 peuvent être dégagés des obligations prévues au présent article, à la demande de l’employeur. »
III. – À l’article L. 4231-3 du même code, les références : « aux articles L. 4231-4 et L. 4231-5 » sont remplacées par la référence : « à l’article L. 4231-4 ». – (Adopté.)
Section 3
Accès des militaires à la fonction publique
Article 14
I. – Le code de la défense est ainsi modifié :
1° L’article L. 4139-1 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, après le mot : « concours », sont insérés les mots : « , ou admis à un recrutement sans concours prévu par le statut particulier d’un corps ou cadre d’emplois de fonctionnaires de catégorie C pour l’accès au premier grade de ce corps ou cadre d’emplois, » ;
b) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le militaire ne peut bénéficier du détachement mentionné au premier alinéa, il est reclassé dès sa nomination dans le corps ou cadre d’emplois d’accueil, dans les conditions prévues au deuxième alinéa. » ;
2° L’article L. 4139-2 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
– après le mot : « militaire », la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « remplissant les conditions de grade et d’ancienneté peut, sur demande agréée, après un stage probatoire, être détaché, dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État, pour occuper des emplois vacants et correspondant à ses qualifications au sein des administrations de l’État, des collectivités territoriales, de la fonction publique hospitalière et des établissements publics à caractère administratif, nonobstant les règles de recrutement pour ces emplois. » ;
b) Sont ajoutés des II et III ainsi rédigés :
« II. – Le militaire servant en vertu d’un contrat bénéficie d’une prorogation de droit de son contrat jusqu’à la fin de son détachement et de son renouvellement éventuel, y compris au-delà de la limite de durée des services fixée au II de l’article L. 4139-16.
« III. – La condition de nationalité fixée au 1 ° de l’article 5 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires n’est pas opposable aux militaires ayant servi à titre de non-nationaux pendant une durée fixée par décret en Conseil d’État. Toutefois, ceux-ci n’ont pas accès aux emplois dont les attributions soit ne sont pas séparables de l’exercice de la souveraineté, soit comportent une participation directe ou indirecte à l’exercice de prérogatives de puissance publique. » ;
3° Après le premier alinéa de l’article L. 4139-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Hormis pour l’attribution de la bonification prévue au i de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le temps passé en position de détachement prévu aux articles L. 4139-1 à L. 4139-3 est pris en compte, pour la liquidation de la pension, comme une période de services militaires effectifs. » ;
4° Le 8° de l’article L. 4139-14 est ainsi rédigé :
« 8° Lors de la titularisation dans la fonction publique ou, pour les militaires qui ne répondent pas aux obligations fixées au premier alinéa de l’article L. 4139-1 leur permettant d’être détachés, dès la nomination dans un corps ou cadre d’emplois de fonctionnaires, dans les conditions prévues à la section 1 du présent chapitre. »
II. – Les articles L. 4139-1, L. 4139-2, L. 4139-4 et L. 4139-14 du code de la défense demeurent applicables, dans leur rédaction antérieure à la publication de la présente loi, aux militaires placés en position de détachement dans un corps ou cadre d’emplois de fonctionnaires en application des articles L. 4139-1, L. 4139-2, L. 4139-4 et L. 4139-14 du code de la défense avant la date de publication de la présente loi.
III. – Les articles L. 4341-1, L. 4351-1, L. 4361-1 et L. 4371-1 du code de la défense sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« Les articles L. 4139-1, L. 4139-2, L. 4139-4 et L. 4139-14 sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense. » – (Adopté.)
Article 15
(Non modifié)
I. – À la première phrase du 2° de l’article 19 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, après les mots : « fonctionnaires de l’État, », sont insérés les mots : « aux militaires » et les mots : « militaires et » sont remplacés par le mot : « aux ».
II. – À la première phrase du 2° de l’article 36 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, après les mots : « fonctionnaires territoriaux », sont insérés les mots : « , aux militaires » et les mots : « aux militaires et » sont supprimés.
III. – À la première phrase du 2° de l’article 29 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, après le mot : « titre », sont insérés les mots : « , aux militaires » et les mots : « militaires et » sont supprimés. – (Adopté.)
Article 16
(Non modifié)
Le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre est ainsi modifié :
1° Le 1° de l’article L. 395 est complété par un c ainsi rédigé :
« c) D’un militaire mentionné au 1° de l’article L. 394, titulaire d’une pension d’invalidité ouvrant droit à l’une des allocations spéciales prévues à l’article L. 31 ; »
2° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 401, après le mot : « défense », sont insérés les mots : « ou le ministre de l’intérieur pour les militaires de la gendarmerie nationale, ». – (Adopté.)
Chapitre IV
Dispositions relatives à l’expérimentation d’un service militaire volontaire
Article 17
Sans préjudice de l’article L. 4132-12 du code de la défense, il est institué, à titre expérimental, à compter du 1er septembre 2015 et pour une durée maximale de vingt-quatre mois, sous l’autorité du ministre de la défense, un service militaire volontaire visant à favoriser l’insertion professionnelle des jeunes. Le contrat de volontaire stagiaire du service militaire volontaire est souscrit pour une durée minimale de six mois, renouvelable par période de deux à six mois, et pour une durée maximale de douze mois.
Les Françaises et les Français âgés de dix-sept ans révolus et de moins de vingt-six ans à la date de leur recrutement, qui ont leur résidence habituelle en métropole, peuvent demander à accomplir le service militaire volontaire.
Durant leur engagement, ils servent en qualité de volontaires stagiaires du service militaire volontaire, au premier grade de militaire du rang.
Le financement de l’expérimentation est assuré par la mission « Défense » et par les missions de l’État qui contribuent à l’insertion professionnelle des jeunes à l’exception de la mission « Outre-mer ».
Le service militaire volontaire comporte une formation militaire ainsi que diverses formations à caractère professionnel, civique ou scolaire visant à favoriser leur insertion sociale et professionnelle.
Le ministère de la défense signe, en tant que de besoin, une convention avec l’établissement public d’insertion de la défense, des collectivités territoriales ou leurs groupements, des ministères, des entreprises ou d’autres organismes chargés d’insertion professionnelle en vue de l’organisation et du financement des formations à caractère professionnel, civique ou scolaire.
Les volontaires stagiaires du service militaire volontaire sont encadrés par des personnels militaires qui assurent la mission de formateur, assistés de militaires volontaires dans les armées.
Jusqu’au 31 décembre 2015, le nombre de volontaires stagiaires ne peut excéder trois cents. Au-delà de cette date, ce nombre peut être porté à un maximum de mille.
Au plus tard à la fin du seizième mois suivant le début de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d’évaluation proposant les suites à lui donner. Il détaille notamment le coût financier global du service militaire volontaire, ainsi que les modalités de financement mutualisé du dispositif qui pourrait lui succéder.
Mme la présidente. L'amendement n° 22, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’ai indiqué lors de la discussion générale que l’expérimentation du service militaire volontaire sera financée par le ministère de la défense pendant deux ans et que, au-delà, un autre financement devra être trouvé.
Telle est la raison pour laquelle je demande la suppression de l’alinéa 4 de l’article 17.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur. Monsieur le ministre, nous souhaitons que le ministère de la défense soit bien l’opérateur du service militaire volontaire après la fin de l’expérimentation. Si vous en prenez l’engagement, nous serons favorables à l’amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 17, modifié.
(L'article 17 est adopté.)
Article 18
I. – Les volontaires stagiaires mentionnés à l’article 17 de la présente loi doivent remplir les conditions statutaires prévues à l’article L. 4132-1 du code de la défense et être en règle avec les obligations du code du service national. Ils peuvent effectuer, dans le cadre légal des réquisitions ou des demandes de concours, des missions de sécurité civile. Ils peuvent également participer, dans le cadre de leur formation, à des chantiers d’application, à la demande de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des associations à but non lucratif déclarées d’utilité publique. Ils bénéficient de la solde et des prestations en nature prévues réglementairement pour les volontaires stagiaires du service militaire adapté.
II. – (Non modifié) Les dispositions réglementaires prises pour l’application des articles L. 4132-11 et L. 4132-12 du code de la défense sont applicables aux volontaires stagiaires du service militaire volontaire, sous réserve, en tant que de besoin, d’adaptations prévues par décret en Conseil d’État. – (Adopté.)
Chapitre V
Dispositions diverses et finales
Article 19
Le titre Ier du livre Ier du code du service national est ainsi modifié :
1° L’article L. 113-4 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est supprimé ;
b) Le second alinéa est ainsi rédigé :
« La personne assujettie à l’obligation de recensement peut procéder à la régularisation de sa situation en se faisant recenser avant l’âge de vingt-cinq ans. » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 114-2, le mot : « organisé » est remplacé par le mot : « organisée » ;
3° L’article L. 114-3 est ainsi modifié :
a) À la dernière phrase du premier alinéa, les mots : « prévention des risques et aux missions des services de secours ainsi que d’un apprentissage des gestes élémentaires de premier secours » sont remplacés par les mots : « sécurité routière » ;
b) Les deux derniers alinéas sont supprimés ;
4° À l’article L. 114-7, les mots : « d’une maladie invalidante, d’une infirmité ou » sont supprimés ;
5° Au premier alinéa de l’article L. 114-10, le mot : « répondant » est remplacé par le mot : « participant ». – (Adopté.)
Article 19 bis
(Non modifié)
I. – Le code du service national est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa des II et III de l’article L. 120-1, le mot : « État » est remplacé par les mots : « Agence du service civique » ;
2° L’article L. 120-2 est ainsi modifié :
a) Au 2°, les mots : « par l’État » sont supprimés ;
b) Après le 9°, il est inséré un 10° ainsi rédigé :
« 10° De mettre en œuvre le volet jeunesse du programme européen Erasmus +. » ;
c) À la première phrase du douzième alinéa, les mots : « , l’Agence nationale pour la cohésion sociale, l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire » sont supprimés ;
d) Le treizième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’État assure l’équilibre en dépenses et en recettes du budget de l’Agence du service civique. » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 120-8, le mot : « État » est remplacé par les mots : « Agence du service civique » ;
4° Aux premier et second alinéas de l’article L. 120-31, le mot : « État » est remplacé par les mots : « Agence du service civique ».
II. – Le b du 2° et le 3° du I sont applicables à compter du 1er janvier 2016. L’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire continue de mettre en œuvre le volet jeunesse du programme européen Erasmus +, jusqu’au 31 décembre 2015 inclus. À compter du 1er janvier 2016, l’Agence du service civique est soumise aux obligations et bénéficie des droits et des moyens humains et matériels strictement nécessaires à l’exercice de cette mission.
Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 12, première phrase
Remplacer les références :
Le b) du 2° et le 3°
par les références :
Les b) et c) du 2°
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cet amendement vise à corriger une erreur de référence relative aux dispositions dont l’entrée en vigueur est différée au 1er janvier 2016.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 19 bis, modifié.
(L'article 19 bis est adopté.)
Article additionnel après l'article 19 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 19 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au dernier alinéa de l'article L. 2338-3 du code de la défense, le mot : « Ils » est remplacé par les mots : « Les militaires visés au premier alinéa et les volontaires dans les armées, en service au sein de la gendarmerie ».
II. – À l'article L. 214-3 du code de la sécurité intérieure, après les mots : « de gendarmerie », sont insérés les mots : « et les volontaires dans les armées, en service au sein de la gendarmerie ».
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cet amendement quelque peu technique vise à supprimer une restriction, afin de permettre à la gendarmerie nationale d’utiliser des herses modernes, donc d’agir de manière efficace.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur. Cette question ne nous paraît pas vraiment de nature législative… Cependant, nous nous en remettons à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 19 bis.
Article 20
(Non modifié)
I. – Au 1° de l’article L. 3414-5 du code de la défense, les mots : « la Communauté » sont remplacés par les mots : « l’Union ».
II. – L’intitulé du chapitre III du titre III du livre II de la troisième partie du code de la défense est ainsi rédigé : « Les services de soutien et les organismes interarmées ».
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Avant l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – La première phrase du premier alinéa de l’article L. 1332-6-1 du code de la défense est complétée par les mots : « ou pourrait présenter un danger grave pour la population ».
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le présent amendement tend à lever une ambiguïté quant au champ d’application de dispositions du code de la défense issues de la loi de programmation militaire et permettant au Premier ministre d’imposer aux opérateurs d’importance vitale certaines obligations relatives à la sécurité de leurs systèmes d’information. Il vise à corriger une légère incohérence de rédaction.
Je puis commenter cet amendement plus longuement si c’est nécessaire, mais il me semble que son texte se suffit à lui-même.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Mes chers collègues, il est vingt heures. Je vous propose de poursuivre nos travaux pendant une dizaine de minutes encore.
Articles additionnels après l’article 20
Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 232-7 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En outre les ministres mentionnés au I peuvent demander aux opérateurs de voyage ou de séjour affrétant tout ou partie d’un aéronef de transmettre les données relatives aux passagers enregistrées dans leurs systèmes de réservation. » ;
2° Au III, après les mots : « Les transporteurs aériens », sont insérés les mots : « et, le cas échéant, les opérateurs de voyage ou de séjour affrétant tout ou partie d’un aéronef » ;
3° Au V, après les mots : « de transport aérien », sont insérés les mots : « ou par un opérateur de voyage ou de séjour affrétant tout ou partie d’un aéronef » ;
4° À la seconde phrase du VI, après les mots : « des transporteurs aériens », sont insérés les mots : « et des opérateurs de voyage ou de séjour affrétant tout ou partie d’un aéronef ».
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il s’agit d’imposer aux opérateurs de voyage ou de séjour proposant des vols charters les obligations applicables aux transporteurs aériens permettant d’alimenter le PNR, c'est-à-dire le Passenger Name Record, fichier des passagers aériens créé par la LPM en anticipation d’une directive communautaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20.
L'amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la défense est ainsi modifié :
1° L’article L. 1333-13-12 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « établissements ou des installations abritant des matières nucléaires affectées aux moyens nécessaires à la mise en œuvre de la politique de dissuasion ou » sont remplacés par les mots : « installations nucléaires intéressant la dissuasion mentionnées à l’article L. 1411-1 ou des établissements ou des installations abritant » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
2° Au troisième alinéa de l’article L. 1333-14, les mots : « Dans les limites qu’ils fixent, » sont supprimés.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cet amendement tend à appliquer aux installations nucléaires militaires le régime répressif créé pour les intrusions sans autorisation dans le périmètre d’installations nucléaires civiles et prévu par la loi du 2 juin 2015, dite « loi de Ganay ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur. La commission a beaucoup apprécié que le Gouvernement donne satisfaction à une demande formulée il y a un mois par M. Xavier Pintat, qui avait reçu alors une réponse négative et qui obtient maintenant une réponse positive.
Nous devrons tout de même examiner la coexistence de deux régimes de sanctions ; peut-être pourrions-nous trouver un dispositif plus cohérent.
Quoi qu'il en soit, l’avis de la commission est favorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour explication de vote.
Mme Leila Aïchi. Le groupe écologiste restera naturellement sur sa position en ce qui concerne la sécurisation des centrales nucléaires. Nous voterons donc contre cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20.
Article 21
(Non modifié)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances les dispositions relevant du domaine de la loi permettant :
1° De modifier certaines dispositions du titre Ier du livre V du code de l’environnement, pour tenir compte des spécificités des installations classées pour la protection de l’environnement qui relèvent du ministre de la défense ;
2° De modifier le chapitre III du livre IV du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, afin d’abroger les dispositions obsolètes et de modifier la dénomination des lieux de sépulture des militaires inhumés dans les conditions prévues au même code ;
3° De modifier le code de la défense pour :
a) Procéder aux modifications nécessaires pour assurer la cohérence rédactionnelle avec les dispositions de la présente loi et le respect de la hiérarchie des normes, corriger, le cas échéant, les erreurs matérielles et abroger les dispositions devenues sans objet ;
b) Renforcer l’efficacité du contrôle relatif à la fabrication et au commerce de matériels de guerre et d’armes et munitions de défense :
– en permettant d’étendre la nature des matériels de guerre, armes et munitions pour lesquels les entreprises de fabrication ou de commerce sont tenues de signaler à l’autorité administrative compétente tout dépôt de demande de brevet d’invention auprès de l’Institut national de la propriété intellectuelle ;
– en rendant applicables les modifications ainsi apportées dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises ;
c) Compléter les dispositions relatives au contrôle a posteriori des opérations d’exportation de matériels de guerre et de transferts intracommunautaires de produits liés à la défense, en permettant à l’autorité administrative de s’assurer de la viabilité des mesures de contrôle interne des entreprises et, le cas échéant, de prononcer des mises en demeure correctives susceptibles de faire l’objet de sanctions administratives en cas d’inexécution ;
d) Clarifier les dispositions concernant la prise en compte, au titre de l’avancement, du temps passé dans certaines positions de non-activité ;
e) Permettre à l’État de subordonner à un engagement de souscrire un contrat en qualité de militaire le versement d’aides financières aux élèves et étudiants et de tirer les conséquences d’une méconnaissance de cet engagement ;
f) Compléter le chapitre III du titre II du livre Ier de la quatrième partie, afin de mieux garantir la santé et la sécurité au travail des militaires durant leur service, en particulier de ceux qui ne sont pas placés sous l’autorité du ministre de la défense ;
g) Préciser et harmoniser la définition de la notion de « forces armées et formations rattachées » ;
4° De définir les conditions dans lesquelles, sur décision administrative ou judiciaire, les commandants de bâtiments de l’État peuvent faire procéder à la destruction des cargaisons de produits stupéfiants saisis lors d’opérations de police en mer ;
5° De supprimer certaines commissions relatives aux anciens combattants ;
6° De modifier les conditions dans lesquelles les conjoints et ex-conjoints survivants non remariés des personnes désignées au premier alinéa de l’article 2 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres de formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie peuvent obtenir le bénéfice de l’allocation de reconnaissance.
Les ordonnances sont publiées au plus tard le dernier jour du douzième mois suivant la promulgation de la présente loi. Le projet de loi de ratification de ces ordonnances est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du quinzième mois suivant la promulgation de la présente loi. – (Adopté.)
Article 22
(Non modifié)
Sont ratifiées :
1° L’ordonnance n° 2014-792 du 10 juillet 2014 portant application de l’article 55 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale ;
2° L’ordonnance n° 2014-1567 du 22 décembre 2014 portant application de l’article 55 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale. – (Adopté.)
Article 23
I. – (Non modifié) L’avant-dernier alinéa de l’article L. 4124-1 du code de la défense, dans sa rédaction résultant du f du 2° de l’article 6 de la présente loi, entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard dix-huit mois après la promulgation de la présente loi.
II. – (Supprimé)
III. – (Non modifié) Afin de permettre la convergence des désignations et des élections des membres des organismes consultatifs et de concertation dont la réorganisation est consécutive à la mise en œuvre de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 4124-1 du code de la défense, dans sa rédaction résultant du f du 2° de l’article 6 de la présente loi, la durée du mandat des membres des conseils de la fonction militaire et du Conseil supérieur de la fonction militaire peut être réduite ou prorogée, dans la limite de trois ans, par décret en Conseil d’État. – (Adopté.)
Article 24
(Non modifié)
Sont abrogés :
1° La loi n° 52-351 du 31 mars 1952 constituant des détachements de météorologie affectés organiquement à certaines grandes unités et formations de l’armée de l’air et fixant le régime des fonctionnaires de la météorologie en service dans ces détachements ;
2° L’article 58 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale. – (Adopté.)
Article 25
I. – Les articles 19 et 19 bis sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
Les articles 5 à 7 et 23 ainsi que les deux premiers alinéas de l’article 24 sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.
II. – L’article L. 4331-1 du code de la défense est abrogé. – (Adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous en revenons à l’article 1er et au rapport annexé, dont l’examen a été précédemment réservé.
Chapitre Ier
Dispositions portant actualisation de la programmation militaire pour les années 2015 à 2019
Article 1er et rapport annexé (précédemment réservés)
Sont approuvées les modifications annexées à la présente loi apportées au rapport annexé prévu à l’article 2 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.
RAPPORT ANNEXÉ
Le rapport annexé à la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale est ainsi modifié.
Article 1er
Le premier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Ce rapport prend en compte l’actualisation en 2015 de la présente loi, conformément à son article 6. Il intègre ainsi les évolutions du contexte stratégique intervenues depuis 2013 ; les grands principes de la stratégie de défense et de sécurité nationale énoncés dans le Livre blanc, de même que les grands équilibres de la programmation militaire, ne s’en trouvent cependant pas remis en cause. Par conséquent, si les paragraphes portant sur l’analyse du contexte stratégique et de ses conséquences ont été réécrits afin de tenir compte des développements intervenus depuis fin 2013, le reste du texte du présent rapport n’est modifié que là où cela s’avère nécessaire.
« La présente loi s’appuie sur l’analyse d’un environnement international en pleine évolution où s’est affirmé un haut niveau de risques et de menaces pour la sécurité de la France et des Français. En conséquence, elle conjugue la volonté de maintenir un niveau d’ambition élevé, adapté à ces besoins de sécurité et aux responsabilités internationales de notre pays, avec la nécessité du redressement des finances publiques. Elle s’appuie à cette fin sur la stratégie militaire renouvelée dans le Livre blanc de 2013 et sur une utilisation plus efficiente de nos moyens, garanties par un niveau de ressources significatif, accru par rapport à la loi votée en 2013 pour tenir compte de l’intensité des engagements de nos forces et des nouveaux besoins apparus depuis lors. L’effort de défense de la France, devenu prioritaire dans ce contexte, sera renforcé en conférant un haut degré de priorité à la préservation et au développement de nos capacités industrielles et en recherchant un plus haut degré d’interaction avec nos alliés et partenaires.
« Sans constituer des ruptures, les crises qui se sont produites depuis 2013 sont caractérisées par leur soudaineté, leur intensité et leur simultanéité. La menace des groupes armés terroristes a pris une dimension sans précédent. Elle s’est de plus nourrie de l’imbrication croissante entre la défense de la France à l’extérieur des frontières et la sécurité de la population française sur le territoire national. Au même moment, la crise ukrainienne repose d’une façon inédite depuis de nombreuses années la question de la sécurité et de la stabilité des frontières sur le continent européen. »
Article 2
Le 1 est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Une stratégie de défense et de sécurité nationale confortée » ;
2° Le 1.1 est ainsi rédigé :
« 1.1. Un contexte stratégique qui se dégrade
« 1.1.1. De multiples foyers de crises simultanés
« Le Livre blanc de 2013 souligne une modification en profondeur de l’environnement stratégique de notre pays, structurée par plusieurs évolutions majeures.
« Au plan économique, une crise financière internationale durable a modifié les rapports de forces internationaux et limite particulièrement les marges de manœuvre des États-Unis et, plus encore, de l’Europe par une réduction de la dépense et de la dette publiques qu’elle impose ; la crise qui en a résulté pour l’Union européenne et la baisse de l’effort de défense largement au-dessous de 2 % du produit intérieur brut (PIB) dans plusieurs pays illustrent les conséquences lourdes sur la construction de l’Europe de la défense.
« Au plan géopolitique, il y a lieu de relever :
« – les inflexions de la politique étrangère des États-Unis, dont la nouvelle posture stratégique privilégie les alliances et coopérations multilatérales, supposent de la part des Européens une implication accrue dans les zones où les intérêts de sécurité de l’Europe, au sens large, sont engagés ;
« – les conséquences des révolutions dans le monde arabe, qui restent difficiles à évaluer dans leur globalité s’agissant de leur impact sur la sécurité nationale et européenne compte tenu de la proximité géographique de cette zone ;
« – la multiplication des foyers de crise sur l’ensemble du continent africain.
« Depuis 2013, la situation internationale a de plus été bouleversée par des crises aussi soudaines que graves.
« En Afrique et au Moyen-Orient, la menace des groupes armés terroristes a pris une nouvelle dimension. Si l’intervention française au Mali lancée en janvier 2013 a endigué la montée en puissance des groupes armés terroristes (opération Serval), la crise n’est pas pour autant terminée. Elle a poussé les groupes les plus radicaux à se disperser dans l’ensemble de la bande sahélo-saharienne (BSS), ce qui a nécessité de régionaliser mi-2014 le dispositif français (opération Barkhane) en appui des cinq pays concernés (Mali, Mauritanie, Tchad, Niger, Burkina Faso). Au cours de l’été 2014, en Irak et en Syrie, la militarisation de la menace terroriste s’est accentuée et a franchi un nouveau seuil avec la progression de Daech, qui manifeste une volonté politique d’implantation territoriale. Ce groupe terroriste dispose dorénavant de moyens militaires et financiers inégalés. Il rivalise avec des groupes terroristes plus anciens, comme Al Qaeda ou Boko Haram. L’existence de territoires entiers désormais placés sous le contrôle de groupes terroristes constitue dès à présent une menace pour la sécurité internationale et pour notre sécurité intérieure.
« Les attentats de janvier 2015 à Paris ont démontré que la France, comme d’autres États européens, était directement exposée, jusque sur son propre sol. Au-delà de la problématique des combattants qui s’expatrient pour le djihad et dont certains rentrent en Europe avec la volonté et les moyens de commettre des actes terroristes, la propagande djihadiste, utilisant tous les ressorts de la communication de crise, fait des émules dans nombre de pays, en particulier en Europe, dont la France.
« Face à ces développements, nos forces armées sont engagées à grande échelle dans des opérations militaires de contre-terrorisme.
« Depuis le printemps 2014, la crise russo-ukrainienne a marqué le retour d’une politique de puissance de la Russie et de conflits aux frontières de l’Union européenne.
« 1.1.2. Des risques et des menaces qui augmentent
« Le Livre blanc de 2013 met en évidence la persistance d’un très large spectre de risques et de menaces. Les crises décrites supra en ont confirmé les grandes lignes ; elles traduisent néanmoins une dégradation de la situation internationale et une augmentation durable des risques et des menaces.
« L’évolution, depuis 2013, de la situation à l’est de l’Europe et en Asie confirme que la France ne peut ignorer la possibilité de conflits entre États, y compris aux frontières de l’Union européenne. La crise ukrainienne, en particulier, remet en cause le statu quo politique et juridique en Europe.
« La mondialisation poursuit ses effets multiplicateurs sur les risques et les menaces, en raison de l’augmentation et de la rapidité des échanges de biens et de personnes ainsi que des échanges dématérialisés. Elle génère des vulnérabilités et des risques déstabilisants qui se sont encore accrus : cybermenaces, pandémies, trafics, mouvements de population massifs, etc.
« Les évolutions du contexte stratégique depuis 2013 ont également confirmé que la faiblesse de certains États constitue souvent un facteur d’aggravation d’une menace. Les risques associés se sont à la fois étendus géographiquement et singulièrement aggravés. Ces fragilités compliquent l’action de la communauté internationale.
« L’effondrement ou la faiblesse des États, la porosité des frontières et l’absence de contrôle font le lit des trafics et du terrorisme qui s’installe dans les zones de non-droit. La grave détérioration de la situation en Libye procure ainsi aux terroristes un sanctuaire au nord du Sahel et leur ouvre l’espace méditerranéen. La guerre civile en Syrie et l’instabilité en Irak et au Yémen fragilisent en outre leurs voisins, avec un risque de régionalisation de ces conflits. Si les États africains s’impliquent de plus en plus pour juguler collectivement les menaces sur leur continent, des facteurs chroniques d’instabilité politique, sécuritaire et sanitaire perdurent sur tout le continent. Enfin, les conséquences de la chute des cours des matières premières (dont le pétrole) sur la stabilité à moyen terme des États qui en sont fortement dépendants doivent être évaluées.
« Le terrorisme international d’inspiration djihadiste sait tirer parti de la mondialisation et de la complicité de certaines entités à des fins criminelles, principalement au travers des trafics (êtres humains, armes, hydrocarbures, stupéfiants, etc.). Il exploite aussi l’expansion des réseaux sociaux et utilise tous les canaux et codes médiatiques pour séduire, convaincre, tromper ou terroriser. Devenu un champ de bataille, le cyberespace s’affirme comme une dimension spécifique de la confrontation et ce, quel que soit le type d’affrontement. La menace cybernétique ne cesse en outre de s’intensifier et de se perfectionner.
« De plus, à eux seuls, les conflits récents (Syrie, Irak, Nigéria, République centrafricaine, Libye, Ukraine) ont entraîné le déplacement de plus de dix millions de personnes, et l’Europe doit ainsi faire face à l’afflux toujours croissant et souvent dramatique des réfugiés économiques ou fuyant les conflits tant par la terre que par la mer. La densification des flux complique aussi le confinement des grandes crises sanitaires dans des pays fragiles, comme le montre l’épidémie Ebola : elle a nécessité une mobilisation internationale à laquelle participe la France depuis l’été 2014.
« Dans le domaine technologique, l’émergence de nouveaux pays producteurs d’armements modernes va de pair avec le développement de capacités militaires de haute technologie (missiles hypersoniques, armes à énergie dirigée, furtivité, par exemple). La diffusion rapide de nombreuses technologies duales issues des marchés civils induit également des fragilités inédites, voire des risques de rupture difficilement prévisibles. C’est le cas des mini-drones et micro-drones, aériens, terrestres ou marins, de la banalisation de la biologie moléculaire et de la fabrication par les technologies numériques, notamment les imprimantes 3D.
« 1.1.3. Des défis militaires accrus et toujours plus complexes
« Les forces armées françaises sont engagées à un niveau et pour une durée rarement égalés. Elles garantissent en métropole comme outre-mer, la sûreté du territoire, de son espace aérien et de ses approches maritimes. Face à la montée de la menace terroriste, leur contribution à la protection des citoyens et ressortissants français a été renforcée, tant sur le territoire national aux côtés des forces de sécurité intérieure qu’à l’extérieur de nos frontières.
« Le développement d’une menace terroriste militarisée dans la bande sahélo-saharienne, un théâtre aussi vaste que l’Europe, constitue un défi considérable pour les forces de l’opération Barkhane et nécessite un effort conséquent sur le renseignement ainsi que sur la mobilité et la réactivité des forces. La capacité à concentrer les efforts, à frapper précisément et par surprise sont déterminantes dans les opérations militaires de contre-terrorisme. Parallèlement, la réémergence des “menaces de la force” impose de maintenir des capacités de haut niveau aptes à y faire face, comme le montrent les démonstrations de force aériennes, maritimes ou terrestres aux frontières de l’Europe afin de tester les moyens de surveillance, de détection et de protection.
« La détérioration de la situation stratégique globale et la diversité des risques sécuritaires confortent le choix d’un modèle d’armée le plus complet possible évitant, même temporairement, toute lacune capacitaire majeure. » ;
3° Au début du 1.2, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les objectifs de la stratégie de sécurité nationale énoncée dans le Livre blanc de 2013, ses priorités, ses principes et les grands équilibres entre les fonctions stratégiques restent pertinents. Cependant des ajustements, notamment pour certaines capacités, sont nécessaires en raison du haut niveau d’engagement des forces françaises. » ;
4° Le 1.2.1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Comme l’ont montré dramatiquement les attentats du mois de janvier 2015 en France, la menace terroriste impose un continuum entre sécurité intérieure et défense extérieure. De même, ces attentats ont rappelé que la lutte contre le terrorisme et la protection de nos concitoyens devaient prendre en compte plus nettement encore les domaines de l’information et des perceptions, pour lutter contre de nouvelles menaces, comme les opérations d’influence sur les réseaux sociaux. » ;
5° Le 1.2.3 est ainsi modifié :
a) L’intitulé est ainsi rédigé : « La réaffirmation de la volonté de la France de participer à la construction de l’Europe de la défense, de renforcer la norme internationale et d’inscrire son action dans le cadre de ses alliances » ;
b) Les six dernières phrases du deuxième alinéa sont remplacées par deux phrases ainsi rédigées :
« Dans ce cadre, il est souhaitable d’encourager nos partenaires européens à travailler à la création d’une académie européenne du renseignement. Un débat est engagé avec nos partenaires européens sur la possibilité de créer un pôle de défense européenne à Strasbourg ainsi qu’un quartier général militaire européen au Mont Valérien, dans le but de regrouper et d’intégrer la formation de militaires des États membres. » ;
c) Sont ajoutés sept alinéas ainsi rédigés :
« La dégradation de la situation internationale s’accompagne d’un affaiblissement des normes internationales et de la gouvernance mondiale.
« L’emploi d’armes chimiques par le régime syrien en 2013-2014 a rompu une nouvelle fois le tabou d’emploi d’armes de destruction massive et rappelle le précédent irakien, malgré les mises en garde de la communauté internationale. En annexant la Crimée, la Russie a, entre autres engagements, violé le protocole de Budapest de 1994 dont elle était signataire. L’ONU et les architectures de sécurité régionales peinent parfois à répondre au niveau et avec la réactivité nécessaires à des risques et menaces en perpétuelle évolution. Certaines organisations, jusque-là peu ou moins visibles font cependant la démonstration de leurs capacités à jouer leur rôle (OIAC pour la crise chimique syrienne, OSCE en Ukraine).
« Pour contribuer au règlement des crises dans la durée, il est essentiel d’assurer une transition efficace entre les opérations militaires extérieures nationales et les opérations de maintien de la paix des Nations Unies, lorsqu’elles se succèdent ou coexistent sur un théâtre.
« Si notre participation directe à ces dernières reste actuellement pour l’essentiel concentrée sur la FINUL, notre rôle est central dans leur mise en place et leur assurance, notamment sur le continent africain. La France usera de son influence spécifique au sein du Conseil de sécurité pour améliorer leur efficacité et mieux convaincre ses partenaires, en Europe et au-delà, d’y contribuer, notamment dans les domaines qui font actuellement défaut (génie, aéromobilité, projection, soutien médical…).
« Le Conseil européen de décembre 2013, le premier consacré aux questions de défense depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, a enclenché une dynamique positive qui doit être préservée, et permis d’identifier des priorités dans le long terme. Les évolutions récentes du contexte stratégique, notamment au sud et à l’est de l’Europe, soulignent la nécessité pour les membres de l’Union européenne de poursuivre ou de renforcer leurs investissements de défense et d’œuvrer à la convergence de leurs visions stratégiques. En Afrique, l’Union européenne a montré son efficacité dans des missions de stabilisation, de formation et de conseil dans le cadre de la réforme des systèmes de sécurité et certains États membres apportent en outre des contributions précieuses aux opérations françaises. Mais ces évolutions doivent se poursuivre. La France continuera donc à développer et à entretenir une gamme complète et autonome de capacités, de manière à pouvoir, le cas échéant, agir seule et rapidement. Pour autant, elle continuera à promouvoir de façon pragmatique des logiques de mutualisation dans certains domaines clés de l’intervention extérieure (transport, logistique, mobilité). Elle soutiendra également la mise en place de mécanismes de décision collectifs pouvant prendre la forme, à terme, d’un état-major permanent de planification des opérations ou d’une agence européenne d’armement dotée d’une réelle autorité.
« Un débat sur le mécanisme ATHENA et le financement de la défense européenne serait souhaitable et constituerait un préalable nécessaire à la mise en place d’un budget européen dédié à la politique de sécurité et de défense commune.
« La crise ukrainienne a conduit, lors du sommet de l’OTAN de Newport, à réaffirmer l’unité de l’Alliance ainsi que l’objectif de mettre fin à la tendance à la baisse des budgets de défense. Cette crise souligne la nécessité d’un compromis entre une vision centrée sur la défense collective et l’impératif de disposer d’une capacité de réponse rapide, adaptée à la diversité des crises. La réaffirmation de la mission de défense collective a conduit aux mesures “d’assurance” au bénéfice de nos alliés orientaux, auxquelles participent nos forces. Notre présence active dans l’organisation, y compris au sein de la structure de commandement, correspond à notre vision d’une Alliance qui sert notre sécurité nationale, notamment pour la défense collective de la zone euratlantique. Pour autant, nos engagements en Afrique et au Levant contribuent aussi directement à la sécurité du flanc sud de l’OTAN. » ;
6° À la fin de l’intitulé du 1.3, le mot : « renouvelée » est remplacé par le mot : « réaffirmée » ;
7° À la seconde phrase du premier alinéa du 1.3, les mots : « la première étape de » sont supprimés ;
8° Après le premier alinéa du 1.3.1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’existence d’une menace terroriste durable et avérée sur le sol national confirme la convergence de ces trois priorités clés. Elle renforce désormais l’importance de la protection. » ;
9° Le 1.3.2 est ainsi modifié :
a) À la troisième phrase du quatrième alinéa, après les mots : « forces spéciales », sont insérés les mots : « , les capacités de cyberdéfense » ;
b) Au début du sixième alinéa, est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Son adaptation lui permettra de renforcer, au-delà des postures permanentes de sûreté aérienne et maritime, de manière significative et durable la protection directe de nos concitoyens sur le territoire national. » ;
c) La seconde phrase du même sixième alinéa est complétée par les mots : « sur le territoire national comme à l’extérieur » ;
10° (Supprimé)
11° Le 1.3.3 est ainsi modifié :
a) À la dernière phrase du premier alinéa, les mots : « , qui entreront en vigueur au 1er janvier 2014, » sont supprimés ;
b) Après le premier alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les adaptations de ces contrats opérationnels et le renforcement de la fonction protection à la suite des attentats de janvier 2015 ne modifient pas les équilibres précédents. En revanche, depuis 2013, le retour de la conflictualité en Europe et un niveau d’engagement inédit de lutte contre le terrorisme djihadiste se sont conjugués. Ces engagements se caractérisent encore plus en 2015 par la diversité de leurs formes, leur extension, leur intensité et leur durée.
« Ce contexte impose des ajustements et une vigilance particulière. Pour s’adapter aux modes d’action de l’adversaire et le priver de sa liberté d’action, la maîtrise du processus de ciblage doit être accentuée, en gagnant en réactivité et en intégrant les actions dans les champs immatériels et des perceptions. Il est aussi nécessaire de continuer à diversifier et à moduler les effets des armements pour les adapter à tous les types d’objectifs. Un effort doit encore être fait sur l’identification, l’adéquation avec la cible et la précision. Le recours à la force, sous faible préavis, impose de consolider des capacités d’intervention prépositionnées ou projetables. Une capacité nationale de réaction d’urgence doit être conservée en propre.
« Le besoin de régénération des forces, tant sur le plan du personnel que sur le plan des matériels, doit être pris en compte. En effet, la pression opérationnelle de ces deux dernières années a un impact majeur sur la disponibilité technique des matériels, la capacité de renouvellement du potentiel opérationnel, le niveau de préparation opérationnelle du personnel et leur capacité à poursuivre cet effort dans la durée, éventuellement au-delà de la référence des contrats opérationnels. De plus, la permanence des engagements impose d’accentuer le caractère adaptable des organisations du commandement et de disposer d’un soutien logistique performant.
« Les engagements récents révèlent le besoin de moyens de commandement compatibles avec l’exigence de permanence du partage de l’information, malgré la diversité des théâtres et des opérations conduites ainsi que l’élongation très importante des liaisons. Par ailleurs, ils exigent une forte connectivité entre les modules de force, du plus bas aux plus hauts niveaux. » ;
c) Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :
« Plus précisément, le développement de nos capacités de recueil, de traitement et de diffusion du renseignement sera prioritaire sur toute la durée de la planification d’ici à 2025-2030. Les efforts porteront sur les composantes spatiales et aériennes, pour l’imagerie comme pour l’interception électromagnétique, ainsi que sur les ressources humaines. Toutes les opérations récentes ont montré l’impérieuse nécessité de disposer de drones, qu’il s’agisse de drones de théâtre de moyenne altitude longue endurance (MALE) ou de drones tactiques. La mutualisation du renseignement d’origine satellitaire a été approfondie avec nos partenaires européens, de même que la capacité à déployer et à exploiter les drones de surveillance. Les capacités de veille stratégique et les nouveaux moyens de surveillance et d’interception nécessiteront d’accroître encore les capacités de traitement des données pour garantir l’efficacité de cette fonction stratégique. L’effort consenti depuis le début des années 2000 au bénéfice des capacités techniques interministérielles sera prolongé. En raison de leur importance nouvelle, le développement des activités du renseignement dans l’espace numérique et des moyens techniques associés sera poursuivi ; il doit permettre de mieux identifier l’origine des attaques, d’évaluer les capacités offensives des adversaires potentiels, afin de pouvoir, lorsque nécessaire, les stopper. » ;
d) Le cinquième alinéa est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :
« Dans le même temps, la communauté française du renseignement est consolidée sous l’égide du coordonnateur national du renseignement. La mutualisation des moyens et une plus grande interopérabilité entre les services seront recherchées. Les effectifs consacrés à la fonction renseignement seront mis en cohérence avec les besoins nouveaux associés à la mise en œuvre des équipements techniques et à l’analyse de flux d’informations accrus. Le renseignement fera l’objet d’une attention prioritaire et bénéficiera d’un effort financier substantiel sur la période 2014-2019. S’agissant du renseignement intérieur, la transformation de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) en une direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), directement rattachée au ministre de l’intérieur, s’accompagnera du recrutement de 2 680 personnels supplémentaires, consacrés à la lutte contre le terrorisme au cours des trois prochaines années, notamment 1 400 au ministère de l’intérieur, 950 au ministère de la justice et 80 au ministère des finances (dont 70 pour les douanes).
« Parmi ces 2 680 emplois supplémentaires, 1 100 seront alloués aux services de renseignement intérieur chargés de lutter contre le terrorisme (500 à la DGSI, 500 au service central du renseignement territorial et 100 à la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris).
« 425 millions d’euros de crédits d’investissement, d’équipement et de fonctionnement seront consacrés à ce plan de renforcement au cours des trois prochaines années, dont 233 millions d’euros pour le ministère de l’intérieur et 181 millions d’euros pour celui de la justice.
« Les premiers tests du dispositif “Passenger Name Record” (PNR) commenceront dès septembre 2015.
« Pour leur part, les services de renseignement relevant du ministère de la défense bénéficieront d’un renforcement des effectifs de l’ordre de 900 postes supplémentaires, qui s’ajoutent aux 300 initialement prévus par la loi de programmation militaire, ce chiffre incluant les 250 postes créés dans le cadre du plan de lutte anti-terroriste décidé par le Premier ministre en janvier 2015.
« Outre le contrôle administratif, via la constitution d’une fonction d’inspection du renseignement, le contrôle parlementaire de la politique du Gouvernement en matière de renseignement a été étendu par le renforcement des compétences et des attributions de la délégation parlementaire au renseignement. » ;
e) Les dixième à quatorzième alinéas sont remplacés par huit alinéas ainsi rédigés :
« La fonction protection vise à garantir l’intégrité du territoire, à assurer aux Français une protection efficace contre l’ensemble des risques et des menaces, en particulier le terrorisme et les cyberattaques, à préserver la continuité des grandes fonctions vitales de la Nation et à garantir sa résilience. Si l’ensemble des fonctions stratégiques et des moyens civils autant que militaires concourent à la protection, les armées garantissent, en métropole comme outre-mer, la sûreté du territoire, de son espace aérien et de ses approches maritimes. S’agissant de la défense sur le territoire, les armées apportent leur concours à la protection dans les trois milieux et dans le cyberespace.
« Dans ce cadre, la posture permanente de sûreté terrestre de nos armées sera renforcée, les postures de sûreté aérienne et de sauvegarde maritime seront maintenues. Les armées continueront également à apporter une contribution à l’action de l’État en mer.
« Face à la hausse et à la continuité dans le temps d’une menace terroriste majeure sur le territoire national, les armées seront en mesure de déployer dans la durée, dans le cadre d’une opération militaire terrestre, 7 000 hommes sur le territoire national, avec la possibilité de monter jusqu’à 10 000 hommes pendant un mois, ainsi que les moyens adaptés des forces navales et aériennes.
« Cette capacité de déploiement doit permettre de contribuer en quelques jours, au profit de l’autorité civile et en renfort des forces de sécurité intérieure et de sécurité civile, à la sécurité de points d’importance vitale, à celle des flux essentiels pour la vie du pays, au contrôle de l’accès au territoire et à la sauvegarde des populations. Les capacités pouvant être mises en œuvre dans ce cadre comprennent les moyens propres de commandement et de renseignement, des dispositifs terrestres, aériens et maritimes de sécurisation et des moyens spécialisés des armées permettant de concourir au rétablissement des fonctions essentielles du pays en cas de menace sur la sécurité nationale (communication, circulation, transport). La fonction protection prendra également en compte l’émergence des menaces représentées par les drones sur le territoire national.
« L’opération « Sentinelle » doit être évaluée pour en tirer toutes les conséquences tant sur le rôle des forces armées par rapport aux forces de sécurité intérieure et de sécurité civile, que sur la chaîne de commandement, sur le cadre juridique de l’intervention des militaires, sur la doctrine d’emploi, sur la préparation opérationnelle et la formation ou encore sur le type de sites à protéger et les modalités de cette protection (garde statique ou autre). Le Président de la République a demandé au Premier ministre de préparer un rapport sur cette question. Il est indispensable que la représentation nationale ait connaissance des résultats de ce travail en cours et puisse en débattre.
« Parallèlement à cet engagement au profit de la Nation, l’accroissement des risques visant les installations, moyens et activités du ministère de la défense nécessite, pour ce ministère, des aménagements d’infrastructures et le déploiement de moyens matériels et humains supplémentaires.
« Cette posture sera complétée par le dispositif de cyberdéfense militaire renforcé, qui fera l’objet d’un effort marqué sur la période de programmation, en relation étroite avec le domaine du renseignement. La France développera une organisation de cyberdéfense étroitement intégrée aux forces, disposant de capacités défensives et offensives pour préparer ou accompagner les opérations militaires. L’organisation opérationnelle des armées intégrera ainsi une chaîne opérationnelle de cyberdéfense, cohérente avec l’organisation et la structure opérationnelles de nos armées et adaptée aux caractéristiques propres à cet espace de confrontation : unifiée, pour tenir compte de l’affaiblissement de la notion de frontière dans cet espace ; centralisée au sein du centre de planification et de conduite des opérations de l’état-major des armées, pour garantir une vision globale et une mobilisation rapide des moyens nécessaires ; et spécialisée, car faisant appel à des compétences et des comportements spécialement adaptés. La composante technique confiée à la direction générale de l’armement (DGA) aura pour mission d’analyser la menace, de développer la recherche amont, et d’apporter son expertise en cas de crise informatique touchant le ministère de la défense.
« Pour cette fonction protection, la contribution de la réserve opérationnelle militaire sera en outre renforcée. Ainsi, l’activation du contrat opérationnel de protection à 10 000 hommes sur le territoire, répondant à une menace affectant la sécurité nationale, pourra entraîner le recours à des conditions nouvelles d’appel de la réserve. Les modalités de recours aux réservistes pour des situations ne justifiant pas l’instauration de l’état d’urgence ont été facilitées et le champ du service de sécurité nationale a été élargi à l’ensemble des opérateurs d’importance vitale. Ce dispositif vise à améliorer la réactivité et l’employabilité de la réserve sur notre sol dans de telles circonstances. » ;
f) Au seizième alinéa, après les mots : « notre environnement », sont insérés les mots : « proche ou plus lointain » ;
f bis (nouveau)) à la première phrase du dix-septième alinéa, après les mots : « plusieurs implantations en Afrique », sont insérés les mots : « , en particulier à Djibouti avec deux composantes terrestre et aérienne » ;
g) Le dix-septième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Nos actions dans le domaine de la prévention des crises doivent aussi s’orienter vers la recherche de partenaires régionaux prêts à s’engager à nos côtés. » ;
h) Le vingt et unième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il s’agit de disposer d’un outil complet et crédible pour traiter la menace au plus tôt et au plus loin. » ;
i) Après le vingt-troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – de capacités de cyberdéfense, tant offensives que défensives, en soutien aux forces déployées ; »
j) Au trente-quatrième alinéa, après les mots : « de frégate, », sont insérés les mots : « de bâtiments de soutien, » et les mots : « s’inscrira » sont remplacés par les mots : « pourra s’inscrire » ;
k) À la première phrase du dernier alinéa, après le mot : « permanentes », sont insérés les mots : « et pour garantir la capacité de réaction autonome aux crises ».
Article 3
Le 2 est ainsi modifié :
1° À la première phrase du deuxième alinéa du 2.1.2, les mots : « sera engagé » sont remplacés par les mots : « a été engagé » ;
2° La dernière phrase du 2.1.4 est ainsi rédigée :
« Il est poursuivi avec la mise en service du laser MEGAJOULE depuis 2014. » ;
3° Le 2.2 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’engagement de l’Allemagne dans la coopération en matière d’observation optique, dont la formalisation est prévue en juin 2015, permettra le lancement d’un troisième satellite CSO, tout en assurant l’accès de la France aux capacités tout temps du futur système allemand SARAh. » ;
b) La cinquième phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :
« 10 drones de théâtre, de moyenne altitude longue endurance (MALE), seront acquis sur la période de la loi de programmation, en complément de l’acquisition de 2 drones REAPER en 2013. » ;
b bis) L’avant-dernière phrase du même alinéa est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :
« Un groupe d’utilisateurs a été constitué à l’initiative de la France avec nos partenaires européens pour partager nos expériences et nos capacités, et impliquer nos industries dans l’adaptation de ces équipements à nos propres besoins. Le système REAPER, livré depuis décembre 2013 dans la bande sahélo-saharienne, a été immédiatement utilisé de façon intensive dans le cadre des opérations en cours. L’exploitation de ces systèmes et les livraisons prévues appellent une augmentation sur la période des effectifs consacrés à leur mise en œuvre ; leur formation fera l’objet d’une attention particulière. » ;
c) À la sixième phrase du sixième alinéa, les mots : « sera développé durant la période de programmation » sont remplacés par les mots : « est en cours de réalisation » ;
d) Après la neuvième phrase du même sixième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« L’acquisition d’une charge utile ROEM supplémentaire sur drone REAPER permettra de renforcer l’appui de nos forces en opérations extérieures au regard du retour d’expérience. » ;
e) Avant la dernière phrase du même sixième alinéa, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :
« Les premières utilisations de drones, notamment en coopération avec nos alliés, ont montré que l’emploi du drone tactique embarqué en opérations navales était prometteur. Les études et les expérimentations en vue d’une intégration sur les plateformes de la marine seront lancées sur la période, notamment au profit des futures frégates de taille intermédiaire (FTI). » ;
f) Au septième alinéa, après les mots : « information géophysique », il est inséré le sigle : « GEODE4D » ;
f bis) Le même septième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Une capacité de renseignement géo-spatial (GEOINT) sera développée au profit de la fonction interarmées du renseignement à partir de la fusion et du traitement d’informations géolocalisées et datées, issues des chaînes traditionnelles d’exploitation des sources ouvertes ou maîtrisées (ROIM, ROEM, ROHUM…) et de la représentation géophysique opérationnelle (géographie, hydrographie, océanographie, météorologie). » ;
g) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« La modernisation des équipements de navigation par satellite des armées (OMEGA) pourra être lancée dès que la maturité technologique sera jugée suffisante. Elle inclura le développement d’une capacité autonome de géolocalisation capable d’utiliser les signaux GPS et Galileo, et résistante aux interférences et au brouillage. » ;
4° Le 2.3.1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « feront » est remplacé par les mots : « continuent de faire » ;
b) La quatrième phrase est ainsi rédigée :
« Les moyens du ministère de la défense consacrés à la cyberdéfense accélèreront leur montée en puissance avec le recrutement d’au moins 1 000 civils et militaires d’active supplémentaires sur la période 2014-2019, la consolidation des structures de commandement ainsi que le développement de capacités d’analyse et de surveillance permettant de suivre l’évolution des pratiques de nos adversaires dans l’espace numérique. » ;
5° Le 2.3.2 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « la sauvegarde maritime », sont insérés les mots : « , englobant la défense maritime, » ;
b) La première phrase du troisième alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Quatre bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers (BSAH) militaires seront acquis, dont les deux premiers seront livrés dès 2017. Répartis sur chaque façade, ils permettront notamment de garantir le soutien des opérations de protection pouvant nécessiter un remorquage. » ;
c) Le même troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Un quatrième B2M sera commandé sur la période pour conduire des missions relevant de la défense dans le canal du Mozambique. » ;
6° Le 2.3.3 est ainsi rédigé :
« 2.3.3. Sûreté aérienne
« La sûreté aérienne est permanente et participe à la fonction protection. Elle a pour objectifs d’assurer la souveraineté nationale dans l’espace aérien français et la défense du territoire contre toute menace aérienne, quelle qu’elle soit (aéronefs, drones…). Le programme Système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA) poursuivra la modernisation des capacités de surveillance de l’espace aérien et des approches du territoire, de surveillance de l’espace exo-atmosphérique, de contrôle des vols, de commandement des opérations aériennes et de la défense sol-air. Il porte les centres français de détection et de contrôle au standard OTAN en 2016 et débute le renouvellement des radars. Cette mise à niveau consacre l’intégration en 2016 de la France au sein du système de défense aérienne intégré de l’OTAN via l’ACCS (Air Command and Control System), aujourd’hui pris en compte au sein du programme SCCOA. Parallèlement, la rénovation des avions de détection et de commandement aéroportés de l’armée de l’air et de la marine sera poursuivie. Compte tenu de l’apparition récente de la menace constituée par les drones, une première réponse sera mise en place, avant la fin 2015, par l’achat de moyens existants (capteurs et effecteurs). En parallèle, et en cohérence avec les capacités développées au travers du programme SCCOA, un programme d’armement sera lancé durant la période couverte par la loi de programmation militaire pour obtenir une capacité robuste à l’horizon 2019. » ;
7° Le 2.4 est ainsi modifié :
a) À la troisième phrase du premier alinéa, après les mots : « capacité de », sont insérés les mots : « commander et conduire les opérations depuis la métropole ou de » ;
b) Le deuxième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Dans la période 2014-2019, pour ce qui concerne les capacités de télécommunication à longue distance, pour maintenir notre indépendance nationale et permettre notre autonomie de commandement en opération, la capacité SYRACUSE sera complétée par deux satellites (SICRAL2 et ATHENA FIDUS), en partenariat avec l’Italie. La réalisation du programme COMSAT NG, successeur de SYRACUSE, sera lancée. Pour ce qui concerne les télécommunications d’infrastructures, le programme DESCARTES, successeur de SOCRATE, sera lancé.
« Le renforcement des réseaux de communication opérationnels concerne notamment CONTACT, avec des premières livraisons en 2018, ASTRIDE en cours de livraison depuis 2014, la poursuite de RIFAN 3 au-delà de 2018 et la mise en service opérationnel du système ACCS dans le cadre du programme SCCOA.
« Enfin, le traitement et la gestion de l’information seront assurés par le Système d’information des armées (SIA) dont les premiers équipements ont été livrés aux forces en 2014. » ;
8° Le 2.5 est ainsi rédigé :
« 2.5. Les forces spéciales
« Les forces spéciales se sont imposées comme une capacité de premier plan dans toutes les opérations récentes. Complémentaires des forces conventionnelles, elles sont particulièrement adaptées aux besoins accrus de réaction dans l’urgence, en souplesse et dans la profondeur contre un dispositif hostile ou complexe. Elles offrent au commandement militaire et aux autorités politiques des options diverses et adaptées, souvent fondées sur la surprise. Les opérations spéciales disposent d’une chaîne de commandement directe, dont les moyens continueront à être renforcés de façon progressive, adaptée à la spécificité de leurs actions, de leur recrutement et de leur formation. Les effectifs des forces spéciales seront augmentés d’environ 1 000 hommes. Dans l’armée de terre, elles seront confortées par la création du groupement d’appui aux opérations spéciales (GAOS). Le retour d’expérience des engagements récents a montré à quel point la complémentarité des opérations spéciales et conventionnelles offrait une capacité d’action extrêmement efficace et une liberté d’action inégalée. Les synergies étroites entre les forces conventionnelles et les forces spéciales seront donc encore renforcées. Les équipements des forces spéciales continueront à faire l’objet d’un effort spécifique, marqué en particulier par la réalisation du programme de transmissions sécurisées MELCHIOR, l’acquisition d’un parc de jumelles de vision nocturne haute performance et l’acquisition accélérée de 25 véhicules poids lourd forces spéciales (PLFS) standard 1, en anticipation du programme véhicules forces spéciales lancé en 2015 (programme d’ensemble VLFS/PLFS). Les moyens aériens et aéromobiles feront l’objet d’un effort particulier compte tenu du retour d’expérience des engagements récents. En particulier, l’adjonction d’un armement offensif sur certains C 130-H constitue une priorité. L’ensemble de la flotte de CARACAL du ministère de la défense sera en mesure d’effectuer dès 2015 des missions au profit du commandement des opérations spéciales (COS), dans l’attente de leur regroupement à terme, que facilitera la montée en puissance du NH 90/TTH. » ;
9° Le 2.6 est ainsi rédigé :
« 2.6. Les forces terrestres
« Dans le cadre du projet “Au contact !”, les forces terrestres, capables d’intervenir sur les théâtres d’opérations extérieures comme sur le territoire national, disposeront à l’horizon 2025 d’unités adaptées à la diversité, à la durée, à la dispersion et au durcissement des opérations.
« Celles-ci seront structurées par la nouvelle génération des équipements SCORPION et seront articulées en deux divisions et six brigades interarmes densifiées : deux brigades de haute intensité, deux brigades médianes (amphibies) et deux brigades légères (aéroportée et montagne). Une brigade d’aérocombat sera créée.
« Afin de les mettre au niveau d’un contrat opérationnel redimensionné par un engagement durable sur le territoire national, les forces terrestres atteindront une capacité opérationnelle de 77 000 hommes équipés. Elles disposeront à l’horizon 2025 d’environ 200 chars lourds, 250 chars médians, environ 2 700 véhicules blindés multirôles et de combat, 147 hélicoptères de reconnaissance et d’attaque, 115 hélicoptères de manœuvre et une trentaine de drones tactiques. Les infrastructures seront adaptées pour permettre l’accueil des effectifs supplémentaires de la force opérationnelle terrestre et de son soutien. L’activité sera renforcée pour faire face aux nouveaux besoins de préparation opérationnelle. L’augmentation des effectifs de la force opérationnelle terrestre permettra de conserver un haut niveau de préparation opérationnelle.
« Un commandement du territoire national sera mis à la disposition de la chaîne interarmées. Les effectifs de la réserve opérationnelle seront progressivement portés à 22 000 hommes, leur formation et leur emploi seront prioritairement tournés vers les engagements intérieurs.
« La mise sur pied d’un commandement de la formation et de l’entraînement interarmes rapprochera encore la formation des besoins opérationnels.
« Enfin, les capacités clés des forces spéciales de terre, de l’aérocombat, du renseignement, des systèmes d’information et de communication, particulièrement de la cyberdéfense, et de la logistique seront renforcées et regroupées au sein de commandements dédiés, propres à assurer une meilleure interface avec les composantes des autres armées.
« Un effort tout particulier sera conduit pour consolider la composante “hélicoptères” dont le rôle déterminant est confirmé au quotidien lors des opérations sur des théâtres particulièrement étendus (BSS).
« La période 2015-2017 représentera une étape déterminante dans la constitution de ce modèle, avec une attention particulière portée à la régénération du potentiel organique. » ;
10° Le 2.6.1 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « sera lancée » sont remplacés par les mots : « a été lancée » ;
b) La troisième phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :
« Le premier standard de la rénovation de 200 chars LECLERC débutera en 2018 avec un traitement des obsolescences, les premières livraisons étant attendues à partir de 2020. » ;
c) Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle repose également sur la composante “véhicules blindés légers (VBL)” qui doit impérativement faire l’objet d’un effort de régénération dans l’attente de son renouvellement, programmé au-delà de 2025. » ;
d) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « 90 000 AIF » sont remplacés par les mots : « 101 000 AIF » ;
e) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’évolution des capacités protégées d’engagement de personnels sera cohérente avec les effectifs de la force opérationnelle terrestre. » ;
11° Le 2.6.2 est ainsi modifié :
a) Au troisième alinéa, les mots : « 13 lanceurs seront livrés » sont remplacés par les mots : « 13 lanceurs ont été livrés » ;
b) À la fin du dernier alinéa, les mots : « 450 véhicules auront été livrés en 2016 » sont remplacés par les mots : « 900 auront été livrés pendant la période, dont 450 porteurs polyvalents terrestres sans protection » ;
12° Le 2.6.3 est ainsi modifié :
a) Après les mots : « par des TIGRE », la fin de la deuxième phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « dont 25 TIGRE au standard HAD livrés entre 2014 et 2019. » ;
b) Le second alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« En complément des 26 COUGAR rénovés et des CARACAL, les PUMA seront progressivement remplacés par 74 hélicoptères NH 90-TTH, dont 44 seront livrés avant 2019. Une commande complémentaire permettra ensuite d’achever le remplacement des PUMA pour maintenir la cible à hauteur de 115 hélicoptères de manœuvre et d’envisager alors une homogénéisation des flottes entre armées.
« La tenue de ces objectifs est tout particulièrement délicate sur cette composante pour la posture requise en Afrique. Pour contenir et redresser la disponibilité insuffisante des hélicoptères, des actions d’urgence seront entreprises, portant notamment sur la logistique opérationnelle, la maintenance et la durée des rénovations. Par ailleurs, l’acquisition de 7 TIGRE supplémentaires permettra de disposer d’un parc en exploitation opérationnelle au niveau d’exigence du contrat opérationnel. Cette acquisition supplémentaire portera le modèle de 60 à 67 TIGRE. L’intégration accélérée d’une roquette de précision métrique pour s’adapter aux engagements actuels sera en outre recherchée. » ;
13° Le 2.7 est ainsi modifié :
a) À la dernière phrase du premier alinéa, après les mots : « d’avions de patrouille maritime, », sont insérés les mots : « d’une composante forces spéciales navales » ;
b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour accompagner l’évolution de son format capacitaire et conforter son aptitude à assurer l’ensemble des missions opérationnelles qui lui sont confiées, la marine a élaboré et met en œuvre le plan stratégique de transformation “Horizon Marine 2025”. Ce plan s’articule autour de quatre piliers : “Agir” en permanence dans les quatre milieux (sur mer, sous la mer, dans les airs et vers la terre) dans le cadre du contrat opérationnel ; “Bâtir” une nouvelle marine plus resserrée, en cours de modernisation, en adaptant les organisations et la formation des marins au fonctionnement en équipages optimisés et les infrastructures portuaires aux moyens navals à venir ; “Adapter” l’organisation de la marine pour toujours plus d’efficience, tout en préservant les compétences humaines et technico-opérationnelles ; “Être marin” pour développer la performance et la combativité des équipages, à travers une gestion individualisée, centrée sur les compétences, l’entretien de l’esprit d’équipage, la valorisation de l’identité des marins et la juste prise en compte de leurs contraintes et de leurs aspirations. » ;
c) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’augmentation du niveau d’engagement des forces navales présentes sur cinq zones de déploiement, l’élévation des exigences de protection face à la menace terroriste et l’impact des contrats d’exportation (notamment en Égypte) induisent des ajustements sur la trajectoire de ralliement du modèle. » ;
14° À la fin de la première phrase du 2.7.1, l’année : « 2016 » est remplacée par l’année : « 2017 » ;
15° À la première phrase du 2.7.2, l’année : « 2019 » est remplacée par l’année : « 2018 » ;
16° Le 2.7.3 est ainsi rédigé :
« 2.7.3. Frégates
« La construction et l’admission au service actif des frégates multimissions (FREMM), commencées avant 2014, se poursuivront : 6 seront livrées avant mi-2019. Les deux suivantes, livrées en 2021 et 2022, auront une capacité renforcée de défense aérienne pour remplacer les deux frégates antiaériennes d’ancienne génération CASSARD et JEAN BART et compléter les deux unités de type HORIZON. Pour compléter jusqu’à une capacité de 15 frégates de premier rang et répondre au principe de différenciation, un programme de frégates de taille intermédiaire (FTI) est avancé, pour un objectif de première livraison en 2023 à la marine nationale.
« Dans ce cadre, le programme de rénovation des frégates furtives FLF sera lancé en cours de période ; les rénovations seront réalisées au fil des arrêts techniques programmés. Ces frégates rénovées, avec notamment l’ajout d’un sonar, permettront d’assurer les missions résultant des contrats opérationnels, dans la phase de transition qui accompagnera la livraison des futures FTI.
« Les FREMM embarqueront le missile de croisière naval (MdCN) à partir de 2015, le missile antinavires EXOCET MM 40 B3 à portée étendue, la torpille anti-sous-marine MU 90, l’hélicoptère de combat anti-sous-marin NFH 90 et le missile de défense aérienne et anti-missiles ASTER. » ;
17° À la seconde phrase du 2.7.5, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « deux » ;
18° Le 2.7.6 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après le sigle : « NFH 90 », il est inséré le mot : « CAÏMAN » ;
b) Aux deux dernières phrases, le sigle : « NFH 90 » est remplacé par le mot : « CAÏMAN » ;
19° Le 2.8 est ainsi rédigé :
« 2.8. Les forces aériennes
« Afin de répondre, dans le contexte actuel des réformes, aux missions fixées par les nouveaux contrats opérationnels, l’armée de l’air agira dans le cadre d’un plan stratégique appelé “Unis pour faire face”. Ce dernier est destiné à accompagner l’évolution de son format, tout en donnant pleinement sens et cohérence à ses actions.
« Le fort engagement opérationnel observé depuis 2013 a conforté et validé les orientations de ce plan stratégique, qui repose sur quatre axes d’effort :
« a) La modernisation des capacités de combat, pour conforter la capacité de combat globale et cohérente de l’armée de l’air, en intégrant l’ensemble des nouveaux systèmes, assortis d’une doctrine d’emploi, mais aussi l’acquisition et l’entretien des compétences requises ;
« b) La simplification des structures Air, en les adaptant, afin d’accompagner ce processus qui est au cœur de la modernisation de l’action publique et de la réforme du ministère ;
« c) Le développement des partenariats, indispensables pour maintenir ou renforcer les capacités de l’armée de l’air, que ce soit en interarmées, en interministériel, à l’international ou encore avec la société civile ;
« d) Et enfin, la valorisation des aviateurs, dans la mesure où la performance de l’armée de l’air dépend de la qualité et de l’engagement de son personnel. L’enjeu est de donner des repères aux aviateurs et de susciter l’adhésion aux réformes, en plaçant l’humain au cœur de ses actions.
« C’est dans le cadre de ce plan stratégique que l’armée de l’air prépare l’avenir des forces aériennes.
« À l’horizon 2025, les forces aériennes continueront d’assurer, en permanence, la mise en œuvre de la composante aéroportée de la dissuasion et la protection de l’espace aérien national et de ses approches. Elles poursuivront leur modernisation pour disposer de flottes d’avions polyvalents du meilleur niveau, assurant des capacités d’entrée en premier, d’appréciation de situation, d’interopérabilité, de frappe dans la profondeur, de transport stratégique et tactique et d’appui de la manœuvre terrestre adaptées à un conflit majeur. Elles conserveront, par ailleurs, un nombre d’aéronefs suffisant, en prolongeant des avions plus anciens spécialisés, notamment pour remplir les missions de protection du territoire ou de gestion de crise. La préparation opérationnelle sera différenciée, un effort particulier étant réalisé pour disposer d’un premier cercle de forces employables avec un très haut niveau de réactivité dans tout le spectre des opérations. Cette démarche sera soutenue par une rénovation de l’entraînement et de la formation des pilotes de chasse au travers du projet FOMEDEC (Formation modernisée et entraînement différencié des équipages chasse), qui prend la place du projet Cognac 2016.
« S’appuyant sur un centre de commandement et de conduite permanent et interopérable avec nos alliés, les forces aériennes comprendront notamment 225 avions de chasse (air et marine), ainsi qu’une cinquantaine d’avions de transport tactique, 7 avions de détection et de surveillance aérienne (air et marine), 12 avions ravitailleurs multirôles, 12 drones de surveillance de théâtre, des hélicoptères de manœuvres et des hélicoptères légers, des avions légers de surveillance et de reconnaissance et 8 systèmes sol-air de moyenne portée.
« Durant la période de la loi de programmation, les forces aériennes poursuivront la montée en puissance de la flotte RAFALE et mettront progressivement en œuvre des nouvelles capacités dont la nécessité s’est affirmée dans les opérations récentes. » ;
20° Le 2.8.2 est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase du premier alinéa, les mots : « seront rénovés » sont remplacés par les mots : « sont en cours de rénovation » ;
b) La seconde phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :
« Vingt-six de ces PDL-NG seront livrés d’ici 2020, pour une commande de 45 PODS. » ;
c) Le même deuxième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Les engagements récents, en Irak notamment, confirment la nécessité d’améliorer nos capacités en moyens d’identification embarqués. La commande supplémentaire de vingt-cinq PODS de désignation laser NG (TALIOS) aux performances accrues est donc indispensable pour disposer des capacités requises pour les théâtres de demain ; elle permettra aussi de compenser le retrait des PODS d’ancienne génération très sollicités ainsi que leur attrition. » ;
d) Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La très forte sollicitation des équipages de RAFALE des unités de première ligne et la préemption d’appareils et de personnels qualifiés pour la formation des équipages des pays partenaires acquéreurs du RAFALE nécessitent de repousser le retrait de service du M 2000 C, notamment au profit de la posture permanente de sûreté. » ;
21° Le 2.8.3 est ainsi modifié :
a) À la fin du second alinéa, l’année : « 2018 » est remplacée par l’année : « 2019 » ;
b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Depuis 2013, la tension s’est accrue sur ce segment sous l’effet conjugué d’une sollicitation forte et durable en opérations extérieures, ainsi que des difficultés de validation des capacités tactiques de l’A400M.
« La mise à disposition, d’ici la fin de la période, d’une capacité de quatre C 130, dont deux à capacité de ravitaillement d’hélicoptères, sera étudiée. Elle permettra de garantir le minimum indispensable pour la réalisation des missions de l’aviation de transport tactique dans une période où l’armée de l’air est confrontée à une diminution de la disponibilité de ses C 160 notamment. Les modalités seront définies d’ici à la fin de l’année 2015. » ;
22° La première phrase du 2.8.4 est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :
« Pour le remplacement des ravitailleurs C 135 (cinquante-six ans en 2019), l’acquisition d’une flotte polyvalente de 12 MRTT a été lancée en 2014. Sur la période de la loi de programmation militaire, tous seront commandés et deux seront livrés, dont le premier en 2018. L’ensemble des livraisons s’échelonnera entre 2018 et 2025. » ;
23° Le 2.8.5 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le nombre : « 100 » est remplacé par le nombre : « 60 » ;
b) Au deuxième alinéa, l’année : « 2019 » est remplacée par l’année : « 2018 » ;
c) Au dernier alinéa, l’année : « 2014 » est remplacée par l’année : « 2015 » ;
24° Le 2.9 est ainsi rédigé :
« 2.9. Les organismes et les services interarmées
« Les forces armées continueront de s’appuyer sur les organismes interarmées qui en conditionnent l’efficacité, sur les théâtres d’opération comme sur le territoire national, pour les missions de circonstance comme pour les missions permanentes. C’est le cas, entre autres, du service des essences, de la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information, du service du commissariat des armées, du service d’infrastructure de la défense, du service interarmées des munitions et des services de soutien, tels que la structure interarmées de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense, de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres et du service de soutien de la flotte.
« Au travers de son projet, le service de santé des armées engagera une reconfiguration de ses cinq composantes (médecine hospitalière, médecine des forces, ravitaillement médical, recherche biomédicale et formation). Le projet SSA 2020 obéit à un triple principe de concentration sur les missions majeures, d’ouverture dynamique sur la santé publique et de simplification de la gouvernance.
« Il continuera en effet de jouer le rôle essentiel qui est le sien dans le cadre de la stratégie de défense et de sécurité nationale de la France pour le soutien médical des soldats, en opérations extérieures comme sur le territoire national. Acteur de l’engagement opérationnel des forces, lors des missions d’entrée en premier sur les théâtres d’opérations les plus exigeants, comme dans toute la gamme des interventions armées extérieures, ses capacités pourront être sollicitées plus largement dans la gestion des crises, notamment en matière de gestion des crises sanitaires, dans le cadre de sa contribution à la résilience de la Nation. Il prolongera les actions lui permettant de disposer de capacités en vue de réagir en ambiance NBC. Dès 2014, son implication très active pour la lutte contre l’épidémie Ebola en Afrique de l’ouest a été une réussite, permettant de capitaliser un important retour d’expérience au bénéfice des forces armées.
« Il continuera à développer le dispositif de suivi et d’accompagnement médical mis en place pour les militaires ayant été engagés dans des opérations, notamment pour la prévention et la prise en charge des symptômes psychologiques post-traumatiques.
« Il poursuivra la rénovation du dispositif sanitaire de veille opérationnelle composé d’un ensemble de modules d’intervention susceptibles d’être projetés afin de répondre avec une forte réactivité et dans la durée à tous les types de missions des forces, y compris pour la protection des populations.
« Dans le même temps, les relations du service de santé des armées avec la santé publique seront renforcées dans un esprit de synergie et de complémentarité géographique et fonctionnelle, dans le respect de la mission défense au sein des territoires de santé.
« L’application de la logique de bout en bout au domaine de l’administration générale et du soutien commun (AGSC) a profondément modifié le périmètre, les modes d’action et l’organisation du service du commissariat des armées (SCA). Elle s’est traduite par le rattachement hiérarchique des groupements de soutien de base de défense (GSBdD) au SCA, par une professionnalisation accrue de l’AGSC et par une forte impulsion à l’amélioration de la qualité du service, que traduit l’émergence de filières de soutien ayant vocation à matérialiser la segmentation de l’offre de service du SCA.
« Cette modification de l’organisation du soutien AGSC vise ainsi à concilier trois impératifs : garantir la primauté du soutien des engagements opérationnels ; porter une charge de déflation importante des effectifs consacrés au soutien commun ; répondre aux attentes des personnels soutenus en termes de qualité des prestations et de réactivité du soutien.
« L’innovation, la modernisation et la simplification sont les axes d’effort majeurs qui portent la réussite de cette transformation.
« Il s’agira, en particulier, de moderniser la relation avec le soutenu par un recours croissant à la numérisation du soutien et d’optimiser l’organisation générale du service en portant une attention particulière au juste dimensionnement de l’échelon de soutien local et à son articulation avec les échelons supérieurs (direction centrale, centres experts). La mise en place des systèmes d’information métiers du SCA, la prise en compte des contraintes d’infrastructure et l’accompagnement du changement constitueront des leviers essentiels dans la réussite du projet de service.
« La montée en puissance du SCA aura également pour effet de porter l’administration militaire et le soutien du combattant à un haut niveau d’aptitude opérationnelle, tant dans le cadre des missions intérieures (MISSINT) que des opérations extérieures (OPEX).
« Le retour d’expérience du soutien de la mission “Sentinelle” montre que le SCA devra disposer de la capacité à durer, tout en assurant la simultanéité du soutien courant, du soutien des engagements opérationnels en cours et du soutien d’une mission intérieure d’une envergure sans précédent. » ;
25° Le 2.10 est ainsi modifié :
a) À l’intitulé, le mot : « nouveau » est supprimé ;
b) Le premier alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« Sur la période 2014-2019, il s’agira de veiller à la régénération de la capacité opérationnelle des armées. Le programme HIL (Hélicoptères interarmées légers) est destiné à remplacer six flottes d’hélicoptères vieillissants, fortement sollicitées en opérations. L’anticipation du programme HIL fera l’objet d’une étude d’ici 2017. » ;
c) Les deux tableaux sont ainsi rédigés :
« Parcs d’équipements et livraisons des principaux équipements LPM 14-19 (3)
« |
Fonctions stratégiques |
Principaux équipements concourant à la fonction |
Parc/Contrat opérationnel Livre blanc |
Parc 2013 |
Livraisons 2014-2019 |
|||||
Connaissance et anticipation |
Pro- tec- tion |
Dis- sua- sion |
Pré- ven- tion |
In- ter- ven- tion |
||||||
X |
+ |
+ |
+ |
MUSIS |
3 |
0 |
2 |
|||
X |
+ |
CERES |
1 système |
0 |
Livraison 2020 |
|||||
X |
+ |
+ |
CONTACT (équipements radio + nœuds de communication) |
14 600 |
0 |
685 + 559 |
||||
X |
+ |
+ |
+ |
SIA (sites) |
229 |
0 |
190 |
|||
X |
+ |
+ |
+ |
MALE (systèmes/ vecteurs) [SIDM HARFANG] |
4/12 |
1/2 [1/4] |
3/10 |
|||
X |
+ |
+ |
+ |
Syst. Drones Tact. (systèmes/ vecteurs) |
2/28 |
0 |
2/14 |
|||
X |
+ |
+ |
+ |
ISR Léger |
3 |
0 |
2 |
|||
X |
+ |
+ |
BSAH (acquisitions ou affrètements) |
8 |
0 |
8, dont 4 en patrimonial |
||||
X |
+ |
+ |
+ |
SLAMF (bâtiments + système de drones) |
(4 + 8) |
Premières commandes sur la période |
||||
+ |
+ |
X |
+ |
+ |
ATL 2 rénovés |
15 |
0 |
2 |
||
+ |
+ |
X |
+ |
+ |
MRTT (4) |
12 |
0 |
2 |
||
+ |
X |
LRU |
13 |
0 |
13 |
|||||
+ |
X |
Chars LECLERC rénovés |
200 |
Commandés sur la période |
||||||
+ |
X |
EBRC |
248 |
Commandés sur la période |
||||||
+ |
X |
VBCI |
630 |
528 |
102 |
|||||
+ |
X |
VBMR |
2 080 |
0 |
92 |
|||||
+ |
+ |
X |
AIF (5) |
101 000 |
0 |
21 340 |
||||
+ |
+ |
X |
FELIN |
18 552 |
14 206 |
4 346 |
||||
+ |
+ |
X |
PPT |
1 600 |
72 |
828 |
||||
+ |
+ |
X |
MMP (postes/missiles) |
400/2 850 |
0/0 |
175/450 |
||||
+ |
X |
TIGRE |
Cible globale : 140 hélicoptères de reco-attaque |
45 |
25 |
|||||
+ |
+ |
X |
NH 90 TTH |
Cible globale : 115 HM (6) |
9 |
35 |
||||
+ |
+ |
+ |
X |
NH 90 NFH |
27 |
8 |
16 |
|||
+ |
+ |
X |
ATM 2 CdG |
1 |
0 |
1 |
||||
+ |
+ |
+ |
+ |
X |
FREMM |
15 frégates de 1er rang (dont FDA) |
1 |
5 |
||
+ |
+ |
+ |
+ |
X |
Rénovation FLF - FTI |
Commandées sur la période |
||||
+ |
+ |
X |
FLOTLOG |
3 |
Commandés sur la période |
|||||
+ |
+ |
+ |
+ |
X |
BARRACUDA |
6 |
0 |
1 |
||
+ |
+ |
+ |
+ |
X |
RAFALE |
225 en parc (7) |
118 |
26 (8) |
||
+ |
+ |
X |
Rénovation M 2000D |
0 |
6 |
|||||
+ |
+ |
X |
A 400M |
Cible globale : 50 avions de transport tactique |
2 |
13 |
||||
+ |
+ |
X |
C 130 (9) |
0 |
4 (9) |
|||||
X |
AASM |
1 748 |
1 256 |
492 |
||||||
« (3) Un “X” indique la fonction stratégique considérée comme principale ; un “+” toutes les autres auxquelles l’équipement participe. « (4) Les 12 MRTT seront commandés d’ici à 2018. « (5) La cible sera consolidée lors du lancement en réalisation de l’opération. « (6) HM : hélicoptères de manœuvre. « (7) Parc constitué de 185 avions air et 40 avions marine constitué de RAFALE, de MIRAGE 2000-5 et de MIRAGE 2000D. « (8) Tenant compte de l’export. « (9) Étude de la mise à disposition d’une capacité, d’ici à la fin de la période, selon des modalités à définir d’ici à fin 2015. |
« Les principaux équipements opérationnels de nos armées aujourd’hui et en 2019 (10)
« |
Début 2013 |
Fin 2019 |
Cohérence interarmées |
Système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA). |
Système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA). |
ROEM (11) stratégique et tactique et ROIM spatial et tactique : |
ROEM stratégique et tactique et ROIM spatial et tactique : |
|
- 2 C 160G GABRIEL ; |
- 2 C 160G GABRIEL ; |
|
- 2 satellites HELIOS. |
- 2 satellites MUSIS. |
|
2 systèmes de drones MALE HARFANG + 2 systèmes de drones tactiques. |
4 systèmes de drones MALE + 2 systèmes de drones tactiques SDT (14 vecteurs aériens) + avions ISR légers. |
|
Systèmes d’information des armées (SIC 21, SIC F...). |
Système d’information des armées (SIA). |
|
Plusieurs systèmes d’information géophysiques (KHEPER, DNG3D...). |
Le système d’information géophysique des armées (GEODE 4D). |
|
Communications par satellites souveraines (2 satellites SYRACUSE). |
Communications par satellites souveraines (2 satellites SYRACUSE). Capacité complétée par 2 satellites (SICRAL 2 et ATHENA FIDUS) en partenariat avec l’Italie. |
|
Moyens C2 de niveau MJO (12) (nation-cadre), architecture de communication résiliente, capacité de ciblage, capacité d’opérations spéciales, soutien interarmées, capacité NRBC. |
Moyens C2 de niveau SJO (13) (nation-cadre) ou d’état-major de composante de niveau MJO, architecture de communication résiliente, capacité de ciblage, capacité d’opérations spéciales, soutien interarmées, capacité NRBC. |
|
Forces terrestres |
254 chars LECLERC. |
200 chars LECLERC à rénover. |
256 AMX 10RC + 110 ERC 90. |
236 chars médians AMX 10RC (14) + 60 ERC 90. |
|
110 AMX 10P + 440 VBCI. |
630 VBCI. |
|
3 200 VAB. |
2 190 VAB + 92 VBMR. |
|
157 canons de 155 mm, dont 77 CAESAR + 13 LRU. |
77 canons CAESAR + 13 LRU. |
|
186 hélicoptères d’attaque et de reconnaissance (39 TIGRE + 147 GAZELLE). |
148 hélicoptères d’attaque et de reconnaissance (67 TIGRE + 81 GAZELLE). |
|
121 hélicoptères de manœuvre (90 PUMA + 23 COUGAR + 8 CARACAL). |
121 hélicoptères de manœuvre (44 NH 90 + 43 PUMA + 26 COUGAR + 8 CARACAL). |
|
10 000 équipements FELIN. |
18 552 équipements FELIN. |
|
Forces navales |
4 SNLE. |
4 SNLE. |
6 SNA type RUBIS. |
6 SNA (5 types RUBIS + 1 BARRACUDA). |
|
1 porte-avions nucléaire avec son groupe aérien. |
1 porte-avions nucléaire avec son groupe aérien. |
|
17 frégates de 1er rang (dont 5 frégates légères furtives). |
16 frégates de 1er rang en service (15). |
|
3 BPC et 1 TCD. |
3 BPC. |
|
6 frégates de surveillance. |
6 frégates de surveillance. |
|
18 patrouilleurs et 3 BATRAL. |
4 bâtiments multi-missions B2M + 2 patrouilleurs guyanais PLG + 7 avisos A 69 + 6 patrouilleurs d’ancienne génération de tout type. |
|
Guerre des mines : 11 CMT. |
Guerre des mines : 10 CMT. |
|
4 pétroliers-ravitailleurs d’ancienne génération. |
3 pétroliers-ravitailleurs d’ancienne génération. |
|
22 ATL2. |
18 ATL2, dont 2 rénovés. |
|
15 avions de surveillance maritime. |
16 avions de surveillance maritime (12 de type FALCON et 4 ATL2) (16). |
|
31 hélicoptères moyens/lourds embarqués (dont 9 NFH). |
24 hélicoptères moyens/lourds embarqués NFH. |
|
52 hélicoptères légers. |
40 hélicoptères légers. |
|
Forces aériennes |
320 avions de combat en parc, dont 110 RAFALE (35 marine), 160 MIRAGE 2000 de tout type, 25 MIRAGE F1 et 25 SEM. |
247 avions de combat en parc (17). |
4 E 3F AWACS. |
4 E 3F AWACS. |
|
14 avions ravitailleurs et 5 avions de transport stratégique (A 340 et A 310). |
14 avions ravitailleurs (18) + 4 avions de transport stratégique (A 340 et A 310) + 2 MRTT (19). |
|
54 avions de transport tactique (C 130 et C 160). |
Une quarantaine d’avions de transport tactique (19 bis). |
|
42 hélicoptères moyens (dont 3 VIP). |
36 hélicoptères moyens (dont 3 VIP) (19 ter). |
|
42 hélicoptères légers. |
40 hélicoptères légers (FENNEC). |
|
« (10) Intégrant les nouveaux équipements et les matériels plus anciens. « (11) Renseignement d’origine électromagnétique. « (12) Major Joint Operation : dans le vocabulaire OTAN, opération de niveau corps d’armée pour l’armée de terre, de niveau JFACC 1000 sorties/jour pour l’armée de l’air et de niveau Task Force pour la marine. « (13) Small Joint Operation : dans le vocabulaire OTAN, opération de niveau division pour l’armée de terre, de niveau JFACC 350 sorties/jour pour l’armée de l’air et de niveau Task Group pour la marine. « (14) La prolongation d’une partie du parc ERC 90 permet de rester dans le format LBDSN, mais avec des équipements vieillissants et limités du point de vue capacitaire. « (15) 2 frégates anti sous-marines d’ancienne génération (désarmées post-2019 en fonction de l’admission au service actif des FREMM pour maintenir au niveau requis la capacité de lutte sous la mer), 5 FREMM (le prélèvement de la FREMM “Normandie” pour l’export Égypte nécessite que le rythme de production de FREMM françaises soit adapté pour respecter l’objectif de la loi de programmation militaire de 6 frégates anti sous-marines livrées avant fin 2019), 4 frégates de défense aérienne (dont 2 FAA d’ancienne génération) et 5 frégates légères furtives (à rénover). « (16) Selon la date exacte de retrait des FALCON F 200 arrivant en fin de vie. « (17) Le nombre d’avions dans les forces rejoindra le format du Livre blanc (225 avions de chasse), avec la prolongation de M 2000 supplémentaires pour faire face aux sollicitations opérationnelles supplémentaires et aux nouvelles perspectives d’export du RAFALE. Au sein des armées, sera étudiée l’utilisation optimale des flottes en cours de retrait pour réaliser l’activité des équipages nécessaires au respect des contrats opérationnels. « (18) Les C 135FR/KC 135, aux capacités sensiblement inférieures à celles des MRTT et à la disponibilité incertaine, seront retirés du service dès que possible au fur et à mesure de la livraison de ces derniers, de façon à ce que les contrats de dissuasion soient assurés sans restriction. « (19) Outre le ravitaillement en vol et le transport stratégique, les MRTT posséderont des capacités améliorées de transports de fret et d’évacuation sanitaire aérienne lourde. « (19 bis) Le calendrier de livraison des A 400M et le profil définitif de retrait de service C 160 ne sont pas encore figés. La flotte d’avions de transport tactique devrait être constituée d’une quinzaine d’A 400M, d’une vingtaine de C 130 et d’un nombre de C 160 qui dépendra des possibilités techniques de prolongation de cet appareil. « (19 ter) La flotte d’hélicoptères moyens comprendra des PUMA, des Super PUMA, des EC 225 et des EC 725 CARACAL. » ; |
26° Le 2.11 est ainsi rédigé :
« 2.11. La réserve militaire
« Les réserves constituent une partie intégrante du modèle d’armée. À ce titre, il est créé un dispositif permettant, en cas de crise menaçant la sécurité nationale, de recourir à la réserve selon des modalités spécifiques, définies à l’article 15 de la présente loi. S’insérant entre la situation courante et la crise majeure qui autorise le recours à la réserve de sécurité nationale, ce nouveau dispositif devra permettre un continuum de l’action de la réserve. Il permettra une augmentation importante de l’emploi des réservistes, grâce notamment à :
« – la réduction du préavis, prévu à l’article L. 4221-4 du code de la défense, de trente à quinze jours – et à cinq jours en cas d’existence d’une clause de réactivité dans le contrat du réserviste ;
« – l’augmentation de cinq à dix du nombre de jours annuels d’activité accomplis pendant le temps de travail du réserviste, prévu au deuxième alinéa de l’article L. 4221-4 du code de la défense.
« Par ailleurs, le recours à la réserve de disponibilité sera optimisé grâce à l’appel prioritaire à une partie des ressources de celle-ci, selon des modalités qui auront été définies au préalable entre les forces armées, le réserviste et, le cas échéant, son employeur.
« 2.11.1. La réserve opérationnelle
« La réserve opérationnelle est indispensable aux forces armées pour qu’elles remplissent l’ensemble de leurs missions, notamment sur le territoire national ou en cas de crise grave. Elle contribue en outre à la capacité de résilience de la Nation.
« La rénovation du dispositif de la réserve opérationnelle du ministère de la défense permettra de renforcer sa contribution aux missions des armées, notamment celle de protection du territoire national, à travers :
« – une augmentation des effectifs à hauteur de 40 000 réservistes, principalement en renfort des unités d’active ;
« – un accroissement des capacités de la réserve opérationnelle, par l’amélioration de son attractivité, de son employabilité et de la fidélisation du personnel. Il s’agit notamment d’optimiser la cohérence entre les parcours offerts, le niveau de formation et de préparation, la nature et la durée des missions, avec une pyramide des grades adaptée ;
« – un élargissement des recrutements, en favorisant l’adhésion de réservistes issus de la société civile. La diversité des réservistes constitue un vecteur majeur pour favoriser l’étroitesse du lien entre la Nation et son armée sur l’ensemble du territoire. La recherche de partenariats avec les entreprises, notamment par l’établissement de conventions, sera poursuivie pour mieux valoriser le rôle des réservistes et accroître l’adhésion des employeurs au principe de la réserve. Le recrutement de réservistes issus de la fonction publique de l’État et de la fonction publique territoriale sera favorisé et leur emploi facilité par des durées de services plus longues. L’objectif est d’attirer et de conserver en priorité des femmes et des hommes disposés à servir au minimum trente jours par an pendant au moins trois ans et, dans certains cas, jusqu’à deux cent dix jours ;
« – un effort prioritaire en direction de l’enseignement supérieur. Des partenariats devront être conclus avec les grandes écoles et les universités afin d’encourager les étudiants à souscrire un engagement à servir dans la réserve et de leur faire effectuer leur formation militaire à l’occasion d’un semestre ou d’une année de césure. Cet engagement sera valorisé dans les parcours de formation des étudiants et des accès privilégiés aux bourses et aux logements étudiants seront mis en place. Une attention particulière sera portée aux écoles dont les élèves ont le statut de fonctionnaire, où la question de sa généralisation sera étudiée ;
« – un recours accru et structuré à des réservistes opérationnels dans des domaines déficitaires ou sensibles, tels que la cyberdéfense, la reconstruction post-conflit ou l’intelligence économique. L’objectif sera également de développer et d’animer, au sein de la réserve opérationnelle, des réseaux d’experts susceptibles de renforcer efficacement et utilement la performance de la défense dans des domaines duaux, civils et militaires ;
« – la mise en place et la création, en particulier, d’un commandement de la réserve de cyberdéfense et d’une réserve à l’emploi spécifique au profit des armées et plus généralement de l’État, qui fera appel aux différents statuts de la réserve militaire ;
« – une amélioration du mode de gestion de la réserve opérationnelle afin que, en cas de crise menaçant la sécurité nationale ou de crise majeure sur le territoire national, la France dispose de ressources identifiées et rapidement mobilisables. En particulier, un suivi de la réserve de disponibilité sera instauré en se concentrant particulièrement sur les deux premières années de disponibilité des anciens militaires ;
« – le développement d’une politique de communication adaptée vers la société civile.
« Les budgets consacrés à la réserve seront adaptés aux effectifs et aux besoins en formation, en entraînement et en équipement des réservistes opérationnels.
« 2.11.2. La réserve citoyenne
« La réserve citoyenne, constituée de bénévoles, appartient pleinement à la réserve militaire. Elle constitue un vecteur de cohésion entre la Nation et les armées et contribue à la diffusion de l’esprit de défense. Elle permet aussi d’apporter aux armées des expertises additionnelles dans des domaines présentant une forte dualité.
« Son déploiement sera encouragé, notamment dans les départements ne possédant plus d’implantation militaire autre que la gendarmerie nationale. Par ailleurs, une attention particulière sera apportée à son recrutement pour qu’elle représente la société française de manière équilibrée et dans toute sa diversité.
« Un vivier sera identifié pour faire bénéficier la défense de réseaux et de compétences pointues dans des domaines spécifiques. Ainsi, pour faire face aux enjeux de la cybersécurité, un réseau de réservistes citoyens, constitué sous l’égide de l’état-major des armées pour la cyberdéfense et piloté conjointement par l’EMA, l’ANSSI et la gendarmerie nationale, sera développé afin d’apporter son concours au ministère et plus généralement aux divers services de l’État.
« Dans le cadre du plan d’égalité des chances du ministère, le réseau des réservistes locaux à la jeunesse et à la citoyenneté (RLJC) sera développé. Leur rôle, à partir des réseaux RLJC mis en place, sera d’améliorer la couverture des quartiers sensibles, en s’adaptant à la nouvelle géographie de la politique de la ville et en encourageant les échanges ainsi que les synergies entre les différents acteurs locaux.
« Un réseau de réservistes citoyens consacré à la reconversion contribuera au rapprochement des mondes civil et militaire afin d’accompagner l’action du ministère de la défense dans le domaine de la transition professionnelle. Associant les réservistes citoyens issus du secteur public comme du secteur privé, il facilitera la mise en relation des candidats avec les recruteurs et favorisera la création et la reprise d’entreprises.
« Dans le cadre de la “Grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République”, la réserve citoyenne du ministère de la défense apportera son concours au développement de la réserve citoyenne d’appui aux écoles et aux établissements. »
Article 4
Le 3 est ainsi modifié :
1° Le 3.2 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« L’inversion de cette tendance est une priorité forte de la présente loi de programmation militaire. Elle est indispensable au regard du contexte sécuritaire aggravé, de l’engagement soutenu et des conditions sévères d’environnement des opérations, qui se traduisent par un important besoin de régénération. À cette fin, un effort financier important est réaffirmé dans ce domaine. Les crédits consacrés à l’entretien programmé des matériels s’établiront à un niveau moyen de 3,5 Md € courants par an sur la période, intégrant, dans le cadre de l’actualisation, un effort supplémentaire de 0,5 Md € soit 0,125 Md € par an en moyenne.» ;
b) À l’avant-dernier alinéa, le mot : « permettra » est remplacé par les mots : « a permis » ;
c) Au dernier alinéa, les mots : « seront engagées dans le domaine du soutien » sont remplacés par les mots : « sont engagées dans le domaine du maintien en condition opérationnelle ».
Article 5
Le 4 est ainsi modifié :
1° Le 4.1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, le mot : « comme » est remplacé par les mots : « et permet » ;
b) À la première phrase du deuxième alinéa, le mot : « voire » est remplacé par le mot : « et » ;
c) La seconde phrase du troisième alinéa est ainsi rédigée :
« Des négociations de contrats ont été conduites sur la plupart des grands programmes afin d’adapter les cibles et les cadences de production en cohérence avec la trajectoire assurant la réalisation des formats prévus par la présente loi. » ;
d) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« L’industrie de défense, sur ces bases, a d’ores et déjà été en mesure de remporter des succès importants à l’exportation (par exemple, les contrats RAFALE et FREMM avec l’Égypte, RAFALE avec le Qatar ou FALCON EYE avec les Émirats arabes unis). D’autres succès sont attendus : RAFALE, systèmes de missiles, frégates, corvettes et navires de différents types, véhicules blindés VBCI, canons CAESAR, hélicoptères NH 90 et TIGRE permettant à l’industrie de défense de jouer un rôle important sur le marché international. » ;
2° Le 4.2 est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase du premier alinéa, les mots : « sera adaptée » sont remplacés par les mots : « a été adaptée » ;
b) À la deuxième phrase du deuxième alinéa, le mot : « permettront » est remplacé par le mot : « permettent » ;
c) Après le dixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – la lutte anti-drones. » ;
d) Après la deuxième phrase du dernier alinéa, est inséré une phrase ainsi rédigée :
« En mars 2015, ont été réalisées une augmentation de 25 % en trois ans des montants consacrés au dispositif RAPID et la mise en place du dispositif ASTRID Maturation, conformément au pacte défense PME. » ;
3° Le 4.3 est ainsi modifié :
a) Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les programmes industriels européens (dits “Pooling & Sharing”) sont encouragés, en particulier au niveau des moyens capacitaires ; » ;
b) Les sixième et avant-dernier alinéas sont ainsi rédigés :
« Au niveau européen, la France veillera à la mise en place de cadres communs pour le soutien des capacités technologiques et industrielles partagées. Cette démarche initiée dans le domaine des missiles et fondée sur un principe d’interdépendances librement consenties doit pouvoir être étendue à d’autres domaines, dans le cadre d’accords intergouvernementaux bilatéraux, comme celui de l’aviation de combat ou des drones. Dans cet esprit, un projet de drone de reconnaissance de type MALE élaboré en coopération avec l’Allemagne et l’Italie est en cours de définition. Il viserait à équiper les armées à partir de 2025 et à offrir une alternative européenne dans ce segment.
« La réussite d’une démarche de partage efficace des coûts et de répartition des technologies passe aussi par la définition de mécanismes de transfert de technologies optimisés et fluides au sein des groupes industriels construits avec nos partenaires. Différentes initiatives en cours s’inscrivent dans cette démarche, dans le domaine des missiles ou pour la préparation de futurs drones de combat (UCAV). La poursuite des travaux engagés avec l’Allemagne dans le domaine des armements terrestres et le Royaume-Uni dans le domaine des missiles tactiques démontrent la pertinence de cette approche et l’existence de solutions favorables à la compétitivité. La politique industrielle doit aussi favoriser la réussite d’opérations de consolidation industrielle européennes, qui renforceront la pérennité de l’appareil européen dans ce domaine. À l’image du rapprochement en cours avec l’Allemagne dans le domaine de l’armement terrestre, l’État favorisera, par sa politique d’acquisition, mais aussi par son implication d’actionnaire, tous les mouvements permettant la création de leaders européens compétitifs dans leurs domaines. » ;
4° Le 4.4 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « constituera » est remplacé par le mot : « constitue » ;
b) Le deuxième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les exportations d’armement représentent en effet plus de 30 % des 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires du secteur de l’industrie de défense dans l’économie française et sont donc à la fois un signe et un facteur de sa compétitivité. La France se conforme strictement aux critères de la position commune 2008/944/PESC du Conseil, du 8 décembre 2008, définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires.
« En 2012, les prises de commande ont été de 4,8 milliards d’euros. En 2013, elles se sont élevées à 6,87 milliards, soit une augmentation de plus de 40 %. En 2014, elles ont excédé tous les résultats enregistrés jusqu’ici en atteignant 8,3 milliards d’euros, soit un nouvel accroissement de 20 %. La conclusion de la vente de 24 RAFALE à l’Égypte début 2015, puis la signature avec le Qatar d’un contrat pour 24 autres appareils, laissent présager une année exceptionnelle qui consacre une méthode associant de façon coordonnée les autorités politiques, les armées et les industriels. L’importance du soutien des armées aux opérations d’exportation justifie un effort particulier en matière d’effectifs, qui est traduit dans la présente loi. L’intervention étatique de la DGA est de plus en plus requise par les États clients pour assurer l’accompagnement de l’exécution des contrats commerciaux. Celui-ci pourra conduire à la mise en place in situ de personnel de la défense.
« Les exportations d’armement passent de plus en plus par la mise en œuvre de coopérations industrielles et techniques au service de partenariats stratégiques et des relations globales de défense que la France entend développer. En s’engageant dans des relations d’armement avec la France, notamment par la signature de grands contrats, ces pays renforcent durablement nos liens, tant au niveau militaire qu’au niveau politique, économique et industriel, et deviennent ainsi de véritables partenaires. En alimentant les chaînes de production principalement, les commandes à l’exportation contribuent à la pérennité de nos entreprises ainsi qu’à notre autonomie stratégique. Elles concourent aux capacités d’autofinancement de l’industrie. Les contraintes budgétaires et le coût croissant des systèmes d’armes les rendent indispensables comme complément du marché intérieur, réduisant la dépendance des entreprises par rapport aux évolutions des commandes de l’État et renforçant leurs capacités d’autofinancement. » ;
c) Le troisième alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « s’inscrira » sont remplacés par les mots : « s’inscrit » ;
– à la deuxième phrase, les mots : « s’appuiera » sont remplacés par les mots : « s’appuie » ;
– à la dernière phrase, le mot : « continuera » est remplacé par le mot : « continue » ;
d) À l’avant-dernier alinéa, le mot : « sera » est remplacé par le mot : « est » ;
e) Le dernier alinéa est supprimé.
Article 6
Le 5 est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :
« À compter de la promulgation de la loi n° … du … actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense, le périmètre de la présente loi de programmation porte sur l’ensemble de la mission “Défense”, hors contribution au compte d’affectation spéciale “Pensions” et dans la structure de la loi de finances pour 2015 (il inclut également les ressources issues de cessions immobilières retracées en dehors de la mission “Défense”, ainsi que les produits de cessions de matériels militaires sur 2016-2019, mais ne prend pas en compte les autres fonds de concours et attributions de produit rattachés à cette mission).
« Face à l’évolution du contexte international et intérieur, le Président de la République a fait le choix d’accroître la dépense de défense de 3,8 Md € par rapport à la trajectoire initiale de la loi de programmation militaire, afin de donner à la France les moyens de mettre en œuvre un modèle d’armée ambitieux à l’horizon 2025, apte à répondre à l’évolution des enjeux internationaux et au besoin de sécurisation du territoire national. Cet effort s’élèvera à 162,41 Md € courants sur la période 2015-2019.
« Ressources sur le périmètre de la loi de programmation militaire telle que modifiée par l’actualisation
« (En milliards d’euros) |
||||||
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
Total 2015-2019 |
|
Ressources totales |
31,38 |
31,98 |
32,26 |
32,77 |
34,02 |
162,41 |
Dont crédits budgétaires |
31,15 |
31,73 |
32,11 |
32,62 |
33,87 |
161,48 |
« Dès l’année 2015 et pour les années suivantes, les ressources de la programmation militaire proviendront intégralement des crédits budgétaires de la mission “Défense” et des ressources issues des cessions d’emprises immobilières et de matériels militaires.
« Ainsi, les crédits budgétaires ouverts en loi de finances initiale pour 2015 sur la mission “Défense” seront complétés dans la plus prochaine loi de finances rectificative par une ouverture de 2,14 Md € en substitution des crédits inscrits en 2015 sur le compte d’affectation spéciale “Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l’État”. » ;
2° Le 5.1 est ainsi rédigé :
« 5.1. Nature des ressources
« À compter de son actualisation, les ressources définies par la présente loi de programmation militaire se composent de :
« – 161,48 Md € courants de crédits budgétaires ouverts en loi de finances initiale sur le périmètre du budget général sur la période 2015-2019 et, pour 2015, dans la plus prochaine loi de finances rectificative. S’élevant à 31,15 Md € courants en 2015, la ressource budgétaire augmentera pour atteindre 33,87 Md € en 2019 selon la chronique figurant ci-dessus ;
« – 0,93 Md € de ressources issues de cessions immobilières et de cessions de matériels militaires sur la période 2015-2019.
« Montant et calendrier des ressources issues de cessions immobilières et de cessions de matériels militaires
« (En milliards d’euros) |
|||||||
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
Total 2015-2019 |
||
Ressources issues de cessions |
0,23 |
0,25 |
0,15 |
0,15 |
0,15 |
0,93 |
» ; |
3° Le 5.2 est ainsi rédigé :
« 5.2. L’effort au profit de l’équipement est consolidé
« Le renouvellement de nos matériels continuera à bénéficier d’un volume de crédits significatif sur toute la période de programmation, tout en intégrant un effort supplémentaire sur certaines capacités critiques, notamment l’entretien programmé des matériels, la composante “hélicoptères”, la capacité de projection aérienne tactique ou encore le renseignement. Une enveloppe de 88 Md € courants sur la période 2015-2019 sera ainsi consacrée à l’équipement. En moyenne, la dotation annuelle s’élèvera à près de 17,6 Md € courants.
« En sus d’une majoration des crédits budgétaires de 1 Md € par rapport à la loi de programmation militaire 2014-2019 avant son actualisation au profit de l’équipement (500 M € pour l’entretien programmé des matériels et 500 M € pour les programmes à effet majeur), 1 Md € sont redéployés au bénéfice des opérations d’armement, du fait de l’évolution favorable des indices économiques depuis le vote de la loi de programmation militaire 2014-2019 avant son actualisation.
« |
(En milliards d’euros) |
|||||||||||
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
Total 2015-2019 |
Moyenne |
||||||
Agrégat “Équipement” |
16,66 |
16,98 |
17,28 |
17,73 |
19,09 |
87,74 |
17,55 |
« Parmi les équipements, l’effort au profit de la dissuasion nucléaire s’élèvera, sur la période 2015-2019, à environ 19,7 Md € courants.
« Les opérations d’équipement conventionnel seront financées à hauteur de 41,8 Md € sur la période 2015-2019. Celles-ci regroupent :
« – les programmes à effet majeur, auxquels sera consacrée une ressource d’environ 29 Md € ;
« – les programmes d’environnement et les équipements d’accompagnement qui complètent la cohérence capacitaire et organique des forces (12,8 Md €).
« Pour les crédits consacrés à l’entretien programmé des matériels et à l’infrastructure, la programmation prévoit d’y consacrer, respectivement, 18,2 Md € et 5,3 Md € entre 2015 et 2019.
« Les études amont seront également préservées, avec une dotation annuelle moyenne de 0,73 Md € courants (y compris les études relatives aux opérations de dissuasion). » ;
4° Le 5.4 est ainsi rédigé :
« 5.4. Le financement des dépenses de fonctionnement et d’activité
« Le ministère de la défense poursuivra les efforts d’économies entrepris sur ses coûts de fonctionnement. Dans le même temps, les forces armées sont appelées à renforcer leur activité opérationnelle tant en intensité que dans la durée.
« L’effort qui en résulte permettra de stabiliser en valeur les crédits au profit du fonctionnement et de l’activité (3,5 Md € courants en moyenne par an, hors provision OPEX).
« Toutefois, en cas de hausse du prix constaté des carburants opérationnels, la mission “Défense” bénéficiera de mesures financières de gestion et, si la hausse est durable, des crédits supplémentaires seront ouverts en construction budgétaire, pour couvrir les volumes nécessaires à la préparation et à l’activité opérationnelle des forces. »
Article 7
Le 6 est ainsi modifié :
1° Avant le premier alinéa, sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le niveau d’engagement maximal et l’accroissement de la menace sur le territoire national imposent une mobilisation et une disponibilité d’effectifs rendant nécessaire une révision des déflations initialement prévues.
« Les besoins opérationnels nouveaux requièrent des créations de postes (maintien dans la durée du dispositif de protection, renforcement des compétences expertes en renseignement et cyberdéfense) et le renoncement à un certain nombre de suppressions (nouveau format de la force opérationnelle terrestre, protection des sites sensibles, soutien).
« Cependant, ces créations et moindres suppressions n’ont pas pour effet d’annuler la totalité des déflations prévues, pas plus qu’elles n’aboutissent, sur la durée de la loi de programmation militaire, à un solde de créations nettes d’emploi pour la mission “Défense”.
« Ce sont ainsi 22 317 postes qui seront supprimés sur la période 2015-2019, pour notamment gager les créations brutes de postes indispensables pour assurer le contrat “protection” et poursuivre la transformation du ministère. » ;
1° bis À la dernière phrase du premier alinéa, le nombre : « 82 000 » est remplacé par le nombre : « 63 250 » ;
2° Le 6.1 est ainsi rédigé :
« 6.1. La condition du personnel
« Le ministère de la défense engage une nouvelle évolution de grande envergure, qui ne pourra être conduite efficacement à son terme sans l’adhésion et la mobilisation de l’ensemble des personnels civils et militaires. Une attention particulière devra être portée à la condition du personnel en assurant une équité de traitement. Les conditions de vie et d’exercice dans lesquelles civils et militaires remplissent leurs missions, au-delà des compensations financières existantes, devront être mieux prises en compte.
« Cette prise en compte s’est déjà traduite, en 2014, par un plan ministériel d’amélioration de la condition du personnel sous enveloppe budgétaire, visant à rechercher des pistes d’amélioration, notamment dans les domaines du logement, de l’aide sociale, du soutien familial et de la chaîne des soutiens.
« Elle se traduira également par le maintien d’un réseau territorial de compétences en matière de ressources humaines de proximité, au sein de chaque unité et de chaque formation.
« En ce qui concerne plus spécifiquement la condition militaire, qui recouvre l’ensemble des obligations et des sujétions propres à l’exercice du métier militaire, ainsi que les garanties et les compensations que la Nation estime nécessaire d’apporter aux militaires, elle doit être appréhendée à l’aune de son impact sur l’emploi des forces. Par sa répercussion sur le moral du personnel, elle est un élément constitutif de la capacité opérationnelle des forces et, partant, du succès de leur engagement sur tous les théâtres, en métropole, en outre-mer et à l’étranger. L’engagement de la Nation dans ce domaine doit être sans faille et prendre en compte le militaire et sa famille.
« L’indispensable simplification du dispositif indemnitaire des militaires sera poursuivie, à enveloppe constante.
« De même, un effort particulier de reconnaissance sera entrepris à l’égard des militaires blessés au service de notre pays. Les modalités de la généralisation du droit au port de l’insigne des blessés, actuellement régi par la loi n° 52-1224 du 8 novembre 1952 réglementant le port de l’insigne des blessés de guerre, à l’ensemble des militaires ayant subi, en situation de guerre comme en opération extérieure, une blessure physique ou psychique constatée par le service de santé des armées seront déterminées par un décret pris après avis du Conseil d’État.
« Enfin, dans l’attente de la mise en place du nouveau calculateur “Source Solde”, le dispositif de suivi mis en place pour rendre compte au ministre de la défense des réponses apportées aux dysfonctionnements du système de solde Louvois sera pérennisé. » ;
3° Le 6.2 est ainsi rédigé :
« 6.2. La concertation et le dialogue social
« La rénovation de la concertation et du dialogue social seront la règle afin que les attentes et les interrogations soient mieux entendues.
« L’évolution de la concertation se traduira pour les militaires par le droit de créer et d’adhérer à des associations professionnelles nationales de militaires (APNM). Le cadre de ces associations nouvelles est donc créé par la loi n° … du … actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense. Dans le respect en particulier des obligations de neutralité, de disponibilité et d’obéissance requises par l’état militaire, ces associations auront pour objet de préserver et de promouvoir les intérêts des militaires en matière de condition militaire.
« Avec ces nouveaux acteurs du dialogue interne aux armées, directions et services, et au ministère, le dispositif actuel de concertation sera renforcé. Pour être plus réactif et plus efficace, le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) – auquel les APNM pourront participer en fonction de leur représentativité – verra le nombre de ses membres réduit et sera professionnalisé. Ses membres gagneraient en légitimité s’ils étaient choisis parmi les présidents de catégorie ou anciens présidents de catégorie, élus par leurs pairs et rompus au dialogue avec le commandement.
« Les APNM représentées au Conseil supérieur de la fonction militaire auront vocation à être représentées aussi aux conseils d’administration des établissements publics dont l’activité a trait à la condition militaire, comme la Caisse nationale militaire de sécurité sociale, l’institution de gestion sociale des armées et les fonds de prévoyance.
« Les conseils de la fonction militaire (CFM) resteront l’outil du dialogue interne à chaque armée, direction ou service.
« Enfin, sur le plan de l’expression et des libertés fondamentales, sera poursuivi le chantier ouvert à l’occasion de la quatre-vingt-dixième session du CSFM, en décembre 2013, afin de déterminer les évolutions possibles, en cohérence avec les exigences propres à la neutralité des armées et à leur cohésion. Des travaux qui associeront étroitement les parlementaires seront engagés pour tirer les conséquences, notamment législatives, des récentes décisions du Conseil constitutionnel en matière de droit des militaires à se présenter à des élections locales. Cette démarche devra aboutir à temps pour les prochaines élections locales.
« L’évolution du dialogue social pour les personnels civils passera, quant à lui, par une association plus étroite des organisations représentatives de ces personnels à la mise en œuvre des mesures de réorganisation du ministère de la défense. » ;
4° Le 6.3 est ainsi rédigé :
« 6.3. L’évolution des effectifs
« Les réformes engagées dans le domaine des ressources humaines visent à obtenir un modèle permettant au ministère de répondre aux besoins des armées et de s’adapter aux évolutions futures, attractif et maîtrisé en termes de masse salariale.
« Le pilotage de la manœuvre “Ressources humaines” relative à la loi de programmation militaire est confié au secrétaire général pour l’administration, secondé par le directeur des ressources humaines du ministère de la défense et par le directeur des affaires financières. Le secrétaire général est responsable devant le ministre de la maîtrise des effectifs et de la masse salariale au sein du programme 212, qui regroupe les crédits du titre 2. Le succès de cette gouvernance rénovée reposera sur la capacité du ministère à mettre en œuvre des systèmes d’information performants, interconnectés et sécurisés, propres à garantir une vision “Ressources humaines” ministérielle des effectifs, des emplois et des compétences.
« Les évolutions d’effectifs obéiront à un triple principe de prévisibilité, d’équité et de transparence. Les arbitrages rendus, année après année, veilleront par conséquent à préserver le plus possible les unités opérationnelles, à éviter au maximum les dissolutions d’unités, à faire des choix en cohérence avec le schéma d’organisation fonctionnelle de nos forces, à intégrer les contraintes économiques, y compris en termes d’aménagements existant dans les garnisons, à prendre en considération les paramètres d’aménagement, mais aussi socio-économiques des territoires et à préserver le lien armée-Nation par une présence géographique de nos armées cohérente. À cet égard, tous les organismes du ministère contribueront à la réalisation de l’objectif, tout particulièrement les services centraux, les soutiens et les états-majors.
« La diminution des effectifs de la mission “Défense”, initialement prévue à hauteur de 33 675 équivalents temps plein (ETP), est atténuée de 18 750 ETP et s’établira sur la période 2014-2019 à 14 925 déflations, hors effectifs de volontaires liés à l’expérimentation du service militaire volontaire (SMV). Cette réévaluation répond aux objectifs opérationnels et de gestion fixés dans le Livre blanc et à la nécessité de renforcer dans la durée la protection du territoire national.
« Les éventuelles diminutions d’effectifs du service industriel de l’aéronautique viendront en déduction de cette cible. Les éventuelles augmentations d’effectifs de ce service viendront en augmentation du plafond des emplois autorisés du ministère de la défense. De même, les gains en effectifs obtenus au titre des éventuelles externalisations seront comptabilisés, pour la part excédant le transfert de ressources de masse salariale nécessaire aux contrats d’externalisation.
« L’évolution totale des 14 925 effectifs respectera le cadencement suivant, hors effectifs liés à l’expérimentation du SMV :
« |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
Total 2014-2019 |
Création de postes – réformes précédentes (23) |
+103 |
+103 |
+206 |
||||
Créations de postes – nouvelle réforme (24) |
+100 |
+85 |
+65 |
+250 |
|||
Création de poste suite actualisation (25) |
+7 400 |
+6 612 |
+651 |
+218 |
+62 |
+14 943 |
|
Suppression de postes |
-8 007 |
-7 500 |
-4 500 |
-3 419 |
-3 018 |
-3 880 |
-30 324 |
Bilan |
-8 007 |
0 |
+2 300 |
-2 600 |
-2 800 |
-3 818 |
-14 925 |
« (23) Créations d’emplois décidées dans le domaine de la cyberdéfense. |
|||||||
« (24) Créations d’emplois décidées dans le domaine du renseignement. |
|||||||
« (25) Créations d’emplois FOT, Soutien, PRODEF, RENS, CYBER |
« Les effectifs du ministère de la défense atteindront ainsi 261 161 équivalents temps plein employés (ETPE) en 2019, dont 256 579 rémunérés par le titre 2 de la mission “Défense” (l’écart correspond aux effectifs du service industriel aéronautique, qui sont rémunérés par cet organisme – compte de commerce).
« Sur la durée de la présente loi, la répartition des déflations devra veiller, en fonction de leurs missions respectives, à une réduction équitable entre personnel militaire et personnel civil et permettre à chaque catégorie de personnel, dans le cadre de la politique mise en œuvre par les gestionnaires, de disposer d’une visibilité réelle sur ses perspectives professionnelles.
« S’appuyant sur un modèle ressource humaine stabilisé, la déflation des effectifs militaires entre 2014 et 2019 sera de l’ordre de 9 400.
« Au sein de la catégorie des officiers, l’effort de dépyramidage sur les grades supérieurs sera résolument poursuivi, conformément aux orientations de “Politique RH 2025”. Il s’attachera donc à réduire le poids relatif des effectifs d’officiers supérieurs, en particulier de colonels et de lieutenants-colonels ou assimilés.
« La réalisation des effectifs intégrera également un effort de rééquilibrage des compétences au profit des spécialités déficitaires.
« Des outils incitatifs d’aide au départ seront consolidés et ciblés et des mesures incitatives au recrutement dans des spécialités déficitaires sensibles seront mises en place pour réaliser ces objectifs.
« Si les effectifs du personnel civil seront réduits de l’ordre de 5 500 postes, une augmentation de la proportion de personnel de catégories A et B sera dans le même temps autorisée afin de mettre en œuvre les renforts décidés, notamment dans le domaine de la cybersécurité, et pour répondre aux besoins de montée en compétences des employeurs dans certains métiers et dans la durée. Cette manœuvre, alliée à la poursuite de l’accroissement de la proportion du personnel civil dans les postes de niveaux I et II, notamment dans les fonctions d’administration et de soutien, en confortera la place et le rôle au sein du ministère de la défense.
« Les évolutions d’effectifs des différentes catégories de personnel civil feront l’objet d’un suivi objectif, qui permettra d’en assurer la traçabilité et la visibilité, et d’un dialogue renforcé reposant sur des parcours professionnels clairement identifiés.
« Les déflations restant à conduire résulteront des plans de transformations. Les chantiers d’analyse fonctionnelle sont déjà engagés et portent sur l’ensemble du périmètre des soutiens, administrations et états-majors (cf. 7.2). » ;
5° Le 6.4 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
« L’action déterminée de l’ensemble des acteurs en charge de ce domaine a permis, en 2014, de tenir l’ensemble des objectifs qui leur avaient été fixé. » ;
b) Au troisième alinéa, les mots : « conduit à confier » sont remplacés par le mot : « confie » et les mots : « responsable opérationnel » sont remplacés par les mots : « et du directeur des affaires financières, responsables opérationnels, dans leurs domaines de compétence, » ;
c) Au quatrième alinéa et en note de bas de page, le numéro de note : « (25) » est remplacé par le numéro de note : « (27) » ;
6° Le 6.5 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « dépyramidage », sont insérés les mots : « , d’évolution de compétences » ;
b) Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Ces mesures d’accompagnement seront mises en œuvre afin que les départs et les mobilités s’effectuent dans le respect de chacun, avec équité et transparence, et en garantissant des préavis suffisants. » ;
c) Au début de la deuxième phrase, le mot : « Certaines » est remplacé par le mot : « Elles » ;
d) Les deux derniers alinéas sont ainsi rédigés :
« – des mesures financières d’incitation au départ, intéressant environ en moyenne 1 500 militaires et 400 civils par an, et d’incitation à la mobilité ;
« – les reclassements dans les fonctions publiques, avec un potentiel supérieur à 2 100 par an pour le personnel militaire. » ;
7° Le 6.5.1 est ainsi rédigé :
« 6.5.1. Les mesures spécifiques pour le personnel militaire
« Pour atteindre l’objectif fixé par le nouveau modèle d’armée, des mesures conjoncturelles d’accompagnement viseront à permettre la réalisation des objectifs de déflation, tout en participant à l’atteinte de la pyramide cible. Elles concernent notamment la promotion fonctionnelle (PF), la pension afférente au grade supérieur (PAGS) et le pécule d’incitation au départ (PMID). Ces mesures s’ajoutent au dispositif pérenne de la disponibilité rénovée.
« L’ensemble de ces mesures doit permettre d’élargir le vivier des officiers et des sous-officiers éligibles au bénéfice d’une aide au départ, d’en faciliter la reconversion en permettant un départ plus jeune et de conduire la manœuvre de dépyramidage. » ;
8° Le premier alinéa du 6.5.2 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase, le mot : « vise » est remplacé par le mot : « visera » ;
b) À la dernière phrase, après le mot : « défense », sont insérés les mots : « , jusqu’au 31 décembre 2019, ».
Article 8
Le 7 est ainsi modifié :
1° Le 7.1 est ainsi modifié :
a) Les sixième à onzième alinéas sont remplacés par sept alinéas ainsi rédigés :
« Au regard des enjeux opérationnels, financiers et organisationnels, sont considérés comme prioritaires, dans le périmètre des fonctions d’administration et de soutien, les six domaines suivants : la gestion des ressources humaines, l’organisation de la chaîne financière, l’organisation des soutiens en bases de défense, le maintien en condition opérationnelle des matériels (MCO), les relations internationales et la sécurité des installations. Pour chacun de ces domaines, les décisions suivantes ont été arrêtées et mises en œuvre :
« – l’unification des crédits de personnel (titre 2) sous la responsabilité du secrétaire général de l’administration, appuyé sur une direction des ressources humaines ministérielle dotée d’une autorité fonctionnelle renforcée sur tous les organismes gestionnaires, pour simplifier la répartition des compétences et garantir le pilotage et la maîtrise des effectifs et de la masse salariale ;
« – le renforcement de l’autorité fonctionnelle de la direction des affaires financières pour améliorer la qualité et le contrôle de l’information budgétaire et comptable utilisée par les acteurs du ministère et les décideurs budgétaires externes, pour les budgets annuels et la programmation, sur tous les types de dépenses ;
« – la simplification et l’optimisation de l’organisation territoriale des soutiens pour améliorer la qualité du soutien rendu aux forces et aux formations soutenues en bases de défense, tout en favorisant l’efficience des services. Cette démarche s’appuie sur une rénovation de la gouvernance ministérielle, l’intégration des groupements de soutien des bases de défense au service du commissariat des armées et le renforcement du pilotage du commandement des bases de défense, centré sur la coordination des services de soutien et la qualité du service rendu ;
« – l’amélioration de l’organisation de l’entretien des matériels et le déploiement du projet relatif à la chaîne de soutien permettront de mieux maîtriser la programmation et les coûts logistiques et d’améliorer la disponibilité des matériels ;
« – l’unification et la simplification de la fonction internationale sont réalisées avec la création d’une direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), afin, notamment, de garantir une meilleure cohérence dans les multiples aspects de l’action internationale d’un ministère très sollicité et dans l’élaboration de la stratégie de défense, tout en optimisant les effectifs et la masse salariale concernée au sein du ministère ;
« – le renforcement, d’une part, de la protection des installations, des moyens et des activités du ministère de la défense et, d’autre part, de la protection des opérateurs privés relevant des secteurs d’activité d’importance vitale “activité militaire de l’État” et “activités industrielles de l’armement”, par la création d’une direction de la protection des installations, moyens et activités de la défense (DPID). » ;
b) Le douzième alinéa est ainsi rédigé :
« Dans le même temps, le projet “Balard” regroupera, dès 2015, sur un site unique, les états-majors, directions et services auparavant dispersés en Île-de-France. » ;
c) Au treizième alinéa, le mot : « aura » est remplacé par le mot : « a » ;
2° Le premier alinéa du 7.2 est ainsi rédigé :
« La poursuite de la transformation de l’organisation du ministère, la modernisation de ses modes de fonctionnement et l’adaptation du format aux nouveaux contrats opérationnels se traduiront par des déflations d’effectifs et des mesures de restructuration. » ;
3° Le 7.2.1 est ainsi modifié :
a) Le tableau du troisième alinéa est ainsi rédigé :
« |
(En millions d’euros) |
||||||||
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
Total 2014-2019 |
|||
Total PAR (dont mesures d’incitations financières au départ) |
176,6 |
196,3 |
176,3 |
166 |
116,2 |
101,9 |
933,3 |
» ; |
4° Le 7.2.2 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « de la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (DATAR) » sont remplacés par les mots : « du commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) » ;
b) À la dernière phrase du même premier alinéa, les mots : « sera reconduit par la loi de finances » sont remplacés par les mots : « a été reconduit par la loi de finances pour 2015 » ;
c) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les contrats de redynamisation de site de défense (CRSD) seront intégrés au volet territorial des contrats de plan État-régions (CPER). » ;
d) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « sera mis en place » sont remplacés par les mots : « a été mis en place » et le mot : « actuelle » est remplacé par le mot : « antérieure » ;
5° Le 7.3 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « immobiliers », la fin de la dernière phrase du deuxième alinéa est supprimée ;
b) La dernière phrase du troisième alinéa est ainsi rédigée :
« Il est par ailleurs nécessaire de mener une rénovation des hôpitaux et centres médicaux des armées. » ;
c) Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Un effort financier doit également être consenti afin de renforcer, sur l’ensemble du territoire national, la sécurité des emprises militaires face aux menaces de tout ordre. » ;
d) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« La réforme engagée du cadre juridique de la dépollution pyrotechnique devra être parachevée avant le 31 décembre 2016 pour faciliter la cession des emprises immobilières. »
Article 9
Le 8 est ainsi modifié :
1° À la fin de la seconde phrase du premier alinéa du 8.1, le mot : « société » est remplacé par le mot : « Nation » ;
2° Après le cinquième alinéa du 8.2, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« – expérimenter, conformément à la demande du Président de la République, pour une durée de deux ans, un service militaire volontaire (SMV) en métropole, inspiré du service militaire adapté (SMA). Ce dispositif, capable d’accueillir jusqu’à mille jeunes Français en situation de décrochage ou de chômage, sera mis en œuvre par le ministère de la défense. Le PMEA du ministère sera abondé à due concurrence en loi de finances pour 2016. Ce dispositif sera adossé à différents partenaires (entreprises, collectivités territoriales, centres de formation) en vue de l’insertion professionnelle de ses stagiaires. Il disposera d’un encadrement militaire et dispensera une formation militaire et professionnelle fondée sur les valeurs humaines reconnues dans les armées. Cette expérimentation fera l’objet d’une évaluation, notamment de l’efficacité du dispositif (taux d’insertion) et de sa soutenabilité financière dans le temps (pérennité des financements partenaires) ;
« – proposer à des élèves une aide financière (bourse), au titre d’une formation spécifique, en contrepartie d’un engagement à servir dans les armées comme militaire sous contrat pour une durée déterminée ;
« – favoriser la participation des jeunes à différentes activités liées aux commémorations nationales ; »
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Demessine, sur l'article.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le ministre, je profite de la discussion sur le rapport annexé pour vous interpeller sur une question particulière, en évitant de le faire au travers d’un amendement qui serait un cavalier.
En effet, le rapport annexé qui, d’une manière générale, décrit les orientations relatives à la politique de défense et aux moyens qui lui sont consacrés traite aussi des ressources humaines, et par conséquent de ce que l’on appelle le moral des armées. Ce qui constitue le moral des hommes et des femmes qui servent l’institution, ce sont les conditions, matérielles ou psychologiques, dans lesquelles s’exerce le difficile métier des armes.
Nos armées ont considérablement changé depuis que, il y a maintenant quarante ans, une modification du statut des militaires a conféré les mêmes droits et les mêmes obligations aux femmes et aux hommes militaires. En revanche, au sein même de l’institution, l’évolution des mentalités sur les rapports entre les hommes et les femmes est beaucoup plus lente. Du reste, ce n’est pas le seul endroit où il en est ainsi.
Les dispositions sur le harcèlement moral et sexuel introduites dans le code de la défense par la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 ont joué un grand rôle.
Vous-même, monsieur le ministre, avez beaucoup fait pour faire évoluer les mentalités, tout particulièrement l’an dernier, lorsque des cas scandaleux de harcèlement sexuel ont été portés sur la place publique.
Toutefois, je voudrais attirer votre attention sur les grandes difficultés que rencontrent de nombreuses femmes militaires pour faire valoir leurs droits dans le cadre des procédures pour harcèlement sexuel.
En effet, la validité des procédures engagées reste soumise à une demande d’avis de votre part, qui doit être formulée par le procureur de la République ou le juge instruisant l’affaire. Dans la réalité, de nombreuses procédures sont annulées en raison de l’absence de cette demande d’avis.
Je ne me prononce évidemment pas sur les raisons qui motivent ces absences de demandes. Je constate simplement, d’après ce que l’on m’a rapporté, qu’elles sont fréquentes et qu’elles permettent aux auteurs présumés d’infractions d’invoquer la nullité des procédures, ce qui a un effet dissuasif auprès des plaignantes.
Monsieur le ministre, je voudrais donc attirer votre attention sur ces faits particuliers, cause du désespoir de plusieurs femmes militaires, et recueillir votre sentiment sur une situation qui affecte le moral de certaines catégories de personnels et qui atténue les effets de la volonté que vous avez affirmée en la matière.
Mme la présidente. La parole est à M. André Trillard, sur l'article.
M. André Trillard. Je m’exprimerai très brièvement. Monsieur le ministre, j’avais l’intention de vous interroger sur la prise en compte des symptômes post-traumatiques. En effet, nous étions convenus de demander un meilleur dépistage six mois après les retours d’OPEX, ainsi qu’un meilleur suivi, en particulier de ceux qui ont quitté l’institution.
Vous pouvez bien sûr me répondre immédiatement ; toutefois, l’objet de cette intervention débordant le cadre de la LPM, une réponse en commission me conviendrait également.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, sur l'article.
M. Philippe Bonnecarrère. Je souhaite tout d’abord rendre hommage à l’action de nos militaires sur les différents théâtres où ils sont engagés.
Ensuite, je veux vous remercier, monsieur le ministre, d’avoir prévu dans la révision de la loi des efforts supplémentaires dans le domaine des réserves, pour préserver le sanctuaire national, notamment dans l’hypothèse où notre armée serait engagée dans des actions importantes au Moyen-Orient, voire sur le terrain européen. Il est essentiel que nous puissions disposer de réserves considérables. Or des problèmes de formation et d’intégration se posent en la matière ; vous les connaissez, mais je voulais souligner l’importance de cette question.
Enfin – le Président de la République et le Premier ministre se sont exprimés à plusieurs reprises sur ce sujet –, nous sommes un pays en guerre contre le terrorisme, et tout simplement en guerre. Or je ne suis pas tout à fait certain, monsieur le ministre, au-delà des efforts financiers que porte ce texte et que je salue, que nos concitoyens soient psychologiquement prêts à assumer cette situation.
Je vous invite donc à préparer psychologiquement nos concitoyens, en sus des efforts financiers réalisés, à l’ensemble des efforts et souffrances susceptibles de toucher un pays qui doit affronter une guerre, a fortiori une guerre contre le terrorisme. (M. Jean-Marie Bockel applaudit.)
Mme la présidente. L'amendement n° 12 rectifié, présenté par MM. Trillard et Paul, est ainsi libellé :
Alinéa 89
Après le mot :
aérienne
insérer les mots :
et une base navale
La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. Cet amendement tend à compléter une disposition introduite par MM. Raffarin, Bockel et Lorgeoux, afin d’insister sur l'importance de la base de Djibouti. Il vise à rappeler qu’une base navale joue également un rôle important à Djibouti, avec les autres armes, et qu’elle continuera de le faire.
M. Jeanny Lorgeoux. Cet amendement a une valeur sentimentale ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je constate que l’amendement a été adopté à l'unanimité des présents.
L'amendement n° 14, présenté par Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Alinéa 250, après la quatrième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Le recrutement de réservistes parmi les Français à l'étranger sera encouragé, en lien avec le réseau diplomatique et consulaire.
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Si vous le voulez bien, madame la présidente, je présenterai en même temps les amendements nos 15 et 16 rectifié.
Mme la présidente. L'amendement n° 15, présenté par Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Alinéa 259, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et à l'étranger, en lien avec le réseau diplomatique et consulaire
L'amendement n° 16 rectifié, présenté par Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Alinéa 263
Compléter cet alinéa par les mots :
, y compris à l'international
Vous avez la parole pour les défendre, ma chère collègue.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. J’ai longuement évoqué cette question lors de la réunion de la commission des affaires étrangères. Il s’agit principalement d’étendre le bénéfice de la réserve citoyenne aux Français établis à l’étranger.
La commission avait donné son accord sur ce point, mais elle avait émis une interrogation sur mon amendement n° 16, qui visait aussi les valeurs de la francophonie ; c’est pourquoi je l’ai modifié. Il me semble que cet amendement n° 16 rectifié pourra satisfaire la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur les amendements nos 14 et 15.
S'agissant de l’amendement n° 16 rectifié, sa rédaction ne me semble pas poser de difficulté majeure, et je crois que le problème que nous avions soulevé a été réglé. Toutefois, la commission n’ayant pas examiné cet amendement, je préfère m’en remettre à la sagesse du Sénat. Nous pourrons approfondir l’examen de cette question à l’occasion de la commission mixte paritaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le Gouvernement émet également un avis favorable sur les amendements nos 14 et 15.
De même, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée s'agissant de l'amendement n° 16 rectifié.
Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par M. Reiner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 369, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et des contingentements d’effectifs militaires par grade et échelle de solde
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Ce dernier amendement vise à permettre au service industriel de l'aéronautique, le SIAé, de recruter, compte tenu des besoins qui sont actuellement les siens en matière de maintenance, donc à augmenter le plafond des contingentements.
Je précise que cela n’a aucun effet sur le titre de la défense, puisque le SIAé rembourse le ministère de l’ensemble de ses dépenses dans le cadre du compte de commerce.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur. Avant tout, madame la présidente, je souhaite vous remercier de votre disponibilité et de la manière dont vous avez présidé nos débats. (Applaudissements.)
La commission émet un avis favorable sur cet amendement, de même que sur cette présidence ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. À mon tour, j’émets un avis favorable à la fois sur cet amendement et sur cette présidence. (Applaudissements.)
Mme la présidente. Merci à vous, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre !
Je mets aux voix l'amendement n° 7.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'ensemble constitué de l’article 1er et du rapport annexé, modifié.
(L'article 1er et le rapport annexé sont adoptés.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen du projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.
Je vous rappelle que les explications de vote sur ce texte se dérouleront mercredi 15 juillet, à quatorze heures trente.
Le vote par scrutin public aura lieu le même jour, de quinze heures quinze à quinze heures quarante-cinq, en salle des conférences.
La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.
11
Nomination d’un membre d’une commission mixte paritaire
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que la commission des affaires sociales a désigné M. Philippe Mouiller pour siéger en qualité de membre titulaire à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées et visant à favoriser l’accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap, en remplacement de Mme Patricia Morhet-Richaud, démissionnaire.
Le délai prévu par l’article 12, alinéa 4, du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Philippe Mouiller membre titulaire de cette commission mixte paritaire, en remplacement de Mme Patricia Morhet-Richaud, démissionnaire.
12
Nominations de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
Mme la présidente. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été publiée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : M. Jean-Pierre Raffarin, M. Dominique de Legge, M. Jacques Gautier, M. Jean-Marie Bockel, M. Daniel Reiner, M. Jeanny Lorgeoux, M. Michel Billout.
Suppléants : Mme Leila Aïchi, M. Robert del Picchia, M. Philippe Esnol, Mme Nathalie Goulet, M. Xavier Pintat, M. Gilbert Roger, M. André Trillard.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
13
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 9 juillet 2015 :
À dix heures trente :
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (n° 466, 2014-2015) ;
Rapport de M. Ladislas Poniatowski, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 529, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 530, 2014-2015) ;
Avis de M. Louis Nègre, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 505, 2014-2015) ;
Avis de M. Jean-François Husson, fait au nom de la commission des finances (n° 491, 2014-2015).
À quatorze heures trente et le soir :
Débat sur l’orientation des finances publiques et projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2014 (procédure accélérée ; n° 596, 2014-2015) ;
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n° 604, tomes I et II, 2014-2015).
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique sur l’indemnisation de certaines victimes de la Shoah déportées depuis la France, non couvertes par des programmes français (n° 554, 2014-2015) ;
Rapport de Mme Nathalie Goulet, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 584, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 585, 2014-2015).
Suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures quinze.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART