M. Roger Karoutchi. Quel dommage !

Mme la présidente. La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi sur lequel nous travaillons depuis maintenant presque un an est inspiré par l’ambition de lever les entraves normatives au bon fonctionnement de notre économie. Cet effort est louable ; il est même nécessaire. C’est pour cela, monsieur le ministre, que le Sénat répondra toujours présent pour débattre d’un tel texte.

Beaucoup a déjà été dit. La discussion de ce projet de loi est un véritable marathon législatif, même une course d’obstacles, surtout pour vous, monsieur le ministre. En dépit des circonstances particulières liées tant à la mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement à l’Assemblée nationale qu’à l’échec de la commission mixte paritaire, je crois pouvoir dire que l’examen de ce projet de loi atteste du bon fonctionnement de la navette parlementaire. En effet – soyez-en remercié, monsieur le ministre –, les députés ont conservé de très nombreuses dispositions adoptées par le Sénat au mois d’avril dernier. Cela est surtout à mettre au crédit de la commission spéciale du Sénat, de son président et de ses rapporteurs, qui sont parvenus à obtenir un véritable consensus sur un grand nombre de sujets.

Sans revenir sur l’ensemble des dispositions de ce projet de loi, j’exprimerai la satisfaction que m’inspire la reprise du dispositif exceptionnel de suramortissement, introduit par le biais d’un amendement adopté par le Sénat lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, sur l’initiative du groupe UDI-UC.

Toutefois, ces importants points de consensus ne sauraient faire oublier l’enjeu de cette nouvelle lecture, c’est-à-dire l’examen des sujets de divergence qui demeurent entre l’Assemblée nationale et le Sénat, ou plus exactement entre vous, monsieur le ministre, et notre assemblée, car, avec le recours au 49-3, nous avons l’impression que notre interlocuteur est davantage le Gouvernement que l'Assemblée nationale…

Ces divergences ne sauraient être réduites à des postures ou à de simples querelles politiques : elles renvoient à des diagnostics de fond différents sur les carences de notre économie et sur les solutions à y apporter. Elles mettent ainsi en lumière les « angles morts » initiaux du texte : aucune mesure relative à la fiscalité du travail, des revenus ou des plus-values, aucune mesure relative au secteur public, alors que nous savons tous à quel point celui-ci est hypertrophié, aucune mesure sur la durée du travail, en dehors de la question du travail dominical.

Dans ce contexte, le Sénat a proposé des pistes pour combler les béances du texte initial. Je songe notamment à l’ouverture, dès le 1er janvier 2019, des trains express régionaux à la concurrence, à l’élargissement des dispositifs ISF-PME, du « pacte Dutreil » et d’épargne salariale, à l’extension du travail en soirée, au rétablissement des jours de carence dans la fonction publique, à la mise en place d’accords de maintien de l’emploi offensifs ou encore à la création d’une commission pour simplifier le droit du travail. Concernant les professions réglementées, la commission spéciale du Sénat est parvenue à un dispositif équilibré.

Tels sont, mes chers collègues, les enjeux de cette nouvelle lecture : compléter et renforcer le texte issu de l’Assemblée nationale et soutenu par le Gouvernement. C’est là l’esprit qui a présidé depuis le mois de janvier dernier aux travaux du Sénat et qui présidera à cette nouvelle lecture.

En effet, si l’Assemblée nationale n’a pas pu mener de véritable débat, il y aura une véritable nouvelle lecture au Sénat : le débat sur le dépôt d’une motion de procédure a été rapidement tranché d’un commun accord.

Il reste encore un espace pour le débat législatif. Il nous faut rendre cette nouvelle lecture utile et profitable. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, le Sénat a fait de nombreux pas dans votre direction, en travaillant avec prudence et, surtout, sans faire de surenchère. Aussi, monsieur le ministre, il vous revient désormais de faire un pas, sinon plusieurs, dans la nôtre, la confection de la loi devant d’abord procéder de l’intérêt supérieur de notre pays avant de dépendre de querelles politiques ou partisanes.

Tel est l’état d’esprit du groupe UDI-UC, qui, fort de sa contribution aux travaux menés par la commission spéciale, soutiendra le texte dont nous entamons l’examen en séance publique. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici repartis pour une nouvelle lecture, la dernière, du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Je sais que certains, y compris au sein du Gouvernement, souhaitaient en finir très vite avec la discussion ce texte, mais tel n’a pas été le choix du Sénat, qui aurait pu adopter une motion tendant à opposer la question préalable. Nous n’avons pas retenu cette option pour trois raisons essentiellement.

La première vous concerne personnellement, monsieur le ministre : nous sommes heureux de vous revoir. (Sourires.) Je ne doute pas que nous aurons de riches échanges. Nous sommes d’autant plus heureux de vous revoir que nous savons désormais – l’annonce en a été faite à la face du monde par M. le premier secrétaire du parti socialiste – que vous n’êtes pas socialiste ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nicole Bricq. Et alors ?

M. Bruno Retailleau. Ce n’est pas une tare, monsieur le ministre !

M. Marc Daunis. Le tout maintenant est d’être véritablement républicain…

M. Bruno Retailleau. Nous poursuivrons les débats en ayant pour seule préoccupation l’intérêt général. Nous avons confiance en votre sincérité, en votre esprit d’ouverture, mais vous êtes en quelque sorte victime d’une ligne politique qui n’est pas la vôtre, celle qu’affirma le Président de la République lors de son discours du Bourget, avant de se convertir à l’économie de l’offre. L’écartèlement de la majorité est donc intellectuellement compréhensible et explique le recours au 49-3 à l’Assemblée nationale.

La deuxième raison pour laquelle nous avons rejeté l’idée de déposer une motion tendant à opposer la question préalable tient tout simplement au bicamérisme. Pourquoi le Sénat se serait-il autocensuré, alors que le Gouvernement a déjà censuré le débat à l’Assemblée nationale ? Pourquoi ne serions-nous pas allés au terme des raisonnements que nous avons construits dès la première lecture ? Nous voulons faire notre travail de parlementaires jusqu’au bout, pour le bien du pays, quelles que soient nos appartenances partisanes. Nous nous battrons jusqu’au bout pour essayer de vous convaincre de l’utilité d’un certain nombre de dispositifs, monsieur le ministre. Vous aviez indiqué rechercher un équilibre. Pour notre part, je vous l’ai dit dès la discussion générale en première lecture, nous avons abordé l’examen de ce projet de loi de façon parfaitement constructive, et non pas dogmatique. Simplement, il faut nous écouter et avancer ensemble. Des progrès ont déjà été accomplis entre la première et la deuxième lecture par les députés.

La troisième raison est plus fondamentale encore. Elle tient aux dispositions du texte elles-mêmes. Je veux, à cet instant, saluer le magnifique et énorme travail accompli, sur un texte de quelque 400 articles, par la commission spéciale du Sénat. Je félicite en particulier ses trois rapporteurs, trois fois moins nombreux que ceux de l’Assemblée nationale, qui ont œuvré de manière toujours intelligente, pragmatique, jamais dogmatique.

Mme Colette Giudicelli. C’est vrai !

M. Bruno Retailleau. D’ailleurs, s’il n’en avait pas été ainsi, pensez-vous un seul instant, mes chers collègues, que les sénateurs socialistes se seraient abstenus en première lecture ?

Le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale porte l’empreinte du Sénat et du travail de sa commission spéciale. Entre autres avancées, j’évoquerai le travail essentiel de François Pillet pour assurer la proximité des tribunaux de commerce, la muraille de Chine élevée entre les professions du droit et celles du chiffre, les nombreuses dispositions proposées par Dominique Estrosi Sassone, notamment celles concernant les conditions d’ouverture des sociétés de gestion des aéroports de Nice et de Lyon – les collectivités ayant la garantie qu’elles joueront un rôle, ce qui est fondamental –, les contrats de mandat entre l’hôtellerie et les plateformes de réservation en ligne, les mesures relatives au numérique, avec ce qu’il peut apporter de bon et de moins bon, le dispositif de suramortissement que le Sénat appelait de ses vœux depuis l’examen du projet de loi de finances, l’amendement relatif à la publicité sur les boissons alcoolisées, déposé par un de nos collègues dont le nom le prédestinait à rester dans l’histoire… (Sourires.)

Ces apports du Sénat ont été conservés par les députés. Pour autant, le travail est-il terminé ? Bien sûr que non !

Ce texte ne doit pas être une occasion manquée. Nous souhaiterions revenir sur de nombreuses dispositions, notamment celles qui ont été excellemment défendues par Catherine Deroche, en particulier en matière de droit social. Même Robert Badinter, à l’instar d’autres personnalités éminentes, considère que le droit du travail, tel qu’il est aujourd'hui, constitue un obstacle à l’embauche. Écoutez-le au moins, si vous ne souhaitez pas nous écouter ! Qu’est-il advenu par exemple des accords offensifs de maintien dans l’emploi ou du contrat de mission, qui était pourtant si peu de chose ? J’ai vu les images du Premier ministre Manuel Valls embrassant Matteo Renzi, qui a fait adopter le Jobs Act : je vous invite à comparer les dispositions de cette loi italienne avec celles de la future loi Rebsamen ou du présent texte. (Mme Nicole Bricq proteste.) En matière de simplification des seuils, par exemple, ni l’un ni l’autre de ces deux textes n’apporte rien, hormis un petit lissage sur trois ans, en dépit de vos promesses et de celles de M. Rebsamen. De même, la loi Hamon n’a pas été modifiée, le travail de notre collègue député Fanny Dombre Coste n’aboutissant qu’à l’instauration d’une amende supplémentaire pour non-respect du dispositif d'information préalable des salariés en cas de cession de l’entreprise, disposition qui rendra plus difficile la transmission des entreprises.

Je terminerai en évoquant les professions réglementées du droit. Il y a eu acharnement : à qui ferez-vous croire, monsieur le ministre, que la déréglementation outrancière de ces professions permettra de gagner ne serait-ce qu’un dixième de point de croissance ? À personne ! Ces professions ont simplement été jetées en pâture à votre majorité, au mépris d’un certain nombre de dispositions de nature constitutionnelle, au mépris aussi des équilibres territoriaux, car ce sont les études les plus fragiles, celles qui travaillent en milieu rural, et non pas celles qui sont implantées à Paris ou dans les grandes villes, qui seront d’abord touchées par votre réforme. Vous avez fait de cette déréglementation un marqueur idéologique, afin de colorer votre texte de rose pâle.

Vous avez indiqué rechercher l’équilibre, monsieur le ministre. In medio stat virtus, dirai-je pour prononcer à mon tour quelques mots en latin et manifester ainsi mon opposition à la réforme du collège… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Aujourd'hui, cependant, le temps n’est plus aux demi-mesures. L’économie française va mal. Au premier trimestre, la dette a bondi de 50 milliards d’euros. Chaque mois, le chômage s’aggrave. On ne peut plus se contenter de petits aménagements. C’est la raison pour laquelle nous vous invitons à l’audace réformatrice : sans elle, l’économie française ne se redressera pas. Quitte à avoir recours à l’article 49-3 de la Constitution, monsieur le ministre, que ce soit pour faire passer des dispositifs utiles au pays.

Je ne voudrais pas que, à l’issue de l’examen de ce texte, vous ayez des regrets, monsieur le ministre : vous êtes trop jeune pour cela ! (M. le ministre sourit.)

Mme Nicole Bricq. On n’est pas chez Freud !

M. Bruno Retailleau. Alors, écoutez-nous et tenez compte de ce que nous vous disons. Je suis certain que, au fond, vos positions ne sont pas si éloignées des nôtres.

M. Bruno Retailleau. L’économie française a besoin d’un sursaut : merci de le comprendre, merci de l’entendre, et surtout merci de le permettre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Je tiens tout d’abord à rassurer la Haute Assemblée : je ne suis ni fétichiste ni refoulé… (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Je suis seulement animé par la volonté assumée de réaliser une réforme équilibrée et d’avancer de manière efficace. Je tenais à lever ici toute ambiguïté pouvant subsister sur ce point.

J’ai entendu les réserves exprimées sur la réforme des professions réglementées. On ne saurait me reprocher d’avoir stigmatisé quiconque. J’aurais d’ailleurs apprécié que, dans certaines de ces professions, on emploie avec moi le ton sur lequel j’ai présenté cette réforme… Leur comportement est le signe qu’il y a tout de même quelque chose de pourri au royaume de Danemark, pour prendre d’autres références !

Ces professions n’ont pas voulu avancer d’elles-mêmes. Certaines d’entre elles avaient pris des engagements en 2009, sous une autre majorité gouvernementale, mais elles ne les ont pas tenus. Depuis des années, avec une complicité administrative que nous reconnaissons pleinement, elles corsètent l’installation des jeunes professionnels sur le territoire. La situation actuelle n’est pas satisfaisante, reconnaissez-le ! Ce non-respect des engagements pris il y a maintenant six ans nous a poussés à agir. C’est ce que nous faisons au travers de ce texte, avec mesure, en prenant en compte les propositions du Sénat et de l’Assemblée nationale. Que l’on ne me parle pas de maillage territorial alors que, aujourd'hui, il n’existe aucune péréquation entre les structures, en particulier notariales ! La réforme que je promeus ne fragilisera pas les plus petites d’entre elles puisqu’elle facilitera l’installation dans les déserts notariaux, dans les zones manquant de professionnels, et qu’elle créera un fonds de péréquation. On ne cesse d’invoquer la péréquation la main sur le cœur, mais je n’en ai trouvé nulle trace dans le droit existant ! Il existe juste une péréquation entre les beaux offices, d’un côté, et entre les petits offices qui dispensent des conseils gratuits, de l’autre… Cette conception de la péréquation n’est pas la mienne !

La réforme que nous proposons permettra d’ouvrir l’accès à ces professions, en particulier aux plus jeunes. Des garde-fous, qui n’existaient peut-être pas dans le texte initial, ont été instaurés. L’objectif de cette réforme est de permettre une plus grande transparence dans les tarifs, de faciliter l’installation des jeunes professionnels. Si le dispositif peut encore être amélioré, nous y travaillerons ensemble, mais, je le répète, je n’ai à aucun moment eu la volonté de stigmatiser ou de maltraiter quiconque. On ne peut pas postuler que la réforme ne saurait concerner certaines activités : ce n’est pas justifiable. Les professions réglementées du droit ont une activité économique : leur réforme est donc légitime.

En ce qui concerne la mobilité, j’ai également entendu les craintes et les réserves de certains d’entre vous, mais regardons comment les choses se passent ailleurs et demandons-nous si les interdictions, les verrous qui ont été posés dans le passé ont suffi à protéger le rail. De récents rapports parlementaires ont montré que tel n’était pas le cas.

Nous instaurons des garde-fous. Certes, on peut débattre à loisir du seuil glissant de 100 kilomètres ou du seuil fixe de 200 kilomètres, mais un équilibre a été trouvé. Je défends cette réforme parce qu’elle permet de simplifier les choses et d’améliorer la mobilité, bien au-delà de la seule libéralisation des transports par autocar, sans aucunement porter atteinte à l’ambition que nous devons avoir pour le ferroviaire.

Nous avons été trop longs à le comprendre, mais la multimodalité n’est pas l’ennemie du rail. Par ailleurs, nous devons faire preuve d’une véritable ambition industrielle, qui dépasse largement le sujet qui nous occupe.

Monsieur Zocchetto, hormis deux dispositions relatives aux bons de souscription de parts de créateur d’entreprise et aux actions de performance, qui avaient été annoncées par le Président de la République voilà plusieurs mois et faisaient suite aux assises de l’entreprenariat, le Gouvernement a choisi de ne pas faire de ce projet de loi un texte fiscal. Les débats sur la fiscalité auront lieu lors de l’examen des textes financiers. Je sais que certains veulent aller plus loin, en particulier sur l’ISF-PME. Je rappelle que de tels dispositifs font l’objet de discussions au niveau communautaire, compte tenu des difficultés qui ont été soulevées. Les modifier au travers de ce texte alors même que nous en sommes en train d’en débattre avec la Commission européenne et que nous devrons de toute façon y revenir en septembre serait nous exposer inconsidérément au risque qu’évoquait tout à l’heure M. Pillet. Il ne me semble donc pas qu’il faille ici aller plus loin en ce qui concerne la fiscalité.

En matière de droit du travail et de réformes sociales, nous avançons et nous agissons. La réforme de la justice prud’homale est fondamentale ; elle vient compléter les dispositions prises en 2013. C’est la première fois depuis des décennies que l’on touche au fonctionnement de cette justice, que l’on facilite la conciliation, que l’on raccourcit les délais et que l’on accroît la visibilité. Pour certains, ce n’est jamais assez : que n’ont-ils agi quand ils étaient aux responsabilités ! Les dysfonctionnements de la justice prud’homale ne sont pas apparus au cours de ces derniers mois…

Je n’ai aucun regret à ce sujet. La réforme proposée est équilibrée et n’est pas le fait des lobbies. D’ailleurs, nombre de représentants des différents acteurs, à commencer par ceux du patronat, étaient opposés à cette réforme quand nous l’avons engagée, précisément parce qu’ils ont coproduit les dysfonctionnements. En revanche, nombre de petits chefs d’entreprise et de salariés qui ont eu affaire à la justice prud’homale en souhaitent la réforme. Celle-ci n’est donc pas promue par les corps intermédiaires ou les lobbies. C’est une réforme extrêmement importante, pragmatique et de bon sens, au cœur du Jobs Act du président du Conseil italien, Matteo Renzi, qui a su remettre en cause des rigidités n’existant pas dans le droit français et instaurer une subvention accélérée pour les nouveaux contrats à durée indéterminée. La dynamique actuelle du marché du travail italien tient pour partie à la mise en œuvre de cette subvention aux nouveaux CDI : le mois dernier, 150 000 CDI ont été détruits et 200 000 ont été créés. Le flux est positif, mais le coût d’opportunité est colossal. Enfin, Matteo Renzi a organisé une vraie réforme de la justice prud’homale : c’est l’élément le plus structurel de la réforme du marché du travail italien.

M. Bruno Retailleau. Le contrat unique !

M. Emmanuel Macron, ministre. Il n’existe pas de contrat unique en Italie !

Notre action consiste à tout faire pour que le CDI soit le contrat unique. Je tiens à le redire ici : le mythe du contrat unique a vécu ! D’ailleurs, ceux qui préconisent le contrat unique sont les mêmes qui demandent des contrats de chantier ou des contrats de projet…

Je ne me résous pas à la précarisation que M. le sénateur Bosino évoquait tout à l’heure, au contraire ! Avec cette réforme, nous voulons traiter au fond les difficultés qui retiennent aujourd’hui les patrons, en particulier les plus modestes d’entre eux, les plus fragiles, de recourir au CDI : à l’heure actuelle, 90 % des embauches se font sous contrat à durée déterminée, quand ce n’est pas sous le statut d’auto-entrepreneur ou en contournant la loi ! Telle est la réalité du marché du travail dans notre pays ! Si j’étais cynique, je ne vous aurais pas proposé de toucher à la justice prud’homale et j’aurais préconisé de poursuivre dans la même voie qu’aujourd’hui. Certes, cette réforme est politiquement difficile et heurte parfois les tabous de certains, mais nous allons au fond de la problématique du marché du travail, sans chercher à la contourner : j’assume cette méthode !

Précisément parce que nous agissons avec méthode, nous n’irons pas plus loin à ce stade. En effet, il existe une architecture du droit du travail posée par la loi de modernisation du dialogue social, dite loi Larcher. Cette architecture implique que toute réforme doit être précédée d’une négociation avec les partenaires sociaux, quand bien même ils ne vont pas au bout des débats.

Nous sommes allés plus loin s’agissant des accords de maintien de l'emploi défensifs, nous pouvons également aller plus loin en ce qui concerne la justice prud’homale, car elle ne relève pas de l’article L. 1 du code du travail. En revanche, pour ce qui est des accords de maintien de l’emploi « offensifs », vous proposez de contrevenir aux lois que vous avez votées. Vous proposez en effet de légiférer sans avoir demandé aux partenaires sociaux de négocier : cela n’est pas possible, sauf à revenir totalement sur la philosophie des lois que vous avez vous-mêmes soutenues.

Pour notre part, nous avons demandé un rapport à un ancien directeur général du travail, M. Combrexelle, dont les conclusions recoupent d’ailleurs nombre des propositions faites par MM. Badinter et Lyon-Caen, qui visent à repenser de manière structurée, ordonnée la hiérarchie des normes sociales, pour donner plus de place à l’accord de branche et au contrat d’entreprise. C’est ainsi qu’il faut procéder, plutôt que d’essayer, à coups de canif, de changer le droit actuel, au risque de le déséquilibrer.

Enfin, je voudrais maintenant m’adresser en particulier à M. Bosino et plus encore à M. Rachline, dont j’apprécie le sens de la nuance, comme j’ai apprécié son assiduité lors de la première lecture, qui est à l’image, du reste, de celle de ses collègues à l’Assemblée nationale. C’est une preuve, s’il en est, que l’idée que vous vous faites de la représentation nationale ou du moins celle que vous voulez véhiculer ne se traduit guère par des actes…

Nous faisons ces réformes pour nous-mêmes, et non pour l’Europe. Vous ne m’avez jamais entendu prétexter qu’elles étaient réclamées par Bruxelles. C’est bien parce que, trop souvent, nous avons fait des réformes en disant que c’était Bruxelles qui les imposait que l’Europe en est là aujourd’hui !

Mme Nicole Bricq. C’est exact !

M. Emmanuel Macron, ministre. Notre dignité, notre souveraineté nous commandent d’abord de rappeler ici que le choix européen de la France a été souverainement consenti. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) C’est un choix que nous avons opéré ensemble. Certes, il y a eu des dissensus, mais ne nous cachons pas derrière les turpitudes de notre propre passé : nous avons fait le choix européen.

Les présentes réformes, nous les conduisons pour notre pays, pour aujourd'hui comme pour demain. Il a été longtemps facile de renvoyer la cause des difficultés à une abstraction bruxelloise. Or c’est bien parce que nous saurons mener ces réformes que notre économie sera plus forte et que nous serons en mesure demain de faire entendre notre voix dans le concert européen.

S’agissant de la Grèce, le rôle de la France aujourd'hui, précisément parce qu’elle tient une place éminente dans le concert des nations en Europe, est de tout faire, comme s’y emploient en ce moment même le Président de la République et le ministre des finances, Michel Sapin, pour trouver, d’ici à la fin de la semaine, un accord à la fois sur les réformes, le poids de la dette et les investissements à faire dans l’économie grecque. Nous avons besoin d’une Grèce responsable et d’une Europe solidaire. Se garder tant de la facilité que de l’excès de rigueur, c’est la voie de la France. Nous devons nous tenir à l’écart d’une forme de démagogie qui consisterait à prétendre que l’on peut se dispenser des efforts ayant été consentis par les Portugais et les Espagnols, par exemple, mais aussi d’une approche trop germanique, amenant à considérer que la Grèce n’a plus sa place dans la zone euro. La sortie de la Grèce de la zone euro serait une formidable défaite politique pour nous tous !

Le rôle de la France, dans les heures et les jours à venir, est de tout mettre en œuvre pour trouver un accord qui tienne l’équilibre entre responsabilité et solidarité. Nous pouvons jouer ce rôle parce que nous sommes un grand pays, c'est-à-dire un pays qui sait se réformer pour lui-même. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les articles adoptés conformes ou les articles additionnels sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.

projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

TITRE IER

LIBÉRER L’ACTIVITÉ

Chapitre Ier

Mobilité

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 1er ter

Article 1er

I A. – (Supprimé)

I et II. – (Non modifiés)

III. – Le code des transports est ainsi modifié :

1° À la fin de la première phrase de l’article L. 2131-2, les mots : « d’activité » sont remplacés par les mots : « sur son activité dans le domaine ferroviaire » ;

2° À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 2132-1, le mot : « ferroviaire » est remplacé par les mots : « des services et infrastructures de transport terrestre » ;

2° bis AA Le premier alinéa de l’article L. 2132-2 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le collège décide de la localisation des services de l’autorité, en fonction des nécessités de service. » ;

2° bis A L’article L. 2132-3 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ses rapports sont également rendus publics, dans les mêmes conditions. » ;

2° bis Après le mot : « ferroviaires », la fin du premier alinéa de l’article L. 2132-4 est ainsi rédigée : « et routières pour quelque cause que ce soit ou en cas d’empêchement constaté par le collège, les fonctions du président sont provisoirement exercées par le vice-président le plus anciennement désigné. » ;

3° La seconde phrase de l’article L. 2132-5 est complétée par les mots : « , dans le secteur des services réguliers interurbains de transport routier de personnes ou dans le secteur des autoroutes » ;

4° À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 2132-7, les mots : « en raison de ses compétences techniques dans le domaine ferroviaire ou » sont supprimés ;

5° Le premier alinéa de l’article L. 2132-8 est complété par les mots : « , dans le secteur des services réguliers interurbains de transport routier de personnes ou dans le secteur des autoroutes » ;

5° bis Après le mot : « produit », la fin de la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 2132-12 est ainsi rédigée : « des droits fixes mentionnés aux articles L. 2132-13 et L. 2132-14 et de la contribution mentionnée à l’article L. 2132-15. » ;

5° ter La section 5 du chapitre II du titre III du livre Ier de la deuxième partie est complétée par des articles L. 2132-14 et L. 2132-15 ainsi rédigés :

« Art. L. 2132-14. – (Non modifié) Les entreprises de transport public routier de personnes sont assujetties à une contribution pour frais de contrôle, assise sur le chiffre d’affaires de l’année précédente. Son taux est fixé par les ministres chargés des transports et du budget, sur proposition de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières. Ce taux est compris entre 0,05 et 0,3 ‰. Le produit de cette contribution est affecté à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières. Cette contribution est constatée et recouvrée dans les délais et sous les garanties et sanctions applicables en matière de taxes sur le chiffre d’affaires.

« Art. L. 2132-15. – (Non modifié) Les concessionnaires d’autoroutes soumis au contrôle de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières en application de la section 4 du chapitre II du titre II du code de la voirie routière sont assujettis à une contribution pour frais de contrôle, assise sur le chiffre d’affaires de l’année précédente. Son taux est fixé par les ministres chargés des transports et du budget sur proposition de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières. Il est compris entre 0,05 et 0,3 ‰. Son produit est affecté à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières. Cette contribution est constatée et recouvrée dans les délais et sous les garanties et sanctions applicables en matière de taxes sur le chiffre d’affaires. » ;

6° Au premier alinéa de l’article L. 2135-1, les mots : « et des textes pris pour son » sont remplacés par les mots : « , de la section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la troisième partie du présent code, des sections 3, 4 et 4 bis du chapitre II du titre II du code de la voirie routière ainsi que des textes pris pour leur » ;

7° L’article L. 2135-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « et de la SNCF » sont remplacés par les mots : « , de la SNCF, des entreprises de transport public routier de personnes et des concessionnaires d’autoroutes, » ;

b) Le deuxième alinéa est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Elle peut recueillir toutes les informations utiles auprès :

« 1° Des services de l’État et des autorités organisant des services de transport ferroviaire, des services réguliers interurbains de transport routier de personnes ainsi que des services et des autorités chargés des relations avec les concessionnaires d’autoroutes ;

« 2° De l’Établissement public de sécurité ferroviaire, des gestionnaires d’infrastructure, des entreprises ferroviaires, de la SNCF, des entreprises de transport public routier de personnes et des concessionnaires d’autoroutes ;

« 3° Des autres entreprises intervenant dans le secteur des transports ferroviaires, dans celui des services réguliers interurbains de transport routier de personnes ou dans celui des travaux, fournitures et services sur le réseau autoroutier concédé.

« Elle peut également entendre toute personne dont l’audition lui paraît susceptible de contribuer à son information. » ;

8° À la première phrase de l’article L. 2135-3, la référence : « au deuxième alinéa » est remplacée par les références : « aux 2° et 3° » ;

8° bis L’article L. 2135-7 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « de la part d’un gestionnaire d’infrastructure, d’une entreprise ferroviaire ou de la SNCF » sont supprimés ;

b) Le premier alinéa du 3° est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« 3° Le collège de l’autorité met l’intéressé en demeure de se conformer à ses obligations, dans un délai que le collège détermine, en cas de manquement :

« a) D’un gestionnaire d’infrastructure, d’une entreprise ferroviaire, de la SNCF, d’une entreprise de transport public routier de personnes, d’un concessionnaire d’autoroute ou d’une autre entreprise intervenant dans le secteur des transports ferroviaires, dans celui des services réguliers interurbains de transport routier de personnes ou dans celui des travaux, fournitures et services sur le réseau autoroutier concédé aux obligations de communication de documents et d’informations prévues à l’article L. 2135-2 ou à l’obligation de donner accès à leur comptabilité prévue au même article ;

« b) D’une entreprise de transport public routier de personnes, d’une entreprise ferroviaire ou d’une autre entreprise intervenant dans le secteur des services réguliers interurbains de transport routier de personnes aux obligations de communication d’informations prévues à l’article L. 3111-21-1 ;

« c) D’un concessionnaire d’autoroute ou d’une entreprise intervenant sur le marché des travaux, fournitures et services sur le réseau autoroutier concédé aux obligations de communication d’informations prévues à l’article L. 122-19-1 du code de la voirie routière. » ;

9° L’article L. 2135-13 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « ferroviaire », sont insérés les mots : « , dans le secteur des services réguliers interurbains de transport routier de personnes ou dans le secteur des marchés de travaux, fournitures et services sur le réseau autoroutier concédé » ;

b) Le second alinéa est ainsi modifié :

– la deuxième phrase est complétée par les mots : « , au secteur des services réguliers interurbains de transport routier de personnes ou au secteur des autoroutes » ;

– à la dernière phrase, après le mot : « ferroviaire », sont insérés les mots : « , le secteur des services réguliers interurbains de transport routier de personnes ou le secteur des autoroutes » ;

10° L’article L. 2331-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les articles L. 2132-5, L. 2132-8, L. 2135-1 à L. 2135-3, L. 2135-7 et L. 2135-13 ne sont pas applicables à Saint-Barthélemy en tant qu’ils concernent les transports routiers. » ;

11° L’article L. 2341-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les articles L. 2132-5, L. 2132-8, L. 2135-1 à L. 2135-3, L. 2135-7 et L. 2135-13 ne sont pas applicables à Saint-Martin en tant qu’ils concernent les transports routiers. »