M. Philippe Bas, rapporteur. Je m’associe aux collègues qui ont souligné cet après-midi que les problèmes de la Nouvelle-Calédonie sont non pas seulement institutionnels et politiques, même si cette dimension revêt une grande importance, mais également économiques et sociaux. La question du pouvoir d’achat, donc des prix à la consommation, fait à l’évidence partie des préoccupations dont il faut nous saisir.
Il est tout de même assez regrettable que la possibilité d’instituer une autorité de la concurrence n’ait pas été assortie des procédures et des règles juridiques de nature à permettre à cette instance de voir le jour, afin que nous puissions lutter contre la vie chère dans des conditions efficaces.
Les débats de la commission des lois ont porté essentiellement sur des questions de procédure et non pas sur le fond. En effet, j’ai senti une parfaite unanimité des membres de la commission des lois pour estimer qu’il s’agit là d’un problème essentiel.
Mme Catherine Tasca. Très bien !
M. Philippe Bas, rapporteur. En ma qualité de rapporteur de ce projet de loi organique, je vous demande, madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement à brève échéance.
Deux voies sont envisageables : celle d’une proposition de loi organique ou celle d’un projet de loi organique permettant de regrouper un certain nombre de dispositions utiles au présent et à l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Nous n’avons pas choisi laquelle de ces deux voies emprunter, mais, en tout état de cause, il importe de faire vite. Cette situation n’a que trop duré. Sortons de cet immobilisme !
Mes chers collègues, quel que soit le vecteur législatif que vous adopterez si vous êtes d’accord pour aller de l’avant en la matière, il sera souhaitable pour une fois – mais une fois ne doit pas faire coutume ! – de recourir à la procédure accélérée pour examiner ce texte.
En attendant, ma chère collègue, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre. Vous avez raison, madame Tasca : outre les questions institutionnelles, se posent aussi en Nouvelle-Calédonie des questions économiques et sociales très importantes.
Le Gouvernement est très attentif à l’examen de ces questions, notamment celle de la création de l’autorité de la concurrence, qui a déjà donné lieu à un processus d’itération entre le droit local et le droit national.
Quoi qu’il en soit, je suis consciente de l’intérêt de cet amendement. Le texte actuel est, il est vrai, un peu trop restrictif, en ce qu’il nous empêche quasiment de recruter le président de l’autorité de la concurrence, dont chacun s’accorde à reconnaître qu’il est absolument indispensable.
Nous traiterons cette question lors de l’examen de la proposition de loi organique sur la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, que nous avons déjà évoquée. Il convient de ne pas traiter de cette question dans le projet de loi spécifique que nous examinons aujourd'hui, qui doit être consacré, tout le monde en convient, à la question du corps électoral et à celle de l’organisation d’une consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté. Je m’engage à ce que le texte soit examiné dans le cadre de la procédure accélérée, puisque nous avons l’accord de la Haute Assemblée.
C’est pourquoi je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Madame Tasca, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?
Mme Catherine Tasca. Je dois dire que j’ai été très impressionnée par l’excellence des arguments énoncés par mon collègue Jean-Pierre Sueur à l’appui de cet amendement et par l’analyse très positive de M. le rapporteur.
J’entends bien votre engagement, madame la ministre, mais je me permets d’insister sur l’urgence de prendre une initiative en la matière. Nous connaissons trop la lenteur de l’exécutif et du Parlement lorsqu’il s’agit d’écrire la loi. Or la Nouvelle-Calédonie ne peut plus attendre ; elle a besoin de ce support.
Plusieurs solutions ont été envisagées. D’ailleurs, mon amendement pourrait être rectifié pour mieux circonscrire la modification à apporter à la loi de 2013. On pourrait tout à fait préciser dans ce texte ou dans un prochain texte que seraient exclus, au sein des autorités administratives indépendantes, les fonctionnaires œuvrant en Nouvelle-Calédonie, car c’est là, me semble-t-il, que se situe le problème. Gardons bien à l’esprit que la mission de l’autorité de la concurrence sur un territoire aussi petit et aussi éloigné sera particulièrement difficile.
Madame la ministre, vous m’avez invitée à retirer mon amendement, mais, pour ce faire, je vous demande de m’assurer qu’une initiative sera prise dans les meilleurs délais, c'est-à-dire dans les tout prochains mois.
En effet, je dois dire que je suis inquiète d’entendre évoquer une série de mesures législatives qui concernent également la Polynésie française. Ce ne sont pas des sujets faciles, nous le savons. Or si l’on renvoie la question de la mise en place de l’autorité de la concurrence en Nouvelle-Calédonie au texte qui concernera de multiples questions relatives à la Polynésie française – petites et grandes ! – et le fonctionnement des institutions de la Nouvelle-Calédonie, je crains fort que le temps ne passe et que rien ne se fasse.
Madame la ministre, pouvez-vous vous engager sur ce délai devant la Haute Assemblée ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme George Pau-Langevin, ministre. Madame la sénatrice, des projets de loi importants seront prêts en janvier 2016, mais je puis vous assurer que le Gouvernement soutiendra une proposition de loi contenant les dispositions que vous souhaitez voir inscrites.
M. le président. Madame Tasca, au bénéfice de cet engagement, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?
Mme Catherine Tasca. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi organique, je donne la parole à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. En cet instant important, je tiens à remercier tous mes collègues présents dans l’hémicycle. Je l’ai déjà relevé, ce projet de loi organique concerne la nation dans son ensemble. Nous ne pouvons pas sembler laisser aux seuls Ultra-marins la responsabilité d’un tel débat.
Ce texte constitue une étape essentielle dans le processus issu de l’accord de Nouméa, ainsi que chacun l’a souligné. Mon collègue Jean-Jacques Hyest a rappelé à juste raison le contexte dramatique des années quatre-vingt, puis le rendez-vous difficile de 1998. Ce projet de loi organique respecte à la fois l’esprit des accords de Matignon et de Nouméa, ainsi que la volonté des Calédoniens, qui prouvent aujourd'hui encore leur capacité à trouver une issue acceptable par tous, seule garante d’un avenir partagé et pacifique.
Pour poursuivre la marche en avant, il y a encore beaucoup à faire. Toutefois, nous faisons confiance au dialogue engagé le 5 juin dernier. La Nouvelle-Calédonie est une terre petite, isolée, éloignée de nous. C’est pourquoi il nous faut être attentifs à sa situation très particulière.
La citoyenneté calédonienne est en train de se construire. Je partage la préoccupation de mon collègue Pierre Frogier de tout faire pour préparer la suite dans le consensus et la lucidité, mais à une différence près : je suis plus optimiste. En effet, je ne pense pas que le rendez-vous de 2018 soit un obstacle à la recherche d’une issue favorable consensuelle.
Voilà pourquoi le groupe socialiste votera avec conviction – j’ai presque envie de dire avec enthousiasme –, en tout cas avec une grande confiance, le texte qui nous est aujourd'hui soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui.
Mme Lana Tetuanui. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, quelle ironie de l’histoire que de voter, au Sénat, le projet de loi organique sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie en ce 29 juin, une date qui – je me permets de le rappeler – correspond au jour de la fête du pays de la Polynésie française !
Mes chers collègues, vous savez bien que l’on ne peut pas parler de la Nouvelle-Calédonie sans parler de la Polynésie française et de ses frères d’à côté.
Je tiens à remercier tous les sénateurs présents aujourd’hui sur ces travées, notamment les représentants de l’outre-mer. Alors que, vendredi dernier, le Sénat adoptait le projet de loi portant modernisation du droit de l'outre-mer, il me semble important de rappeler que l’outre-mer est une partie intégrante de la France !
Je tiens enfin à remercier tous ceux qui voteront en faveur de ce texte, car ce vote donnera des idées à certains élus de mon « pays », en particulier à ceux qui se sont rendus à New York ces derniers temps, et favorisera l’avancée de la réflexion en Polynésie française dans les jours à venir. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'ensemble du projet de loi organique relatif à la consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 220 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 343 |
Contre | 1 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)
La parole est à Mme la ministre.
Mme George Pau-Langevin, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite à mon tour remercier celles et ceux qui ont pris part à cette séance. Il s’agit en effet d’un moment important pour le futur de la Nouvelle-Calédonie.
Je tiens véritablement à saluer les efforts entrepris, tout d’abord au sein du comité des signataires, en particulier par M. le sénateur Pierre Frogier, ensuite par M. le président de la commission des lois.
Certes, nous avons encore beaucoup de travail à accomplir pour réussir à tracer l’avenir de la Nouvelle-Calédonie dans des conditions qui contentent chacun d’entre nous. Cependant, j’ai bien compris que l’esprit qui a soufflé sur les travaux du comité des signataires, cet esprit de concorde consistant à rechercher des solutions positives, continuera à nous animer.
Si les parlementaires et les signataires ont donc encore beaucoup à faire pour trouver la meilleure voie pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, je tiens à leur dire que le Gouvernement est à leurs côtés en tant que partenaire engagé et actif et qu’il fera le nécessaire pour que ce petit territoire, qui est loin géographiquement, mais qui est proche dans le cœur de tous, soit assuré d’un avenir pacifique et apaisé. (Applaudissements.)
4
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 30 juin 2015 :
À quatorze heures trente : explications de vote des groupes sur l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au dialogue social et à l’emploi (n° 502, 2014-2015).
De quinze heures quinze à quinze heures quarante-cinq : vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi. Ce scrutin sera organisé en salle des Conférences, avec la possibilité d’une seule délégation de vote par sénateur.
À quinze heures quarante-cinq : proclamation du résultat du scrutin public sur l’ensemble du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi.
À seize heures et le soir :
Projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution en nouvelle lecture, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (n° 539, 2014-2015) ;
Rapport de Mmes Catherine Deroche, Dominique Estrosi Sassone et M. François Pillet, fait au nom de la commission spéciale (n° 541, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 542, 2014-2015).
Clôture de la session ordinaire 2014-2015.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures dix.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART