M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 208, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 744-1. – L’Office français de l’immigration et de l’intégration informe chaque demandeur d’asile des conditions matérielles d’accueil au sens de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, telles que prévues au présent chapitre. Ces conditions sont fournies dès l’enregistrement de la demande mentionnée à l’article L. 741-1, et au plus tard trois jours après que le demandeur a introduit une demande d’asile.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Les premier et deuxième paragraphes de l’article 17 de la directive 2013/33/UE prévoient que les États membres fournissent des conditions d’accueil aux demandeurs d’asile permettant un « niveau de vie adéquat » dès l’enregistrement de leur demande d’asile. De plus, l’article 5 de la même directive prévoit que l’État membre informe le demandeur d’asile des conditions matérielles d’accueil et des règles d’accès.
Dans le cadre du dispositif national d’accueil qui sera confié à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, l’article 15 du présent projet de loi prévoit que les personnes ne souhaitant pas un hébergement ou refusant celui qui leur est proposé se verront privées des mesures d’accompagnement administratif et des allocations pour demandeurs d’asile.
Bien qu’atténué par les députés, avec la prise en compte de situations personnelles et familiales, le projet de loi reste par trop directif, en ce qu’il ne permet toujours pas de ménager des solutions individuelles. Il en résultera nécessairement que de nombreux demandeurs d’asile seront, de fait, abandonnés par les pouvoirs publics. Un dispositif d’aide et d’accompagnement pour ceux qui ne seront pas hébergés dans le dispositif piloté par l’OFII doit rester possible.
Par ailleurs, le texte ne prévoit pas les situations fréquentes de personnes bénéficiant d’une solution d’hébergement auprès de proches. Faudra-t-il qu’elles y renoncent et qu’elles viennent allonger la liste des personnes sollicitant un centre d’accueil pour demandeurs d’asile pour espérer disposer d’une allocation ou d’un accompagnement ?
Le choix de sa résidence par le demandeur d’asile peut résulter d’un appui familial ou communautaire. Souvent, il tient également compte de l’existence de soins adaptés ou de réseaux associatifs, plus denses en région parisienne ou dans les grandes agglomérations. Le mécanisme de répartition à l’échelle nationale ne peut ignorer ces données sans que soit à craindre une dégradation des conditions d’accueil des personnes ayant présenté une demande de protection.
Nous proposons donc une nouvelle rédaction de l’alinéa 6 de l’article 15 pour pallier le caractère trop directif de ce dispositif et permettre un accueil qui garantisse le libre choix, par le demandeur d’asile, de son mode de prise en charge.
M. le président. L’amendement n° 68, présenté par M. Leconte, Mme Tasca, M. Sueur, Mme Jourda et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Après le mot :
intégration
insérer les mots :
dans un délai de dix jours
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. L’article 15 rend l’OFII compétent pour proposer les conditions matérielles d’accueil à compter de l’enregistrement de la demande d’asile par l’autorité administrative. Nous proposons de fixer à l’OFII un délai de dix jours à compter de la demande d’asile pour présenter à chaque demandeur des propositions relatives aux conditions matérielles d’accueil.
Nous avons déposé cet amendement afin que figure dans la loi un délai, à l’image de celui que prévoit la directive Accueil du 26 juin 2013, dans son article 5, délai dans lequel les États membres informent les demandeurs des avantages dont ils peuvent bénéficier et des obligations qu’ils doivent respecter eu égard aux conditions d’accueil. La directive fixe ce délai à quinze jours à compter de l’introduction de la demande d’asile.
Notre amendement s’inscrit donc dans le prolongement de la directive en fixant ce délai à dix jours à compter de l’enregistrement de la demande d’asile par l’autorité administrative compétente. Le cadre fixé par la directive est parfaitement respecté, puisque l’enregistrement de la demande est effectué dans un délai de trois jours, auquel s’ajouterait donc un délai de dix jours accordé à l’OFII pour formuler ses propositions d’accueil : le délai total à compter de l’introduction de la demande serait donc porté à treize jours.
Outre qu’elle permettrait d’opérer une meilleure transposition de la directive Accueil, l’adoption de cet amendement devrait également accélérer les formalités administratives, conformément à l’objectif du projet de loi.
J’attire l’attention de nos collègues sur le fait que cette nouvelle responsabilité de l’OFII représente une charge lourde. Indiquer des délais volontaristes pour la formulation des conditions matérielles d’accueil est aussi une manière de souligner que nous serons très vigilants, en particulier sur les moyens qui seront accordés à l’OFII pour assumer cette nouvelle responsabilité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les auteurs de ces amendements proposent que les conditions matérielles d’accueil soient proposées aux demandeurs d’asile dès l’enregistrement de la demande d’asile et au plus tard trois jours après que le demandeur a introduit sa demande.
Je rappelle que l’article 5 de la directive Accueil dispose que « les États membres informent, au minimum, les demandeurs, dans un délai raisonnable n’excédant pas quinze jours après l’introduction de leur demande de protection internationale des avantages dont ils peuvent bénéficier et des obligations qu’ils doivent respecter eu égard aux conditions d’accueil ». Dès lors, il ne semble pas pertinent d’introduire un délai de trois jours dans la loi, car il risque de compliquer très fortement l’activité de l’OFII.
Ces amendements sont contraires à la position de la commission, qui a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 38 rectifié bis, présenté par Mme Létard, MM. Guerriau et Bonnecarrère, Mme Loisier, MM. Delahaye, Médevielle, Longeot, Gabouty, L. Hervé et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 11, première phrase
Après le mot :
région
insérer les mots :
en concertation avec les collectivités et établissements compétents en matière d’habitat et
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. La commission des lois a supprimé du texte, à juste titre, la consultation de la conférence territoriale de l’action publique sur le schéma régional déclinant le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile prévu à l’article L. 744-2, car ce n’est pas le rôle de cette instance.
Toutefois, la création de places d’hébergement nouvelles pour les demandeurs d’asile ne peut pas s’effectuer sans associer les élus des communes et intercommunalités concernées, qui doivent pouvoir être consultés et participer à l’élaboration de tels projets.
J’ai eu l’occasion d’échanger avec l’opérateur Adoma sur la création de centres d’hébergement, en particulier dans des territoires ruraux, ou pour la réhabilitation d’un patrimoine ancien. Mes interlocuteurs ont insisté sur la nécessité d’associer les élus aux projets pour créer les conditions d’une acceptation de l’accueil des demandeurs d’asile par la population et pour présenter les critères objectifs bénéfiques de telles implantations. Il faut une démarche d’explication, des documents d’information, des réunions publiques.
Certes, le préfet doit être le coordonnateur d’un tel travail, c’est indiscutable, mais il ne peut le faire qu’en lien avec les élus locaux, en particulier les maires et les présidents des intercommunalités qui sont dotées de la compétence en matière d’habitat.
Cet amendement vise donc à organiser une nouvelle coordination, afin d’associer étroitement les collectivités locales et les établissements compétents en matière d’habitat à l’élaboration de ces projets. Nous suivons le modèle adopté dans le cadre du projet de loi NOTRe qui réaffirme, à plusieurs reprises, la nécessité de travailler en concertation avec les collectivités territoriales, car c’est une garantie.
Je pense que M. le rapporteur, comme nous tous, a pu en faire l’expérience sur son territoire : il n’est pas question de donner aux élus un pouvoir de décision arbitraire, il s’agit de les associer au processus de décision. Il vaut toujours mieux qu’un projet soit « coproduit » que subi, car il a plus de chances d’être défendu par les élus et accepté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis favorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Madame la sénatrice, vous proposez de soumettre l’adoption du schéma régional d’accueil à une concertation préalable « avec les collectivités et les établissements compétents en matière d’habitat ».
Nous considérons qu’il est nécessaire que le préfet de région associe les élus locaux à la réflexion, afin de tenir compte des circonstances économiques, sociales et politiques propres à chaque commune accueillant ou étant susceptible d’accueillir des demandeurs d’asile.
Cette consultation sera naturellement réalisée et elle aura pour intérêt de permettre la prise en compte des difficultés rencontrées par les collectivités accueillant de nombreuses personnes en situation de précarité ou de permettre l’orientation des demandeurs d’asile accompagnés d’enfants mineurs vers des communes disposant des capacités nécessaires pour la scolarisation de ces enfants.
Toutefois, l’adoption de cet amendement aurait pour conséquence d’élargir très sensiblement le champ de la consultation. En effet, l’absence de précision sur le statut des collectivités locales et établissements compétents en matière d’habitat aurait pour effet d’obliger le préfet à organiser une concertation préalable avec tous types de collectivités ou établissements, qu’ils soient publics ou privés. Ce serait une contrainte très lourde qui ralentirait exagérément l’ouverture des places d’hébergement nécessaires.
Il n’apparaît ainsi pas souhaitable d’intégrer une telle disposition, au demeurant de nature réglementaire, dans la loi. Je peux vous assurer que les modalités de consultation préalable des collectivités locales seront précisées dans l’instruction relative aux schémas régionaux d’accueil que j’adresserai aux préfets de région, afin que ces schémas prennent bien en compte l’ensemble des préoccupations qui s’exprimeront au niveau local.
Pour l’ensemble de ces raisons, madame la sénatrice, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, mais je n’exercerai aucune pression si telle n’est pas votre désir.
M. le président. Madame Létard, avez-vous entendu l’appel au retrait de M. le ministre ?
Mme Valérie Létard. J’entends bien que le préfet de région ne peut pas réunir cent cinquante élus pour les consulter. Nous avons cependant pris la précaution de rédiger notre amendement en précisant que la concertation se limitait aux « collectivités et établissements compétents en matière d’habitat ». Seuls les grands EPCI sont donc concernés, ceux qui exercent la compétence en matière d’aide à la pierre, s’occupent des attributions de logements ou des programmes locaux de l’habitat.
Le nombre des élus à consulter se trouve donc significativement limité. Il s’agit essentiellement des grandes intercommunalités qui, demain, seront peut-être aussi responsables de l’accompagnement, de l’hébergement d’urgence ou de l’accueil des personnes les plus défavorisées. Il ne me semble donc pas illogique d’introduire cette précision dans la loi.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je souhaite conforter l’analyse développée par Valérie Létard. Je viens d’être confronté à cette situation dans le département de la Marne, où le maire d’Épernay ne s’explique pas pourquoi sa commune accueille beaucoup plus de structures que la ville de Reims, pourtant très proche. Cette situation suscite un sentiment d’incompréhension qui nuit à l’intégration des personnes accueillies dans ces structures d’hébergement, alors qu’elles rencontrent de nombreuses difficultés. La concertation est donc très importante.
En ce qui me concerne, j’estime qu’il faut consulter le maire, parce que c’est vers lui que tout le monde se tourne. C’est lui qui est confronté directement au problème, que la compétence en matière d’habitat ait été ou non transférée à un EPCI. C’est lui qui est responsable de l’intégration et il ne serait pas compréhensible qu’il ne soit pas directement informé par les services préfectoraux.
Le système fonctionne, mais il faudrait encore ajouter quelques gouttes d’huile dans les rouages. L’adoption de cet amendement permettrait, me semble-t-il, d’améliorer la situation.
M. le président. L’amendement n° 241, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 11, dernière phrase
1° Remplacer les mots :
de l’annexe au
par le mot :
du
2° Remplacer le mot :
mentionné
par les mots :
et est annexé à ce dernier conformément
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le présent amendement a pour objet d’assurer une mise en cohérence avec les dispositions de l’article 2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement. Cet article prévoit que le schéma de répartition des dispositifs d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile et les modalités de suivi de ces dispositifs sont annexés au plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées. Ces derniers visent à coordonner l’ensemble des dispositifs d’hébergement et de logement existants pour mettre en œuvre le droit au logement.
Il convient ainsi de modifier la rédaction de l’article 15 du présent projet de loi en prévoyant non seulement que le schéma régional tient compte de ces plans, mais aussi qu’il est annexé à ces derniers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Favorable !
M. le président. L’amendement n° 162, présenté par M. Karoutchi, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Sans préjudice de la participation financière demandée aux demandeurs d’asile en fonction de leurs ressources, les frais d’accueil et d’hébergement … (le reste sans changement)
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Roger Karoutchi, rapporteur pour avis de la commission des finances. La nouvelle rédaction laisse supposer que l’ensemble des frais est pris en charge par l’État. Jusqu’ici, les CADA pouvaient, en fonction des ressources des demandeurs d’asile, leur demander une participation financière. Nous avons le sentiment que la nouvelle rédaction occulte cette possibilité et nous craignons que l’on ne puisse plus solliciter la participation des demandeurs d’asile.
Il me semble donc utile de rappeler que cette possibilité existe. J’insiste d’autant plus que je crains le pire, à savoir le rejet d’un autre amendement de la commission des finances tendant à supprimer les alinéas 57 à 60 de l’article 15 relatifs à l’accès des demandeurs d’asile au marché du travail. Si vous acceptez l’idée que les demandeurs d’asile peuvent travailler, il serait assez logique d’autoriser les CADA à leur demander une participation financière.
Je souhaite donc que M. le rapporteur et M. le président de la commission des lois acceptent cet amendement sur le fond, dans la logique de l’éventuel débat que nous aurons plus loin. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le pire n’est jamais certain… En réalité, cet amendement est satisfait par le droit positif, puisque le code de l’action sociale et des familles prévoit déjà une participation financière des demandeurs d’asile en fonction de leurs ressources.
Par conséquent, la commission sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement n° 162 est-il maintenu ?
M. Roger Karoutchi, rapporteur pour avis. Je comprends tout à fait la position de M. le rapporteur, qui préfère s’en tenir au code de l’action sociale et des familles. Seulement, le présent projet de loi risque d’écraser le code sur ce point.
Par conséquent, dans la mesure où M. le rapporteur n’a pas d’objection de fond sur cet amendement, la commission pourrait émettre un avis de sagesse et laisser au Sénat le soin de voter l’amendement.
Si nous souhaitons encourager l’entrée sur le marché du travail, il est nécessaire que les CADA, dont l’équilibre financier est pour le moins fragile, aient la possibilité de demander une contribution financière – marginale – aux demandeurs d’asile.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 39 rectifié bis, présenté par Mme Létard, M. Guerriau, Mme Loisier, MM. Delahaye, Médevielle, Longeot, Gabouty, L. Hervé et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 25
1° Première phrase
Supprimer les mots :
ou de l’Office français de l’immigration et de l’intégration
2° Seconde phrase
Supprimer les mots :
ou l’Office français de l’immigration et de l’intégration
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Le quatrième alinéa du texte proposé pour l’article L. 744-5 prévoit les modalités selon lesquelles il est possible de mettre fin à l’hébergement d’une personne déboutée du droit d’asile. Il est, en effet, absolument nécessaire que le dispositif d’accueil ne reste pas « embolisé » par des personnes qui n’en relèvent plus et qui freinent par là même l’accueil de nouveaux demandeurs.
Lorsqu’une personne déboutée du droit d’asile refuse de quitter le lieu d’hébergement dans lequel elle a été accueillie durant la procédure, il nous semble que c’est à l’autorité administrative compétente, et non à l’OFII, d’engager la procédure permettant à cet occupant sans titre de quitter les lieux.
Il est important de ne pas créer de confusion autour des missions respectives de chaque autorité, l’OFII n’ayant pas compétence de police administrative. Cet amendement vise justement à clarifier les devoirs des uns et des autres.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut elle émettra un avis défavorable.
La précision figurant dans le projet de loi tel qu’il est actuellement rédigé est nécessaire. Elle permet de clarifier le rôle de chaque autorité concernant le départ des lieux d’hébergement. En effet, l’engagement de la procédure revient au représentant de l’État dans le département lorsqu’il s’agit d’un lieu d’hébergement d’urgence et à l’OFII lorsqu’il s’agit d’un CADA.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeau. Même avis !
M. le président. Madame Létard, l'amendement n° 39 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Valérie Létard. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 39 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 209, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 30 à 33
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 744-6. – À la suite de la présentation d’une demande d’asile, le demandeur est informé par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et les organismes en charge de l’accueil, de l’hébergement des demandeurs d’asile de sa possibilité de bénéficier de l’examen de santé gratuit par des professionnels de santé et du secteur social en collaboration avec le réseau local de soin. À cet effet, ces acteurs communiquent les coordonnées nécessaires dans le système de santé de droit commun au demandeur. Cette évaluation des besoins n’est pas communiquée à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides. Si nécessaire, les soins sont fournis gratuitement pour le demandeur.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous nous réjouissons de la création, par ce projet de loi, d’un statut de vulnérabilité.
Toutefois, nous considérons que l’évaluation de la vulnérabilité du demandeur d’asile ne saurait être une simple formalité administrative et devrait se fonder sur des éléments sociaux, qui permettraient d’orienter, dans de bonnes conditions, vers les professionnels concernés, les personnes le nécessitant.
M. le président. L'amendement n° 40 rectifié bis, présenté par Mme Létard, MM. Guerriau et Bonnecarrère, Mme Loisier, MM. Delahaye, Médevielle, Longeot, L. Hervé et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 30
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« L’évaluation de la vulnérabilité vise, en particulier, à identifier les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d’enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle telles que des mutilations sexuelles féminines.
« L’évaluation de la vulnérabilité du demandeur est effectuée par des agents de l’Office français de l’immigration et de l’intégration ayant reçu une formation spécifique à cette fin.
« Lors de l’entretien, le demandeur est informé de sa possibilité de bénéficier de l’examen de santé gratuit prévu à l’article L. 321-3 du code de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. La prise en compte des besoins particuliers des demandeurs d’asile est une obligation prévue par les articles 21 et 22 de la directive Accueil.
L’Assemblée nationale a renforcé les garanties accordées aux demandeurs dans le cadre de l’examen de leur vulnérabilité. En effet, elle a choisi d’inscrire dans la loi une liste non exhaustive des causes de vulnérabilité. Ces précisions ont été introduites à l’article L. 744-6, qui définit les critères de l’évaluation des besoins des demandeurs d’asile en rappelant qu’il doit être tenu compte de la situation spécifique des personnes vulnérables.
Dans la mesure où les demandeurs d’asile sont souvent des personnes persécutées et menacées dans leur pays d’origine, il ne paraît pas excessif que le rappel des causes de vulnérabilité figure au moins dans un article de la loi. Nous proposons donc de rétablir la version adoptée par l’Assemblée nationale sur ce point.
M. le président. L'amendement n° 242, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 33
1° Première phrase
Supprimer les mots :
, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés,
2° Deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
3° Dernière phrase
Remplacer les mots :
Il précise également
par les mots :
Ce décret est pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés en tant qu’il précise les modalités de transmission à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides des données relatives à la vulnérabilité et aux besoins particuliers des demandeurs d’asile,
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cet amendement a pour objet de clarifier le champ de la consultation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, s’agissant du recueil et du traitement des données relatives à la situation des demandeurs d’asile, aux fins de déterminer leurs besoins particuliers en matière d’accueil.
Dans la rédaction actuelle de l’alinéa 33 de l’article 15 du projet de loi, le périmètre concerné par la saisine de la CNIL intègre par erreur des aspects qui ne relèvent pas de sa compétence ; je pense par exemple aux modalités de l’évaluation des besoins particuliers.
Par conséquent, cet amendement vise à distinguer entre les dispositions réglementaires devant faire l’objet d’un avis de la CNIL et les dispositions extérieures à son champ de compétence et non soumises à sa consultation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 209.
Les dispositions prévues par cet amendement conduiraient, en résumé, à donner encore plus de travail à l’Office. Or la commission estime qu’il n’est pas pertinent d’accroître ses obligations d’information, déjà importantes. De surcroît, ces obligations relèvent, en réalité, de la compétence du pouvoir réglementaire.
L’amendement n° 40 rectifié bis de Mme Létard nous renvoie à une discussion que nous avons eue en commission. Nous considérons que la modification proposée aboutit à une définition qui n’est pas exhaustive et que, là encore, cela relève de la compétence du pouvoir réglementaire, tout à fait à même de transposer la directive sur ce point. La commission sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut elle émettra un avis défavorable.
En revanche, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 242, dans la mesure où il s’agit d’un amendement rédactionnel.