Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote sur l'article.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le ministre, malgré l’amitié et l’estime que j’ai pour vous, je vous contredirai. Avant la déclaration de M. Valls, vous vous êtes prononcé pour les quotas sur l’antenne de RFI.

En tant qu’historienne, je tiens à établir un parallèle. M. Valls parle comme Henry Bérenger qui, en 1938, conduisait la délégation française à la conférence d’Évian convoquée par Roosevelt pour trouver une solution au problème des réfugiés juifs autrichiens et allemands. Henry Bérenger affirmait que la France n’avait pas les ressources nécessaires pour accepter les quotas. Le Royaume-Uni soutenait qu’après la crise de 1929 le chômage était tel qu’il ne pouvait accueillir les réfugiés et ne voulait pas non plus des quotas. Finalement, on a rendu ces gens à leurs bourreaux et vous connaissez la fin de l’histoire…

Répéter aujourd’hui – avec les mêmes mots – ce qui s’est passé en 1938, à la conférence d’Évian, me semble assez problématique.

Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas faire le talmudiste et chercher ainsi à établir une différence entre quota et répartition. Nous avons tous fait des études : la distinction ne va pas de soi. Vous faites de la rhétorique pour noyer le poisson ! Au regard du problème humanitaire auquel nous sommes confrontés, nous n’allons pas discuter avec la Syrie pour savoir si elle peut améliorer les conditions économiques sur son territoire afin que les candidats au départ renoncent à leur projet…

On ne peut pas faire de distinction et affirmer que les quotas sont pour les demandeurs d’asile et non pour les migrants qui viennent chercher du travail. Vous savez bien que la France est l’un des pays qui a accordé le moins l’asile par rapport à l’Allemagne, à la Suède et même à la Turquie.

La Turquie a accueilli 2 millions de réfugiés syriens, dont 225 000 dans trois camps situés à l’est du pays, à la frontière syrienne, où je me suis rendue. Ce n’est pas en ayant reçu 500 réfugiés syriens en 2014 que la France pourrait avoir rempli le moindre quota !

Essayons, pour une fois, face à des événements aussi dramatiques, de nous élever au-dessus de la politique politicienne.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Madame la sénatrice, malgré toute l’estime que j’ai également pour vous, permettez-moi de vous dire que c’est vous qui faites de la politique politicienne, et je veux en apporter la démonstration rigoureusement.

Si on est animé de considérations humanistes, cela n’a aucun sens d’instaurer des quotas de demandeurs d’asile.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Que ferez-vous des nouveaux demandeurs d’asile satisfaisant aux critères lorsque le quota fixé sera atteint ? Allez-vous leur refuser l’accueil ? (Mme Esther Benbassa s’exclame.)

Quand on est humaniste, quand on se réfère aux valeurs qui sont les vôtres, on parle non pas de quotas pour les demandeurs d’asile, mais de critères, parce qu’il s’agit d’appliquer des principes.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le gouvernement français considère que l’on est demandeur d’asile lorsque l’on est persécuté dans son pays, quand on risque d’y trouver la mort, d’y être exécuté, d’y être emprisonné. Dès lors que l’on entre dans cette catégorie, on relève de l’asile, sur le fondement de critères.

Il est donc totalement absurde, dès lors que les demandeurs d’asile sont éligibles à ce statut sur le fondement de critères, d’être favorable à des quotas, sauf à renoncer à la tradition humaniste qui est la nôtre. Je le répète : quand on se réfère à la philosophie qui semble inspirer votre intervention, madame la sénatrice, cela n’a aucun sens de vouloir des quotas.

Dire qu’un gouvernement qui raisonne comme je viens de le faire est animé de l’esprit de 1938 constitue non seulement une insulte, mais également une contrevérité au regard des objectifs qu’il se fixe et des principes qu’il défend. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)

Madame la sénatrice, vis-à-vis des demandeurs d’asile, nous prônons un mécanisme de solidarité européen en lieu et place des quotas. Telle est la position que je suis personnellement allé défendre au mois d’août dernier dans les capitales européennes, afin qu’elle devienne celle de l’Union européenne, ce qui n’était alors pas le cas.

En outre, et je regrette que vous n’ayez pas fait preuve de la plus grande rigueur intellectuelle sur cette question qui l’exigerait pourtant, on ne peut pas assimiler immigration économique irrégulière et demande d’asile. Si on le fait, madame la sénatrice, alors il n’y a plus aucune soutenabilité humanitaire et politique de l’accueil des demandeurs d’asile. (Mme Catherine Tasca approuve.)

Pour notre part, nous souhaitons que les personnes relevant de l’asile soient accueillies sur la base de critères et non pas en fonction de quotas et qu’un mécanisme européen de solidarité soit mis en place. Aujourd'hui, cinq pays accueillent 75 % des demandeurs d’asile, dans une Union européenne qui compte vingt-huit membres. Ce n’est pas normal !

Pour ce qui est de l’immigration irrégulière, nous démantelons les filières, nous organisons des politiques de codéveloppement et reconduisons à la frontière. Si nous ne le faisions pas, la politique d’accueil des demandeurs d’asile ne serait pas soutenable.

Voilà très précisément quelle est la position du gouvernement français. Elle inspire une partie de la politique de l’Union européenne, et c’est bien.

Nous devons maintenant utiliser les concepts avec la plus grande rigueur, en étant le plus précis possible. Nous le devons à ceux qui souffrent parce qu’ils sont persécutés. Leur situation doit effectivement nous conduire à nous tenir très loin des considérations politiciennes, lesquelles, comme vous l’avez constaté à l’instant, madame la sénatrice, n’inspirent pas la position du gouvernement français.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote sur l'article.

Mme Catherine Tasca. Je dois dire que je souscris totalement à l’analyse du Gouvernement sur la question précise des quotas. Le projet de loi que nous examinons porte sur le droit d’asile. À cette occasion, nous ne devons pas, mes chers collègues, accroître la confusion entre la question des demandeurs d’asile et celle des immigrants. Ce serait à mon avis une faute grave d’engager notre discussion sur la base d’une telle confusion.

Par ailleurs, le projet de loi comporte des améliorations notables s’agissant des conditions d’accueil du demandeur d’asile et de l’examen au plus près de sa demande.

Ce texte donne à l’OFPRA la possibilité de procéder à un examen sérieux, approfondi et individualisé des demandes d’asile. Il ne faut pas sortir de cette logique, mes chers collègues.

Or la notion même de quota renvoie à un traitement quantitatif par masses, par groupes éventuellement, ce qui est totalement étranger au projet de loi dont nous engageons la discussion des articles aujourd'hui.

Il suffit d’assister à un entretien à l’OFPRA par ses officiers pour comprendre que l’Office procède véritablement au cas par cas, ce qui est très important. Il est vrai que nous sommes aujourd'hui confrontés à des situations collectives – la Syrie en est évidemment un exemple –, qui entraînent un nombre croissant de demandes d’asile, vers la France, mais pas uniquement.

La logique du droit d’asile, c’est un examen individualisé des demandes, lequel est totalement incompatible avec la notion de quotas.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l'article.

M. Jean-Yves Leconte. Je partage tout à fait le point de vue de ma collègue Catherine Tasca : un examen systématiquement individuel des cas est indispensable.

Bien entendu, les procédures, et en particulier les procédures de Dublin, dysfonctionnent totalement – nous aurons certainement l’occasion de revenir sur cette question au cours de nos débats –, mais on ne peut pas les remplacer par des dispositifs qui seraient la négation même de l’examen individuel des demandes d’asile. Il y a beaucoup de travail à faire en Europe sur ce sujet. Nous devons au préalable mettre nos dispositions en accord avec nos principes en termes d’examen individualisé des cas et prévoir des garanties.

Par ailleurs, je regrette vivement que mon amendement sur l’autorité administrative n’ait pas été adopté, car cela aura un impact sur les réflexions que nous aurons lors de l’examen de l’article 10, dont la commission a modifié la rédaction concernant le secret des sources de la CNDA. Il a été très difficile de trouver un équilibre sur ce sujet précisément.

La nécessité du secret des sources et la question du respect par la CNDA du principe du contradictoire, y compris lorsque des informations disponibles justifieraient de ne pas accorder une protection ou de la retirer, ont en effet suscité de nombreux débats et nécessité de nombreux « calages ». M. le rapporteur y reviendra peut-être lorsque nous examinerons l’article 10.

J’attire votre attention sur le fait que, l’autorité administrative ayant désormais la possibilité d’intervenir directement auprès de la CNDA, nous n’aurons pas les mêmes garanties s’agissant du respect du contradictoire, les informations risquant de ne pas être disponibles. Telles sont les raisons pour lesquelles je regrette que mon amendement n° 44 n’ait pas été adopté.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

Le chapitre II du même titre Ier est ainsi modifié :

1° L’article L. 712-1 est ainsi modifié :

a) Les deux premiers alinéas sont ainsi rédigés :

« Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié et pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’elle courrait dans son pays un risque réel de subir l’une des atteintes graves suivantes :

« a) La peine de mort ou une exécution ; »

b) Au c, le mot : « , directe » est supprimé ;

2° L’article L. 712-2 est ainsi modifié :

a) À la fin du b, les mots : « de droit commun » sont supprimés ;

b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Le présent article s’applique également aux personnes qui sont les instigatrices ou les complices de ces crimes ou agissements ou qui y sont personnellement impliquées.

« La protection subsidiaire est refusée à une personne s’il existe des raisons sérieuses de penser, d’une part, qu’elle a commis, avant son entrée en France, un ou plusieurs crimes qui ne relèvent pas du champ d’application des a à d et qui seraient passibles d’une peine de prison s’ils avaient été commis en France et, d’autre part, qu’elle n’a quitté son pays d’origine que dans le but d’échapper à des sanctions résultant de ces crimes. » ;

3° L’article L. 712-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 712-3. – L’Office français de protection des réfugiés et apatrides procède à un réexamen des protections subsidiaires accordées au moins tous les trois ans. Il met fin, de sa propre initiative ou à la demande de l’autorité administrative, au bénéfice de la protection subsidiaire lorsque les circonstances ayant justifié l’octroi de cette protection ont cessé d’exister ou ont connu un changement suffisamment significatif et durable pour que celle-ci ne soit plus requise.

« Il ne peut être mis fin à la protection subsidiaire en application du premier alinéa lorsque son bénéficiaire peut invoquer des raisons impérieuses tenant à des atteintes graves antérieures pour refuser de se réclamer de la protection de son pays.

« L’office met également fin à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande de l’autorité administrative, au bénéfice de la protection subsidiaire lorsque :

« 1° Son bénéficiaire aurait dû être exclu de cette protection pour l’un des motifs prévus à l’article L. 712-2 ;

« 2° La décision d’octroi de cette protection a résulté d’une fraude ;

« 3° (nouveau) Son bénéficiaire doit, à raison de faits commis postérieurement à l’octroi de la protection, en être exclu pour l’un des motifs prévus à l’article L. 712-2. » ;

4° Il est ajouté un article L. 712-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 712-4. – Dans les cas prévus aux 1° et 2° de l’article L. 712-3, lorsque l’octroi de la protection subsidiaire résulte d’une décision de la Cour nationale du droit d’asile ou du Conseil d’État, la juridiction est saisie par l’office ou par l’autorité administrative en vue de mettre fin à la protection subsidiaire. Les modalités de cette procédure sont fixées par décret en Conseil d’État. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 25 rectifié bis est présenté par Mme Létard, M. Guerriau, Mme Loisier, MM. Delahaye, Médevielle, Longeot, L. Hervé et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

L'amendement n° 84 est présenté par M. Leconte, Mme Tasca, M. Sueur, Mme Jourda et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 13

Supprimer les mots :

procède à un réexamen des protections subsidiaires accordées au moins tous les trois ans. Il

La parole est à Mme Valérie Létard, pour défendre l'amendement n° 25 rectifié bis.

Mme Valérie Létard. Permettez-moi de revenir brièvement sur l’article 2.

En réponse à notre collègue Roger Karoutchi, M. le ministre a rappelé et précisé de façon très claire quelle était sa position sur les quotas et sur les critères.

On ne voit pas en effet comment il serait possible de définir des quotas s’agissant d’un phénomène qui n’est absolument pas circonscrit. La situation doit être appréhendée de façon solidaire à l’échelle européenne.

Monsieur le ministre, les critères devront être précisés, le terme « critère » étant lui-même très large : on voit bien comment, sur cette réalité, on peut s’entendre quand on ne sait pas ce qu’il faut entendre par le vocable utilisé…

Sachant que l’Union européenne compte 511 millions d’habitants et qu’il y a 650 000 demandeurs d’asile, ce chiffre étant évolutif et pouvant être plus important demain, il faut répartir l’effort de manière beaucoup plus partagée et solidaire, mais pas pour autant uniforme, car, on le sait, la situation n’est pas la même suivant les États membres. Il faudra donc que l’on nous dise ce que l’on entend par « critère ».

Ce qui est certain, c’est qu’il ne faut pas confondre demandeurs d’asile et immigrés pauvres, comme vous l’avez précisé, et c’était indispensable, monsieur le ministre. Pour que le droit d’asile perdure, il doit être octroyé dans les meilleures conditions à l’échelle de l’Union européenne.

En revanche, les immigrés économiques sont des personnes en situation irrégulière. Il faut bien sûr les accompagner humainement et dignement vers le retour, mais également faire un travail en amont, avec les pays d’origine aussi, et faire du codéveloppement. On ne peut être que d’accord sur ce point.

Je le répète, nous attendons des précisions au cours de nos débats. Nous verrons alors comment nous pourrons nous retrouver sur cette voie.

J’en viens à l’amendement n° 25 rectifié bis.

La commission des lois du Sénat a souhaité que l’OFPRA procède à un réexamen périodique, tous les trois ans, des dossiers des bénéficiaires de la protection subsidiaire, ayant constaté que le réexamen annuel actuellement prévu par le droit n’est en pratique pas suivi d’effet. L’objectif du texte est de permettre un meilleur suivi des dossiers en réduisant les délais constatés à toutes les étapes de la procédure.

Réintroduire une telle obligation nécessitera forcément de mobiliser des moyens qui pourront faire défaut par ailleurs, alors qu’aujourd’hui l’Office est en capacité, à tout moment, de décider de revoir la situation de personnes lorsque le besoin de protection a cessé d’exister ou lorsqu’un changement significatif et durable est intervenu.

Il semble donc préférable de laisser à l’OFPRA la possibilité de déclencher ces réexamens plutôt que de les systématiser, sachant en outre que l’Office devra être extrêmement offensif, car sa charge de travail va considérablement s’accroître compte tenu de l’augmentation du nombre de dossiers qui lui seront soumis.

Systématiser cet élément de la procédure rendrait peut-être plus difficile l’instruction dans de bonnes conditions des dossiers des nouveaux entrants et le bon suivi des autres lorsque cela est nécessaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l'amendement n° 84.

M. Jean-Yves Leconte. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

La protection subsidiaire a très exactement concerné 1 940 personnes en 2014. L’OFPRA a aujourd'hui obligation, par les textes, de vérifier tous les ans si cette protection peut être supprimée. Or nous savons qu’il est difficile de réaliser de telles vérifications tous les ans. Pour autant, il ne nous a pas paru raisonnable de supprimer totalement toute périodicité.

Nous proposons donc d’instituer un délai de trois ans, lequel serait parfaitement compatible à la fois avec la charge de travail de l’OFPRA et avec l’obligation qui lui est faite de vérifier si le statut de protection peut être supprimé en raison d’un changement de circonstances. Un tel délai est clair et permettra à l’OFPRA d’engager des procédures.

On comprend la bonne intention des auteurs de ces amendements, mais le risque, en supprimant tout délai, est qu’il ne se passe jamais rien, faute de temps pour effectuer les contrôles. Et on aura beau jeu, en l’absence de périodicité, de se dire qu’après tout ce n’est pas bien grave si le contrôle ne se fait pas.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le Gouvernement est, lui, favorable à ces deux amendements identiques.

Nous avons considéré que le réexamen tous les trois ans proposé par la commission des lois était de nature à accroître considérablement le travail de l’OFPRA, alors que l’objectif du présent texte est de faciliter la procédure d’asile.

Il nous paraît beaucoup plus approprié de revenir au texte initial et de prévoir qu’un réexamen de la situation est possible à tout moment, pour des raisons liées à la fois à un changement de circonstances dans les pays d’origine ou à un changement dans la situation de droit ou de fait de la personne concernée.

Je voudrais maintenant répondre à la question qui m’a été posée précédemment : la Commission a indiqué qu’elle souhaitait, d’ici à la fin du mois, définir les clefs de la répartition solidaire des demandes d’asile entre les différents pays de l’Union européenne.

La France, qui a activement œuvré pour la mise en place de ce mécanisme de solidarité, discutera très attentivement avec la Commission, laquelle a déjà envisagé de retenir plusieurs critères comme le PIB, le nombre d’habitants et les efforts précédemment réalisés par les différents pays pour accueillir des demandeurs d’asile.

Il nous semble d’ailleurs que ce dernier critère est insuffisamment pris en compte, et nous insisterons pour qu’il le soit davantage. En effet, avec cinq pays en Europe qui accueillent 75 % des demandeurs d’asile, la répartition n’est pas satisfaisante et il manque une vraie dynamique européenne en la matière. La France sera donc très vigilante sur la définition de ces critères.

Sur la question de l’immigration économique irrégulière, nous nous attaquons aux filières. Au Niger et au Cameroun, où je me suis rendu la semaine dernière, j’ai pu constater les ravages humains épouvantables provoqués par ces filières et par la traite des êtres humains à laquelle elles se livrent. Les pays de provenance souhaitent donc nous voir agir fortement contre ces filières.

Quant aux politiques de codéveloppement, nous ne pouvons pas les mettre en place sans associer les pays d’origine eux-mêmes et sans que l’Union européenne s’implique fortement. Nous souhaitons donc que la Commission s’engage puissamment dans une politique de codéveloppement avec les pays d’origine.

Cela impose d’exiger des mesures très concrètes.

Ainsi, au Niger, j’ai constaté que certains lieux dans lesquels intervenait l’Organisation internationale pour les migrations, l’OIM, mais qui n’étaient pas directement gérés par elle, étaient tenus par les passeurs. Nous voulons que ces centres soient véritablement gérés en partenariat avec les pays concernés, que le respect de la personne humaine y prévale et qu’il existe de véritables projets de développement.

Se pose par ailleurs le problème de la gestion de l’immigration économique irrégulière en Italie : il convient en la matière de bien distinguer ceux qui relèvent de l’asile de ceux qui n’en relèvent pas et d’organiser les reconduites à la frontière.

Sur tous ces sujets, nous allons continuer à dialoguer de façon très positive avec l’Allemagne et, au-delà, avec l’ensemble des pays de l’Union européenne, de manière à avancer des propositions efficaces permettant l’accueil de ceux qui doivent être accueillis et la maîtrise des flux migratoires, sans laquelle l’accueil des demandeurs d’asile en Europe ne sera pas soutenable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 25 rectifié bis et 84.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte les amendements.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
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Article 4 bis

Article 4

Le chapitre III du même titre Ier est ainsi modifié :

1° A (nouveau) L’article L. 713-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ils peuvent également l’être par la Cour nationale du droit d’asile dans les conditions prévues au chapitre III du titre III du présent livre. » ;

1° L’article L. 713-2 est ainsi modifié :

a) Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « Les persécutions ou menaces de persécutions prises en compte dans la reconnaissance de la qualité de réfugié et les atteintes graves ou menaces d’atteintes graves pouvant... (le reste sans changement). » ;

b) Au second alinéa, les mots : « et des organisations internationales et régionales » sont remplacés par les mots et une phrase ainsi rédigée : « ou des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’État ou une partie importante du territoire de celui-ci. Cette protection doit être effective et non temporaire. » ;

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Une telle protection est en principe assurée lorsque les autorités mentionnées au deuxième alinéa prennent des mesures appropriées pour empêcher les persécutions ou les atteintes graves et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » ;

2° Après le mot : « grave », la fin de la première phrase de l’article L. 713-3 est ainsi rédigée : « , si elle peut, légalement et en toute sécurité, se rendre vers cette partie du territoire et si l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elle s’y établisse. » ;

3° Sont ajoutés des articles L. 713-4 à L. 713-6 ainsi rédigés :

« Art. L. 713-4. – Les craintes de persécutions prises en compte dans la reconnaissance de la qualité de réfugié et le risque réel de subir des atteintes graves pouvant donner lieu au bénéfice de la protection subsidiaire peuvent être fondées sur des événements survenus après que le demandeur d’asile a quitté son pays d’origine ou à raison d’activités qu’il a exercées après son départ du pays, notamment s’il est établi que les activités invoquées constituent l’expression et la prolongation de convictions ou d’orientations affichées dans son pays.

« Art. L. 713-5 (nouveau). – L’autorité judiciaire communique au directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et au président de la Cour nationale du droit d’asile, sur demande ou d’office, tout élément recueilli au cours d’une instance civile ou d’une information criminelle ou correctionnelle, y compris lorsque celle-ci s’est terminée par un non-lieu, de nature à faire suspecter qu’une personne qui demande l’asile ou le statut d’apatride ou qui s’est vu reconnaître le statut de réfugié, le bénéfice de la protection subsidiaire ou le statut d’apatride relève de l’une des clauses d’exclusion mentionnées aux articles L. 711-3 et L. 712-2 du présent code ou à l’article 1er de la convention de New York, du 28 septembre 1954, relative au statut des apatrides.

« Art. L. 713-6 (nouveau). – L’autorité judiciaire communique au directeur général de l’office et au président de la Cour nationale du droit d’asile, sur demande ou d’office, tout élément recueilli au cours d’une instance civile ou d’une information criminelle ou correctionnelle, y compris lorsque celle-ci s’est terminée par un non-lieu, de nature à faire suspecter le caractère frauduleux d’une demande d’asile ou du statut d’apatride. » – (Adopté.)

Chapitre Ier bis

Dispositions relatives au statut d’apatride

Article 4
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Article 5

Article 4 bis

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa de l’article L. 721-2 et au premier alinéa de l’article L. 721-3, les mots : « et apatrides » sont supprimés ;

2° Après le titre Ier du livre VIII, il est inséré un titre Ier bis ainsi rédigé :

« TITRE IER BIS

« LE STATUT D’APATRIDE

« CHAPITRE UNIQUE

« Art. L. 812-1. – La qualité d’apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l’article 1er de la convention de New York, du 28 septembre 1954, relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention.

« Art. L. 812-2. – L’Office français de protection des réfugiés et apatrides reconnaît la qualité d’apatride aux personnes remplissant les conditions mentionnées à l’article L. 812-1, au terme d’une procédure définie par décret en Conseil d’État.

« Art. L. 812-3. – L’office notifie par écrit sa décision au demandeur du statut d’apatride. Toute décision de rejet est motivée en fait et en droit et précise les voies et délais de recours.

« Aucune décision sur une demande de statut d’apatride ne peut naître du silence gardé par l’office.

« Art. L. 812-4. – L’office exerce la protection juridique et administrative des apatrides.

« Il assure cette protection, notamment l’exécution de la convention de New York, du 28 septembre 1954, précitée, dans les conditions prévues aux troisième et dernier alinéas de l’article L. 721-2.

« Il est habilité à délivrer aux apatrides les pièces nécessaires pour leur permettre d’exécuter les divers actes de la vie civile et à authentifier les actes et documents qui lui sont soumis dans les conditions prévues à l’article L. 721-3.

« Art. L. 812-5. – Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, le ressortissant étranger qui a obtenu la qualité d’apatride peut demander à bénéficier de la réunification familiale, dans les conditions prévues à l’article L. 752-1.

« Art. L. 812-6. – L’article L. 752-2 est applicable au mineur non accompagné qui a obtenu la qualité d’apatride.

« Art. L. 812-7. – À moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d’ordre public s’y opposent, l’étranger reconnu apatride et titulaire d’un titre de séjour en cours de validité peut se voir délivrer un document de voyage dénommé ‘‘titre de voyage pour apatride’’ l’autorisant à voyager hors du territoire français.

« Ce document de voyage peut être retiré ou son renouvellement refusé lorsqu’il apparaît, postérieurement à sa délivrance, que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d’ordre public le justifient.

« Art. L. 812-8 (nouveau). – I. – Le présent titre est applicable dans les îles Wallis et Futuna dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la réforme de l’asile et sous réserve des adaptations suivantes : à l’article L. 812-5, la référence : « 10° de l’article L. 313-11 » est remplacée par la référence : « 6° de l’article 16 de l’ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna » et la référence : « 9° de l’article L. 314-11 » est remplacée par la référence : « 10° de l’article 20 de la même ordonnance ».

« II. – Le présent titre est applicable en Polynésie française dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la réforme de l’asile et sous réserve des adaptations suivantes : à l’article L. 812-5, la référence : « 10° de l’article L. 313-11 » est remplacée par la référence : « 6° de l’article 17 de l’ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française » et la référence : « 9° de l’article L. 314-11 » est remplacée par la référence : « 10° de l’article 22 de la même ordonnance ».

« III. – Le présent titre est applicable en Nouvelle-Calédonie dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la réforme de l’asile et sous réserve des adaptations suivantes : à l’article L. 812-5, la référence : « 10° de l’article L. 313-11 » est remplacée par la référence : « 6° de l’article 17 de l’ordonnance n° 2002-388 du 20 mars 2002 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie » et la référence : « 9° de l’article L. 314-11 » est remplacée par la référence : « 6° de l’article 22 de la même ordonnance ».