M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le président Retailleau, après vous avoir entendu, j’ai envie de vous dire : « Chiche ! » Car on ne peut pas reprocher à l’Autorité de la concurrence d’appliquer la loi !
Vous avez cité l’affaire sur laquelle elle rendra son avis très prochainement. En l’espèce, l’infraction à la loi semble évidente. Je suis, comme vous, tout à fait sensible à la situation de la filière, et mon collègue Stéphane le Foll s’en préoccupe également quotidiennement. Nous avons eu un dialogue avec le président de l’Autorité de la concurrence pour qu’il tienne compte de la situation de la filière, et j’ai bon espoir qu’il le fasse – ce serait la première fois s’agissant d’un avis de cette autorité –, dans le cadre de la loi.
Mais que n’avez-vous déposé d’amendements ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Ils arrivent ! Nous en avons deux !
M. Emmanuel Macron, ministre. En dénonçant ces pratiques, en particulier la dernière que vous avez citée et qui constitue une infraction à la loi, vous soulignez l’importance de renforcer les procédures, comme le Gouvernement avait décidé de le faire par le texte figurant initialement dans ce projet de loi, et de clarifier les pouvoirs de l’Autorité de la concurrence.
Il est devenu à la mode de taper sur cette autorité. Mais encadrons-la mieux, soyons exigeants ! Dans le même temps, elle rend un travail utile. En effet, dans les cas que vous avez cités, on ne peut que constater la puissance de quelques-uns placés en situation de force, le non-respect du droit des concentrations et l’absence d’une saine concurrence.
Car beaucoup de reproches ont été faits à la concurrence depuis le début de nos débats, mais celle-ci ne doit être ni un dogme ni un objectif en soi. Elle est simplement le bon moyen de préserver de manière juste les intérêts de toutes et tous, y compris des plus faibles, de ceux qui n’ont pas accès à certains marchés. Quand la concurrence marche mal, ce sont les producteurs les plus fragiles qui en sont les victimes.
Monsieur le président Retailleau, je souscris pleinement à votre objectif, mais je considère que c’est au législateur, et non aux présidents d’autorités, de faire les lois. En l’espèce, l’autorité applique la loi. On peut avoir des débats contradictoires avec elle, mais si on veut que la loi aille plus loin, il faudra débattre des différents objectifs.
Ce texte va en tout cas dans le sens d’un renforcement du droit de la concurrence, qui permet de préserver l’intérêt des plus faibles sur certains marchés. Il répond donc, pour partie, aux préoccupations que vous venez ici d’éclairer.
M. le président. Je mets aux voix l'article 59 bis, modifié.
(L'article 59 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 59 bis
M. le président. L'amendement n° 846 rectifié, présenté par MM. Bizet et G. Bailly, Mme Bouchart, M. Calvet, Mme Cayeux, MM. César, Commeinhes et de Nicolaÿ, Mme Deromedi, MM. Doligé, Houel, Laménie, Lefèvre, Lemoyne, Longuet et Mayet, Mme Mélot et MM. Milon, Morisset, Trillard, Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 59 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du II de l’article L. 430-7-1 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’avis du ministre chargé de l’économie est obligatoire lorsque le chiffre d’affaires total mondial hors taxes de l’ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration est supérieure à 2,5 milliards d’euros et lorsque le chiffre d’affaires total hors taxes réalisé en France par deux au moins des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales concernés est supérieur à 166 millions d’euros. »
La parole est à Mme Caroline Cayeux.
Mme Caroline Cayeux. À la suite du débat que nous venons d’avoir, cet amendement vise à rendre obligatoire l'avis du ministre chargé de l'économie lorsque l'opération de concentration atteint une forte dimension, déterminée selon un double seuil.
Le premier est celui de 2,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires mondial, qui est un seuil important puisqu'il s'agit d'un niveau « dérogatoire » permettant une éventuelle saisine de la direction générale de la concurrence. Si la concentration concernée atteint ce niveau, mais reste « dans le giron national », le ministre chargé de l'économie devrait se pencher sur la question.
Le second est celui de 166 millions d'euros de chiffre d'affaires national, qui est, lui aussi, un seuil important puisqu'il s'agit d'un niveau « plancher » à partir duquel une concentration relevant potentiellement d'une saisine de la direction générale de la concurrence peut toutefois éventuellement rester « dans le giron national ». Si tel est le cas, le ministre chargé de l'économie devrait aussi se pencher sur la question.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement prévoit que le ministre de l’économie donne obligatoirement son avis sur les dossiers de concentration les plus importants traités par l’Autorité de la concurrence.
L’objectif est louable, car le Gouvernement ne peut évidemment pas se désintéresser des opérations les plus significatives pour notre économie. Toutefois, cet amendement est déjà satisfait, puisqu’un commissaire du gouvernement est nommé par le ministre de l’économie auprès de l’Autorité de la concurrence pour faire connaître la position du Gouvernement sur tous les dossiers.
Ce commissaire du gouvernement – ce titre est parlant – est, à ce jour, un fonctionnaire du ministère de l’économie qui prépare et présente les observations sur toutes les affaires dont est saisie l’autorité, sans prendre part ensuite, bien évidemment, à la délibération. Je suppose donc qu’il dispose d’instructions précises lorsqu’il s’agit de statuer sur une opération importante de concentration. Je le redis, votre préoccupation, ma chère collègue, est déjà parfaitement prise en compte par le droit et la pratique actuels.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous débattons là d’un sujet majeur en termes économiques. D’un point de vue juridique, le Gouvernement a aujourd'hui la faculté de porter à la connaissance de l’autorité un certain nombre d’observations par l’intermédiaire du commissaire du gouvernement. Mais, d’un point de vue politique, le poids de ce dernier est faible.
Par ailleurs, l’article L. 430-7-1 du code de commerce prévoit un droit d’évocation du ministre. Mais, dans les faits, ce droit n’est jamais actionné, car on imagine qu’il doit l’être pour des affaires stratégiques. Pourtant, la loi prévoit des cas bien plus larges : le ministre peut évoquer l’affaire et statuer sur l’opération pour des motifs d’intérêt général autres que le maintien de la concurrence. Sont évoqués le développement industriel, la compétitivité des entreprises, la création et le maintien de l’emploi.
Les cas évoqués par le président Retailleau correspondent tout à fait à ces situations. Si je prends le cas de la filière volaille, la moitié des entreprises concernées sont dans une situation économique quasi désespérée. On pourrait donc s’attendre à ce que le droit d’évocation soit utilisé : il n’en est rien. D’autre pays, pourtant plus libéraux que le nôtre, n’ont pas cette pudeur et n’hésitent pas à intervenir.
L’amendement que je propose avec un certain nombre de collègues tend à compléter la palette de moyens à notre disposition : d’un côté, nous avons le commissaire du gouvernement – une petite arme – et, de l’autre, le droit d’évocation – une grosse arme –, mais, entre les deux, il manque peut-être quelque chose.
Nous proposons donc que le ministre soit obligatoirement saisi et donne un avis dès lors que la concentration en question est supérieure à 2,5 milliards d’euros au niveau mondial et 166 millions d’euros au niveau national. Il ne s’agit pas d’un enjeu minime, puisque, la plupart du temps, les entreprises concernées sont des ETI, dont M. le ministre a pris la défense il y a quelques instants. Dans ces entreprises patrimoniales, dont j’ai en tête certains exemples, certains industriels n’ont eu d’autre choix pour régler des sanctions que de « rester liquide », c’est-à-dire de céder une partie de leurs actifs industriels, lesquels, la plupart du temps, quittent le giron du capitalisme familial pour celui du capitalisme financier.
Monsieur le ministre, vous connaissez les enjeux en termes humains et d’emploi qu’il peut y avoir derrière une telle situation. Nous avons tous en mémoire votre premier déplacement ministériel, au cours duquel vos mots avaient d’ailleurs dépassé votre pensée,…
M. Jean-Baptiste Lemoyne. … certainement parce que vous aviez été saisi par une réalité difficile.
Au regard des enjeux de la filière laitière, et demain peut-être de la filière volaille, il nous est apparu important de compléter la législation, comme vous nous y appeliez il y a quelques instants, afin de mieux l’adapter à la réalité et, surtout, pour ne pas contribuer au désarmement industriel de notre pays.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. On peut être sensible, comme je le suis, aux préoccupations que vous, monsieur Lemoyne, et le président Retailleau avez exposées et, dans le même temps, chercher à être efficace et, donc, précis.
Vous avez évoqué le droit des concentrations. L’exemple cité par le président Retailleau n’a rien à voir avec le droit des concentrations : il s’agit d’une entente, ce qui n’est pas la même chose.
M. Bruno Retailleau. Les enseignes qui se réunissent se concentrent !
M. Emmanuel Macron, ministre. On parle ici de la filière, vous l’avez bien compris. L’exemple cité par votre collègue porte sur un accord passé entre enseignes : ce n’est pas une concentration capitalistique.
Pour pouvoir les prendre en compte, il faudrait changer la loi, avec toutes les problématiques que cela entraîne. Mais, je le redis, les accords entre enseignes ne sont pas des rapprochements capitalistiques. Le président Lenoir et moi-même le savions lorsque nous avons demandé l’avis de l’Autorité de la concurrence. Celle-ci nous a renvoyés au droit et à la difficulté de se saisir de tels abus au regard du droit actuel. Elle nous a incités à être très vigilants sur les potentielles ententes qui pourraient dériver de ces accords. C'est ce que nous ferons, et la DGCCRF a déjà été mandatée sur ce sujet.
S’agissant du problème qui fera l’objet dans les prochains jours d’un avis de l’Autorité de la concurrence, il s’agit non de concentration, mais d’entente : les deux situations ne sont pas traitées sur la même base. Ce que vous proposez dans cet amendement ne couvre donc pas le cas précis que vous évoquiez ; une autre caractérisation juridique serait plus pertinente.
Par ailleurs, comme le disait à l’instant M. le rapporteur, l’avis du ministre et le droit d’évocation existent déjà dans le droit actuel. Ce que vous proposez est donc superfétatoire et ne répond pas à votre préoccupation. Quelle erreur les acteurs de cette filière, qui est en difficulté, ont-ils commise ? Ils n’ont pas conclu un accord de filière. Pourtant, un tel accord, signé de manière transparente est tout à fait légal et leur aurait permis d’éviter de recourir à la politique du pire. Il est donc normal qu’on ne ferme pas les yeux ; j’ai toutefois bon espoir que le président de l’Autorité de la concurrence, précisément en raison de la situation de la filière, fera preuve de discernement. L'industrie, de son côté, a compris l’intérêt d’un accord de filière et l’autorité l’y encouragera.
Je le répète, le droit prévoit des modes d’organisation permettant de répondre à ces situations. En l’espèce, la procédure que vous proposez à propos des concentrations n’a rien à voir avec l’accord dont nous parlions et serait superfétatoire.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 846 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 59 ter
Après l’article L. 450-4 du code de commerce, il est inséré un article L. 450-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 450-4-1. – Les agents mentionnés à l’article L. 450-1 peuvent se faire communiquer les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques en application de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques et par les prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique et en obtenir la copie. »
M. le président. L'amendement n° 876 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau, Mme Gatel et M. Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Cet amendement vise à supprimer la possibilité pour l’Autorité de la concurrence de disposer, dans le cadre de l’exercice de ses pouvoirs d’enquête simple sur les pratiques anticoncurrentielles et de concentration, de factures téléphoniques détaillées, dites « fadettes », et de données de géolocalisation détenues par les opérateurs téléphoniques. En effet, la communication de ces éléments est en contradiction avec la protection des données puisque l’entreprise visée n’est pas avertie de la demande, qui peut concerner toutes les données traitées par les opérateurs de télécommunications. Ainsi, elle ne peut avoir connaissance des conditions de transfert de ces données ou de l’usage qui en est fait.
Par ailleurs, dans le cadre des enquêtes lourdes, l’accès à des informations personnelles doit être justifié par des indices d’activités anticoncurrentielles. Or cela n’est pas prévu pour une procédure d’enquête simple, ce qui pose donc la question de l’encadrement et de la cohérence des pouvoirs entre les différentes procédures.
J’ajoute que notre commission a amendé le texte du Gouvernement pour éviter d’attribuer à l’Autorité de la concurrence un pouvoir qui s’avérerait excessif ou inapproprié pour certaines procédures. Or le Gouvernement veut rétablir le texte de l’Assemblée nationale ; il me paraît donc nécessaire de supprimer cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. L’Autorité des marchés financiers dispose de ce pouvoir, et il ne nous a pas paru choquant que l’Autorité de la concurrence ait le même. Je précise néanmoins, pour qu’il n’y ait pas d’erreur d’interprétation, qu’il ne s’agit que de savoir qui a téléphoné à qui ; à aucun moment, le contenu des conversations n’est connu. La commission a donc souhaité donner à l’Autorité de la concurrence, qui est tout de même confrontée à des problématiques très importantes, des moyens identiques à ceux d’un organisme comparable. Dans le cas cité précédemment par Bruno Retailleau, ces fadettes auraient pu s’avérer décisives pour contrecarrer les abus qu’il a mentionnés.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 876 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 1572, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Avant le dernier alinéa de l’article L. 450-3 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ils peuvent en particulier se faire communiquer les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques en application de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques et par les prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique et en obtenir la copie. »
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit d’un amendement certes un peu technique mais qui a son importance.
Le texte de la commission spéciale renvoie à l’article L. 450-4 du code de commerce, et non à l’article L. 450-3, le pouvoir d’obtenir la communication des fadettes. Ce transfert ne semble pas justifié, car les dispositions de l’article L. 450-4 concernent les pouvoirs d’enquête des rapporteurs de l’Autorité de la concurrence et des enquêteurs de la DGCCRF sur autorisation judiciaire.
Une entreprise ne peut faire l’objet d’une opération de visite et de saisie que si elle a participé à une pratique anticoncurrentielle. Or les fadettes sont détenues par les opérateurs de communications électroniques, qui sont étrangers aux pratiques anticoncurrentielles en question. Le juge des libertés et de la détention ne pourrait donc délivrer une autorisation de visite et de saisie auprès d’un tel opérateur pour une entente suspectée dans un autre secteur.
L’article 59 ter ne fait que préciser un pouvoir général de communication dont disposent déjà les rapporteurs de l’Autorité de la concurrence et les enquêteurs de la DGCCRF avec l’article L. 450-3 du code de commerce. C’est pourquoi la disposition spécifique concernant l’obtention des fadettes doit logiquement être codifiée à l’article L. 450-3 plutôt qu’à l’article L. 450-4.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur le ministre. La commission spéciale a créé un article spécifique, qui donne à l’Autorité de la concurrence – au grand désespoir de M. Cadic – la possibilité d’accéder aux fadettes. Faire référence à l’article L. 450-3 du code de commerce, auquel de nombreux textes renvoient, donnerait expressément à la DGCCRF le pouvoir d’utiliser les fadettes. Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Pillet, corapporteur. Pas en droit de la consommation !
M. le président. Je mets aux voix l'article 59 ter.
(L'article 59 ter est adopté.)
Article additionnel après l’article 59 ter
M. le président. L'amendement n° 469, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 59 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 461-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Au cinquième alinéa du II, après le mot : « économique », sont insérés les mots : « ou environnementale », et après le mot : « concurrence », sont insérés les mots : « de défense des consommateurs et de l’environnement » ;
2° Au sixième alinéa du II, après le mot : « production », sont insérés les mots : « du développement durable, ».
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement vise à élargir la composition de l’Autorité de la concurrence.
Dans le projet de loi, l’Autorité de la concurrence acquiert de nouveaux pouvoirs. C’est pourquoi il semble important de diversifier sa composition.
Actuellement, l’ensemble de ses membres sont nommés pour une durée de cinq ans par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l’économie. Cet amendement vise à inclure dans le collège des personnalités choisies des membres compétents en matière de développement durable et de défense des consommateurs et de l’environnement. Pour le moment, une seule des personnalités du collège est issue d’une association de défense des consommateurs. Nous proposons que cette ouverture salutaire soit inscrite dans la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Le droit en vigueur prévoit déjà la désignation de personnalités qualifiées au sein du collège de l’Autorité de la concurrence ; votre souhait est donc exaucé. J’émettrai tout de même un bémol : le rapport entre droit de la concurrence et compétence en matière d’environnement n’est pas manifeste. Cela étant, vous obtiendrez peut-être satisfaction à travers la nomination d’une personnalité qualifiée. Adressez-vous à qui de droit pour que celle-ci soit celle qui vous intéresse. (Sourires.)
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 469.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 59 quater
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 462-8, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle peut aussi rejeter la saisine par décision motivée lorsque les faits invoqués peuvent être traités par le ministre chargé de l’économie en application de l’article L. 464-9. » ;
2° Le troisième alinéa de l’article L. 464-9 est complété par les mots : « sauf si l’Autorité de la concurrence a rejeté la saisine sur le fondement du troisième alinéa de l’article L. 462-8 » ;
3° À l’article L. 954-14, les mots : « troisième et quatrième » sont remplacés par les mots : « quatrième et cinquième ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 59 quater
M. le président. L'amendement n° 847 rectifié, présenté par MM. Bizet et G. Bailly, Mme Bouchart, M. Calvet, Mme Cayeux, MM. César, Commeinhes et de Nicolaÿ, Mme Deromedi, MM. Doligé et Gremillet, Mme Gruny, M. Houel, Mme Keller, MM. Laménie, Lefèvre, Lemoyne, Longuet et Mayet, Mme Mélot et MM. Milon, Morisset, Pierre, Trillard, Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 59 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du troisième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce est complétée par les mots : « en s’assurant que la sanction infligée ne mette pas irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et ne conduise pas à priver ses actifs de toute valeur ».
La parole est à Mme Caroline Cayeux.
Mme Caroline Cayeux. S’il est légitime que les pratiques anticoncurrentielles soient sanctionnées, il convient néanmoins de prendre en compte la capacité contributive de chaque entreprise ou organisme et de mesurer les conséquences économiques des sanctions envisagées. Cet amendement a donc pour objet de s'assurer que ces conséquences ne soient pas disproportionnées et ne mettent pas en péril l'existence même de l'entreprise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Le code de commerce dispose que « les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées ». Pour une infraction qui durerait vingt ans, l’Autorité de la concurrence prendrait ainsi en compte le profit indûment retiré sur toute la période. Il s’agit de ce qu’on appelle en droit une infraction continue ; il peut en effet paraître légitime qu’une faute commise, même sur une longue durée, ne puisse bénéficier à son auteur.
Pour faire une analogie, prenons le cas d’une affaire portée devant une Cour d’assises. Pour déterminer la peine, la Cour ne prendra en principe pas en considération les crimes ou délits prescrits, qui figurent au bas de la commode à tiroirs que peut représenter le casier judiciaire de l’accusé. Pourtant, de fait, elle en tiendra compte. Il s’agit ici de la même situation : l’Autorité de la concurrence tient compte de la situation concrète pour apprécier le dommage causé. Il ne s’agit donc pas d’une pratique juridiquement exceptionnelle.
Cela étant, le débat mérite sans doute d’avoir lieu, mais il faudrait rédiger différemment votre amendement, afin de rendre sans objet les réflexions très mesurées dont je viens de vous faire part et qui me conduisent à vous demander de le retirer. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous nous trouvons là sur le terrain des sanctions. Or nous avons pu apprécier dernièrement combien les montants de celles-ci peuvent être considérables, s’élevant parfois à 16 % du chiffre d’affaires d’une filière. Je parle bien du chiffre d’affaires, donc imaginez ce que cela représente au regard du résultat ! Aussi, la plupart du temps, les ETI, les PME-PMI familiales ou les coopératives concernées en sont réduites, pour pouvoir payer ces sanctions, à céder une partie de leurs actifs à des acheteurs étrangers, faisant ainsi sortir de notre territoire une partie de notre outil industriel.
Le code de commerce dispose effectivement dans sa rédaction actuelle que la sanction est proportionnée à la situation de l’organisme, mais il est insuffisamment précis. J’entends certes l’appel de M. le rapporteur à peaufiner la rédaction de l’amendement, mais peut-être pourrions-nous tout de même l’adopter et parachever sa rédaction dans la suite de la procédure législative, puisque le texte fera l’objet d’une commission mixte paritaire, puis vraisemblablement d’une nouvelle lecture. Nous enverrions un signal important en affirmant que l’on ne veut pas mettre irrémédiablement en danger la viabilité économique d’une entreprise. Faisons ce premier pas ce soir !
M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.
M. François Pillet, corapporteur. Comme je l’ai dit tout à l'heure à M. le ministre à propos du cumul de mandats, utilisons le temps de la procédure parlementaire pour réfléchir !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. La rédaction de l’amendement est très large, mais je veux faire état de ce qui fonctionne aujourd'hui et de la manière dont les choses peuvent déjà être encadrées.
Nous pourrions discuter encore des situations auxquelles vous faites référence, monsieur le sénateur : dans le secteur du chocolat, les changements de propriété étaient antérieurs à la décision. Dans le secteur du yaourt, il ne me semble pas que les décisions de l’Autorité de la concurrence aient déclenché un tel changement : elles ont été postérieures à cette mutation.
Cela dit, il faut maintenir un équilibre dans lequel la sanction garde un aspect dissuasif.
Aujourd'hui, l’article L. 464-2 du code de commerce prévoit que l’Autorité de la concurrence doit déjà prendre en compte la situation particulière d’une entreprise avant de lui infliger une sanction. En outre, dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, l’Autorité prévoit d’ajuster cette sanction aux capacités contributives de l’entreprise et à ses éventuelles difficultés financières. C’est ce qui ressort de sa pratique décisionnelle.
Quant à l’article L. 464-8 du code précité, il permet au président de la cour d’appel de Paris, en cas de recours contre une décision de l’Autorité de la concurrence, d’ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de la décision si celle-ci est susceptible d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
On a donc en quelque sorte un double cliquet. Or le dispositif proposé a une portée beaucoup plus large – selon moi, trop large.
Enfin, le ministre de l’économie peut décider d’étaler le paiement et d’accorder des sursis en cas de sanctions qui, ne mettant pas en péril la viabilité de l’entreprise, seraient conformes au droit, mais seraient considérées comme non supportables par l’entreprise.
La discussion que nous avons depuis tout à l'heure est d’intérêt général, mais elle est aussi liée à des situations existantes, dans des filières en difficulté, où certains ont exprimé un sentiment d’instabilité et ont manifesté des inquiétudes. Je vois bien que c’est cela qui vous préoccupe, à juste titre.
Pour ma part, je m’engage à ce que les décisions d’échelonnement dans le temps soient prises de toute façon si elles sont justifiées et nécessaires.