Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. La commission spéciale a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui a déjà été repoussé en commission.
Mon cher collègue, vous proposez d’introduire dans la loi la définition jurisprudentielle actuelle de la consultation juridique. Permettez-moi d’appeler votre attention sur plusieurs points.
Le caractère jurisprudentiel de la définition actuelle ne soulève aucune difficulté particulière. D’ailleurs, si l’on poussait la logique jusqu’au bout, il serait cohérent de définir « la rédaction d’acte sous seing privé », qui constitue, avec la consultation, l’autre prestation délivrée par les professionnels de droit.
En outre, la définition proposée diffère de celle de la jurisprudence, selon laquelle la consultation juridique peut se définir « comme une prestation intellectuelle personnalisée qui tend à fournir un avis, parfois un conseil, qui concourt, par les éléments qu’il apporte, à la prise de décision du bénéficiaire de la consultation ». C’est une définition très large.
Enfin, la définition proposée pose un problème délicat à l’égard des obligations en matière de lutte contre le blanchiment. En effet, dans le système TRACFIN, les avocats sont exonérés de toute obligation déclarative s’agissant des consultations juridiques qu’ils effectuent pour leurs clients, sauf lorsqu’elles sont directement fournies à des fins de blanchiment des capitaux ou de financement du terrorisme ou lorsque l’avocat sait que son client les demande à cette fin.
Dans cette perspective, une définition trop large de la consultation juridique qui permettrait qu’elle puisse concerner autre chose que des prises de décision ou qui mettrait le conseil sur le même plan que l’avis aurait pour effet d’étendre le champ de la déclaration TRACFIN et de diminuer d’autant l’efficacité du dispositif.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 13.
(L'article 13 est adopté.)
Article 13 bis
I. – Les notaires, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires peuvent librement s’installer dans les zones où l’implantation d’offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services.
Ces zones sont déterminées par une carte établie par le ministre de la justice, après avis de l’Autorité de la concurrence rendu conformément à l’article L. 462-4-1 du code de commerce. Elles sont définies de manière détaillée au regard de critères précisés par décret, notamment sur la base d’une analyse économique et démographique de l’évolution prévisible du nombre de professionnels installés.
À cet effet, cette carte identifie les secteurs dans lesquels, pour renforcer la proximité ou l’offre de services, la création de nouveaux offices de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire apparaît utile.
Afin de garantir une augmentation progressive du nombre d’offices à créer, de manière à ne pas causer de préjudice anormal aux offices existants, cette carte est assortie de recommandations sur le rythme d’installation compatible avec une augmentation progressive du nombre de professionnels dans la zone concernée.
Cette carte et l’avis de l’Autorité de la concurrence sont rendus publics. La carte est révisée tous les deux ans.
II. – Dans les zones mentionnées au I, le ministre de la justice fait droit à la demande de création d’office de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire qui lui est adressée, lorsque le demandeur remplit, par ailleurs, les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises et qu’aucune autre demande de création d’office n’entre en concurrence avec elle.
Lorsque plusieurs demandes concurrentes de créations d’office lui sont adressées, le ministre de la justice nomme les titulaires après classement des candidats suivant leur mérite.
Lorsqu’une zone mentionnée au I apparaît suffisamment pourvue en raison des installations intervenues, ou lorsque la création de nouveaux offices n’apparaît plus conforme aux recommandations mentionnées à l’avant-dernier alinéa du I, le ministre de la justice peut refuser l’installation de nouveaux officiers.
Si, dans un délai de six mois à compter de la publication de la carte mentionnée au I, le ministre de la justice constate un nombre insuffisant de demandes de créations d’office au regard des besoins identifiés, il procède, dans des conditions prévues par décret, à un appel à manifestation d’intérêt en vue d’une nomination dans un office vacant ou à créer ou de la création d’un bureau annexe par un officier titulaire.
Si l’appel à manifestation d’intérêt est infructueux, le ministre de la justice confie la fourniture des services d’intérêt général en cause, selon le cas, à la chambre départementale des notaires, à la chambre départementale des huissiers de justice ou à la chambre des commissaires-priseurs judiciaires concernée. Le ministre de la justice précise, en fonction de l’insuffisance identifiée, le contenu et les modalités des services rendus. À cet effet, une permanence est mise en place dans une maison de justice et du droit. La chambre concernée répartit, entre les officiers publics ou ministériels de son ressort, les charges et sujétions résultant du présent II.
III. – Dans les zones, autres que celles mentionnées au I, le ministre de la justice peut refuser une demande de création d’office, après avis de l’Autorité de la concurrence rendu dans un délai de deux mois après le dépôt de la demande de création d’office. Cet avis est rendu public. Le refus est motivé au regard, notamment, des caractéristiques de la zone et du niveau d’activité économique des professionnels concernés.
IV. – Lorsque la création d’un office porte atteinte à la valeur patrimoniale d’un office antérieurement créé, le titulaire de ce dernier est indemnisé, à sa demande, par le titulaire du nouvel office dont la création a causé ce préjudice.
La valeur patrimoniale de l’office antérieurement créé correspond à celle du fonds libéral d’exercice de la profession avant la création du nouvel office.
Le cas échéant, les parties saisissent le tribunal de grande instance de leur désaccord sur le montant ou la répartition de l’indemnisation.
La demande d’indemnisation doit être accompagnée d’une évaluation précise du préjudice et des pièces justificatives.
La demande doit être introduite dans un délai de six ans après la création du nouvel office. Le juge peut prévoir un étalement dans le temps du versement de l’indemnité par le titulaire du nouvel office, dans la limite de dix ans. Si le titulaire du nouvel office cesse d’exercer ses fonctions avant l’expiration de ce délai, les indemnités sont dues par son successeur.
Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles le fonds de péréquation professionnelle mentionné au deuxième alinéa du I bis de l’article 12 de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques prend en charge, pour le compte du titulaire du nouvel office, l’indemnisation à laquelle il est tenu.
V. – Le chapitre II du titre VI du livre IV du code de commerce est complété par un article L. 462-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 462-4-1. – Le ministre de la justice peut saisir pour avis l’Autorité de la concurrence de toute question relative à la liberté d’installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires.
« L’Autorité de la concurrence adresse au ministre de la justice toutes recommandations en vue d’améliorer l’accès aux offices publics ou ministériels dans la perspective de renforcer la cohésion territoriale des prestations et d’augmenter de façon progressive le nombre d’offices sur le territoire. Ces recommandations sont rendues publiques au moins tous les deux ans. Elles sont assorties de la carte mentionnée au I de l’article 13 bis de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
« La demande d’avis relative à l’élaboration de la carte mentionnée au I de l’article 13 bis de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques est rendue publique, dans un délai de cinq jours, afin de permettre aux associations de défense des consommateurs agréées au niveau national pour ester en justice, aux instances ordinales des professions concernées ainsi qu’à toute personne remplissant les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises pour être nommée par le ministre de la justice en qualité de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire, d’adresser à l’Autorité de la concurrence ses observations.
« Lorsque l’Autorité de la concurrence délibère en application du présent article, son collège comprend deux personnalités qualifiées nommées par décret pour une durée de trois ans non renouvelable. »
VI. – L’article L. 462-4-1 du code de commerce, dans sa rédaction résultant du présent article, est applicable à Wallis-et-Futuna.
VII. – Le présent article ne s’applique pas dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
VIII (nouveau). – Le présent article entre en vigueur le premier jour du douzième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 15 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 771 est présenté par MM. Ravier et Rachline.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 15.
Mme Évelyne Didier. Je tiens à vous rassurer, monsieur le ministre, nous n’avons rien contre votre personne ; nous exprimons simplement notre point de vue. Je vous invite d’ailleurs à vous rapprocher de votre éminent collègue Christian Eckert, qui est élu du même territoire que moi et qui vous le confirmera.
Par cet amendement, nous demandons la suppression de l’article 13 bis. En effet, cet article instaure la liberté d’installation des professions réglementées du droit, revenant sur le numerus clausus et remplaçant le dispositif d’autorisation préalable par un principe de liberté d’installation encadrée. Ce dispositif se trouve actuellement sous le contrôle du ministre de la justice.
Le garde des sceaux dispose d’une visibilité et d’un pouvoir stratégique sur la carte de la justice et prend en compte l’exigence d’accès de tous les citoyens au service public de la justice. Nous ne voyons donc aucune raison de libéraliser les implantations et de déposséder le ministre du pouvoir de décider de la création de nouveaux offices. Le ministre paraît au contraire le mieux placé pour prendre une telle décision, puisqu’il est le seul à disposer d’une vision d’ensemble et d’une capacité de régulation stratégique, qui, concernant des professions déréglementées, ayant par délégation des missions de service public, est en l’occurrence tout à fait appropriée.
L’article 13 bis a certes été réécrit par la commission spéciale dans un sens qui restreint cette liberté d’implantation, mais, tout en l’encadrant, il la valide et en fait un principe de fonctionnement légitime.
La commission spéciale a limité le champ d’exercice de cette liberté à des zones identifiées par le ministère lui-même et dans lesquelles un déficit d’offices serait constaté par lui. Seules ces zones font l’objet d’une liberté d’installation totale. Dans les autres zones non carencées, les nouvelles implantations ne seraient pas libres mais soumises à l’approbation du ministre.
Bien que ne s’exerçant que dans les zones dans lesquelles l’implantation d’offices est jugée utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services, cette liberté nous paraît peu compatible avec les exigences d’égal accès des citoyens à la justice partout sur le territoire.
Enfin, cette solution risque de fragiliser l’équilibre existant entre les offices.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous demandons de supprimer cet article.
Mme la présidente. L’amendement n° 771 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 15 ?
M. François Pillet, corapporteur. La position de la commission spéciale est identique à celle qu’elle a eue précédemment sur les autres amendements de suppression d’un article. Nous aurons l’occasion d’être plus explicites dans la suite du débat pour éclairer vos avis, qui ne changeront probablement pas.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 1618, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Les notaires, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires peuvent librement s’installer dans les zones où l’implantation d’offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services.
Ces zones sont déterminées par une carte établie conjointement par les ministres de la justice et de l’économie, sur proposition de l’Autorité de la concurrence en application de l’article L. 462-4-1 du code de commerce. Elles sont définies de manière détaillée au regard de critères précisés par décret, notamment sur la base d’une analyse démographique de l’évolution prévisible du nombre de professionnels installés.
À cet effet, cette carte identifie les secteurs dans lesquels, pour renforcer la proximité ou l’offre de services, la création de nouveaux offices de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire apparaît utile.
Afin de garantir une augmentation progressive du nombre d’offices à créer, de manière à ne pas causer de préjudice anormal aux offices existants, cette carte est assortie de recommandations sur le rythme d’installation compatible avec une augmentation progressive du nombre de professionnels dans la zone concernée.
Cette carte est rendue publique et révisée tous les deux ans.
II. – Dans les zones mentionnées au I, lorsque le demandeur remplit les conditions mentionnées au deuxième alinéa du présent II, le ministre de la justice ne peut refuser une demande de création d’office de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire.
Un décret précise les conditions dans lesquelles le ministre de la justice nomme dans un office les personnes remplissant les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises pour être nommées en qualité de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire.
Si, dans un délai de six mois à compter de la publication de la carte mentionnée au I, le ministre de la justice constate un nombre insuffisant de demandes de créations d’office au regard des besoins identifiés, il procède, dans des conditions prévues par décret, à un appel à manifestation d’intérêt en vue d’une nomination dans un office ou de la création d’un bureau annexe par un officier titulaire.
Si l’appel à manifestation d’intérêt est infructueux, le ministre de la justice confie la fourniture des services d’intérêt général en cause, selon le cas, à la chambre départementale des notaires, à la chambre départementale des huissiers de justice ou à la chambre des commissaires-priseurs judiciaires concernée. Le ministre de la justice précise, en fonction de l’insuffisance identifiée, le contenu et les modalités des services rendus. À cet effet, une permanence est mise en place dans une maison de justice et du droit. La chambre concernée répartit, entre les officiers publics ou ministériels de son ressort, les charges et sujétions résultant du présent II.
III. – Dans les zones, autres que celles mentionnées au I, où l’implantation d’offices supplémentaires de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire serait de nature à porter atteinte à la continuité de l’exploitation des offices existants et à compromettre la qualité du service rendu, le ministre de la justice peut refuser une demande de création d’office, après avis de l’Autorité de la concurrence rendu dans un délai de deux mois après le dépôt de la demande de création d’office. Cet avis est rendu public. Le refus est motivé au regard, notamment, des caractéristiques de la zone et du niveau d’activité économique des professionnels concernés.
IV. – Lorsque la création d’un office porte atteinte à la valeur patrimoniale d’un office antérieurement créé, le titulaire de ce dernier est indemnisé, à sa demande, par le titulaire du nouvel office dont la création a causé ce préjudice.
La valeur patrimoniale de l’office antérieurement créé correspond à celle du fonds libéral d’exercice de la profession avant la création du nouvel office.
En cas de désaccord sur le montant ou sur la répartition de l’indemnisation, les parties peuvent saisir le juge de l’expropriation, qui fixe le montant de l’indemnité dans les conditions définies au livre III du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
La demande d’indemnisation doit être accompagnée d’une évaluation précise du préjudice et des pièces justificatives.
La demande doit être introduite dans un délai de six ans après la création du nouvel office. Le juge peut prévoir un étalement dans le temps du versement de l’indemnité par le titulaire du nouvel office, dans la limite de dix ans. Si le titulaire du nouvel office cesse d’exercer ses fonctions avant l’expiration de ce délai, les indemnités sont dues par son successeur.
V. – Le chapitre II du titre VI du livre IV du code de commerce est complété par un article L. 462-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 462-4-1. – L’Autorité de la concurrence rend au ministre de la justice, qui en est le garant, un avis sur la liberté d’installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires.
« Elle fait toutes recommandations en vue d’améliorer l’accès aux offices publics ou ministériels dans la perspective de renforcer la cohésion territoriale des prestations et d’augmenter de façon progressive le nombre d’offices sur le territoire. Elle fait également des recommandations afin de favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux offices publics ou ministériels, sur la base de données sexuées et d’une analyse de l’évolution démographique des femmes et des jeunes au sein des professions concernées. Ces recommandations sont rendues publiques au moins tous les deux ans. Elles sont assorties de la carte mentionnée au I de l’article 13 bis de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
« L’ouverture d’une procédure visant à l’élaboration de la carte mentionnée à l’alinéa précédent est rendue publique, dans un délai de cinq jours suivant la date de cette ouverture, afin de permettre aux associations de défense des consommateurs agréées au niveau national pour ester en justice, aux instances ordinales des professions concernées ainsi qu’à toute personne remplissant les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises pour être nommée par le ministre de la justice en qualité de notaire, d’huissiers de justice ou de commissaire-priseur judiciaire, d’adresser à l’Autorité de la concurrence leurs observations.
« Lorsque l’Autorité de la concurrence délibère au titre du présent article, son collège comprend deux personnalités qualifiées nommées par décret pour une durée de trois ans non renouvelable. »
VI. – L’article L. 462-4-1 du code de commerce, dans sa rédaction résultant du présent article, est applicable à Wallis-et-Futuna.
VII. – Le présent article ne s’applique pas dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Dans un délai de deux ans suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité d’étendre l’application du présent article à ces trois départements.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je vais indiquer rapidement les principaux points de l’article 13 bis, tel qu’il ressort des travaux de la commission spéciale du Sénat, que le Gouvernement souhaite modifier.
Le premier est la définition des zones utiles. Il est prévu, dans le texte de la commission spéciale, que ces zones soient définies par le ministre de la justice après avis de l’Autorité de la concurrence. La détermination des zones telles que proposées par notre amendement vise à ce que l’Autorité de la concurrence établisse une carte objective et que, sur ce fondement, la décision soit prise par les deux ministres.
Le deuxième point est le mécanisme de classement au mérite si plusieurs candidats à l’installation existent dans une zone utile. Cette mesure nous paraît relever du domaine réglementaire : elle correspond aux modalités de nomination par le ministre de la justice d’un officier public ou ministériel.
Le troisième point est le refus d’installation dans les zones utiles prononcé par le ministre de la justice si un nombre suffisant d’offices s’est installé après la publication de la cartographie. Ce refus intervient sans avis de l’Autorité de la concurrence. À mes yeux, la libre installation doit être automatique dès lors que la zone est déclarée utile pendant deux ans. Ce délai, court, doit permettre d’éviter un surnombre et justifie une révision régulière. C’est toute la philosophie de la proposition initiale du Gouvernement, qui a été confortée par l’Assemblée nationale.
Le quatrième point est relatif au contentieux de l’indemnisation liée à la perte de valeur patrimoniale d’un office. Le texte de la commission spéciale confie ce contentieux au juge judiciaire et non plus au juge de l’expropriation. Or le Conseil constitutionnel a reconnu que la valeur d’un office revêtait un caractère patrimonial. Dès lors, le juge de l’expropriation peut être compétent.
Le cinquième point concerne le fonds de péréquation – j’ai eu l’occasion de m’en expliquer -, prévu à l’article 12. Aux termes de l’alinéa 17 du texte de la commission spéciale, ce fonds peut servir à l’indemnisation à laquelle le titulaire d’un nouvel office est tenu. Nous souhaitons que l’atteinte à la valeur d’un office existant par un nouvel entrant soit reconnue sur la base d’une analyse locale et au cas par cas. Pourquoi ? Parce que si une perte de chiffre d’affaires est constatée, la compensation équivaudra en quelque sorte au rachat d’une clientèle. Le titulaire d’un office a davantage de solvabilité après six ans d’exercice qu’un jeune professionnel qui doit racheter une clientèle lors de son installation.
Tels sont les points essentiels – je m’en tiens à une présentation synthétique, parce que je me suis déjà exprimé sur l’article 12 – que cet amendement tend à modifier.
Madame Didier, soyez pleinement rassurée : j’ai pu mesurer depuis le début de nos débats la qualité de nos échanges.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Le fait que vous ayez été synthétique, monsieur le ministre, va me conduire à l’être un peu moins. La commission spéciale souhaite en effet profiter de l’occasion que vous lui offrez pour obtenir des explications plus précises au sujet des modifications que vous avez apportées au texte rédigé par les députés.
Encore une fois, je rappelle, ce qui m’évitera la volée de bois vert de tout à l’heure, que la commission spéciale a validé certains des principes de votre projet de loi : la liberté d’installation encadrée dans les zones carencées, l’avis de l’Autorité de la concurrence et l’indemnisation des concurrents. Comme à l’article 12, et pour la même raison, nous avons supprimé le principe d’une compétence partagée entre le ministre de la justice et le ministre de l’économie.
Le premier point sur lequel j’appelle votre attention est celui concernant les demandes concurrentes dans les zones de libre installation. Or votre texte ne contient pas un mot sur le sort qu’il conviendrait de réserver à ces candidatures. Vous indiquez que cette question ressortit au domaine réglementaire. Je n’en suis pas certain ; le principe étant la libre installation, je pense qu’il est nécessaire que la loi l’encadre.
La commission spéciale a prévu que le ministre de la justice ouvre un concours afin de classer les demandeurs par ordre de mérite avant de désigner ceux qui pourront créer un office. Nous avons fait avancer les choses puisque certains amendements prévoyaient que ce soit le premier professionnel qui dépose son dossier qui obtienne l’office, ce qui était un peu curieux.
De la même manière, compte tenu des créations déjà intervenues, il est nécessaire de prévoir la situation où l’offre ou la proximité de services est devenue satisfaisante avant que la carte ait été révisée. Dans ce cas, je persiste à penser qu’il faut donner au ministre de la justice toute latitude pour refuser les demandes d’installation qui lui seraient encore adressées. Je suppose qu’il s’agit là d’une compétence à laquelle vous ne tenez pas, monsieur le ministre…
Si vous n’êtes pas d’accord avec le dispositif prévu par la commission spéciale, pouvez-vous nous dire précisément comment ces demandes concurrentes doivent être traitées ?
Le deuxième point sur lequel je souhaite insister est celui des zones intermédiaires. Vous l’avez dit à plusieurs reprises avec raison lors des débats, il existe trois types de zone. Or le dispositif que vous proposez en distingue deux. Il en laisse une troisième dans l’ombre : entre les zones où la proximité ou l’offre de services est insuffisante et celles où la création d’un office nouveau porterait atteinte à l’exploitation des offices existants, il y a celle où l’offre de services est satisfaisante et où un office pourrait être créé sans forcément compromettre la qualité du service ni porter atteinte à l’exploitation d’autres offices. Dans ce cas-là, j’élargis la possibilité de créer des offices.
Dans le silence du texte, on ne sait pas si le ministre de la justice pourrait ou non refuser une nouvelle demande de création d’un office. Noter une telle lacune dans le texte relève peut-être du juridisme. En tout cas, la question de la conformité de cette disposition à la Constitution, compte tenu de la jurisprudence constitutionnelle relative à l’incompétence négative du législateur, se pose.
J’appelle votre attention sur le fait qu’à plusieurs reprises, à l’Assemblée nationale et lors de la discussion générale, vous avez évoqué ces trois zones alors que le texte n’en propose que deux. Nous avons comblé cette lacune.
Le troisième et dernier point dont je souhaiterais que nous débattions est le dispositif d’indemnisation des concurrents lésés. Le choix fait par le Gouvernement de confier le soin de fixer cette indemnité au juge de l’expropriation – c’est peut-être là aussi du juridisme, mais après tout on attend de nous de voter des lois qui soient compatibles avec celles qui préexistent – me paraît surprenant. Certes, une telle mesure s’inspire du dispositif d’indemnisation des avoués, mais il s’agissait à l’époque de la suppression d’une profession et d’une indemnisation par l’État, pour un motif d’intérêt général. Les situations ne sont donc pas les mêmes. Le juge de l’expropriation connaît des litiges entre un particulier et une personne publique. Or, dans le cas qui nous occupe, il s’agit d’un contentieux entre personnes privées pour un préjudice portant sur une perte de chiffre d’affaires. Cela doit relever de la compétence du tribunal de grande instance.
Nous serons bien sûr attentifs aux réponses exhaustives que vous nous apporterez. Il est vraisemblable qu’elles ne combleront pas toutes nos attentes. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement, en espérant que ce ne soit qu’à titre conservatoire.