M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.
Je réaffirme la position des élus du secteur en faveur du maintien du service minimum. La commune de Mourmelon-le-Grand est au cœur d’un espace important - tout le monde connaît son camp militaire – et son activité dépasse largement ses limites territoriales pour concerner l’ensemble du pays. Les services de trésorerie ne doivent donc pas fermer.
surcoût lié aux opérations de désamiantage dans les logements sociaux
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 950, adressée à Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Ma question porte sur les conséquences du surcoût lié aux opérations de désamiantage dans le parc de logements HLM.
Depuis le 1er juillet 1997, la législation interdit toute construction de logement contenant de l’amiante, mais 80 % des permis de construire de logements sociaux ont été délivrés avant cette date.
Ainsi, 3,1 millions de logements collectifs sont susceptibles de contenir des traces d’amiante, dans plus de 3 000 composants, comme les mastics pour les joints de fenêtre, les colles ou le ciment.
Les avancées législatives inscrites dans les codes de la santé et du travail permettent de protéger les habitants et les professionnels du bâtiment.
Cependant, en contrepartie, les organismes d’HLM doivent faire face à une forte hausse du prix des travaux de rénovation.
Selon le rapport d’information de la mission sénatoriale sur l’amiante de juillet 2014, l’Union sociale pour l’habitat évalue le surcoût à 2,3 milliards d’euros hors taxe par an, pour la rénovation de logement. Cette somme représente l’équivalent de 120 000 constructions ou 400 000 rénovations.
La législation a été renforcée depuis 2001, notamment avec la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, ou loi ALUR. Le seuil d’exposition « passive » aux poussières d’amiante a été abaissé de vingt-cinq fibres par litre d’air à cinq et les règles d’information des habitants et des intervenants ont été élargies, avec, par exemple, la création du dossier technique « amiante » ou encore la notification de présence d’amiante au sein du logement en annexe du contrat de bail.
Par ailleurs, le décret du 4 mai 2012 relatif aux risques d’exposition à l’amiante a changé la méthode de mesure de l’empoussièrement : le seuil d’exposition « active » aux poussières d’amiante passera, le 1er juillet 2015, de cent fibres par litre d’air à dix fibres.
Lors du congrès des HLM de septembre dernier, Mme la ministre du logement a annoncé l’ouverture, via un prêt de la Caisse des dépôts et consignations, d’une enveloppe de 10 000 euros par logement au bénéfice de 40 000 logements par an. Comment le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre ces prêts ? Des critères d’éligibilité ou des conditions d’attribution seront-ils fixés pour les organismes d’HLM ?
Plus généralement, le Gouvernement envisage-t-il de créer une structure interministérielle pour harmoniser les actions de désamiantage des logements ? D’un territoire à un autre, en effet, les inspecteurs du travail font une interprétation variable des procédures administratives à suivre en matière d’amiante, ce qui aggrave encore les surcoûts de production supportés par les bailleurs sociaux.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame Estrosi Sassone, vous avez interrogé Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité sur le surcoût lié aux actions de désamiantage des logements sociaux ; retenue ce matin par la présentation du rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre, Mme Pinel m’a chargé de vous transmettre sa réponse.
La volonté du Gouvernement est d’engager la rénovation énergétique massive de notre parc de logements. Or ce projet ambitieux de réhabilitation de l’existant impose une prise en compte renforcée de l’amiante présente dans certains bâtiments, dont la libération et la manipulation doivent être entourées de précautions.
L’utilisation de l’amiante est interdite depuis 1997, mais, comme vous l’avez rappelé, madame la sénatrice, cette substance est encore présente dans de nombreux logements. Les surcoûts liés aux travaux de désamiantage dans les seuls logements sociaux sont estimés par l’Union sociale pour l’habitat, l’USH, à 2,3 milliards d’euros. Le même problème se pose pour les logements privés et pour les bureaux, sans que les coûts réels aient encore pu être évalués.
Le Gouvernement a pris une série de mesures pour répondre à ces enjeux et soutenir les acteurs.
Ainsi, alors qu’aucun financement particulier ne permettait jusqu’à présent de prendre en charge les travaux liés spécifiquement à l’amiante, Mme la ministre du logement a annoncé en septembre dernier, lors du congrès de l’USH, la création d’un prêt dédié aux travaux de traitement de l’amiante. Cette mesure a été intégrée à la loi de finances pour 2015.
Ce nouveau prêt, consenti par la Caisse des dépôts et consignations, est très avantageux, puisqu’il est bonifié au même niveau que l’éco-prêt logement social : son taux est donc inférieur à celui du livret A. Une enveloppe totale de 1,5 milliard d’euros est prévue et les prêts sont plafonnés à 10 000 euros par logement afin que 50 000 logements puissent en bénéficier chaque année.
Les prestations éligibles correspondent aux différentes étapes du désamiantage, depuis la phase de repérage des matériaux contenant de l’amiante avant travaux jusqu’à la phase de traitement et d’élimination des déchets. Sur ce point, la convention entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations est en cours de finalisation.
Le Gouvernement veut également soutenir l’exploration de nouvelles méthodes d’extraction de l’amiante. C’est la raison pour laquelle il mobilise 20 millions d’euros du Fonds de compensation des risques de l’assurance de la construction à partir de cette année au service de la recherche et du développement en matière de détection et d’extraction robotisée de l’amiante.
Un plan a été défini sur trois ans et des actions opérationnelles seront menées dès cette année. Un programme de recherche et développement pour l’extraction de l’amiante dans le bâtiment a été confié à des organismes de recherche, dont le Centre scientifique et technique du bâtiment, le CSTB. Par ailleurs, un appel à manifestation d’intérêt sera bientôt lancé au sujet des différentes modalités d’extraction de l’amiante.
Il s’agit de développer des technologies fiables pour réduire les coûts.
Vous le voyez, les mesures prises par le Gouvernement sont immédiates et produiront des effets à court terme, mais nous devons nous doter d’un programme d’actions pérenne pour mener à bien la tâche que nous nous sommes fixée.
Ces travaux sont interministériels, comme vous avez eu raison de le souligner, madame la sénatrice. C’est pourquoi, en juillet dernier, une feuille de route interministérielle a été élaborée conjointement par le ministère du logement et les ministères du travail, de la santé et de l’écologie ; elle regroupe toutes les actions d’information, de formation, de recensement et d’animation interprofessionnelle que l’État aura à mettre en œuvre.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, des précisions que vous venez d’apporter.
J’espère que les fonds nécessaires, qui sont importants, seront bien mobilisés, car les bailleurs sociaux en ont véritablement besoin pour continuer à mener des opérations lourdes dans le domaine de la réhabilitation, qui est l’une de leurs priorités.
J’attire l’attention du Gouvernement sur les difficultés croissantes qui s’attacheront à la conduite d’opérations de réhabilitation en site occupé, compte tenu des contraintes qui doivent être respectées à l’égard des locataires. Imaginez la réaction des occupants quand ils voient arriver chez eux des personnes équipées comme des scaphandriers, et ce uniquement pour désamianter les mastics des joints de fenêtres, alors qu’eux-mêmes habitent parfois sur place depuis de très nombreuses années sans avoir jamais été protégés !
En vérité, il est important d’améliorer les procédures pour permettre aux bailleurs sociaux, qui font face à des difficultés grandissantes, de poursuivre leurs travaux de réhabilitation, y compris en site occupé, ce qui devient de plus en plus compliqué.
logement des femmes et enfants de moins de trois ans ayant besoin d'un soutien
M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, auteur de la question n° 971, adressée à Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.
Mme Dominique Gillot. Par courrier en date du 27 octobre dernier, le conseil général du Val-d’Oise a informé les associations à caractère social du département, dont Espérer 95, qu’il se désengageait du dispositif d’allocation de logement temporaire, ou ALT.
La décision du conseil général représente pour cette association, dont la convention de subvention date de plus de vingt ans, une perte de 122 428 euros de dotations, reportée du 1er janvier au 1er juillet de cette année à la suite de nombreuses interventions.
Alors que le conseil général a toujours entretenu des relations de confiance, efficaces et constructives, avec les partenaires associatifs du territoire, cette décision, d’une grande brutalité, prive les associations partenaires des financements nécessaires à la continuité de leur action.
L’article 68 de la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion précise les modalités de la prise en charge par les conseils généraux, en centres d’hébergement et de réinsertion sociale, des femmes avec enfants de moins de trois ans : si l’État, en application du code de l’action sociale et des familles, assume la charge des familles au titre de l’aide sociale, le département dispose, quant à lui, de compétences spécifiques de droit commun au titre de l’aide sociale à l’enfance, notamment à l’égard des femmes enceintes et des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d’un soutien matériel et psychologique.
Les personnes prises en charge, notamment par l’association Espérer 95, ne sont pas placées en raison d’un défaut de logement, mais en considération d’une situation de danger éducatif qui nécessite un accompagnement.
La décision annoncée par le conseil général le 27 octobre dernier a été prise unilatéralement, sans aucune concertation et sans que la moindre solution transitoire soit proposée. Elle risque de jeter à la rue au moins soixante-douze adultes et soixante-huit enfants, pour ne parler que de ceux qui sont pris en charge par Espérer 95, et sans même évoquer le licenciement probable des salariés de l’association. Elle ajoute donc de la précarité à la précarité et, en bout de chaîne, du malheur au malheur ; elle condamne à l’exclusion.
La situation dans mon département n’est pas un cas isolé. Le secteur associatif partenaire de l’État relaie, en les localisant, les politiques publiques sociales que celui-ci met en œuvre. Si le contexte des finances publiques contraint implique un effort collectif partagé, celui-ci ne peut être reporté unilatéralement en bout de chaîne, sur le secteur associatif, surtout si cela conduit à la fin de la continuité des politiques publiques. En effet, nous mesurons d’autant mieux dans le contexte actuel que cette continuité est le fondement de notre République égalitaire et solidaire.
C’est l’image protectrice et impartiale de l’État qui est menacée. On peut toujours expliquer que ce sont les conseils généraux qui, dans certains départements, n’assument plus leur charge de droit commun au titre de l’aide sociale à l’enfance, il reste que cette politique ne trouve plus de concrétisation.
L’accueil temporaire a, comme son nom l’indique, une vocation temporaire : sa durée ne peut, en principe, excéder six mois. La collectivité est le partenaire des organismes d’accueil qui prennent en charge les plus démunis, les plus fragiles, ceux qui risquent de rester sur le bord du chemin. Il s’agit d’une action d’urgence, destinée à maintenir la dignité de personnes en grande précarité et à prévenir leur basculement dans l’exclusion.
Sans méconnaître la nécessité du redressement des comptes publics, je souhaite savoir quels garde-fous l’État compte instaurer face à ces situations de rupture qui, rendues encore plus nombreuses du fait du recul de certaines collectivités territoriales, risquent de conduire vers l’exclusion un grand nombre de nos concitoyens et, par suite, de les radicaliser dans leur sentiment que la République ne les reconnaît plus.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame Gillot, vous avez interrogé Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité sur la prise en charge des femmes avec enfants de moins de trois ans en situation de grande précarité. Mme Pinel souhaite vous assurer de son engagement personnel en faveur de l’hébergement et de l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées, quelle que soit leur situation, et de la grande importance que le Gouvernement accorde à cette politique.
La priorité donnée aux femmes avec enfants de moins de trois ans repose sur une articulation très claire des compétences de l’État et des conseils généraux : si l’État assume, au titre de l’aide sociale, la charge des familles sollicitant un accueil dans un centre d’hébergement et de réinsertion sociale, le département a, quant à lui, des compétences spécifiques de droit commun au titre de l’aide sociale à l’enfance, l’ASE.
Le service de l’ASE a pour mission d’apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique aux mineurs, à leur famille, aux mineurs émancipés et aux majeurs âgés de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés sociales susceptibles de compromettre leur équilibre. Le département doit, en outre, disposer de structures d’accueil pour les femmes enceintes et les mères avec leurs enfants. Par ailleurs, l’ASE prend également en charge les femmes enceintes et les mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d’un soutien matériel et psychologique, notamment parce qu’elles sont sans domicile.
Depuis quelques mois, nous constatons un désengagement de certains conseils généraux dans la prise en charge de ce public vulnérable, justifié par des contraintes budgétaires. Dans le cadre du contrôle de légalité, le préfet du Val-d’Oise a formé devant le tribunal administratif un recours contre la décision du conseil général de ne pas appliquer la législation relative à l’hébergement des femmes enceintes et des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans.
Par ailleurs, je tiens à l’affirmer, le dispositif d’aide au logement temporaire, dit « ALT1 », cofinancé à parité par l’État et les organismes de protection sociale - la Caisse nationale des allocations familiales - et dont l’objectif est de couvrir les frais engagés par les organismes qui mettent des logements à disposition des personnes privées de domicile stable, n’est aucunement remis en cause. La dépense à la charge de l’État, qui s’élève à 39,2 millions d’euros en 2015, est maintenue tant au niveau national que dans le Val-d’Oise.
Ce dispositif doit cependant être distingué de l’allocation de logement temporaire, dispositif facultatif mis en œuvre par le conseil général du Val-d’Oise pour soutenir les associations et les centres communaux d’action sociale qui gèrent des structures accueillant des personnes démunies.
En ce qui concerne le choix du conseil général de mettre fin au versement de cette allocation, le Gouvernement regrette, comme vous, madame la sénatrice, l’absence de concertation en amont d’une décision lourde de conséquences pour les ménages en situation de grande précarité vivant dans le département.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse est tout à fait argumentée. C'est vrai, l’ALT est une politique facultative décidée par le conseil général. Mais le retrait de la subvention permettant d’alimenter l’ALT conduit, par un effet de domino, à empêcher l’association Espérer 95 de poursuivre l’accompagnement social qu’elle assume dans le cadre de l’hébergement d’urgence des femmes et des enfants tel que prévu par la loi.
Je sais que le préfet du Val d’Oise est extrêmement attentif au respect de la loi et à la mise en relation des partenaires qui doivent concourir à son application. Cependant, je continue d’alerter sur le problème qui est le nôtre aujourd’hui, notamment pour maintenir la cohésion sociale et donner l’assurance aux populations connaissant les plus grandes difficultés que la République se préoccupe d’elles. Souvent, cette charge revient à des associations qui, malheureusement, sont aujourd'hui privées de ressources.
permis de construire
M. le président. La parole est à M. Michel Houel, auteur de la question n° 963, adressée à Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.
M. Michel Houel. La loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », prévoit des évolutions significatives dans différents domaines du logement mais aussi en ce qui concerne l’instruction du droit des sols.
Parmi les nombreuses mesures annoncées, l’État, pour des raisons budgétaires, a décidé de supprimer, à partir du 1er juillet 2015, l’appui aux communes de moins de 10 000 habitants actuellement assuré par les DDT, les directions départementales des territoires.
Ainsi, les communes vont devoir mettre en œuvre les moyens nécessaires pour parvenir, d’une manière ou d’une autre, à reprendre à leur compte cette mission : soit en instruisant elles-mêmes la demande, qui appelle une vraie compétence technique ; soit en déléguant cette compétence à une autre commune ou à un EPCI ; soit encore en la confiant à une agence départementale, sachant que l’instruction des autorisations d’urbanisme ne peut être réalisée par un bureau d’études.
Les petites communes ne disposent pas des moyens qui leur permettraient d’instruire elles-mêmes les demandes sur une matière très complexe. Bien souvent, seules les DDT – qui font très bien leur travail – sont à même de leur rendre ce service. Le risque est donc d’aboutir à la délivrance de permis tacites.
Cette évolution, qui marque le désengagement de l’État, engendre un transfert de charges financières non négligeable, qui vient s’ajouter à la baisse drastique des dotations aux collectivités locales et aux coûts supplémentaires engendrés par la mise en œuvre obligatoire des nouveaux rythmes scolaires. Les collectivités n’ont pas de « trésor caché » sur lequel on pourrait prélever sans dommage !
Si l’État, monsieur le secrétaire d'État, n’accepte pas de revenir sur une décision pénalisante pour les communes rurales, je ne vois qu’une solution : supprimer la gratuité du permis de construire et en fixer le prix à un certain pourcentage du coût de la construction.
La formule que je vous propose aujourd’hui permettrait d’assurer une véritable égalité entre les territoires et une transparence financière vis-à-vis des contribuables qui, de toute façon, auront à assumer ce transfert de charges.
Je saurais donc gré au Gouvernement de bien vouloir engager une réflexion sur cette proposition.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, vous interrogez Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité sur les évolutions apportées par la loi ALUR concernant l’instruction du droit des sols.
L’article 134 de cette loi prévoit que la mise à disposition des services de l’État pour l’instruction des actes d’urbanisme sera réservée, à compter du 1er juillet 2015, aux seules communes compétentes appartenant à des établissements publics de coopération intercommunale de moins de 10 000 habitants, ou, si l’EPCI est compétent en matière d’urbanisme, aux seuls EPCI de moins de 10 000 habitants, la capacité des intercommunalités à assumer ces missions s’étant significativement renforcée. Il n’est donc pas question d’abandonner les communes ou les EPCI dont la population se situe en dessous de ce seuil.
Je souhaite par ailleurs souligner qu’il ne s’agit pas, en réalité, de l’abandon d’une mission de la part de l’État, mais d’une réorientation de celle-ci vers un « nouveau conseil aux territoires » – le NCT – ciblé sur l’appui à l’émergence de projets, l’aide à la gestion de situations difficiles ou imprévues, le portage de politiques prioritaires de l’État qui doivent s’inscrire sur le territoire, ou encore le concours en termes d’organisation de la sécurité des ouvrages d’art.
La généralisation de l’intercommunalité comme la création du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, également effectives depuis le 1er janvier 2014, ont d’ailleurs facilité cette évolution.
Par ailleurs, il est important de rappeler que l’instruction des actes d’urbanisme est une compétence des collectivités territoriales. Si certains services de l’État étaient jusqu’à présent mis à disposition des collectivités pour les aider à instruire les actes, le maire, ou le représentant de l’intercommunalité, demeurait bien le signataire de l’acte.
Comme vous le rappelez, le code de l’urbanisme précise la liste des services habilités à instruire les actes d’urbanisme. Dans une instruction ministérielle du 3 septembre 2014 relative aux missions de la filière d’application du droit des sols dans les services de l’État et aux mesures d’accompagnement des collectivités locales, il est clairement précisé que, en l’état actuel des textes, une commune ne peut pas confier l’instruction des actes d’urbanisme à des prestataires privés.
La mutualisation de l’ingénierie au niveau intercommunal est la solution la plus adaptée pour répondre aux difficultés que vous signalez. C’est la solution préconisée dans l’instruction du 3 septembre 2014 précitée. En effet, la dissémination des moyens à l’échelle de chaque commune ne paraissait pas judicieuse.
Au-delà de l’aspect financier, la mutualisation permet d’assurer la prise en compte des préoccupations locales tout en capitalisant l’expérience et le savoir-faire avec un service d’instruction dédié au niveau intercommunal. Le maire reste par ailleurs signataire des actes.
Enfin, il n’est pas possible de faire payer les demandeurs des autorisations d’urbanisme, car cela dérogerait au principe – inscrit dans notre droit – suivant lequel l’instruction des autorisations d’urbanisme est considérée comme un service public administratif.
M. le président. La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de ces précisions. Il est évident que l’on ne peut s'engager aveuglément dans un tel bouleversement. Il reste que, pour l’avoir moi-même appliquée dans ma communauté de communes, je préconise la mutualisation. Il faudra bien que, in fine, quelqu’un supporte le coût de l’instruction du droit des sols…
mesures à venir contre l'usurpation de plaques d'immatriculation
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 956, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le secrétaire d'État, j’appelle une nouvelle fois l’attention du Gouvernement sur l’urgence qu’il y a à s’occuper des usurpations de plaques d’immatriculation, et particulièrement de ce que l’on appelle les « doublettes ».
En 2010, 5 079 usurpations de plaques étaient recensées. Ce chiffre a été multiplié par plus de trois en 2012, avec 17 479 délits !
Sur ces quelque 17 000 infractions, 11 060 demandes de réimmatriculation ont été effectuées par les automobilistes, alors que la procédure n’était alors pas vraiment connue. Celle-ci constitue la seule aide réelle pour les victimes qui ont réussi à prouver leur innocence, mais elle ne règle pas un phénomène que les sociétés d’assurance évaluent à 400 000 cas par an, monsieur le secrétaire d'État ! Les réimmatriculations à la suite d’une doublette reflètent l’ampleur croissante du phénomène qu’il nous faut constater.
J’en veux pour preuve la facilité déconcertante avec laquelle un magazine automobile a pu faire reproduire le numéro d’immatriculation des véhicules officiels du Président de la République ou de Bernard Cazeneuve par plusieurs revendeurs de plaques.
Plus grave, l’enquête sur les frères Kouachi a récemment révélé que les tueurs avaient utilisé une « doublette parfaite » du véhicule d’un habitant de Lyon.
Si, depuis ma dernière intervention sur ce sujet en mai 2013, une réflexion a été menée entre les directions ministérielles chargées de ce dossier, le Défenseur des droits et des associations de défense des conducteurs, les conclusions auxquelles sont parvenus ces travaux n’ont malheureusement pas été suivies d’effets et n’ont pas trouvé, en particulier, de traduction législative.
J’aimerais, monsieur le secrétaire d'État, connaître les chiffres officiels de ces infractions en 2013 et, si possible, en 2014. Leur croissance continue a conduit l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions, l’ANTAI, à recruter, il y a huit mois, quinze fonctionnaires à temps plein uniquement pour éviter l’envoi de PV injustifiés quand les « doublettes » se révèlent trop grossières.
Ce surcoût, que vous ne pouvez ignorer, monsieur le secrétaire d'État, ne peut continuer de croître sans que l’État agisse.
Comptez-vous combler le vide juridique actuel et suivre le Défenseur des droits quand il recommande de réglementer la profession de fabricant de plaques ?
Allez-vous sécuriser la fabrication des plaques en développant, par exemple, des techniques peu coûteuses comme l’intégration d’un numéro pour un contrôle optique ? Enfin, le ministère va-t-il se décider à encadrer la vente libre d’appareils que des particuliers peuvent trouver aussi facilement sur internet ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. . Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser Bernard Cazeneuve de son absence ; vous l’interrogez sur une question bien connue, sur laquelle je voudrais vous apporter les éléments de réponse qu’il m'a chargé de vous donner.
Tout d'abord, je souhaite rappeler le droit en vigueur.
Circuler ou mettre en circulation un véhicule muni d’une plaque avec un numéro d’immatriculation attribué à un autre véhicule dans des circonstances qui ont ou auraient pu entraîner des poursuites pénales contre un tiers est puni de sept ans de prison et de 30 000 euros d’amende.
S’ajoute à cela un retrait de six points sur le permis de conduire et, à titre de peine complémentaire, la possibilité de le suspendre ou de l’annuler pour une durée de trois ans maximum.
L’auteur des faits risque également la confiscation de son véhicule.
Ces dispositions s’appliquent aux « doublettes parfaites », qui consistent à usurper une plaque d’un véhicule en tous points identique, comme aux « doublettes imparfaites », pour lesquelles l’usurpation du numéro d’immatriculation porte sur un modèle de véhicule différent.
Les usurpations de numéros d’immatriculation de véhicules constituent un phénomène qui a fait l’objet de différentes mesures visant notamment à mieux accompagner les victimes dans leurs démarches.
L’ensemble de la procédure ainsi que les coordonnées des services devant être contactés par les victimes de « doublettes » sont présentés sur le site service public.fr.
Une aide à la rédaction du formulaire de contestation est par ailleurs disponible depuis plusieurs mois sur le site de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions, et un dispositif de pré-plainte en ligne permet à présent de fournir de premiers éléments aux services de police ou aux unités de gendarmerie territorialement compétents.
Le contrôle des « doublettes imparfaites » réalisé par l’ANTAI depuis novembre 2013 est totalement automatisé et n’a pas nécessité le recrutement de nouveaux agents. Il a permis de diminuer fortement le nombre d’avis de contravention envoyés à des titulaires de certificat d’immatriculation n’ayant commis aucune infraction.
Par ailleurs, les directions générales de la police et de la gendarmerie ont transmis des directives à leurs services et unités afin que les plaintes liées aux « doublettes parfaites », non détectables par l’ANTAI, soient systématiquement enregistrées et renseignées au sein du fichier des véhicules et des objets signalés.
En 2013, 22 164 plaintes ont été déposées auprès des forces de l’ordre, et l’on a compté 17 840 réimmatriculations de véhicules.
Si l’on ne peut se satisfaire de ces chiffres, je note néanmoins qu’en 2014, sur les dix premiers mois de l’année, le nombre de faits signalés pour usurpation de numéro d’immatriculation connaît, après plusieurs années d’augmentation, un premier recul, de près de 10 %.
Mais l’ambition du Gouvernement ne s’arrête pas à cela. Ainsi, une sécurisation accrue pourrait passer par un contrôle des conditions de délivrance des plaques ou par l’apposition de marques sur les plaques ou les véhicules.
Les contraintes de l’ensemble des acteurs doivent toutefois être pleinement prises en compte, notamment en termes de coût et de charge administrative, d’autant que les solutions mises en œuvre à l’étranger, notamment le marquage des plaques par les services de l’État, ne peuvent pas nécessairement être transposées telles quelles en France dans la mesure où, dans leur majorité, les demandes d’immatriculation sont aujourd’hui traitées en dehors des préfectures.
Ces différentes pistes devront faire l’objet d’une concertation avec les professionnels du secteur.
Comme vous l’indiquiez lors d’une précédente question orale, l’une des motivations des auteurs de ces actes réside dans la volonté de se soustraire aux contrôles automatisés. Sur ce sujet particulier, si, depuis 2009, le contrôle par l’arrière du véhicule a permis d’étendre ce dispositif aux deux-roues motorisés, il a également pu constituer un frein à l’identification des auteurs de doublettes.
D’ores et déjà, dans le cadre de la modernisation du parc des radars, deux modèles de radar « double face » sont en cours d’expérimentation.
Installés dans une ou deux cabines, ces équipements détectent et photographient de face et de l’arrière les véhicules circulant au-dessus de la vitesse limite autorisée. Un premier modèle est testé depuis le 12 décembre dans le Rhône, sur la départementale 301. Trois autres appareils seront déployés au début de l’année 2015. En fournissant une photo du conducteur et des plaques montées sur le véhicule, cette technologie facilitera les investigations des forces de l’ordre et participera à la lutte contre les usurpations de numéro d’immatriculation, et plus particulièrement contre les « doublettes parfaites ».
Vous l’aurez compris, monsieur le président, les doublettes évoquées ici n’ont rien à voir avec la pétanque ! (Sourires.)