M. Philippe Bas. Très bonne question !
M. Philippe Paul. Pour terminer, puisque le sujet n’a pas encore été abordé, je voudrais, en tant que Français et élu, mais aussi en tant qu’ancien réserviste, rendre un hommage à nos militaires de l’armée de l’air décédés ou gravement blessés en mission lors du crash aérien du 26 janvier dernier à Los Llanos, près d’Albacete, en Espagne.
Mes pensées, comme celles de chacun d’entre vous, mes chers collègues – j’en suis certain –, vont vers leurs familles endeuillées et meurtries, ainsi que vers l’ensemble des personnels de nos armées. Celles-ci sont aujourd’hui dans la peine, alors qu’elles accomplissent une tâche et un devoir exemplaire souvent dans des conditions difficiles, voire très difficiles, au quotidien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur le ministre de la défense, le Sénat meurtri s’associe à la pensée de notre collègue Philippe Paul – je le remercie d'ailleurs d’avoir évoqué ce drame – pour ces militaires et leurs familles.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur Philippe Paul, je vous remercie à mon tour de cet hommage, auquel s’associe l’élu meurthe-et-mosellan que je suis, ainsi que M. Daniel Reiner, me semble-t-il. L’ensemble du Gouvernement aura l’occasion de rendre un hommage solennel la semaine prochaine aux Invalides à nos militaires décédés.
Je vous remercie également de me donner l’occasion de préciser la réponse que j’ai adressée tout à l’heure à votre collègue, en vous rappelant qu’il faut d’abord apprécier l’ampleur du phénomène, celui-ci évoluant presque de jour en jour.
Il appartiendra à nos spécialistes, en lien avec les élus, de savoir s’il est préférable, en cette période de tensions, où tout est plus délicat, de tenter de défaire les contrats, d’accompagner la négociation et le remboursement des IRA, les indemnités de remboursements anticipées, ou encore d’aider les collectivités concernées tenir une année de plus, pour passer ce cap difficile.
C’est tout l’enjeu du travail que nous menons et que nous mènerons, j’y insiste, en concertation avec les élus et les responsables concernés, tout en informant votre commission des finances ; j’ai eu l’occasion de le faire une première fois, pas plus tard qu’hier matin si ma mémoire est bonne, mais à la lumière de l’évolution de ce dossier j’aurai l’occasion d’y revenir.
Une chose est certaine, il me semble que nous devons réorienter notre appui en nous fondant sur quelques indicateurs que nous n’avions peut-être pas suffisamment pris en compte, ou en tout cas que nous pouvions laisser de côté, compte tenu du milliard et demi d’euros disponible. Nous devons sans doute concentrer un peu plus nos aides sur les collectivités pour lesquelles la situation devient proprement insoutenable.
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué des taux qui se situent autour de 10 %. Pardonnez-moi de vous le dire, mais certaines collectivités pâtissent de taux d’environ 25 % !
Toutefois, la situation évolue de jour en jour. Nous examinerons donc, en fonction des montants disponibles, comment répartir et concentrer au mieux nos aides vers les collectivités ou les établissements, notamment hospitaliers, qui relèvent d’un autre fonds, pour les aider à passer ce cap. Nous verrons ainsi dans quelles conditions et à quel moment traiter au mieux ce dossier très complexe, dans lequel les responsabilités sont diverses, comme je l’ai déjà souligné à plusieurs reprises. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
lutte contre le terrorisme à l’échelle européenne
M. le président. La parole est à Mme Karine Claireaux, pour le groupe socialiste.
Mme Karine Claireaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, lors de son discours au Forum économique mondial à Davos, le 23 janvier dernier, le Président de la République française est revenu sur les terribles événements de janvier et a rappelé la « solidarité exceptionnelle » qui les a suivis.
Cette admirable solidarité doit se retrouver dans les actions mises en œuvre dans le cadre de la lutte antiterroriste, au niveau non seulement national, mais international, notamment européen. « La réponse doit être globale, internationale et partagée. La France ne pourra pas tout faire, […] ne pourra pas agir seule », a-t-il souligné.
On sait que la propagande, la radicalisation et le recrutement des terroristes sont facilités par l’accessibilité, la mondialisation et la rapidité d’Internet, particulièrement par les réseaux sociaux. Face à cette menace mondiale, il est nécessaire que les différents pays s’allient, se soutiennent et s’entraident.
Le programme de Stockholm, mis en place par l’Union européenne pour la période 2010-2014, mettait l’accent, notamment, sur des actions de prévention et de protection, parmi lesquelles la lutte contre le recrutement et l’armement des terroristes, ainsi qu’une surveillance accrue dans les transports.
Au vu des attentats perpétrés ces dernières années en Europe, on est en droit de se demander si ces actions sont bien adaptées et si leur mise en place est suffisamment rapide. Je pense, en particulier, au Passenger Name Record, le PNR, dont le Parlement européen bloque la mise en place depuis 2011, malgré les demandes insistantes des États.
Par ailleurs, aucune structure européenne n’existe actuellement pour coordonner les actions spécifiques liées à la lutte antiterroriste.
Monsieur le ministre, considérez-vous que les actions du programme de Stockholm étaient suffisantes ? La période couverte étant arrivée à son terme, quel bilan peut-on tirer de l’application de ces actions ?
Comme cela a été annoncé, le sommet européen du 12 février prochain sera consacré à ce sujet. L’Europe a-t-elle la volonté de s’engager plus intensément, d’accentuer la lutte antiterroriste sur son territoire, notamment le volet opérationnel de cette dernière ?
Pourrait-on envisager, par exemple, la création au sein de l’Union européenne d’une cellule dédiée à la lutte antiterroriste, afin de définir le périmètre d’actions, mettre en œuvre ces dernières sur le terrain et coordonner, au niveau européen, les différentes actions nationales, ainsi que l’échange de renseignements en amont entre les États membres ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, qui assiste actuellement, à Riga, à une réunion des ministres de l’intérieur de l’Union européenne. Il m’a chargé de vous répondre sur vos préoccupations, en particulier sur le calendrier européen que vous avez évoqué.
Comme vous le savez, un Conseil européen se tiendra le 12 février prochain, consacré particulièrement à la lutte contre le terrorisme. À cette occasion, le Président de la République aura à cœur de faire avancer quatre orientations que j’évoquerai devant vous.
Premièrement, il s'agit de la détection, du contrôle ou de l’entrave du déplacement des combattants étrangers terroristes ou des réseaux. Cela implique une modification des règles du code Schengen, en particulier pour rendre possible la consultation systématique du système d’information Schengen lors du franchissement des frontières extérieures par les personnes jouissant du droit à la libre circulation. C’est un point significatif, qui sera mis sur la table lors de la discussion.
Deuxièmement, vous avez évoqué l’idée d’un PNR européen, un système d’échange de données des dossiers passagers, pour un meilleur repérage des mouvements djihadistes. Vous avez rappelé que le Parlement européen avait jusqu’à présent bloqué la procédure en la matière. Il importe désormais que chacun fasse l’effort de comprendre l’urgence qu’il y a à adopter cet outil. À cet égard, Bernard Cazeneuve se rendra la semaine prochaine à Bruxelles pour rencontrer les députés européens.
Troisièmement, un partenariat avec les grands opérateurs de l’Internet sera également à l’ordre du jour du Conseil du 12 février prochain. Il est indispensable pour mettre en place le signalement rapide de contenus incitant à la haine et à la terreur. Bernard Cazeneuve envisage de se rendre aux États-Unis pour rencontrer les acteurs concernés. Il estime aussi que l’Union européenne est un lieu particulièrement approprié pour lutter contre le phénomène de la radicalisation à partir d’Internet.
Quatrièmement, et enfin, il faut renforcer la lutte contre le trafic d’armes à feu en Europe, par l’échange d’informations et les opérations conjointes des polices européennes.
Voilà quatre sujets lourds, qui permettront de faire avancer la lutte contre le terrorisme. S’y ajoute une question qui est à la fois de la compétence de Bernard Cazeneuve et de la mienne, à savoir la bonne coordination en matière de renseignement. Toutefois, de ce côté-là, les choses vont plutôt bien.
Vous le savez, madame la sénatrice, toutes les démocraties sont concernées par la menace terroriste. Elles doivent y répondre ensemble. Comme je l’ai souligné il y a un instant, c’est précisément ce à quoi s’emploient le Président de la République et le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. Nous en avons fini avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Madame la présidente, lors du scrutin n° 88 sur la proposition de loi constitutionnelle visant à rétablir à sept ans la durée du mandat du Président de la République et à le rendre non renouvelable, M. Rémy Pointereau a été déclaré comme votant contre, alors qu’il souhaitait voter pour.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
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Collectivité de Saint-Barthélemy
Adoption d'une proposition de loi organique dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe UMP, de la proposition de loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy, présentée par M. Michel Magras et plusieurs de ses collègues (proposition n° 473 [2013-2014], texte de la commission n° 234, rapport n° 233).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Magras, auteur de la proposition de loi organique.
M. Michel Magras, auteur de la proposition de loi organique. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les dispositions de la présente proposition de loi organique avaient été préparées dans la perspective d’un projet de loi de « toilettage » des statuts des collectivités d’outre-mer. Elles sont issues d’une délibération du conseil territorial de la collectivité de Saint-Barthélemy.
Ainsi, sept ans après le passage de commune à collectivité d’outre-mer dotée de l’autonomie régie par l’article 74 de la Constitution en 2007, la pratique a mis en lumière les ajustements du statut et les élargissements nécessaires pour améliorer le fonctionnement de la collectivité et une meilleure adaptation à la réalité locale.
Ces dispositions procèdent donc d’une expérience éprouvée tout en s’inscrivant dans le principe même de l’article 74 de la Constitution, autrement dit un statut tenant compte des intérêts propres de la collectivité au sein de la République.
C’est dans cette optique qu’un élargissement des compétences de la collectivité s’avère nécessaire. Celui-ci s’articule autour de deux axes : d’un côté, le transfert de compétence, de l’autre, la participation à l’exercice des compétences conservées par l’État à Saint-Barthélemy.
Je souhaite à cet égard souligner que jamais l’État n’a été aussi présent à Saint-Barthélemy que depuis que l’île est devenue une collectivité. Aussi, en élargissant sa participation aux compétences, il s’agit ni plus ni moins que d’approfondir la coopération avec l’État, comme l’autorise le caractère de collectivité autonome. En dotant une collectivité de l’autonomie, l’État lui permet bien de participer à l’exercice de ses compétences lorsque cela favorise les intérêts propres de la collectivité.
Ces intérêts doivent s’entendre du point de vue du contexte économique, social et régional de chaque collectivité qui déroge au droit commun lorsque celle-ci peut de ce fait mieux s’adapter aux enjeux qu’ils posent. C’est le cas à Saint-Barthélemy.
Comme vous le savez, l’économie de l’île est monosectorielle et repose essentiellement sur le tourisme, directement ou indirectement. Elle est donc fragile.
Cette économie a par ailleurs pour autre particularité d’être tournée vers la zone dollar parce que s’y trouve l’essentiel de sa clientèle. Dès lors, cela implique que Saint-Barthélemy est placée en concurrence avec les pays de cette zone qui connaissent depuis ces dernières années un développement de leur secteur touristique particulièrement dynamique.
De ce point de vue, notre statut doit nous permettre d’offrir aux entreprises les conditions de leur compétitivité en s’adaptant aux évolutions.
Saint-Barthélemy doit aussi relever le défi de la gestion de l’espace et de la préservation de son environnement naturel. Sur un territoire de vingt-quatre kilomètres carrés, l’équilibre est une recherche constante. C’est l’une des raisons pour lesquelles, à Saint-Barthélemy, nous parlons non pas de développement économique mais de maîtrise du développement.
La préservation de la cohésion sociale se trouve au cœur de cette politique, notamment en matière de logement.
C’est l’objet de l’article 1er du présent texte relatif aux conditions d’exercice du droit de préemption de la collectivité.
En effet, compte tenu de son étroitesse, l’île connaît une pression foncière constante couplée à l’envolée des prix du foncier ces dernières années.
Le droit de préemption est donc un outil de régulation que nous souhaitons ajuster afin d’en faire un outil supplémentaire de la politique de préservation des espaces naturels. Je vous exposerai plus en détail ce dispositif lors de la discussion des articles, je tiens toutefois à préciser qu’il ne s’inscrit pas dans une hiérarchisation des finalités, comme cela a pu être objecté. Permettre à la collectivité d’exercer son droit de préemption même en cas de transfert entre résidents vise à éviter un mitage de l’île et à permettre la définition de zones naturelles cohérentes.
Cela montre bien que chaque disposition doit être vue comme adaptée à un contexte local particulier. Une fois rapporté au contexte local, on comprend mieux pourquoi ce qui paraît vu de l’extérieur devoir être mis en œuvre peut se révéler contre-productif.
Tel est le sens de l’article 2, dont la commission propose la suppression.
Si, sur la forme, je dois admettre que cette suppression se justifie, du fait d’une rédaction parfois insuffisante, sur le fond, la situation de Saint-Barthélemy justifie le rétablissement de ces dispositions, ce que je vous proposerai.
Cet article 2 initial entre dans le champ de l’exercice de la participation de la collectivité à l’exercice des compétences de l’État. Il s’agit-là, j’y insiste, d’une possibilité induite par la qualité de collectivité dotée de l’autonomie. Autrement dit, ce qui ne peut se concevoir pour un département d’outre-mer est rendu possible pour une collectivité dotée de l’autonomie.
Le texte proposé au a de cet article porte sur la procédure de participation à l’exercice des compétences de l’État. Dans ce cadre, la collectivité est en effet entièrement sous son contrôle, qui se matérialise par un décret d’approbation totale ou partielle, ou de refus d’approbation, soit pour des motifs de légalité, soit pour des motifs d’opportunité.
Aujourd’hui, cette faculté de participation s’applique en matière pénale et en matière de police et de sécurité maritime. Elle se déroule en trois étapes. D’abord, la collectivité adopte un acte par une délibération qu’elle transmet au ministre chargé de l’outre-mer. Ensuite, celui-ci est chargé, avec le ministre de la justice, de proposer au Premier ministre un décret tendant soit à l’approbation totale ou partielle, soit au refus d’approbation. Enfin, une fois le décret publié, l’acte est soumis au Parlement pour ratification. Ce n’est qu’alors que les dispositions adoptées par le conseil territorial peuvent entrer en vigueur dans le corpus normatif de la collectivité.
Il s’agit donc en réalité d’un double contrôle.
Ce paragraphe a tendait initialement à un réaménagement de la procédure en raison de délais systématiquement anormalement longs pour la publication du décret : en moyenne, plus de deux ans s’écoulent entre la transmission de la délibération et l’entrée en vigueur.
En plus de cet aspect, il s’agit également de clarifier la possibilité pour le Parlement d’adopter directement des dispositions à caractère pénal au titre de la souveraineté du législateur, conformément à l’esprit de la loi statutaire.
Enfin, le dernier point, en lien avec le précédent, visait à permettre à la collectivité de participer aux compétences de l’État en matière de recherche et de constatation des infractions, dans le prolongement de la faculté de fixer les sanctions. Il faut en effet souligner que, faute d’équivalent local des fonctionnaires et des agents habilités en droit national à rechercher et à constater les infractions dans les matières transférées à la collectivité, l’application effective des sanctions pénales une fois entrées en vigueur peut rester lettre morte. Nous y avons été confrontés en matière d’environnement, par exemple.
J’en arrive maintenant à l’élargissement des domaines de compétences de l’État auxquels la collectivité a souhaité être habilitée à participer.
Le premier figure au paragraphe b de l’article 2. Le domaine de l’entrée et du séjour des étrangers touche, nous le savons, à des libertés publiques fondamentales. Toutefois, comme je vous le disais, il convient de le rapporter aux besoins des collectivités, en lien avec leurs intérêts. En l’occurrence, avec une économie fondée sur l’entrée des visiteurs, la collectivité doit pouvoir indiquer à l’État quelles sont les dispositions de nature à faciliter l’arrivée des visiteurs, dans son intérêt économique.
Nous devons également veiller, pour des motifs de cohésion sociale, à ce que les règles de séjour ne soient pas détournées, conduisant à la rupture de la cohésion sociale, dans l’intérêt de la population locale comme des populations d’immigration. Cela tient en premier lieu notamment aux possibilités de logement sur l’île.
Or il s’avère que, faute d’une coopération étroite avec l’État dans ce domaine, le contournement de la règle est récurrent. L’inadaptation des règles aboutit de même dans certains cas à l’impossibilité pour la collectivité d’exercer pleinement sa compétence en matière d’accès au travail des étrangers.
Elle souhaite donc une coopération plus étroite dans ce domaine, par le biais de la participation, dès lors que la portée de ses avis se révèle relativement faible dans le cadre de la consultation sur les projets de loi relatifs à l’entrée et au séjour des étrangers. Nous sommes en effet régulièrement consultés en urgence, et rendons parfois nos avis après la transmission du projet de loi au Conseil d’État. Enfin, il va sans dire que, dans ce domaine, les difficultés ne peuvent se régler à l’échelon administratif de la préfecture déléguée.
Madame la ministre, mes chers collègues, les collectivités autonomes d’outre-mer, à travers leur statut, leurs compétences, soulèvent parfois la question de l’unité de la République et de ses principes, et de la frontière entre l’unité et l’uniformité.
Un autre domaine pour lequel la collectivité sollicite l’élargissement de la participation aux compétences de l’État est celui de la protection sociale, y compris la fiscalité sociale.
Au moment de la définition de son statut en 2003, la question du transfert de la compétence sociale avait été posée. À ce moment-là, nous n’avions pas souhaité l’exercer, par prudence et avant d’être certains que la mise en place d’un système de protection sociale propre à Saint-Barthélemy correspondait à la volonté de la population. Par prudence, parce que nous avions estimé devoir nous assurer d’être en mesure de garantir qu’une organisation propre ne conduirait pas à une précarisation de la protection sociale.
C’est en réalité le Conseil économique, social, culturel et environnemental qui a rouvert ce débat, preuve qu’il s’agit d’une demande émanant non pas des élus de la collectivité mais bien des représentants des composantes de la société.
Ainsi, par délibération, la collectivité adopte le principe de la nécessité d’une organisation de la prise en charge de la protection sociale, faisant suite à une expression de la volonté de la population.
De plus, le rapport de l’Observatoire régional de la santé de Guadeloupe, l’ORSAG, sur la protection sanitaire et sociale à Saint-Barthélemy présenté en 2012 a constitué à la fois un point de départ et une base pour ce débat.
Dans ce rapport, il est constaté que « Saint-Barthélemy présente un contexte local compliquant la gestion du système de santé sur ce territoire », qui s’explique par « une culture d’auto administration » découlant du détachement historique de l’administration. De ce fait, « certains Saint-Barths sont donc réticents à s’adresser aux administrations » ; « par ailleurs, il n’y a pas de présence permanente de la sécurité sociale à Saint-Barthélemy ». Ce sont des faits.
Il faut dire que si le rattachement à la Guadeloupe a paru naturel en 2003, historiquement, l’administration n’a pas, si l’on peut dire, une « culture de Saint-Barthélemy », encore moins depuis que cette collectivité est détachée de la Guadeloupe. Cela se traduit dans la qualité du service rendu.
Madame la ministre, mes chers collègues, la demande de Saint-Barthélemy s’inscrit dans la problématique de l’accès au service public et de la qualité de ce dernier, en l’occurrence celui – ô combien fondamental – de la protection sociale.
Plus généralement, je rappelle que Saint-Barthélemy et Saint-Martin sont les deux seules collectivités d’outre-mer qui ne disposent pas d’une organisation propre de leur système de protection sociale. Avant la mise en place de ces deux collectivités, cette situation était considérée non comme une atteinte fondamentale à la solidarité nationale, mais comme une adaptation du principe de solidarité à leurs caractéristiques. De surcroît, à la différence de Saint-Martin, Saint-Barthélemy est devenue en 2012 un pays et territoire d’outre-mer du point de vue du droit européen. Ce double régime juridique justifie donc une adaptation.
De plus, l’intention de la collectivité est connue puisqu’elle fait l’objet d’une proposition de loi. Ainsi, déjà dans ce texte, elle apporte la garantie de la préservation d’un niveau de protection sociale conforme au modèle national.
La collectivité garantit également toute forme de dérive qui pourrait conduire à l’affaiblissement du niveau de protection dès lors qu’elle se place d’elle-même sous la tutelle de l’État.
Pas plus qu’en 2003, la collectivité de Saint-Barthélemy ne souhaite aujourd’hui exercer pleinement cette compétence.
La tutelle est d’ailleurs renforcée avec le dispositif que je vous proposerai. En plaçant l’adaptation du système de protection sociale dans le cadre de la participation aux compétences de l’État, ce système devra être issu d’une concertation étroite avec l’État qui, comme le Parlement, disposerait d’un pouvoir de veto, en légalité et en opportunité.
Au rang des grands principes, je vous invite, mes chers collègues, à ne pas considérer cette demande d’adaptation comme une volonté de nous soustraire à la participation à la solidarité nationale.
L’extension de la participation de la collectivité aux compétences de l’État en matière de protection sociale est assortie à l’élargissement au champ de la fiscalité sociale, c’est-à-dire les prélèvements obligatoires.
En effet, à Saint-Barthélemy comme ailleurs dans la République, se pose la problématique de la compétitivité des entreprises par les coûts, d’autant que cette collectivité présente la particularité d’avoir une économie reposant sur les services et d’être, pour cette raison, quasi exclusivement une économie de main-d’œuvre. Nos entreprises ne peuvent donc jouer sur le coût des produits ; elles peuvent seulement faire varier leurs charges, dans une optique de compétitivité des coûts. À cet égard, elles ne bénéficient pas du CICE, qui devrait atteindre 9 % dans les départements d’outre-mer.
Or, s’agissant des coûts dans le secteur touristique, les îles qui sont en concurrence directe avec Saint-Barthélemy sont naturellement avantagées par une main-d’œuvre moins chère et par l’avantage monétaire que représente un euro plus fort que le dollar.
La compétence dans le domaine de la fiscalité sociale devra simplement permettre d’ajuster les taux afin d’aboutir au même effet que le CICE. Il n’y a donc pas lieu de craindre pour Saint-Barthélemy ce qui est mis en place en métropole.
En outre, le rapport de l’ORSAG, que j’ai cité voilà quelques instants, relevait un reste à recouvrer sur les cotisations de 27 %, qui s’expliquerait par une gestion distante et par l’impossibilité pour l’administration de connaître les entreprises ayant quitté l’île lorsqu’elles ne se sont pas signalées. C’est, là encore, un point qui pourrait être amélioré par une gestion de proximité, dès lors que les entreprises de l’île sont assujetties à la contribution forfaitaire annuelle des entreprises, la CFAE.
Je dois aussi à l’honnêteté de souligner, mes chers collègues, que le dispositif que je vous proposerai peut même être considéré comme en recul s’agissant des « marges de manœuvre » de la collectivité par rapport à la proposition de loi que j’ai déposée.
Sur la forme, enfin, j’admets, de même que pour l’article 2, que la rédaction proposée justifiait la suppression de l’article 5. Je vous en soumettrai les dispositions sous une autre forme.
Par ailleurs, pour ce qui est des transferts de compétence, la collectivité se heurte au développement du nombre de véhicules de location sur l’île, situation parfois motivée par l’opportunité de la défiscalisation et sans lien réel avec un véritable besoin commercial.
Dans tous les cas, il convient de doter Saint-Barthélemy des moyens d’une régulation, assortissant par exemple l’exercice de cette activité à de strictes conditions de stockage. Ce projet s’inscrit dans l’optique de la gestion de l’espace, que j’ai déjà évoquée.
Parallèlement, la loi statutaire permet à Saint-Barthélemy de procéder à l’immatriculation des navires. Des lettres d’immatriculation ont d’ores et déjà été attribuées, mais la mise en œuvre effective, dans le souci de simplification des démarches qui était un objectif de la loi statutaire, se heurte à l’impossibilité de pouvoir délivrer les cartes et titres de navigation. Il vous sera donc proposé de compléter cette compétence en ce sens.
Nous examinerons, en outre, des articles relatifs au fonctionnement des institutions de la collectivité.
L’article 7 prévoit de confier au président de la collectivité une habilitation à ester en justice en son nom pour la durée du mandat. Il étend aussi les possibilités de délégation aux membres du conseil territorial. Le rapporteur a souhaité préciser la priorité accordée aux membres du conseil exécutif, ce qui est conforme à l’esprit de collégialité qui règne dans cet organe.
L’article 9 vise, quant à lui, à clarifier les règles de majorité du conseil exécutif.
Et, pour finir sur les mesures d’allégement, l’article 10 prévoit la suppression du rapport spécial sur la situation de la collectivité et des organismes qui en dépendent. Cette mesure se justifie par la taille de la collectivité, qui permet à ses membres de connaître en temps réel l’état d’exécution des décisions et la situation de la collectivité et des organismes dépendants.
L’article 11, qui est relatif à l’information des conseillers, clarifie les règles de transmission.
L’article 12, qui concerne le Conseil économique, social, culturel et environnemental, vise à clarifier les délais de transmission de ses avis, en vue d’une plus étroite association de cette institution aux décisions de la collectivité.
Madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention a plus particulièrement porté sur les dispositions de la proposition de loi organique qui méritaient, me semble-t-il, un éclairage proportionnel aux enjeux qu’elle représente.
Ce texte se veut cohérent, transparent sur les intentions, et dans l’intérêt de Saint-Barthélemy ; il va dans le sens d’une coopération renforcée avec l’État.
Je souhaite sincèrement que l’examen des articles soit l’occasion d’un véritable échange sur ces points. Il va sans dire que j’espère parvenir à convaincre ceux de mes collègues que je sais réticents du bien-fondé de ma démarche.