M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour le groupe du RDSE.
M. Yvon Collin. Ma question s’adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics.
Dimanche dernier, la victoire aux élections législatives du parti de gauche Syriza a fait ressurgir le spectre du défaut de paiement des emprunts grecs, replaçant au cœur de l’actualité les modèles de pondération des actifs bancaires mis en œuvre au cours de ces dernières années par l’Union européenne.
Quelle que soit notre appréciation sur cette nouvelle donne politique, le cas grec délivre un message et invite à une inflexion de la politique monétaire de la zone euro.
D’ailleurs, nous y sommes, puisque, quelques jours avant les élections en Grèce, la Banque centrale européenne, la BCE, a décidé d’entamer un programme d’assouplissement quantitatif. En effet, elle a résolu de racheter massivement des titres de dettes publiques et privées, à raison de 60 milliards d’euros par mois jusqu’à la fin de 2016, soit au total 1 140 milliards d’euros.
Comme vous le savez, mes chers collègues, il s’agit d’éloigner le risque déflationniste, la BCE visant une cible d’inflation à 2 % – M. le ministre le confirmera peut-être –, un taux susceptible de ramener plus de croissance au sein de la zone euro. Les dirigeants européens attendaient depuis longtemps cette décision, à tel point que, grillant la politesse à la BCE, François Hollande l’a annoncée trois jours avant qu’elle ne le fasse !
Pour autant, le quantitative easing est-il la potion magique pour relancer l’économie en Europe ? Nous connaissons sa principale vertu : augmenter la quantité de monnaie mise en circulation, autrement dit faire tourner la planche à billets, et entraîner ainsi la dépréciation de l’euro pour soutenir les exportations européennes.
Or, si l’on peut espérer un coup de pouce, d’ailleurs déjà anticipé par les marchés, on sait que son impact ne sera significatif que si les réformes structurelles se poursuivent, donc si les investisseurs sont suffisamment rassurés par les politiques économiques que nous mettons en œuvre.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur la décision de la BCE et la façon dont la France compte l’accompagner. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le sénateur, si vous avez fait allusion à la situation grecque, que j’aurai l’occasion d’aborder à l'occasion d’une prochaine question, vous m’interrogez principalement sur la politique menée par la BCE.
Je vous le dis très clairement, le Gouvernement français souhaitait depuis longtemps une évolution de la politique monétaire de la BCE ; il en faisait même la demande depuis plus de neuf mois. Cette évolution a eu lieu, elle a même été renforcée la semaine dernière, et c’est une bonne chose.
En effet, l’euro s’était tellement apprécié par rapport aux principales monnaies du monde – le dollar, bien sûr, mais on peut aussi penser à d’autres monnaies – qu’il était largement surévalué. C’était un obstacle immédiat, en particulier pour nos grandes industries exportatrices ; je songe naturellement à l’exemple de l’industrie aéronautique, mais chacun d’entre nous peut en citer un autre de même nature.
Ensuite, les taux d’intérêt ont considérablement baissé. Ayez en tête, mesdames, messieurs les sénateurs, que le taux d’intérêt à dix ans d’un bon sur la dette française est tombé hier soir à 0,5 %. Un demi pour cent à dix ans ! C’est dire combien les investisseurs font aujourd'hui confiance à la France ! Bien entendu, cette confiance doit se mériter dans la durée.
Toutefois, il faut aussi que l’ensemble de notre économie – je pense en particulier aux entreprises – puisse profiter de ces taux bas.
C'est la raison pour laquelle je me réjouis de la troisième décision prise par la Banque centrale européenne la semaine dernière. Grâce à elle, par des mécanismes que je ne vais pas décrire ici, il y aura plus d’argent dans l’économie française et européenne. Or, plus d’argent, c’est plus de possibilités de croissance – j’insiste sur ce mot, car nous avons besoin de croissance pour apporter des réponses à la question si prégnante de l’emploi.
Néanmoins, ne nous y trompons pas, la politique monétaire ne peut pas tout. Il faut également, et vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, faire se déplacer d’autres curseurs.
Tout d’abord, et nous avons cette discussion avec l’Union européenne, il faut évidemment diminuer nos déficits budgétaires, mais à un rythme qui soit compatible avec le soutien à la croissance.
Ensuite, nous avons engagé les réformes de structure. Certaines sont en cours de discussion au Parlement ; à cet égard, le Gouvernement s’associe à l’hommage que vous venez de rendre au bicamérisme. (M. Robert del Picchia applaudit.) Vous serez ainsi bientôt saisis de la loi Macron. D’autres textes viendront ensuite.
Une politique monétaire positive, une politique budgétaire adaptée et de véritables réformes de structure : voilà la clef du retour à la croissance en Europe et en France ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur le ministre, je vous remercie de cet hommage au bicamérisme !
politique économique et financière de l'europe envers la grèce
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.
M. André Gattolin. Ma question s'adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics.
L’Histoire semble parfois resservir les mêmes plats. Voilà trois ans, presque jour pour jour, j’interpellais ici même le gouvernement de l’époque sur la situation en Grèce, à l’heure où la Troïka obtenait l’approbation de son deuxième plan d’aide et de rigueur.
Sans surprise, trois ans après, l’économie grecque reste percluse et le peuple se débat toujours dans d’inadmissibles souffrances.
Le contexte social, économique et politique a pourtant beaucoup évolué depuis lors, en Grèce comme au niveau européen.
Au printemps 2012, les pays de l’Union étaient tous accaparés par l’objectif de réduction de la dette et de la dépense publiques. Aujourd’hui, nous nous interrogeons enfin sur les effets d’une croissance en berne, d’un chômage toujours plus élevé et d’une quasi-déflation totalement contreproductive pour nos économies.
En 2012, pour éviter un défaut de paiement qui aurait entraîné l’effondrement de la zone euro, nous avons imposé à la Grèce les éternelles recettes du Fonds monétaire international, le FMI : baisse des salaires, des retraites et des emplois publics, déremboursements en matière de santé…
Toutefois, nous sommes-nous préoccupés des véritables problèmes structurels rencontrés par la Grèce et sur lesquels l’Europe a pudiquement fermé les yeux depuis l’adhésion de ce pays en 1981 ? Je veux bien sûr parler des incroyables privilèges dont bénéficie une petite oligarchie qui regroupe armateurs, Église orthodoxe et grands possesseurs de comptes à l’étranger. Non ! Nous avons surtout pressuré ceux qui étaient les plus faciles à pressurer. Il ne faut donc pas s’étonner du résultat sorti des urnes la semaine passée.
Pourtant, dans les jours qui précédaient la victoire devenue inéluctable de Syriza, nous avons enfin entendu certains se dire prêts à rediscuter le plan d’austérité de la Grèce en échange de mesures comme la nécessaire réforme du cadastre ou la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales…
Monsieur le ministre, à nos yeux, dans le contexte actuel, il revient aujourd’hui à notre pays de prendre l’initiative pour redonner un véritable sens politique aux propositions qui seront formulées par l’Union.
C’est pourquoi nous aimerions savoir quelles propositions concrètes la France entend formuler pour relever un défi qui est non pas seulement économique et financier, mais aussi profondément politique, car il met en jeu les valeurs démocratiques supposées fonder le projet européen ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – M. Éric Bocquet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la situation en Grèce à la suite du résultat des dernières élections.
Nous respectons la démocratie, en France comme en Grèce. Le peuple s’est librement et clairement exprimé. Il y a une nouvelle majorité, un nouveau gouvernement et de nouveaux responsables – dans tous les sens du terme – en Grèce. C’est avec eux que les gouvernements des États membres et l’Union européenne doivent dialoguer et rechercher des solutions aux difficultés que rencontre aujourd'hui ce pays.
Tout d'abord, le problème de la croissance se pose de manière plus accentuée en Grèce que dans le reste de l’Europe. Un pays dont le PIB a chuté de 25 % par rapport aux années 2009-2010 – je vous laisse imaginer ce que cela représente en termes de rémunérations, de versements des pensions, etc. – est un pays profondément dans la souffrance. Nous devons respecter ce que les Grecs ont exprimé.
Ensuite, les difficultés budgétaires auxquelles le pays est confronté ne pourront pas être abolies du seul fait du résultat des élections. La Grèce a rétabli son équilibre budgétaire primaire. Elle est capable de payer l’ensemble de ses dépenses de fonctionnement et de ses investissements. Il ne faudra pas que cet équilibre se dégrade, faute de quoi il sera extrêmement difficile de trouver des prêteurs.
Enfin, il faut traiter la question de la dette. Aucun pays ne peut vivre durablement avec une dette représentant 175 % du PIB. Le sujet n’est pas nouveau. Il était sur la table avant l’élection ; il l’est encore aujourd'hui. Nous aurions dû évoquer la soutenabilité de la dette grecque, quel que fût le gouvernement issu de ces élections. Nous allons le faire.
Le Président de la République et moi-même souhaitons que la France facilite le dialogue et la recherche d’une solution avec la Grèce – tel est notre état d’esprit –, tout en discutant avec les autorités du pays des réformes nécessaires. Je pense en particulier à la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscales ; c’est l’un des points sur lesquels la Grèce devra se réformer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
changement de gouvernement en grèce et conséquences sur le pacte budgétaire européen
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe CRC.
M. Éric Bocquet. Ma question s'adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics.
Les élections en Grèce de dimanche dernier ont donné une majorité large à la coalition dirigée par M. Alexis Tsipras. Le peuple grec a ainsi clairement exprimé son rejet des politiques d’austérité imposées par la Troïka, constituée de l’Union européenne, de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international.
Les résultats de ces politiques d’austérité sont édifiants. Il y a 27 % de chômage, dont 55 % chez les plus jeunes, et la dette publique est passée de 120 % à 175 % du PIB. La Grèce est en état de véritable chaos économique et social. Cette situation a également été vécue comme une atteinte à la dignité du peuple grec.
Les partisans de Syriza étaient plus nombreux dimanche soir qu’ils ne l’étaient la veille... (Sourires sur les travées du groupe CRC.) Ainsi, le commissaire européen Pierre Moscovici saluait, voilà quelques semaines encore, l’action du gouvernement de M. Samaras : « Un tel travail a été fait par les autorités grecques, tant d’efforts, tant de choses accomplies que ce serait dommage de ne pas continuer. »
Comme l’indiquait hier un hebdomadaire satirique du mercredi, le 9 mai 2012, M. Alexis Tsipras avait adressé une lettre au Président de la République française nouvellement élu : « Nous souhaitons partager avec vous votre joie, car nous espérons que le résultat électoral obtenu par votre parti en France et celui réussi par la gauche en Grèce nous entraîneront vers une Europe sociale, exempte des mesures d’austérité rigoureuses et des exigences strictes du pacte financier ». Monsieur le ministre, nous pensons qu’il est temps désormais de répondre à cette lettre.
Le message fort adressé par le peuple grec dimanche dernier est une remise en cause fondamentale des principes du dernier traité européen. Le nouveau gouvernement grec s’est déjà attelé à la tâche immense qui l’attend, en décidant, notamment, l’arrêt du processus de privatisations des grandes infrastructures, comme les ports et certains aéroports régionaux. Au même moment, notre ministre de l’économie prévoit exactement l’inverse à l’Assemblée nationale.
Face aux pressions des marchés financiers et des agences de notation, qui s’expriment déjà, la Grèce aura besoin du soutien et de la solidarité concrète des peuples et des gouvernements européens.
Monsieur le ministre, quelles initiatives le gouvernement français envisage-t-il de prendre au plan national et au plan européen avec nos partenaires de l’Union pour soutenir le gouvernement de M. Tsipras dans son projet de reconstruction de l’économie et de la société grecques ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le sénateur, il n’entre pas dans mes compétences de surveiller les échanges postaux… (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
En revanche, il était dans mes compétences d’entrer en contact avec le nouveau ministre des finances grec, mon homologue, qui a d’ailleurs eu la courtoisie de m’informer de sa venue prochaine à Paris. Nous nous rencontrerons dès lundi prochain pour aborder les différents sujets que vous avez abordés. Nous aurons une séance de travail approfondie pour connaître les propositions du gouvernement grec.
Au demeurant, j’entends beaucoup de personnes s’exprimer en France au nom du gouvernement grec – je ne vous vise pas personnellement, monsieur le sénateur –, alors que celui-ci n’a pas encore eu le temps d’indiquer de manière ordonnée et responsable, au sens d’un gouvernement responsable, quelles étaient ses options.
Le premier respect que nous devons à ce gouvernement, c’est de lui laisser le temps de s’installer et de faire part de ses positions, y compris dans le dialogue avec l’Union européenne.
J’ai déjà précisé quel était notre état d’esprit. La France veut faciliter le dialogue entre la Grèce, d’une part, et l’ensemble des États membres de l’Union européenne, d’autre part. C’est indispensable. Le chaos en Grèce serait terrible pour ce pays et une mauvaise chose pour l’Europe !
Mme Éliane Assassi. Voilà un moment que le chaos règne en Grèce !
M. Michel Sapin, ministre. J’ai entendu le nouveau chef du gouvernement grec indiquer qu’il ne souhaitait pas, et il a bien raison, la sortie de son pays de la zone euro.
Mme Laurence Cohen. Il l’avait toujours dit !
M. Michel Sapin, ministre. Il a également souligné qu’il ne souhaitait pas remettre en cause les traités européens.
Mme Éliane Assassi. Non, mais il veut les renégocier !
M. Michel Sapin, ministre. Là encore, il a raison : pour appartenir à la zone euro, il faut en respecter les règles.
Pour autant, il y a évidemment des plages de discussion et des possibilités d’action, notamment pour mettre en œuvre des programmes de réformes.
Le nouveau gouvernement veut réformer l’administration fiscale. Il a raison : l’un des reproches que nous adressons au gouvernement précédent est justement de ne pas l’avoir fait avec suffisamment de volonté. Il veut lutter contre la fraude fiscale. Nous aussi. Nous le faisons en France, et nous voulons que ce soit aussi le cas en Europe. En Grèce, il y a du chemin à faire pour que chacun paie les impôts qu’il doit. Et s’il y a des rentrées fiscales supplémentaires, elles pourront servir à d’autres dépenses, mais dans le respect de l’équilibre budgétaire.
Je conclurai sur la dette grecque, qui n’est pas une dette à l’égard des marchés financiers. La Grèce n’a plus de dettes vis-à-vis du secteur privé ; elle en a vis-à-vis des États et des institutions publiques. Par exemple, sa dette à l’égard de la France, donc du contribuable, s’élève à 42 milliards d’euros ; ce n’est pas rien ! (Mme Laurence Cohen ironise.)
Discuter de la dette pour en alléger le fardeau ? Oui ! Annuler la dette ? Non ! Car ce serait transférer le poids de cette dernière du contribuable grec vers le contribuable français. Le ministre des finances grec a dit qu’il n’en voulait pas. Et je n’en veux pas non plus ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Roger Karoutchi applaudit également.)
stages et jeunes en formation
M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour le groupe socialiste.
M. Alain Néri. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
De nombreux jeunes de tout niveau scolaire souhaitent bénéficier d’une formation professionnelle en alternance, pour préparer un certificat d’aptitude professionnelle, un master, voire un brevet de technicien supérieur. Chacun reconnaît aujourd’hui l’intérêt et la qualité de cette formation.
Très nombreux sont les organismes et les écoles qui proposent des formations théoriques, souvent d’ailleurs onéreuses, à charge pour les jeunes de trouver une entreprise d’accueil acceptant d’assurer la formation pratique.
Très déterminés et très motivés, les jeunes se lancent à la recherche de leur maître de stage. Mais ils déchantent bien vite, car ils vont de refus en refus. Leur déception, ainsi que celle de leurs parents, voire de leurs grands-parents, est grande.
Après avoir espéré suivre une formation professionnelle qui déboucherait sur un métier et un travail, ils sont désabusés et vont s’inscrire à Pôle Emploi. D’ailleurs, cela peut expliquer pour partie l’augmentation du nombre de jeunes chômeurs en octobre et en novembre derniers.
Monsieur le ministre, on ne peut pas accepter une telle situation : l’insertion professionnelle et l’insertion sociale vont souvent de pair.
Aussi, il me paraît urgent de répondre aux souhaits de ces jeunes, qui veulent préparer leur vie professionnelle par une formation en alternance. Il faut leur redonner espoir ! Il faut que les entreprises fassent un effort pour répondre favorablement à leur volonté et à leur désir.
La formation professionnelle des jeunes en alternance est un problème de solidarité d’importance nationale, tout comme l’était l’emploi des handicapés lorsque l’obligation de recruter une part de personnes concernées dans l’entreprise a été instituée.
Monsieur le ministre, ne pourrait-on pas envisager pour ces jeunes une mesure de même nature ? À mon avis, ce serait une réforme citoyenne, d’ailleurs attendue avec impatience ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail.
M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le sénateur, je vous remercie de m’avoir interrogé sur ce sujet qui est éminemment consensuel. Votre question me permet d’apporter un éclairage sur l’apprentissage.
Les différents acteurs concernés, toutes sensibilités politiques confondues, s’accordent pour considérer l’apprentissage comme une voie d’excellence que nous devons conforter. En effet, elle permet aux entreprises de trouver les compétences nécessaires, tout en facilitant par la suite l’insertion des jeunes. Ainsi, 70 % de ceux qui sortent de l’apprentissage trouvent un travail.
Le 19 septembre dernier, un plan d’action a été arrêté autour du Président de la République en faveur de la relance de l’apprentissage. Ce document a été élaboré avec l’ensemble des acteurs concernés et il a fait l’unanimité tant des régions que des partenaires sociaux.
Je le rappelle, des mesures financières concrètes ont été décidées, puis adoptées dans le projet de loi de finances pour 2015, pour un montant de 200 millions d’euros. Les entreprises pourront ainsi affecter plus de taxe d’apprentissage aux centres de formation d’apprentis, ou CFA. En outre, il est prévu d’accorder à toutes les entreprises de moins de 250 salariés une aide d’un montant de 100 000 euros pour le recrutement d’un apprenti supplémentaire, qui s’ajoute à la prime à l’apprentissage dans les très petites entreprises.
Lors de cette réunion, les entreprises ont insisté sur les freins à l’embauche, en évoquant notamment l’autorisation préalable d’embauche, qui doit être demandée à l’inspection du travail pour les travaux dits « dangereux ».
Or, dès le mois de mai 2015, cette demande d’autorisation sera supprimée et remplacée par une déclaration. Bien entendu, il s’agit non pas de mettre en danger les jeunes, mais de faciliter leur entrée dans l’alternance et de supprimer les freins que les entreprises peuvent anticiper.
Une bourse de l’apprentissage sera aussi constituée, afin que ces jeunes, qui écrivent, vous le savez tous pertinemment, à toutes les entreprises sans avoir de réponse, puissent connaître exactement les postes et les stages qui sont disponibles dans les entreprises de leur région. (M. Alain Néri acquiesce.)
Monsieur le sénateur, l’apprentissage est une grande et belle cause. Je compte donc sur vous pour populariser ces mesures et adresser un rappel aux entreprises : aimer l’apprentissage, c’est bien, embaucher les apprentis, c’est mieux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.)
crise politique en nouvelle-calédonie
M. le président. La parole est à M. Pierre Frogier, pour le groupe UMP.
M. Pierre Frogier. Ma question s'adresse à Mme la ministre des outre-mer. Elle concerne la crise politique que traverse la Nouvelle-Calédonie en ce début d’année.
Pour le dire clairement, il s’agit, en fait, d’une nouvelle péripétie liée à l’usage abusif et détourné de l’article 121 du statut organique de 1999, qui permet malheureusement à une formation minoritaire au sein du Gouvernement d’en provoquer la chute, en faisant démissionner l’ensemble de ses propres membres.
Une telle utilisation de la loi avait déjà été dénoncée par le Conseil d’État, au mois d’avril 2011. La juridiction avait estimé que le fait d’empêcher le fonctionnement normal des institutions était un détournement ayant le caractère d’une manœuvre électorale.
Qu’en est-il exactement ? En Nouvelle-Calédonie, comme dans tout régime d’assemblée, seule une majorité des membres peut censurer l’exécutif. Seulement, faute de majorité, l’article 121 a été une nouvelle fois détourné de son objet par un groupe minoritaire, avec l’objectif affiché de s’emparer de la seule présidence du gouvernement.
Telle est la cause de cette situation inédite et absurde : la Nouvelle-Calédonie est aujourd'hui dotée de deux gouvernements composés de manière identique. Le premier est élu, mais il est incapable de désigner en son sein un président ; il est donc inopérant. Le second est démissionnaire, et il est chargé d’expédier les affaires courantes.
Ceux qui sont à l’origine du blocage se tournent vers vous pour que vous régliez la situation, madame la ministre. C’est un comble ! Vous avez répondu que l’État prendrait ses responsabilités. Mais lesquelles ?
Envisagez-vous la dissolution de nos assemblées pour procéder à de nouvelles élections, alors que le congrès de la Nouvelle-Calédonie fonctionne normalement et vient d’adopter à l’unanimité plusieurs textes avant la fin de la session ? Ou avez-vous l’intention, comme on l’entend, de proposer une nouvelle modification de la loi organique, afin d’ouvrir la possibilité d’une élection du président du gouvernement à la majorité relative ?
Ce serait évidemment une nouvelle atteinte à l’esprit et à la lettre de l’accord de Nouméa. Plus encore, ce serait la remise en cause de ce modèle de gouvernement d’unité calédonienne, qui oblige les partisans du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France et les indépendantistes à la recherche permanente du consensus. Dans ce cas, que resterait-il de cet accord ?
Madame la ministre, vous avez affirmé devant une autre assemblée que l’État prendrait ses responsabilités. Lesquelles prendrez-vous donc ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.
Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur, vous avez tout à fait raison de souligner à quel point la situation en Nouvelle-Calédonie est aujourd’hui préoccupante.
À l’évidence, nous sommes à un moment où nous avons besoin de travailler pour préparer la sortie de l’accord de Nouméa. Il faut donc que toutes les parties et que tous les élus puissent travailler ensemble et avancer pour résoudre les problèmes actuels.
Toutefois, si nous pouvons souhaiter que les élus exercent leurs responsabilités, se rencontrent et trouvent une solution pour élire, comme c’est indispensable, un président et un vice-président de cette assemblée, il est inimaginable que nous nous substituions aux élus, d’autant plus que nous sommes dans une démarche tendant à permettre à la Nouvelle-Calédonie d’avoir un régime d’autonomie maximale.
Nous ne voulons absolument pas stigmatiser les élus. Nous leur demandons simplement d’être responsables et fidèles à leurs engagements pour la Nouvelle-Calédonie.
Vous avez envisagé un certain nombre de solutions, mais nous n’en sommes pas là aujourd’hui. Le Haut-commissaire essaie surtout de recevoir les uns et les autres et de rapprocher les points de vue, afin qu’une solution raisonnable puisse être trouvée.
En revanche, une intervention qui serait de nature à rétablir une sorte de tutelle sur la Nouvelle-Calédonie, à un moment où tout le monde souhaite plutôt aller dans le sens inverse, n’est pas envisageable.
Nous pouvons donc simplement affirmer aujourd’hui que nous sommes prêts à passer le temps nécessaire pour trouver une solution, qui soit de consensus. Nous espérons y parvenir, d’autant que nous avons de nombreux problèmes à régler avant la consultation de 2018. En tout cas, nous essayons de nouveau de privilégier le consensus, et nous prendrons le temps qu’il faudra pour parvenir à une solution.
Cette année a démarré sous des auspices dramatiques, suivis par une volonté d’union nationale. Essayons donc de maintenir l’esprit du 11 janvier en Nouvelle-Calédonie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
emprunts toxiques contractés par les collectivités
M. le président. La parole est à M. Philippe Paul, pour le groupe UMP.
M. Philippe Paul. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
Le sujet ayant déjà été évoqué en termes quasiment similaires par ma collègue Élisabeth Doineau, je centrerai mon propos sur un élément qui n’a pas été souligné jusqu’à présent.
La décision de la Banque nationale suisse du 15 janvier dernier d’abandonner le taux plancher de conversion du franc suisse a frappé de plein fouet les communes ayant souscrit des emprunts dits « toxiques », indexés sur la parité entre l’euro et cette monnaie.
L’envolée du franc suisse, conséquence de cette décision, s’est accompagnée d’une augmentation aussi forte qu’imprévue des taux d’intérêts de ces emprunts, dont les communes avaient déjà les plus grandes difficultés à se défaire.
Un millier de collectivités et des dizaines d’hôpitaux seraient concernés. Si je prends le cas de ma commune, Douarnenez, le taux d’un emprunt de cinq millions et demi d’euros souscrit en 2007 est ainsi passé de 5,71 % à 9,90 %, générant une augmentation de l’annuité de frais financiers de 100 000 euros.
Ce taux pourrait rapidement monter à 15 %, portant l’augmentation de ces frais financiers à 240 000 euros, et encore je ne m’estime pas le plus mal loti, de nombreuses communes voyant les taux des emprunts qu’elles ont souscrits dépasser largement les 20 %, voire les 25 %.
Cette explosion des frais financiers constitue une sorte de double peine pour ces communes déjà sinistrées par ces emprunts toxiques et pose la question de l’utilité du fonds de soutien dans son fonctionnement et dans son montant actuel. Il est à craindre que celui-ci ne soit plus à la hauteur du problème désormais posé à ces communes, le montant de l’indemnité de sortie des emprunts toxiques devenant excessif.
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer les initiatives que le Gouvernement entend prendre dans les plus brefs délais pour aider ces collectivités et ces établissements hospitaliers à faire face à une situation exceptionnelle, qui met gravement en péril l’équilibre de leurs finances.