M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 1 est présenté par M. Germain, Mme M. André, MM. F. Marc, Botrel, Boulard, Berson, Carcenac, Lalande, Raoul, Raynal et Yung, Mme Schillinger, MM. Eblé, Vincent, Camani, Roger et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L’amendement n° 9 est présenté par MM. Collin, Requier, Mézard et Bertrand.
L’amendement n° 14 est présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission.
L’amendement n° 19 est présenté par MM. Delahaye, Capo-Canellas et Canevet, Mme Iriti, MM. Jarlier, Marseille, Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean Germain, pour présenter l’amendement n° 1.
M. Jean Germain. Je voudrais expliquer, d’une manière que j’espère non redondante, pourquoi le groupe socialiste a déposé le présent amendement.
La lecture des débats à l’Assemblée nationale nous apprend que la disposition dont nous discutons à présent vise à rassurer les parlementaires qui, pour des raisons diverses, sont contre le CICE – crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – et qui ont notamment expliqué que la grande distribution profitait trop de ce dispositif – qui n’est au demeurant pas le seul dont les entreprises peuvent bénéficier –, alors qu’il ne lui est pas spécifiquement destiné. Dès lors, la majoration de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, au-dessus de 2 500 mètres carrés, serait une façon de rééquilibrer les choses…
Personnellement, je suis totalement pour le CICE, et il ne me paraît pas du tout judicieux de traiter le problème soulevé par cette sorte d’aubaine pour la grande distribution en relevant la TASCOM que celle-ci doit acquitter.
Vous l’avez dit tout à l'heure, monsieur le secrétaire d’État, la recherche du rendement fiscal n’a rien de condamnable en soi. Nous le pensons aussi, et ce n’est donc pas ce qui nous conduit à proposer la suppression de cet article.
Je profite de cette occasion pour indiquer que le groupe socialiste est favorable à ce que toutes les possibilités de taxer les transactions financières, à l’échelle européenne ou nationale, soient examinées. Et je rappelle au passage que nous avons adopté, voilà quelques années, une disposition qui permet de taxer à 0,1 % toutes les transactions sur les actions ou obligations réalisées par des établissements bancaires dont le capital est supérieur à 1 milliard d’euros. Le rendement de cette taxe devait être de 600 millions d’euros la première année, puis de 1,5 milliard d’euros ; or il arrive péniblement à 400 millions d’euros !
Ce à quoi nous nous opposons, c’est à ce que certaines entreprises françaises – la grande distribution n’est pas seule concernée – qui font travailler du personnel français, achètent et vendent des produits français à des Français, voient leur impôt augmenter de 50 % du fait d’une décision prise un peu brutalement, alors que, dans le même temps, on affirme qu’il n’est pas possible de taxer les ventes effectuées sur internet. À mon sens, cela peut expliquer une certaine désespérance, que nous, élus, vivons chaque semaine sur le terrain. Il faut que ce message soit entendu ; sinon, il sera envoyé d’une autre façon. En tout cas, nous, monsieur le secrétaire d’État, nous l’entendons.
Nous ne sommes ni contre le CICE ni contre les mesures de rendement fiscal, nous soutenons totalement le Gouvernement, mais nous considérons que la disposition contenue dans cet article se retournera contre le Gouvernement et contre nous.
C’est la raison pour laquelle, après de longues discussions en son sein, le groupe socialiste a déposé pour la deuxième fois, et avec résolution, cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l’amendement n° 9.
M. Yvon Collin. Tous les groupes du Sénat, ou presque, de la majorité comme de l’opposition, ont déposé un amendement identique à celui que vient de défendre excellemment Jean Germain.
Cette suppression semble faire consensus dans notre assemblée. La majoration de 50 % de la TASCOM, majoration dont le produit serait de surcroît versé au budget de l’État, nous pose problème, et d’abord parce qu’elle induit une distorsion de concurrence avec les nouvelles formes de commerce, comme le drive ou la vente en ligne.
Par ailleurs, cela a été dit, les promoteurs de cet article souhaitent que l’État reprenne d’une main une partie de ce qu’il donne de l’autre, à travers notamment le CICE, qui profite aux grandes surfaces.
Enfin, cette surtaxe semble avoir été décidée dans une certaine précipitation, monsieur le secrétaire d’État. Nous préférerions qu’une réflexion plus globale puisse être lancée sur l’imposition des différentes formes de commerce.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° 14.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je ne reprendrai pas tous les arguments développés à l’instant, que je partage en très grande partie.
Cette mesure pose d’abord un problème de principe : le produit de la majoration cette taxe qui est normalement destinée à abonder les budgets locaux serait versé au budget l’État.
Mais je tiens surtout à insister sur la question de la base fiscale. Vous nous avez indiqué, monsieur le secrétaire d’État, que votre préférence allait aux impôts à base large et à faible taux ; c’est un point de vue que je partage. Or, en l’espèce, vous faites le contraire : la base est de plus en plus étroite, l’activité des surfaces commerciales étant concurrencée par les drive ou le commerce électronique, et le taux connaît une forte augmentation, puisqu’elle est de 50 %.
Franchement, monsieur le secrétaire d’État, nous aurions préféré avoir le temps de réfléchir aux évolutions des modes de consommation, afin de pouvoir taxer les drive et le commerce électronique ; cela aurait peut-être permis, d’ailleurs, de diminuer la pression fiscale : avec une base beaucoup plus large, le taux aurait pu être plus faible.
Avec cette surtaxe, on court le risque d’accélérer les mutations que connaissent actuellement les modes de consommation. Je crois que, sur ce constat, la quasi-totalité des groupes se rejoignent.
Quel que soit le sort qui sera finalement réservé à ces amendements, la commission des finances travaillera sur cette question, à laquelle on ne peut pas rester indifférent. Ce sont en effet les commerces physiques qui supportent le poids de l’impôt, encore alourdi par cette majoration de 50 % de la TASCOM, quand d’autres formes de commerce – et notamment le commerce par internet, dont le chiffre d’affaires se développe – subissent une taxation plus légère, voire, pour les entreprises installées en dehors des frontières de notre pays, n’en subissent pas du tout.
C’est un sujet qui mériterait un autre sort qu’un balayage rapide au cours d’une nouvelle lecture d’un projet de loi de finances rectificative. Nous pourrions parvenir à un résultat beaucoup plus satisfaisant avec une base élargie et un taux plus faible : le rendement serait sans doute identique et on n’introduirait pas cette distorsion de concurrence entre les formes traditionnelles et les formes nouvelles de commerce.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l’amendement n° 19.
M. Vincent Delahaye. Nous partageons beaucoup des arguments qui viennent d’être présentés. Si autant d’amendements identiques ont été déposés, témoignant d’un large consensus dans cet hémicycle, c’est que le présent article pose une vraie question.
Nous avons eu connaissance au dernier moment du « paquet », d’un montant de 3,6 milliards d’euros, que le Gouvernement a présenté à Bruxelles pour essayer de se sortir des griffes de la Commission. Au-delà du constat de la baisse des taux d’intérêt et de la diminution de la contribution de la France au budget européen, nous aurions souhaité que de nouvelles propositions d’économies, bien documentées, soient présentées, plutôt que des nouvelles taxes, notamment cette majoration de la TASCOM. Cette surtaxe s’ajoute en effet à tout ce qui existe déjà et rend encore plus confuse la démarcation entre fiscalité nationale et fiscalité locale : les entreprises ne s’y retrouvent plus très bien !
Surtout, monsieur le secrétaire d’État, quelle est la logique de tout cela ? On donne d’une main, via le CICE, certains avantages, et on les retire de l’autre ! Ce dispositif, je le sais, n’était pas destiné à la grande distribution. Néanmoins, la grande distribution doit faire face à une nouvelle concurrence, qui n’est pas taxée de la même façon.
Il y a donc des interrogations de fond et il est souhaitable que nous adoptions ces amendements afin que le Gouvernement réfléchisse à la façon de faire évoluer cette disposition qui, en l’état, n’est pas satisfaisante.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’ai déjà clairement exposé ma position. À l’évidence, nos analyses divergent. Les nouveaux modes de consommation sont bien connus du Gouvernement. Pour ma part, je ne connais aucun drive qui ne soit pas la propriété d’un grand distributeur. Il est évident qu’il s’agit, au moins pour une grande partie, des mêmes groupes bien connus. Par conséquent, en taxant les groupes qui possèdent les hypermarchés, on taxe aussi ceux qui possèdent les drive.
Bien sûr, il faut réfléchir à la question de la taxation des nouvelles formes de commerce, y compris en termes de fiscalité locale : il ne serait pas illégitime que la collectivité où se trouve implanté un drive perçoive de l’argent à ce titre puisqu’un tel établissement concurrence les petites et grandes surfaces locales.
Du point de vue de l’État, puisqu’il s’agit d’une ressource de l’État…
M. Francis Delattre. La TASCOM n’est pas une ressource de l’État !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Si, monsieur Delattre, puisqu’il est ici question d’instaurer une majoration additionnelle au profit de l’État.
Du point de l’État, donc, le Gouvernement considère qu’il peut y avoir lieu de contrebalancer, dans une période où des efforts sont consentis et où se manifestent des besoins, certains effets excessifs du CICE. Voilà pourquoi nous avons décidé de ne pas priver les collectivités locales d’une ressource : avant et après l’entrée en vigueur de cette disposition, les collectivités locales auront exactement la même ressource !
Par ailleurs, cette contribution supplémentaire demandée au secteur de la grande distribution concerne, de fait, les propriétaires des drive. Il n’y a donc là aucune contradiction – nous y reviendrons si nous examinons l’amendement suivant, qui est relatif aux établissements de stockage et de logistique.
Permettez-moi d’apporter quelques précisions concernant l’impact financier de la mesure. Les commerces de plus de 2 500 mètres carrés perçoivent environ 225 millions d’euros au titre du CICE à 4 %. Le taux de ce crédit d’impôt passant à 6 %, ils percevront 337,5 millions d’euros si mes calculs sont exacts. La contribution prévue étant de 200 millions d’euros, le dispositif reste globalement favorable aux grandes surfaces.
Certains ont même proposé, mais pas au Sénat, de ne pas se limiter aux hypermarchés et d’abaisser le seuil à 400 mètres carrés de surface commerciale. Selon moi, ce ne serait pas une bonne mesure, car elle s’appliquerait aux supérettes des bourgs-centres ou même des cœurs de ville, supérettes qui appartiennent d’ailleurs quelquefois aux mêmes groupes de grande distribution…
Pour des raisons de développement, d’aménagement du territoire, d’équilibre du petit ou du moyen commerce, pour la défense de la superette de nos provinces, dans laquelle nous nous rendons tous régulièrement – j’ai bien compris que chacun ici était toujours « plus proche » du terrain que l’autre, mais nous-mêmes ne sommes pas « hors-sol » ! –, ce ne serait pas une bonne idée. Nous avons plutôt la volonté de rééquilibrer la donne et de favoriser un commerce adapté à la taille de nos petites villes, de nos bourgs-centres.
Voilà pourquoi le Gouvernement préfère faire supporter cette taxe à la grande distribution et épargner les petits commerçants ou les commerçants-artisans, qui ne sont pas concernés, cela doit être bien clair. Vous l’avez souligné, il est important de trouver un juste équilibre entre l’aménagement du réseau de distribution et les besoins de recettes.
On a affirmé que les 3,6 milliards d’euros trouvés par Bercy étaient issus de taxes. Bien entendu, cela fait partie du débat normal dans une démocratie, mais j’apprécie moyennent ce genre d’allégations, car j’ai détaillé l’origine de cette somme. Non, il n’y aura pas 3,6 milliards de ressources supplémentaires prélevées sous forme d’impôt !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est 1,2 milliard !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’ai entendu dire cela tout à l'heure à la tribune, mais je n’ai pas répondu, afin de ne pas allonger les débats. Cela étant, monsieur Germain, ce n’est pas le Gouvernement qui craint de voir les débats se prolonger. Je l’ai dit et je le répète, nous nous tenons à la disposition du Parlement. Je n’ai fait aucune remarque sur les horaires, sur l’organisation de vos travaux ou sur les éventuelles interruptions de séance.
M. Jean-Claude Requier. C’est vrai !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’ai même indiqué un samedi que je me rendrais disponible le dimanche s’il fallait travailler ce jour-là. Je ferme la parenthèse du travail dominical, car ce thème aura l’occasion de nourrir d’autres débats… (Sourires.)
En ce qui concerne le choix de la TASCOM, nous avons eu des discussions vives, intenses et prolongées. À l’Assemblée nationale, le dispositif a été voté à une large majorité, d’autant que la grande distribution n’est pas le secteur le plus soumis à la concurrence internationale. Nous reviendrons ultérieurement sur les questions du commerce en ligne, tant en ce qui concerne la TVA que les différents modes de taxation envisageables.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Le problème, dans cette affaire de TASCOM, c’est le précédent. Si l’année prochaine il manquait encore quelques milliards d’euros dans les caisses de l’État, et ce sera le cas, qu’est-ce qui nous garantit que le Gouvernement ne décidera pas de mettre en place une taxe additionnelle sur les impôts locaux traditionnels ?
Derrière tout cela, se dessine en filigrane l’idée selon laquelle, pour certains hauts dirigeants, les ressources ne relèveraient pas forcément de la compétence des assemblées locales. Les ressources sont d’abord prélevées et ensuite redistribuées aux collectivités en fonction du nombre d’habitants. Les collectivités auraient le droit de dépenser, mais plus de lever l’impôt !
C’est un précédent redoutable, car j’ai entendu ce discours dans d’autres enceintes…
Pour toutes ces raisons, en plus de celles excellemment avancées par nos collègues, je voterai ces amendements.
Par ailleurs, s’agissant du CICE, nous ne sommes pas opposés au fait d’alléger les charges qui pèsent sur les entreprises, bien au contraire ! N’avons-nous pas voté à cette fin la TVA sociale ? Pour des raisons totalement idéologiques, elle a été supprimée. Six mois après, vous rendant compte que vous aviez commis une erreur, vous inventiez un système très compliqué afin de favoriser la réindustrialisation du pays et de lutter contre les délocalisations. Or il se trouve que les principaux bénéficiaires du CICE sont « hors cible », cette dernière étant d’ailleurs mal délimitée.
En réalité, nous partageons apparemment les mêmes objectifs que vous, mais nous sommes pour un système plus efficace. Replaçons donc le débat dans son juste contexte.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Je souhaite revenir sur les propos de M. le secrétaire d’État. Oui, nous étions un certain nombre à considérer que le CICE n’était pas le meilleur instrument. Je crois même que le Gouvernement l’a mis en place en raison de contraintes européennes relatives à la concurrence en matière de crédit d’impôt.
Je fais partie de ceux qui auraient aimé un système de crédit d’impôt ciblé par secteur, très difficile, voire quasiment impossible à mettre en œuvre dès lors que l’on n’invoque pas l’exception culturelle. Aujourd'hui, le Gouvernement propose un certain nombre d’ajustements parce qu’il s’aperçoit que les objectifs visés, qui me semblent légitimes, n’ont pas été atteints, à savoir accroître la compétitivité des secteurs qui se trouvent de plus en plus pris dans la concurrence internationale.
Il est vrai que tout cela est un peu baroque. Il faudrait que nous puissions disposer d’un peu plus de marge de manœuvre. Nous aurons à nous battre avec l’Union européenne pour repenser la logique du crédit d’impôt, que j’ai maintes fois critiquée ici. Les autres pays membres de l’OMC ne se soucient pas de savoir si les mesures qu’ils adoptent sont conformes ou non aux règles de la concurrence : pratiquement toutes les formes de crédits d’impôt se pratiquent aux États-Unis, au Canada ou dans les pays asiatiques.
On nous dit que la grande distribution et la très grande distribution qui créent beaucoup d’emplois. Il se trouve que je connais bien le sujet pour y avoir travaillé il y a quelques années. La moitié des salariés des hypermarchés sont employés non par les établissements eux-mêmes, mais par les marques présentes sur les rayons.
Aujourd'hui, les distributeurs exercent une pression terrible sur leurs fournisseurs : non contents de leur imposer des prix tels que les producteurs sont obligés de vendre pratiquement à perte pour être référencés, non contents de les contraindre à mener de très grandes campagnes de communication pour justifier leur référencement, ils leur demandent d’assurer eux-mêmes le réassort à l’intérieur des rayons ! Par conséquent, le personnel que vous voyez dans les supermarchés ou dans les grands hypermarchés remettre des produits dans les rayons n’a pas été embauché par Carrefour, Auchan et consorts, mais par les producteurs, car c’est pour eux, pressurés qu’ils sont par les distributeurs, le seul moyen d’être référencés. Que l’on ne vienne donc pas me dire que la grande distribution est la plus belle chose du monde !
Certes, j’ai déposé un amendement afin d’élargir la base de la TASCOM, mais je préférerais que l’on supprime l’augmentation de 50 % et que l’on en reste à un taux plus bas, car je suis plutôt pour les assiettes larges et les taux peu élevés.
M. Francis Delattre. L’impôt sur le revenu !
M. André Gattolin. Je propose donc par ailleurs que l’on réfléchisse à la taxation des drive et à la vente par internet, afin d’éviter d’être frappés de plein fouet par la vague qui nous touchera d’ici cinq à dix ans.
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. Je soutiens très fortement ces amendements pour trois raisons.
Premièrement, lorsque la distribution alimentaire, dont on parle beaucoup, se voit appliquer une taxe supplémentaire, elle la répercute aussitôt sur ses fournisseurs, qui n’ont évidemment pas besoin de ça.
Deuxièmement, la distribution alimentaire ne sera pas le seul secteur touché par la mesure. Il y aura aussi les marchands de meubles ou de voitures, les magasins de bricolage, etc. Contrairement à la distribution alimentaire, ces commerces qui doivent gérer des stocks importants et onéreux sont dans une situation parfois assez difficile. N’en rajoutons pas !
Troisièmement, la TASCOM, qui est bien une taxe affectée, alimentait le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, afin d’aider le petit commerce. Là, il y a une incroyable confusion fiscale. Il s’agit d’un impôt déguisé – je dirais presque : plus ou moins honnête.
Voilà pourquoi il est impératif que le Sénat supprime l’article 20 nonies.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Mes chers collègues, loin de moi l’idée de brider la parole de ceux d’entre vous qui souhaiteraient s’exprimer dans ce débat fort intéressant. Néanmoins, si celui-ci devait se prolonger, nous risquerions fort de devoir reprendre nos travaux ce soir, à vingt et une heures trente, afin d’examiner les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière.
Je me permets donc de vous inviter à la concision, ne serait-ce que par égard pour vos collègues de la commission des finances, qui sont un peu saturés de séances de nuit.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1, 9, 14 et 19.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 20 nonies est supprimé et l'amendement n° 20 n'a plus d'objet.
Toutefois, pour l’information du Sénat, je rappelle les termes de cet amendement.
L'amendement n° 20, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, était ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
III. - L'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 précitée s’applique aux établissements de stockage et de logistique servant à la vente de biens aux particuliers à distance ou à emporter. Pour un établissement de ce type, l'assiette de la taxe est égale à deux fois et demie la superficie de son emprise au sol.
Article 20 decies
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par MM. Chiron, Lalande et Germain, Mme M. André, MM. Botrel, Boulard, Eblé, F. Marc, Raoul, Vincent, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 15 est présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission.
L'amendement n° 18 est présenté par MM. Delahaye, Capo-Canellas et Canevet, Mme Iriti, MM. Marseille, Jarlier, Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Après l’article 39 A du code général des impôts, il est inséré un article 39 A-0 AA ainsi rédigé :
« Art. 39 A-0 AA. - L'amortissement des matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication ou de transformation, acquis ou fabriqués par les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l’annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité, peut être calculé suivant un système d’amortissement dégressif, compte tenu de la durée d’amortissement en usage dans chaque nature d’industrie.
« Les taux d’amortissement dégressif sont obtenus en multipliant les taux d’amortissement linéaire par un coefficient fixé à :
« a) 2 lorsque la durée normale d’utilisation est de trois ou quatre ans ;
« b) 3 lorsque cette durée normale est de cinq ou six ans ;
« c) 4 lorsque cette durée normale est supérieure à six ans. »
II. – Le I s’applique aux biens acquis ou fabriqués entre le 1er décembre 2014 et le 31 décembre 2016.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jacques Chiron, pour présenter l’amendement n° 2.
M. Jacques Chiron. Nous avons déjà présenté cet amendement lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2015.
Je tiens à rappeler tous les dispositifs qui ont été mis en place en faveur des entreprises : l’instauration du CICE, la baisse des charges sociales, qui bénéficie d’ailleurs surtout aux PMI, dont les salariés perçoivent généralement entre 1,5 et 2,5 SMIC, ou encore la création de Bpifrance, avec une enveloppe de 300 millions d’euros destinée à ces mêmes PMI.
À cela s’ajoutent encore, depuis juillet 2012, les trente mesures fiscales qui ont été adoptées par le Parlement, à la fois dans un souci de justice sociale – ce qui a suscité des critiques du côté droit de l’hémicycle –, mais aussi pour renforcer la compétitivité de notre économie – les critiques sont alors venues de l’autre côté. Le Gouvernement, qui se situe sur une ligne médiane, va, je crois, dans le bon sens.
Pour autant, on sait les difficultés auxquelles sont confrontées les PMI et les PME. Il y a aujourd'hui une volonté de faire monter en puissance les PMI, pour qu’elles deviennent des ETI, des entreprises de taille intermédiaire.
Notre amendement s’inscrit dans la démarche qui avait conduit à l’inscription dans la loi de finances pour 2014, sur proposition du Gouvernement, d’un dispositif d’amortissement accéléré en faveur de l’investissement des PME dans la robotique.
Mon collègue Bernard Lalande et moi-même avions initialement déposé un amendement de portée plus large. Nous avons réécrit ce premier amendement en tenant compte des explications que vous nous aviez apportées, monsieur le secrétaire d'État, sur son coût, qui était relativement élevé – 35 millions d’euros pour le mois de décembre en 2015, seul mois concerné cette année-là, puis 360 millions d’euros en année pleine à partir de 2016. Nous proposons donc un dispositif resserré, mais dont, là encore, nous ne mesurons pas le coût.
Nous souhaiterions donc savoir quelles seraient les conséquences financières de l’adoption de cet amendement. Nous avons bien compris que le contexte actuel était difficile, mais il s’agit ici en quelque sorte de lancer un appel pour que, en 2016, nous travaillions sur ces questions dans le détail.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° 15.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit de rétablir le dispositif relatif aux PME dont nous avons déjà longuement parlé.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l'amendement n° 18.
M. Vincent Delahaye. Le groupe UDI-UC est depuis longtemps partisan de mesures spécifiques en faveur de l’investissement des PME. Nous nous réjouissons donc que ces propositions aient fait l’objet d’un large consensus au sein de notre assemblée. Nous espérons maintenant être entendus par le Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Si je fais le bilan de la discussion jusqu’à présent, je n’ai pas le sentiment que le Sénat se plie à la volonté du Gouvernement, ce qui, du reste, est tout à fait respectable.
M. Vincent Capo-Canellas. Mais est-ce que le Gouvernement, lui, écoute le Sénat ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement s’efforce de faire voter des textes par l’ensemble du Parlement dans le cadre des procédures législatives que vous connaissez.
Pour en revenir aux amendements en discussion, le Gouvernement estime que le coût de cette mesure, fût-elle restreinte, monsieur Chiron, est trop élevé au regard des possibilités budgétaires actuelles.
Le Gouvernement pourrait invoquer le risque d’effets d’aubaine, dès lors que le dispositif s’appliquerait à des investissements récurrents ou à des investissements de toute façon déjà programmés ; mais la question n’est pas là. Nous le savons bien, toute disposition fiscale comporte des effets d’aubaine, parfois même des effets pervers, et il convient de les corriger, parfois à l’aide d’autres dispositifs, ainsi que nous l’avons vu tout à l’heure à propos de la grande distribution.
Les mesures de réduction de charges que j’ai mises en place dès cet été et celles qui entreront en vigueur au 1er janvier 2015 auront des effets massifs, même si on peut en contester le ciblage et l’opportunité.
Quoi qu’il en soit, l’adoption de ces amendements aboutirait à une dégradation du solde budgétaire en 2015, ce pourquoi le Gouvernement ne peut y être favorable, même si c’est une version light, si je puis dire, qui est maintenant proposée.