M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Deroche. Ma question s’adressait à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Depuis des semaines, le monde de la santé est en ébullition. La fin de l’année 2014 et le début de l’année 2015 verront l’apparition de mouvements de grève qui, annoncés par les professions médicales, inquiètent déjà nos concitoyens.
Vous avez face à vous un front uni – le fait est assez rare pour être souligné – associant les syndicats de médecins, généralistes et spécialistes, quel que soit d’ailleurs leur secteur conventionnel d’activité – privé ou public – et les médecins exerçant en région parisienne comme en province. Je n’oublie pas non plus les urgentistes. Ce front uni est assez inhabituel pour que le conseil de l’ordre et l’Académie de médecine s’en soient fait l’écho.
Néanmoins, ce n’est pas un mouvement de grogne corporatiste ; c’est le signe d’une inquiétude profonde du monde médical, face à certaines dispositions du projet de loi relatif à la santé publique : inquiétude des syndicats de médecins quant à la généralisation du tiers payant et à la revalorisation de la consultation du médecin généraliste ; inquiétude de l’hospitalisation privée quant à son financement et à la recentralisation des pouvoirs autour des agences régionales de santé, les ARS ; inquiétude des chirurgiens des cliniques et des internes des hôpitaux publics, actuellement en grève illimitée, quant à leur avenir.
Si nous ne pouvons que souscrire à un projet de loi qui remet le patient au cœur du parcours de soins, qui est axé sur la prévention et qui, bien sûr, souhaite réduire les inégalités, certaines des dispositions qu’il contient risquent de mettre à mal le système français de santé, lequel doit certes s’adapter aux défis actuels, mais aussi continuer à reposer sur ses deux piliers, public et privé.
La grogne est profonde, les crispations sont importantes et le dialogue semble rompu. Les professionnels de santé et le monde médical attendent donc du Gouvernement des signaux forts de confiance. Comptez-vous les leur adresser ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie. Madame la sénatrice, tout d'abord, je vous remercie de bien vouloir excuser Marisol Touraine, qui ne pouvait être présente cette après-midi.
Le projet de loi relatif à la santé est d’abord un texte pour les patients et contre les inégalités de santé comme dans l’accès aux soins.
Lutter contre les inégalités, c’est d’abord miser sur la prévention. En effet, il y a ceux qui, grâce à leur héritage social ou culturel, ou grâce à des conditions de vie plus favorables, ont une hygiène de vie qui les protège de la maladie. Et il y a aussi ceux qui sont frappés plus tôt, plus souvent et plus durement. Aussi, nous renforçons l'éducation et l'information sanitaires et nous créons un médecin traitant pour les enfants.
Lutter contre les inégalités, c’est également accorder aux patients un droit à l’information. En effet, il y a ceux qui savent s’orienter dans le système de soins, et il y a ceux qui s’y perdent. Aussi, nous créons un numéro de garde unique pour trouver un professionnel de santé près de chez soi, et à toute heure, et nous reconnaissons dans la loi, pour la première fois, le rôle des associations de patients, dont nous valorisons les initiatives sur le terrain. Nous créons également l’action de groupe en matière de santé.
Lutter contre les inégalités, c’est aussi faire tomber les barrières financières. En effet, il y a ceux qui peuvent consulter leur médecin sans se poser de question, ceux qui peuvent acquitter le prix de la consultation, et il y a aussi ceux pour qui la nécessité d’avancer les frais est un obstacle infranchissable. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Répondez à la question !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Aussi, madame la sénatrice, nous mettons en place le tiers payant, effectivement, de manière progressive. Institué dès 2015 pour nos concitoyens qui sont sous le seuil de pauvreté, il sera généralisé en 2017.
Madame la sénatrice, cet objectif de lutte contre les inégalités est très largement partagé, ou pour le moins devrait l’être ! Le Gouvernement a toutefois entendu, ici ou là, que certains points suscitaient des inquiétudes chez les professionnels. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Procaccia. Ici ou là ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Il s’agit, pour une grande part, de malentendus ou de contrevérités, que Marisol Touraine entend lever un à un. C’est pourquoi elle reçoit de nouveau les représentants des médecins libéraux, pour aborder avec eux l’ensemble de ces questions et avancer.
Vous le voyez, madame la sénatrice, la volonté du Gouvernement est claire. Il s’agit d’abord de lutter contre les inégalités, afin que notre système de santé renoue avec sa promesse originelle : être accessible à tous.
C’est dans cette direction que nous entendons œuvrer, en levant les malentendus et les inquiétudes, mais en gardant le cap ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour le groupe du RDSE.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre de l’intérieur, vous le savez pour vous être rendu – à la satisfaction générale, je dois le dire –, à La-Londe-Les-Maures et à Hyères le 29 novembre dernier, le Var, mais aussi les Pyrénées orientales, l’Aude, l’Hérault et l’Aveyron viennent de subir de nouvelles inondations catastrophiques : quatre morts dans le Var et des dégâts du niveau de ceux de janvier 2014, qui ont été alors estimés à 200 millions d’euros.
Plus généralement, vous l’avez constaté, en matière d’inondation notre dispositif d’intervention et de secours donne satisfaction. En revanche, on ne peut en dire autant en matière de prévention et de gestion de l’après-crise, s’agissant notamment de la réparation des dommages, de l’indemnisation des personnes et de l’aide aux collectivités.
Certes, une procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle d’urgence vient d’être mise en place depuis six mois. Vous l’avez d’ailleurs utilisée, en annonçant l’engagement d’une « réflexion pour moderniser le dispositif de soutien de l’État aux collectivités » – je cite le compte rendu du conseil des ministres du 3 décembre dernier.
Or, monsieur le ministre, une telle réflexion a été engagée au Sénat depuis deux ans. Elle a même déjà abouti, grâce au soutien du Gouvernement, à l’inscription dans la loi de dispositions essentielles en matière de prévention. Le Sénat a aussi adopté en première lecture, il y a un an, un ensemble de dispositions relatives en particulier à la gestion de l’après-crise et à la sensibilisation de la population, qui est un véritable problème.
Or ce débat n’a toujours pas pu être inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. D’où ma question, monsieur le ministre : ne pensez-vous pas qu’il serait opportun qu’il puisse l’être un jour et que la réflexion, dont vous ressentez vous-même la nécessité, se nourrisse ainsi de la contribution du Parlement ? Cela a pu être fait lors de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », ce qui prouve que c’est possible.
Aussi, monsieur le ministre, allons-nous continuer à déplorer, ou allons-nous avancer ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et de l’UMP.)
M. Didier Guillaume. Bravo !
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous abordez un sujet que vous connaissez bien. En effet, vous avez été l’auteur d’un rapport parlementaire qui a fait l’objet d’une proposition de loi présentée au Sénat à l’automne 2013 et qui traitait de la question de la lutte contre les inondations et des mesures préventives à prendre.
Comme vous l’avez signalé, je me suis rendu à La-Londe-Les-Maures et à Hyères il y a une quinzaine de jours pour constater les dégâts causés par les inondations, un an après la survenue de dommages déjà très importants, et pour définir avec les élus les modalités d’indemnisation.
Pour répondre très précisément à votre question, trois problèmes se posent.
Le premier d’entre eux porte sur les fonds qui sont destinés à indemniser les collectivités locales, mais aussi les exploitations agricoles et les entreprises en cas d’inondation ou de calamités.
Deux fonds existent, un fonds « calamités » et un fonds « catastrophes naturelles ». Je propose de les fusionner et de faire en sorte qu’aucun gel ne s’applique à eux, de façon que, en fin de gestion, notamment, on puisse allouer à toutes les collectivités locales les sommes dont elles ont besoin pour faire face aux travaux, en particulier en matière de réparation et de lutte contre les inondations. Nous l’avons constaté ensemble à La-Londe-Les-Maures, quelques mois après la décision du Gouvernement de dégager des financements, les procédures administratives ont bloqué l’attribution des fonds.
Le deuxième problème est relatif à la décision d’augmenter le plafond des avances qui sont effectuées par l’État aux collectivités locales pour leur permettre avant présentation des factures de pouvoir financer leurs opérations. Porter ce taux de 15 % à 25 % était d’ailleurs une de vos propositions. Ce serait une bonne manière d’assurer le financement des travaux dans de bonnes conditions.
Troisième problème, lorsque les dégâts sont causés, il faut six mois d’enquête par l’Inspection générale des finances, par les services du ministère de l’écologie, par l’administration du ministère de l’intérieur et par d’autres encore avant que le droit à indemnisation ne s’ouvre. Ce sont beaucoup trop d’inspections mobilisées sur une durée trop longue. Il faut simplifier et raccourcir les procédures pour accélérer le rythme d’indemnisation.
Enfin, dernier point, lorsque les travaux portent sur les cours d’eau ou la lutte contre les inondations, il convient de trouver un bon équilibre entre les règles environnementales et l’urgence. Voilà pourquoi la ministre de l’écologie a envoyé une inspection à La-Londe-Les-Maures. Le Gouvernement entend, en plus de la simplification des procédures, engager une réflexion au profit des collectivités territoriales.
Sur tous ces sujets, votre contribution, monsieur le sénateur, aura été tout à fait décisive. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)
lutte contre le racisme et l’antisémitisme – grande cause nationale (rassemblement de créteil)
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour le groupe socialiste.
M. Yannick Vaugrenard. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, lundi 1er décembre à Créteil, un couple se faisait sauvagement agresser dans son appartement, et la femme était violée. Le caractère antisémite de cet acte odieux est avéré. Au-delà d’une évidente compassion qui s’impose à l’égard de ces personnes, je considère que c’est aussi notre démocratie et notre République qui sont insultées, et le socle de nos valeurs qui est bafoué.
La période que nous traversons est socialement et économiquement particulièrement difficile. Il y en eut d’autres, avec les conséquences dramatiques imprimées dans chacune de nos mémoires. L’histoire ne se répète pas, diront certains. Sans doute, mais il arrive qu’elle bégaie ! Aussi, prenons garde dans ce contexte si particulier aux discours parfois empreints de populisme, qui ciblent les boucs émissaires de tout ce qui va mal, y compris lorsqu’ils prétendent manier l’humour…
Le risque de normalisation de propos intolérants nous impose une vigilance de chaque instant, car de tels discours peuvent aussi armer les mains de personnes malveillantes ou fragiles. Depuis le début de cette année, la France a subi une hausse de 91 % des actes antisémites. Ce chiffre à lui seul fait froid dans le dos.
Ce mal qui ronge notre pays exige une nécessaire prise de conscience individuelle, tout autant qu’un indispensable sursaut collectif.
Monsieur le ministre, l’aspect répressif va de soi, mais il n’est pas suffisant, compte tenu de l’évolution du nombre d’agressions antisémites et racistes. Ne pensez-vous pas qu’il soit nécessaire, notamment avec le ministère de l’éducation nationale, mais aussi avec le monde médiatique et le secteur associatif, de sensibiliser à cette dure réalité, pour endiguer le fléau d’intolérance qui mine notre société ?
Nous assistons trop fréquemment à une forme de banalisation de l’horreur ou à une indignation à géométrie variable, qui ne sont ni acceptables ni supportables. Or le racisme est un, et la lutte contre toute forme de racisme est indivisible. Pour conclure, il me vient à l’esprit cette phrase inscrite à l’entrée du village martyr d’Oradour-sur-Glane : « L’humanité n’est pas un état à subir, c’est une dignité à conquérir ».
Aussi, l’ensemble de nos concitoyens doit comprendre que le respect est dû à tout un chacun et que la liberté, l’égalité et la fraternité ne sont et ne seront jamais négociables dans notre pays, qui est celui des droits de l’homme ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous venez avec beaucoup de force de rappeler ce que sont l’antisémitisme et toutes les formes de haine pouvant ronger la République de l’intérieur et conduire peu à peu, parfois imperceptiblement, à l’abandon des valeurs qui la fondent et auxquelles, collectivement, nous tenons tous dans cet hémicycle.
Je me suis rendu à Créteil dimanche dernier pour participer à la grande manifestation organisée par la communauté juive de cette commune, tout à fait blessée par l’acte abject subi par un jeune couple quelques jours auparavant.
J’ai vu des hommes et des femmes abattus – certains étaient révoltés. J’ai noté dans tous les regards une immense tristesse et, surtout, une incommensurable inquiétude, celle d’une communauté sachant que l’histoire a déjà parlé de façon monstrueuse ; qu’elle a conduit à la déportation, à l’assassinat de millions de juifs – hommes, femmes, enfants, personnes âgées –, dans les conditions que l’on sait ; une communauté qui ne comprend pas, alors que tous ces événements sont encore assez récents, finalement, que l’on puisse ne pas se souvenir.
Vous avez raison, il est important d’organiser une mobilisation générale. Celle-ci est d’autant plus essentielle au vu de ce qui se diffuse, notamment, dans l’espace numérique. Bien des digues sont tombées : dans de nombreux tweets, l’usage de la phrase brève est mis au service des idées courtes, voire de la haine.
Une mobilisation générale s’impose donc. Elle est souhaitée par le Premier ministre, qui s’est à plusieurs reprises exprimé avec beaucoup de force sur ce sujet et qui a souhaité que la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme soit dorénavant rattachée à ses services, de manière à mettre en place une véritable action interministérielle.
Bien entendu, le ministère de l’intérieur, en tant que chargé de la protection des lieux de culte, sera concerné. C’est aussi lui qui, par l’intermédiaire des préfets, porte plainte au titre de l’article 40 du code de procédure pénale chaque fois qu’un acte de haine raciste ou antisémite est constaté.
Le ministère de l’éducation nationale, qui porte avec le ministère de l’intérieur, ministère des cultes, l’ambition de laïcité, sera également mobilisé pour assurer la protection de tous les enfants de la République, pour les rassembler, dans l’école et dans l’espace public, autour de cette valeur fondamentale et de toutes les autres valeurs de la République. Le ministère de la jeunesse et celui de la ville pourront également, de façon transversale, faire entendre un message de lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
Une mobilisation de l’ensemble de la société sera nécessaire. Faut-il rappeler que nous n’étions que 1 500 personnes rassemblées à Créteil ? À d’autres époques, nous aurions été infiniment plus nombreux. Les intellectuels se seraient exprimés, les forces sociales se seraient mises en mouvement.
Par conséquent, il est impératif que cette grande cause devienne la cause de tous et de garder en mémoire cette belle formule de Frantz Fanon : « Quand vous entendez dire du mal des juifs, tendez l’oreille, on parle de vous… » (Applaudissements.)
professions réglementées
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.
Monsieur le ministre, hier, c’était la journée « justice morte » en France – une grande première. Tous les membres et collaborateurs des six organisations professionnelles du droit – le Conseil national des barreaux pour les avocats, le Conseil supérieur du notariat, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, la Chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires et la Chambre nationale des huissiers de justice – étaient en grève pour manifester contre votre projet de loi pour la croissance et l’activité. Les études et les cabinets étaient fermés. Cette mobilisation sans précédent symbolise la colère froide qui se généralise dans notre pays. La tension monte chaque jour un peu plus.
Monsieur le ministre, avec ce projet de loi « fourre-tout », selon l’expression du premier secrétaire du parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, vous avez l’ambition de redresser l’économie française. Je partage cet objectif, je l’encourage même.
Selon vous, l’un des moyens pour l’atteindre serait de réformer les professions réglementées, notamment les professions juridiques. Ces dernières sont les garantes de la sécurité juridique des Français. La plus grande vigilance s’impose donc. Ce que l’on vous reproche, monsieur le ministre, c’est votre précipitation et une concertation a minima des organisations professionnelles concernées. L’étude d’impact de l’avant-projet de loi pour les professions juridiques est une suite d’approximations et d’interprétations de chiffres et de faits.
Le Conseil d’État a émis le 8 décembre dernier des réserves sur une mesure phare de votre projet de loi : la liberté d’installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs. Il estime qu’il y a une rupture caractérisée d’égalité devant les charges publiques.
Par ailleurs, les professionnels s’étonnent, à juste titre, que le Premier ministre ait confié au ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique la tâche de réformer les professions juridiques réglementées, et non au ministère de la justice.
Je vous demande donc aujourd'hui d’écouter les professionnels du droit en France. Pour cela, monsieur le ministre, donnez-vous du temps pour un dialogue constructif. C’est la seule méthode qui permettra d’engager une modernisation attendue de l’exercice de ces professions réglementées.
Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas retirer de votre projet de loi tous les articles concernant les professions juridiques, afin de les intégrer, modifiés, dans le projet de loi relatif à la justice du XXIe siècle, qui sera présenté au printemps de 2015 par la Chancellerie ? Ne pensez-vous pas que ce temps nécessaire au dialogue et à la concertation tant demandés par ces professions évitera de cristalliser les oppositions et de renforcer les blocages ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie.
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je respecte ces professionnels du droit, qui ont manifesté hier, et j’entends leurs demandes. Je les ai d’ailleurs reçus avec la garde des sceaux. De plus, j’ai participé hier soir, avec certains d’entre vous, à un débat avec les huissiers de justice, preuve que je sais toujours me montrer présent lorsqu’il s’agit d’échanger des idées.
Au demeurant, je m’étonne que l’on puisse manifester contre un projet de loi le jour même de son dépôt, sans vraisemblablement en avoir pris connaissance. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Procaccia. Il a été déposé : tout le monde le connaît !
M. Emmanuel Macron, ministre. Toutefois, peu importe : notre vie politique est ainsi faite !
Monsieur le sénateur, en est-il des réformes comme des économies ? En effet, vous en voulez toujours davantage, mais vous êtes toujours contre celles que l’on fait ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Nous voulons de bonnes réformes !
M. Emmanuel Macron, ministre. Les bonnes réformes, ce sont sans doute celles que vous n’avez pas faites pendant dix ans !
Avec les réformes, c’est toujours la même chose : « Faites-les ailleurs, mais pas chez moi » ! (Mêmes protestations sur les mêmes travées.) C’est votre spécialité ! Il faudrait les faire non pas pour les professions réglementées, mais pour les salariés ; pas ici, mais chez les autres. Cela n’a pas de sens !
M. Alain Gournac. Arrêtez !
M. Emmanuel Macron, ministre. L’esprit de ce projet de loi, c’est de débloquer la société française partout où elle peut l’être ; c'est de moderniser les conditions de notre fonctionnement partout où elles peuvent l’être. En l’espèce, je ne peux en aucun cas vous laisser dire que c’est un projet qui est uniquement porté par Bercy.
Le Premier ministre l’a dit hier et l’a répété ici aujourd'hui, ce projet de loi est porté également par la garde des sceaux, qui le défend et qui a contribué à le préparer.
Mme Catherine Procaccia. Ce n’est pas ce qu’elle écrit dans Le Monde !
M. Emmanuel Macron, ministre. Lisez le texte qui a été déposé hier : elle est la garante de ce dispositif !
Revenons-en au sujet précis. Finalement, ce que vous défendez in concreto, c’est l’existence intangible d’intérêts acquis. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Non, nous défendons l’emploi !
Mme Catherine Procaccia. Et le dialogue social !
M. Emmanuel Macron, ministre. Parlons concrètement de l’emploi : la liberté d’installation que nous proposons, c'est une liberté régulée, qui ne déstabilise ni les territoires ni les professionnels en place. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Elle permettra de créer – le texte le garantit – plusieurs offices notariaux, donc de l’activité et de l’égalité d’accès à l’emploi.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Aujourd’hui, rien ne justifie que, dans le système dans lequel nous vivons, l’emploi et l’entreprenariat soient réservés à quelques-uns. Oui, je crois que l’on peut préserver l’égalité (Protestations sur les travées de l'UMP.),…
M. Alain Gournac. Et vous y croyez ?
M. Emmanuel Macron, ministre. … la sécurité juridique et les fondements de notre République – c'est ce que fait ce texte de loi – et, en même temps, créer de l’activité et réformer.
M. Alain Gournac. Et vous y croyez ?
M. Emmanuel Macron, ministre. La réforme doit être partagée par tous, de même que l’effort ne vaut que s’il est partagé par tous. C'est ainsi qu’ils seront efficaces ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle à la suite des intempéries dans le sud
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe UMP.
M. Alain Marc. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, lequel est d’ailleurs déjà intervenu sur le sujet que je vais aborder.
L’Aveyron a connu il y a quelques jours, comme d’autres départements du sud de la France – l’Hérault, l’Aude, le Var et les Pyrénées-Orientales –, des intempéries d’une violence inouïe.
Je tiens à saluer ici la mobilisation exceptionnelle des secours – pompiers, gendarmes, policiers –, mais aussi la qualité de l’action des bénévoles qui, par solidarité et avec efficacité, sont intervenus auprès des sinistrés.
La ville de Saint-Affrique, par exemple, a subi des inondations catastrophiques d’une importance jamais connue dans l’histoire de cette commune de 9 000 habitants. Vous avez été très réactif, monsieur le ministre, en prenant quelques arrêtés de catastrophe naturelle pour que les biens assurés bénéficient de cette procédure. Je vous en remercie au nom des populations concernées.
Toutefois, nous apprenons ce matin que dix communes de l’Aveyron – Coupiac, Tournemire, Saint-Rome-de-Cernon, La Bastide-Pradines, Brousse-le-Château, Combret, Lapanouse-de-Cernon, Martrin, Saint-Beauzély, Saint-Juéry – n’ont pas bénéficié à ce jour de l’arrêté de catastrophe naturelle. Je sais que vous allez faire le maximum, monsieur le ministre, pour que soient résolus le plus rapidement possible ces problèmes qui, semble-t-il, sont d’ordre technocratique.
Nous ne comprendrions pas, en effet, que ces communes qui ont subi des dégâts très importants ne soient pas retenues dans cette catégorie, et nous attendons une réponse de votre part sur ce sujet.
Pour ce qui est des biens non assurables des collectivités locales touchées par ces intempéries, les dégâts se chiffrent, dans un département comme l’Aveyron, à plusieurs millions d’euros. Il s’agit du patrimoine routier, comme les chaussées et les ponts, ce qui représente de 3 à 4 millions d’euros pour le seul conseil général de l’Aveyron, mais aussi de stades et de nombreuses autres infrastructures de communes et communautés de communes.
Monsieur le ministre, nous en appelons à la solidarité nationale, que ce soit au travers du fonds de solidarité ou, éventuellement, au travers de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR.
Vous avez annoncé récemment, avant les intempéries, une augmentation sensible de la DETR au niveau national. L’urgence et la gravité de la situation pourraient-elles permettre de flécher cette augmentation vers les départements qui ont le plus souffert de ces événements climatiques d’une grande violence, même si ce n’est pas la vocation initiale de ce fonds ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué les inondations et les intempéries qui ont eu lieu dans l’Aveyron et la situation des communes particulièrement touchées – je pense notamment à la commune de Saint-Affrique, que vous avez citée.
J’ai souhaité qu’un arrêté de catastrophe naturelle soit pris lors du conseil des ministres qui a eu lieu juste après ces intempéries, de manière à ce que l’indemnisation des collectivités concernées puisse être effective dans des délais brefs. Néanmoins, vous avez raison de dire que, si cet arrêté permet à 23 communes de demander une indemnisation, certaines n’ont pas été retenues.
J’ai indiqué à certains de vos élus que, dans les dix prochains jours, il pourra être procédé à l’examen attentif de la situation de ces collectivités, afin qu’aucune commune victime de ces intempéries ne soit laissée sur le bord du chemin.
Nous devons faire en sorte que les financements interviennent rapidement pour les 23 communes de l’Aveyron et pour la dizaine dont la situation est encore en cours d’examen, comme pour les 178 communes des autres départements concernées par ces arrêtés.
Vous avez également évoqué la dotation d’équipement des territoires ruraux, dont le Premier ministre a annoncé qu’elle serait augmentée assez significativement en 2015. Vous me demandez s’il est possible d’affecter cette dotation aux collectivités locales qui ont fait l’objet d’intempéries.
Deux éléments de réponse peuvent vous être apportés.
Tout d’abord, il appartient au préfet de déterminer, en concertation avec les élus locaux, les conditions d’allocation de ces fonds – c’est le sens des instructions que je leur ai données, tout particulièrement pour les départements touchés par les inondations.
Ensuite, il est souhaitable et possible de cumuler la dotation d’équipement des territoires ruraux avec le fonds « calamités » et le fonds « catastrophes naturelles », dans une limite de 80 % de taux de subvention pour les collectivités locales concernées.
Voilà quelles sont les règles. Vous pouvez constater, monsieur le sénateur, qu’elles permettent une concertation avec les collectivités et une indemnisation dans de bonnes conditions.
S’y ajouteront les mesures que j’ai annoncées précédemment à votre collègue Collombat et qui s’inscrivent dans le cadre de la réforme du processus de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. En effet, il ne sert à rien d’examiner rapidement les arrêtés en conseil des ministres si le délai d’application est long : au final, on n’aurait alors rien gagné par rapport à la situation qui prévalait avant l’instauration de la procédure accélérée.
Il faut donc fusionner les fonds, simplifier les inspections et augmenter les avances pour permettre aux collectivités locales les plus affectées par ces catastrophes naturelles d’être indemnisées avant même la présentation des factures. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
lancement de la fusée ariane 6