Mme la présidente. Mes chers collègues, nous n’avons pas achevé dans le temps qui nous était imparti l’examen de la proposition de loi relative à la protection de l'enfant.
La suite de la discussion est renvoyée à la séance du mercredi 28 janvier 2015.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
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Attentat au centre culturel français de Kaboul
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous venons d’apprendre que le centre culturel français de Kaboul avait été frappé par un attentat commis par un kamikaze. Cet attentat a fait au moins un mort et sans doute d’autres victimes.
Cet acte, aussi ignoble que lâche, ne peut que susciter notre indignation. En cet instant, nos pensées à tous vont aux victimes et à leurs familles.
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Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l'auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
suicides en guyane chez les peuples autochtones
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour le groupe écologiste.
M. Jean Desessard. Ma question s'adresse à Mme la ministre des outre-mer et porte sur le plan de lutte contre le suicide en Guyane.
Madame la ministre, le 16 avril 2014, ma collègue Aline Archimbaud vous a interrogée sur le taux élevé de suicide chez les populations autochtones en Guyane. Ce taux est en effet largement supérieur à celui qui est enregistré en métropole.
Dans l’Hexagone, on compte un décès par suicide par an pour 5 000 habitants, ce qui est déjà un taux très important – l’un des plus élevés à l’échelon européen. Sur les rives du Haut-Maroni, lieu de vie des Amérindiens, on compte un suicide pour 200 habitants, selon l’association ADER – Actions pour le développement, l’éducation et la recherche –, soit vingt-cinq fois plus qu’en métropole.
Madame la ministre, vous aviez alors répondu que le Gouvernement « avançait dans l’intérêt des populations autochtones ». Vous aviez rappelé la poursuite du plan préfectoral de janvier 2011 de lutte contre le suicide, la création d’écoles de proximité et la prise en compte des langues amérindiennes dans l’éducation pour lutter contre l’acculturation, source de mal-être pour ces populations.
Huit mois après cette question, le moment est venu de dresser un premier bilan de l’action du Gouvernement. Disposez-vous de chiffres précis sur les suicides chez les Amérindiens, madame la ministre ?
D’après nos informations, qui ont motivé cette question, au moins trois suicides d’Amérindiens ont été recensés le mois dernier, deux dans la commune de Camopi et un dans le village d’Antecume Pata. Le problème est donc loin d’être résolu.
Pourtant, des solutions existent. En juillet 2013, à la suite d’une mission d’information de la commission des affaires sociales sur l'organisation du système de soins de premier recours et sur la prévention du suicide au Québec, la commission a rédigé un rapport dans lequel elle identifiait plusieurs bonnes pratiques mises en place au Québec.
Il s’agissait, entre autres, d’un travail de suivi sur les causes des suicides en partenariat avec des universitaires en sciences humaines, de la mise en place d’un service d’écoute téléphonique très réactif, d’un suivi personnalisé par des agents de liaison et d’un réseau de sentinelles au sein de la population.
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.
M. Jean Desessard. Ces mesures ont fait leurs preuves : entre 2000 et 2010, le taux de mortalité par suicide a diminué de 38 % au Québec.
Madame la ministre, mes questions sont les suivantes : le plan de 2011 est-il efficace ? Sinon, pouvez-vous l’améliorer, voire le changer ? Et quand comptez-vous mettre en place ce nouveau plan ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.
Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, avant de répondre à la question de M. Desessard, d’adresser, au nom du Gouvernement, nos condoléances aux familles de La Réunion qui ont été endeuillées par un grave accident ayant entraîné la mort de cinq jeunes.
Monsieur Desessard, le nombre important de suicides de jeunes et de moins jeunes dans la communauté des Amérindiens nous préoccupe fortement. Il montre les difficultés d’accès à la modernité de ceux qui ont un mode de vie traditionnel, comme c’est le cas de ces populations.
À la suite de la question de Mme Archimbaud, nous avons relancé les procédures en cours à la préfecture de la Guyane, afin d’établir un dialogue plus approfondi avec les populations amérindiennes.
Des équipes de santé – des psychiatres pour adultes et des pédopsychiatres – se déplacent dans les sites isolés, et des groupes de travail et de parole ont été mis en place pour les jeunes. Toutefois, il est vrai que, pour l’instant, la répétition des suicides montre que nous sommes encore loin du compte. Par conséquent, une mission de l’inspection générale sera désignée et se rendra sur place afin de dresser le bilan de ce qui s’y fait aujourd'hui.
Par ailleurs, lors de mon voyage en Guyane, prochainement, je rencontrerai le Conseil consultatif des peuples amérindiens et bushinengué, afin que ces populations soient mieux associées à la politique menée et mieux prises en compte. Les communes de l’intérieur ont un interlocuteur attitré, ce qui permet un suivi régulier des problèmes que rencontrent les populations, notamment les jeunes.
La question de l’accès à l’école avait également été soulevée. Dans ces communes enclavées, les jeunes doivent trop souvent quitter leur famille pour être scolarisés. Ils sont alors admis en internat, à des distances considérables de chez eux. Nous examinons donc avec le recteur de la Guyane la possibilité d’implanter des écoles au plus près de ces jeunes, afin qu’ils ne se sentent pas trop perdus.
Ce sujet est important. Si un groupe de travail devait être constitué sur cette question, je serais heureuse qu’un grand nombre de sénateurs y soit associé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
projet de loi pour la croissance et l'activité
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe CRC.
M. Pierre Laurent. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.
Monsieur le ministre, vous avez présenté hier votre projet de loi pour la croissance et l’activité. Il consacre la déréglementation sociale à tous les étages, conformément, une nouvelle fois, aux vœux du MEDEF. (Murmures sur les travées de l'UMP.)
Pourtant, il y a quelques jours, dans un élan de sincérité aussitôt réprimé, vous avez reconnu l’échec du pacte de responsabilité, inspiré par les mêmes !
M. Roger Karoutchi. Ah oui !
M. Pierre Laurent. Monsieur le ministre, pourquoi persister dans l’erreur ?
Pourquoi déposer ce projet de loi fourre-tout, sur lequel d’ailleurs le Conseil d’État émet d'importantes réserves ? Ce texte n’a en fait qu’un seul fil conducteur : la dérèglementation du code du travail et la fin de la régulation publique.
Pourquoi asservir encore davantage les salariés et satisfaire les exigences du patronat en généralisant le travail du soir et du dimanche ? Car, vous le savez bien, le volontariat, en l’espèce, ce n’est que de la blague !
Pourquoi libéraliser les transports en autocars, au détriment des petites lignes ferroviaires ?
Pourquoi ne pas renationaliser les autoroutes, sachant que la rente autoroutière a permis aux grands concessionnaires du bâtiment et des travaux publics de s’engraisser depuis la privatisation ?
Pourquoi privatiser les aéroports de Nice et de Lyon, après celui de Toulouse ?
Pourquoi privatiser nos entreprises de défense GIAT et Nexter ?
Votre projet de loi ne prévoit rien d’autre que la liberté d’exploiter. C’est un texte contre les libertés de 99 % de la population.
Pourquoi mettre en cause les prud’hommes et dépénaliser le délit d’entrave ? Pourquoi donner aux patrons le pouvoir unilatéral de fixer l’ordre des licenciements dans les plans de sauvegarde de l’emploi ? Toutes ces mesures figurent dans votre projet de loi !
Pourquoi instaurer l’insécurité juridique pour tous ? Pourquoi mettre en concurrence les professions réglementées et prévoir une justice sur mesure pour l’entreprise, en créant le statut d’avocat en entreprise ?
Pourquoi le projet de loi ne prévoit-il rien contre le recours aux travailleurs détachés ? Pourquoi vous contentez-vous de mots contre le travail détaché illégal, alors que c’est le principe même de la directive sur les travailleurs détachés qui est en cause ?
Je vous le dis, monsieur le ministre, votre projet de loi va diviser la France, les travailleurs et la gauche. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Dallier. C’est déjà fait !
M. Pierre Laurent. Si vous continuez à trahir vos électeurs, cela aura de graves conséquences lors des prochains rendez-vous électoraux.
M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.
M. Pierre Laurent. J’invite tous les sénateurs de gauche,…
Mme Catherine Procaccia. Ils ne sont pas nombreux !
M. Pierre Laurent. … tous ceux à qui l’égalité tient à cœur, à ne pas accepter ce énième recul de civilisation.
Monsieur le ministre, je vous demande d’entendre la colère qui monte déjà de toute la gauche (Protestations sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP.), ainsi que du monde syndical. Je vous demande de retirer votre projet de loi avant qu’il ne soit trop tard. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie.
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Monsieur le sénateur, à la série de vos « pourquoi », j’ai envie de rétorquer : « parce que », mais vous avez fait une telle caricature que je me dois de vous répondre de manière précise !
Je ne sais pas de quoi vous parlez. Je ne sais d’ailleurs même pas si vous avez lu le texte qui a été déposé hier en conseil des ministres. (Protestations sur les travées du groupe CRC. – Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
Mme Éliane Assassi. L’utilisation du mépris n’a jamais fait avancer le débat !
M. Emmanuel Macron, ministre. En effet, vous avez déploré l’absence de sanctions contre les travailleurs détachés, monsieur le sénateur, alors que le texte prévoit de les accroître. Vous ne l’avez donc pas lu !
Monsieur le sénateur, de quelle France parlez-vous ? Et quelle gauche voulez-vous ?
Mme Éliane Assassi. Pas la vôtre !
M. Emmanuel Macron, ministre. Telle est la bonne question. Aujourd'hui, quelque 30 % des Français travaillent le dimanche.
M. Pierre Laurent. C’est bien suffisant !
Mme Michelle Demessine. C’est déjà trop !
M. Emmanuel Macron, ministre. La France dont nous parlons travaille donc et consomme le dimanche. Et elle travaille trop souvent sans compensations.
Ce projet de loi permettra de donner plus de libertés sur le terrain et d’offrir des compensations partout où c’est possible. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Nous ne nous payons pas seulement de mots en ces lieux, monsieur le sénateur, nous proposons une véritable mesure de justice et d’égalité !
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas vrai !
M. Emmanuel Macron, ministre. La France dans laquelle nous vivons vous et moi, monsieur le sénateur, est un pays dans lequel les accès aux territoires sont insuffisants et où on ne peut pas se déplacer comme on veut. Pour ceux qui n’ont pas d’argent, qui ne peuvent prendre le train ou qui ne possèdent pas de véhicule particulier, l’ouverture des lignes d’autocar est une mesure de justice. C’est aussi une mesure d’activité.
Mme Éliane Assassi. Il faut augmenter les salaires !
M. Emmanuel Macron, ministre. Cela se fait chez nos voisins, et c’est une bonne mesure. Dès ce matin, des industriels du secteur se sont d’ailleurs engagés à créer des emplois. Vous devriez vous en féliciter !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Où sont les emplois ?
M. Emmanuel Macron, ministre. La gauche qui est derrière ce projet de loi, monsieur le sénateur, n’est pas celle qui regarde vers le passé et qui rêve d’une France qui n’existe plus.
M. Roger Karoutchi. Ah !
M. Emmanuel Macron, ministre. C’est la gauche qui regarde la France telle qu’elle est, dans le monde d’aujourd'hui,…
M. Jackie Pierre. Cela s’appelle la droite ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Emmanuel Macron, ministre. … mais peut-être ne vous plaît-elle pas.
La véritable gauche doit y recréer des égalités d’accès et donner plus de capacités aux Français. Elle doit offrir plus de droits réels. Il n’est pas besoin de dépenser de l’argent public pour cela, monsieur le sénateur, ou d’en revenir aux vieilles lunes !
Pour finir, j’évoquerai les prud’hommes. Doit-on se féliciter d’une justice trop lente, dont les résultats sont incertains et qui est profondément injuste du fait de son fonctionnement ? Oui, les prud’hommes sont une belle idée, mais c’est une belle idée qui ne marche pas.
Mme Michelle Demessine. Si, elle marche ! Pas pour les employeurs, mais pour les salariés.
M. Emmanuel Macron, ministre. Nous devons donc mieux faire fonctionner cette belle idée. François Rebsamen, Christiane Taubira et moi-même avons souhaité conserver le principe paritaire, mais nous réduirons les délais, nous améliorerons la formation des juges, afin que le droit du travail soit moins instable et fonctionne mieux pour les salariés les plus fragiles…
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin. Enfin un ministre de droite ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Emmanuel Macron, ministre. Plus d’égalité, plus de justice : c’est cela, la gauche ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. La droite vous applaudit !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous, vous votez tous les jours avec la droite !
projet de loi pour la croissance et l'activité
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour le groupe socialiste.
M. Didier Guillaume. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, nous le savons, et nous l’avons vu encore au travers de la question qui vient d’être posée, de trop nombreux Français souffrent parce qu’il y a encore beaucoup trop d’inégalités dans notre pays. Ces inégalités sont économiques, sociales et territoriales.
En deux ans, le Gouvernement a déjà fait beaucoup. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. Qu’il en fasse moins !
M. Didier Guillaume. Toutefois, aujourd'hui, nous devons affirmer, comme vous l’avez fait hier dans un discours, monsieur le Premier ministre, que la lutte contre les inégalités doit être au cœur de la démarche du Gouvernement. Elle doit, en tout cas, être au cœur du mouvement de gauche dans ce pays.
Mme Éliane Assassi. Vraiment ?
M. Didier Guillaume. Vous avez souhaité placer la seconde partie du quinquennat sous le signe de la lutte contre les inégalités.
Nos concitoyens le constatent, M. le ministre de l’économie vient de le rappeler, la France est bloquée, figée. Dans un sondage CSA publié aujourd’hui dans un grand quotidien du soir, quelque 84 % des Français soutiennent l’idée de la réforme, du changement, de la rénovation de ce pays. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Ils sont 57 % à vouloir faire la révolution !
M. Jackie Pierre. Ils veulent l’alternance !
M. Didier Guillaume. Ils sont prêts à accompagner les réformes,…
Mme Éliane Assassi. Ils veulent la retraite à 60 ans !
M. Didier Guillaume. … à condition, je le pense, qu’elles soient justes et protectrices, qu’elles aient du sens et de la cohérence.
Aussi, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous éclairer le Sénat sur la feuille de route de votre gouvernement pour la lutte contre les inégalités de cette seconde partie du quinquennat, afin que nos concitoyens aient des raisons objectives d’espérer et retrouvent confiance ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, nous avons en effet présenté hier, avec le ministre de l’économie et tous les membres du Gouvernement concernés, les grandes orientations du projet de loi pour la croissance et l’activité.
Le ministre de l’économie vient de le souligner, ce texte veut donner la capacité à notre pays d’utiliser tous les leviers pour la croissance, la compétitivité et l’investissement ; s’il y a une inégalité dans notre pays, en effet, c’est bien celle qui est liée au chômage.
Il s’agit donc d’un texte pour l’emploi et le pouvoir d’achat. Je le dis très clairement ici, il n’a qu’un seul objectif : servir l’intérêt général et lever tous les blocages et les freins à la croissance, en libérant les énergies et en stimulant l’économie. Pour cela, il faut ouvrir un certain nombre de secteurs ; il faut simplifier de nombreuses procédures. Il faut donc permettre que des changements concrets aient lieu dans la vie quotidienne des Français.
Nous devons lutter contre les conservatismes et contre les phénomènes de rente. Je suis d’ailleurs étonné qu’ici même, dans la partie la plus à gauche de cet hémicycle, on privilégie la rente (Protestations sur les travées du groupe CRC.),…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est honteux !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … alors que ce pays a besoin de libération, de changement, d’énergie.
M. Pierre Laurent. Où est la taxe Tobin ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Depuis l’élection de François Hollande, nous avons beaucoup agi, en luttant contre l’immobilisme.
Nous le faisons pour renforcer le pays, mais aussi pour l’égalité, cette belle idée française, cette valeur fondamentale de la République. C’est d’ailleurs le sens de l’action du Gouvernement : la retraite à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler tôt, le compte pénibilité (Exclamations sur les travées de l’UMP.), qui fait débat, la modulation des allocations familiales,…
M. Robert del Picchia. Oh là là !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … c’est aussi plus d’égalité !
Lorsque nous refondons l’école de la République, lorsque nous créons 60 000 postes d’enseignants, lorsque nous mettons en œuvre la réforme des rythmes scolaires, c’est aussi plus d’égalité ! (Mme Dominique Gillot et M. Jean-Louis Carrère applaudissent.)
Lorsque nous créons des postes de policiers, de gendarmes et de magistrats, détruits sous le quinquennat précédent, c’est encore plus d’égalité ! Nous le savons bien, en effet, l’insécurité et la délinquance frappent les plus faibles et les plus modestes de notre société.
Dans le même temps, il faut regarder les choses en face ; vous le faites, d'ailleurs, monsieur le sénateur. Notre pays fait front à une montée des inégalités, à des fractures sociales et territoriales. La ministre Najat Vallaud-Belkacem pourrait rappeler les chiffres du classement PISA. L’effondrement de notre pays dans ce classement au cours de ces dix dernières années est dû aussi à l’absence de moyens et au fait que l’école n’était pas érigée en priorité.
D’ailleurs, monsieur Laurent, quand vous ne votez pas le budget de la nation, lequel, pour la première fois, fait de l’école de la République le premier poste de dépense, je m’étonne que vous vouliez nous donner des leçons de républicanisme, de progrès et de gauche ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. Pierre Laurent. Ce sont les enseignants qui manifestent !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Il faut combattre les inégalités avant même qu’elles se créent, à la racine. C’est le travail que nous devons mener dans les domaines du logement, de la santé et de l’école, qui sont des priorités.
Demain, à l’occasion d’une réunion des ministres et des secrétaires d’État, je présenterai l’agenda des réformes pour les deux ans qui viennent, jusqu’à la fin du quinquennat, afin de mieux éclairer l’avenir.
Nous l’avons bien montré hier et, au fond, c’était un beau symbole : à midi, après le conseil des ministres, nous avons présenté le projet de loi qui vise à redonner de la force à la croissance ; le soir, je me suis exprimé sur l’égalité. La gauche, quand elle gouverne, marche sur ses deux jambes : elle soutient la compétitivité et fait tout pour l’égalité. C’est comme cela que nous retrouverons pleinement, je crois, la confiance des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
Mme Éliane Assassi. Rendez-vous en mars prochain !
gouvernance du groupement d’intérêt public pour la création du parc national des forêts de champagne et de bourgogne
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour le groupe UDI-UC.
Mme Anne-Catherine Loisier. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ; elle porte sur la création du parc national des forêts de Champagne et de Bourgogne, qui suscite de vives réactions localement.
Ce projet de parc national, je le rappelle, était le premier projet de parc de feuillus de plaine. Il a été présenté par le Premier ministre de l’époque lui-même, M. François Fillon, en 2009, et il a été adopté par plus de 90 % des acteurs locaux.
M. Simon Sutour. C’est une question pour le mardi matin !
Mme Anne-Catherine Loisier. Malheureusement, cette version, légitimée sur le territoire concerné, n’a pas été prise en considération par les services du ministère de l’écologie, au motif qu’elle n’était pas suffisamment ambitieuse.
Pourtant, la préfiguration de ce parc était le fruit d’une volonté à la fois politique et locale de constituer un premier grand parc national forestier de feuillus, compte tenu de la présence importante de grands massifs forestiers domaniaux et de nombreuses forêts communales et privées.
Dans une lettre de recadrage adressée au groupement d’intérêt public, le GIP, du futur parc national en février 2013, les services du ministère de l’écologie ont remis en cause le projet initial et déclenché la colère de la profession agricole, mais aussi des forestiers publics et privés, en intégrant de manière autoritaire, dans la zone de cœur, des terres agricoles et des forêts communales et privées.
La difficulté vient de ce que de nombreuses exploitations agricoles situées dans ces zones dites « intermédiaires », donc à faible potentiel de production, ont la nécessité impérieuse de recourir à des engrais et des intrants pour obtenir des rendements indispensables à leur survie. Elles ne peuvent donc pas supporter de contraintes environnementales supplémentaires.
Les communes forestières, quant à elles, ont à de nombreuses reprises affirmé leur attachement au principe de libre adhésion des forêts communales.
Considérant notamment l’importance de la filière forêt-bois locale, il n’est pas question de fragiliser l’économie de ce territoire. Dans le contexte actuel, à l’heure où l’on nous invite à mobiliser encore plus de bois et encore plus de ressources pour mieux approvisionner les entreprises locales, qui se sont d’ailleurs manifestées récemment, une telle initiative serait donc préjudiciable.
Le mécontentement du monde agricole et forestier est d’autant plus profond que ses revendications n’ont pas été entendues lors des dernières instances de concertation.
M. le président. Veuillez poser votre question, ma chère collègue.
Mme Anne-Catherine Loisier. C’est pourquoi, en cette période de consultation institutionnelle, je me fais l’écho des acteurs de ce territoire pour demander à Mme la ministre de l’écologie de réellement prendre en compte les attentes, c’est-à-dire de revoir à la baisse le périmètre de la zone d’études et les surfaces des terres agricoles du cœur, de respecter la libre adhésion des communes forestières et des propriétaires privés, d’assurer l’équilibre cynégétique, enfin, d’identifier clairement et de proportionner les contraintes réglementaires imposées aux acteurs économiques du territoire. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser Ségolène Royal, qui se trouve actuellement à Lima pour préparer la conférence sur le climat. (Oh ! sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Longuet. Voilà un déplacement qui représente beaucoup de CO2 ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Le principe de la création d’un parc national de forêt de plaine dans les régions Champagne-Ardenne et Bourgogne a été inscrit dans la loi Grenelle I. Avant la création du parc, le projet doit néanmoins passer par une étape de prise en considération menée par un groupement d’intérêt public, le GIP, constitué à cet effet.
Le GIP a engagé une large consultation locale sur ce projet. Cette concertation doit s’achever en janvier prochain, le GIP devant délibérer en février 2015. À l’issue de ce processus, une consultation de niveau national sera ouverte et la proposition de l’arrêté de prise en considération sera soumise à la signature du Premier ministre.
En l’état, aucune décision n’est prise sur la réglementation des activités forestières dans le cœur du futur parc, bien que la loi dispose que ces activités sont forcément réglementées. Le projet du GIP est de récréer une filière bois locale, approvisionnée localement, de manière à ce que le bois soit mieux valorisé, tout en reconnaissant que la production sera inférieure.
L’association départementale des communes forestières de Côte-d’Or, que vous présidez, madame la sénatrice, participe d’ailleurs à une étude sur la valorisation de la ressource bois sur le territoire du futur parc. Le périmètre du cœur devra, en ce qui le concerne, être cohérent et fonctionnel. Il ne peut donc être constitué uniquement de forêts domaniales, ce qui créerait un périmètre en peau de léopard.
Il restera toutefois, en très grande majorité, composé de forêts, ce qui conduit à relativiser considérablement les craintes que certains agriculteurs pourraient avoir pour leur activité. Les espaces agricoles, qui seraient le cas échéant inclus dans le cœur, pourraient être des secteurs de prairie humide dans les secteurs de sources à fort enjeu écologique. La réglementation du cœur n’aura en tout état de cause pas vocation à interdire l’agriculture, pas plus d'ailleurs que la chasse.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. La réglementation applicable devra se faire en étroite concertation avec l’ensemble des parties prenantes.
Certaines communes membres du GIP entendent en sortir en espérant que cela leur permettra de quitter le projet. C’est une appréciation erronée, puisque le GIP n’est que la structure d’organisation de la concertation et que la fixation du périmètre est totalement indépendante de ses statuts.
La création d’un parc est une vraie chance pour les territoires. Pour preuve, deux parcs en France, le parc national de la Guadeloupe et le parc national des Pyrénées, ont été classés au sommet de la liste verte de l’Union internationale pour la conservation de la nature. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
grève des médecins prévue pendant les vacances de noël