M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de l’enseignement scolaire pour l’année 2015 nous sont donc soumis aujourd’hui.
C’est un budget ambitieux, madame la ministre. En hausse de 3 %, il traduit bien la priorité accordée à la jeunesse par le Président de la République, priorité respectée depuis deux ans.
C’est un budget courageux, disons-le, dans le contexte financier que subit notre pays. On ne peut que s’en féliciter. Ce budget redevient le premier de la Nation, devant le remboursement de la dette. Enfin !
C’est un budget cohérent, aussi, qui soutient les grands objectifs de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, adoptée ici même il y a maintenant deux ans. Ce budget traduit en effet concrètement la création de milliers de postes, destinés en priorité à l’enseignement primaire.
Jusqu’à présent, notre pays dépensait 34 % de moins pour un élève de l’enseignement primaire que pour un élève du secondaire. Le rattrapage entrepris depuis 2012 était donc tout à fait indispensable et urgent.
Monsieur le rapporteur pour avis, lorsque vous écrivez qu’il s’agit là d’« un schéma d’emplois dangereux et difficilement soutenable », je suppose que vous proposez la fin des recrutements d’enseignants…
Dans ce cas, il va vous falloir aller expliquer sur le terrain la fameuse règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, voire plus, si j’ai bien compris.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Pas de problème, c’est déjà fait ! Cela n’a pas mal réussi, d’ailleurs.
Mme Françoise Cartron. Il va vous falloir aller expliquer que, oui, il est normal de fermer telle ou telle classe pour rationaliser les dépenses et que cela améliorera le service public de l’éducation.
Il va vous falloir aller expliquer que, oui, toutes ces petites écoles rurales, en particulier en montagne, coûtent cher et qu’elles devront être supprimées.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Pas du tout !
Mme Françoise Cartron. M. Longuet a l’air prêt à le faire, d’après ce que j’ai entendu.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Ce n’est pas ce qu’il a dit !
Mme Françoise Cartron. Il va vous falloir aller expliquer que, oui, l’accès à l’école maternelle des enfants de moins de trois ans dans les secteurs difficiles représente un coût inutile et que l’on doit y renoncer, dans l’intérêt de l’enfant, bien sûr !
Nous avons d’ailleurs déjà entendu le vieux refrain selon lequel l’école maternelle ne serait rien d’autre qu’une garderie. Pourquoi ne pas faire resurgir ces fameux « jardins d’éveil » dont le succès a été si éblouissant ?
Lorsque vous rencontrerez les élus lors de votre prochaine campagne électorale, n’oubliez pas de leur dire que le programme « Plus de maîtres que de classes » consomme trop de postes et qu’un seul maître par classe suffit bien, même face à trente élèves.
Il faudra expliquer tout ceci dans nos territoires, mes chers collègues !
Faites donc preuve de courage et ne préconisez pas des solutions applicables partout, sauf dans votre circonscription !
Allez même plus loin encore ! Vous semblez admettre qu’un effort est nécessaire en faveur du premier degré, mais, dans le même temps, monsieur le rapporteur pour avis, vous vous opposez « fermement à la poursuite de recrutements massifs menés par le ministère ». Dites donc haut et fort qu’il faut supprimer des postes dans le second degré et revoir la carte des options très coûteuses en moyens et parfois source d’inégalités entre les établissements.
Reconnaissez que M. Sarkozy, le nouveau président de votre formation politique, a annoncé la suppression de 30 % de postes pendant sa campagne interne. Faites preuve de responsabilité et allez expliquer pourquoi et comment vous allez supprimer 200 000 postes d’enseignants en France, car c’est le chiffre ahurissant qui se cache derrière ce taux !
Mes chers collègues, apprécions donc à sa juste valeur le projet de budget qui nous est aujourd'hui présenté.
C’est un budget qui, comme les années précédentes, donne à l’école de la République, à ses enseignants, à ses élèves, les moyens nécessaires pour relever le défi primordial pour le devenir et la prospérité de notre pays, celui de la connaissance partagée par tous.
C’est également un budget qui permettra la poursuite de la formation des maîtres, enfin rétablie, après le naufrage organisé lors du précédent quinquennat.
Certaines choses doivent sans doute être améliorées, mais Jacques-Bernard Magner en a parlé mieux que je ne saurais le faire.
Saluons plutôt la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE, cette formidable avancée pour la pratique et l’exercice difficile du métier d’enseignant, car ce métier s’apprend et ne s’improvise pas.
Saluons également la hausse importante de 6,6 % en faveur de l’accompagnement des élèves en situation de handicap. C’est l’école inclusive voulue dans la loi pour la refondation de l’école de la République. Ces trois dernières années, le nombre d’élèves ainsi accueillis a plus que doublé. Tous les ans, plus de 350 nouveaux postes d’accompagnant d’élèves en situation de handicap sont pourvus. Le mouvement de dé-précarisation de ces emplois se poursuit donc.
M. Jean-Louis Carrère. C’est très bien !
Mme Françoise Cartron. Ce projet de budget prend en compte la reconduction du fonds d’amorçage pour la mise en place de la réforme des rythmes scolaires. C’était nécessaire, indispensable, même, mais nous en reparlerons un peu plus tard dans la discussion. Cette mesure s’inscrira dans la durée, comme l’a indiqué M. le Premier ministre lors du congrès des maires de France. Il s’agit là d’un signal positif adressé à tous les élus qui se sont investis avec succès dans la mise en place de cette réforme.
De nombreuses interventions, en particulier celles des rapporteurs, ont porté sur les difficultés de notre école, celle-ci ne permettant pas toujours à tous les enfants qui lui sont confiés de réussir leur parcours scolaire, citoyen et culturel, sésame d’une insertion dans la vie sociale et professionnelle.
Aussi conclurai-je mon intervention sur une note optimiste en vous invitant toutes et tous s à aller voir le film Les Héritiers. (Mouvements d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Vous y ferez la connaissance d’une enseignante formidable, professeur d’histoire-géographie, qui aime enseigner, qui donne le goût du travail, le goût d’entreprendre à chacun de ses élèves, même les plus en difficulté, même les plus difficiles. Et que leur dit-elle ? « Vous avez le droit d’être reconnus, d’être des gens bien. C’est vous, les héritiers de l’histoire. »
Pour ces élèves-là, et pour tous les élèves qui méritent que l’on croie en eux, pour cette professeur et pour tous ceux qui innovent et s’accrochent, le budget de l’éducation nationale ne sera jamais une dépense exorbitante, mais toujours un investissement indispensable pour l’avenir.
C’est un budget tel que celui que vous défendez, madame la ministre, que nous souhaitons adopter, et non un budget amputé. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il faut admettre que notre éducation nationale n’est plus adaptée aux besoins de notre temps. Les établissements scolaires devraient à la fois enseigner, éduquer et préparer tous les jeunes à devenir des adultes capables de gagner leur vie, en ayant été formés à un métier. Or c’est loin d’être le cas.
L’école primaire devrait enseigner à tous les enfants les savoirs fondamentaux – lire, écrire, compter –, tout en leur donnant des préceptes de morale, …
M. David Assouline. Ah ! la morale…
M. Serge Dassault. … le goût du travail, de l’effort, de la discipline, du respect des autres, de la vie en société.
Or toutes les sélections ont disparu : plus de redoublement, plus de sanctions, plus de récompenses, plus de classement, plus d’examens, et bientôt – j’espère que non ! –plus de notes.
En outre, il n’y a plus de certificat d’études pour passer du primaire au collège. Il a été supprimé par décret en 1989 par François Mitterrand. Il n’est plus non plus nécessaire de passer le brevet pour entrer au lycée. Tous les bacheliers intègrent les universités sans sélection. Malheureusement, nombre d’entre eux les quittent deux ans plus tard, sans avoir reçu la moindre formation professionnelle.
C’est ainsi que, chaque année, 150 000 jeunes quittent prématurément le système scolaire et deviennent des inactifs, voire des délinquants. Et le service militaire n’est plus là pour les sortir de leur inactivité, à cause de Jacques Chirac.
Dans de nombreux pays, les jeunes travaillent pour intégrer les meilleures classes, les meilleures écoles, les meilleures universités. En France, la suppression de toute sélection, de toute volonté de réussite, de toute ambition, sans oublier la mise en place du collège unique par René Haby en 1975, nous ont fait perdre tous nos espoirs de développement futur. Cela explique que 150 000 jeunes, je le répète, sortent chaque année de l’école sans formation, madame la ministre.
Seules certaines formations d’ingénieur ou de chercheur, certaines formations médicales ou quelques grandes écoles, comme Polytechnique, Centrale, HEC, procèdent encore à une sélection – il est difficile d’y être reçu – et dispensent une formation, excellente, au demeurant.
Le collège unique, madame la ministre, est une catastrophe,…
Mme Samia Ghali. On a changé de siècle !...
M. Serge Dassault. … car il a conduit à la suppression de la formation professionnelle.
En Allemagne, où le taux de chômage des jeunes est faible et où la formation professionnelle voisine avec la formation aux diplômes, les études s’effectuent dans deux collèges séparés, après une sélection à la sortie du primaire. On n’y mélange pas formation professionnelle et études générales. René Haby a unifié les structures administratives du premier cycle – tout cela est de sa faute ! –, qui sont toutes devenues des collèges, et a mis fin à la scolarité en filières, lesquelles sont désormais indifférenciées.
Le collège unique et l’unification des programmes ne laissent aucun choix aux élèves. Or tous les élèves ne peuvent pas assimiler les mêmes connaissances. En outre, comme les élèves ne sont pas suivis, ils n’assistent plus aux cours, qu’ils ne comprennent pas, et quittent le système à seize ans. N’ayant aucune possibilité de trouver un emploi, ils deviennent malheureusement inactifs et souvent délinquants, alors qu’ils auraient aimé pouvoir apprendre un métier en entrant en apprentissage à quatorze ans,…
Mme Samia Ghali. On n’a pas tous la chance de s’appeler Serge Dassault !
M. Serge Dassault. … comme le font les Allemands et bien d’autres. Malheureusement, l’éducation nationale ne s’intéresse pas à l’apprentissage et à l’alternance, qui sont contrôlés par les chambres de commerce et par les entreprises.
Madame la ministre, porter la durée de la scolarité à dix-huit ans pour ceux qui, à cet âge, n’ont aucune formation éviterait que les jeunes qui sortent du collège à seize ans ne soient abandonnés à eux-mêmes et permettrait de leur dispenser enfin une formation professionnelle.
C’est ce que font les Missions locales financées par les communes et les agglomérations – et très peu par l’État, malheureusement. Elles participent très efficacement à la récupération des jeunes perdus pour les sortir de leur inactivité.
Le baccalauréat, présenté comme indispensable pour l’avenir de tous les jeunes, qui n’est utile qu’à ceux qui veulent faire des études supérieures, ne sert à rien pour tous ceux qui voudraient apprendre très jeunes un métier. Il les conduit à l’inactivité et, pour certains, je le répète, à la délinquance. Il faut donc que l’éducation nationale arrête de se féliciter du nombre de réussites au bac, qui conduit ces 150 000 jeunes dans une impasse totale !
Mme Françoise Cartron. On a compris !
M. Serge Dassault. Voilà, madame la ministre, la situation réelle dans nos communes, que j’ai moi-même vécue en tant que maire de Corbeil-Essonnes, ce qui m’a donné l’occasion de mieux connaître ces problèmes en tant que présidant de la Mission locale. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
Eh bien, chers collègues ? Ce n’est pas bien d’être maire de Corbeil-Essonnes ? Ce n’est pas si facile, vous savez !
M. le président. Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Serge Dassault. Je serais heureux de vous faire découvrir cette Mission locale, madame la ministre, et de vous montrer que le développement de la délinquance est lié à l’inactivité forcée de ces jeunes : s’ils travaillaient, ils ne seraient pas délinquants. Ces jeunes ne naissent pas délinquants, mais le deviennent, parce qu’on ne leur a pas appris un métier, et ce n’est pas leur faute.
Permettez-moi de vous dire, madame la ministre, que si, contrairement à tous vos prédécesseurs, vous pouviez supprimer le collège unique,…
Mme Françoise Cartron. On est bien parti !
M. Serge Dassault. … vous seriez le meilleur ministre de l’éducation nationale que l’on aurait eu depuis longtemps. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. David Assouline. Pourquoi applaudissez-vous ?
M. Jacques Grosperrin. Parce qu’on est abonnés au Figaro ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Bailly.
M. Dominique Bailly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin les crédits consacrés à l’enseignement scolaire.
Je souhaite saluer l’action du Gouvernement, madame la ministre, car ce budget pour 2015 montre encore une fois la priorité accordée à la jeunesse et à l’éducation.
La mission « Enseignement scolaire » bénéficie cette année d’une hausse de 2,5 %, avec plus de 66 milliards d’euros en crédits de paiement, contre 64,8 milliards en 2014.
M. Jacques Grosperrin. Toujours plus de dépenses !
M. Dominique Bailly. Eh oui, mes chers collègues, une augmentation de plus de 1 milliard d’euros est à souligner, surtout en cette période de contrainte budgétaire !
Et je constate avec satisfaction, madame la ministre, comme l’ensemble des sénateurs de mon groupe, que ce budget devient donc le premier poste de dépenses de l’État.
M. Jacques Grosperrin. Eh oui !
Mme Françoise Cartron. Ce sont des dépenses d’investissement !
M. David Assouline. C’est un investissement !
M. Dominique Bailly. Nous ne pouvons l’ignorer, notre système scolaire est imparfait et tend à conforter, c’est vrai, les inégalités sociales. C’est pourquoi refonder l’école de la République est une urgence.
Je me félicite donc que les crédits pour 2015 s’inscrivent dans la lignée de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République et, plus largement, de l’action que mène le Gouvernement en la matière depuis 2012.
En 2015, 9 421 postes, j’insiste sur ce point, seront créés, ce qui permettra de remplacer tous les départs à la retraite, de refonder la formation des enseignants – notamment de rétablir l’année de formation initiale – et enfin d’améliorer l’accompagnement des élèves par la création de postes d’enseignant, d’auxiliaire de vie et de personnels médico-sociaux – j’y reviendrai.
Ces créations de postes participent de la volonté de revaloriser le métier d’enseignant.
M. Roland Courteau. Tout à fait !
M. Dominique Bailly. Je déplore donc le dépôt d’amendements qui visent à revenir sur les créations de postes proposées par le Gouvernement.
M. Jacques-Bernard Magner. C’est démagogique !
M. David Assouline. Destructeur !
M. Dominique Bailly. Je veux ici insister sur la priorité donnée au primaire, à la suite de ma collègue Françoise Cartron.
Rappelons que, depuis 2012, 3 000 classes ont été ouvertes, alors que plus de 1 000 écoles avaient été fermées entre 2010 et 2012 !
M. David Assouline. Voilà du concret !
M. Dominique Bailly. Les moyens alloués aujourd’hui à l’éducation nationale permettront de développer la scolarisation des enfants de moins de trois ans. Le rôle de l’école maternelle est fondamental pour la suite du parcours scolaire. Le Gouvernement a donc fixé, madame la ministre, un objectif de 30 % d’enfants de moins de trois ans scolarisés à l’issue du quinquennat.
Cette année, 300 postes s’ajouteront aux 397 postes déjà créés à la rentrée 2013. Ces moyens nous permettront de développer le dispositif « Plus de maîtres que de classes ». En outre, les moyens alloués renforceront les RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté.
Comme je le disais en introduction, la lutte contre les inégalités sociales est le grand défi que doit relever l’école de la République.
Je me félicite donc des moyens alloués en 2015 à la lutte contre le décrochage scolaire, que certains de mes collègues ont évoquée, et aussi à la réforme de l’éducation prioritaire, pour laquelle 1 100 postes du premier degré et 881 postes du second degré devraient être créés en 2015.
Ce budget accorde également des moyens à la scolarisation des enfants en situation de handicap.
Le nouveau statut des accompagnants des élèves en situation de handicap, les AESH, répond à une demande forte et contribuera à la professionnalisation de l’accompagnement de ces enfants.
Environ 5 000 auxiliaires de vie scolaire ont donc vu leur contrat précaire transformé en CDI à la rentrée 2014 et 28 000 autres bénéficieront bientôt de cette mesure. Plus de 281 millions d’euros inscrits au titre 2 permettront de financer plus de 11 000 AESH, dont 350 emplois créés à la rentrée 2014 et 350 autres à la rentrée 2015.
Enfin, à la suite de certains collègues, je souhaite revenir sur le fonds d’amorçage pour la réforme des rythmes scolaires.
Dans un premier temps, un amendement socialiste à l’article 55 adopté à l’Assemblée nationale, auquel, madame la ministre, vous avez réservé un accueil favorable, vise à étendre le fonds à toutes les communes pour l’année 2015-2016, dès lors qu’elles ont un projet éducatif territorial, comme le précisait mon collègue Jacques-Bernard Magner.
L’amendement que nous allons examiner concrétise l’engagement pris par le Premier ministre lors du congrès des maires de France de pérenniser le fonds d’amorçage, qui devient donc un fonds de soutien sans limitation de durée. À cet égard, je tiens à saluer, madame la ministre, l’engagement du Gouvernement auprès des élus locaux. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
Adapter le rythme des apprentissages au rythme de l’enfant était une nécessité, tout le monde le sait.
M. Jacques-Bernard Magner. Bien sûr !
M. Dominique Bailly. La réforme des rythmes scolaires permet aussi un accès de tous les enfants à des activités périscolaires et constitue donc une mesure de justice sociale.
M. Jacques-Bernard Magner. Il a raison !
M. Dominique Bailly. J’ai mis en place cette réforme dans ma commune dès la rentrée 2013, madame la ministre,…
M. Jacques-Bernard Magner. Une grande municipalité, Orchies !
M. Dominique Bailly. … et les retours sont très positifs de la part des enseignants, des parents, mais surtout des enfants ! (Mme Vivette Lopez s’exclame.)
La mise en œuvre de cette réforme et des nouvelles activités périscolaires est sans conteste un enjeu pour les collectivités locales. La pérennisation du fonds d’amorçage est donc un excellent signal, tout comme la responsabilisation des communes en la matière, car les activités périscolaires doivent être de qualité et non se réduire à de simples garderies.
Pour conclure, madame la ministre, mes chers collègues, ce budget, marqué par la progression des crédits et des moyens humains, confirme les orientations du Président de la République et porte une véritable ambition politique au service de l’éducation nationale. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de cette mission traduisent, cette année encore, la priorité donnée à l’éducation, et je m’en réjouis.
J’ai un autre motif de satisfaction, madame la ministre : la première réunion interministérielle sur l’enseignement français à l’étranger, qui s’est tenue tout récemment. Autour de vous, madame la ministre, et de M. le ministre des affaires étrangères, étaient réunis les acteurs du réseau d’enseignement français à l’étranger.
Depuis mon arrivée au Sénat, je demande une plus grande coopération entre les deux ministères et j’avais fait voter un amendement en ce sens dans la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. Je me réjouis donc tout particulièrement de la tenue de cette réunion.
M. Jean-Louis Carrère. Bravo !
Mme Claudine Lepage. Notre réseau d’établissements d’enseignement français homologués, le plus grand au monde avec 494 établissements et 330 000 élèves scolarisés, est précieux et doit être sauvegardé. En effet, non seulement il apporte un service d’éducation de qualité exceptionnelle aux familles expatriées, au sens étymologique du terme, mais il est aussi l’un des outils de notre politique d’influence grâce à la scolarisation de 200 000 élèves étrangers.
Mais ce formidable atout pour notre pays doit faire face à un double défi : quantitatif, avec une croissance constante de ses effectifs - plus 18,5 % en cinq ans -, et qualitatif, tant au regard de l’exigence croissante des familles que de la concurrence internationale. C’est pour répondre à ces défis que le plan d’action en faveur de l’enseignement français à l’étranger de novembre 2013 a mis en place ce mécanisme de concertation.
Au cours de cette première réunion, madame la ministre, la nécessaire coordination entre les deux ministères a donc été réaffirmée. Ainsi, il sera organisé une conférence annuelle des ressources humaines et des moyens afin de disposer d’une vision stratégique pour le développement du réseau par une meilleure allocation des moyens en fonction des priorités diplomatiques françaises.
Cette conférence annuelle devrait aussi permettre une gestion plus fine des ressources humaines, notamment grâce à une anticipation salutaire du traitement des demandes de détachement. Je salue cette initiative, même si j’ai bien compris que le nombre d’enseignants détachés n’avait pas vocation à augmenter, en dépit de la croissance continue du réseau à l’étranger.
Il est également prévu d’assouplir les procédures d’homologation. J’entends bien qu’il ne s’agit pas de revenir sur les critères pédagogiques. Mais vous avez aussi rappelé, madame la ministre, que les détachements ne constituaient pas une condition nécessaire à l’homologation. Cette dé-corrélation m’interpelle, d’autant plus que, dans le même temps, il a bien été convenu de renforcer le rôle de votre ministère dans l’accompagnement pédagogique du réseau. Pouvez-vous me préciser comment il assumera ce rôle ? Par ailleurs, est-il envisageable, dans le cadre de l’audit régulier, de recourir à des retraits d’homologation, en cas de manquement avéré ?
Comme vous le savez, je dois remettre tout prochainement, avec le député Philip Cordery, un rapport sur les moyens de limiter la hausse des frais de scolarité dans le réseau. Nous envisageons toutes les pistes, notamment la possibilité d’ajouter aux critères d’homologation strictement pédagogiques une obligation de bonne gouvernance et de transparence dans la gestion des établissements. Qu’en pensez-vous, madame la ministre ?
Pour conclure, je rebondirai sur votre objectif de valorisation des innovations pédagogiques dans le réseau par leur diffusion entre les établissements homologués. Je ne doute pas qu’une telle diffusion soit tout aussi souhaitable entre les réseaux en France et à l’étranger. Elle pourrait notamment être assurée par une plus grande mobilité des enseignants, qui serait d’autant plus facile s’il existait une véritable valorisation de l’expérience acquise dans le réseau à l’étranger.
Une expérience à l’international est toujours un atout, quel que soit l’emploi. Comment pensez-vous que l’éducation nationale puisse davantage prendre en compte cette dimension ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voici le deuxième budget consacré à la mise en œuvre de la refondation de l’école. C’est une réforme majeure, accompagnée d’un budget sanctuarisé et renforcé année après année pour assurer la priorité donnée à l’école par le Gouvernement.
Votre prédécesseur, M. Vincent Peillon, avait conçu la création des ESPE, les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, comme le levier principal de la refondation.
Ces écoles dans l’université et avec l’université répondent aux questions indispensables que l’on doit se poser si l’on veut transmettre des connaissances et des compétences : que faut-il savoir pour être enseignant ? Que faut-il savoir faire ou connaître ?
Créer les ESPE dans l’université, c’est s’assurer d’une réelle pluridisciplinarité, génératrice d’une approche transdisciplinaire. Il faut que les universités considèrent les ESPE comme des piliers essentiels de la construction du savoir et de sa diffusion, et non comme des structures résiduelles ou complémentaires.
M. Jean-Louis Carrère. Il faudrait aussi réformer les universités !
Mme Dominique Gillot. Toutefois, cela a été souligné, des progrès restent à faire et les ESPE doivent améliorer leurs performances. Les difficultés sont réelles, et leur évocation doit avoir pour objet de les surmonter.
C’est la création d’un tronc commun dans la formation des maîtres qui développera une culture commune à tous les futurs enseignants, fondée sur une pratique collective et réflexive. Les services académiques ont toute leur place aux côtés des équipes universitaires, et l’acquisition de ce tronc commun doit être évaluée dans le cadre du concours.
La volonté réaffirmée du ministère de l’éducation nationale de créer de véritables équipes pluridisciplinaires mêlant enseignants, chercheurs et tuteurs de stage, mais aussi, demain, éducateurs, animateurs et encadrants du temps périscolaire, va dans ce sens, et je m’en félicite.
C’est en atteignant ces objectifs que l’on passera vraiment des IUFM aux ESPE, dont la place particulière dans l’université renforcera les relations entre le praticien et le chercheur. À la vérité, chaque établissement, chaque enseignant, chaque intervenant, chaque étudiant est un laboratoire, faisant du chercheur un clinicien.
La recherche doit aider à surmonter les prophéties auto-réalisatrices en favorisant la coconstruction des savoirs, le travail d’équipe et, par suite, la réussite de tous. Améliorer les méthodes pédagogiques et repenser les schémas d’apprentissage sont autant de défis qu’elle relève. C’est à la lumière de ces défis que les universités doivent envisager leur responsabilité particulière dans le fonctionnement scientifique des ESPE.
La formation des maîtres, ainsi repensée, est particulièrement originale, car elle comporte une assignation à la coopération qui se traduit par l’alternance intégrative. Cette professionnalisation progressive donnera aux futurs enseignants l’appareillage nécessaire pour acquérir l’aisance professionnelle, confronter les apprentissages à la pratique et poser les questions dans des termes qui les rendent traitables. C’est cette professionnalisation progressive qui assurera la diversification des profils des futurs maîtres.
Pourtant, le concours pose deux problèmes, dont le premier tient à sa place dans le cursus, ou plutôt au milieu du cursus, entre le master 1 et le master 2. Madame la ministre, ne faudrait-il pas favoriser des modules complémentaires en licence, afin de développer une orientation prescriptive en master ?
Le second problème lié au concours est la reproduction des élites dont celui-ci a de tout temps été vecteur. À cet égard, il s’agit bien de changer les habitudes et de mieux intégrer le concours au processus pédagogique, afin de faire du master 2 une année de formation plus qu’une année de préparation au concours.
La pluridisciplinarité, le travail en équipe et la diversification des profils sont bien les clefs d’une professionnalisation du concours, et donc d’une justice réelle dans l’accès à la fonction d’enseignant.
Avec les ESPE, l’école intégratrice de demain est en marche : celle qui fait bien plus qu’apprendre à compter, lire et écrire, celle qui postule que tous les enfants sont capables, celle qui vise la réussite et l’épanouissement de chacun à travers ses propres compétences. Le Gouvernement consacre à cette ambition les moyens nécessaires, ce projet de budget l’atteste, et c’est pour cela que nous allons le voter ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.)