M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’article 58 fait écho à l’article 9, qui consacrait la réduction sensible de la dotation globale de fonctionnement et le mariage forcé des collectivités locales avec la stratégie de désendettement de l’État.
Certes, la minoration des concours budgétaires aux collectivités territoriales s’avère pour l’heure moins importante que prévu, la majorité de droite du Sénat s’étant abritée derrière les travaux et conclusions de la commission consultative d’évaluation des normes pour atténuer d’environ 1 milliard d’euros la ponction réalisée sur les ressources dédiées au secteur public local. La pilule est donc un peu moins amère, mais le fait demeure.
Malgré les 13 000 pétitions de l’Association des maires de France délibérées par les conseils municipaux ou communautaires, les élus de la majorité du Sénat ont admis, dans les faits, le principe d’une réduction des concours de l’État aux collectivités locales.
Nous allons examiner plusieurs amendements dont le seul point commun est de tendre à « limiter la casse », tant l’on sait que la révision à la baisse des concours aux collectivités locales constitue un recul, au regard tant des moyens des politiques locales que du principe de libre administration des collectivités territoriales. Et cette baisse est, a minima, prévue pour encore deux ans.
Parmi les auteurs des amendements, certains portent les revendications des communes rurales, d’autres s’interrogent sur le contenu de la solidarité urbaine, d’autres encore s’interrogent sur la péréquation intercommunale et les compensations de la réforme de la DGF ou nous interpellent sur la situation de l’outre-mer, notamment des communes guyanaises.
Sur ce dernier point, soyons clairs : le plafonnement de la dotation superficiaire doit être abandonné. La superficie des communes de Guyane étant plus grande que celle d’un département métropolitain, il importe qu’elles disposent des moyens de développer des services publics locaux à la hauteur de leur situation.
Par ailleurs, quelle est la place des communes rurales –de loin les plus nombreuses – au regard d’une dotation dont elles sont pour l’heure insuffisamment pourvues, du fait d’un indice logarithmique défavorable ? Nous le savons tous : deux habitants d’une commune de moins de 500 habitants ne comptent que pour un habitant d’une plus grande collectivité. Cet indice est en outre insuffisant pour résoudre les problèmes de ressources, au regard des besoins collectifs, des communes urbaines.
Comment les réalités géographiques et démographiques, par exemple celles des communes ultramarines ou celles des communes de montagne, sont-elles prises en compte ? Qu’adviendra-t-il des nombreux bourgs ruraux que la réforme territoriale va bientôt déposséder du statut de chef-lieu de canton, avec tout ce que cela impliquera in fine ?
Dans ce contexte, mes chers collègues, il fallait au moins voter pour le maintien en euros courants de la dotation forfaitaire pour l’exercice 2015 au niveau de 2014, mais il n’en a pas été ainsi.
Quelques pistes, de notre point de vue, sont toutefois à explorer.
Les efforts opérés en faveur des communes rurales ne peuvent se concrétiser autrement que par la remise en cause profonde et globale de l’indice logarithmique.
Cependant, à la vérité, nous ne sortirons pas de ce débat sans conclure à la nécessité de disposer d’un nouvel outil de péréquation – si tant est que cela soit le sujet, puisque, jusqu’à présent, ladite péréquation a surtout servi de variable d’ajustement à la baisse des concours budgétaires –, et donc de trouver de nouvelles ressources fiscales partagées.
La quasi-disparition de la taxe professionnelle, qui n’a pas, contrairement à ce qui avait été annoncé, résolu les inégalités devant l’impôt entre les entreprises, a bel et bien constitué et constitue encore le point crucial du débat.
Sans impôt économique suffisamment rentable, efficace et juste, il ne peut y avoir de solution totalement acceptable pour les finances locales, notamment en termes d’autonomie des collectivités, c'est-à-dire de capacité à agir au plus près des besoins des habitants, à participer au mouvement général d’une croissance économique repensée.
Donnons donc du temps au temps, mes chers collègues, et respectons l’échéance de 2016 arrêtée par le Gouvernement pour la réforme de la dotation globale de fonctionnement. Cela paraît d’autant plus nécessaire qu’une mission parlementaire va être constituée en 2015 aux fins d’aborder l’ensemble des problématiques évoquées.
C’est sous le bénéfice de ces observations que nous proposons, au travers de l’amendement n° II-277, la suppression de l’article 58 du projet de loi de finances et que nous voterons contre les différents amendements ne visant qu’à de simples ajustements. Il importe de revoir globalement la question du financement et des recettes, afin de permettre à nos collectivités de répondre aux besoins des populations.
M. le président. L'amendement n° II-277, présenté par Mme Beaufils, MM. Bocquet, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement a déjà été défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles Guené, rapporteur spécial. La position du groupe CRC a le mérite d’être constante…
Ma chère collègue, vous souhaitez supprimer, au travers de cet amendement, les modalités de répartition de la contribution au redressement des finances publiques, ainsi que la hausse de la péréquation verticale et la réforme de la dotation forfaitaire. Cette position est incompatible avec celle qu’a adoptée le Sénat lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, et donc avec les amendements qui ont été déposés par la commission pour tenir compte des votes intervenus, s’agissant notamment de la minoration de la baisse des dotations.
Dans ces conditions, je ne peux, au nom de la commission, qu’émettre un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, vous proposez de supprimer purement et simplement l’article 58, ce qui pénaliserait l’ensemble des collectivités locales de notre pays. À titre d’illustration, je vais exposer quelques-uns des effets qu’induirait l’adoption de votre amendement.
Premièrement, les communes nouvelles ne pourraient plus bénéficier de la garantie du maintien de leur dotation forfaitaire, ce qui entrerait en contradiction avec l’objectif d’incitation financière au regroupement des communes, notamment les plus petites d’entre elles.
Mme Cécile Cukierman. C’est vrai !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Deuxièmement, le retraitement des recettes exceptionnelles opéré pour le calcul de la dotation forfaitaire de l’année précédente ne pourrait être réalisé. Il s’agit pourtant, vous le savez, d’une demande récurrente de nombreuses communes.
Troisièmement, l’augmentation importante de la péréquation ne pourrait intervenir. Concrètement, cela signifierait qu’aucune dotation de péréquation, donc de solidarité, ne pourrait augmenter en 2015, ce qui risquerait de menacer la « soutenabilité » des budgets des communes les moins favorisées.
Je vous rappelle que les simulations présentées au Comité des finances locales prennent en compte ces hausses de la péréquation pour estimer les effets de la contribution au redressement des finances publiques sur l’ensemble des collectivités.
Enfin, le soutien apporté aux régions d’outre-mer par un renforcement de la pondération de la quote-part démographique, mais aussi celui apporté à la collectivité territoriale de Corse par le biais du retraitement de la dotation de continuité territoriale de Corse des ressources réelles de fonctionnement, seraient purement et simplement supprimés.
Ces quelques exemples, parmi de nombreux autres, suffisent à souligner combien il est important de maintenir l’article 58 dans son intégralité.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le secrétaire d’État, j’entends votre argumentation, mais nous ne faisons qu’ôter les pansements des plaies que vous avez infligées aux collectivités territoriales en leur imposant des mesures qui assèchent l’ensemble de leurs recettes !
Vous avez raison, si cet article était supprimé, certaines compensations ne se feraient pas. Mais le financement des collectivités territoriales doit être repensé dans son ensemble. Nous ne sommes pas responsables des maux dont vont souffrir, dans les années à venir, les collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je veux exprimer mon mécontentement d’élu local. Quand on y réfléchit, ces baisses de dotation sont, au final, contre-productives, parfois provocatrices et inflationnistes sur le plan fiscal.
Elles sont d’abord contre-productives, parce que, quand on diminue la dotation globale de fonctionnement, si les collectivités « grasses » peuvent trouver des sources d’économies, celles qui ont déjà une gestion rigoureuse, qui ont, depuis des années, supprimé des pans entiers de leurs politiques, au détriment du service rendu aux usagers, et ont diminué leur personnel sont pénalisées. Quand une collectivité ne peut diminuer ses dépenses de fonctionnement, la baisse de la dotation se traduit automatiquement par une baisse de son épargne brute, donc par une diminution de l’investissement. Ce raisonnement vaut même si cette collectivité n’est pas fortement endettée : l’épargne brute diminuant, l’épargne nette ne permet plus de déduire les amortissements. On en arrive donc à pénaliser l’investissement, ce qui va à l’encontre de la croissance, ou à relancer l’endettement des collectivités. Ce faisant, on entretient l’endettement du pays tout entier.
Ces baisses de dotation sont, ensuite, provocatrices. Sur le terrain, nous discutons avec les préfets des contrats de projets. On nous fait clairement savoir que si nous n’apportons pas une contribution financière, rien ne se fera : on nous demande de financer des actions qui relèvent des compétences de l’État – je pense notamment aux routes nationales ou à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ainsi, localement, on sollicite financièrement ces collectivités que vous montrez du doigt au motif qu’elles seraient trop dépensières ! C’est à la fois particulièrement désagréable et, je le redis, provocateur.
Enfin, ces baisses de dotation sont inflationnistes sur le plan fiscal. Aux collectivités qui ont un niveau de fiscalité bas, on dit qu’elles n’ont qu’à augmenter les impôts. Ce modèle du XXe siècle – aide-toi, le ciel t’aidera, c'est-à-dire plus on prélève d’impôts, plus on est aidé – est complètement archaïque ! Nous avons déjà un trop-plein de prélèvements : il ne faut pas inciter les collectivités à augmenter les impôts locaux comme vous le faites ! Ensuite, on montrera du doigt les élus !
Cette situation est insupportable. Pour autant, je ne voterai pas la suppression de cet article. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-178 rectifié ter, présenté par MM. Houpert, Chaize, del Picchia, Pellevat et Panunzi, Mme Imbert, MM. B. Fournier, Laufoaulu, Vogel, Morisset, Milon, Joyandet, Reichardt, G. Bailly et Lenoir, Mme Loisier, MM. Cambon et Lefèvre, Mme Deromedi, M. Longuet et Mme Giudicelli, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 5 et 11
Remplacer les mots :
par un montant compris entre 64,46 € et 128,93 € par habitant en fonction croissante de la population de la commune
par les mots :
par un montant par habitant égal quelle que soit la population de la commune
II. – Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au second alinéa du 1° du I de l’article L. 2334-7, les mots : « par un montant de 64,46 euros par habitant à 128,93 euros par habitant en fonction croissante de la population de la commune » sont remplacés par les mots : « par un montant par habitant égal quelle que soit la population de la commune » ;
La parole est à M. Alain Houpert.
M. Alain Houpert. Cet amendement de justice territoriale tend à instaurer un même montant de DGF par habitant pour toutes les communes. Il a ainsi pour objet d’instituer non seulement une égalité de traitement entre les territoires, mais aussi une égalité financière entre les citoyens, quel que soit le lieu où ils habitent.
À ce jour, la progressivité de la DGF en fonction de la population communale ne fait qu’accentuer les inégalités, laissant les communes les moins peuplées seules devant la multiplication des charges publiques et le désengagement de l’État. C'est de la péréquation à l’envers ! Une commune peuplée amortit facilement ses charges d’investissement, contrairement à une commune peu peuplée.
Prenons l’exemple d’un réseau d’assainissement et de distribution d’eau potable : le coût d’un kilomètre de tranchée est le même pour toutes les communes. Dans les communes urbaines, on comptera 1 000 ou 10 000 abonnés au kilomètre, contre une dizaine ou une centaine dans les communes rurales. Pour ces dernières, l’investissement devient insoutenable.
Cet amendement s’inspire de l’un des principes fondamentaux posés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : le principe de non-discrimination, qui vise à assurer une égalité de traitement entre les individus.
Le traité de Lisbonne a fait de la mise en œuvre de ce principe un objectif de l’Union européenne. Les citoyens européens peuvent exercer leur droit de recours judiciaire en cas de discrimination directe ou indirecte, lorsqu’ils subissent un traitement différent dans une situation comparable ou un désavantage non justifié par un objectif légitime et proportionné.
L’égalité des chances est un autre principe fondateur de notre République. Ce principe recouvre non seulement l’égalité entre les hommes et les femmes, mais aussi – c’est ce qui nous intéresse aujourd’hui – l’égalité de traitement entre les personnes, entre les habitants de toutes les communes.
Enfin, l’adoption de cet amendement permettra de renforcer l’égalité de traitement entre les habitants de tous les territoires, dans tous les domaines, notamment la vie professionnelle, l’éducation, l’accès aux soins, aux biens et aux services.
L’application du principe d’égalité fait partie des objectifs de l’Union européenne et le principe de non-discrimination, qui lui est étroitement lié, a été réaffirmé par les traités d’Amsterdam et de Lisbonne.
M. le président. L'amendement n° II-273 rectifié ter, présenté par MM. Jarlier et Kern, Mmes N. Goulet et Gatel et MM. Guerriau, Maurey, Luche et Namy, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer cet alinéa par dix alinéas ainsi rédigés :
3° L’article L. 2334-7 est ainsi modifié :
a) Le 1° du I est ainsi modifié :
- après les mots : « en fonction croissante de la population de la commune », la fin du second alinéa est supprimée ;
- sont ajoutés six alinéas ainsi rédigés :
« Cette dotation de base est, pour chaque commune, le produit de sa population, déterminée en application de l’article L. 2334-2, par une somme de 60 euros pour l’année 2005 et par un coefficient a, dont la valeur varie en fonction de la population dans les conditions suivantes :
« 1° Si la population est inférieure ou égale à 500 habitants, a = 1,15 ;
« 2° Si la population est supérieure à 500 habitants et inférieure à 200 000 habitants, a = 1,15 + 0,38431089 x log (population/500) ;
« 3° Si la population est égale ou supérieure à 200 000 habitants, a = 2.
« Pour le calcul de la dotation proportionnelle à la superficie prévue au 2° de l’article L. 2334-7, la superficie prise en compte est la superficie cadastrée et non cadastrée "hors eaux" et le classement des communes en zone de montagne s’apprécie au 1er janvier de l’année au titre de laquelle la dotation forfaitaire est versée.
« Ces dispositions sont applicables aux communes de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française, de Mayotte, de Saint-Pierre-et-Miquelon et aux circonscriptions territoriales des îles Wallis et Futuna. »
b) Il est complété par un III ainsi rédigé :
La parole est à M. Pierre Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Cet amendement va un peu moins loin que celui de notre collègue Alain Houpert, mais il relève du même esprit. Il répond à un double objectif.
Le premier objectif est d’inscrire dans la loi les modalités de calcul de la répartition de la dotation de base de la DGF. Pour l’instant, il s’agit d’un dispositif réglementaire. Or nos débats portent souvent sur la différence de traitement entre grandes et petites communes en matière de montant de la DGF. Le coefficient varie actuellement de 1 à 2, ce qui est très important.
Le second objectif est précisément de diminuer cet écart, en maintenant le principe du coefficient logarithmique.
On le voit bien, la baisse des dotations touche bien davantage les petites communes qui ont de très faibles bases fiscales. En effet, les dotations pèsent plus lourd dans leurs budgets que dans ceux des communes plus importantes, car elles ne disposent pas des ressources fiscales nécessaires pour compenser les baisses de dotations.
L’amendement tend donc à réduire l’écart de coefficients, pour le ramener de 1,15 à 2, au lieu de 1 à 2 actuellement. Si la population de la commune est inférieure ou égale à 500 habitants, le coefficient sera de 1,15 ; si elle est comprise entre 500 et 200 000 habitants, le coefficient logarithmique s’ajoutera à 1,15 ; au-delà de 200 000 habitants, le coefficient sera de 2.
Adopter cette mesure permettrait, sans bousculer réellement les dispositifs actuels, d’aider les plus petites communes à résister à la baisse des dotations. J’ajoute que cela irait dans le sens des propos tenus par le Premier ministre devant le congrès des maires de France, lorsqu’il a indiqué que l’écart de richesse entre les différentes collectivités était trop grand. Un tel dispositif contribuerait à atténuer cet écart et permettrait aux petites communes de mieux supporter les efforts qui leur seront demandés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles Guené, rapporteur spécial. L’amendement n° II-178 rectifié ter vise à ce que les communes soient traitées de façon équivalente quelle que soit leur population en ce qui concerne le montant de dotation par habitant et la variation de leur dotation forfaitaire, à compter de 2015.
Cet amendement pose la question de l’égalité de traitement entre communes rurales et communes urbaines en matière de montant de la DGF par habitant. Il pourrait m’être sympathique à bien des égards – peut-être l’est-il, d’ailleurs ! (Sourires.) –, mais nous avons déjà traité ce sujet au sein de la commission des finances, au cours d’un cycle d’auditions conduit dans la perspective d’une réforme de la DGF.
L’écart existant actuellement résulte d’une étude économétrique menée en 2004. Il vise à tenir compte des charges de centralité des communes les plus peuplées. Grâce à ce dispositif, il est vrai que les plus petites communes participent indirectement à la création d’une piscine dans le bourg-centre, par exemple. L’existence de charges de centralité est indéniable. Pour autant, un écart de 1 à 2 est-il encore pertinent aujourd’hui ? Les paramètres évoqués par M. Houpert n’ont-ils pas varié ?
Ce point devra sans doute être traité dans le cadre de la réforme de la DGF qui a été annoncée par le Gouvernement. Nous pourrons ainsi envisager la question de façon globale, en prenant en compte l’ensemble des dotations destinées aux communes rurales.
Dans cette attente, je vous invite, monsieur Houpert, à retirer votre amendement, d’autant que son dispositif ne serait pas opérant. En effet, à la suite d’une modification mise en œuvre depuis cette année, une part du montant de la DGF est cristallisée au travers du présent projet de loi de finances, qui supprime tout montant par habitant.
La même argumentation vaut, dans une large mesure, pour l’amendement n° II-273 rectifié ter, qui tend pour sa part à réduire sans l’annuler l’écart de coefficients pour la détermination de la dotation de base et à modifier le calcul de la dotation proportionnelle à la superficie. Cependant, son dispositif s’applique à deux dotations dont le montant est cristallisé par le présent projet de loi de finances, et son adoption n’aurait donc pas non plus d’effet.
Dans ces conditions, je vous invite vous aussi, monsieur Jarlier, à retirer votre amendement, même s’il soulève de vraies questions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. Ces deux amendements s’inspirent de la même philosophie.
Monsieur Houpert, vous proposez que le calcul de la dotation forfaitaire des communes ne fasse plus intervenir un montant différencié, compris entre 64,46 euros et 128,93 euros par habitant, selon que la commune est urbaine ou rurale.
Le Gouvernement partage votre souhait de réduire les écarts de DGF par habitant entre collectivités territoriales. D'ailleurs, le Premier ministre s’est engagé la semaine dernière, lors du congrès des maires de France, à ce que la réforme de la DGF soit menée de manière à réduire les écarts entre les grandes villes et les petites communes.
Toutefois, le Gouvernement estime que cette question est trop complexe pour être traitée par le biais d’un amendement au présent projet de loi de finances, d'autant qu’il n'y a pas eu de travail de concertation préalable avec le Comité des finances locales. Elle devra être traitée dans le PLF pour 2016.
Les modalités de répartition de la dotation forfaitaire des communes reposent sur des écarts d’attribution par habitant entre les collectivités rurales et les collectivités urbaines, écarts qui sont de plus en plus critiqués.
Néanmoins, je tiens à rappeler que cette différenciation a été justifiée par des travaux économétriques qui ont montré que les charges des communes étaient croissantes avec leur population, notamment du fait des charges de centralité.
Par ailleurs, si certaines composantes de la DGF sont croissantes en fonction de la population, d’autres dispositifs, comme la dotation de solidarité rurale, la dotation superficiaire ou le FPIC, sont nettement plus favorables aux communes rurales. Par exemple, les modalités de répartition de l’effort demandé aux communes au titre du redressement des finances publiques ont été favorables aux collectivités rurales – ou plutôt, elles leur ont été moins défavorables ! (Sourires.) Ainsi, après péréquation, l’effort demandé en 2014 aux communes de moins de 20 000 habitants a été de 6 euros par habitant, contre 57 euros par habitant pour les communes de plus de 20 000 habitants.
Enfin, je vous signale que votre amendement tend à supprimer les montants différenciés par habitant sans les remplacer. En d’autres termes, vous proposez de ne plus prendre en compte les évolutions de la population dans le calcul de la dotation forfaitaire, ce qui se traduirait par une perte nette de DGF pour l’ensemble des communes.
Pour terminer, je souligne de nouveau que le Premier ministre s’est engagé, devant les maires de France, à augmenter de 200 millions d’euros la DETR pour 2015. Cette mesure permettra de soutenir l’investissement local, et donc de mieux répondre aux préoccupations de nos concitoyens, notamment en matière de services publics en milieu rural.
Monsieur Jarlier, vous proposez quant à vous de modifier le coefficient logarithmique aujourd'hui utilisé pour moduler la répartition des montants de dotation de base en fonction de la population d’une commune. Vous souhaitez, ainsi, réduire les écarts de dotation entre petites et grandes communes.
Le Gouvernement partage votre souhait de réduire les écarts de dotation les moins justifiés et de renforcer ceux qui résultent des inégalités de richesse entre collectivités.
Cependant, la réduction de l’échelle utilisée pour le coefficient logarithmique ne semble pas la voie la plus pertinente.
Le Premier ministre s’est engagé à ce que la question des écarts de DGF par habitant entre collectivités rurales et collectivités urbaines soit traitée dans le cadre de la réforme globale de la DGF, à laquelle nous nous attellerons, avec l’ensemble des parlementaires et le CFL, tout au long de l’année 2015.
Dans le même temps, il a annoncé la majoration de 200 millions d’euros de la DETR. Cette majoration profitera évidemment au monde rural, notamment aux bourgs-centres des territoires ruraux.
En outre, une mission parlementaire va être mise en place en vue de la réforme de la DGF au travers du PLF pour 2016. Nous pensons que c’est dans ce cadre, avec l’éclairage des travaux conduits au sein du CFL, qu’il faudra aborder la question d’une meilleure répartition des dotations.
Pour toutes ces raisons, monsieur le sénateur, le Gouvernement sollicite le retrait de votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je voterai bien sûr ces amendements, qui répondent à une demande très ancienne de l’Association des maires ruraux de France.
Je dois dire que j’éprouve toujours le même plaisir à voir avec quelle aisance les rapporteurs, les représentants du Gouvernement qui se succèdent procèdent pour éviter de répondre à la question soulevée.
On nous dit toujours que c’est une très bonne question, mais que ce n’est ni le moment ni le lieu de la traiter, que d’ailleurs une mission est en cours… En somme, « circulez, il n’y a rien à voir » !
Ce qui me ravit le plus, ce sont les arguments utilisés.
D’abord, on invoque des études qui auraient montré que les grandes communes supportaient davantage de dépenses que les petites. À l’origine, la répartition par strates de la DGF résultait d’ailleurs de ce constat.
Ensuite – c’est là le plus réjouissant ! –, on invite les petites communes à se réunir dans de grandes intercommunalités pour faire des économies d’échelle, avant de leur opposer, à propos de la DGF, la nécessité de tenir compte des charges de centralité… On le voit, le même argument peut servir à défendre tout et son contraire et, en tout état de cause, à figer la situation.
On pourrait faire valoir qu’il existe des charges de ruralité – à l’évidence, lorsque l’habitat est dispersé, il faut entretenir des réseaux étendus, des espaces naturels –, mais je ne voudrais pas vous ennuyer avec ces considérations triviales !
J’en resterai donc là, mais comment peut-on affirmer que les malheureuses dotations de péréquation dont bénéficient les communes rurales contrebalancent l’injustice majeure que représente la structure même de la DGF ? Cette injustice a d’ailleurs été encore renforcée par le mode de calcul du fonds de péréquation intercommunal, pour lequel on a inventé des coefficients logarithmiques variant eux aussi de 1 à 2, ce qui aboutit à des aberrations totales, de petites intercommunalités participant à ce fonds à hauteur du montant de leur DGF… Franchement, c’est se moquer du monde !
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.