Sommaire
Présidence de M. Hervé Marseille
Secrétaire :
M. Philippe Nachbar.
2. Dépôt de rapports et d’un document
3. Demande d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution
4. Loi de finances pour 2015. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Mmes Michèle André, présidente de la commission des finances ; Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique ; M. le président.
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Compte d’affectation spéciale : Gestion du patrimoine immobilier de l’État
M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Michel Bouvard, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Hugues Portelli, rapporteur pour avis de la commission des lois
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Amendement n° II-50 de la commission. – Adoption par scrutin public.
Amendement n° II-271 de M. Jean-François Husson. – Adoption par scrutin public.
Amendement n° II-51 de la commission. – Adoption.
Adoption des crédits modifiés de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».
Article additionnel après l’article 55
Amendement n° II-52 de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° II-49 de la commission. – Adoption de l’amendement rédigeant l’intitulé de la mission.
Adoption des crédits de la mission « Crédits non répartis ».
compte d’affectation spéciale : gestion du patrimoine immobilier de l’état
Adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’état ».
Articles additionnels après l'article 64
Amendement n° II-48 de la commission. – Retrait.
Relations avec les collectivités territoriales
Compte de concours financiers : Avances aux collectivités territoriales
M. Charles Guené, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Jean Germain, rapporteur spécial de la commission des finances
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° II-287 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° II-58 de la commission. – Adoption.
Adoption des crédits modifiés de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Adoption des crédits du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».
Article additionnel avant l'article 58
Mme Cécile Cukierman
Amendement n° II-277 de Mme Marie-France Beaufils. – Rejet.
Amendement n° II-178 rectifié ter de M. Alain Houpert. – Adoption.
Amendement n° II-273 rectifié ter de M. Pierre Jarlier. – Devenu sans objet.
Renvoi de la suite de la discussion.
5. Communication d'un avis sur un projet de nomination
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
6. Loi de finances pour 2015. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Aide publique au développement
Compte de concours financiers : Prêts à des États étrangers
M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Henri de Raincourt, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères
Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères
Amendement n° II-284 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ».
Adoption des crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
compte rendu intégral
Présidence de M. Hervé Marseille
vice-président
Secrétaire :
M. Philippe Nachbar.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Dépôt de rapports et d’un document
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :
- le rapport sur la mise en application de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 ;
- le rapport sur la mise en application de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 ;
- le rapport sur la mise en application de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2014 de finances pour 2014 ;
- le rapport sur la mise en application de la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon.
M. le président du Sénat a en outre reçu de M. le Premier ministre la convention entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations relative au programme d’investissements d’avenir, action « Fonds souverain de la propriété intellectuelle ».
Acte est donné du dépôt de ces rapports et de ce document.
Ils ont été transmis respectivement à la commission des finances pour les trois premiers, à la commission des affaires économiques pour le quatrième, à la commission des finances, ainsi qu’à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication pour le dernier.
3
Demande d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution
M. le président. Mes chers collègues, par courrier en date de ce jour, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste républicain et citoyen, demande l’inscription, à l’ordre du jour de l’« espace réservé » à son groupe du jeudi 11 décembre 2014 après-midi, de la proposition de résolution relative à un moratoire sur la mise en œuvre des plans de prévention des risques technologiques issus de la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages et des lois subséquentes, n° 128 (2014-2015), présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, en remplacement de la proposition de résolution n° 89 (2013-2014).
Cette demande a été communiquée à M. le Premier ministre, en application de l’article 4 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution et de l’article 50 ter de notre règlement.
Cette proposition de résolution ne pourra être inscrite, au plus tôt, que quarante-huit heures après cette demande.
4
Loi de finances pour 2015
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 107, rapport n° 108).
SECONDE PARTIE (SUITE)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
M. le président. Nous reprenons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Organisation des travaux
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaiterais faire un point sur l’organisation de nos travaux de ce jour.
À l’issue de l’examen des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et « Provisions », que nous engagerons dans quelques instants, nous aborderons celui de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et, surtout, des articles qui lui sont rattachés.
La conférence des présidents a fixé à une heure trente la discussion des crédits de la mission, et l’ordre du jour nous laisse une marge de trois heures pour étudier les quarante-six amendements déposés sur les articles rattachés, tout en préservant, dans la soirée, la possibilité d’examiner la mission « Aide publique au développement ».
Je rappelle que la conférence des présidents a fixé une règle selon laquelle la discussion des articles rattachés et des amendements portant sur ces articles sera reportée chaque fois que la durée estimée des débats pourrait avoir pour effet d’allonger excessivement la durée d’examen prévue pour une mission.
Je souhaite que nous nous en tenions à cette règle et que le schéma envisagé pour les débats de ce jour soit respecté, de manière à ne pas bouleverser excessivement le calendrier d’examen des missions, lequel est très contraint.
Par conséquent, si nous ne parvenions pas à achever d’ici à vingt heures l’examen des amendements relatifs aux collectivités territoriales dans le temps imparti, les amendements restant en discussion seraient examinés samedi prochain dès le début de nos travaux, à quatorze heures trente.
Ainsi, nous pourrions entamer ce soir à vingt-deux heures, comme prévu, l’examen de la mission « Aide publique au développement » et terminer nos travaux dans les temps pour démarrer demain matin, à neuf heures trente, l’examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Je vous remercie par avance, mes chers collègues, de même que Mme la ministre, de bien vouloir prendre en considération ces dispositions.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Le Gouvernement prend note de cette précision et essaiera de s’organiser en conséquence.
M. le président. Il n’y a pas d’observations ?...
Il en est ainsi décidé.
La discussion des articles rattachés à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » se poursuivra donc samedi 6 décembre à partir de quatorze heures trente si nous n’en avons pas terminé l’examen ce soir, à vingt heures.
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
Provisions
Compte d’affectation spéciale : Gestion du patrimoine immobilier de l’État
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et « Provisions », et du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».
La parole est à M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial.
M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je présenterai la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » en partenariat avec Michel Bouvard, qui me succèdera à cette tribune.
Il s’agit de la principale mission du pôle économique et financier de l’État. Elle concerne particulièrement les crédits de l’administration fiscale et de l’administration des douanes, ainsi que les moyens alloués à plusieurs structures et politiques transversales qui relèvent de Bercy.
Pour 2015, les crédits demandés au titre de cette mission s’élèvent à 11,3 milliards d’euros, en baisse de 277 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 174 millions d’euros en crédits de paiement par rapport à 2014.
En seconde délibération, l’Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à minorer de 42,4 millions d’euros les crédits de la mission, afin de garantir le respect de la norme de dépenses en valeur de l’État. De fait, comme les années précédentes, cette mission est fortement mise à contribution dans le cadre de l’effort de redressement des finances publiques.
La direction générale des finances publiques, qui représente à elle seule 73 % des crédits de la mission, fournit en toute logique l’effort le plus important.
D’une manière générale, les économies reposent avant tout sur les dépenses de personnel, qui représentent 77 % des crédits de la mission. Au total, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit 2 400 suppressions de postes, dont 2 000 pour la seule direction générale des finances publiques, sur un plafond d’emplois total de 132 000 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT. La mission arrive donc deuxième, après le ministère de la défense et ses 7 500 suppressions de postes, et largement devant toutes les autres, dans l’ordre des missions qui voient le plus leurs effectifs baisser.
La dématérialisation des procédures devrait également permettre d’importantes économies : télédéclaration de l’impôt sur le revenu ou de la TVA, dématérialisation des factures, télé-dédouanement, etc. La « déclaration fiscale simplifiée », annoncée par Thierry Mandon lors de la réunion du Conseil de la simplification pour les entreprises du 30 octobre dernier, s’inscrit également dans cette logique. Toutefois, en attendant que la dématérialisation et la simplification diffusent tous leurs bienfaits, les dépenses de fonctionnement courant continuent à croître, et les efforts nous semblent insuffisants à cet égard.
En réalité, ce sont bien les investissements qui constituent l’autre grande source d’économies pour l’année 2015 : en autorisations d’engagement, ceux-ci connaissent une baisse drastique de 29 % en un an, soit 89 millions d’euros.
Certes, cela s’explique en partie par l’achèvement de grands programmes d’investissement. Ainsi, notamment, les services de la douane termineront en 2015 le renouvellement leurs avions et des garde-côtes. Mais comment ne pas voir, aussi, dans une telle mesure un choix de facilité ? Il est parfois commode de renoncer aux dépenses liées au renouvellement de matériels qui vieillissent, mais cela entraîne des dépenses d’entretien. Sur le long terme, un tel choix n’est pas source d’économies.
Il ne serait pas de bonne gestion que la baisse affichée des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » relève de l’illusion d’optique, puisqu’elle tient, dans certains cas, à l’interruption, sans résultat, de projets majeurs engagés ces dernières années, singulièrement dans le secteur informatique.
Le principal abandon est celui de l’opérateur national de paye, le système d’information lancé en 2007 qui devait centraliser la paye de 2,5 millions d’agents de l’État. Devant l’envolée des coûts et la multiplication des difficultés techniques, il a finalement été décidé de mettre fin au projet. Selon les chiffres communiqués à la commission des finances au mois de mai dernier, ce sont ainsi 286 millions d’euros qui ont été dépensés en pure perte.
Le problème, c’est que ce n’est pas la première fois que de grands projets informatiques de l’État se terminent ainsi ! Juste avant l’opérateur national de paye, c’est le système Louvois, le logiciel de paie du ministère de la défense, qui a dû être interrompu devant les dérapages financiers et les difficultés techniques. En son temps, le progiciel comptable ACCORD a subi le même sort, avant d’être remplacé par le logiciel CHORUS en 2007. De plus, le programme Copernic a également été abandonné en raison des difficultés de financement.
Je relève, par ailleurs, la suspension de l’écotaxe, ou plus exactement du péage de transit poids lourds, annoncée le 9 octobre dernier : sans revenir sur les discussions de fond, force est de constater que cette décision pose la question de l’avenir du centre de gestion installé à Metz et des 130 douaniers qui y sont affectés. Plusieurs pistes ont été évoquées, mais rien ne semble tranché à ce stade. Pouvez-vous nous en dire un peu plus, madame la ministre ?
Je terminerai en rappelant que les administrations relevant de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » sont au premier chef concernées par la lutte contre la fraude fiscale, qui est aujourd’hui un enjeu politique majeur. À cet égard, nous pouvons nous féliciter des bons résultats du service de traitement des déclarations rectificatives mis en place en 2013, qui devrait cette année largement dépasser l’objectif de 1,85 milliard d’euros de recettes.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.
M. Michel Bouvard, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme Thierry Carcenac, je m’interroge sur l’indemnisation d’Ecomouv’, ainsi que sur les coûts liés au service de Metz ou à la reconversion des portiques. Je regrette par ailleurs que les parlementaires aient manqué de courage collectif dans la défense d’une taxe votée à une large majorité…
Cela étant, afin de réaliser des économies, la commission des finances, sur l’initiative du rapporteur général, a adopté trois amendements tendant à ralentir l’avancement et à instaurer trois jours de carence dans la fonction publique. Ces amendements, dans un souci de clarté et de lisibilité, concernent la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », mais ils ont en réalité une portée générale, puisqu’ils intéressent les trois fonctions publiques : la fonction publique d’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.
Quant à la mission « Provisions », il s’agit d’une mission spécifique, dont les deux programmes sont destinés à couvrir des dépenses indéterminées au moment du vote de la loi de finances. La demande initiale de 165,3 millions d’euros en crédits de paiement a été minorée de 12,5 millions d’euros en seconde délibération par l’Assemblée nationale, dans le cadre de la garantie du respect de la norme de dépense en valeur de l’État.
La dotation du programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles » assure, notamment, les dépenses urgentes rendues nécessaires par des catastrophes naturelles qui pourraient survenir en France ou à l’étranger. Pour 2015, sont demandés sur cette dotation 452,8 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 152,8 millions d’euros de crédits de paiement.
La différence correspond, comme les années précédentes, à la constitution d’une provision destinée à financer les éventuelles prises à bail privées des administrations qui pourraient survenir dans l’année.
Mes chers collègues, les rapporteurs spéciaux suggèrent de préciser une doctrine d’emploi de cette dotation, afin d’en circonscrire le recours au seul critère accidentel.
Par ailleurs, afin d’éviter toute confusion, le terme « provisions » étant emprunté à la comptabilité générale et répondant à une tout autre définition, la commission a adopté un amendement visant à modifier la dénomination de la mission au profit de l’intitulé « Crédits non répartis », ainsi que le suggérait d'ailleurs la Cour des comptes.
J’en viens maintenant à la politique immobilière de l’État. Outre les budgets ministériels, celle-ci repose sur deux outils principaux.
Le premier d’entre eux est le programme 309 « Entretien des bâtiments de l’État », rattaché à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », et qui finance les travaux d’entretien lourd de l’État propriétaire. Il est doté de 166 millions d’euros en 2015, en légère baisse. La stratégie adoptée pour l’année prochaine est celle d’une diminution de la maintenance corrective, au profit de la maintenance préventive, mais surtout des contrôles, audits et diagnostics qui la précèdent.
Le second outil est le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », qui finance les travaux structurants de reconversion.
Ce compte est alimenté par les produits de cession des immeubles de l’État, évalués à 521 millions d’euros pour 2015. L’objectif affiché est certes ambitieux, comparé, notamment, aux 470 millions d’euros prévus pour 2014, mais réaliste selon les services de France Domaine. On peut toutefois regretter que le Parlement n’ait à sa disposition que très peu d’éléments pour juger du bien-fondé d’un prix de cession, et donc pour s’assurer, en particulier, qu’un bel immeuble n’est pas cédé à vil prix pour produire des recettes immédiates.
Une partie des dépenses du compte d’affectation spéciale susvisé est consacrée au désendettement de l’État. Théoriquement, le taux de contribution au désendettement devrait atteindre 30 % du montant des cessions, mais il ne sera, l’année prochaine, que de 16 %, du fait, singulièrement, des exonérations, prorogées par le biais de l’article 22 du présent projet de loi de finances, au profit du ministère des affaires étrangères et du développement international et relatives aux biens situés à l’étranger, et surtout du ministère de la défense. Compte tenu des efforts par ailleurs demandés à ce dernier, cette dérogation a paru justifiée à la commission des finances dans les circonstances actuelles. Au total, la contribution au désendettement ne sera donc que de 108 millions d’euros en 2015.
Le reste des dépenses du compte d’affectation spéciale, soit 413 millions d’euros, vise à financer les travaux de restructuration immobilière. Les crédits sont en baisse de 5,3 %, mais de fortes variations ne doivent pas surprendre, la plupart des projets concernés ayant un caractère pluriannuel.
Je terminerai mon intervention par trois remarques.
Premièrement, certains arbitrages à l’égard de la stratégie en matière de politique immobilière n’ont jamais été vraiment faits, et ce n’est pas une nouveauté, puisque ce problème est pendant depuis trois ans. Je pense, notamment, à la question de la valorisation locative du patrimoine de l’État qui, dans de nombreux cas, pourrait être plus avantageuse qu’une cession en une fois. La stratégie de France Domaine est trop souvent guidée par des objectifs de court terme.
Je pense également, madame la ministre, au cas de la Société de valorisation foncière et immobilière, la SOVAFIM, sur laquelle l’État se décharge de certaines opérations, parfois au prix fort. Ces critiques, maintes fois formulées, me conduisent à vous proposer, à titre personnel, un amendement tendant à dissoudre la SOVAFIM. Je rappelle d'ailleurs que sa création avait donné lieu à des questions, qu’elle a fait l’objet de deux rapports de la Cour des comptes et d’une condamnation par la Cour de discipline budgétaire et financière.
Deuxièmement, le pilotage de la politique immobilière des opérateurs reste défaillant. Dès 2009, le Parlement avait demandé que le patrimoine immobilier des opérateurs soit évalué ; aucune vision d’ensemble fiable n’est disponible à ce jour. La nouvelle génération de schémas pluriannuels de stratégie immobilière et le suivi renforcé de trente et un opérateurs seront peut-être l’occasion d’améliorer les choses. Le minimum serait que les documents budgétaires mis à notre disposition, que ce soient les jaunes budgétaires ou les documents orange, soient au moins remplis pour ce qui concerne les volets « opérateurs ». Des progrès restent à faire, mais ils ne dépendent pas que de vous, madame la ministre.
Enfin, le pilotage du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » est soumis à des objectifs contradictoires. Ainsi, la loi Duflot du 18 janvier 2013 autorise l’État à céder des terrains de son domaine privé avec une forte décote – elle peut atteindre jusqu’à 100 % – lorsque ces terrains sont destinés à la construction de logements sociaux. La commission des finances a adopté un amendement tendant à faire assumer par le budget général, et non par le compte d’affectation spéciale, la politique menée en faveur du logement social, dans un souci de cohérence.
Compte tenu de toutes ces remarques, la commission vous propose d’adopter les projets de budget concernés.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Hugues Portelli, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’indique d’emblée que la commission des lois, saisie pour avis sur le programme « Fonction publique », y a donné un avis favorable.
Le programme 148 concerne d’une part, la formation interministérielle des fonctionnaires de l’État et, d’autre part, l’action sociale interministérielle.
Ses deux actions constituent une part infime des crédits qui sont alloués dans le projet de loi de finances à l’action interministérielle dans ces domaines, puisque, pour ce qui est de la formation des fonctionnaires, cela correspond à peu près au tiers du total, le reste étant assuré par les ministères les plus structurés, les plus richement dotés, et, pour ce qui est de l’action sociale, cela représente environ un cinquième du total.
Dans les deux cas, les budgets alloués sont quand même importants, car ils permettent de suppléer la faiblesse des moyens des petits ministères et d’assurer une certaine équité de traitement en matière de formation ou d’action sociale de l’ensemble dans la fonction publique d’État.
Pour ce qui concerne la formation proprement dite, la majeure partie des crédits est destinée aux grands centres de formation que sont l’École nationale d’administration, l’ENA, d’un côté, et les instituts régionaux d’administration, les IRA, de l’autre.
Pour l’essentiel, les budgets de ces établissements sont maintenus et la coopération est renforcée entre ces instituts, notamment entre l’ENA et l’INET, l’Institut national des études territoriales, dans la mesure où une bonne partie des programmes des concours d’entrée est identique.
Quant à l’action sociale elle-même, qui permet d’accomplir des missions utiles, notamment en matière d’accès au logement, ou d’aide à la petite enfance – par exemple les crèches –, le Gouvernement a maintenu au niveau de l’année précédente les crédits qui lui sont affectés.
Sur tous ces sujets, il y a une continuité entre le projet de budget pour 2015 et les budgets des années précédentes, ce qui explique l’avis favorable de la commission des lois.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de l’administration fiscale et des administrations financières sont encore marqués cette année par un mouvement de réduction des effectifs qui met de plus en plus gravement en question la qualité du service public décentralisé en matière non seulement de collecte d’informations fiscales et de recouvrement des impôts, mais aussi – et cela tous les membres de cette assemblée élus locaux peuvent le confirmer – d’aide et de conseil à la gestion publique locale.
Les administrations fiscales et financières vont donc connaître en 2015 une nouvelle chute des effectifs, puisque, une fois encore, un peu plus de 2 000 emplois budgétaires vont disparaître, alors qu’il en fut de même pendant de longues années.
Ainsi, 110 000 agents seront affectés aux services des finances publiques et de la douane, là où l’on en comptait 155 000 dans les services déconcentrés en 2002 !
La simplification des procédures, les gains de productivité et la dématérialisation d’un certain nombre d’opérations n’ont pas permis d’améliorer la qualité du recouvrement des impôts, mission cardinale de nos administrations financières, et ce malgré l’attachement au service public de la grande majorité des agents, particulièrement attentifs aux principes de juste contribution et d’égalité devant l’impôt.
La persistance d’un haut niveau de fraude à l’impôt et la constance de certains à tromper aussi les administrations sociales devraient plutôt nous amener à consentir une pause, à sanctuariser le nombre d’agents en matière fiscale et financière.
Certains ne manquent jamais une occasion pour faire entrer dans un cadre législatif souple et flexible ce qui ressortissait précédemment à la fraude fiscale.
Cette situation n’a rien de bon.
Elle prive l’État de moyens financiers, d’autant que la règle du rescrit est de plus en plus privilégiée.
Elle prive également les élus locaux d’un avis éclairé dans la gestion quotidienne de leur collectivité ; je rappelle qu’un millier de trésoreries ont fermé ces dernières années.
Quant aux entreprises, pour les plus petites d’entre elles, le service fiscal de proximité pouvait s’avérer un point d’appui pour la gestion, pour le traitement optimal des obligations déclaratives et administratives.
Dans les secteurs dépourvus d’un tel service, les entreprises disposent d’un atout de moins. En effet, elles n’ont pas toujours le loisir de s’attacher les services d’un cabinet conseil ou d’un prétendu spécialiste en gestion financière et comptable.
Depuis vingt ou trente ans, on n’a cessé d’alléger l’imposition des ménages les plus aisés, des entreprises, singulièrement des plus importantes d’entre elles ; on a supprimé la taxe professionnelle, réduit d’un tiers le taux facial de l’impôt sur les sociétés, ramené, au niveau du SMIC, les cotisations sociales à la quotité de 1971. Tout cela pour quoi ? La dette publique est le résultat de l’accumulation de déficits consentis en raison des moins-values de recettes sans cesse plus élevées ! Et, par une logique implacable, ce sont les populations en général, les salariés, les retraités, les familles, les jeunes qui ont pris à leur compte le coût des mesures ainsi mises en œuvre.
Parmi ces personnes, les fonctionnaires ne sont pas en reste, puisque le gel du point d’indice, mesure emblématique du gouvernement Sarkozy-Fillon, semble devenir une disposition permanente jusqu’en 2017.
D’aucuns ont même évoqué, dit-on, des mesures encore plus draconiennes, mais ces hypothèses n’ont pas été retenues. Heureusement !
Le problème est aussi de dimension macroéconomique.
Le traitement de 5,4 millions de salariés est bridé : cela correspond tout simplement à une contraction de la masse imposable des revenus, comme de celle des revenus disponibles, qui pèse directement sur les recettes fiscales de l’État, au plan tant des impositions directes que des droits de consommation.
Pratiquer la modération salariale dans la fonction publique, outre le fait de donner le mauvais exemple au patronat du secteur marchand, consiste également à étouffer une bonne partie des capacités de croissance de l’économie, faute de débouchés.
Une telle mesure pèse de plus sur le montant des pensions, les pensions civiles et militaires constituant un élément important du revenu des ménages et d’un grand nombre de revenus et prestations alignés.
Or les économies réalisées ces dernières années sur les traitements, les pensions, le déroulement de carrière des agents publics n’ont pas conduit à une modification sensible de la situation des comptes publics.
Nous rejetterons donc sans la moindre hésitation les crédits de cette mission, d’autant plus s’ils sont modifiés à la suite de l’adoption de certains des amendements déposés qui ne peuvent recueillir notre approbation. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et les comptes affectés qui lui sont rattachés embrassent un large spectre de l’action publique, allant des effectifs de douaniers aux crédits de l’ENA, en passant par la vente par l’État de l’ensemble immobilier Penthemont-Bellechasse, situé dans le VIIe arrondissement de la capitale.
Ses crédits s’inscrivent dans la perspective de réduction de la dépense publique ; au regard de l’effort consenti, ils sont même exemplaires. Au sein de la mission, les principaux postes de dépenses concernent les directions du pôle économique et financier de l’État, au premier rang desquelles la direction générale des finances publiques, figurant au programme 156. Cette dernière connaît une diminution de crédits, tant en autorisations d’engagement, qui baissent de 2,52 %, qu’en crédits de paiement, qui sont réduits de 1,34 %.
Comme l’ont indiqué les précédents orateurs, le principal poste d’économies vise les dépenses de personnel. Un chiffre est à ce titre éloquent : la suppression de 2 400 équivalents temps plein qui succède à une mesure similaire l’année passée.
Les administrations concernées poursuivent leur modernisation, qui s’inscrit dans un cadre pluriannuel, jusqu’en 2018. La généralisation du numérique et la dématérialisation des échanges sont autant de vecteurs de simplification que de sources d’économies, en personnel notamment.
Comme les rapporteurs spéciaux, je m’interroge donc sur la diminution des crédits d’investissement : cette forte baisse à court terme ne doit pas être réalisée en sacrifiant des programmes de modernisation à moyen et à long terme.
De surcroît, comment concilier ces économies avec l’engagement du Gouvernement de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale ? À ce titre, nous pouvons souligner l’effort consenti, dans le programme 302, en faveur de l’action Surveillance douanière des flux de personnes et de marchandises et lutte contre la grande fraude douanière, dont les crédits sont stabilisés, et, dans le programme 156, en faveur de l’action Fiscalité des grandes entreprises. Mais cela sera-t-il suffisant ?
Quant aux suppressions de postes dans l’administration des douanes, qui figurent dans le programme 302, elles suscitent une autre interrogation. En effet, la Direction générale des douanes et droits indirects, la DGDDI, participe à la réduction des effectifs à hauteur de 250 emplois équivalents temps plein. Or, dans une économie mondialisée, la multiplication des échanges économiques rend les contrôles douaniers particulièrement importants. De surcroît, la douane française a fait de l’accompagnement des entreprises à l’international l’une de ses priorités. Pourra-t-il en être de même avec ces contractions de personnels ? Nous verrons bien…
Dépassant le strict cadre de la mission, mais restant dans la thématique des ressources humaines, je rappelle que, depuis 2012, l’exécutif a désigné trois grands secteurs prioritaires : l’éducation, la sécurité et la justice. Pour ces trois missions, 10 601 postes seront créés en 2015. Dans le contexte actuel, cet effort mérite d’être souligné. Il sera compensé par 11 879 suppressions de postes dans d’autres missions, notamment dans la mission « Défense » et dans celle dont nous débattons en ce moment.
Plusieurs amendements déposés par M. le rapporteur général esquissent le contre-projet de la majorité sénatoriale. Le premier vise à toucher à un « marqueur » politique et à instaurer trois jours de carence pour les fonctionnaires. Si l’on peut s’interroger – à juste titre d’ailleurs – sur le coût de la suppression, dans la dernière loi de finances, du jour de carence et sur son incidence sur l’absentéisme dans la fonction publique, porter ce délai à trois jours nous paraît disproportionné.
Quant à la proposition de réduction du GVT, le glissement vieillesse technicité, une telle évolution ne nous semble pas opportune, d’autant que le gel du point d’indice des fonctionnaires devrait perdurer au moins jusqu’à la fin de la législature.
Les sénateurs du groupe du RDSE n’ont aucune opposition de principe à l’égard de la réforme de la fonction publique. Cependant, ils ne se retrouvent pas dans les amendements proposés par le rapporteur général.
Enfin, je ne ferai qu’aborder le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ». Le rapport de nos collègues Michel Bouvard et Thierry Carcenac relève le dilemme auquel est confronté l’État depuis le vote de la loi Duflot du 18 janvier 2013 : d’un côté, il y a l’État propriétaire, qui souhaite vendre ses biens immobiliers au meilleur prix, et, de l’autre, l’État stratège, qui entend participer par le biais de ces ventes à la politique du logement.
Dans leur majorité, les sénateurs du groupe du RDSE s’accordent sur les crédits de cette mission, en dépit des remarques que je viens de formuler. Nous ne souhaitons pas que le Sénat en modifie l’équilibre général. Dans le cas où les amendements soutenus par le rapporteur général seraient adoptés, nous serions contraints de ne plus apporter notre soutien aux crédits ainsi modifiés. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » contribue fortement à l’effort d’assainissement de nos finances publiques. Avec une réduction de 1,4 % des crédits de paiement, soit 174 millions d’euros d’économies sur 11,2 milliards d’euros, elle constitue un véritable exemple de réduction de la dépense publique. Je tiens à saluer cet effort : une baisse de 1,4 % est certes modeste, mais elle représente déjà une économie réelle, et non pas une tendance, comme cela est souvent dit.
Pourtant, je le crois, nous pourrions faire mieux, et pas seulement pour ce qui concerne la présente mission.
En effet, dans le cas qui nous occupe aujourd’hui, la réduction des crédits a été obtenue en sollicitant les dépenses de personnel à hauteur de 1,2 %, soit 105 millions d’euros, et les dépenses d’investissement à hauteur de 89 millions d’euros en autorisations d’engagement.
On le constate bien, on rogne sur les différents titres de dépenses, afin de produire un résultat modeste, mais la gestion de cette mission n’a pas permis une véritable réflexion sur son périmètre et sa structure interne.
Je prendrai un seul exemple : les services administratifs de la direction générale des finances publiques sont les principaux concernés par cette mission. Or, nous le savons, près de 30 % des effectifs de cette direction sont chargés de la gestion administrative de la collecte de l’impôt sur le revenu.
Autrement dit, il suffirait d’effectuer la réforme, depuis longtemps envisagée, du prélèvement à la source de l’impôt pour pouvoir redéployer un tiers des effectifs de ce service vers d’autres services de Bercy ou d’autres métiers de l’administration. Des solutions simples existent donc pour mieux gérer la dépense publique et dépenser utilement, sans en venir nécessairement à menacer intégralement le statut de la fonction publique.
Sur cette question, j’anticipe le débat que nous aurons lors de l’examen des articles non rattachés. Je proposerai la baisse du plafond des emplois de l’État, afin de revenir au principe du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux.
Je crois également qu’il faudrait diffuser cette idée auprès des opérateurs de l’État dont les effectifs ont gonflé à mesure que ceux de la fonction publique de l’État diminuaient jusqu’en 2012. Là aussi, il s’agit une mesure simple d’économie budgétaire à long terme, qui concerne aussi bien le programme « Fonction publique » de cette mission que l’ensemble des missions et du compte d’affectation spéciale « Pensions ».
Pour en revenir plus directement à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », je me pose deux questions.
Pourquoi avoir augmenté le nombre de postes au concours de l’École nationale d’administration ? J’avais noté que l’enseignement était une priorité, tout comme la police, et que nous coupions largement dans les effectifs de la défense nationale. Alors, pour quelle raison créer des postes d’administrateurs civils ?
Quant aux dépenses d’investissement de la mission, je m’interroge sur l’opérateur national de paye. Sa mise en place a été un échec, très bien documenté dans le rapport de la commission des finances. Un investissement de 206 millions d’euros sans aucun résultat : c’est tout de même très fâcheux !
Dans l’immédiat, je me rangerai à l’analyse du rapporteur général, qui nous présentera ses propositions sur le jour de carence et sur le GVT. Je veux bien ne pas remettre en cause le statut de la fonction publique, mais il faut néanmoins rechercher davantage d’équité entre le secteur privé et le secteur public. Le Gouvernement serait bien inspiré de revoir un certain nombre de mesures catégorielles ciblées au profit des fonctionnaires.
J’en viens maintenant à la mission « Provisions ». Elle fait apparaître, selon moi, un certain nombre d’anomalies de gestion. Il est effectivement prudent de provisionner des crédits pour faire face aux imprévus, mais, de fait, il ressort de mes trois années d’expérience au Sénat que ces crédits sont plus souvent employés comme une variable d’ajustement gestionnaire que comme un outil de prise en charge de l’imprévu.
C’est en partie pour cette raison que j’avais déposé dans le cadre du récent examen du projet de loi de programmation des finances publiques un amendement tendant à baisser par mission le taux de provisionnement des crédits, afin d’ouvrir la voie à une réduction généralisée de ceux-ci.
Enfin, j’évoquerai en quelques mots la politique immobilière. Nous aurons ce débat demain lors de l’examen de la mission « Défense », mais la pratique de la cession à outrance pour trouver, là encore, des facilités de gestion ne paraît pas de bonne administration.
Nous vendons nos biens, généralement trop vite et donc assez mal, pour finalement en louer d’autres. C’est absurde ! Rien que pour la mission « Justice » examinée hier, j’aurais pu vous parler de l’hôtel particulier loué 450 000 euros annuellement pour accueillir la Cour de justice de la République, ou encore du coût exorbitant de la construction du nouveau ministère de la justice, le projet Millénaire 3, élaboré grâce à un partenariat public-privé.
Une fois encore, les facilités de gestion d’aujourd’hui creusent les déficits de demain. À force de fragiliser nos actifs pour combler le déficit de quelques centaines de millions d’euros, c’est tout l’appareil administratif que nous suspendons au bon paiement des loyers des immeubles dans lesquels nous installons les services.
Que nous parlions de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », de la fonction publique, des provisions, ou encore de la politique immobilière de l’État, nous ne pouvons pas nous laisser aller à la facilité. Le Gouvernement serait bien inspiré de mesurer, derrière les bons résultats de façade, le chemin qui lui reste à parcourir pour avoir une administration financière encore plus efficiente qu’elle ne peut l’être déjà. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il nous revient d’examiner les crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et « Provisions ».
Notre discussion portera donc sur la gestion financière et économique des administrations dépendant de Bercy et sur la gestion de la politique immobilière de l’État, au travers d’un compte d’affectation spéciale.
Outre nos réserves sur la gestion de la politique immobilière, nous regrettons que les dépenses de fonctionnement courant continuent à croître. Si un effort a été engagé, il demeure, à nos yeux, insuffisant. L’opposition sénatoriale l’a d’ailleurs souligné, par la voix de son rapporteur spécial Thierry Carcenac.
Il conviendrait également de mieux évaluer le rapport coût-efficacité des nouveaux logiciels de gestion de paie introduits dans l’administration, dont les coûts se révèlent très souvent bien supérieurs à ce qui était prévu, pour un rendement très aléatoire.
Les pertes financières liées à l’abandon partiel ou total de certains logiciels sont à chaque fois très importantes. Je pense, par exemple, à l’opérateur national de paye, aux systèmes Louvois, Copernic, ACCORD, ou encore CHORUS... Cette critique vaut d’ailleurs pour tous les gouvernements, qu’ils soient de gauche ou de droite.
Par ailleurs, pour ce qui concerne la suspension sine die de l’écotaxe, se pose le problème des 130 douaniers qui sont affectés au centre de gestion de Metz et qui devaient être chargés de sa mise en œuvre. Qu’adviendra-t-il de ces personnels ? Pourquoi ne pas les réaffecter en partie vers la lutte contre la fraude sur internet ?
Je vous rappelle que, voilà un an, Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier avaient publié un rapport d’information intitulé : Les douanes face au commerce en ligne : une fraude fiscale importante et ignorée. Ils avaient pointé du doigt la nécessité de renforcer nos instruments juridiques pour lutter contre la fraude fiscale à la TVA liée à la vente en ligne. Au-delà des lacunes juridiques, ils avaient notamment souligné le manque d’effectifs dans les aéroports comportant seulement une quinzaine d’agents se consacrant spécifiquement à la fraude sur internet, sur les 17 000 que comptent les douanes.
Un redéploiement des effectifs pourrait ainsi être opéré au sein des brigades de contrôle du fret express et du fret postal, du service Cyberdouane, de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et du service national de douane judiciaire.
À cet égard, un rapport de la Commission européenne a estimé à 32 milliards d’euros le manque à gagner en matière de TVA pour la France. Assurément, ce n’est pas rien !
Dans le cadre de l’examen de la présente mission, le groupe UMP présentera un amendement, que je défendrai, visant à diminuer le coût de la masse salariale de la fonction publique, qui est l’une des dépenses les plus onéreuses de l’État, en ralentissant le glissement vieillesse technicité.
Nous soutiendrons également un amendement de la commission des finances tendant à instaurer trois jours de carence dans les trois fonctions publiques.
Il s’agit d’une mesure d’équité par rapport au secteur privé, puisque, aujourd’hui, les arrêts pour cause de maladie des fonctionnaires, a contrario de ceux des salariés du privé, sont indemnisés par la sécurité sociale dès le premier jour.
Madame le ministre, vous allez nous rétorquer que, pour les salariés du secteur privé, ces jours sont couverts par des assurances privées dans le cadre d’accords de branche ou d’entreprise. Mais tous ces salariés ne sont pas couverts par de telles assurances, au moins un tiers d’entre eux n’en bénéficie pas ; en outre, cette couverture assurantielle ne concerne que les salariés en CDI ; enfin – point important –, elle se traduit par des cotisations supplémentaires pour les bénéficiaires.
Par ailleurs, vous savez très bien que le jour de carence que nous avions instauré et que votre majorité a supprimé voilà un an avait eu des effets positifs sur l’absentéisme dans les fonctions publiques concernées.
Au moment de sa suppression, certains élus socialistes avouaient avoir constaté, depuis sa mise en œuvre, une baisse du nombre d’absences dans leur collectivité.
Ce jour de carence avait surtout eu un effet sur les arrêts d’une seule journée : selon une étude du mois de décembre 2013 effectuée par un assureur que je ne citerai pas et qui couvre notamment l’indemnisation des arrêts maladie, les arrêts d’une journée auraient diminué de ce fait de 43 % dans les collectivités en 2012 et de 40 % dans les hôpitaux.
Par ailleurs, deux enquêtes de la Fédération hospitalière de France, portant sur des établissements représentant 44 % des effectifs, concluent à des diminutions du nombre d’absences allant de 3 % à 7 %, et jusqu’à 20 % dans certains établissements.
Il ne fait par conséquent aucun doute que l’abrogation du jour de carence a surtout visé à faire accepter aux fonctionnaires le gel de leur rémunération pour la cinquième année consécutive.
C’est donc sous réserve de l’adoption de leurs amendements que les membres du groupe UMP voteront les crédits de la présente mission, conformément au souhait du rapporteur spécial Michel Bouvard, que nous félicitons pour la qualité du rapport qu’il a présenté, établi, il faut le souligner, en parfaite concertation avec notre collègue de l’opposition, Thierry Carcenac. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck.
M. René Vandierendonck. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs spéciaux, mes chers collègues, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 a fixé une trajectoire des finances publiques pour ramener le déficit sous la barre des 3 % en 2017 et tendre à l’équilibre structurel en 2019.
Selon certains, cet effort est insuffisant. Pour ma part, je constate qu’il est d’une ampleur inédite et qu’il est d'ores et déjà bel et bien engagé. Jusqu’à preuve du contraire, réaliser 50 milliards d’euros d’économies en trois ans, dont 21 milliards d’euros dès 2015, et mettre à contribution les trois versants de la fonction publique, c’est du jamais vu !
La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » contribue fortement à l’effort de maîtrise des dépenses publiques. Ainsi, pour atteindre cet objectif, le Gouvernement n’a pas hésité à confirmer la stabilisation des effectifs de la fonction publique d’État, ainsi que le gel du point d’indice jusqu’en 2017.
Premièrement, le groupe socialiste note que les engagements sélectifs qui ont été pris, concernant l’éducation, la sécurité et la justice, sont respectés. Ces engagements trouvent une traduction dans le document budgétaire.
En effet, si les effectifs de la fonction publique d’État sont quasi stables, le plafond des autorisations d’emplois est fixé à 1 891 629 équivalents temps plein, en diminution de 0,14 % par rapport à 2014. En dépit de cette baisse, nous constatons, avec satisfaction, que l’engagement du Président de la République de créer 60 000 emplois dans l’enseignement et 5 000 emplois dans les secteurs de la sécurité et de la justice sur la durée du quinquennat est respecté : en 2015, 9 421 emplois supplémentaires sont prévus pour l’enseignement, 405 emplois supplémentaires pour la police et la gendarmerie et 600 emplois nouveaux pour la justice. En contrepartie – c’est inévitable ! –, d’autres ministères perdent des emplois. Il en va notamment ainsi du ministère de la défense et du ministère des finances et des comptes publics.
Deuxièmement, les crédits dévolus aux dépenses d’action sociale qui visent à améliorer le pouvoir d’achat des agents de l’État et de leur famille repartent à la hausse, puisqu’ils augmenteront de 2,8 % en 2015. Ces crédits, qui représentent 60,6 % du programme « Fonction publique », s’établissent à 122,3 millions d’euros en autorisations d’engagement. Les chèques-vacances, les chèques emploi service universels pour la garde d’enfants âgés de zéro à six ans, l’aide à l’installation des personnels de l’État sont autant de mesures incontestablement positives. Je tiens en particulier à souligner les dispositions ciblées en direction des fonctionnaires qui sont le plus en difficulté ; je pense notamment aux familles monoparentales et aux parents isolés.
L’ensemble de ces arbitrages nous donnent satisfaction.
Désormais, madame la ministre, les membres du groupe socialiste attendent – ils n’auront plus à attendre très longtemps ! – que vous nous indiquiez enfin, à cette tribune, les incidences de la réforme territoriale en termes de transferts de personnels de l’État vers les collectivités locales. Pour ma part, je ne connais pas d’exemples de transferts de personnels qui se soient passés dans de mauvaises conditions ; j’en ai pourtant connu, dans d’autres administrations ! En outre, je suis intimement persuadé, comme l’écrivent MM. Malvy et Lambert dans leur rapport, que d’importants effets positifs peuvent être espérés de ces transferts, du point de vue non seulement de la qualité du service public, mais aussi de la maîtrise budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président, je vais essayer de respecter le temps de parole qui m’est alloué. Je détaillerai tout à l'heure l’avis du Gouvernement sur les différents amendements qui seront présentés.
Je reviens tout d’abord sur les données générales concernant les crédits de fonctionnement des administrations, notamment ceux de la direction générale de l’administration et de la fonction publique, et les comptes publics. Sans aller jusqu’à reprendre les mots de René Vandierendonck, je veux vous faire remarquer, mesdames, messieurs les sénateurs, que, comme les années précédentes, les administrations contribuent de manière exemplaire aux économies budgétaires.
Je ne doute pas que le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République contribuera à ces économies, mais il serait prématuré d’annoncer à l’avance les transferts de personnels qui pourraient en résulter, par exemple dans les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, les DIRECCTE, et les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement, les DREAL. Au reste, le ministère de l’agriculture s’est déjà exprimé sur les transferts relatifs à la gestion des fonds structurels, comme le savent les présidents de région.
Pour l’heure, nous ne disposons pas d’éléments chiffrés, et nous ne voulons pas en communiquer tant que ces aspects n’auront pas été étudiés d’extrêmement près. En tout état de cause, il est certain que les deux lois de réforme territoriale permettront de savoir « qui ne fait plus quoi », et non plus « qui fait quoi », et de diminuer les doublons.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux revenir sur quelques sujets que vous avez abordés.
La réduction des effectifs à hauteur de 2 400 équivalents temps plein, soit une baisse de 1,8 % du plafond d’emplois, est, effectivement, un effort extrêmement important. Il est salué, même si je constate qu’il suscite quelques inquiétudes chez les sénateurs de toutes les sensibilités politiques. Les dépenses hors personnel baissent de 60 millions d’euros et les dépenses de personnel, hors retraite, de 82 millions d’euros.
Chargée, entre autres, du programme 148, « Fonction publique », je veux rappeler que la formation interministérielle des fonctionnaires, qui concerne l’ENA, les IRA, et l’action sociale interministérielle, pour les prestations individuelles et collectives – je regroupe volontairement les thèmes abordés dans les différentes interventions, pour ne pas me répéter –, nous ont conduits à supprimer quelques postes, en particulier à l’ENA, à entamer de vraies négociations entre l’ENA et l’INET, sur un certain nombre de modules communs, afin de croiser les cultures – cela rejoint la question de René Vandierendonck sur les parcours professionnels de nos fonctionnaires, qu’ils soient d’État ou territoriaux, dans la perspective des évolutions institutionnelles –, ainsi qu’à augmenter légèrement le nombre des élèves de l’ENA, pour répondre aux demandes, émanant de l’administration, que soient pourvus certains postes aujourd'hui vacants.
Vous l’avez tous souligné, et vous avez eu raison, les crédits dédiés à l’action sociale sont extrêmement importants, même s’ils représentent un tout petit budget. Ils concernent essentiellement les premières installations, les problèmes de logement, les difficultés rencontrées par des personnes ayant perdu des appuis familiaux – par exemple, des femmes seules –, ou encore les problèmes de garde d’enfants. Nous tenons à garder ce budget, en dépit de sa modicité, pour éviter à des fonctionnaires modestes de se retrouver en grande difficulté, en particulier dans les régions en tension en termes de logement ou de garde d’enfants.
Nous avons également revu l’ensemble de ces politiques pour que l’effort de redressement soit proportionnel aux capacités de nos fonctionnaires. Je vous remercie de l’avoir relevé.
Je veux répondre maintenant à quelques questions qui ont été posées.
Pour ce qui concerne les missions des douanes, je tiens à revenir non pas sur les chiffres avancés – ils correspondent à ceux dont nous disposons –, mais sur les économies qui ont été réalisées. La dématérialisation des procédures vise Bercy dans son l’ensemble, mais il est vrai que Christian Eckert, à la suite de ses prédécesseurs, accorde une attention particulière, depuis plusieurs mois, à la réorganisation de l’administration des douanes.
J’ai également été interrogée sur l’abandon d’Ecomouv’ – non pas sur le fond du dossier, mais sur ses conséquences. C’est vers la mi-décembre que mon collègue concerné se rendra sur place et donnera des réponses aux personnels, après que ceux-ci aient été interrogés sur leur avenir et sur leur envie de servir dans telles ou telles fonctions. Bien évidemment, il n’est pas question de garder les personnels qui n’auraient pas de mission précise.
En attendant, et compte tenu d’un certain nombre de questions que vous avez soulevées sur la fraude – sous toutes ces formes, d'ailleurs –, je rappelle que des missions temporaires ont été confiées aux personnes travaillant sur le site de Metz, nous permettant d’approfondir un certain nombre de sujets, comme le commerce électronique, la contrefaçon, ou encore les grands trafics qui ont pu être observés.
Je constate comme vous que l’opérateur national de paye est interrompu. Nous avons attendu que nous soit remise une analyse extrêmement précise de cet outil pour conclure que nous ne pouvions pas garder un organisme qui ne fonctionne pas. Vous savez que la négociation que j’ouvre avec les personnels, en particulier le dialogue social sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations, évitera peut-être, à terme, le maintien des 1 700 régimes indemnitaires actuels et permettra de revenir à un système plus simple.
Je prends acte, par ailleurs, des remarques qui ont été formulées sur le jour de carence. Néanmoins, il faut faire extrêmement attention. Si 77 % des salariés des grandes entreprises voient leurs jours de carence compensés par une cotisation patronale – généralement, la cotisation salariale en la matière est très faible, voire inexistante –, il ne faut pas y voir uniquement de la philanthropie de la part de ces groupes, qui veulent surtout éviter que les salariés ne prennent des jours de carence à mauvais escient et prévenir, nous disent-ils, des phénomènes de contagion
Je le répète une nouvelle fois, l’égalité parfaite imposerait d’ouvrir une protection sociale à l’ensemble des salariés de la fonction publique, pour obtenir en leur faveur un traitement au moins égal aux 77 % des salariés des grands groupes ou à 47 % des salariés des petites entreprises – ce dernier taux augmente, d'ailleurs, d’année en année. Il importe donc que nous soyons prudents.
La dépense qui en résulterait concernerait les assureurs privés. Or l’analyse produite par l’assureur Sofaxis – pour ne pas le nommer – a bien montré que, si l’instauration du jour de carence a fait diminuer le nombre de congés d’un jour, elle a conduit à l’augmentation de celui des congés de trois ou quatre jours.
Mme Marie-France Beaufils. Tout à fait !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. En effet, il arrive fréquemment que le salarié qui se rend chez son médecin pour obtenir compensation de son jour de carence soit arrêté plus longtemps qu’un jour… Nous constatons également une augmentation des accidents de travail.
Ce sujet n’est par conséquent pas aussi simple qu’on veut bien le laisser croire.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je reviendrai sur le jour de carence lors de l’examen des amendements.
Pour ce qui concerne l’immobilier des opérateurs, comme M. Bouvard l’a excellemment décrit, une intégration dans le pilotage de la politique immobilière, au travers des schémas pluriannuels de stratégie immobilière, les SPSI, a été proposée et décidée au terme des travaux de fiabilisation de l’information sur le patrimoine des opérateurs. La phase de mise en œuvre est en route. Il est donc trop tôt pour en tirer un bilan.
Je peux toutefois m’engager, au nom de mes collègues de Bercy, à ce que cette intégration fasse l’objet d’une évaluation dans le cadre de nos évaluations des politiques publiques, dès qu’elle aura atteint son rythme de croisière. Les documents budgétaires présenteront l’application de cette mesure au fur et à mesure de sa réalisation. Vous pourrez donc suivre, mesdames, messieurs les sénateurs, les progrès réalisés sur ce dossier et, je l’espère, en prendre acte avec nous.
S’agissant des personnels de la fonction publique, il est vrai que le point d’indice a été gelé. Je rappelle toutefois que, dans le même temps, les traitements des agents des catégories C et B ont fortement augmenté. En effet, plutôt que d’augmenter tout le monde de manière proportionnelle, et donc de revoir à la hausse l’échelle des salaires, ce qui défavorise les moins élevés d’entre eux, nous avons choisi de prendre en compte d'abord les plus faibles traitements, qui concernent 58 % des effectifs de la fonction publique territoriale. Je dois dire que les salariés ont plutôt bien accepté ce choix. Je fais aussi remarquer que l’augmentation du nombre de jours de carence est tout à fait symbolique.
Afin de garder du temps pour pouvoir donner les explications nécessaires lors de l’examen des amendements, je signalerai simplement pour terminer que la mission « Provisions » comporte, à hauteur de 20 millions d’euros – une somme peu importante –, des crédits pour dépenses accidentelles, répartis en cours d’année entre les différents ministères, ainsi que, à hauteur de 150 millions d’euros, des crédits affectés à la réserve parlementaire, dont, naturellement, nous pourrons discuter avec entrain. (Sourires.) Je reviendrai également, au cours du débat sur les amendements, sur les quelques points que j’ai pu omettre dans cette intervention.
gestion des finances publiques et des ressources humaines
M. le président. Nous allons maintenant procéder à l’examen des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Gestion des finances publiques et des ressources humaines |
11 330 574 233 |
11 219 042 007 |
Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local |
8 315 642 013 |
8 214 825 704 |
Dont titre 2 |
7 077 675 959 |
7 077 675 959 |
Conduite et pilotage des politiques économiques et financières |
1 092 108 580 |
1 055 767 865 |
Dont titre 2 |
511 148 707 |
511 148 707 |
Facilitation et sécurisation des échanges |
1 570 439 716 |
1 583 123 707 |
Dont titre 2 |
1 131 668 032 |
1 131 668 032 |
Entretien des bâtiments de l’État |
151 000 000 |
161 000 000 |
Fonction publique |
201 383 924 |
204 324 731 |
Dont titre 2 |
249 549 |
249 549 |
M. le président. L'amendement n° II-50, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local |
0 |
550 000 000 |
0 |
550 000 000 |
Dont Titre 2 |
550 000 000 |
550 000 000 |
||
Conduite et pilotage des politiques économiques et financières Dont Titre 2 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Facilitation et sécurisation des échanges Dont Titre 2 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Entretien des bâtiments de l’État |
0 |
0 |
0 |
0 |
Fonction publique Dont Titre 2 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Total |
0 |
550 000 000 |
0 |
550 000 000 |
Solde |
- 550 000 000 |
- 550 000 000 |
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement est très important sous l’angle budgétaire, puisqu’il porte sur un montant de 550 millions d’euros et concerne un sujet majeur s’agissant de l’un des premiers postes de dépense de l’État – la masse salariale : je veux parler du glissement vieillesse technicité, le fameux glissement vieillesse technicité positif.
La commission des finances, très largement rejointe, me semble-t-il, par les membres de la majorité sénatoriale, a jugé que la maîtrise de la masse salariale de l’État constituait un enjeu budgétaire primordial. À l’heure où nous sommes tous à chercher les moyens de réaliser d’importantes économies, où des mesures significatives sont prises en ce sens – coups de rabot ou autres -, cette maîtrise de la masse salariale apparaît de toute évidence comme l’un des principaux leviers pour contrôler l’évolution de la dépense publique.
Nous reconnaissons que des dispositions ont déjà été prises, comme le gel du point de la fonction publique, que Mme la ministre évoquait à l’instant, certaines mesures catégorielles, ou encore la stagnation du nombre de fonctionnaires. Ce sont autant d’efforts tendant à réduire la progression naturelle de la masse salariale.
Mais la Cour des comptes, elle-même, a appelé notre attention sur l’enjeu que représente le glissement vieillesse technicité pour la seule fonction publique d’État. Dans un rapport, elle indique que « les promotions individuelles, qui sont à l’origine du GVT positif, constituent le vecteur le plus dynamique de l’augmentation de la masse salariale à hauteur d’environ 1 200 millions d’euros par an ». Comme vous le constatez, mes chers collègues, nous parlons d’une somme considérable !
Le présent amendement vise, non pas à geler le mécanisme d’avancement dans la fonction publique, mais à le ralentir légèrement, en diminuant de 550 millions d’euros les autorisations d’engagement et crédits de paiement du programme 156.
Cette économie résulterait d’une réduction du GVT positif pour l’ensemble des fonctionnaires de l’État. Pour ce faire, plusieurs pistes s’offrent au Gouvernement : un allongement de la durée à accomplir dans un échelon pour accéder à l’échelon supérieur ou une suspension temporaire, par exemple pour une durée de six mois, de toutes les mesures individuelles de changement d’échelon et de grade. Dans un souci de clarté, cette réduction serait imputée sur les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », dont nous sommes en train de débattre.
Cette mesure, je le précise, n’aurait pas vocation à s’appliquer à la seule fonction publique d’État, et pourrait être étendue aux autres fonctions publiques. J’y insiste, elle est d’une grande importance.
Au regard de la situation budgétaire de notre pays – il enregistre le troisième déficit de la zone euro – et des appels que lui lancent la Commission européenne et ses partenaires pour qu’il mette en œuvre des mesures plus poussées de réduction des dépenses structurelles, il me semble que cet amendement mérite d’être soutenu et adopté. Il s’agit d’un choix difficile et courageux, mais le contexte budgétaire l’impose !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Regardons bien les chiffres ! Force est de constater que nos interprétations divergent. Je me permettrai donc, non pas de corriger les propos de M. le rapporteur général, mais de livrer, en cet instant, l’interprétation du Gouvernement.
La Cour des comptes souligne surtout la bonne maîtrise de la masse salariale en 2013, avec une évolution de 0,5 % et un GVT à hauteur de 286 millions d’euros. Le projet de loi de finances présenté par le Gouvernement tend à réaliser le même effort en 2015, avec une évolution de 0,6 % de la masse salariale. Le nombre de postes supprimés sera effectivement inférieur, mais les effectifs ont déjà beaucoup diminué avec, cela a été rappelé, tous les problèmes qui peuvent en découler dans un ministère comme celui de la défense.
Il est donc parfaitement possible, à l’inverse de la proposition formulée par la commission par le biais de cet amendement, de maintenir l’emploi public, tout en assurant une gestion très rigoureuse.
La question de l’avancement appelle en outre à la prudence. Les fonctionnaires ont accepté de participer à l’effort de redressement des comptes publics, au travers d’un gel du point d’indice, mesure qui est appliquée depuis 2010. Leur situation a valeur de symbole, car je ne pense pas que les salariés du secteur privé – secteur auquel il a été fait référence à propos du jour de carence – à n’avoir bénéficié d’aucune augmentation depuis 2010 soient très nombreux !
M. Gérard Longuet. Leurs entreprises sont en dépôt de bilan !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Si l’on veut comparer, il faut tout comparer, y compris les intéressements, les participations, les augmentations…
M. Jean-François Husson. Le chômage augmente !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je puis vous assurer, monsieur le sénateur, que la question du chômage me préoccupe autant que vous !
Mme Marie-France Beaufils. Mettre les fonctionnaires au chômage ne vaut pas mieux !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cela étant, notre fonction publique de carrière mérite attention.
Depuis le mois d’octobre, des discussions sont engagées avec l’ensemble des organisations syndicales dans le cadre d’une grande négociation sur les parcours professionnels, les rémunérations et les carrières – évidemment, elles font actuellement d’objet d’une pause, du fait de la campagne électorale qui précède les élections professionnelles qui vont se tenir le 4 décembre. À cette occasion, nous avons très clairement indiqué aux organisations syndicales que les parcours professionnels devaient être améliorés.
Certaines réflexions ont été formulées à propos des passerelles. René Vandierendonck, par exemple, en appelait tout à l’heure à l’instauration de tels dispositifs au moment de la révision de la construction institutionnelle de la République. Nous pourrions tout à fait envisager un allongement des carrières, en rapport avec cette amélioration des parcours au travers de passerelles ou de l’octroi de véritables formations professionnelles, notamment lorsqu’un agent souhaite changer d’orientation. De nombreux fonctionnaires plafonnent à quarante ans de carrière, ce qui n’est pas satisfaisant.
Quoi qu’il en soit, je le rappelle, voilà trente ans que les questions des parcours professionnels, des rémunérations, des carrières, des régimes indemnitaires n’ont pas été examinées globalement. Si nous voulons vraiment traiter ces sujets de façon positive, même si je comprends l’analyse qui vient d’être avancée, je ne pense pas qu’un gel du GVT soit de bon augure pour la grande négociation qui a commencé.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Je vais m’exprimer non seulement sur l’amendement n° II-50 de la commission, mais aussi sur l’amendement n° II-271 – celui-ci, déposé par les membres du groupe UMP, sera présenté dans quelques instants –, qui ont tous deux pour objet de ralentir les effets du glissement vieillesse technicité.
Chers collègues de la nouvelle majorité sénatoriale, vous aviez annoncé la couleur la semaine dernière en indiquant que vous formuleriez de nombreuses propositions visant à réduire les dépenses publiques ; effectivement, vous faites preuve de beaucoup d’inventivité !
Cela étant, la lecture de l’exposé des motifs de ces amendements présente au moins un intérêt : nous apprendre que les dépenses de personnel constituent une dépense majeure de l’État ! Mais, mes chers collègues de l’UMP, c’est enfoncer une porte ouverte ! On sait parfaitement le poids des effectifs dans le budget de l’État, des collectivités locales ou des établissements hospitaliers. Il s’agirait même, selon les dires du premier signataire de l’amendement n° II-271, de l’« une des dépenses les plus coûteuses » du budget de l’État !
Rassurons-nous, ce constat manque, selon nous, d’une certaine logique élémentaire. Si, au total, l’État doit débourser chaque année un peu plus de 121 milliards d’euros pour rémunérer les agents des différents ministères - 61 milliards d’euros pour l’enseignement scolaire, 18,7 milliards d’euros pour la défense nationale, etc. -, cette somme très élevée apparaît également sur le plan de la masse des recettes sociales, via les cotisations sociales correspondantes, et de l’assiette des recettes fiscales. En effet, au cas où vous l’auriez oublié, les fonctionnaires d’État, au nombre de 1,9 million, les 400 000 agents mis à disposition des opérateurs, les fonctionnaires territoriaux comme les fonctionnaires hospitaliers sont aussi des contribuables, des salariés, des consommateurs, et, à ce titre, facteurs de croissance.
On est même en droit de penser que c’est une chance pour notre pays d’avoir des agents du secteur public en nombre suffisant pour que les comptes publics ne soient pas plus dégradés qu’ils ne le sont aujourd’hui !
On nous propose maintenant de réduire les effets du fameux GVT. Les agents de la fonction publique n’auraient-ils pas encore assez payé leurs « privilèges » avec le gel du point d’indice pour qu’il faille remettre en cause, de surcroît, l’une de leurs garanties essentielles, à savoir le déroulement de carrière et l’évolution du traitement en découlant ? Quel manque de reconnaissance du rôle et des qualités professionnelles de ces agents publics !
Mais surtout - question qui n’est pas secondaire dans notre esprit - « ralentir » le GVT, c’est tout simplement admettre que quelqu’un puisse être payé en dessous de sa valeur, sans tenir compte de son expérience, de ses compétences, de sa qualification professionnelle.
Je vous rappelle, mes chers collègues de l’UMP, vous qui êtes si souvent attentifs à l’équité entre les secteurs public et privé, que toutes les conventions collectives, y compris les plus timides en termes d’avancées sociales, prévoient expressément un reclassement régulier des salariés de la branche à un coefficient supérieur !
La mise en cause du GVT proposée par les auteurs des deux amendements en discussion correspondrait, selon le cas, à 550 millions d’euros ou à 775 millions d’euros d’économies… C’est donc une perte de pouvoir d’achat comprise entre 290 euros et 410 euros par an pour chaque agent public. Un bon outil pour la croissance, n’en doutons pas !
Si vous cherchez quelques millions d’euros à réintégrer dans le budget de l’État, il y a du grain à moudre ailleurs ! Mais il est vrai que, à partir du moment où l’on estime normal de réduire, sous les motifs les plus divers, l’impôt de solidarité sur la fortune de plus de un milliard d’euros, où l’on accepte que certains P-DG de nos grands groupes industriels disposent d’une confortable retraite chapeau servie sous forme de rente viagère, on a du mal à trouver d’autres solutions que les mauvaises propositions qui nous sont soumises !
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe CRC sollicitent, à deux jours d’élections importantes pour la fonction publique, le rejet par scrutin public de ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. La petite musique que je vais vous faire entendre, mes chers collègues, diffère quelque peu de celle qui vient d’être jouée.
Il est vrai que nous devons collectivement faire des efforts, au regard du contexte budgétaire et financier très compliqué dans lequel se trouve notre pays. Certes, la France n’est pas encore tout à fait dans la situation des pays ayant dû baisser les salaires de leurs fonctionnaires de 10 % ou 20 %, mais si nous ne voulons l’éviter, il faut anticiper.
Pour ma part, je regrette que nous ne disposions pas d’un véritable directeur des ressources humaines à l’échelon de l’État, car nous aurions besoin d’une vraie gestion des ressources humaines. Or tel n’est pas le cas aujourd'hui.
Oui, nous recherchons l’équité, que j’ai précédemment évoquée, entre secteur public et secteur privé. Cependant, madame la ministre, l’augmentation à l’ancienneté n’est pas une constante dans le secteur privé ; on n’y pratique pas non plus la garantie individuelle de pouvoir d’achat, la fameuse GIPA, qui représente un coût assez élevé et compense largement le gel du point d’indice. Ce gel a des conséquences sur les élus locaux : depuis 2010, ceux-ci n’y ont rien gagné ; au contraire, ils sont perdants du fait de l’augmentation de certaines cotisations. Pour eux, il n’y a rien ! Cela dit, tous les agents de la fonction publique territoriale – peut-être la disposition ne s’applique-t-elle pas partout, mais je peux vous garantir qu’elle est effective au sein de ma collectivité - ont droit à cette GIPA, qui leur garantit leur niveau de pouvoir d’achat.
La mesure proposée ne vise pas à remettre en cause le pouvoir d’achat – nous aurions pu envisager de faire – ni, contrairement à vos propos, madame la ministre, à bloquer le glissement vieillesse technicité ; elle tend à ralentir ce dernier. Ce ralentissement, en outre, n’empêchera pas l’application de la garantie individuelle de pouvoir d’achat et le versement de la prime correspondante.
Je ne vois donc pas pourquoi on renoncerait à proposer un tel effort, participant de la réduction des déficits. À un moment donné, il faut bien avancer des propositions en ce sens, sans quoi nous nous retrouverons un jour au pied du mur. Alors, nous serons contraints d’engager des efforts colossaux, qui, là, seront insupportables pour tous. Autant, me semble-t-il, prendre dès aujourd'hui des dispositions qui restent acceptables.
Évidemment, nous reconnaissons la qualité de nos fonctionnaires et de nos agents. Mais ils ont conscience, me semble-t-il, que l’effort doit être exigé de tous et réparti équitablement sur le territoire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Germain, pour explication de vote.
M. Jean Germain. Tout le monde doit faire des économies, certes… mais à son échelon !
Cette proposition, d’un montant de 550 millions d’euros qui va peser sur plusieurs centaines de milliers de personnes, appelle plusieurs observations.
Tout d’abord, où se situera le curseur, une fois totalisées toutes les économies proposées par nos collègues de la majorité sénatoriale dans le cadre de ce débat budgétaire, entre les 50 milliards d’euros d’économies prévus et les montants réclamés par les principaux postulants à la candidature présidentielle, lesquels, je le rappelle, de réunion en réunion, déclarent insuffisant l’objectif fixé et invoquent 110 à 120 milliards d’euros d’économies ?
M. Jean-François Husson. Nous n’en sommes pas là !
M. Jean Germain. Par l’amendement n° II–50, la commission propose de diminuer les dépenses de 550 millions d'euros en ralentissant le GVT. Multipliez par dix ou par vingt les mesures de même nature, et vous aurez un aperçu de la ligne des propositions...
Nous savons ce que les Français – je ne parle pas des seuls fonctionnaires – pensent de la suppression de l’impôt sur la fortune. Au moment où un certain nombre de retraites chapeaux sont citées en exemple, je ne pense pas qu’expliquer aux centaines de milliers de fonctionnaires dont le traitement est bloqué depuis plusieurs années que l’on va supprimer, pour l’exemplarité, une grande partie des possibilités d’avancement de carrière dont ils disposent soit un bon signe.
Par ailleurs, nous devons réfléchir, les uns et les autres, à la fois aux économies, mais aussi à la croissance, à la déflation et à l’inflation.
En effet, les politiques de restriction salariale appliquées montrent leur échec. Pour favoriser la croissance, nous avons besoin non seulement d’investissements, nous y reviendrons, mais encore de personnes qui puissent consommer.
En tout cas, le groupe socialiste considère que cette proposition n’est ni juste ni présentée au bon moment : il votera contre !
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Les membres du groupe UDI-UC, bien entendu, ne partagent pas du tout les propos qui viennent d’être tenus par l’orateur précédent. Il convient, à notre sens, de faire preuve de responsabilité sur le sujet.
Nous le savons, le budget de l’État étant largement déficitaire, ces programmes sont financés à crédit. Il importe dès à présent de prendre les dispositions permettant de revenir rapidement à l’équilibre budgétaire. Or il est bien évident que les mesures de gestion qui sont prises aujourd'hui se retrouveront dans tous les exercices à venir.
Il importe de faire preuve de sens des responsabilités et de ne pas laisser filer la situation. La nécessaire croissance ne proviendra pas de dépenses publiques supplémentaires ; elle résultera bien entendu de la baisse des charges, qui permettra aux entreprises de renouer avec la confiance, absolument indispensable pour relancer l’économie. Car seule la relance de l’économie permettra de résoudre les problèmes actuels !
Il faut penser aux cinq millions de demandeurs d’emploi qui, eux, attendent que des mesures fortes soient annoncées pour que l’on puisse avancer.
M. Jean-Louis Carrère. Là, vous allez en ajouter !
M. Michel Canevet. En tant qu’élus et employeurs publics, il est nécessaire que nous disposions d’outils de gestion pour faire face aux charges nouvelles qui nous sont imposées.
Pour ma commune, en 2014, la revalorisation des bas salaires a représenté deux points d’impôt, la réforme des rythmes scolaires, huit points, la diminution de la DGF, un point, soit au total onze points d’impôt. Dans le même temps, on nous a supprimé, au 1er janvier, l’outil de gestion du personnel que constituait la journée de carence. Toutes les études avaient pourtant montré le bien-fondé de cette mesure, c'est-à-dire la possibilité de réaliser des économies.
En supprimant ainsi tous les outils à la disposition des employeurs publics, on accroît encore le déficit de notre pays, alors que c’est l’inverse qu’il faut faire. On ne peut pas continuer comme cela, madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. S’il est un point d’accord avec le Gouvernement qui ressort de nos débats, c’est la relative obsolescence des grilles indiciaires de la fonction publique. Certains métiers du secteur public sont mal rémunérés ; les grilles, les échelles ne sont pas adaptées.
Quelle est la situation ? En fin d’année, à l’issue du vote du projet de loi de finances, la France occupera la troisième place en termes de déficit de la zone euro ; elle aura renoncé à tenir ses engagements en matière de déficit public et devra a minima emprunter, pour financer le déficit budgétaire de l’année, 188 milliards d’euros sur les marchés. Dans ces conditions, la commission des finances considère que nous n’avons pas le choix.
La masse salariale de l’État constitue l’un des premiers postes du budget de l’État, soit, pour reprendre les chiffres du projet de loi de finances, 121 milliards d’euros sur 350 milliards d’euros. Le fait de refuser de toucher à ce levier, en dehors du gel du point d’indice, pose donc problème.
Concrètement, la situation nous contraint malheureusement à étudier l’évolution naturelle de la masse salariale induite par le GVT qui représente à elle seule près de 40 % des dépenses de l’État. La Cour des comptes soulignait dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques que le GVT positif, estimé à 1,2 milliard d’euros, permettait de creuser un certain nombre de pistes.
Par le biais du présent amendement, la commission propose non pas le gel, mais le ralentissement de l’avancement automatique. Différentes voies sont ouvertes. Plusieurs mesures peuvent être mises en œuvre à cette fin ; le fait de passer moins rapidement à l’échelon supérieur en est une. Il serait irresponsable de ne pas agir sur un poste de dépenses de près de 121 milliards d’euros ; la Cour des comptes nous y invite. Le rapport précité ouvre des pistes permettant de réaliser des économies sensibles.
L’amendement n° II–50 va dans ce sens. Le simple ralentissement du GVT aurait des effets immédiats et massifs. L’économie serait de 550 millions d’euros pour la fonction publique d’État, mais bien supérieure en termes de dépense publique une fois appliquée aux autres fonctions publiques. Les élus locaux responsables de collectivités savent à quel point le GVT est un élément important qu’il convient de maîtriser dans un contexte de baisse des dotations de l’État.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite, mes chers collègues, à soutenir l’amendement de la commission des finances.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je souhaite apporter quelques réflexions supplémentaires.
Tout d'abord, ne l’oublions pas, la GIPA est calculée sur une période de quatre ans. Je m’engage d'ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous communiquer un rapport montrant comment est calculé concrètement le traitement de nos fonctionnaires. Ce n’est pas si simple, puisqu’il faut attendre quatre ans pour obtenir cette garantie. Soyons attentifs à cet élément.
Concernant la Cour des comptes - je veux bien recevoir toutes les leçons du monde, mais le présent gouvernement n’occupe ses fonctions que depuis deux ans et demi et ces questions se gèrent sur de longues périodes -, je lis, à la page 153 de son rapport du 28 mai 2014 : « Hors mission Défense, une exécution tenue par rapport à la LFI et en amélioration par rapport aux années précédentes […] Les effectifs ont diminué plus que prévu malgré des départs en retraite moins nombreux qu’anticipé ». Il faut tout dire sur le rapport de la Cour des comptes ! Je poursuis : « L’article 7 de la LPFP 2012-2017 prévoit que ″le plafond global des autorisations d’emplois de l’État et de ses opérateurs […] est stabilisé sur la période de la programmation″ ».
Le résultat par ETP montre que nous sommes allés au-delà de ce que nous voulions faire.
Il faut aussi prendre en compte les personnes parties à la retraite. Sur les 121 milliards d’euros, vous ne pouvez pas effacer les 40 milliards d’euros de pensions qui sont dus. Il convient donc de relativiser le chiffre.
Je ne vous lis pas tout le rapport de la Cour des comptes, mais il serait intéressant que cette bonne gestion et cette bonne exécution soient mises également au crédit de la collaboration positive que l’État entretient avec ses personnels, qui ont accepté le gel des salaires depuis 2010. Évidemment, les sénateurs et les députés sont également concernés, puisque leur rémunération est liée au point d’indice. Toutefois, pour les agents des catégories C et B dont certains perçoivent des salaires très faibles, il fallait faire un effort parce que nous devions augmenter tous les ans les salaires de ces personnels en fonction de la revalorisation du SMIC - même si celui-ci augmente malheureusement très peu. Or c’est une mesure assez humiliante, indigne de la fonction publique. Je pense aux personnes exerçant des métiers extrêmement difficiles en EHPAD, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, que j’ai rencontrées.
Je dirai quelques mots sur le nombre de fonctionnaires. En la matière, il faut aussi raison garder.
Pour ce qui concerne le coût de la réforme des rythmes scolaires, monsieur Canevet, votre budget communal devra être examiné de près, car il présente un problème, sachant de surcroît que le fonds d’amorçage est devenu pérenne. Nous nous sommes donc engagés à assumer une dépense publique supplémentaire. J’ai entendu expliquer devant l’Association des maires de France, qui n’est pas dirigée par quelqu’un de ma famille politique, que la baisse de la dépense publique était forcément récessive. Ce qui est récessif dans un cas ne l’est pas dans l’autre ! Il va donc falloir que l’on se mette d’accord sur l’ensemble du discours et la garantie de 11 milliards d’euros pour les collectivités territoriales. C’est encore un point difficile à gérer. Nous avons pris également quelques leçons ce jour-là.
Je tiens maintenant à rappeler les chiffres d’encadrement de la fonction publique, qui s’élèvent, en France, hors défense, à 72 équivalents temps plein pour 1 000 habitants. Au Canada, que l’on me cite toujours en exemple – nous travaillons avec ce pays depuis deux ans dans le cadre de l’OCDE, ce qui est fort intéressant -, le taux d’encadrement est de 100 équivalents temps plein pour 1 000 habitants. La Suède, qui a abandonné son statut, paie 140 équivalents temps plein pour 1 000 habitants. Notre pays se situe donc dans une fourchette relativement basse par rapport à la moyenne. La fonction publique n’est pas responsable de tous les maux de notre pays !
M. Michel Canevet. La France compte 5 millions de fonctionnaires pour environ 60 millions d’habitants, soit près de 10 % !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous sommes à 7 ETP pour 100 habitants, hors défense. Or j’ai bien entendu tout à l’heure que nous avions trop diminué les postes dans la défense.
M. Jean-Louis Carrère. C’est la droite qui a le plus diminué les emplois dans ce secteur !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ces chiffres concernent l’action publique de l’État.
Ces questions sont en débat. Vous pensez que les fonctionnaires sont responsables des déficits ; j’estime, pour ma part, que les raisons sont bien plus variées.
Pour ce qui est du jour de carence, nous aurons l’occasion d’y revenir à l’occasion de l’examen d’un amendement ultérieur.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Emorine. À entendre nos débats, j’ai l’impression que l’on n’a pas pris conscience, sur les travées situées à gauche de cet hémicycle, que notre pays n’a plus de croissance, c’est-à-dire qu’il est en train de s’appauvrir,…
M. Jean-Louis Carrère. C’est l’état dans lequel vous nous l’avez laissé !
M. Jean-Paul Emorine. … et qu’il faut faire des économies.
Madame la ministre, je ne dispose pas tout à fait des mêmes chiffres que vous. Par rapport aux autres membres de l’OCDE, la France est le pays dont le taux de prélèvements obligatoires est le plus élevé, de l’ordre de 46 % ou de 47 %, et ses dépenses publiques représentent 57 % du PIB.
L’écart par rapport non pas au Canada mais à l’Allemagne est de 10 à 11 points, soit 200 milliards à 220 milliards d’euros.
Pour ce qui concerne les emplois dans la fonction publique, regardez les tableaux, madame la ministre : 22 % des actifs en France occupent des emplois publics - fonction publique nationale, fonction publique territoriale, fonction publique hospitalière – contre 11 % en Allemagne.
Nous avons 30 millions d’actifs – moins, comme mon collègue l’a souligné, 5 millions de personnes, dont 3 millions sont au chômage et 2 millions exercent un emploi précaire.
Alors que notre déficit budgétaire se situera vraisemblablement autour de 80 milliards d’euros, nous finançons les mesures que vous souhaitez à crédit.
Vous vous interrogez beaucoup sur la fonction publique. Il se trouve que ma famille comprend des fonctionnaires. Pour ma part, j’ai été éleveur et je connais des chefs d’entreprise.
M. Jean-Paul Emorine. Vous inquiétez-vous autant pour l’éleveur qui a perdu tout son pouvoir d’achat en six mois, pour le céréalier ou pour l’artisan et ses employés qui ont perdu leur emploi ? La fonction publique, c’est la garantie de l’emploi. Dans la période que nous vivons, c’est un atout majeur ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-50.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe UMP et, l'autre, du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 58 :
Nombre de votants | 330 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Pour l’adoption | 189 |
Contre | 141 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
L'amendement n° II-271, présenté par M. Husson et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local |
225 000 000 |
225 000 000 |
||
Dont Titre 2 |
225 000 000 |
225 000 000 |
||
Conduite et pilotage des politiques économiques et financières Dont Titre 2 |
||||
Facilitation et sécurisation des échanges Dont Titre 2 |
||||
Entretien des bâtiments de l’État |
||||
Fonction publique Dont Titre 2 |
||||
Total |
225 000 000 |
225 000 000 |
||
Solde |
- 225 000 000 |
- 225 000 000 |
La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Cet amendement a déjà été, pour l’essentiel, présenté par le rapporteur général.
Il vise à aller un peu plus loin que celui de la commission, c’est-à-dire à demander un effort non pas de six mois – ce qui avait été accepté en commission des finances et qui vient d’être voté à l’instant en séance publique –, mais de neuf mois.
Je ne souhaite pas engager une polémique entre les fonctionnaires des trois volets de la fonction publique et les salariés du secteur privé, en contrat à durée indéterminée, déterminée ou en intérim.
Vous nous avez appelés à la raison, madame la ministre, et je pense que la nation tout entière, l’ensemble des actifs, doit participer à cet effort qui concerne également notre dispositif de protection sociale.
Par ailleurs, je souhaiterais attirer votre attention sur les mauvais résultats de l’emploi privé depuis deux ans. Il fut un temps où l’on nous promettait l’inversion de la courbe du chômage ; deux ans et demi plus tard, nous comptons 500 000 chômeurs supplémentaires…
Madame la ministre, je sais que ce sujet vous préoccupe, tout comme le Gouvernement et l’ensemble des parlementaires.
En cette période difficile, nous nous devons d’être attentifs. Cela ne rend pas forcément populaire, mais notre rôle n’est ni de nous comporter en petits comptables d’épicerie ni de rechercher la popularité. Nous devons prendre, en conscience, nos responsabilités.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le débat sur l’incidence du jour de carence et la maîtrise de la masse salariale de l’État, qui oscille entre 121 et 122 milliards d’euros, vient d’avoir lieu. Je n’y reviendrai pas.
Le présent amendement vise à aller un peu au-delà de ce qui est prévu, et à porter le ralentissement du GVT de six à neuf mois. Il ne s’agit pas d’un gel complet.
À titre personnel, je suis favorable à cet amendement, qui a en outre le mérite de poser clairement la question de l’inadéquation de la grille de la fonction publique.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je crois, madame la ministre, que nous nous rejoignons au moins sur ce point.
Le système du GVT est aujourd’hui bloqué, obsolète. C’est la raison pour laquelle, je voterai cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ma position n’étonnera personne : je suis défavorable à cet amendement de repli.
L’ensemble des organisations syndicales de la fonction publique a accepté, alors que le point d’indice est gelé et que sont programmées 11 781 suppressions de postes pour compenser les créations d’emplois dans l’éducation nationale – j’espère que nul ne les remet en cause –, de parler du parcours professionnel, des rémunérations, des carrières, du régime indemnitaire et de l’allongement des carrières, c’est-à-dire de revoir l’ensemble des parcours. Je salue ce sens des responsabilités qui est l’apanage non pas des seuls élus ou de l’exécutif, mais bien aussi des syndicats.
Cette négociation, qui n’a pas été ouverte depuis trente ans – personne n’a proposé de bloquer le GVT au cours des dix dernières années… –, nous donne l’occasion de saluer la qualité de nos fonctionnaires. Vouloir toujours rechercher des économies – 550 millions d’euros, en l’espèce – sur le dos des fonctionnaires n’est pas de bonne politique pour réécrire l’action publique de la France.
Chaque jour, des membres de think tank nous rabâchent à la télévision ce chiffre de 57 % de PIB. Du coup, nos concitoyens ont l’impression que ce sont les fonctionnaires qui en sont responsables. Or je tiens à rappeler que les dépenses de l’État s’élèvent à 250 milliards d’euros, celles de nos collectivités à 360 milliards d’euros et celles de la protection sociale à près de 600 milliards d’euros.
Remettons les pendules à l’heure : nous ne discutons pas des trois. Nous parlons ici des dépenses de l’État relatives aux APU – quelle dénomination horrible, mais c’est ainsi –, les administrations publiques, et des dépenses des collectivités locales, puisque nous discutons des dotations.
Un petit entrepreneur des États-Unis vous expliquera longuement que, en l’absence de système de protection sociale et d’action publique lui permettant de profiter de négociations, d’infrastructures, de recherches de terrain et j’en passe, il a deux motifs d’insatisfaction : premièrement, il forme du personnel qui part ensuite dans les grands groupes offrant une protection, notamment un jour de carence ; deuxièmement, il doit disposer de ses propres moyens de transport en raison d’une action publique insuffisante.
Il faut essayer de comparer ce qui est comparable : nous discutons de 250 milliards d’euros, non de l’ensemble des dépenses de l’État. À moins de dire clairement que l’on souhaite remettre en cause la sécurité sociale, les retraites, les ASSEDIC, l’ensemble de la protection des citoyens français. Mais ce n’est pas ce que vous souhaitez…
M. Emorine disait avoir de la famille dans la fonction publique. Ce n’est pas mon cas : je viens du secteur privé, tout comme l’ensemble des membres de ma famille. Certains ont pu perdre leur emploi, mais aucun d’entre eux n’a jamais réclamé la suppression du jour de carence des fonctionnaires. Tout au plus demandent-ils à ce que chacun participe au redressement de notre pays.
Par ailleurs, je suis peut-être la seule dans cette enceinte à avoir vécu neuf mois et demi de chômage. Je pourrais vous expliquer ce que cela signifie concrètement…
À un moment, il faut discuter clairement des choses. Nos fonctionnaires ne sont pas les salariés les mieux payés de France. Il existe certes une haute fonction publique, dont les membres ont passé moult examens et doivent être reconnus par le salaire. Toutefois, je ne peux me satisfaire qu’une personne seule, responsable chaque nuit de soixante-dix lits dans un EHPAD ne gagne que 1 350 euros par mois.
M. Éric Bocquet. Très juste !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Et je peux encore moins me satisfaire de lui annoncer que sa carrière va être bloquée pour trois ou six mois supplémentaires.
Arrêtons ces amalgames ! Non, nos fonctionnaires ne sont pas feignants, planqués, privilégiés ! En revanche, oui, ils sont mal payés ! Je vous rappelle que près de la moitié d’entre eux – 58 % dans les collectivités – relève de la catégorie C.
Or à force de « taper » sur ces personnes, qui rendent des services éminents – je pense à l’eau, à l’assainissement, aux ordures ménagères, à la prise en charge des personnes vulnérables, à l’accompagnement des élèves, aux routes, et j’en passe… –, de leur répéter qu’elles sont la cause de notre déficit,...
M. Jean-François Husson. Nous n’avons jamais dit cela !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. … vous allez finir par les démoraliser. Et une fois démoralisés, elles quitteront toutes les familles politiques représentées dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-François Husson. Vous caricaturez ! Allez au bout de votre raisonnement et revalorisez le traitement des fonctionnaires !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Je partage vos propos, madame la ministre.
Je voudrais rappeler que la France a fait le choix historique de développer les services publics. Elle a choisi de répondre aux besoins des habitants à travers la mise en place non seulement de services publics, mais aussi d’un système de protection sociale.
Si vous ajoutez aux dépenses publiques des États-Unis les dépenses des familles pour leur protection sociale et leur retraite, vous verrez que la situation de notre pays est largement comparable.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Tout à fait !
Mme Marie-France Beaufils. Il faut regarder les choses telles qu’elles sont.
Par ailleurs, je voudrais également rappeler que les salariés de la fonction publique paient aussi des impôts. Comme pour la grande majorité des habitants et à l’instar des salariés du secteur privé, la TVA est la charge la plus importante de leur budget. En effet, Mme la ministre vient de le rappeler, 58 % de ces fonctionnaires relèvent de la catégorie C, c’est-à-dire perçoivent les plus faibles salaires de la fonction publique.
M. Jean-Louis Carrère. Ce sont ceux qui font le moins de défiscalisation !
Mme Marie-France Beaufils. Les fonctionnaires contribuent donc au budget de l’État par leurs ressources comme par leurs dépenses.
Depuis le début du débat budgétaire, chers collègues de la majorité sénatoriale, chaque fois que nous vous avons proposé d’alléger la dépense publique en revenant sur les dégrèvements d’impôts, vous avez refusé. Quand accepterez-vous, par exemple, de supprimer les allégements fiscaux sur les dividendes perçus par les actionnaires ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Nous aurions là pourtant, me semble-t-il, la possibilité de dégager une ressource non négligeable. Hier, lors de l’examen en séance publique de la mission « Remboursements et dégrèvements », dont j’étais rapporteur spécial, nous avons constaté que les allègements d’impôts, payés par le budget de l’État, représentaient une somme de 87,7 milliards d’euros. Voilà de quoi améliorer le bilan de l’État ! Le déficit public s’alourdit en effet de l’ensemble de ces allègements, profitant à ceux qui pourraient pourtant participer à l’impôt.
Dès lors, ne demandez pas aux fonctionnaires d’endosser une responsabilité qu’ils n’ont pas ! Ils sont déjà investis d’un travail suffisamment important. Nous sommes nombreux dans cet hémicycle à faire appel régulièrement à eux, à constater leur capacité d’intervention, dont nous mesurons la qualité. Nos populations ont besoin de leur apport. Adopter le présent amendement reviendrait à leur envoyer un très mauvais signal, alors que leur salaire est gelé depuis plusieurs années.
Regardez de surcroît le montant des pensions de retraite des fonctionnaires de catégorie C ; vous verrez qu’ils sont loin de rouler sur l’or ! C’est pourtant à eux que vous demandez le plus gros effort, quand vous refusez de le faire porter par ceux qui pourraient payer. C’est tout bonnement inacceptable ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Dire que la droite est responsable de la situation actuelle des fonctionnaires et qu’elle veut tout leur mettre sur le dos n’est pas acceptable ! (Mme Marie-France Beaufils s’exclame.) Ce n’est pas du tout notre intention, ma chère collègue ! Vous clamez également que les salariés du public ne sont pas responsables de leur situation ; je vous répondrai que les nombreux chômeurs, venus du secteur privé, ne sont pas non plus responsables de la leur !
Mme Marie-France Beaufils. Je n’ai pas dit qu’ils l’étaient !
M. Éric Doligé. Leur sort, d’ailleurs, est certainement pire que celui des agents de nos collectivités. Il faudrait peut-être vous en souvenir, ma chère collègue ! J’ajoute que leur situation n’est pas sans conséquence sur les fonctionnaires des collectivités territoriales. La plupart de ces derniers, en effet, ont un conjoint qui n’y travaille pas. Or nous n’avons jamais vu autant d’agents venir nous demander, en cours de mois, des aides financières pour faire face à de grandes difficultés.
Mme Marie-France Beaufils. Bien sûr !
M. Éric Doligé. Cela étant, lorsque le rapporteur général a évoqué un rapport de la Cour des comptes, vous lui avez répondu, madame la ministre, qu’il fallait le lire en entier. Je vous dirai, moi, qu’il faut plutôt lire la situation de la France,…
M. Éric Doligé. … laquelle est catastrophique ! Il est donc nécessaire de prendre des mesures, mes chers collègues. Alors, bien sûr, Mme Beaufils répondra que les retraites chapeaux sont inadmissibles.
Mme Marie-France Beaufils. Bien sûr !
M. Éric Bocquet. Cela existe !
M. Éric Doligé. Arrêtons de monter en épingle certains cas pour faire croire aux Français qu’ils sont répandus !
M. Jean-Louis Carrère. Il faudrait s’excuser pour les retraites chapeaux ?
M. Éric Doligé. La situation est difficile. La collectivité territoriale que je dirige, par exemple, emploie 2 600 collaborateurs. Je suis persuadé qu’ils ne seront plus que 2 500 l’année prochaine, 2 400 l’année suivante, etc. Les prélèvements que vous opérez sur les recettes, sur les budgets des collectivités territoriales, tendent non seulement à diminuer la capacité d’investissement de celles-ci, madame la ministre, ce qui aura un effet sur le secteur privé, mais également à entraîner des départs en leur sein.
Dès lors, il vaut peut-être mieux, finalement, ralentir l’évolution du GVT, et instaurer un peu plus de jours de carence : cela permettra de préserver les emplois actuels ou de ne pas réduire leur nombre aussi rapidement que cela risque d’arriver.
Les décisions prises à propos des jours de carence ont eu des effets très importants au sein de nos collectivités territoriales. Dans celle que je préside, ce sont 11 semaines de congés payés qui s’ajoutent aux 35 heures. Quel autre pays connaît une telle situation ? Certainement pas l’Allemagne ou les États-Unis, dont nous parlions tout à l’heure. Avec les autres possibilités de congé, que je ne citerai pas, il arrive que des personnes soient absentes pendant trois mois. Par conséquent, il n’est pas simple de gérer une collectivité !
On pourrait donc accepter, de manière collective, de faire de petits efforts ; la situation de la France, assez dramatique, s’améliorerait certainement.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne voterai pas en faveur de cet amendement. En effet, j’ai un peu de mal à comprendre le lien tiré entre la diminution du pouvoir d’achat – en l’espèce, celui des fonctionnaires – et la sortie de l’état de stagnation économique et de chômage élevé que connaît notre pays. Je n’ai toujours pas saisi comment, en réduisant le pouvoir d’achat, c’est-à-dire les débouchés possibles, on réglera le problème, ni comment la réduction de la demande incitera les entrepreneurs à investir. Vous allez devoir me l’expliquer, mes chers collègues ! (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)
L’investissement privé est censé prendre le relais, selon vous. Mais les entrepreneurs n’investissent pas sans raison ; ils le font s’ils ont des perspectives de vente, des débouchés.
Mme Marie-France Beaufils. Un marché !
M. Pierre-Yves Collombat. Ils ne sont pas complètement fous !
M. Jean-Louis Carrère. Ni complètement philanthropes…
M. Pierre-Yves Collombat. J’ai également du mal à comprendre comment le fait de chipoter sur quelques millions d’euros, en l’occurrence sur l’évolution du GVT, permettra de régler le problème massif auquel nous sommes confrontés : le blocage progressif de toute notre économie. Je rappelle que les dernières statistiques de l’INSEE font apparaître que notre appareil de production tourne à 80 % de ses capacités.
Tout cela n’est pas sérieux ! J’ai vraiment l’impression d’assister à un débat tout à fait irréel, qui ne prend pas en compte la situation dramatique – je suis d’accord avec vous sur ce point, monsieur Doligé – de notre pays.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. La situation de la France est particulièrement difficile. Le groupe UDI-UC en est conscient ; il regrette donc les propos caricaturaux tenus par certains sur sa façon de considérer le rôle et les missions des fonctionnaires.
Pour nous, les fonctionnaires sont nécessaires, bien entendu. Il faut reconnaître le travail important qu’ils effectuent, dans la fonction publique hospitalière, territoriale, sans oublier, bien sûr, la fonction publique d’État.
Il convient néanmoins d’être réaliste. J’en reviens à ce qui vient d’être souligné : il faut arrêter de fonctionner à crédit. Le déficit du budget de l’État comme de la sécurité sociale est important. Nos dépenses d’aujourd’hui pèseront sur les générations futures. Il faut y mettre un terme, car ce sont autant de possibilités en moins d’aborder l’avenir avec sérénité.
M. Collombat vient d’évoquer la manière dont nous pourrions sortir de la crise. Pour mon groupe, il est bien évident que l’effort doit être collectif ; il est déjà fourni, d’ailleurs, par un grand nombre de salariés du secteur privé, lesquels ont des salaires parfois trop bas. L’ensemble de la fonction publique doit également participer à cet effort de rigueur. Il s’agit non pas de réduire les salaires, mais d’en freiner la hausse.
Par ailleurs, c’est par l’accroissement de nos exportations que nous arriverons à résoudre nos problèmes. La balance commerciale de la France connaît un déficit de l’ordre de 5 milliards d’euros par mois ; il était de 30 milliards d’euros au premier semestre, et se montera aux alentours de 60 milliards d’euros à la fin de cette année, une somme équivalente à celle de l’année dernière. Avec des exportations qui se développent, nous ferons entrer des devises dans notre pays, qui retrouvera un niveau d’activité permettant de relancer l’économie.
Pour ce faire, nos entreprises doivent être plus compétitives. Le prix de revient des marchandises doit donc être moins élevé, afin qu’elles puissent se vendre sur le marché international. Tant qu’on n’aura pas compris cela, entre autres choses, on ne s’en sortira pas ! Il ne faut pas attendre que l’action publique seule le permette ; les entreprises doivent renouer avec la confiance pour exporter plus et relancer l’économie.
Cela étant, le groupe UDI-UC considère qu’un effort important a déjà été fait avec l’adoption de l’amendement n° II–50. Par conséquent, il ne votera pas en faveur de l’amendement n° II–271.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Le présent amendement, comme le précédent, permet d’aborder une question majeure : la gestion des ressources humaines de l’État. Vous avez en effet évoqué les différentes fonctions publiques, madame la ministre. Or nous n’avons l’ambition, en cet instant, que de vous obliger à vous exprimer sur la gestion des ressources humaines de la fonction publique d’État.
Pour ce qui concerne les collectivités territoriales, la décentralisation et la dissémination de milliers d’employeurs sur le territoire rendent possible une approche plus immédiate, plus directe, de l’optimisation des moyens des administrations locales, ainsi que de la mobilisation des meilleures compétences, au bénéfice du service public.
La remise en cause du caractère automatique du GVT revient à obliger les directions des ressources humaines des grandes administrations civiles et militaires à réfléchir à la meilleure utilisation de la masse financière dont elles disposent, au service des administrés.
Par conséquent, nous n’attaquons pas les fonctionnaires ; nous posons seulement la question de la responsabilité, de l’imagination, de la faculté d’innover des patrons des ressources humaines de ces grandes administrations, et donc de leur ministre.
Je prendrai l’exemple du ministère de la défense, où le GVT pose problème, effectivement. Une forme de réponse a néanmoins été adoptée lors de la professionnalisation des armées. Il a été décidé que les hommes du rang seraient engagés sur la base d’un contrat, lequel n’est pas sans perspective, puisque la moitié des sous-officiers viennent du rang, et la moitié des officiers sont issus du corps des sous-officiers. Le système contractuel n’est donc pas un système fermé ; il est adapté à une forme particulièrement noble, mais aussi singulière, du service public.
Par la remise en cause du caractère automatique du GVT, nous nous tournons donc vers les ressources humaines, voire vers la direction générale de la fonction publique – mais peut-elle faire quoi que ce soit, compte tenu des masses en jeu ? Je pense que c’est au sein de ces APU, dont vous parliez, madame la ministre, que l’exigence d’imagination peut être formulée. Il convient en effet de séparer les différents types de fonction publique qui n’obéissent pas nécessairement aux mêmes règles. Ainsi, l’organisation des corps n’est pas la même : certains d’entre eux répondent à une forme de pyramide forte ou de pyramide aplatie ; d’autres systèmes sont tronconiques ou tubulaires. En un mot, tous ces modèles sont profondément différents.
Par une loi inévitable, la loi des grands nombres, le système s’aligne sur les avantages obtenus par les catégories de fonctionnaires qui obéissent à des contraintes très particulières. Je ne prendrai qu’un seul exemple, qui relève de l’anecdote ; depuis que la gendarmerie est sous l’autorité du ministre de l’intérieur, un phénomène de ricochet est à l’œuvre : les policiers, des fonctionnaires civils syndiqués, parlent aux gendarmes, des fonctionnaires militaires non syndiqués, qui exercent pourtant les mêmes missions qu’eux. Ces gendarmes, quant à eux, échangent avec les militaires, qui n’ont pas le même statut. De proche en proche, les règles particulières s’étendent à tous ces corps, alors que leurs conditions d’activité ne sont pas les mêmes.
Je terminerai mon intervention en réagissant à votre propos sur le ratio entre le nombre de fonctionnaires de l’État et la population totale de la France, madame la ministre. Je ne conteste nullement ces chiffres : c’est M. Gerondeau, libéral passionné, polytechnicien bien connu, qui les a rendus publics. Notre pays a en effet à peu près le même nombre de fonctionnaires de l’État rapporté à la population totale que le Canada, dont vous avez cité l’exemple. Le seul ennui, c’est qu’il faut rapporter ce nombre à la population active ! Lorsque vous faites ce calcul, vous réalisez que le taux d’encadrement dans le secteur public de l’État est de 20 % à 25 % supérieur à celui du Canada ; la France ne compte en effet que 40 % d’actifs sur la population totale, quand le Canada en a plus de 52 %.
Comparez des chiffres comparables, madame la ministre, et vous comprendrez que cet effort, qui pèse sur l’ensemble de la société civile, est particulièrement lourd lorsque le ratio se dégrade, ce qui est le cas en France.
M. le président. La parole est à M. Jean Germain, pour explication de vote.
M. Jean Germain. Il y a plusieurs questions dans ce débat.
Personne ne conteste la nécessité de contenir les dépenses publiques ou de stabiliser le nombre de fonctionnaires, ce qui a d’ailleurs déjà été entrepris, mais, en l’occurrence, le sujet est différent, puisqu’il s’agit du GVT, le glissement vieillesse technicité, qui porte sur la carrière des fonctionnaires en activité.
Même si beaucoup d’entre vous, dont certains sont à l’origine de ces amendements, déclarent qu’ils ne sont pas les ennemis des fonctionnaires, des inquiétudes se font jour parmi ces derniers, d’autant que l’on a entendu récemment le responsable national de l’UMP remettre en cause leur statut, ajoutant que sa préférence allait vers des CDD de cinq ans. C’était un candidat, qui est devenu le responsable du parti, avant de redevenir candidat à un autre poste…
Il s’agit d’un choix politique, que l’on n’est pas obligé de partager, même s’il doit être respecté, mais il faut tout de même comprendre les interrogations des fonctionnaires, voire de l’ensemble des Français, devant de tels choix.
Y a-t-il trop de fonctionnaires dans notre pays ? Il y a plusieurs façons de traiter le sujet, ce qui transparaît bien dans les positions de notre assemblée.
Il y a la façon populiste, qui consiste à dire que tout va mal en France parce qu’il y a trop de fonctionnaires. Cependant, mes chers collègues, allez interroger nos concitoyens, y compris ceux qui se plaignent du nombre trop élevé de fonctionnaires.
Y a-t-il trop d’enseignants dans les écoles ? Non !
Y a-t-il trop de pompiers dans les casernes ? Non !
Y a-t-il trop de magistrats dans les tribunaux ? Non !
Y a-t-il trop de personnel dans les hôpitaux ? Non !
Y a-t-il trop de policiers dans les commissariats ? Non, au contraire !
Y a-t-il assez de gendarmes dans les gendarmeries ? Non !
Et, dans les collectivités territoriales, qui, ces dix, quinze ou vingt dernières années, y compris ici, a osé bloquer le GVT ? Quel maire, quel président de conseil général aura le courage demain de réunir l’intégralité de son personnel pour annoncer que le GVT est bloqué, parce que la France doit faire des efforts ?
Il y a véritablement, sur le sujet, un double discours chez les responsables politiques. À mon sens, vos amendements interviennent dans une période un peu particulière.
Je suis entièrement d’accord avec M. Longuet lorsqu’il dit qu’il faut s’occuper du management de la fonction publique, mais il me semble que cela se fait déjà.
M. Gérard Longuet. Non, on ne le fait pas !
M. Jean Germain. Nous savons tous qu’il est nécessaire de décloisonner les corps de fonctionnaires, qu’il faut organiser des passerelles non seulement entre les différents corps de l’État, mais aussi, peut-être un jour, entre la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale, de sorte que nous arrivions à faire de véritables économies de fonctionnement sans supprimer de postes et sans nous attaquer aux situations individuelles des fonctionnaires. En tout cas, c’est ainsi que je le conçois.
Enfin, depuis vingt ans, nous avons pu constater un tassement des amplitudes des rémunérations pour les fonctionnaires. Que ceux qui ne connaîtraient pas de fonctionnaires dans leur entourage s’informent sur la manière dont ils sont recrutés : dans la catégorie A, des agents se recrutent au niveau du SMIC ! Si, en plus, nous leur annonçons que le GVT va être plafonné ou supprimé, nous allons compliquer le recrutement dans la fonction publique.
Il faut que les fonctionnaires continuent à fonctionner ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) Nous devons donc maintenir un certain enthousiasme chez ces personnels, en évitant de leur répéter qu’ils sont des citoyens en surnombre qui coûtent trop cher à la collectivité.
M. Jean-François Husson. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Jean Germain. Par ailleurs, vous avez l’air de dire que ces gens ont des situations tout à fait « pépères ».Mais n’oublions pas que les fonctionnaires ont aussi des métiers exposés : il y a des policiers qui risquent leur vie et des enseignants qui prennent aussi des risques.
Mes chers collègues, évitons donc d’assimiler les fonctionnaires à des personnes ultra-protégées qui vivraient dans une bulle. Il n’est pas sain de les montrer du doigt et de les désigner à la vindicte des Français, en plus de les priver de la carrière qu’ils méritent ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur les travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-271.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que la commission est favorable à l’amendement, tandis que le Gouvernement y est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 59 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 287 |
Pour l’adoption | 146 |
Contre | 141 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
L'amendement n° II-51, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local |
0 |
200 000 000 |
0 |
200 000 000 |
Dont Titre 2 |
200 000 000 |
200 000 000 |
||
Conduite et pilotage des politiques économiques et financières Dont Titre 2 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Facilitation et sécurisation des échanges Dont Titre 2 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Entretien des bâtiments de l’État |
0 |
0 |
0 |
0 |
Fonction publique Dont Titre 2 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Total |
0 |
200 000 000 |
0 |
200 000 000 |
Solde |
- 200 000 000 |
- 200 000 000 |
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, mon argumentation vaudra aussi pour l’amendement n° II-52, qui porte sur le même sujet, à savoir les jours de carence.
Par ces amendements, nous souhaitons instaurer trois jours de carence dans la fonction publique d’État.
Permettez-moi un bref rappel : la loi de finances pour 2012 avait instauré un jour de carence, avant que la loi de finances pour 2014 ne le supprime.
Aujourd’hui, deux arguments extrêmement forts militent en faveur de l’établissement de trois jours de carence.
Tout d’abord, le jour de carence a prouvé son efficacité. Les statistiques de l’INSEE parlent d’elles-mêmes : l’instauration d’un jour de carence a permis de réduire considérablement l’absentéisme, comme vous pouvez le constater à la lecture de l’objet de l’amendement.
Un certain nombre d’études sur la fonction publique hospitalière vont dans le même sens. Avec Philippe Dallier, nous avions auditionné, à l’époque, en tant que rapporteurs spéciaux sur les missions que nous étudions aujourd’hui, les représentants de la Fédération de l’hospitalisation privée, qui nous avaient démontré l’intérêt et l’utilité de jours de carence dans la fonction publique hospitalière.
En termes budgétaires, selon les chiffrages du Gouvernement pour la présente loi de finances, cette mesure avait rapporté plus de 163,5 millions d’euros sur une année : 60 millions d’euros pour la fonction publique d’État, 40 millions d’euros pour la fonction publique territoriale et 63,5 millions d’euros pour la fonction publique hospitalière. Vous le voyez, les montants sont tout à fait significatifs.
L’ensemble de ces études ont donc bien montré l’efficacité de l’instauration du jour de carence et je ne m’étendrai pas davantage sur ce sujet.
Le second argument est celui de l’équité. Je sais que Mme la ministre a un argumentaire bien rodé sur l’équité entre les secteurs privé et public. Donc, au nom de l’équité, parce qu’il y a, dans le secteur privé, trois jours de carence, nous proposons d’imposer la même règle au secteur public.
À ceux qui ne manqueront pas de nous rétorquer qu’un certain nombre de salariés du privé bénéficient, au titre, notamment, de leur convention collective, d’un mécanisme de prise en charge des jours de carence, je répondrai que leurs statistiques ne sont pas forcément étayées. Par ailleurs, cela ne concerne très souvent que des salariés en CDI qui, en général, paient une cotisation pour cette protection.
Prenez le cas de l’hospitalisation privée – j’en prends à témoin Philippe Dallier, qui se souvient des auditions que nous avons menées ensemble : une clinique n’a pas de protection au titre des jours de carence et les salariés ont leurs trois jours de carence, alors que, à l’hôpital public, il n’y a aucun jour de carence. C’est la plus grande iniquité qui règne, madame la ministre.
Enfin, si l’on devait comparer tous les avantages entre le public et le privé, comme nous venons de le faire à l’occasion du débat sur la masse salariale, la fonction publique d’État apparaîtrait bénéficiaire sur d’autres points, ne serait-ce qu’en raison de la garantie de l’emploi qu’elle offre.
Une véritable comparaison entre privé et public implique de tout mettre sur la table, mais, en l’occurrence, la règle des trois jours de carence nous paraît vraiment être une mesure d’équité.
Avec la majorité de la commission des finances, je considère donc que la suppression du jour de carence a été à la fois inéquitable et inefficace, cette mesure ayant fait la preuve de son efficacité. J’en veux pour preuve la proposition de restauration d’un jour de carence formulée par le rapporteur pour avis de la commission des lois de l’Assemblée nationale sur les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », Alain Tourret.
En ce qui nous concerne, par souci d’équité, nous souhaitons aller au-delà en instaurant trois jours de carence.
Tel est l’objet de l’amendement n° II-51, qui est la traduction budgétaire de l’amendement n° II-52.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. L’avis du Gouvernement est naturellement, ou plutôt politiquement, défavorable.
On peut analyser les chiffres de diverses façons. Je dispose également des chiffres de l’INSEE, qui permettent d’évaluer la proportion de salariés absents pour raison de santé dans les trois fonctions publiques et dans le secteur privé.
Pour la fonction publique d’État, le taux d’absentéisme était de 2,9 % en 2009, de 2,9 % en 2011 et de 2,9 % en 2012. Pour les enseignants, et pour les mêmes années, le taux d’absentéisme s’élevait respectivement à 1,9 %, 2,3 % et 2,3 % – on observe un effet de l’instauration du jour de carence, même s’il est difficile à comprendre dans l’enseignement.
Pour la fonction publique hospitalière, on observe effectivement une diminution des jours d’absence. Pour les mêmes années, le taux d’absentéisme moyen dans le secteur privé était de 3,8 %, 3,6 % et 3,5 %. Pour les secteurs public et privé réunis, les mêmes années, le taux d’absentéisme s’élevait à 3,7 %, 3,7 % et 3,6 %. Ces chiffres sont donc extrêmement proches, à un epsilon près. Je les communiquerai bien évidemment aux rapporteurs et à la présidente de la commission des finances.
Il faut lire cette étude de l’INSEE dans son intégralité, car elle est très intéressante. On y précise que « la baisse de l’absentéisme au titre des arrêts maladie de courte durée a été en partie “ compensée ” par une hausse des congés pris au titre des accidents du travail, des maladies professionnelles et des maladies qui ne sont pas soumises au jour de carence ».
Nous avons examiné avec beaucoup de sérieux ce qui se passe quand, pour éviter de s’arrêter une journée, les salariés recourent à l’automédication – j’allais citer un nom de médicament, mais il est trop dangereux ! Quand le jour de carence a été instauré, les consultations médicales ont augmenté. Les personnes qui vont consulter lorsqu’elles se sentent malades obtiennent souvent de leur médecin un arrêt de maladie de trois jours, ce qui laisse le temps de voir comment la situation évolue, contagion ou non, virus ou non, antibiothérapie ou non.
Nous sommes donc tout à fait certains, aujourd’hui, que l’instauration du jour de carence, qui était couplée à l’augmentation des franchises, a représenté une charge supplémentaire de 80 euros, sans tenir compte des frais de garde des enfants, somme qu’il faut mettre en regard d’un traitement mensuel compris entre 1 300 euros et 1 500 euros, ce qui correspond à la situation de la très grande majorité de nos fonctionnaires. Du coup, le réflexe est de demander un arrêt plus long pour obtenir le remboursement en totalité.
Nous devons être bien conscients de cette situation. On peut imaginer que nos fonctionnaires s’amusent à s’absenter n’importe quand. Si tel était le cas, la preuve serait faite que les fonctionnaires se sentent vraiment peu impliqués dans leur travail, ce qui attesterait l’existence d’un réel problème de gestion des ressources humaines !
J’ajoute que l’on observe la même augmentation du nombre de jours d’absence dans les hôpitaux, mais aussi dans les cliniques et dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, c’est-à-dire partout où les conditions de travail sont difficiles.
Vous vous appuyez sur une étude du groupe d’assurances Sofaxis qui porte essentiellement sur les fonctionnaires ayant obtenu de leurs élus locaux la prise en charge du jour de carence, pour un coût de 8 euros à 12 euros par salarié et par mois, selon les éléments que nous avons pu trouver. C’est-à-dire que l’instauration du jour de carence a entraîné, pour ces collectivités, une dépense supplémentaire !
Je comprends tout à fait la position de la Sofaxis, qui, en toute bonne foi, a intérêt au rétablissement du jour de carence dans toutes les fonctions publiques, et en particulier dans la fonction publique territoriale. En effet, à partir du moment où l’on compare secteur public et secteur privé et que l’on se penche sur la situation du secteur privé, on découvre que 77 % des salariés des grands groupes et 47 % des salariés des entreprises plus petites souscrivent une assurance pour couvrir les jours de carence. Le groupe Sofaxis a donc un énorme marché devant lui et il a intérêt à bien diffuser ces chiffres auprès des employeurs publics : s’il vous plaît, mesdames, messieurs les employeurs publics, souscrivez une protection sociale privée pour couvrir le jour de carence ! Il est évident que cela ne nuira pas au chiffre d’affaires de la Sofaxis...
Au total, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne sais pas ce que vous allez gagner en adoptant ces amendements. On peut trouver formidable d’ouvrir des marchés aux assureurs, mais telle n’est peut-être pas la finalité première du décideur public ni de la dépense publique…
Je retiens de l’ensemble des chiffres dont je dispose une diminution du nombre d’arrêts de maladie très courts, mais une augmentation des congés de maladie plus longs et des accidents du travail. Ces éléments ne sont pas de nature à nous faire changer d’avis.
Je pense que l’on sera amené à créer une protection sociale privée si l’on rétablit le jour de carence, car, après tout, si l’on admet que l’État est un grand groupe, on ne voit pas pourquoi il agirait autrement qu’un grand groupe du secteur privé. Les collectivités locales sont, de leur côté, assimilables à des PME et disposent même souvent d’un peu plus de moyens. Sofaxis et bien d’autres auront donc un beau champ d’action devant eux et nous n’aurons rien gagné en termes de dépenses publiques.
À mon avis, ce combat n’a pas lieu d’être, sans compter qu’il renforce le sentiment d’injustice et d’indignité chez les fonctionnaires. Il est inutile d’en rajouter, il y en a assez comme ça !
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Le groupe UDI-UC votera cet amendement, parce qu’il est conforme au principe d’égalité.
M. Michel Canevet. L’égalité figure dans la devise de la République et tout ce qui va dans le sens de l’équité mérite d’être soutenu à nos yeux.
Il n’y a pas de raison que certains soient astreints à supporter des jours de carence quand d’autres ne le sont pas, surtout en cette période particulièrement difficile pour nos finances publiques.
Je remercie M. le rapporteur général d’avoir déposé cet amendement, qui va dans le bon sens.
En effet, contrairement, à ce que vient de dire Mme la ministre, l’instauration de la journée de carence a montré toute sa pertinence. Il est clair que, dans la fonction publique hospitalière, l’absentéisme pour courte maladie a baissé de 43 % en 2012. Dans la fonction publique territoriale, la baisse a été de 40 %. On sait bien que, compte tenu des difficultés qu’ils rencontraient pour boucler leur budget, les directeurs d’hôpital dans leur ensemble ont salué l’instauration de la journée de carence, parce qu’elle leur a permis de mieux gérer leurs personnels. Or c’est bien de cela qu’il s’agit !
On nous parle beaucoup de la libre administration des collectivités territoriales, mais comment ces collectivités peuvent-elles s’administrer librement, lorsqu’on les empêche d’utiliser les bons outils de gestion ? Le principe de libre administration consiste à permettre à ces employeurs de souscrire des contrats d’assurance pour couvrir le type de risque dont nous parlons, mais c’est aux autorités territoriales qu’il appartient de le proposer.
Pour le groupe UDI-UC, tout ce qui va dans le sens de l’instauration d’un dispositif relevant de la logique du ticket modérateur est positif : nous soutiendrons donc cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Je serai très brève, parce que les arguments de Mme la ministre ont suffisamment de poids et montrent bien en quoi ces amendements n’ont rien à voir avec les notions d’égalité – ou d’équité, comme vous dites, même si ce n’est pas la même chose.
Je souhaite insister sur le fait que, pour justifier les jours de carence, vous invoquez toujours la diminution des arrêts de travail de courte durée. En revanche, vous ne mentionnez jamais l’augmentation des arrêts de plus longue durée, des accidents de travail ou des arrêts de longue maladie. Si l’on veut procéder à une analyse correcte de la situation, il faut tenir compte de tous ses éléments.
Pour notre part, nous ne pouvons pas approuver ce type de démarche. Une fois de plus, on se trompe de réponse ! Aujourd’hui, dans la fonction publique d’État comme dans la fonction publique territoriale, on sent bien qu’un certain nombre de personnels s’arrêtent pour d’autres raisons que celles qui sont avancées par les auteurs de cet amendement. L’âge moyen a fortement augmenté dans la fonction publique, parce que la durée de cotisation pour la retraite a été allongée et que les agents restent donc plus longtemps en activité, ce qui a une incidence sur la durée de leurs arrêts maladie.
Il faut donc tenir compte de la totalité des éléments et, surtout, ne pas s’en prendre à cet aspect particulier de la situation des agents de la fonction publique, qui n’a rien à voir avec la réduction du déficit public. Sur ce dernier point, je vous ai exposé les choix que nous proposions.
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. Madame la ministre, j’ai bien écouté vos explications. Si on les prend au pied de la lettre, on pourrait croire que le travail est dangereux !
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits, modifiés, de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », figurant à l’état B
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion l’amendement n° II-52 tendant à insérer un article additionnel après l’article 55, rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».
Article additionnel après l’article 55
M. le président. L’amendement n° II-52, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 55
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Hormis les cas de congé de longue maladie, de congé de longue durée ou si la maladie provient de l’une des causes exceptionnelles prévues à l’article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, les agents publics civils et militaires en congé de maladie, ainsi que les salariés dont l’indemnisation du congé de maladie n’est pas assurée par un régime obligatoire de sécurité sociale, ne perçoivent pas leur rémunération au titre des trois premiers jours de ce congé.
II. – En conséquence, faire précéder cet article de la mention :
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement a été précédemment défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 55.
provisions
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Provisions », figurant à l’état B.
État B
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Provisions |
452 778 296 |
152 778 296 |
Provision relative aux rémunérations publiques |
||
Dépenses accidentelles et imprévisibles |
452 778 296 |
152 778 296 |
M. le président. L’amendement n° II-49, présenté par MM. Bouvard et Carcenac, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi l’intitulé de la mission « Provisions » :
« Crédits non répartis »
La parole est à M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.
M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Thierry Carcenac et moi-même avons présenté cet amendement lors de la discussion générale. Il s’agit de changer l’intitulé de la mission « Provisions ».
En effet, le terme « provisions » crée une confusion puisqu’il est emprunté à la comptabilité générale, où il correspond à la définition de « provisions pour risques ou pour charges ». En fait, les crédits qui composent cette mission sont des crédits non répartis, raison pour laquelle nous vous proposons de retenir cette dernière dénomination.
Cette question fait l’objet de remarques récurrentes dans tous les rapports de la Cour des comptes sur l’exécution des lois de finances depuis un certain nombre d’années. Il s’agit donc d’un amendement de clarification, qui devrait moins porter à conséquence que les précédents.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il s’agit d’un amendement de qualité et l’avis du Gouvernement est favorable.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la première fois, le Sénat débat d’un amendement visant à changer le nom d’une mission. À cette occasion, il me semble nécessaire de préciser dans quelles conditions j’ai examiné la recevabilité financière de cette initiative des rapporteurs spéciaux.
En effet, un problème pourrait théoriquement se poser au vu du deuxième alinéa du I de l’article 7 de la loi organique relative aux lois de finances, en vertu duquel « seule une disposition de loi de finances d’initiative gouvernementale peut créer une mission ».
La commission des finances de l’Assemblée nationale, dans un rapport de février 2012, en a déduit que « la transformation d’une mission en une autre, notamment par changement de son intitulé, serait assimilée à une création de mission, et donc irrecevable : un amendement en ce sens aurait pour effet de faire apparaître dans la nomenclature budgétaire une mission qui, antérieurement, n’y figurait pas ». S’appuyant sur cette analyse, le rapporteur spécial de l’Assemblée nationale, Michel Pajon, ne s’est pas cru autorisé à proposer lui-même un changement du nom de cette mission.
Je n’ai néanmoins pas conclu dans le même sens, et ce pour deux raisons.
En premier lieu, la mission dont nous parlons ne saurait être créée ni par le Gouvernement ni par un amendement parlementaire, étant donné que son existence résulte des termes mêmes des alinéas 3 à 5 du I de l’article 7 de la loi organique relative aux lois de finances, dont je vous donne lecture :
« […] Une mission regroupe les crédits des deux dotations suivantes :
« 1° Une dotation pour dépenses accidentelles, destinée à faire face à des calamités, et pour dépenses imprévisibles ;
« 2° Une dotation pour mesures générales en matière de rémunérations dont la répartition par programme ne peut être déterminée avec précision au moment du vote des crédits. »
Dès lors que le nouvel intitulé respecte le cadre fixé par le législateur organique – de fait, il est plus précis que l’actuel intitulé –, il ne peut y avoir de problème de recevabilité.
En second lieu, dans le cas d’une mission « ordinaire », il me semble qu’il convient de distinguer deux situations.
D’une part, dans le cas où un amendement, sous couvert du changement de l’intitulé d’une mission, viserait à en modifier le périmètre, le changement d’intitulé serait considéré comme manifestant l’intention d’« aggraver une charge publique » et l’article 40 de la Constitution ainsi que les articles 7 et 47 de la loi organique relative aux lois de finances me conduiraient à les déclarer irrecevables.
D’autre part, dans le cas où des initiatives parlementaires n’auraient qu’une portée sémantique et ne prétendraient en rien modifier le champ de la mission créée par le Gouvernement, de tels amendements devraient être considérés comme recevables.
Dans ces conditions, j’ai déclaré que cet amendement était recevable, parce que de portée « sémantique ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. En conséquence, l’intitulé de la mission est ainsi rédigé.
Nous allons donc procéder au vote des crédits de la mission « Crédits non répartis », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Ces crédits sont adoptés.)
compte d’affectation spéciale : gestion du patrimoine immobilier de l’état
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », figurant à l’état D.
État D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Gestion du patrimoine immobilier de l’État |
526 817 226 |
521 000 000 |
Contribution au désendettement de l’État |
108 000 000 |
108 000 000 |
Contribution aux dépenses immobilières |
418 817 226 |
413 000 000 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État »
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion les amendements tendant à insérer des articles additionnels qui sont rattachés pour leur examen aux crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».
Articles additionnels après l'article 64
M. le président. L'amendement n° II-48, présenté par M. Bouvard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 64
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 47 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’État procède à l'aliénation d’un terrain de son domaine privé à un prix inférieur à sa valeur vénale en application de l’article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques, les dépenses d’investissement et de fonctionnement prévues aux a et b du 2° du présent article affectées au ministère occupant de ce terrain sont réduites d’un montant égal à la différence entre le prix de cession effectif et la valeur vénale de ce terrain. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article de la mention :
Gestion du patrimoine immobilier de l’État
La parole est à M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.
M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Il s’agit, dans un souci de clarification et de respect de la loi organique – une politique doit être évaluée à coût complet -, de tirer les conséquences de la loi « Duflot » relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement, qui autorise l’État à céder des terrains de son domaine privé à un prix inférieur à leur valeur vénale. J’ai rappelé que la décote pouvait aller jusqu’à 100 %.
Bien que poursuivant des objectifs dont personne ne peut mettre en doute la légitimité, la politique de cessions décotées en faveur du logement social ne correspond à l’évidence pas à la vocation du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », qui est de moderniser le parc immobilier de l’État et de contribuer au désendettement.
En conséquence, le présent amendement vise à minorer, d’un montant égal à la décote consentie, les dépenses immobilières affectées au ministère qui aura cédé les biens décotés.
Ainsi, ce sont bien les différents ministères – donc le budget général de l’État – qui assumeront, d’un point de vue budgétaire, les crédits consacrés à la politique en faveur du logement social et non pas un compte d’affectation spéciale qui n’est pas fait pour cette mission.
D’après les informations transmises par le Gouvernement, une soixantaine de dossiers sont en cours d’instruction conjointe, dans le cadre de la loi « Duflot », par les services chargés du logement et du domaine.
Pour l’année 2014, nous savons d’ores et déjà que trois terrains ont fait l’objet d’un acte de cession définitif avant le 1er septembre, pour une décote totale de 4,78 millions d’euros.
Il s’agit de la caserne Martin, à Caen, d’une valeur vénale de 4,3 millions d’euros, cédée pour 3,1 millions d’euros, soit une décote de 28 %, avec un programme de 157 logements ; d'un terrain de 10 600 mètres carrés au sein de la ZAC Flaubert, à Grenoble, d’une valeur vénale de 3,7 millions d’euros, cédé pour 1 million d’euros, soit une décote de 73 %, pour construire 151 logements ; et de l’ancien commissariat de Saint-Malo, porté par la SOVAFIM, d'ailleurs, dont on reparlera, d’une valeur vénale de 1 million d’euros, cédé pour 120 000 euros, soit une décote de 85 % pour 500 logements.
Encore une fois, nous ne remettons pas en cause la finalité, puisqu’il s’agit de la construction de logements sociaux, mais la clarification budgétaire exige que le compte d’affectation spéciale soit rendu à la mission qui est la sienne.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » perçoit en recettes des produits de la cession des biens immobiliers de l’État, recettes d'ailleurs qui permettent de financer, d’une part, le désendettement de l’État, 30 % en règle générale, d’autre part, les projets immobiliers des ministères.
Vous proposez, dans le cas où les cessions sont affectées d’une décote liée à l’application de la loi dite « Duflot », de diminuer le montant des dépenses qui peuvent être effectuées par les ministères affectataires du bien cédé.
Pourquoi le Gouvernement y est-il défavorable ?
L’objectif qui est le vôtre par cet amendement, à savoir la limitation de la capacité à dépenser du ministère cédant pour tenir compte de l’existence d’une décote sur le prix de cession, est d’ores et déjà assuré du fait du principe d’antériorité de la recette à la dépense prévu par la loi organique relative aux lois de finances, qui commande la gestion des comptes d’affectation spéciale. En son article 21, la LOLF dispose en effet que le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d’un compte d’affectation spéciale « ne peut excéder le total des recettes constatées », en l’espèce le produit des cessions des biens immeubles de l’État, ainsi que des droits à caractère immobilier, en tenant compte bien évidemment des décotes éventuellement consenties.
Ce principe assure donc déjà que les différents ministères assumeront, d’un point de vue budgétaire, les moindres recettes liées à la politique en faveur du logement social. Dès lors, votre amendement aboutirait à diminuer deux fois la capacité d’engagement des ministères : une première fois, car la recette est moindre qu’en l’absence de décote – là-dessus, nous sommes tous d’accord –, puis une seconde fois lors de la délégation des crédits à chaque ministère.
Je pense qu’il y a là quelque chose d’illogique sur le plan budgétaire. De plus, ce n’est pas très conforme à notre politique immobilière.
C'est la raison pour laquelle je sollicite le retrait de l’amendement. À défaut, je serais contrainte – avec regret – d’émettre, au nom du Gouvernement, un avis défavorable.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, maintenez-vous l’amendement n° II-48 ?
M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Le dossier est complexe, nous en sommes d’accord. Dans la pratique, la réfaction qui est faite n’est pas directement corrélée à l’enveloppe budgétaire de chacun des ministères. En effet, une partie semble être traitée de manière interministérielle.
Donc, au bénéfice d’un inventaire plus complet, et dans la perspective de reprendre cette discussion sereinement, nous retirons l’amendement. Mais le sujet reste sur la table, madame la ministre !
M. le président. L'amendement n° II-48 est retiré.
L'amendement n° II-276 rectifié, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Après l’article 64
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 141 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 est abrogé.
II. – En conséquence, faire précéder cet article de la mention :
Gestion du patrimoine immobilier de l’État
La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Il s’agit d’un vieux sujet. Ce n’est pas votre majorité qui a créé la SOVAFIM, la société de valorisation foncière et immobilière – voyez que je vous mets parfaitement à l’aise, madame la ministre !
Le présent amendement vise à mettre fin à la possibilité, pour l’État, de céder ses actifs immobiliers à la SOVAFIM en vue de leur valorisation par celle-ci.
Cet amendement s’inscrit dans la perspective d’une dissolution prochaine de la SOVAFIM, qui fait l’objet d’une demande récurrente de la Cour des comptes et de votre rapporteur spécial.
En effet, dans son rapport public annuel 2011, la Cour des comptes, « constatant que l’utilité de la SOVAFIM n’était pas durablement avérée, en avait recommandé la dissolution ».
Cette recommandation, ainsi que le précise le rapport public annuel 2014 de la Cour des comptes, « n’avait pas alors été suivie par les pouvoirs publics, qui, considérant que cette société était à même de remplir plusieurs tâches spécifiques en rapport avec la politique immobilière de l’État, l’avaient jugée prématurée et avaient renvoyé au bilan stratégique 2009-2011, puis à l’élaboration d’un plan de développement 2011-2015 ».
La Cour des comptes a procédé à une nouvelle analyse publiée dans le rapport public annuel 2014 ; je ne saurais trop inciter ceux d’entre vous, mes chers collègues, qui ne l’auraient pas encore fait à en prendre connaissance.
La Cour de comptes constate d’abord que « la mission initiale de la société, commercialiser les actifs immobiliers devenus inutiles de Réseau ferré de France, RFF, qui lui avaient été transférés, est aujourd’hui quasiment achevée ». La Cour souligne également que « l’évolution de son activité traduit les difficultés persistantes de son positionnement, dans un contexte où la politique immobilière de l’État a été elle-même évolutive ».
Enfin, la Cour souligne que « la SOVAFIM n’est pas parvenue à élargir son activité de cession d’actifs immobiliers d’origine publique : les tentatives de diversification de ses partenaires n’ont guère eu de résultats ; les relations avec les ministères sont malaisées et certains dossiers mal engagés ».
En conséquence, la dissolution de cet organisme, qui a par ailleurs fait l’objet d’une condamnation par la Cour de discipline budgétaire et financière le 17 juin 2014 pour plusieurs manquements aux règles de mise en concurrence de ses prestataires, paraît plus que souhaitable.
Nous connaissons les uns et les autres – tous ceux qui ont suivi les dossiers de l’immobilier de l’État – les errances de la SOVAFIM. Je vous renvoie encore une fois à la lecture du rapport complet de la Cour des comptes sur les dossiers qui n’ont pas abouti.
Il se trouve que, dans d’autres fonctions, j’ai eu à connaître le dossier de l’îlot Saint-Germain, dans le quartier de la Défense, auquel s’était ajouté l’hôtel de la Marine. J’ai, à cette occasion, été amené à voir comment les tâches étaient réparties entre les uns et les autres.
La SOVAFIM faisait ce qui était facile, mission pour laquelle elle était généreusement rémunérée. Ce qui était compliqué revenait à la Société nationale immobilière et à sa filiale Explorimmo, avec tous les risques.
Nous sommes donc devant une entité qui a été utilisée au coup par coup depuis des années, mais dont le modèle économique, aujourd'hui, ne fonctionne pas, ce qui pose un vrai problème.
Ce qui est sûr, c’est que l’État a besoin de gérer un certain nombre d’activités dans la durée. À l’évidence, la SOVAFIM ne fait pas l’affaire.
J’ajoute – circonstance aggravante – que la SOVAFIM a fait l’objet de plusieurs condamnations par la Cour de discipline budgétaire et financière - je vous renvoie à un arrêt public en date du 17 juin 2014 -, pour plusieurs manquements aux règles de mise en concurrence de ses prestataires. Cela ne concerne donc pas un seul manquement sur un seul dossier : il y a plusieurs manquements sur plusieurs dossiers !
Dans ces conditions, je pense que nous pouvons, en adoptant cet amendement, fermer le robinet à la SOVAFIM et empêcher que de nouveaux dossiers lui soient confiés, de manière que l’État puisse en prononcer l’extinction. Il se trouve, en effet, que les dispositions de l’article 40 s’agissant d’une société anonyme, même détenue à 100 % par l’État, ne nous permettent pas de décider par nous-mêmes de la suppression de la SOVAFIM.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement se posait la question d’une mission d’évaluation. Ce n’est pas possible parce qu’il s’agit d’une société.
M. Michel Bouvard. Cela a déjà été évalué !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je suis touchée par vos arguments. Cela signifie qu’il va falloir regarder les choses de très près avec les services.
Il est vrai que cela a été créé pour RFF, puis, au fur et à mesure, quand il a fallu mettre en vente des actifs immobiliers publics particuliers, on a confié à chaque fois l’opération à cette société, ce qui tendrait à prouver que, plus c’est privé, moins cela marche ! C’est ce que vous venez d’expliquer. C’est au moins le contre-pied de ce qui était soutenu au cours de notre précédente discussion.
Cependant, il serait pour nous extrêmement délicat de le décider au moment même où une importante restructuration est en cours, celle de l’îlot Fontenoy-Ségur, pour regrouper les services du Premier ministre. Le permis de construire a été validé ; les travaux vont débuter. Et je m’empresse d’ajouter, compte tenu de ce que vous venez de nous dire, monsieur Bouvard, que c’est une opération vertueuse, celle-là !
Je ne suis pas spécialiste de ce dossier, mais je m’engage à ce qu’il soit procédé à une véritable étude, car je vous ai bien entendu, monsieur le sénateur.
Pour l’heure, je ne peux guère que vous inciter à retirer votre amendement ; sinon, je serais obligée à en demander le rejet, ce qui n’est pas de bon augure pour une étude ultérieure.
La seule chose sur laquelle je peux m’engager, c’est sur le fait de vous répondre et de travailler sur cette question qui est pertinente, même si, aujourd'hui, je ne peux pas donner suite à votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. La commission n’a, hélas, pas pu examiner cet amendement qu’a présenté à titre personnel notre collègue, par ailleurs rapporteur spécial.
Je suis assez d’accord avec vous, madame la ministre, et je pense qu’il faut regarder de près ce qui nous est proposé. Notre collègue peut souhaiter tout de même recueillir l’avis de ses collègues, ici, ou bien retirer son amendement, au bénéfice de l’engagement que vous venez de prendre.
M. le président. Monsieur Bouvard, l'amendement est-il maintenu ?
M. Michel Bouvard. Dans la mesure où il s’agit d’empêcher de nouveaux transferts d’actifs à la SOVAFIM, cela ne doit pas faire obstacle à la restructuration des locaux du Premier ministre en cours. En tout état de cause, dans la version initiale de l’amendement, j’avais prévu une prise d’effet en 2016.
Vous l’aurez compris, il s’agit d’arrêter de faire vivre une structure qui manifestement n’a pas d’utilité. L’État ne manque pas d’outils qui lui permettraient de porter des opérations immobilières dans de bien meilleures conditions. J’ajoute que les budgets de la SOVAFIM, tels que nous avons pu les examiner, sont relativement décevants.
Madame la ministre, malgré votre engagement, je suis tenté de maintenir l’amendement. Si d’aventure cette disposition se révélait constituer un obstacle pour l’opération en cours, et sous réserve que le Gouvernement accepte de travailler avec les parlementaires qui suivent la politique immobilière de l’État, je ne verrai pas d’inconvénient à ce que cet amendement disparaisse de la version définitive de la loi de finances. Mais voter en cet instant cet amendement serait marquer l’intérêt du Sénat pour la politique immobilière de l’État et envoyer un signal très fort, s’agissant d’un dossier ancien, sur lequel le Parlement tire la sonnette d’alarme depuis des années.
Autrement dit, monsieur le président, je maintiens l’amendement !
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Notre rapporteur spécial vient de défendre cet amendement, qu’il a déposé à titre personnel, en reprenant des arguments contenus dans le rapport de la Cour des comptes. Je souhaite ajouter à ses propos forts justes qu’il est véritablement temps, à mon sens, de mettre fin à cette bizarrerie administrative et financière que constitue la SOVAFIM.
En clair, qu’en est-il ? Par arrêté conjoint du ministre chargé du domaine et du ministre affectataire, un terrain passe de l’immobilier de l’État à la SOVAFIM, laquelle le vend selon des mécanismes de cession parfois contestables, qui ne sont pas ceux, strictement définis, de France Domaine.
Il arrive par ailleurs que ce dispositif soit utilisé pour que des collectivités bénéficiant d’un droit de priorité en cas de cession des terrains de l’État se trouvent dessaisies : on nous menace de transférer le terrain à la SOVAFIM, et donc de passer outre le droit de priorité des collectivités existantes. J’ai vécu cette situation. Ce mécanisme, tout comme cette société, tient parfois du paranormal !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 64.
Nous avons achevé l’examen des crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et « Crédits non répartis », ainsi que du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».
Relations avec les collectivités territoriales
Compte de concours financiers : Avances aux collectivités territoriales
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 58, 58 bis, 58 ter, 58 quater, 58 quinquies, 58 sexies, 59, 59 bis, 59 ter, 59 quater et 59 quinquies) et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».
La parole est à M. Charles Guené, rapporteur spécial.
M. Charles Guené, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Relations avec les collectivités territoriales », dotée de 2,7 milliards d’euros de crédits, représente moins de 3 % des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales. En effet, l’essentiel de ces concours, et notamment la dotation globale de fonctionnement, sont des prélèvements sur recettes et relèvent, à ce titre, de la première partie de la loi de finances.
Les crédits de la mission correspondent essentiellement aux dotations générales de décentralisation perçues par les collectivités territoriales en compensation de transferts de compétences.
Certaines dotations d’investissement sont également portées par cette mission : la dotation de développement urbain, devenue dotation politique de la ville, soit 100 millions d’euros en autorisations d’engagement, et la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, dotée initialement de 575 millions d’euros en crédits de paiement.
Les marges de manœuvre sur les crédits de cette mission sont donc limitées.
La commission des finances propose au Sénat d’adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » tels que modifiés par son amendement, et d’adopter, sans modification, les crédits du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ». Quant aux articles qui sont rattachés, ils traitent de la péréquation et de la répartition des dotations, formant un ensemble indissociable des dispositions relevant de la première partie du projet de loi de finances.
Le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit une baisse de 11 milliards d’euros des concours de l’État aux collectivités, dont 3,67 milliards d’euros dès 2015. Le Sénat, vous le savez, a choisi de minorer de 1,4 milliard d’euros cette baisse, en prenant en compte les dépenses imposées par l’État aux collectivités territoriales ainsi que le coût de la réforme des rythmes scolaires.
En effet, si les collectivités territoriales doivent contribuer au redressement des comptes publics, nous craignons qu’elles ne rognent sur leurs projets d’investissement, ce qui aurait un effet négatif sur notre économie, mais aussi sur les services offerts à nos concitoyens.
Je vous présenterai donc un amendement visant à tirer les conséquences du vote du Sénat sur l’article 9 du présent projet de loi, car l’article 58, rattaché à la présente mission, répartit la diminution de la dotation globale de fonctionnement entre les différents niveaux de collectivités territoriales.
Les autres mesures que nous avons à examiner sont essentiellement destinées à corriger, à la marge, les effets de la baisse des dotations. En effet, le Gouvernement, conscient des conséquences désastreuses de la réduction des dotations sur la santé financière des collectivités, augmente la péréquation pour que les plus fragiles ne sombrent pas. Il propose ainsi une hausse de la péréquation dite « verticale », mais intégralement prise en charge par les collectivités territoriales.
Considérant qu’une telle majoration de la hausse de la péréquation n’était pas compatible avec la baisse des dotations, le Sénat a choisi de revenir au rythme d’évolution de la péréquation verticale de 2014, c’est-à-dire de l’augmenter de 119 millions d’euros en 2015, au lieu des 228 millions d’euros initialement prévus.
La commission des finances propose également au Sénat, après en avoir débattu, de ralentir le rythme de la montée en puissance du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, en divisant par deux la progression prévue en 2015.
La diversité de nos collectivités justifie la solidarité territoriale que met en œuvre la péréquation. Mais, alors que les ressources se raréfient, l’effort de solidarité demandé semble à certaines plus difficilement supportable.
Pour être légitime, la péréquation doit voir ses effets évalués : les dispositifs, nombreux et reposant sur des critères divers, sont-ils cohérents et efficaces ? C’est une question à laquelle il est délicat de répondre sans une véritable évaluation et des simulations appropriées, tout comme il est difficile d’apporter ici des modifications sans visibilité.
L’article 58 du projet de loi de finances pour 2015 met également en œuvre un début de réforme de la dotation forfaitaire de la DGF des communes et des départements. En effet, la DGF a été conçue pour augmenter, et son architecture n’est plus adaptée au contexte actuel.
Cette consolidation de la dotation forfaitaire ne suffira pas et le Gouvernement a annoncé son intention de réformer la dotation globale de fonctionnement l’année prochaine...
Je ne conteste pas la nécessité de cette réforme, mais je m’interroge sur sa portée, alors que la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation semble être à l’arrêt, madame la ministre. Comment garantir un système plus juste, alors que les bases des impôts locaux sont obsolètes et injustes ? Peut-être pourrez-vous, madame la ministre, nous en dire plus sur l’avancée de ces réformes et leur calendrier ?
Peut-être pourrez-vous également préciser les annonces récentes du Premier ministre, s’agissant notamment d’une hausse de 200 millions d’euros de la DETR et d’un fonds destiné aux « maires bâtisseurs » ? Comment ces mesures seront-elles financées ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Germain, rapporteur spécial.
M. Jean Germain, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat est l’occasion d’aborder globalement les articles du présent projet de loi de finances qui concernent les finances locales, et on sait que celles-ci sont marquées cette année par la diminution de 3,67 milliards d’euros de la DGF, afin de contribuer au redressement des finances publiques.
Je pense que, face à cet effort sans précédent qui est demandé aux collectivités, il faut demeurer responsable et cohérent, mais également entendre les inquiétudes que ces mesures suscitent.
La responsabilité, tout d’abord, consiste à admettre que l’indispensable redressement de nos finances publiques nécessite d’associer à cet effort les collectivités territoriales.
Dans ce contexte, la nouvelle majorité sénatoriale a choisi de minorer de près de 40 % la diminution des dotations proposée par le Gouvernement. Je peux comprendre ce choix,…
M. Philippe Dallier. Ce n’est déjà pas mal !
M. Jean Germain, rapporteur spécial. … mais je ne suis pas certain qu’il soit pleinement cohérent avec les propositions formulées, parallèlement, au niveau national.
Les propositions qui ont été formulées, ici ou là, par des personnalités influentes de l’opposition nationale vont également dans le sens d’une contribution des collectivités, et vont même plus loin que ce que prévoit le présent projet de loi de finances.
Quoi qu’il en soit, il est vrai que cette évolution des dotations suscite parmi les collectivités territoriales de grandes inquiétudes, sur l’évolution des investissements ou, tout simplement, pour certaines d’entre elles, sur le bouclage de leur prochain budget. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste aurait préféré un étalement sur quatre ans de cette diminution.
Nous voulons parler franchement au Gouvernement, que nous soutenons : nous pensons que de nombreuses collectivités territoriales vont faire plus que « pincer » leur investissement, et cela aura des conséquences négatives pour notre pays.
Ces inquiétudes se nourrissent également des dispositions du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, qui peuvent laisser dans le flou certaines collectivités. Plus vite ce flou sera dissipé et mieux nous nous porterons !
M. Jean Germain, rapporteur spécial. Nous soutenons la hausse de la péréquation verticale proposée par le Gouvernement. Le doublement de son rythme de progression par rapport à l’an dernier aide les collectivités les plus vulnérables à passer, cette année, le cap de la baisse des dotations. Nous savons tous cependant qu’une fois passé 2015 une réflexion – elle a été annoncée - devra avoir lieu sur la DGF ainsi que sur le rythme de la péréquation et sa répartition.
Je me félicite que le Premier ministre ait annoncé que le montant de la DETR serait majoré de 200 millions d’euros et que les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, les FDPTP, seraient maintenus, conformément à ce qu’a souhaité le Sénat. Il faudra aussi nous éclairer sur les 100 millions d’euros concernant les « maires bâtisseurs ».
Je regrette en revanche que le Gouvernement n’ait pas suivi le Sénat sur les « petites taxes », supprimées à l’article 8. L’enjeu financier n’est certes pas considérable, mais cet article envoie un signal très négatif aux collectivités, alors que nous souhaitons maintenir l’autonomie fiscale. Dans ce cadre, la fin de l’automaticité de certaines taxes, notamment celle de la surtaxe sur la taxe d’habitation, et le fait que leur reconduction soit soumise à la volonté des organes délibérants nous paraissent de meilleure politique.
J’en viens aux amendements que nous avons cosignés avec Charles Guené et qui, je l’espère, seront également de nature à rassurer, au moins partiellement, les collectivités.
Il s’agit, tout d’abord, de garantir aux communes qui bénéficient actuellement de la fraction « bourg-centre » de la dotation de solidarité rurale qu’elles continueront à en bénéficier après la réforme de la carte cantonale. Certes, la question ne se posera qu’en 2017, mais je pense utile de préciser ce point dès aujourd’hui.
Par ailleurs, nous vous proposons de revenir sur l’augmentation du critère de l’effort fiscal nécessaire pour bénéficier du FPIC. À compter de 2015, ce critère sera à 0,9 : cela nous semble suffisant et nous vous proposons d’en rester là, afin de garantir une certaine stabilité, dans l’attente de la réforme de la DGF.
Enfin, nous vous proposons également de revenir sur la diminution de 1 million d’euros des crédits de la mission, votée par nos collègues députés en seconde délibération. C’est un symbole : l’enjeu financier n’est pas considérable, si on le rapporte aux 3,67 milliards d’euros de baisse des dotations. Mais il est important de ne pas réduire encore les dotations par rapport à ce qui était annoncé. On le sait, les considérations psychologiques, notamment dans notre pays, sont parfois aussi importantes que d’autres.
Compte tenu de ces observations, nous vous proposons d’adopter avec modification les crédits de la mission et du compte spécial.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, dans le laps de temps qui m’est imparti pour évoquer devant vous les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales, je vous présenterai les conclusions des riches débats de la commission des lois sur la baisse des dotations de l’État en faveur des collectivités territoriales.
La commission des lois prend note que les collectivités seraient soumises, entre 2015 et 2017, à un degré inédit de participation à l’effort de redressement des finances publiques, avec une baisse de 11,5 milliards d’euros, qui s’ajoute à un gel en valeur des concours financiers de l’État entre 2011 et 2013 et à une première baisse de ces concours en 2014, d’un montant de 1,5 milliard d’euros.
Cette association sans précédent des collectivités territoriales à l’effort de lutte contre les déficits publics, si elle est acceptée et comprise par la commission, a suscité toutefois un certain nombre de remarques. Il est vrai que cela se combine à une perte significative de pouvoir fiscal sur les entreprises engendrée par la réforme de la taxe professionnelle de 2010, qui a entraîné une dynamique bien moindre de l’impôt économique.
Tout d’abord, et je ne vous apprends rien, madame la ministre, les collectivités sont loin d’être les premières responsables de la dégradation de nos finances publiques. La dette locale représente en effet moins de 10 % de la dette publique totale.
Les règles budgétaires et comptables qui s’appliquent aux collectivités les soumettent à l’obligation d’adopter des budgets en équilibre. Les dettes des collectivités territoriales sont liées à leur politique d’investissement, même si, pour être très honnête, l’épargne brute, résultat des dépenses de fonctionnement, rentre en compte dans la capacité d’investissement.
Plusieurs membres de la commission des lois se sont demandé si l’État participait à cet effort à la hauteur de la dette publique dont il est à l’origine.
M. Philippe Dallier. La réponse est non !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. Les auditions que j’ai pu conduire pour préparer ce rapport pour avis ont révélé quelques doutes sur ce point. Madame la ministre, nous vous remercions de nous indiquer comment s’apprécie la participation de l’État à cet effort inédit.
Ensuite, la commission des lois s’est interrogée sur les conséquences de la diminution des dotations de l’État sur l’exercice des compétences locales et sur les projets locaux, dans une période marquée par la montée des besoins sociaux, la prolifération des normes et des dépenses nouvelles imposées aux collectivités, comme les rythmes scolaires.
Le rapport d’information relatif à l’évolution des finances locales à l’horizon 2017 fait, au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, par MM. Philippe Dallier, Charles Guené et Jacques Mézard, qui a été récemment publié, démontre les conséquences dramatiques d’une telle diminution pour nos collectivités territoriales, en particulier les départements et les communes de plus de 10 000 habitants. On ne peut que s’inquiéter de telles conclusions sur l’avenir de nos territoires, dans le contexte de crise économique et sociale que connaît notre pays.
On comprend bien que les collectivités territoriales sont encouragées à moins dépenser. Cependant, ces collectivités exercent des compétences qui leur sont dévolues par la loi et conduisent des politiques d’investissement pour répondre aux attentes de nos concitoyens. Si certaines dépenses peuvent ponctuellement défrayer la chronique, il s’agit, en réalité, de cas très particuliers.
Dès lors, pour maintenir un niveau d’investissement élevé, de quelles alternatives disposeront les collectivités territoriales ? Baisser le niveau de qualité des services qu’elles rendent à la population ? Modifier le référentiel de décision des investissements prévus ou engagés, au risque, comme de nombreux collègues ont pu le constater, de perturber fortement l’économie locale ? Diminuer les charges de fonctionnement, c’est-à-dire principalement les dépenses de personnels ? Certains le font et vous le savez, madame la ministre, la mutualisation n’est pas qu’un mot, elle est aussi une réalité. Néanmoins, nous savons bien qu’il s’agit là d’opérations limitées, d’autant que la fonction publique territoriale compte en grande majorité des personnels de catégorie C, dont les revenus sont modestes.
Madame la ministre, vous en conviendrez, nous avons besoin de précisions pour comprendre où se trouvent les économies supplémentaires que vous nous demandez de réaliser.
Enfin, cette baisse des dotations s’inscrit dans le contexte de la réforme territoriale souhaitée par le Président de la République, réforme dont nous aurons l’occasion de débattre très bientôt et qui doit se traduire par un renforcement des compétences des régions, en particulier dans le domaine économique.
Aucune disposition du projet de loi de finances pour 2015 ne concerne les ressources dont bénéficieront les régions pour assumer ces nouvelles compétences : nous ne pouvons donc pas mettre en parallèle nouvelles ressources et nouvelles compétences. Madame la ministre, nous souhaitons connaître les intentions du Gouvernement sur la question majeure des ressources des régions dans le cadre de cette réforme, plus largement sur l’autonomie fiscale, qui n’a cessé de régresser au profit des dotations supportées par l’État.
Telles sont les observations qui ont conduit la commission des lois à émettre un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte spécial « Avances aux collectivités territoriales ». (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission que nous examinons ne recouvre qu’une infime partie des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales. Son examen nous permet cependant de débattre de l’ensemble de cette problématique, qui est particulièrement sensible.
Le budget de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne représente en effet que 2,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement, soit moins de 3 % des 101 milliards d’euros de transferts financiers de l’État en faveur des collectivités territoriales.
Aussi chacun comprend-il bien que l’enjeu n’est pas sur cette ligne budgétaire, même si celle-ci a son importance.
En effet, la modicité de cette mission ne lui aura pas évité de connaître une baisse de ses crédits, comme beaucoup d’autres missions, une baisse, certes, modeste, de 1 %, mais une baisse tout de même, surtout si l’on prend en compte les évolutions du périmètre des actions qu’elle représente.
N’oublions pas de surcroît que, depuis près de cinq ans, cette mission subit, comme tant d’autres, le gel de ses autorisations de dépenses, parfois même des diminutions drastiques.
J’ai encore en mémoire nos débats sur cette mission lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, sous le gouvernement Fillon, alors que je venais d’être élu sénateur. Je dénonçais alors une baisse très sensible des interventions touchant le programme des concours spécifiques. Cette restriction était même spectaculaire – 80 % ! – et concernait les aides aux collectivités locales fragilisées par des circonstances exceptionnelles, telles que les calamités naturelles, inondation ou sécheresse.
Ces événements météorologiques sont malheureusement toujours d’actualité et, comme en 2012, nous constatons que la diminution des crédits de cette mission est pour l’essentiel imputable à la baisse des crédits du programme 122 « Concours spécifiques et administration », dont l’action n° 1, Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales, est une nouvelle fois en forte diminution.
Depuis 2012, les gouvernements ont changé, mais les budgets n’ont pas progressé. Ils ont au contraire poursuivi leur baisse, y compris pour ces actions qui relèvent de la solidarité nationale.
Ainsi, depuis cette date, après deux années de gel des dotations et des concours financiers en direction des collectivités territoriales, nous vivons, en 2014, une première année de baisse de 1,5 milliard d'euros. Celle-ci sera suivie, dès 2015 et pour trois ans, d’une baisse de 3,7 milliards d'euros par an. Au total, ce seront près de 28 milliards d'euros de dotations que nos collectivités territoriales auront perdus d’ici à 2017.
Ces mesures s’ajouteront à toutes celles qui ont été prises depuis des décennies et qui n’ont fait que contraindre toujours plus les ressources financières de nos collectivités locales.
En effet, ce n’est pas d’aujourd’hui que des départements et des communes sont en difficultés. Les diverses mesures prises depuis plus de dix ans ont plongé de nouvelles collectivités dans la tourmente. Transferts de compétences insuffisamment compensés – revenu de solidarité active, prestation de compensation du handicap, allocation personnalisée d’autonomie, routes, personnel des lycées et collèges – et obligations nouvelles auxquels s’ajoute la réduction de leur autonomie fiscale, la tâche des élus n’a jamais été aussi difficile.
Dans leur immense majorité, les collectivités locales rencontrent des difficultés croissantes pour exercer leurs missions, dans une situation économique et sociale dégradée.
En effet, le chômage et la précarité, doublés du ralentissement économique et de désindustrialisation de nos territoires, ont particulièrement affecté les capacités d’interventions de nos institutions locales, en réduisant leurs ressources, alors que, partout, la demande sociale explose. Dans ce paysage dégradé, les élus locaux font le maximum pour tenter de répondre, malgré tout, aux attentes de leur population et aux besoins de leur territoire.
Aussi, je tiens à saluer leur engagement, alors que des médias, encouragés par certaines institutions financières, choisissent de dénigrer leur gestion, notamment en véhiculant les thèses les plus populistes. Ainsi, pour justifier l’ensemble des réformes appelées à bouleverser nos institutions locales et leur capacité d’interventions, il est aujourd’hui de bon ton de critiquer l’action des collectivités locales et de leurs élus, qui dépenseraient sans compter et refuseraient de réduire leurs dépenses, alors que, depuis des années, ils font ces efforts de maîtrise financière et ne sont en rien responsables de l’endettement de notre pays.
Quand les élus empruntent, c’est pour investir. Ils n’ont pas le droit de le faire pour payer les factures de fonctionnement. Quant aux efforts de maîtrise de la dépense – permettez-moi de le rappeler au Gouvernement –, les départements, depuis qu’ils sont chargés des allocations nationales de solidarité comme le RSA, ont dégagé sur leur propre budget près de 50 milliards d'euros pour faire face à des dépenses en forte progression, que les gouvernements successifs n’ont pas prises en charge.
Dans le même temps, ces différents gouvernements ont préféré réduire la pression fiscale sur les foyers les plus riches et sur les entreprises, en particulier les plus grosses. Ils ont réduit les ressources publiques au service de l’intérêt général, au profit de niches fiscales de toutes sortes pour satisfaire quelques appétits particuliers et réduire leur impôt.
Alors, oui, il faut le dire ici, les collectivités territoriales, leurs élus, n’ont pas de leçon à recevoir concernant la façon de gérer l’argent public. Toutefois, les restrictions que les élus vont devoir affronter les contraindront à réduire les investissements, à baisser les services à la population, tout en étant poussés à augmenter les impôts et les tarifs des services publics locaux. Les élus communistes refusent de s’engager dans cette voie désespérante et sans perspective.
Comme nous l’avons fait hier face à la droite, nous combattrons ces choix mortifères que vous nous proposez et qui ont conduit à accélérer la spirale du déclin partout où ils ont été mis en œuvre.
Aussi, pour toutes les raisons que je viens de rappeler, condamnant le désengagement renforcé de l’État au détriment des collectivités locales, le groupe CRC ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on ne peut aborder les relations de l’État avec les collectivités territoriales sans évoquer trois sujets essentiels : la baisse des dotations de l’État, l’évolution des systèmes de péréquation, l’articulation du budget 2015 avec les réformes territoriales.
S’agissant, premièrement, de la baisse des dotations de l’État, le rapport d’information que nous avons réalisé, Charles Guené, Philippe Dallier et moi-même, démontre que les conséquences seront beaucoup plus importantes que ce qui a été annoncé par l’exécutif.
En 2017, mathématiquement, sur l’ensemble des 38 000 collectivités, une baisse de recettes de 6 % sera constatée et nous serons brutalement projetés plus de dix ans en arrière pour ce qui est du montant des dotations de l’État. D’ailleurs, il est plus que probable qu’un nombre considérable de collectivités, confrontées à un double déficit, se trouveront dans une impasse financière. Il est important que le Gouvernement nous explique comment il entend éviter cette situation.
La baisse des investissements et l’augmentation de la fiscalité locale sont donc inéluctables.
Nous pouvons comprendre l’objectif de diminution des dépenses de fonctionnement, mais il convient que l’État, madame la ministre, fasse preuve de cohérence et ait une vision prospective.
L’État ne peut pas continuer à transférer des charges et des compétences à nos collectivités, comme il l’a fait lors de la réforme des rythmes scolaires, de la suppression de la TESA, du transfert de l’instruction des permis de construire, et nous faire le reproche, en tout cas dans les actes, d’embaucher des personnels, alors que nous allons devoir faire face à ces transferts.
De la même manière, les décisions relatives à la suppression de la journée de carence et aux évolutions des agents de catégorie C, même si elles sont compréhensibles, alourdissent les dépenses des collectivités.
Toutes ces mesures, mes chers collègues, ne relèvent ni d’une politique planifiée ni d’une réelle politique de concertation avec les collectivités. Les dotations de l’État sont distribuées – en tant qu’élus pouvant encore cumuler un mandat local et un mandat national, madame la ministre, nous sommes bien placés pour le savoir – en application d’un système d’une complexité telle qu’il en est devenu illisible. La logique eût été de commencer, voici deux ans, par la réforme de la fiscalité locale et par celle des dotations de l’État. C’était le bon sens, mais ce n’est pas le chemin qui a été suivi.
Nous avons besoin de simplification, de clarté et de justice. J’ai d’ailleurs relevé dans le rapport que, si les députés ont, à juste raison, voté la minoration des recettes de la collectivité territoriale de Corse du montant de la dotation de continuité territoriale, soit le tiers des recettes, ils ont oublié d’étendre cette disposition aux territoires continentaux enclavés. C’est juste un clin d’œil : je tenais à attirer l’attention sur la situation de certains de nos territoires ruraux.
M. Jacques Mézard. J’évoquerai, deuxièmement, l’évolution du système de péréquation.
La péréquation, nous le savons tous, est la conséquence d’un système de ressources des collectivités devenu profondément injuste, illisible, contraire à toute politique d’aménagement du territoire, si tant est qu’il y en ait encore une, et, surtout, d’une politique d’égalité des territoires.
En la matière, la question fondamentale est celle de la détermination des critères. On voit bien que les intérêts des uns ne sont pas forcément les intérêts des autres, comme en témoigne un certain amendement que nous examinerons à l’issue de la discussion. En fins connaisseurs des collectivités locales, nous n’avons aucun mal à deviner qui a inspiré cet amendement et à comprendre qui a intérêt à ce qu’il soit adopté. Le dépôt de cet amendement est du reste tout à fait logique.
Même s’il est difficile de définir les critères de péréquation, il est indispensable de le faire. En tout cas, personne ne saurait nier, en l’état, que des disparités considérables existent entre nos collectivités et que péréquation verticale et péréquation horizontale n’ont à ce jour corrigé que très partiellement ces inégalités.
Je dirai un mot du FPIC, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales. Nous ne pouvons cautionner un ralentissement de l’augmentation du FPIC. Nous connaissons, certes, les limites de cet exercice, mais l’augmentation de cette dotation de péréquation ayant été annoncée, les engagements initiaux doivent être tenus, car ceux qui font de la prospective ont évidemment pris en compte la croissance du FPIC.
J’évoquerai, troisièmement, l’articulation du projet de loi de finances pour 2015 avec les réformes territoriales engagées. Alors que la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi « MAPAM », a été adoptée, et que des réformes sont en cours, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’y a strictement aucune cohérence entre elles et les finances locales et les concours de l’État.
M. Jacques Mézard. Vous créez des métropoles, vous redécoupez les régions, vous voulez supprimer les conseils généraux – encore que ce point évolue –, regrouper des intercommunalités, mais il n’y a aucune logique entre ces réformes et la vie financière de nos collectivités !
Madame la ministre, nous attendons de l’État et de vous-même une adaptation de la politique de dotations aux collectivités locales. En conséquence, la majorité du groupe du RDSE ne pourra pas voter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales inaugure une nouvelle ère de l’histoire du financement des politiques publiques locales.
La DGF a été construite en suivant la progression constante de la croissance économique, même modérée. Cette période est désormais révolue et il nous faut tourner la page en nous efforçant désormais de faire preuve de toujours plus d’ingéniosité face à la rareté de l’argent public local.
Il s’agit d’une nouvelle ère financière, mais également d’un nouvel acte administratif puisque, après avoir procédé à une réforme de la carte cantonale, le Gouvernement s’est attaqué à un redécoupage régional, certes hasardeux, mais qui a néanmoins été définitivement adopté. Il va bientôt composer une nouvelle carte intercommunale et effectuer une nouvelle répartition des compétences entre collectivités.
Ces bouleversements appelaient une réflexion sur les finances locales. Le Gouvernement a donc annoncé, dès l’automne 2013, une importante réforme de la DGF. Celle-ci devra prendre en compte à la fois la nouvelle carte administrative de notre pays, les dispositions qui seront votées dans le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, et les économies que l’État impose aux collectivités via ce pilotage de fait par la baisse de ses dotations.
Je ne reviendrai pas en détail sur cette baisse, mes collègues l’ayant déjà évoquée à cette tribune à l’instant et, en première partie, lors du débat sur les articles 9 et suivants du projet de loi de finances.
Un équilibre a été défini par le rapporteur général et la nouvelle majorité sénatoriale. Nous avons minoré la baisse de la DGF de 1,4 milliard d’euros, non pas de manière arbitraire, mais afin de compenser les transferts de charges et les coûts induits par les normes édictées par l’administration depuis deux ans, y compris la réforme des rythmes scolaires.
La majorité sénatoriale ne conteste pas que les collectivités doivent participer à l’effort de redressement des comptes public et, à ce titre, accepter des baisses de leurs dotations. Il est naturel qu’elles y participent, mais dans une juste mesure. Ces baisses pourraient entraîner deux risques : un risque pour les taux – je pense aux taux d’imposition – et un risque pour l’investissement, ce qui aurait des conséquences malheureusement prévisibles, et attendues, sur l’économie et sur l’emploi.
Les sénateurs centristes estiment toutefois que les efforts fournis par les collectivités doivent être réalisés avec l’équité comme principe directeur.
Cette équité, incontournable pour que la réforme soit juste, bien comprise et donc efficace, vaut pour les relations entre l’État et les collectivités comme pour les relations entre les territoires entre eux. Ce point fera sans nul doute l’objet d’un important débat tout à l’heure.
À cet égard, l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » nous permet d’avoir aujourd'hui en séance publique un débat approfondi sur les modalités de la péréquation horizontale, soit la péréquation entre les collectivités, après le débat que nous avons eu lundi dernier sur la péréquation verticale.
Le groupe UDI-UC est favorable à la péréquation. Toutefois, la nouvelle ère introduite par la baisse de 1,5 milliard d’euros des dotations l’an passé, puis de 3,7 milliards cette année, dans la version du Gouvernement, a nécessairement un effet sur les équilibres définis jusqu’alors en matière de péréquation des richesses.
Pour dire les choses simplement, malgré le caractère technique de la matière, un certain nombre de collectivités craignent un effet de ciseaux, avec, d’un côté, la baisse de leurs dotations et, de l’autre, l’augmentation de leurs contributions aux fonds de péréquation. C’est, me direz-vous, la quadrature du cercle, et il nous faut composer avec cela.
Nous savons que ce phénomène est avéré pour toutes sortes de collectivités à tous les échelons. Nous savons aussi que les collectivités qui bénéficient des dotations sont celles qui ont a priori le moins de recettes, donc celles qui vivent le plus durement la baisse des dotations. On a donc ce double phénomène de contributeurs qui vivent plus difficilement leur contribution du fait de la baisse de leurs recettes et de bénéficiaires qui vivent d’autant plus difficilement la baisse de leurs dotations qu’ils ont besoin de cette ressource.
Le Sénat va devoir tenter de résoudre cette équation particulièrement difficile. Nous savons que c’est le bloc communal qui fournit l’exemple le plus éclairant de ces difficultés.
Nous faisons donc face à une véritable aporie financière : la péréquation est un outil de justice et d’équité territoriale, mais sa mise en œuvre effective, dans le contexte actuel d’incertitude financière, tend à bouleverser la manière dont de nombreuses collectivités la perçoivent.
La péréquation doit rester une contribution, elle ne doit pas devenir une sanction, comme c’est le cas pour un certain nombre de collectivités. Telle est la difficulté que pose un système de péréquation dans lequel les contributeurs et les bénéficiaires rencontrent parfois les mêmes difficultés.
Nous connaissons tous dans nos départements des communes qui sont à la fois contributeurs et bénéficiaires du FPIC. D’une année sur l’autre, les dispositions adoptées au cours de la navette parlementaire ont parfois d’importantes conséquences financières pour elles. Les dotations s’effondrent parfois quand la contribution au FPIC s’élève, alors que l’accès à la péréquation s’éloigne.
En tout état de cause, et c’est le message que je tenais à vous adresser, madame la ministre, il faudra mener parallèlement à la réforme de la DGF une réflexion sur les critères d’éligibilité aux différents fonds de péréquation. L’une ne va pas sans l’autre ; l’une ne peut pas aller sans l’autre.
Cette réforme, on le sait, prendra du temps. Nous savons tous ici à quel point il est difficile de mesurer l’impact d’une modification de la décimale d’un indice inscrit dans une formule de calcul du montant de la dotation de péréquation. Nous aboutissons parfois au résultat inverse de celui qui était escompté. Nous avons donc besoin de temps pour expertiser les voies possibles de réforme et c’est, je pense, la direction dans laquelle ont travaillé nos rapporteurs spéciaux, ainsi que Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail effectué par nos deux commissions.
Leurs positions divergent sur les crédits de la mission, mais un terrain d’entente pourrait être trouvé si nous convenions tous dans cet hémicycle que notre intérêt collectif est de ne pas brusquer les dynamiques actuellement engagées et de gagner du temps. Nous mesurons trop mal les effets qu’aura sur la composition des budgets locaux d’ici à la fin du mois de mars prochain la baisse de 3,7 milliards d’euros des dotations – baisse réduite à 2,4 milliards d’euros par le Sénat –, laquelle vient s’ajouter à la diminution de 1,5 milliard d’euros que nous avons connue depuis 2013.
J’espère donc, mes chers collègues, que nous parviendrons à dépasser les clivages traditionnels qui opposent les groupes parlementaires entre eux, les élus des petites et des grandes communes, les représentants des collectivités prospères et ceux de celles qui le sont moins. De même, j’espère que nous saurons dépasser le clivage entre Paris et la province. Je rappelle volontiers ici que l’Ile-de-France connaît des situations très contrastées. Le maire d’une ville de banlieue bénéficiaire que je suis peut en témoigner.
J’espère également que nous parviendrons à trouver un consensus équilibré autour de la position de nos rapporteurs spéciaux, qui proposent de lisser la montée en charge du FPIC prévue l’année prochaine en modérant sa hausse, sans revenir sur les principes et les structures votés au Sénat en décembre 2011. Je pense que c’est une position de prudence qui nous permettrait de définir un calendrier de travail pour les prochains mois, et ce en respectant l’équité qui doit prévaloir entre nos territoires. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le chômage progresse, la compétitivité décline, la dette augmente et l’État n’est plus en mesure de redresser la situation.
M. Charles Revet. C’est une certitude !
M. Éric Doligé. Le Gouvernement a promis, à juste titre, de baisser les prélèvements des entreprises de 40 milliards d’euros entre 2014 et 2017 dans le cadre du pacte de responsabilité. Il ne faut toutefois pas oublier que les entreprises avaient supporté 36 milliards d’euros de hausses de leurs prélèvements les trois années précédentes. Ces 36 milliards d’euros sont une réalité, alors que les 40 milliards d’euros ne sont pour le moment qu’un objectif.
Le Gouvernement a également annoncé 50 milliards d’euros d’économies en trois ans. Il a pour cela décidé de ventiler les économies entre l’État, la santé et les collectivités.
Nous examinons aujourd'hui les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Les économies les plus faciles à réaliser, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, pour atteindre ces 50 milliards d’euros sont précisément celles que vous imposez aux collectivités territoriales !
Au fil des dernières années, l’autonomie fiscale des collectivités a été progressivement confisquée. Le piège s’est à présent refermé. Les collectivités ne maîtrisent plus leurs recettes, qui passent forcément par la case « État ». Celui-ci peut prélever son pourcentage au passage. Dans certains milieux, on appellerait cela du racket ! (Mme la ministre s’exclame.)
Cette confiscation n’est pas marginale : elle représente 11 milliards d’euros, qui viennent s’ajouter au 1,5 milliard d’euros déjà prélevés en 2014.
Permettez-moi de faire quelques remarques, toutes fondées sur des réalités de terrain, conséquences de votre politique d’étranglement des collectivités.
Les investissements vont dramatiquement s’effondrer. Les premiers effets ont été largement ressentis en 2014. L’étude de conjoncture de La Banque postale constate un fort repli des investissements locaux, moins 7,4 %, qui s’accompagne d’une baisse très dangereuse des capacités d’autofinancement L’étude du cabinet Michel Klopfer, présentée il a quelques jours, montre que, dans les trois ans, de nombreuses communes de plus de 10 000 habitants et la majorité des départements seront en faillite.
Combien d’entreprises du bâtiment et des travaux publics dépendent des commandes des collectivités ? La courbe du chômage n’est pas près de s’inverser, bien au contraire !
Vous avez mis au point un système pervers de hausse des DMTO, les droits de mutation à titre onéreux, en instaurant le droit d’augmenter le plafond des DMTO de 3,8 % à 4,5 % en compensation, très partielle, du reste à charge des AIS, les allocations individuelles de solidarité. Lors de sa mise en place, vous avez affirmé que ce mécanisme n’était pas un impôt nouveau et que ses effets passeraient inaperçus. Je peux vous assurer qu’il s’agit bien d’un impôt nouveau qui ne passe pas inaperçu, mais pèse sur les ménages et sur la construction.
Vous donnez ainsi le mauvais rôle aux collectivités qui compensent les pertes résultant de votre décision d’augmenter les AIS par une taxe nouvelle, et vous introduisez un système de péréquation, je l’ai dit, très pervers. Vous mettez ainsi en place des dispositifs inefficaces au regard de l’ampleur des dépenses sociales.
Je prendrai l’exemple de mon département. Après application des mécanismes du fonds de solidarité DMTO 2014, le solde des DMTO perçus n’aura couvert que 27 % du taux d’accroissement du reste à charge.
Au fil des années, vous accumulez complexité et illisibilité des dispositifs et des critères de péréquation, ce qui conduit à de flagrantes anomalies. Plus le taux d’administration est élevé dans un département, plus il bénéficie du fonds de solidarité des DMTO. Ainsi, celui qui est économe est pénalisé et, inversement, celui qui n’a pas tenu ses frais de gestion est récompensé. La péréquation devrait s’appuyer sur de véritables critères de bonne gestion !
Dans le cadre des relations avec les collectivités, un sujet mérite toute votre attention : les contrats de projets État-régions. J’aimerais entendre votre analyse sur l’avancée, ou plutôt les retards des CPER. Ils devaient être signés avant l’été 2014. En pleines difficultés financières des collectivités, les préfets sollicitent au dernier moment les départements pour les forcer à des cofinancements.
Cette mission, qui porte le beau titre de « Relations avec les collectivités territoriales », devrait vous interpeller. Les communes ont signé plus de 13 000 pétitions pour vous faire part de leur colère. Les intercommunalités sont déstabilisées face à l’ineptie de ce nouveau seuil annoncé de 20 000 habitants. Les départements ne savent toujours pas quel sera leur avenir. Quant aux régions, elles vont être totalement paralysées pendant une longue période.
Ne croyez pas que nous refusions de participer à l’effort national. Vous le constaterez : nous acceptons de baisser les dotations de l’État de 2,5 milliards d’euros, montant qui nous paraît juste, mais nous ne pouvons approuver les 3,7 milliards d’euros en moins que vous proposez.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mon dernier mot sera pour regretter les mauvaises relations qui ont été construites au fil des derniers mois entre le Gouvernement et l’ensemble des niveaux de collectivités. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.- Mme la ministre s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous le savons tous ici, la situation économique et financière de la France est fragile. Les efforts de redressement sont engagés, et il nous faut garder le cap.
Le Gouvernement a courageusement décidé de réaliser des économies à hauteur de 50 milliards d’euros sur trois ans : un effort important, mais à un rythme compatible avec le retour de la croissance, et un effort équitablement réparti auquel les collectivités territoriales doivent prendre part.
Nous défendons tous ici les collectivités, et personne ne trouvera agréable de diminuer leurs recettes, mais nous sommes aussi responsables et tous conscients que ces efforts sont nécessaires. D’ailleurs, certains sur ces travées considèrent qu’ils devraient être plus importants : on entend des propositions d’économies de 80 milliards d’euros, 100 milliards d’euros, voire 150 milliards d’euros. Et l’on voudrait nous faire croire que le doublement ou le triplement des économies n’aurait aucune incidence sur le budget des collectivités. Personne n’y croit, pas même ceux qui le disent !
Je note d’ailleurs que, finalement, la majorité sénatoriale propose de modifier seulement à la marge le budget proposé par le Gouvernement en le réduisant de 1,5 milliard d’euros, bien loin des 100 milliards d’euros supplémentaires demandés.
Le Gouvernement, quant à lui, a choisi le sérieux et la justice.
Le sérieux, tout d’abord. La participation des collectivités territoriales à la mise en œuvre du plan d’économies s’élèvera à 3,67 milliards d’euros en 2015 et à 11 milliards d’euros sur trois ans, soit 21 % des 50 milliards prévus correspondant à la stricte proportion de la part des dépenses des collectivités dans les dépenses publiques globales.
L’effort est significatif, mais cette diminution ne signifie pas que les recettes des collectivités territoriales diminueront d’autant, car leurs ressources fiscales, suite à l’évolution positive des bases, contribueront en partie à compenser cette réduction.
M. Jacques Chiron. C’est vrai !
M. Didier Marie. Le montant des baisses sera réparti par strate de manière, là aussi, strictement proportionnelle : environ 2 milliards d’euros pour le bloc communal, 1,148 milliard d’euros pour les départements et 451 millions d’euros pour les régions. Il est à noter que c’est le bloc communal qui a la fiscalité la plus dynamique, alors que les départements ne peuvent compter que sur un hypothétique redressement des DMTO et que les régions, quant à elles, disposent de marges encore plus réduites.
Ces diminutions sont importantes. Même partiellement compensées, elles pèseront sur les budgets, et c’est la raison pour laquelle au sérieux le Gouvernement allie la justice.
En effet, fidèle à sa philosophie, le Gouvernement propose, dans cette période difficile, de soulager les collectivités les plus fragiles par une augmentation importante de la péréquation – j’y reviendrai.
Ainsi, cette mission, qui ne représente qu’une part modeste des concours de l’État aux collectivités et qui comporte des annonces positives, doit être appréciée dans un cadre plus large.
Nous étions nombreux à demander que le Fonds de compensation pour la TVA soit retiré de l’enveloppe normée globale : c’est fait, ce qui permet une majoration de 166 millions d’euros accompagnée d’une hausse de 5 % de son taux de remboursement. C’est une bonne nouvelle.
Les présidents de départements, confrontés notamment à la hausse continue du RSA, ont obtenu la pérennisation du déplafonnement des DMTO et du fonds de solidarité alimentée par un prélèvement de 0,35 % sur cette recette. C’est une autre bonne nouvelle.
Les bases fiscales seront revalorisées de 0,9 %, ce qui représente un gain global de 500 millions d’euros, alors que l’inflation est faible. C’est encore une bonne nouvelle.
Le fonds d’amorçage pour les rythmes scolaires est pérennisé : une autre bonne nouvelle ! (Exclamations ironiques sur certaines travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Antoine Lefèvre. À vous entendre, tout va bien !
M. Didier Marie. Enfin, et c’est à mes yeux le plus important, la péréquation est renforcée, puisque sa progression est doublée : là, c’est une excellente nouvelle !
Ainsi, à l’article 58, la péréquation verticale augmente de 228 millions d’euros : 208 millions d’euros pour le bloc communal, 120 millions d’euros de dotation de solidarité urbaine, 78 millions d’euros de dotation de solidarité rurale, 10 millions d’euros de dotation nationale de péréquation, et 20 millions d’euros pour les départements.
Sur la dotation de solidarité urbaine, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais connaître les suites que vous réserverez à l’amendement déposé par M. Pupponi à l’assemblée nationale visant à augmenter cette enveloppe de 99 millions d’euros.
J’y suis favorable à titre personnel car, malgré l’augmentation significative initialement prévue et dont je mesure l’ampleur, 73 % des communes éligibles à la DSU cible verraient leur dotation stagner ou baisser.
Nous connaissons les fragilités financière et sociale auxquelles elles sont confrontées. Elles ont besoin de la solidarité nationale.
La péréquation horizontale évolue elle aussi dans le bon sens, avec la poursuite des décisions prises en 2011, faut-il le rappeler, par le gouvernement de M. Fillon d’augmenter le FPIC, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, dont les ressources seront accrues cette année de 210 millions d’euros.
Mes collègues de l’opposition, et je le regrette, loin de suivre ces recommandations, ont décidé au contraire de réduire de moitié la hausse des crédits du FPIC, comme ils l’ont fait pour la péréquation verticale.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je tiens à saluer vos propositions d’assouplissement des règles de répartition de ce fonds. Pour autant, si elles vont aussi dans le bon sens, elles ne doivent pas nous amener à faire l’économie d’une réflexion plus approfondie.
Nous savons que, dans bon nombre de territoires – c’est le cas, par exemple, dans mon département –, le calcul du FPIC peut créer des difficultés. On voit ainsi des communes pauvres situées dans des intercommunalités riches contribuer à ce fonds, et, à l’inverse, des communes favorisées situées dans des intercommunalités plus pauvres en être bénéficiaires alors même que leur situation individuelle aurait justifié le contraire.
Pourriez-vous, madame la ministre, nous préciser vos intentions pour améliorer ce dispositif utile, mais perfectible ?
Nos collègues de l’Assemblée nationale ont voulu avec votre accord aller encore plus loin dans le soutien à l’investissement des collectivités en créant un fonds spécifique. L’intention est louable ; toutefois, son financement par les FDPTP, les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, soulève de graves difficultés.
Dans mon département, ce sont 698 communes qui seraient pénalisées, perdant 25 millions d’euros au total. Certains objecteront que, eux, ils n’ont rien. Certes, mais est-ce une raison pour mettre en difficulté ces communes dont ce fonds représente une part significative des recettes de fonctionnement et, plus important encore, des capacités d’autofinancement ? Or, vous le savez, sans autofinancement point d’investissement.
Aussi, madame la ministre, nous attendons que vous nous confirmiez l’abandon de cette mesure et que vous ouvriez des discussions pour réformer ces FDPTP – ils n’ont plus de raison d’être depuis la suppression de la taxe professionnelle -, mais sans pour autant pénaliser les communes défavorisées.
Pour conclure, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, ce budget, dans le contexte que nous connaissons, est un bon budget, et le groupe socialiste soutiendra les propositions du Gouvernement sur ces crédits et les votera sans modification.
Ils allient la responsabilité nécessaire pour faire face à une situation très difficile à la prise en compte des besoins de nos collectivités les plus vulnérables. Des pistes d’économie existent sur les ressources humaines, la pertinence de certains investissements ou encore la mutualisation de services, notamment au sein du bloc communal.
Mais, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous avons aussi besoin d’une meilleure lisibilité, d’une plus grande visibilité des concours de l’État. Il est temps de réformer notre système, qui a tendance à reproduire et à renforcer certaines inégalités.
Permettez-moi de citer votre collègue Christian Eckert, secrétaire d'État au budget, qui déclarait, lors du dernier congrès des maires de France, que la DGF est « non seulement injuste, mais complètement illisible et complètement déresponsabilisante ». Il faut, et cette fois je vous cite, monsieur le secrétaire d’État, « une refonte totale de la DGF » en allant « dans deux directions : la clarté et l’équité ».
C’est ce que nous attendons. Le Gouvernement est prêt. Prêts, nous le sommes aussi et nous serions heureux que vous nous précisiez le calendrier de cette réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Canevet. Tout n’est pas rose, alors !
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, trop fort et trop brutal, voilà comment je qualifierais d’emblée les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Si nous avons tous conscience, depuis 2008, que la crise des finances publiques que traverse notre pays nous oblige à un effort inédit en matière de discipline budgétaire, et ce à tous les échelons, à tous les niveaux, la diminution des dotations aux collectivités qui nous est présentée cet après-midi est sans précédent dans l’histoire de la Ve République.
Faut-il rappeler une nouvelle fois les chiffres ? Ce sont quelque 3,7 milliards d’euros en moins qui sont prévus pour 2015 et, au total, pour la période 2015-2017, la baisse des dotations s’élèvera à 11 milliards d’euros.
Alors que 70 % de l’investissement public vient des collectivités, nous savons tous que, d’ores et déjà, cette baisse aura des conséquences importantes sur l’emploi et sur le développement économique de nos territoires. Certains maires anticipent une baisse des investissements publics locaux de 20 %.
Rarement nous avions entendu l’Association des maires de France lancer un tel cri d’alarme, soutenue par plus de 14 000 communes ou intercommunalités, sur les dégâts inévitables que produira ce budget sur l’investissement, l’emploi, mais aussi sur les services à la population.
À travers la baisse des dotations, c’est une partie du développement économique de nos territoires qui va brutalement ralentir, puis stagner et enfin se contracter fortement. Les infrastructures, routes, crèches, écoles, seront inévitablement touchées par ces décisions. Comment ne pas mentionner aussi le secteur du BTP, qui connaît déjà une crise sans précédent, avec une perte de 30 000 emplois en deux ans ?
En outre, je suis particulièrement inquiet quand j’entends dire que la diminution des recettes des collectivités sera compensée par une « évolution positive des ressources fiscales ». À l’heure où le Président de la République et le Gouvernement parlent de « ras-le-bol fiscal » et où François Hollande promet qu’il n’y aura plus de hausse d’impôt supplémentaire d’ici à la fin de son mandat, de tels propos soulèvent une question simple : le Gouvernement demande-t-il de manière insidieuse aux collectivités de compenser la baisse de leurs dotations par le relèvement des impôts locaux ?
M. Michel Canevet. Oui !
M. Bernard Fournier. Beaucoup de maires refusent une telle éventualité, car ils savent mieux que quiconque que leurs concitoyens sont déjà étranglés par la fiscalité.
L’équation budgétaire pour les collectivités est de plus en plus difficile. Les départements, qui ont fait l’objet ces derniers mois de déclarations contradictoires invraisemblables sur leur suppression ou leur maintien, devront supporter des dépenses sociales de plus en plus importantes, notamment au titre du RSA.
Les communes sont encore et toujours noyées sous des normes qui coûtent des milliards d’euros, et elles sont particulièrement inquiètes face aux rumeurs d’une disparition du fonds d’amorçage pour les rythmes scolaires. Président de l’union des communes rurales de mon département, je soutenais naturellement la proposition de l’Association des maires ruraux de France d’une pérennisation de la part forfaitaire de ce fonds.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Bernard Fournier. Rappelons qu’il ne couvre même pas la moitié, voire le tiers du coût supporté par les communes. Ainsi, nous sommes de plus en plus proches d’une impasse financière !
Les seules collectivités territoriales prendront sur elles 50 % de la diminution des dépenses publiques prévue dans le pacte de stabilité.
Bien évidemment, je ne peux que saluer l’adoption par la commission des finances, grâce à notre majorité, d’un amendement minorant de 1,2 milliard d’euros la baisse des dotations, afin de tenir compte des dépenses nouvelles imposées par l’État aux collectivités.
En outre, je soutiens l’amendement de notre collègue Alain Houpert à l’article 58, qui vise à instaurer un même montant de DGF par habitant pour toutes les communes. J’ai toujours milité pour défendre l’égalité des territoires, et cet amendement va dans la bonne direction.
En conclusion, je ne voterai pas ce budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, mon intervention portera exclusivement sur les relations de l’État avec les collectivités territoriales des outre-mer. Devant votre silence sur cette question, votre façon de l’occulter ou de la traiter avec une certaine légèreté dans les instances les plus officielles, il nous appartient à nous, ultramarins, de nous en préoccuper, en profitant du moindre espace qui nous est offert pour vous faire mieux connaître nos réalités locales, bien différentes de celles des collectivités de métropole.
Vous avez voulu que la France soit diverse, en l’étendant pratiquement sous toutes les latitudes. La Constitution française reconnaît la nécessité d’adapter la législation à la réalité des outre-mer. Son article 73 est plus que formel sur ce point, puisqu’il met l’accent de façon explicite sur les lois et règlements qui « peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières » des départements et régions d’outre-mer.
Dois-je vous insister fortement en vous le rappelant pour que vous en teniez compte ? Car ce n’est pas le cas actuellement. Pour ce qui est des finances locales, sujet qui nous intéresse aujourd’hui, nous sommes en effet dans un mode de fonctionnement assez particulier, avec quelquefois des « zestes » de droit commun et, d’autres fois, des exceptions, des dérogations, au nom des spécificités ultramarines.
Vous préférez d’ailleurs employer le terme de « spécificités » au lieu de reprendre l’expression « caractéristiques et contraintes particulières », qui figure dans la Constitution. Le sens est loin d’être le même, « spécificités » renvoyant à une comparaison, en l’occurrence une comparaison avec les collectivités de métropole, « caractéristiques et contraintes particulières » renvoyant à la réalité, à ce qui existe effectivement.
Vous refusez de considérer le problème. Le produit intérieur brut des outre-mer, leur indice de développement humain, à la traîne par rapport aux collectivités de métropole, ne retiennent pas l’attention.
En conséquence, les collectivités des départements et régions d’outre-mer subissent des doubles, voire des triples peines.
Par exemple, le droit commun leur est appliqué sur le prélèvement de la dotation globale de fonctionnement à un niveau plus élevé qu’en métropole, parce que le niveau moyen de recettes – mais aussi de dépenses – par habitant y est aussi plus élevé. En revanche, il ne leur est pas appliqué quand cela leur permettrait de faire valoir la faiblesse relative du niveau de revenu de leurs habitants, notamment via le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC.
De même, pour la dotation de base des communes de Guyane, on applique intégralement le droit commun, à savoir le critère du nombre d’habitants multiplié par le coefficient multiplicateur de la population de la commune. En revanche, on refuse de tenir compte de la population non recensée volontairement par l’INSEE pour cause de dangerosité – les agents de l’INSEE refusent en effet de recenser la population guyanaise des zones aurifères, pour des raisons de sécurité – en ne mettant pas en place un indice de majoration comme on le fait en France métropolitaine pour les communes qui accueillent des gens du voyage.
L’exemple de la dotation superficiaire des communes de Guyane est plus explicite encore. En dépit de toutes les problématiques que rencontrent bon nombre de ces communes en raison de leur grande superficie – vous n’ignorez pas que la Guyane est un vaste département de plus de 83 000 kilomètres carrés, qui se caractérise par une occupation humaine éclatée sur tout le territoire, avec toutes les normes françaises à respecter –, cette dotation est plafonnée, au prétexte que ces communes consommeraient 5 % de l’enveloppe pour 0,37 % de la population. Au titre de cette dotation, la Guyane ne perçoit que 1,44 euro par hectare, alors que toutes les communes de France perçoivent 3,22 euros et que les communes métropolitaines de montagne, en raison de leurs contraintes particulières – j’insiste sur ce terme – perçoivent 5,37 euros. « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà » !
En fait, on applique le droit commun aux outre-mer quand cela leur est défavorable. En revanche, quand il leur est favorable, on ne l’applique pas. L’ancien Premier président de la Cour des comptes, feu Philippe Séguin, avait tout à fait raison de considérer que les causes structurelles des difficultés rencontrées par les collectivités des outre-mer venaient en grande partie du problème de l’adaptation des dotations de droit commun à ces collectivités.
Vous m’objecterez, monsieur le secrétaire d’État, que les communes de Guyane sont mieux dotées que les autres, que le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, comme les autres fonds de péréquation, bénéficie fortement aux outre-mer. Il est toutefois trop réducteur de se focaliser ainsi exclusivement sur les recettes. L’autonomie financière des collectivités repose autant sur leur niveau de ressources que sur celui de leurs dépenses.
Monsieur le secrétaire d’État, il vous faut appréhender que les outre-mer font face à des charges incontestablement plus élevées que la métropole, en raison, d’une part, d’une situation économique et sociale beaucoup plus tendue, d’autre part, des éléments liés à leur environnement propre.
À la demande du Président de la République, de vous-même et de deux autres de vos collègues, mission m’a été confiée de formuler des propositions d’amélioration de la situation financière de ces collectivités. Je vous ai remis mon rapport en septembre 2014. Il comprend 41 propositions portant sur un meilleur travail fiscal, qui relève de la responsabilité de l’État, et sur une réelle adaptation des dotations aux réalités locales. Vous m’avez tout récemment dit que ces propositions étaient en cours d’analyse… J’espère qu’elles ne le resteront pas éternellement, et que j’obtiendrai déjà certaines avancées lors de la présentation de mes amendements dans quelques instants.
En 2015, seront réformées la dotation globale de fonctionnement et la fiscalité locale. Des groupes de travail vont être constitués. Nous tenons, nous, ultramarins, à y être associés, et ce dès l’amont. C’est l’une de nos légitimes revendications que d’être plus représentés dans toutes les instances compétentes en matière de finances locales. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.
M. Daniel Laurent. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission budgétaire « Relations avec les collectivités territoriales » représente 5 % des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales. Avec un montant total de crédits de 2,7 milliards d’euros, elle s’inscrit dans un contexte de rigueur et de maîtrise des déficits sans précédent.
Si nous avons un objectif commun, qui vise à remettre nos finances publiques sur la voie de l’équilibre et du désendettement, pour garantir la souveraineté de la Nation, préserver notre potentiel de croissance et la compétitivité de nos entreprises, et s’il est tout à fait légitime que les collectivités territoriales y prennent leur part, encore faut-il que l’État cesse d’imposer de nouvelles normes ou charges non ou mal compensées.
Les élus locaux ont été fort marris des conclusions du rapport de la Cour des comptes sur l’année 2013, affirmant que les collectivités territoriales n’avaient pas apporté la contribution attendue à la réduction des déficits publics, notamment sur les dépenses de fonctionnement, alors qu’elles sont les premières contributrices à la réduction du budget.
Après le gel triennal de 2011-2013, et une baisse des dotations sur 2014-2017, les collectivités prennent largement leur part, me semble-t-il. Saluons le travail du Sénat, qui, dans la première partie du projet de loi de finances, a fait montre de sa capacité à tenir compte des effets de cette baisse, en l’atténuant de 1,4 milliard d’euros, tout en préservant le solde budgétaire.
L’article 58, rattaché pour son examen à cette mission, répartit ainsi la diminution des dotations entre les différents niveaux des collectivités territoriales selon des critères identiques à ceux qui ont été retenus en 2014.
Il prévoit une hausse de la péréquation verticale de 228 millions d’euros, financée sans majoration de l’enveloppe normée, pour moitié par redéploiements au sein de la DGF, pour l’autre au moyen d’une minoration des variables d’ajustement. En résumé, le financement est assuré par les collectivités elles-mêmes !
Quant à la péréquation horizontale, la hausse de 230 millions d’euros a été revue à la baisse par la commission des finances, considérant qu’en l’absence d’évaluation des effets combinés de la hausse de la péréquation et de la baisse des dotations, il convenait de ralentir la progression de la péréquation.
Nous verrons ce qu’il adviendra des différents amendements aux articles rattachés pour leur examen.
Nous ne cessons de le rappeler dans cette assemblée, les uns après les autres : les collectivités locales contribuent à plus de 70 % du total de l’investissement public, lequel est intrinsèquement lié à la dynamique de nos territoires, de nos entreprises et des emplois afférents.
Selon une étude récente de La Banque postale, citée par Éric Doligé, le recul des investissements locaux accuse l’une des plus fortes baisses depuis les lois de décentralisation.
Les conclusions du rapport d’information de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur l’évolution des finances locales à l’horizon 2017 ne disent pas autre chose : la baisse des dotations aura un effet récessif sur l’investissement local et entraînera une augmentation de la pression fiscale locale.
Le congrès des maires, qui vient de s’achever, a mis en exergue les principales préoccupations des élus, qui tournent autour du triptyque dotations aux collectivités, réforme des rythmes scolaires et nouvelle organisation territoriale.
Les élus de nos territoires sont d’autant plus inquiets que, en début de mandature, d’aucuns avaient ambitionné des projets d’investissements ou de nouveaux services à la population, dont ils se demandent comment ils vont bien pouvoir les financer.
M. Charles Revet. Et pour cause !
M. Daniel Laurent. Bien entendu, il n’est pas question de subir sans réagir et il nous faudra anticiper pour répondre aux attentes de nos concitoyens en matière de services publics.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Daniel Laurent. Pour ma part, je souhaite que l’État honore ses engagements, en renforçant la solidarité, en compensant les effets des différentes réformes fiscales et transferts de charge et en assurant une péréquation de répartition équitable et évaluée entre les territoires ainsi qu’une lisibilité et une stabilité institutionnelle.
En conséquence, monsieur le secrétaire d’État, je ne voterai pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Paul.
M. Philippe Paul. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour compléter ce qui a été dit par les orateurs précédents, ou la semaine passée, lors du congrès des maires, sur les inquiétudes, vives et justifiées, des élus locaux, je voudrais évoquer la situation de communes qui, loin d’être privilégiées, se retrouvent contributrices au Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC.
Je suis depuis 2008 maire d’une ville de 15 000 habitants, Douarnenez, dont les finances sont particulièrement fragiles. Année après année, malgré un effort continu et soutenu de rationalisation des dépenses de fonctionnement, l’élaboration du budget est toujours plus ardue.
Au cours du dernier mandat, je n’ai pas souhaité augmenter les impôts locaux, nos taux étant déjà parmi les plus élevés de la strate, et la population composée pour une part non négligeable de foyers à faibles ressources. Le revenu fiscal moyen des ménages est ainsi inférieur aux moyennes départementale et nationale, et la proportion de foyers fiscaux imposés sur le revenu est inférieure de sept points au niveau national.
Pourtant, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes contributeurs au FPIC, au motif, notamment, que la communauté de communes présente un potentiel financier agrégé nettement supérieur au seuil de déclenchement du prélèvement.
Toujours est-il qu’en 2013 Douarnenez a versé près de 80 000 euros au titre de ce fonds, puis 140 000 euros cette année.
En 2015, le prélèvement sera largement supérieur à 200 000 euros. Il pourrait approcher 250 000 euros, ce qui se traduirait par une multiplication par trois de notre contribution en l’espace de deux ans !
Mes chers collègues, à n’en pas douter, nous sommes tous ici favorables à la péréquation, mais encore faut-il que le mécanisme mis en œuvre soit juste.
Or, dans le contexte d’austérité qu’impose l’État aux collectivités, sans distinction aucune – preuve en est la diminution de DGF à hauteur de 1,84 % des recettes réelles de fonctionnement –, ce fonds prend là des allures de double peine, tout aussi difficile à accepter qu’à expliquer à nos concitoyens.
Aussi, je vous demande expressément, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir vous pencher sur les dégâts – il n’y a pas d’autres mots ! – que provoque ce fonds dans le cas présent, et de permettre la recherche de solutions équitables pour ces communes qui, comme celle que j’ai l’honneur et le plaisir d’administrer, ne ménagent pas leurs efforts pour redresser leurs finances et se trouvent, dans le même temps, pénalisées par un dispositif, certes généreux dans son principe, mais brutal dans son application. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en cette fin d’année, quels constats faisons-nous ? En 2014, l’investissement des collectivités locales a chuté de 7,4 %, alors que, en 2013, on observait une hausse de 4,8 %. Cette diminution est la plus significative depuis trente ans. On note, pour les communes dont la population est inférieure à 5 000 habitants, une baisse de 20 % des demandes de prêt par rapport à 2013. On a également constaté la plus importante chute de l’épargne brute des collectivités depuis 1982.
Le projet de loi de finances prévoit une baisse de 11 milliards d’euros en trois ans de la dotation de l’État aux collectivités territoriales. Dès 2015, les collectivités seront privées de 3,7 milliards d’euros. De nombreuses voix s’élèvent parmi les élus pour dénoncer ce nouveau coup de rabot. Notre collègue François Baroin, président de l’Association des maires de France, a souligné qu’il existait un danger réel, à terme, pour les collectivités locales : « À l’horizon 2017, le risque est majeur pour beaucoup de communes de ne plus pouvoir s’autofinancer. » L’Association des régions de France estime quant à elle qu’il y a deux poids, deux mesures dans le traitement des collectivités locales : « Le Gouvernement en ne traitant pas la problématique financière des régions fait peser un risque global sur l’économie. » Enfin, l’Assemblée des communautés de France s’interroge sur la « soutenabilité » des efforts demandés aux exécutifs locaux et réitère son appel à une grande vigilance face aux risques d’effets récessifs causés par un effondrement de l’investissement public local.
Toutes sensibilités confondues, les acteurs sont unanimes pour dire que la baisse des dotations fragilise l’investissement public. Une étude du cabinet Klopfer estime que de 10 % à 15 % des communes et des départements seront dans une situation très difficile l’année prochaine. Or, nous le savons, si les collectivités ne sont plus en mesure d’investir, c’est la relance de l’économie qui est directement menacée.
Cette situation inquiétante aura rapidement des conséquences désastreuses pour l’emploi local. Les collectivités font souvent appel aux entreprises de leur territoire, pour lesquelles la commande publique représente une part importante du chiffre d'affaires. En conséquence, le secteur du bâtiment et des travaux publics va énormément souffrir. Dans mon département, la Vendée, 750 emplois sont menacés de disparition, en plus des 450 emplois déjà supprimés.
La baisse d’activité qui affectera tout le pays va également entraîner une réduction des recettes au titre des impôts sur l’activité économique et sur le revenu. Cette spirale négative a un effet anxiogène. Monsieur le secrétaire d'État, entendez-vous l’angoisse et l’incompréhension des élus locaux ?
Il est indéniable que les collectivités locales peuvent et doivent participer à l’effort de redressement des comptes publics, mais vous n’ignorez pas qu’elles font face à des charges nouvelles : la mise en place de la réforme des rythmes scolaires, les mises aux normes, la revalorisation récente des personnels de catégorie C…. À ce rythme, elles se trouveront bientôt dans l’obligation de réduire leur offre de services aux administrés et leurs investissements.
Quels sont les leviers dont disposent les collectivités pour compenser leurs pertes de recettes ? En matière de hausse de la fiscalité locale, on est arrivé à saturation. Seules les collectivités dont la population augmente – peu de communes rurales sont dans ce cas – pourront éventuellement accroître leurs ressources fiscales. L’autre levier est la mutualisation, mais ses effets sont limités : on évalue les économies potentielles à 2 % par an.
À cela s’ajoute l’impréparation de la réforme territoriale, qui crée un problème de lisibilité. Comment les départements pourraient-ils verser des subventions aux collectivités alors que leurs champs de compétence ne sont toujours pas clairement définis ?
Je souhaiterais enfin partager avec vous l’avis de Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental : il estime qu’il est temps que les dotations récompensent les comportements budgétaires vertueux.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d'État, les 36 000 maires de France, les présidents d’exécutif local, les 500 000 élus qui sont les fantassins de la République sont ébranlés et doutent. Ils auraient pu, dans un esprit de responsabilité, être vos alliés objectifs ; c’est une occasion manquée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, l’indispensable redressement des comptes publics de notre nation et le pacte de stabilité, qui prévoit 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans, exigent de l’ensemble des acteurs publics – État, collectivités locales et organismes de sécurité sociale – un effort de maîtrise de leurs dépenses.
Dans ce cadre, très contraignant il est vrai, le niveau des dotations de l’État aux collectivités locales baissera de 11 milliards d'euros en trois ans, à raison de 3,67 milliards d’euros par an. Pour l’année 2015, la baisse est répartie entre les différents niveaux de collectivités selon leur poids dans les recettes totales : 2,07 milliards d'euros pour le bloc communal, 1,1 milliard d'euros pour les départements et 451 millions d'euros pour les régions.
L’effort de 11 milliards d'euros que nous demandons aux collectivités est très important – personne ne songe à le sous-estimer, pas plus au Gouvernement qu’au Sénat –, mais il est équitable, au regard des autres acteurs publics, car il est à la hauteur de leur part dans la dépense publique globale, à savoir 21 %, soit 250 milliards d'euros sur 1 250 milliards d'euros.
Cet effort représente en moyenne 1,6 % des recettes totales des collectivités en 2013. Certes, ce n’est pas neutre, je viens de le dire, mais ce n’est pas non plus l’étranglement que certains veulent bien décrire.
J’ajoute que les collectivités les plus fragiles seront préservées grâce au renforcement de la péréquation, c'est-à-dire de la solidarité. Le Gouvernement propose de doubler la hausse de l’effort de péréquation en 2015 par rapport à 2014. Cela représente un surcroît de péréquation verticale de 208 millions d'euros pour le bloc communal et de 20 millions d'euros pour les départements.
Les recettes globales des collectivités devraient continuer à croître en 2015 malgré la baisse des dotations de l’État, du fait notamment de la revalorisation de 0,9 % des bases fiscales. Cela représente 1 milliard d'euros supplémentaires. Il faut aussi tenir compte de l’augmentation du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, qui, selon les derniers chiffres disponibles, devrait atteindre 2,7 % ; le bloc communal perçoit un quart de ce produit.
Les mesures relatives au Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, à savoir la suppression de la réfaction de 0,905 point et surtout la sortie de l’augmentation du FCTVA de l’enveloppe normée en 2015, représentent, quant à elles, respectivement 26 millions d'euros et 166 millions d'euros, soit 192 millions d'euros au total.
Nous proposons également de pérenniser la possibilité, pour les départements, d’augmenter les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, ce qui devrait engendrer 130 millions d'euros de recettes supplémentaires. La revalorisation du barème de la taxe de séjour pourrait quant à elle rapporter 150 millions d'euros supplémentaires aux communes.
J’ai souhaité non pas relativiser la baisse des dotations de l’État, mais la resituer dans un contexte plus général, en rappelant de nouveau que le Gouvernement est bien conscient des efforts qu’il demande aux collectivités.
Quelle sera l’incidence de la baisse des dotations sur l’investissement ? La grande question est là. Certains redoutent une chute des investissements publics locaux, qui représentent environ 70 % de l’investissement public en France.
Selon le rapport de 2014 de l’Observatoire des finances locales, les dépenses d’investissement des collectivités locales, hors remboursement de dettes, se sont établies à 58 milliards d'euros en 2013, en progression de 5,4 % par rapport à 2012. Après avoir chuté en 2010 à la suite de la crise, le niveau des dépenses d’équipement poursuit ainsi sa tendance à la hausse amorcée en 2011.
Cet effort d’investissement est largement porté par le secteur communal, qui représente de 65 % à 70 % de l’investissement local, en partie du fait du cycle électoral. Ce cycle, que l’on observe depuis des décennies, pourrait conduire à une baisse de l’investissement communal de 9 % en 2014 et de 4 % en 2015. En effet, de nombreuses équipes municipales reconduites par les électeurs avaient beaucoup investi au cours de l’année précédant les élections, et ont donc moins besoin d’investir aujourd'hui. Quant aux équipes nouvellement élues, elles doivent se mettre en place avant de lancer leurs plans d’investissement.
Le Gouvernement a inscrit dans ce projet de loi de finances plusieurs mesures en faveur de l’investissement local.
Il s’agit d’abord de la suppression de la réfaction de 0,905 point appliquée depuis de nombreuses années dans le calcul du remboursement du FCTVA : le taux passe donc de 15,482 % à 16,404 %, ce qui représentera 26 millions d'euros supplémentaires en 2015 et plus de 300 millions d'euros par an à compter de 2016.
Il s’agit ensuite de la prise en charge hors enveloppe normée de l’évolution spontanée du FCTVA en 2015 ; cela signifie que 166 millions d'euros ne seront pas compensés par une baisse de même montant des concours financiers de l’État.
Enfin, le Premier ministre a annoncé la semaine dernière, devant le congrès de l’Association des maires de France, l’augmentation de 200 millions d'euros de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, et de 100 millions d'euros de l’aide aux maires bâtisseurs, ce qui représente 2 000 euros de plus par logement construit. Deux amendements du Gouvernement permettront d’intégrer ces mesures au projet de loi de finances.
S'agissant de la réforme des rythmes scolaires, le Premier ministre a annoncé, toujours devant le congrès de l’Association des maires de France, la pérennisation de l’aide de 400 millions d'euros visant à faciliter la prise en charge des nouvelles activités périscolaires au-delà de l’année 2015-2016, sous réserve de la signature d’un plan éducatif territorial. Cette aide de l’État représente 50 euros par élève, et même 90 euros dans les communes défavorisées.
La réforme de la dotation globale de fonctionnement devrait intervenir dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016. Il nous reste donc un peu moins d’un an pour la préparer. Dès 2015, le Gouvernement propose de consolider les différentes composantes de la dotation forfaitaire des communes et de celle des départements. Il ne s’agit pas, à proprement parler, d’une réforme de la DGF, mais d’une mesure de simplification, qui répond aux deux objectifs suivants.
Le premier objectif est de clarifier la répartition de la dotation entre les collectivités, en limitant le nombre d’étapes de calcul et en utilisant des critères simples et objectifs : pour les communes, l’accroissement de la population, le potentiel fiscal et les recettes réelles de fonctionnement ; pour les départements, le revenu par habitant et le taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Le second objectif est d’améliorer l’équité de la répartition de la dotation. Pour les communes, les nouveaux emplois de la DGF étaient financés jusque-là par un écrêtement interne à cette dotation portant sur deux composantes, le complément de garantie et la dotation de compensation de la suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle. À compter de 2015, la consolidation de la dotation forfaitaire, qui sera écrêtée pour financer les emplois internes à la DGF, permettra d’élargir l’assiette de la contribution, indépendamment du poids de telle ou telle composante historique de la dotation forfaitaire. Toutefois, la contribution de chaque commune sera plafonnée à 3 % de sa dotation forfaitaire, aux termes du texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, de façon à éviter un prélèvement trop élevé. Pour les départements, le fait de réaliser l’écrêtement sur une assiette plus large, à savoir la dotation dans son ensemble, permettra à la fois de mieux répartir l’effort entre collectivités et d’en diminuer le taux.
La réforme de la DGF, qui s’inscrira dans le projet de loi de finances pour 2016, sera préparée tout au long de l’année 2015. Elle s’appuiera notamment sur les travaux d’une mission parlementaire. Mme Pires-Beaune a été désignée par l’Assemblée nationale ; nous attendons la nomination d’un sénateur. Nous devrons proposer ensemble une réforme qui soit cohérente avec nos grands objectifs : davantage de péréquation, c'est-à-dire de solidarité, une meilleure incitation à la mutualisation des moyens, une lisibilité et une prévisibilité des attributions maintenues pour les collectivités locales.
Monsieur Patient, vous vous êtes exprimé sur la réforme de la DGF. Pourquoi ne pas étudier, par exemple au sein d’un groupe du Comité des finances locales, le CFL, dédié à cette réforme, l’idée d’introduire de la péréquation dans la répartition de la quote-part DSU-DSR outre-mer ? Cette quote-part, la dotation d’aménagement des communes et circonscriptions territoriales d’outre-mer, la DACOM, est actuellement répartie en fonction du nombre d’habitants, et non en fonction de critères de ressources et de charges, comme c’est normalement le cas pour les dotations de péréquation.
J’ajoute que le projet de loi de finances prévoit que le Gouvernement rendra l’an prochain un rapport sur le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC. La préparation de ce rapport sera l’occasion d’examiner la répartition de la quote-part et de comparer ses effets à ceux qu’aurait l’application du droit commun dans les outre-mer.
La proposition de modifier la redevance des mines pour aller vers un taux variable en fonction des cours de l’or mérite quant à elle un examen approfondi, en lien avec le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
S'agissant toujours de l’outre-mer, je veux vous rappeler, monsieur Patient, que la baisse de la DGF votée par l’Assemblée nationale est ramenée à 0,61 % des recettes totales pour les régions d’outre-mer, contre 1,91 % pour les régions de métropole ; elle représente 4,6 euros par habitant dans les outre-mer, contre 7 euros par habitant en métropole.
Concernant la majoration de 200 millions d’euros de la DETR, elle pourrait profiter à l’outre-mer à hauteur de 3,6 millions d’euros, contre 2 millions d’euros cette année.
Enfin, le budget du ministère des outre-mer augmente de 7,6 % sur le triennal, le taux du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, est majoré outre-mer et les crédits alloués par l’État au titre des contrats de plan État-région, qui atteindront 980 millions d’euros sur la période 2015-2020, progressent de 180 millions d’euros.
Nous le mesurons tous, l’effort demandé aux collectivités locales est important. Je sais que vous êtes, sur toutes les travées, en alerte, car sollicités par les maires et les conseillers généraux, les inquiétudes étant un peu moins fortes au sein des exécutifs régionaux. J’espère vous avoir démontré que le Gouvernement est attentif à vos préoccupations.
Des mesures nouvelles ont été annoncées par le Premier ministre la semaine dernière lors du congrès des maires. L’effort de redressement qui s’impose à tous – collectivités locales, État et organismes de sécurité sociale – exige la maîtrise des dépenses publiques, notamment en matière de fonctionnement. Comme vous, je relève que les choses bougent beaucoup sur nos territoires et que les élus sont capables d’une grande créativité. Les mutualisations se multiplient, par exemple entre le département du Loiret, monsieur Doligé, et ceux d’Eure-et-Loir et du Loir-et-Cher, ou entre le département de la Drôme, monsieur Guillaume, et celui de l’Ardèche. Au titre des initiatives prises par les intercommunalités et les communes, j’évoquerai aussi les communes nouvelles, chères au sénateur Mercier.
Au nom du Gouvernement, je salue les efforts considérables de rigueur et de maîtrise des dépenses consentis par les élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Michel Mercier applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », figurant à l’état B.
État B
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Relations avec les collectivités territoriales |
2 725 744 315 |
2 679 186 058 |
Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements |
2 556 560 413 |
2 485 871 156 |
Concours spécifiques et administration |
169 183 902 |
193 314 902 |
M. le président. L'amendement n° II-287, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements |
210 767 132 |
|
46 167 132 |
|
Concours spécifiques et administration |
67 729 |
67 729 |
||
Total |
210 834 861 |
46 234 861 |
||
Solde |
+ 210 834 861 |
+ 46 234 861 |
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Cet amendement vise un double objectif.
Le premier objectif est d’ordre technique. Il s’agit d’ajuster le montant des compensations de plusieurs transferts de compétences au vu des données les plus récentes dont dispose le Gouvernement. Ces ajustements sont d’ampleur limitée, puisqu’ils atteignent au total 10,8 millions d’euros. Il s’agit essentiellement de la compensation au bénéfice des régions d’outre-mer des charges liées aux transferts des compétences en matière de formation professionnelle –8,1 millions d’euros – et de l’ajustement des droits à compensation liés à des transferts de compétences plus anciens, concernant notamment les ports départementaux et les ports d’intérêt national, pour 2,7 millions d’euros.
Le second objectif est lié à la volonté du Gouvernement de soutenir l’investissement local, en particulier dans les communes rurales. Conformément aux annonces faites la semaine dernière par le Premier ministre lors du congrès des maires, nous proposons de majorer la dotation d’équipement des territoires ruraux de 200 millions d’euros en autorisations d’engagement. Cette augmentation se traduit par une majoration de 35,4 millions d’euros de crédits de paiement : 29,4 millions d’euros correspondent à la première année de consommation des autorisations d’engagement ainsi ouvertes, auxquels s’ajoutent 6 millions d’euros pour prendre en compte l’accélération des montants versés au titre du fonctionnement des espaces mutualisés de services publics.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Germain, rapporteur spécial. La commission est favorable à cet amendement, qui vise à concrétiser l’engagement pris par le Premier ministre devant le congrès des maires de majorer de 200 millions d’euros le montant de la DETR.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je souhaiterais obtenir la confirmation que cet argent est pris sur les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, les FDPTP.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Non, cet argent proviendra de ce que l’on appelle, dans le jargon des spécialistes, une taxation interministérielle, hors enveloppe normée des dotations aux collectivités locales.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. Pierre Jarlier. C’est une bonne nouvelle pour le secteur rural dès lors que la somme en question ne sera pas prélevée sur les FDPTP, ce qui était l’une de nos grandes inquiétudes, expliquant la faible acceptation du dispositif.
Dans la mesure où nous avons l’assurance que cet argent ne sera pas pris sur d’autres dotations, nous pouvons nous féliciter de la volonté du Gouvernement d’encourager l’investissement dans le secteur rural. Cela répond à une grande attente des élus. Nous le savons tous, dans le monde rural, l’investissement est bien souvent remis en cause en raison de l’extrême faiblesse des dotations. Je voterai donc cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-58, présenté par MM. Guené et Germain, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements |
||||
Concours spécifiques et administration |
1 000 000 |
|
1 000 000 |
|
Total |
1 000 000 |
1 000 000 |
||
Solde |
+ 1 000 000 |
+ 1 000 000 |
La parole est à M. Charles Guené, rapporteur spécial.
M. Charles Guené, rapporteur spécial. Cet amendement vise à revenir sur la baisse de 1 million d’euros des crédits de travaux divers d’intérêt local qui a été votée à l’Assemblée nationale, à l’occasion de la seconde délibération, et viendrait s’ajouter à la réduction déjà importante des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales.
Il s’agit ainsi de rétablir le montant des crédits prévu dans la version initiale du projet de loi de finances.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. Cet amendement tend à revenir sur la diminution de 1 million d’euros du montant de ce que l’on appelle communément la réserve parlementaire, votée en première lecture à l’Assemblée nationale. Cette minoration s’explique par la nécessité de gager les dépenses nouvelles votées par les députés lors de l’examen en première lecture du projet de loi de finances. L’imputation de cette minoration de 1 million d’euros sur les travaux divers d’intérêt local est justifiée par les moindres besoins anticipés au titre de cette dotation en 2015.
En effet, une moindre consommation des autorisations d'engagement depuis 2012 a entraîné une diminution des besoins en crédits de paiement, la réserve parlementaire fonctionnant selon une logique pluriannuelle.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
compte de concours financiers : avances aux collectivités territoriales
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales », figurant à l’état D.
État D
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Avances aux collectivités territoriales |
101 472 412 512 |
101 472 412 512 |
Avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie |
6 000 000 |
6 000 000 |
Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes |
101 466 412 512 |
101 466 412 512 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion les articles 58, 58 bis, 58 ter, 58 quater, 58 quinquies, 58 sexies, 59, 59 bis, 59 ter, 59 quater et 59 quinquies, ainsi que les amendements portant article additionnel qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Relations avec les collectivités territoriales
Article additionnel avant l'article 58
M. le président. L'amendement n° II-249 rectifié, présenté par MM. Dallier et del Picchia, Mme Duranton, MM. Grosperrin et Houpert, Mme Hummel, MM. Husson, Laufoaulu et Lefèvre, Mme Lopez et MM. Mandelli, Milon et Panunzi, est ainsi libellé :
Avant l’article 58
Insérer un article ainsi rédigé :
La première phrase du dernier alinéa de l’article L. 2334-18-2 du code général des collectivités territoriales est supprimée.
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Cet amendement n’ajoute pas un euro à l’enveloppe de la DSU et ne retire pas un euro aux villes bénéficiaires de la DSU « cible ». Sont ici visées les communes qui perçoivent la DSU de base.
À la suite de la réforme de 2009, qui faisait elle-même suite à la tentative de réforme, ayant connu un sort funeste, de Fadela Amara, les règles du jeu ont été changées : la progression de l’enveloppe de la DSU a été ciblée sur les 250 communes les plus pauvres, ce qui est tout à fait normal.
Les autres communes bénéficiaires de la DSU ont été classées en deux catégories : celles de la partie haute du tableau bénéficient chaque année d’une indexation sur l’inflation, tandis que le montant de DSU alloué à celles de la partie basse a été complètement figé.
Or ces dernières peuvent évoluer, gagner de la population, construire des logements sociaux. Pourtant, leur part de DSU reste figée : on ne tient pas compte du classement des communes selon l’indice synthétique, qui permet de savoir si, oui ou non, une commune est éligible à la DSU « cible » ou à la DSU de base.
Par conséquent, cet amendement vise simplement à faire en sorte que, pour le calcul de la DSU de base, on prenne en compte le montant qui correspond au classement de la commune selon l’indice synthétique.
Je le répète : il n’y aura pas un euro de plus dans l’enveloppe globale, pas un euro de moins pour les communes les plus pauvres ! Il s’agit simplement de sortir de cette logique de glaciation de la DSU qui pénalise les communes gagnant de la population ou construisant du logement social, les deux allant généralement de pair.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles Guené, rapporteur spécial. Cet amendement vise en fait à supprimer la garantie de non-baisse dont bénéficient les communes percevant la première fraction de la dotation de solidarité urbaine.
Comme l’a expliqué M. Dallier, il a pour objet de permettre chaque année un nouveau calcul de la première fraction de la DSU perçue par les plus riches des communes éligibles à la DSU.
Comme vous le verrez par la suite, la plupart du temps, lorsqu’il s’est agi de modifier un tant soit peu les dispositifs en place, qu’il s’agisse de la DGF ou du FPIC, par exemple, nous avons préféré ne pas donner suite aux amendements qui nous étaient proposés, dans la mesure où il n’y avait pas eu d’évaluation de leur impact.
Dans ce cas précis, toutefois, dans la mesure où le dispositif de l’amendement est à somme nulle, la commission a émis un avis de sagesse.
M. Philippe Dallier. Positive ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. Monsieur Dallier, vous proposez de mettre fin à la garantie de non-baisse des attributions au titre de la DSU pour les communes classées entre les rangs 492 et 736.
Nous comprenons votre souci de mieux répartir les attributions au titre de la DSU de base pour les communes qui ne sont pas éligibles à la DSU « cible » et ne bénéficient pas de l’indexation des attributions au titre de la DSU, en tenant compte des critères de ressources et de charges.
Toutefois, le Gouvernement n’est pas favorable à votre amendement.
D’abord, cet amendement revient sur les modalités de répartition de la DSU qui ont fait consensus lors de sa réforme en 2009, sans que la question ait pu être étudiée au préalable par le Comité des finances locales.
Ensuite, je souligne qu’aujourd’hui 145 communes de plus de 10 000 habitants bénéficient de cette garantie de non-baisse. Un changement dans les modalités de répartition risquerait donc de modifier considérablement les attributions pour ces communes, alors même que leur contribution au redressement des finances publiques sera plus forte en 2015.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le sénateur, le Gouvernement est défavorable à votre amendement. Cependant, nous pensons que la problématique que vous avez exposée devra être étudiée au cours de l’année 2015, dans le cadre de la réforme globale de la DGF.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Monsieur le secrétaire d’État, ce que vous présentez comme une garantie de non-baisse est en réalité une certitude de non-hausse !
Je vous rappelle que certaines communes éligibles à la DSU de base contribuent très fortement au FPIC : elles peuvent construire du logement social, gagner de la population et voir leur DSU de base bloquée. C’est tout simplement injustifiable, inexplicable !
Je pense qu’une disposition comme celle que je propose peut fonctionner. En tout cas, je souhaite qu’elle puisse être adoptée et que, d’ici à la commission mixte paritaire, le Gouvernement examine les choses d’un peu plus près. La DSU de base est le seul mécanisme de péréquation qui ait été figé. Il ne faut pas croire que seules des communes urbaines situées dans des zones très difficiles se trouvent pénalisées par ce gel : c’est également le cas d’une commune comme Bagnères-de-Bigorre.
Je souhaite que le Sénat me suive et adopte cet amendement : outre que son dispositif est à somme nulle, c’est une question d’équité. Croyez-moi, monsieur le secrétaire d’État, il est très pénalisant, pour une commune ayant gagné 10 % de population en cinq ans, de ne pas bénéficier d’une indexation de sa dotation.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l’article 58.
Article 58
I. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 2113-20 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du I, les mots : « des différentes parts de la dotation forfaitaire des communes prévues » sont remplacés par les mots : « de la dotation forfaitaire prévue » ;
b) Le II est ainsi rédigé :
« II. – La première année de la création de la commune nouvelle, sa dotation forfaitaire est égale à la somme des dotations forfaitaires versées aux communes anciennes l’année précédant la fusion, majorée ou minorée du produit de la différence entre la population de la commune nouvelle et les populations des communes anciennes l’année précédente par un montant compris entre 64,46 € et 128,93 € par habitant en fonction croissante de la population de la commune nouvelle. Cette dotation est calculée dans les conditions prévues au III de l’article L. 2334-7. » ;
c) (Supprimé)
d) (nouveau) Le premier alinéa du III est supprimé ;
e) (nouveau) Le second alinéa du IV est supprimé ;
2° La deuxième phrase du premier alinéa du IV de l’article L. 2334-4 est complétée par les mots : « ainsi que de la minoration mentionnée à l’article L. 2334-7-3 au titre de l’année précédente » ;
3° L’article L. 2334-7 est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – En 2015, la dotation forfaitaire de chaque commune est égale au montant perçu l’année précédente au titre de cette dotation. Pour chaque commune, cette dotation est majorée ou minorée du produit de la différence entre sa population constatée au titre de l’année de répartition et celle constatée au titre de l’année précédant la répartition par un montant compris entre 64,46 € et 128,93 € par habitant en fonction croissante de la population de la commune, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
« La dotation forfaitaire à prendre en compte pour l’application du premier alinéa du présent III est égale au montant perçu en 2014 au titre de cette dotation en application des I et II du présent article, diminué du montant de la minoration prévu à l’article L. 2334-7-3 pour 2014 calculé sans tenir compte des recettes exceptionnelles, constatées dans les derniers comptes de gestion disponibles au 1er janvier 2014.
« Pour les communes qui, en 2014, ont subi un prélèvement sur leur fiscalité en application soit du dernier alinéa du II du présent article, soit du III de l’article L. 2334-7-2, soit de l’article L. 2334-7-3, soit du 2 du III de l’article 29 de la loi de finances pour 2003 (n° 2002-1575 du 30 décembre 2002), la dotation forfaitaire à prendre en compte pour l’application des dispositions précédentes est égale au montant effectivement reçu en 2014 au titre de la dotation forfaitaire, minoré du montant prélevé en 2014 sur la fiscalité. Si le montant prélevé en 2014 sur la fiscalité excède le montant perçu en 2014 au titre de la dotation forfaitaire, la différence est prélevée sur le produit des impôts directs locaux de la commune.
« Pour les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale soumis pour la première fois aux dispositions de l’article 1609 nonies C du code général des impôts, les crédits correspondant à la compensation antérieurement perçue en application du I du D de l’article 44 de la loi de finances pour 1999 précitée sont versés à l’établissement, en lieu et place des communes, et le montant de la diminution à opérer en application du 1.2.4.2 de l’article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 précitée est supporté par l’établissement, en lieu et place des communes, en application de l’article L. 5211-28-1 du présent code.
« À compter de 2015, les communes dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 0,75 fois le potentiel fiscal moyen par habitant constaté pour l’ensemble des communes bénéficient d’une attribution au titre de la dotation forfaitaire égale à celle calculée en application du présent III. Pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur ou égal à 0,75 fois le potentiel fiscal moyen par habitant constaté pour l’ensemble des communes, le montant calculé en application du premier alinéa du présent III est diminué, dans les conditions prévues à l’article L. 2334-7-1, en proportion de leur population et de l’écart relatif entre le potentiel fiscal par habitant de la commune et 0,75 fois le potentiel fiscal moyen par habitant constaté pour l’ensemble des communes. Cette minoration ne peut être supérieure à 3 % de la dotation forfaitaire perçue l’année précédente. Le potentiel fiscal pris en compte pour l’application du présent alinéa est celui calculé l’année précédente en application de l’article L. 2334-4. La population prise en compte pour la détermination du potentiel fiscal par habitant est corrigée par un coefficient logarithmique dont la valeur varie de 1 à 2 en fonction croissante de la population de la commune, défini pour l’application du III du présent article. » ;
4° L’article L. 2334-7-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2334-7-1. – Afin de financer l’accroissement de la dotation forfaitaire mentionné au premier alinéa du III de l’article L. 2334-7, de la dotation d’intercommunalité mentionnée au premier alinéa de l’article L. 5211-28 et, le cas échéant, du solde de la dotation d’aménagement prévu au troisième alinéa de l’article L. 2334-13, le comité des finances locales fixe, pour chaque exercice, le montant global de la minoration appliquée à la dotation forfaitaire des communes, en application du dernier alinéa du III de l’article L. 2334-7 et, en tant que de besoin, détermine un pourcentage de minoration appliqué aux montants perçus par les établissements publics de coopération intercommunale correspondant aux montants antérieurement perçus au titre du I du D de l’article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998), en application du deuxième alinéa de l’article L. 5211-28-1.
« En cas d’insuffisance de ces mesures, le montant global de la minoration prévu au dernier alinéa du III de l’article L. 2334-7 et, le cas échéant, le pourcentage de minoration prévu au deuxième alinéa de l’article L. 5211-28-1 sont relevés à due concurrence. » ;
5° L’article L. 2334-7-3 est ainsi modifié :
a) Au début de la première phrase, les mots : « À compter de » sont remplacés par le mot : « En » ;
b) Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« En 2015, cette dotation est minorée de 1 450 millions d’euros. » ;
c) À la deuxième phrase, après les mots : « atténuations de produits », sont insérés les mots : « , des recettes exceptionnelles » et l’année : « 2014 » est remplacée par les mots : « de l’année de répartition » ;
6° À l’article L. 2334-10, les mots : « de base » sont remplacés par le mot : « forfaitaires » ;
7° L’article L. 2334-11 est abrogé ;
8° L’article L. 2334-12 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2334-12. – En cas de division de communes, la dotation forfaitaire de l’ancienne commune calculée en application du III de l’article L. 2334-7 est répartie entre chaque nouvelle commune au prorata de la population. » ;
9° Après le dixième alinéa de l’article L. 2334-13, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En 2015, les montants mis en répartition au titre de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et de la dotation de solidarité rurale augmentent au moins, respectivement, de 120 millions d’euros et de 78 millions d’euros par rapport aux montants mis en répartition en 2014. Cette augmentation est financée, pour moitié, par les minorations prévues à l’article L. 2334-7-1. » ;
10° Le deuxième alinéa de l’article L. 2334-18-2, dans sa rédaction résultant de l’article 26 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, est ainsi modifié :
a) Après les mots : « double de la population », sont insérés les mots : « des zones urbaines sensibles et, à compter de 2016, » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« En 2015, la population des zones urbaines sensibles et la population des zones franches urbaines prises en compte sont authentifiées à l’issue du dernier recensement de population dans les zones existant au 1er janvier de l’année précédant celle au titre de laquelle est versée la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale. » ;
10° bis (nouveau) L’article L. 2334-35 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En 2015, le montant de l’enveloppe calculée selon les critères définis aux 1° et 2° du présent article ne peut excéder, pour chaque département, 150 % du montant de l’enveloppe versée au département l’année précédente. Ce montant ne peut être inférieur au montant perçu l’année précédente. » ;
11° L’intitulé de la section 5 du chapitre IV du titre III du livre III de la deuxième partie est ainsi rédigé : « Dotation politique de la ville » ;
12° L’article L. 2334-40 est ainsi modifié :
a) À la fin de la première phrase du premier alinéa et de la seconde phrase du deuxième alinéa, aux troisième et quatrième alinéas et à la fin de la seconde phrase de l’avant-dernier alinéa, les mots : « de développement urbain » sont remplacés par les mots : « politique de la ville » ;
b) Le septième alinéa est ainsi modifié :
– la première phrase est ainsi rédigée :
« Le représentant de l’État dans le département attribue ces crédits afin de financer les actions prévues par les contrats de ville définis à l’article 6 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. » ;
– la dernière phrase est supprimée ;
13° Aux première et seconde phrases du premier alinéa de l’article L. 2334-41, les mots : « de développement urbain » sont remplacés par les mots : « politique de la ville » ;
14° La seconde phrase du dixième alinéa du I de l’article L. 2336-2 est ainsi modifiée :
a) Après le mot : « alinéa », est insérée la référence : « du II » ;
b) Sont ajoutés les mots : « ainsi que des minorations mentionnées aux articles L. 2334-7-3 et L. 5211-28 » ;
15° L’article L. 3334-1 est ainsi modifié :
a) Au début de la première phrase du dernier alinéa, les mots : « À compter de » sont remplacés par le mot : « En » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« En 2015, le montant de la dotation globale de fonctionnement des départements est égal à celui réparti en 2014, minoré de 1 148 millions d’euros. En 2015, ce montant est minoré du montant correspondant aux réductions de dotation à prévoir en 2015 en application de l’article 199-1 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée et du II de l’article 58 de la loi n° … du … de finances pour 2015. Il est majoré de 10 millions d’euros pour tenir compte de l’augmentation de la dotation de péréquation des départements. » ;
16° L’article L. 3334-3 est ainsi modifié :
a) Les deuxième à cinquième alinéas sont remplacés par un I ainsi rédigé :
« I. – À compter de 2015, la dotation forfaitaire de chaque département est égale au montant perçu l’année précédente au titre de cette dotation. Pour chaque département, à l’exception du département de Paris, cette dotation est majorée ou minorée du produit de la différence entre sa population constatée au titre de l’année de répartition et celle constatée au titre de l’année précédant la répartition par un montant de 74,02 € par habitant. » ;
b) La première phrase du sixième alinéa est ainsi modifiée :
– au début, les mots : « À compter de 2012, cette garantie ou, pour le département de Paris, sa dotation forfaitaire, » sont remplacés par les mots : « II. – Cette dotation forfaitaire » ;
– les mots : « d’abonder l’accroissement de la dotation de base mentionnée au troisième alinéa » sont remplacés par les mots : « de financer l’accroissement de la dotation forfaitaire mentionné au deuxième alinéa » ;
c) Après le mot : « titre », la fin du 1° est ainsi rédigée : « de leur dotation forfaitaire, calculée en application du I ; »
d) Le 2° est ainsi modifié :
– le début de la première phrase est ainsi rédigé : « La dotation forfaitaire des… (le reste sans changement). » ;
– à la seconde phrase, les mots : « 10 % de la garantie, ou pour le département de Paris à 10 % » sont remplacés par le taux : « 5 % » ;
e) Le neuvième alinéa est supprimé ;
f) Au début de la première phrase du dixième alinéa, les mots : « À compter de » sont remplacés par les mots : « III. – En » ;
f bis) (nouveau) Aux deux premières phrases du dernier alinéa, les mots : « en 2014 » sont remplacés par les mots : « de l’année de répartition » ;
g) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« En 2015, la dotation forfaitaire des départements de métropole et d’outre-mer, à l’exception du Département de Mayotte, est minorée de 1 148 millions d’euros. Cette minoration est répartie dans les conditions prévues aux cinq premiers alinéas du présent III. » ;
17° L’article L. 3334-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En 2015, ce montant est majoré d’au moins 20 millions d’euros financés, d’une part, à hauteur de 10 millions d’euros par la minoration mentionnée au II de l’article L. 3334-3 et, d’autre part, à la même hauteur, par la majoration de la dotation globale de fonctionnement des départements prévue à l’article L. 3334-1. » ;
18° L’article L. 4332-4 est ainsi modifié :
a) Au début de la dernière phrase du premier alinéa, les mots : « À compter de » sont remplacés par le mot : « En » ;
b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En 2015, le montant de la dotation globale de fonctionnement des régions et de la collectivité territoriale de Corse est égal au montant réparti en 2014, minoré de 451 millions d’euros. » ;
19° L’article L. 4332-7 est ainsi modifié :
a) Au début du septième alinéa, les mots : « À compter de » sont remplacés par le mot : « En » ;
a bis) (nouveau) Le 1° est complété par une phrase ainsi rédigée :
« En 2015, ce taux de minoration est de 33 % ; »
b) Au 2° et au onzième alinéa, l’année : « 2014 » est remplacée par les mots : « de l’année de répartition » ;
b bis) (nouveau) Aux deux premières phrases du dernier alinéa, les mots : « en 2014 » sont remplacés par les mots : « de l’année de répartition » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« En 2015, le montant de la dotation forfaitaire des régions et de la collectivité territoriale de Corse est égal au montant réparti en 2014, minoré de 451 millions d’euros. La baisse de la dotation forfaitaire est répartie entre les régions et la collectivité territoriale de Corse, dans les conditions prévues aux huitième à avant-dernier alinéas du présent article. Toutefois, pour le calcul de la minoration de la dotation forfaitaire à compter de 2015, le montant des recettes totales du budget de la collectivité territoriale de Corse est minoré du montant perçu au titre de la dotation de continuité territoriale prévue à l’article L. 4425-4. » ;
20° L’article L. 5211-28 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase du troisième alinéa, au quatrième alinéa, à la fin du 1° et au 2°, l’année : « 2014 » est remplacée par les mots : « de l’année de répartition » ;
b) À la deuxième phrase du troisième alinéa, après le mot : « produits », sont insérés les mots : « , des recettes exceptionnelles » ;
b bis) À la dernière phrase du troisième alinéa, les mots : « en 2014 » sont remplacés par les mots : « de l’année de répartition » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« À compter de 2015, le montant de la dotation d’intercommunalité des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de métropole et des départements d’outre-mer est minoré de 621 millions d’euros. Cette minoration est répartie entre les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, dans les conditions prévues aux troisième à avant-dernier alinéas. » ;
21° L’article L. 5211-32-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le calcul des garanties et des plafonnements, la dotation à prendre en compte au titre de l’année précédente est celle calculée avant application des minorations prévues à l’article L. 5211-28. » ;
22° Le II de l’article L. 5211-33 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le calcul des garanties et des plafonnements, la dotation à prendre en compte au titre de l’année précédente est celle calculée avant application des minorations prévues à l’article L. 5211-28. » ;
23° (nouveau) Au 2° de l’article L. 5214-23-1, après le mot : « secteur ; », sont insérés les mots : « à compter du 1er janvier 2018, ».
II. – À compter de 2015, ainsi qu’il est prévu à l’article 33 de la loi n° … du … de financement de la sécurité sociale pour 2015, la dotation de compensation des départements, prévue à l’article L. 3334-7-1 du code général des collectivités territoriales, est réduite d’un montant équivalent à celui mentionné au IV du même article 33. Toutefois, pour le département de Paris et le département des Alpes-Maritimes, ce montant est prélevé sur les douzièmes prévus à l’article L. 3332-1-1 du même code.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’article 58 fait écho à l’article 9, qui consacrait la réduction sensible de la dotation globale de fonctionnement et le mariage forcé des collectivités locales avec la stratégie de désendettement de l’État.
Certes, la minoration des concours budgétaires aux collectivités territoriales s’avère pour l’heure moins importante que prévu, la majorité de droite du Sénat s’étant abritée derrière les travaux et conclusions de la commission consultative d’évaluation des normes pour atténuer d’environ 1 milliard d’euros la ponction réalisée sur les ressources dédiées au secteur public local. La pilule est donc un peu moins amère, mais le fait demeure.
Malgré les 13 000 pétitions de l’Association des maires de France délibérées par les conseils municipaux ou communautaires, les élus de la majorité du Sénat ont admis, dans les faits, le principe d’une réduction des concours de l’État aux collectivités locales.
Nous allons examiner plusieurs amendements dont le seul point commun est de tendre à « limiter la casse », tant l’on sait que la révision à la baisse des concours aux collectivités locales constitue un recul, au regard tant des moyens des politiques locales que du principe de libre administration des collectivités territoriales. Et cette baisse est, a minima, prévue pour encore deux ans.
Parmi les auteurs des amendements, certains portent les revendications des communes rurales, d’autres s’interrogent sur le contenu de la solidarité urbaine, d’autres encore s’interrogent sur la péréquation intercommunale et les compensations de la réforme de la DGF ou nous interpellent sur la situation de l’outre-mer, notamment des communes guyanaises.
Sur ce dernier point, soyons clairs : le plafonnement de la dotation superficiaire doit être abandonné. La superficie des communes de Guyane étant plus grande que celle d’un département métropolitain, il importe qu’elles disposent des moyens de développer des services publics locaux à la hauteur de leur situation.
Par ailleurs, quelle est la place des communes rurales –de loin les plus nombreuses – au regard d’une dotation dont elles sont pour l’heure insuffisamment pourvues, du fait d’un indice logarithmique défavorable ? Nous le savons tous : deux habitants d’une commune de moins de 500 habitants ne comptent que pour un habitant d’une plus grande collectivité. Cet indice est en outre insuffisant pour résoudre les problèmes de ressources, au regard des besoins collectifs, des communes urbaines.
Comment les réalités géographiques et démographiques, par exemple celles des communes ultramarines ou celles des communes de montagne, sont-elles prises en compte ? Qu’adviendra-t-il des nombreux bourgs ruraux que la réforme territoriale va bientôt déposséder du statut de chef-lieu de canton, avec tout ce que cela impliquera in fine ?
Dans ce contexte, mes chers collègues, il fallait au moins voter pour le maintien en euros courants de la dotation forfaitaire pour l’exercice 2015 au niveau de 2014, mais il n’en a pas été ainsi.
Quelques pistes, de notre point de vue, sont toutefois à explorer.
Les efforts opérés en faveur des communes rurales ne peuvent se concrétiser autrement que par la remise en cause profonde et globale de l’indice logarithmique.
Cependant, à la vérité, nous ne sortirons pas de ce débat sans conclure à la nécessité de disposer d’un nouvel outil de péréquation – si tant est que cela soit le sujet, puisque, jusqu’à présent, ladite péréquation a surtout servi de variable d’ajustement à la baisse des concours budgétaires –, et donc de trouver de nouvelles ressources fiscales partagées.
La quasi-disparition de la taxe professionnelle, qui n’a pas, contrairement à ce qui avait été annoncé, résolu les inégalités devant l’impôt entre les entreprises, a bel et bien constitué et constitue encore le point crucial du débat.
Sans impôt économique suffisamment rentable, efficace et juste, il ne peut y avoir de solution totalement acceptable pour les finances locales, notamment en termes d’autonomie des collectivités, c'est-à-dire de capacité à agir au plus près des besoins des habitants, à participer au mouvement général d’une croissance économique repensée.
Donnons donc du temps au temps, mes chers collègues, et respectons l’échéance de 2016 arrêtée par le Gouvernement pour la réforme de la dotation globale de fonctionnement. Cela paraît d’autant plus nécessaire qu’une mission parlementaire va être constituée en 2015 aux fins d’aborder l’ensemble des problématiques évoquées.
C’est sous le bénéfice de ces observations que nous proposons, au travers de l’amendement n° II-277, la suppression de l’article 58 du projet de loi de finances et que nous voterons contre les différents amendements ne visant qu’à de simples ajustements. Il importe de revoir globalement la question du financement et des recettes, afin de permettre à nos collectivités de répondre aux besoins des populations.
M. le président. L'amendement n° II-277, présenté par Mme Beaufils, MM. Bocquet, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement a déjà été défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles Guené, rapporteur spécial. La position du groupe CRC a le mérite d’être constante…
Ma chère collègue, vous souhaitez supprimer, au travers de cet amendement, les modalités de répartition de la contribution au redressement des finances publiques, ainsi que la hausse de la péréquation verticale et la réforme de la dotation forfaitaire. Cette position est incompatible avec celle qu’a adoptée le Sénat lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, et donc avec les amendements qui ont été déposés par la commission pour tenir compte des votes intervenus, s’agissant notamment de la minoration de la baisse des dotations.
Dans ces conditions, je ne peux, au nom de la commission, qu’émettre un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, vous proposez de supprimer purement et simplement l’article 58, ce qui pénaliserait l’ensemble des collectivités locales de notre pays. À titre d’illustration, je vais exposer quelques-uns des effets qu’induirait l’adoption de votre amendement.
Premièrement, les communes nouvelles ne pourraient plus bénéficier de la garantie du maintien de leur dotation forfaitaire, ce qui entrerait en contradiction avec l’objectif d’incitation financière au regroupement des communes, notamment les plus petites d’entre elles.
Mme Cécile Cukierman. C’est vrai !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Deuxièmement, le retraitement des recettes exceptionnelles opéré pour le calcul de la dotation forfaitaire de l’année précédente ne pourrait être réalisé. Il s’agit pourtant, vous le savez, d’une demande récurrente de nombreuses communes.
Troisièmement, l’augmentation importante de la péréquation ne pourrait intervenir. Concrètement, cela signifierait qu’aucune dotation de péréquation, donc de solidarité, ne pourrait augmenter en 2015, ce qui risquerait de menacer la « soutenabilité » des budgets des communes les moins favorisées.
Je vous rappelle que les simulations présentées au Comité des finances locales prennent en compte ces hausses de la péréquation pour estimer les effets de la contribution au redressement des finances publiques sur l’ensemble des collectivités.
Enfin, le soutien apporté aux régions d’outre-mer par un renforcement de la pondération de la quote-part démographique, mais aussi celui apporté à la collectivité territoriale de Corse par le biais du retraitement de la dotation de continuité territoriale de Corse des ressources réelles de fonctionnement, seraient purement et simplement supprimés.
Ces quelques exemples, parmi de nombreux autres, suffisent à souligner combien il est important de maintenir l’article 58 dans son intégralité.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le secrétaire d’État, j’entends votre argumentation, mais nous ne faisons qu’ôter les pansements des plaies que vous avez infligées aux collectivités territoriales en leur imposant des mesures qui assèchent l’ensemble de leurs recettes !
Vous avez raison, si cet article était supprimé, certaines compensations ne se feraient pas. Mais le financement des collectivités territoriales doit être repensé dans son ensemble. Nous ne sommes pas responsables des maux dont vont souffrir, dans les années à venir, les collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je veux exprimer mon mécontentement d’élu local. Quand on y réfléchit, ces baisses de dotation sont, au final, contre-productives, parfois provocatrices et inflationnistes sur le plan fiscal.
Elles sont d’abord contre-productives, parce que, quand on diminue la dotation globale de fonctionnement, si les collectivités « grasses » peuvent trouver des sources d’économies, celles qui ont déjà une gestion rigoureuse, qui ont, depuis des années, supprimé des pans entiers de leurs politiques, au détriment du service rendu aux usagers, et ont diminué leur personnel sont pénalisées. Quand une collectivité ne peut diminuer ses dépenses de fonctionnement, la baisse de la dotation se traduit automatiquement par une baisse de son épargne brute, donc par une diminution de l’investissement. Ce raisonnement vaut même si cette collectivité n’est pas fortement endettée : l’épargne brute diminuant, l’épargne nette ne permet plus de déduire les amortissements. On en arrive donc à pénaliser l’investissement, ce qui va à l’encontre de la croissance, ou à relancer l’endettement des collectivités. Ce faisant, on entretient l’endettement du pays tout entier.
Ces baisses de dotation sont, ensuite, provocatrices. Sur le terrain, nous discutons avec les préfets des contrats de projets. On nous fait clairement savoir que si nous n’apportons pas une contribution financière, rien ne se fera : on nous demande de financer des actions qui relèvent des compétences de l’État – je pense notamment aux routes nationales ou à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ainsi, localement, on sollicite financièrement ces collectivités que vous montrez du doigt au motif qu’elles seraient trop dépensières ! C’est à la fois particulièrement désagréable et, je le redis, provocateur.
Enfin, ces baisses de dotation sont inflationnistes sur le plan fiscal. Aux collectivités qui ont un niveau de fiscalité bas, on dit qu’elles n’ont qu’à augmenter les impôts. Ce modèle du XXe siècle – aide-toi, le ciel t’aidera, c'est-à-dire plus on prélève d’impôts, plus on est aidé – est complètement archaïque ! Nous avons déjà un trop-plein de prélèvements : il ne faut pas inciter les collectivités à augmenter les impôts locaux comme vous le faites ! Ensuite, on montrera du doigt les élus !
Cette situation est insupportable. Pour autant, je ne voterai pas la suppression de cet article. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-178 rectifié ter, présenté par MM. Houpert, Chaize, del Picchia, Pellevat et Panunzi, Mme Imbert, MM. B. Fournier, Laufoaulu, Vogel, Morisset, Milon, Joyandet, Reichardt, G. Bailly et Lenoir, Mme Loisier, MM. Cambon et Lefèvre, Mme Deromedi, M. Longuet et Mme Giudicelli, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 5 et 11
Remplacer les mots :
par un montant compris entre 64,46 € et 128,93 € par habitant en fonction croissante de la population de la commune
par les mots :
par un montant par habitant égal quelle que soit la population de la commune
II. – Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au second alinéa du 1° du I de l’article L. 2334-7, les mots : « par un montant de 64,46 euros par habitant à 128,93 euros par habitant en fonction croissante de la population de la commune » sont remplacés par les mots : « par un montant par habitant égal quelle que soit la population de la commune » ;
La parole est à M. Alain Houpert.
M. Alain Houpert. Cet amendement de justice territoriale tend à instaurer un même montant de DGF par habitant pour toutes les communes. Il a ainsi pour objet d’instituer non seulement une égalité de traitement entre les territoires, mais aussi une égalité financière entre les citoyens, quel que soit le lieu où ils habitent.
À ce jour, la progressivité de la DGF en fonction de la population communale ne fait qu’accentuer les inégalités, laissant les communes les moins peuplées seules devant la multiplication des charges publiques et le désengagement de l’État. C'est de la péréquation à l’envers ! Une commune peuplée amortit facilement ses charges d’investissement, contrairement à une commune peu peuplée.
Prenons l’exemple d’un réseau d’assainissement et de distribution d’eau potable : le coût d’un kilomètre de tranchée est le même pour toutes les communes. Dans les communes urbaines, on comptera 1 000 ou 10 000 abonnés au kilomètre, contre une dizaine ou une centaine dans les communes rurales. Pour ces dernières, l’investissement devient insoutenable.
Cet amendement s’inspire de l’un des principes fondamentaux posés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : le principe de non-discrimination, qui vise à assurer une égalité de traitement entre les individus.
Le traité de Lisbonne a fait de la mise en œuvre de ce principe un objectif de l’Union européenne. Les citoyens européens peuvent exercer leur droit de recours judiciaire en cas de discrimination directe ou indirecte, lorsqu’ils subissent un traitement différent dans une situation comparable ou un désavantage non justifié par un objectif légitime et proportionné.
L’égalité des chances est un autre principe fondateur de notre République. Ce principe recouvre non seulement l’égalité entre les hommes et les femmes, mais aussi – c’est ce qui nous intéresse aujourd’hui – l’égalité de traitement entre les personnes, entre les habitants de toutes les communes.
Enfin, l’adoption de cet amendement permettra de renforcer l’égalité de traitement entre les habitants de tous les territoires, dans tous les domaines, notamment la vie professionnelle, l’éducation, l’accès aux soins, aux biens et aux services.
L’application du principe d’égalité fait partie des objectifs de l’Union européenne et le principe de non-discrimination, qui lui est étroitement lié, a été réaffirmé par les traités d’Amsterdam et de Lisbonne.
M. le président. L'amendement n° II-273 rectifié ter, présenté par MM. Jarlier et Kern, Mmes N. Goulet et Gatel et MM. Guerriau, Maurey, Luche et Namy, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer cet alinéa par dix alinéas ainsi rédigés :
3° L’article L. 2334-7 est ainsi modifié :
a) Le 1° du I est ainsi modifié :
- après les mots : « en fonction croissante de la population de la commune », la fin du second alinéa est supprimée ;
- sont ajoutés six alinéas ainsi rédigés :
« Cette dotation de base est, pour chaque commune, le produit de sa population, déterminée en application de l’article L. 2334-2, par une somme de 60 euros pour l’année 2005 et par un coefficient a, dont la valeur varie en fonction de la population dans les conditions suivantes :
« 1° Si la population est inférieure ou égale à 500 habitants, a = 1,15 ;
« 2° Si la population est supérieure à 500 habitants et inférieure à 200 000 habitants, a = 1,15 + 0,38431089 x log (population/500) ;
« 3° Si la population est égale ou supérieure à 200 000 habitants, a = 2.
« Pour le calcul de la dotation proportionnelle à la superficie prévue au 2° de l’article L. 2334-7, la superficie prise en compte est la superficie cadastrée et non cadastrée "hors eaux" et le classement des communes en zone de montagne s’apprécie au 1er janvier de l’année au titre de laquelle la dotation forfaitaire est versée.
« Ces dispositions sont applicables aux communes de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française, de Mayotte, de Saint-Pierre-et-Miquelon et aux circonscriptions territoriales des îles Wallis et Futuna. »
b) Il est complété par un III ainsi rédigé :
La parole est à M. Pierre Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Cet amendement va un peu moins loin que celui de notre collègue Alain Houpert, mais il relève du même esprit. Il répond à un double objectif.
Le premier objectif est d’inscrire dans la loi les modalités de calcul de la répartition de la dotation de base de la DGF. Pour l’instant, il s’agit d’un dispositif réglementaire. Or nos débats portent souvent sur la différence de traitement entre grandes et petites communes en matière de montant de la DGF. Le coefficient varie actuellement de 1 à 2, ce qui est très important.
Le second objectif est précisément de diminuer cet écart, en maintenant le principe du coefficient logarithmique.
On le voit bien, la baisse des dotations touche bien davantage les petites communes qui ont de très faibles bases fiscales. En effet, les dotations pèsent plus lourd dans leurs budgets que dans ceux des communes plus importantes, car elles ne disposent pas des ressources fiscales nécessaires pour compenser les baisses de dotations.
L’amendement tend donc à réduire l’écart de coefficients, pour le ramener de 1,15 à 2, au lieu de 1 à 2 actuellement. Si la population de la commune est inférieure ou égale à 500 habitants, le coefficient sera de 1,15 ; si elle est comprise entre 500 et 200 000 habitants, le coefficient logarithmique s’ajoutera à 1,15 ; au-delà de 200 000 habitants, le coefficient sera de 2.
Adopter cette mesure permettrait, sans bousculer réellement les dispositifs actuels, d’aider les plus petites communes à résister à la baisse des dotations. J’ajoute que cela irait dans le sens des propos tenus par le Premier ministre devant le congrès des maires de France, lorsqu’il a indiqué que l’écart de richesse entre les différentes collectivités était trop grand. Un tel dispositif contribuerait à atténuer cet écart et permettrait aux petites communes de mieux supporter les efforts qui leur seront demandés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles Guené, rapporteur spécial. L’amendement n° II-178 rectifié ter vise à ce que les communes soient traitées de façon équivalente quelle que soit leur population en ce qui concerne le montant de dotation par habitant et la variation de leur dotation forfaitaire, à compter de 2015.
Cet amendement pose la question de l’égalité de traitement entre communes rurales et communes urbaines en matière de montant de la DGF par habitant. Il pourrait m’être sympathique à bien des égards – peut-être l’est-il, d’ailleurs ! (Sourires.) –, mais nous avons déjà traité ce sujet au sein de la commission des finances, au cours d’un cycle d’auditions conduit dans la perspective d’une réforme de la DGF.
L’écart existant actuellement résulte d’une étude économétrique menée en 2004. Il vise à tenir compte des charges de centralité des communes les plus peuplées. Grâce à ce dispositif, il est vrai que les plus petites communes participent indirectement à la création d’une piscine dans le bourg-centre, par exemple. L’existence de charges de centralité est indéniable. Pour autant, un écart de 1 à 2 est-il encore pertinent aujourd’hui ? Les paramètres évoqués par M. Houpert n’ont-ils pas varié ?
Ce point devra sans doute être traité dans le cadre de la réforme de la DGF qui a été annoncée par le Gouvernement. Nous pourrons ainsi envisager la question de façon globale, en prenant en compte l’ensemble des dotations destinées aux communes rurales.
Dans cette attente, je vous invite, monsieur Houpert, à retirer votre amendement, d’autant que son dispositif ne serait pas opérant. En effet, à la suite d’une modification mise en œuvre depuis cette année, une part du montant de la DGF est cristallisée au travers du présent projet de loi de finances, qui supprime tout montant par habitant.
La même argumentation vaut, dans une large mesure, pour l’amendement n° II-273 rectifié ter, qui tend pour sa part à réduire sans l’annuler l’écart de coefficients pour la détermination de la dotation de base et à modifier le calcul de la dotation proportionnelle à la superficie. Cependant, son dispositif s’applique à deux dotations dont le montant est cristallisé par le présent projet de loi de finances, et son adoption n’aurait donc pas non plus d’effet.
Dans ces conditions, je vous invite vous aussi, monsieur Jarlier, à retirer votre amendement, même s’il soulève de vraies questions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. Ces deux amendements s’inspirent de la même philosophie.
Monsieur Houpert, vous proposez que le calcul de la dotation forfaitaire des communes ne fasse plus intervenir un montant différencié, compris entre 64,46 euros et 128,93 euros par habitant, selon que la commune est urbaine ou rurale.
Le Gouvernement partage votre souhait de réduire les écarts de DGF par habitant entre collectivités territoriales. D'ailleurs, le Premier ministre s’est engagé la semaine dernière, lors du congrès des maires de France, à ce que la réforme de la DGF soit menée de manière à réduire les écarts entre les grandes villes et les petites communes.
Toutefois, le Gouvernement estime que cette question est trop complexe pour être traitée par le biais d’un amendement au présent projet de loi de finances, d'autant qu’il n'y a pas eu de travail de concertation préalable avec le Comité des finances locales. Elle devra être traitée dans le PLF pour 2016.
Les modalités de répartition de la dotation forfaitaire des communes reposent sur des écarts d’attribution par habitant entre les collectivités rurales et les collectivités urbaines, écarts qui sont de plus en plus critiqués.
Néanmoins, je tiens à rappeler que cette différenciation a été justifiée par des travaux économétriques qui ont montré que les charges des communes étaient croissantes avec leur population, notamment du fait des charges de centralité.
Par ailleurs, si certaines composantes de la DGF sont croissantes en fonction de la population, d’autres dispositifs, comme la dotation de solidarité rurale, la dotation superficiaire ou le FPIC, sont nettement plus favorables aux communes rurales. Par exemple, les modalités de répartition de l’effort demandé aux communes au titre du redressement des finances publiques ont été favorables aux collectivités rurales – ou plutôt, elles leur ont été moins défavorables ! (Sourires.) Ainsi, après péréquation, l’effort demandé en 2014 aux communes de moins de 20 000 habitants a été de 6 euros par habitant, contre 57 euros par habitant pour les communes de plus de 20 000 habitants.
Enfin, je vous signale que votre amendement tend à supprimer les montants différenciés par habitant sans les remplacer. En d’autres termes, vous proposez de ne plus prendre en compte les évolutions de la population dans le calcul de la dotation forfaitaire, ce qui se traduirait par une perte nette de DGF pour l’ensemble des communes.
Pour terminer, je souligne de nouveau que le Premier ministre s’est engagé, devant les maires de France, à augmenter de 200 millions d’euros la DETR pour 2015. Cette mesure permettra de soutenir l’investissement local, et donc de mieux répondre aux préoccupations de nos concitoyens, notamment en matière de services publics en milieu rural.
Monsieur Jarlier, vous proposez quant à vous de modifier le coefficient logarithmique aujourd'hui utilisé pour moduler la répartition des montants de dotation de base en fonction de la population d’une commune. Vous souhaitez, ainsi, réduire les écarts de dotation entre petites et grandes communes.
Le Gouvernement partage votre souhait de réduire les écarts de dotation les moins justifiés et de renforcer ceux qui résultent des inégalités de richesse entre collectivités.
Cependant, la réduction de l’échelle utilisée pour le coefficient logarithmique ne semble pas la voie la plus pertinente.
Le Premier ministre s’est engagé à ce que la question des écarts de DGF par habitant entre collectivités rurales et collectivités urbaines soit traitée dans le cadre de la réforme globale de la DGF, à laquelle nous nous attellerons, avec l’ensemble des parlementaires et le CFL, tout au long de l’année 2015.
Dans le même temps, il a annoncé la majoration de 200 millions d’euros de la DETR. Cette majoration profitera évidemment au monde rural, notamment aux bourgs-centres des territoires ruraux.
En outre, une mission parlementaire va être mise en place en vue de la réforme de la DGF au travers du PLF pour 2016. Nous pensons que c’est dans ce cadre, avec l’éclairage des travaux conduits au sein du CFL, qu’il faudra aborder la question d’une meilleure répartition des dotations.
Pour toutes ces raisons, monsieur le sénateur, le Gouvernement sollicite le retrait de votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je voterai bien sûr ces amendements, qui répondent à une demande très ancienne de l’Association des maires ruraux de France.
Je dois dire que j’éprouve toujours le même plaisir à voir avec quelle aisance les rapporteurs, les représentants du Gouvernement qui se succèdent procèdent pour éviter de répondre à la question soulevée.
On nous dit toujours que c’est une très bonne question, mais que ce n’est ni le moment ni le lieu de la traiter, que d’ailleurs une mission est en cours… En somme, « circulez, il n’y a rien à voir » !
Ce qui me ravit le plus, ce sont les arguments utilisés.
D’abord, on invoque des études qui auraient montré que les grandes communes supportaient davantage de dépenses que les petites. À l’origine, la répartition par strates de la DGF résultait d’ailleurs de ce constat.
Ensuite – c’est là le plus réjouissant ! –, on invite les petites communes à se réunir dans de grandes intercommunalités pour faire des économies d’échelle, avant de leur opposer, à propos de la DGF, la nécessité de tenir compte des charges de centralité… On le voit, le même argument peut servir à défendre tout et son contraire et, en tout état de cause, à figer la situation.
On pourrait faire valoir qu’il existe des charges de ruralité – à l’évidence, lorsque l’habitat est dispersé, il faut entretenir des réseaux étendus, des espaces naturels –, mais je ne voudrais pas vous ennuyer avec ces considérations triviales !
J’en resterai donc là, mais comment peut-on affirmer que les malheureuses dotations de péréquation dont bénéficient les communes rurales contrebalancent l’injustice majeure que représente la structure même de la DGF ? Cette injustice a d’ailleurs été encore renforcée par le mode de calcul du fonds de péréquation intercommunal, pour lequel on a inventé des coefficients logarithmiques variant eux aussi de 1 à 2, ce qui aboutit à des aberrations totales, de petites intercommunalités participant à ce fonds à hauteur du montant de leur DGF… Franchement, c’est se moquer du monde !
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. Je constate que nous sommes dans la religion du chiffre.
M. Bruno Sido. C’est la commission des finances…
M. Alain Houpert. Pour ma part, je crois que c’est le lieu et le moment d’agir.
C’est le lieu, d'abord, parce que le Sénat représente les territoires. Or 80 % du territoire français est rural.
M. Bruno Sido. Au moins !
M. Alain Houpert. Que risque-t-on à adopter nos amendements, mes chers collègues ? Cela permettra de remettre l’église au milieu du village.
Mme Cécile Cukierman. Mettez-y plutôt la mairie !
M. Alain Houpert. Il y aura ensuite la navette.
Notre amendement est inspiré par un principe républicain, celui d’égalité. Il a pour objet d’instaurer une égalité entre les communes en matière d’attribution de la DGF : qu’elle soit modulée selon un rapport de 1 à 2 est proprement scandaleux ! Et je ne parle pas de l’inégalité entre intercommunalités selon leur population !
C’est le moment d’agir, ensuite, car il est temps, mes chers collègues, de faire bouger les choses. Nous sommes au XXIe siècle ! Nous devons relever le défi du numérique. Contrairement aux zones urbaines, la ruralité devra financer l’accès à la fibre optique et aux nouvelles technologies.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez évoqué les charges de centralité, comme si les communes à faible population ne contribuaient pas à les couvrir. En réalité, le coût réel de ces charges leur est refacturé !
On a beaucoup parlé de péréquation. En fait, avec le mode de calcul actuel de la DGF, c’est de la péréquation à l’envers.
Les territoires ruraux sont frappés d’une double peine : on ne sait plus quelles sont les communes riches, quelles sont les communes pauvres… En effet, à l’inégalité de DGF s’ajoute l’illisibilité du fameux FPIC, auquel on ne comprend plus rien ! (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)
Nous sortons d’élections sénatoriales. Lors de la campagne, 80 % des grands électeurs ont dénoncé les inégalités territoriales induites par la DGF et le FPIC.
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Alain Houpert. Puisque nous sommes ici à la Haute Assemblée, élevons le débat !
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Alain Houpert. La navette parlementaire se poursuivra : nous ne risquons rien à taper du poing sur la table ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Emorine. À travers leurs amendements respectifs, nos collègues ont soulevé une question très intéressante.
Monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État, vous avez invoqué dans vos réponses la centralité. J’ai été maire d’un chef-lieu de canton avant la décentralisation : on pouvait, alors, parler de centralité, mais le développement de l’intercommunalité a changé la donne, car les bourgs-centres ne supportent plus les mêmes charges. Par exemple, l’entretien de la piscine ne repose plus sur les petites communes : il est devenu une charge intercommunale.
Je suis très tenté de voter ces deux amendements. En tout état de cause, j’espère que les préoccupations de leurs auteurs seront prises en compte lors de la réforme globale de la DGF que vous annoncez. Centralité ne veut plus rien dire aujourd'hui : ce mot appartient à un passé révolu !
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. M. le secrétaire d'État nous annonce une augmentation de la DETR.
M. René-Paul Savary. Cela fait 2 millions d’euros par département en moyenne : de quoi permettre de soutenir l’investissement en contrebalançant la ponction de plus de 3 milliards d’euros opérée sur les collectivités territoriales…
Monsieur le secrétaire d'État, si vous voulez avancer, faites confiance aux élus locaux ! Le moment n’est-il pas venu de confier la DETR aux départements, plutôt que de soutenir les communes au moyen de financements croisés ? Le moment n’est-il pas venu de simplifier ? Il est temps que l’État, qui déclare souhaiter une clarification des financements, passe des paroles aux actes ! (MM. Michel Bouvard et Bruno Sido applaudissent.)
Les élus locaux ne seront pas ingrats, monsieur le secrétaire d'État : ils continueront d’inviter aux inaugurations les sous-préfets, qui sont compétents pour la DETR en dessous d’un certain seuil, ou le préfet, quand il nous fait l’honneur de venir… Avoir un seul financeur permettrait peut-être de simplifier un certain nombre de tâches sur le plan administratif.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. Pierre Jarlier. J’ai bien noté, monsieur le secrétaire d’État, que les questions soulevées seront traitées dans le cadre de la réforme de la DGF.
D’ailleurs, comme cela a été souligné précédemment, le raisonnement que nous tenons pour les communes vaut encore plus pour les intercommunalités. Aujourd'hui, les écarts de dotation existant entre les communautés de communes et les communautés d’agglomération sont absolument insupportables : pour des charges et des compétences pratiquement identiques, les montants de dotation diffèrent totalement ! Mais le sujet d’aujourd’hui n’est pas là…
Je n’ai pas très envie de retirer mon amendement, pour une raison de conjoncture, si je puis dire. En 2015, les petites communes seront les plus touchées par la baisse des dotations, car celles-ci pèsent lourd dans leurs ressources. Elles seront donc très fortement pénalisées. Si nous parvenons à déplacer un peu le curseur en matière de dotation par habitant – mon amendement va moins loin que celui de M. Houpert –, nous aiderons ces communes à mieux absorber les efforts qui leur sont demandés. Elles pourront ainsi continuer à investir, mais aussi, tout simplement, à faire face à leurs charges fixes.
Au-delà d’un certain stade, il ne sert plus à rien d’augmenter la fiscalité : les bases sont tellement faibles qu’une hausse n’engendre aucune ressource nouvelle. C’est donc bien par une révision du mode de calcul du montant de la dotation que l’on pourra aider les petites communes.
Par conséquent, je maintiens l’amendement n° II-273 rectifié ter.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Ce débat, tout à fait sérieux et légitime, doit être tranché.
Les exemples qui ont été donnés ne m’ont pas pleinement convaincu. Certains financements relèvent de budgets annexes et ne peuvent être assurés par le biais de la DGF. Les choses doivent donc être regardées de plus près.
Les questions relatives à la DGF concernent toutes les communes, et pas seulement les communes rurales.
M. Philippe Dallier. C’est certain !
M. Claude Raynal. Je pense notamment aux communes autrefois rurales devenues urbaines. Assez étrangement, celles-ci ont conservé une DGF rurale.
Les sujets à traiter sont donc nombreux et méritent un examen extrêmement attentif. C’est tout ce que l’on peut dire aujourd’hui !
Par conséquent, s’il était intéressant que nous ayons ce débat à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances, nous ne pourrons régler la question par le biais de l’adoption d’un amendement : cela exige un travail très lourd, s’appuyant sur des simulations, au sein du Comité des finances locales. C’est la seule manière d’aboutir à une décision !
J’apprécierais que ces amendements soient retirés à l’issue de cette discussion de qualité, mais si l’un ou l’autre devait être adopté, cela ne changerait rien au fait que le CFL devra traiter du sujet en profondeur. C’est à ce débat, mes chers collègues, que je nous renvoie !
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. La hiérarchie dans la détermination des montants de DGF est ancienne et devient de plus en plus complexe à comprendre, compte tenu des différentes composantes de cette dotation. Certaines, comme la dotation superficiaire, ont été ajoutées au fil des ans au bénéfice des communes rurales. Je crois donc que le Gouvernement a raison de juger que le système nécessite une remise à plat.
Je partage l’analyse selon laquelle un rééquilibrage est nécessaire. Le décalage entre les charges qui pèsent sur les communes urbaines et celles qui incombent aux communes rurales s’est réduit : les charges de centralité ont évolué, les habitants des zones rurales ont désormais les mêmes exigences, en termes de services à la population, que les habitants des zones urbaines. À cela s’ajoutent les migrations et mutations diverses intervenues au cours du temps.
Le système doit donc être entièrement revu, mais cela ne peut être entrepris de manière objective sans disposer d’un minimum de simulations et d’analyses, d’autant que les communes rurales ne forment pas un tout homogène. Certaines communes supports de stations touristiques sont classées parmi les communes rurales, comptent très peu de résidents permanents mais supportent les charges d’une entreprise touristique. J’y reviendrai plus tard, en présentant un amendement d’appel.
De nombreux débats sont donc à ouvrir autour de cette question et il serait bon que nous puissions nous donner le temps de les préparer, dès lors, bien évidemment, que le Gouvernement s’engagerait sur un calendrier précis. Il ne faudrait pas, en effet, que cela se finisse comme pour la remise à plat annoncée de l’ensemble de la fiscalité – même si je peux comprendre que celle-ci n’ait pas été menée à bien, compte tenu de la très grande complexité du problème – ou la révision générale des bases, qui n’a jamais vu le jour…
Si le Gouvernement accepte de prendre l’engagement que nous pourrons travailler sur ce sujet de manière sereine et sur la base de critères objectifs, je ne voterai pas les amendements.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Ces deux amendements ont le grand mérite d’indiquer, avec franchise et dynamisme, une direction claire !
Il s’agit incontestablement d’un vrai sujet. Il n’est pas mauvais de faire montre d’un peu de prudence quand on touche aux recettes des collectivités. Le Gouvernement nous a annoncé une réforme globale de la DGF. Dans cette perspective, il faudra fixer des principes directeurs. Celui qui est proposé au travers de l’amendement n° II-178 rectifié ter a du sens, et il a au moins le mérite de la clarté.
Cela étant, instaurer une égalité stricte en matière de dotation par habitant, quelles que soient les situations, ne pourrait-il pas aller à l’encontre de l’équité ? Telle est la question qui se pose à nous ; elle nous renvoie au vieux débat entre égalité et équité.
Nous avons tous conscience que la prise en compte des charges de centralité repose sur des calculs assez ésotériques et que le dispositif mériterait d’être rediscuté. Pour autant, supprimer toute forme de pondération sans avoir mené un travail d’approfondissement avec le CFL, en s’appuyant sur des simulations, serait peut-être aller un peu vite en besogne !
Par conséquent, j’aurais tendance à inviter le Sénat à faire preuve de sagesse. Prenons un peu de temps pour mener la réflexion !
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Les deux amendements dont nous sommes saisis traitent d’un vrai problème. Ne pas vouloir le reconnaître, c’est nier la réalité que nous vivons quotidiennement sur le terrain !
Je voudrais tout d’abord souligner, à l’attention de notre collègue Claude Raynal, que malgré tout le respect que l’on peut avoir pour cet organisme, ce n’est pas le Comité des finances locales qui fait la loi ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Dallier. Bravo !
M. Michel Mercier. La loi est élaborée par le Parlement, et le CFL ne fait que l’appliquer !
Il s’agit ici, à mes yeux, d’amendements d’appel, car la situation est beaucoup trop complexe pour que l’on puisse la régler au détour de leur examen.
Au cours de ma déjà longue carrière de parlementaire, j’ai eu l’occasion de voter deux réformes de la DGF. Quand j’exerçais la fonction de rapporteur spécial aujourd'hui remplie par M. Guené, j’ai dû faire voter une bonne trentaine d’amendements visant à arranger la communauté urbaine d’Alençon, par exemple, ou tel autre territoire méritant de faire l’objet de la sollicitude du Parlement… C’est ainsi que nous avons complexifié à l’excès le mécanisme de la DGF, au point que si quelqu’un prétendait pouvoir l’expliquer en deux phrases, il faudrait vite l’enfermer ! (Sourires.) Le système est incompréhensible !
Quoi qu’il en soit, il existe, entre une commune de moins de 500 habitants et une grande commune, une différence excessive en matière de dotation par habitant. Cela étant, instaurer un montant de dotation par habitant identique pour toutes les communes serait, me semble-t-il, une erreur, car les réalités sont diverses. M. Michel Bouvard vient de rappeler que certaines communes rurales sont riches, de même que certaines communes urbaines. Quant aux communes pauvres, on en trouve partout !
Pour ma part, j’ai bien envie de voter ces amendements, qui constitueront un véritable appel à destination du Gouvernement. On ne peut pas se contenter de nous annoncer que la réforme de la DGF sera engagée dès que l’on aura fini de compter les arbres ! En effet, j’ai bien compris que la nouvelle DGF reposerait essentiellement sur le nombre d’arbres, de sources, etc. Chez moi, je coupe les arbres en deux pour les multiplier ! (Sourires.)
Le Gouvernement doit prendre de vrais engagements en matière de réduction des écarts de DGF entre communes. On ne peut pas accepter indéfiniment la situation actuelle ! Cependant, je sais qu’il faut aussi éviter l’émiettement des dotations de l’État et favoriser d’une façon ou d’une autre le regroupement des communes. Par conséquent, la situation est très complexe. Pour autant, on ne peut pas écarter d’un revers de main les propositions de nos collègues en se contentant d’appeler au retrait de leurs amendements. Il faut aller plus loin : le problème posé est trop criant aujourd'hui ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Charles Guené, rapporteur spécial.
M. Charles Guené, rapporteur spécial. La commission des finances suggère aux auteurs de ces amendements de les retirer avant tout pour des raisons purement techniques. Tels qu’ils sont rédigés, leurs dispositifs ne sont pas opérants !
En outre, la dotation de base n’évoluant pas en 2015, on ne peut pas jouer sur elle.
Enfin, nous sommes engagés dans une démarche de réforme : 2015 verra une réforme de la DGF et, en septembre, une évaluation des mécanismes de péréquation. Si, à la fin de l’année 2015, nous constatons que rien n’a été fait, notre position sera sans doute différente…
Cela étant, s’il s’agit, au travers de ces amendements, de lancer un appel à mener ces réformes, la démarche me paraît tout à fait cohérente. Le rapport de 1 à 2 entre les coefficients actuels n’est plus forcément pertinent. Pour autant, il ne me semble pas souhaitable de le modifier sans procéder à des évaluations ou prendre en compte la diversité des charges selon les communes. Cela peut même jouer contre la ruralité ! En matière de services au public, par exemple, les coûts sont plus élevés dans la ruralité qu’en milieu urbain. Tous les éléments doivent donc être pris en compte. On ne peut pas se contenter d’agir sur un seul paramètre.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Je fais miens les propos de M. le rapporteur spécial. Vous aurez noté, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement n’a pas exprimé d’opposition à ces amendements ; il a proposé à leurs auteurs de les retirer. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.) Il y a une vraie nuance ! Le Gouvernement n’est pas sourd aux préoccupations exprimées au travers de ces amendements, mais il juge préférable de les retirer au terme de cette discussion fort intéressante, après qu’il a pris de nouveau l’engagement de réformer totalement la DGF d’ici à la discussion du projet de loi de finances pour 2016.
Monsieur le sénateur Mercier, nous ne pouvons pas être plus précis. Le projet de loi de finances devant être prêt en septembre ou en octobre, nous disposons d’une dizaine de mois pour élaborer la réforme de la DGF, avec le Parlement, en premier lieu, mais aussi avec le CFL.
Tel est l’engagement que je prends ce soir devant le Sénat, au nom du Gouvernement.
M. Bruno Sido. Bravo !
M. le président. En conséquence, l'amendement n° II-273 rectifié ter n'a plus d'objet.
Mes chers collègues, comme nous en sommes convenus en début d’après-midi, la suite de la discussion des articles rattachés à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » est renvoyée à la séance du samedi 6 décembre.
5
Communication d'un avis sur un projet de nomination
M. le président. Conformément à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 et à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi qu’à l’article L. 1412-2 du code de la santé publique, la commission des affaires sociales, lors de sa réunion du 2 décembre 2014, a émis un vote favorable - 24 voix pour, 5 bulletins blancs - à la nomination de M. Jean-Claude Ameisen aux fonctions de président du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et la santé.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Loi de finances pour 2015
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale.
Aide publique au développement
Compte de concours financiers : Prêts à des États étrangers
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi que du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
La parole est à M. Yvon Collin, rapporteur spécial.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, 2,8 milliards d’euros en crédits de paiement sont inscrits dans le présent projet de loi de finances au titre de la mission « Aide publique au développement » et 1,5 milliard d’euros au titre du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
Avant de commenter précisément l’évolution de ces crédits – et, à travers eux, de la politique française d’aide publique au développement –, je souhaiterais tout d’abord les replacer dans le contexte international et examiner la politique menée en la matière par les principaux donateurs.
Sur un plan global, les chiffres les plus récents dont nous disposons sont ceux de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, qui concernent l’année 2013.
Les deux dernières années avaient été marquées par des baisses importantes, dans le prolongement de la crise financière de 2008 et des turbulences de la zone euro. En 2013, en revanche, l’aide internationale atteint son plus haut niveau historique, pour s’établir à 135 milliards de dollars environ.
Dix-sept des vingt-huit pays membres du Comité d’aide au développement de l’OCDE ont augmenté leur aide. À l’inverse, onze pays ont diminué la leur.
En termes de hiérarchie, les États-Unis demeurent le premier pays contributeur en volume, devant le Royaume-Uni, qui conforte sa deuxième place devant l’Allemagne. La France perd une place et se retrouve désormais en cinquième position, derrière le Japon, avec 11,4 milliards de dollars.
Si l’on s’intéresse au montant de l’aide rapporté au revenu national brut, le RNB, les cinq premiers pays sont la Norvège, la Suède, le Luxembourg, le Danemark et le Royaume-Uni.
Ces cinq pays sont également les seuls à respecter l’engagement de consacrer 0,7 % de leur RNB à l’aide au développement. On notera que le Royaume-Uni respecte pour la première année cet objectif, quand la France perd une place et se retrouve onzième, avec 0,41 % de son RNB consacré à l’aide publique au développement.
J’en viens maintenant au niveau de l’aide publique au développement française.
Tout d’abord, il faut préciser que les crédits de la mission « Aide publique au développement » ne constituent qu’une part de l’effort financier de notre pays en faveur du développement.
Cette mission représente ainsi environ un tiers de notre APD, à laquelle contribuent également d’autres missions budgétaires, notamment les missions « Recherche et enseignement supérieur », « Action extérieure de l’État » et « Immigration, asile et intégration ».
À ces crédits budgétaires, il faut ajouter la contribution des prêts, les ressources provenant de la taxe sur les billets d’avion et de la taxe sur les transactions financières, ainsi que la quote-part française de l’aide transitant par le budget communautaire.
L’aide de la France diminue depuis un maximum atteint en 2010. Le Gouvernement prévoit que la baisse se prolongera en 2014, avant un rebond en 2015 et une stabilisation autour de 9,3 milliards d’euros.
Ces prévisions doivent néanmoins être relativisées, car elles pèchent souvent par optimisme, comme nous l’avons montré dans le rapport spécial. Ainsi, l’APD au titre de 2012 a successivement été estimée à 10,5 milliards d’euros en 2012, avant d’être revue à 9,7 milliards en 2013, puis à 9,4 milliards d’euros en 2014 et, enfin, à 8,9 milliards d’euros cette année, soit un écart à la prévision de 15 %.
J’en viens à la programmation triennale de la mission « Aide publique au développement ».
Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, en cours d’examen par le Parlement, prévoit une diminution de 7,3 % des crédits de paiement de la mission en 2017 par rapport à 2014, soit une baisse de 214 millions d’euros sur trois ans. Ces chiffres confirment – et accentuent – l’évolution à la baisse prévue dans la précédente loi de programmation. Ainsi, si l’on compare le plafond de 2017 au plafond de 2011, on constate une baisse de près de 20 % en six ans, soit de 650 millions d’euros.
Si l’on compare cette fois l’évolution de cette mission par rapport à celle des autres missions sur la période 2015-2017, on observe qu’elle sera, proportionnellement, l’une des plus touchées : elle est la septième mission dont les crédits baissent le plus, en pourcentage, à l’horizon 2017.
Cependant, il est vrai que cette baisse des crédits budgétaires doit être relativisée, dans la mesure où la hausse du produit des taxes affectées la compense partiellement.
Il s’agit de la taxe sur les billets d’avion et de la taxe sur les transactions financières, qui devraient apporter environ 92 millions d’euros de ressources supplémentaires en 2017 par rapport à 2014.
Si l’on prend en compte ces sources de financement, la baisse des moyens de la politique d’aide publique au développement entre 2017 et 2014 se trouve pratiquement divisée par deux, passant de 214 millions d’euros à 120 millions d’euros, ou de moins 7,3 % à moins 4,2 %.
Certes, lorsqu’elles ont été instituées, ces taxes affectées avaient été présentées, faut-il le rappeler, comme des moyens supplémentaires, et non comme venant compenser la suppression de crédits budgétaires.
Le Royaume-Uni, malgré une politique rigoureuse de redressement de ses finances publiques et de réduction de ses dépenses, a sanctuarisé cette politique et en a même augmenté les crédits, ce qui lui permet aujourd’hui d’atteindre l’objectif de 0,7 % du RNB.
Cependant, madame la secrétaire d’État, dans le contexte économique et financier que connaît notre pays et qui conduit à des choix douloureux dans tous les domaines de l’action publique, la baisse des moyens demeure relativement maîtrisée ; il faut le reconnaître.
Comme je le disais au début de mon intervention, les crédits de la mission s’élèvent dans le projet de loi de finances pour 2015 à 2,82 milliards d’euros en crédits de paiement, en baisse de 2,9 %, soit de 83,3 millions d’euros, par rapport à 2014. Cette diminution s’explique notamment par la baisse des crédits consacrés aux annulations de dettes au titre du programme 110, qui diminuent de 50,9 millions d’euros.
Les économies réalisées sur les dépenses de personnel - 4,4 millions d’euros -, sur les dispositifs de coopération bilatérale - 7 millions d’euros - et liées à la fin des actions menées dans le cadre de la politique de codéveloppement - 8,5 millions d’euros - permettent de compenser la hausse de la contribution au Fonds européen de développement, qui augmente de 22,9 millions d’euros.
Enfin, la baisse des crédits de la mission s’explique également par la diminution de 32,4 millions d’euros des moyens alloués à divers dispositifs de coopération multilatérale du programme 209, qui est néanmoins compensée en grande partie par une hausse du produit de la taxe sur les transactions financières.
L’Assemblée nationale a substantiellement modifié les crédits de la mission.
En première délibération, elle a transféré 35 millions d’euros du programme 110 au programme 209, afin de privilégier les dons par rapport aux prêts ; nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir ultérieurement.
En seconde délibération, nos collègues députés ont, sur l’initiative du Gouvernement, minoré de 11 millions d’euros supplémentaires les crédits du programme 110.
Par ailleurs, le Gouvernement a également prévu que 40 millions d’euros soient dégagés au sein du programme 209 pour financer des actions contre l’épidémie de fièvre Ebola, au titre de ce même programme 209. Cela ne se traduit donc par aucun mouvement de crédits au sein du programme.
J’en viens au compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », qui retrace des opérations de versement et de remboursement relatives aux prêts accordés aux pays en développement, ainsi que, depuis 2010, à la Grèce.
L’évolution des crédits du programme « Réserve pays émergents », ou RPE, qui est l’un de nos principaux outils d’aide liée, commence à devenir inquiétante : ils diminuent à nouveau de 30 millions d’euros en autorisations d’engagement, pour atteindre 330 millions d’euros, quand ils s’élevaient encore à 400 millions d’euros en 2010.
Surtout, je m’inquiète fortement de l’évolution annoncée de la RPE. L’article 3 du projet de loi de finances rectificative pour 2014, que nous examinerons d’ici à quelques jours, prévoit de transformer, au détour d’un collectif de fin d’année, un outil d’aide publique au développement en un outil d’aide à l’exportation.
Aujourd’hui, la RPE sert à financer des biens et services vendus par des entreprises françaises dans le cadre de projets d’aide publique au développement. L’intention du Gouvernement, semble-t-il, est de faire en sorte que, demain, cet outil soit utilisé comme aide à l’exportation. Il permettra toujours d’aider des entreprises françaises, mais sans plus avoir, madame la secrétaire d’État, aucun objectif de développement, ce que l’on est en droit de regretter. J’aimerais que vous nous fournissiez quelques explications sur ce point.
Après avoir examiné l’évolution globale des crédits de la mission et du compte de concours financiers, je souhaite maintenant examiner spécifiquement certaines évolutions.
L’Agence française de développement, l’AFD, reçoit des subventions pour financer des projets sous forme de dons. Si l’on intègre les crédits de l’aide technique, ces moyens sont parfaitement stables en autorisations d’engagement et en très légère baisse en crédits de paiement.
Par ailleurs, l’AFD intervient dans les États étrangers en accordant des prêts, plus ou moins concessionnels, sous plusieurs formes.
Lorsqu’elle se finance aux conditions du marché, l’AFD réduit le taux d’intérêt proposé aux bénéficiaires de ses concours grâce aux bonifications de prêts que lui accorde l’État. Celles-ci représenteront 178 millions d’euros en crédits de paiement en 2015.
La hausse de 8 millions d’euros des crédits en autorisations d’engagement s’explique par l’augmentation attendue des financements de l’AFD en Afrique sur la période 2014-2018.
Par ailleurs, l’AFD bénéficie de la part de l’État d’une « ressource à condition spéciale » – RCS –, sous la forme d’un prêt à des termes préférentiels. La hausse importante de la RCS, en autorisations d’engagement, s’explique par un prêt de 430 millions d’euros de la France à la Banque mondiale, géré par l’AFD.
Ces deux ressources – bonifications et RCS – devraient contribuer à l’aide publique au développement de la France en 2015 à hauteur de 1 845 millions d’euros.
Je souhaite également aborder la question du renforcement des fonds propres de l’AFD, sujet dont Fabienne Keller et moi avons souvent parlé.
La nécessité de respecter les ratios bancaires limite la capacité de l’AFD à prendre de nouveaux engagements dans de nombreux pays. D’ores et déjà, les signatures de nouvelles conventions de prêts en faveur du Maroc, par exemple, se trouvent limitées aux remboursements en capital.
Le renforcement des fonds propres de l’AFD, qui constitue donc une bonne nouvelle, passera par une diminution du dividende versé à l’État, une amélioration de son résultat net et, enfin, la conversion d’une partie de la RCS en véritables fonds propres, à hauteur de 840 millions d’euros.
Ainsi, au titre de l’année 2015, 280 millions d’euros de crédits de paiement sont supprimés de la RCS par rapport à l’an dernier, l’État ayant acquis, pour un même montant, des titres subordonnés de l’AFD, à partir du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ».
Au final, les moyens de l’AFD sont préservés, voire légèrement renforcés, en phase avec les objectifs qui lui ont été fixés dans le contrat d’objectifs et de moyens pour les années 2014-2016, lequel prévoit une progression de 9 % de ses engagements en trois ans.
L’examen des crédits de l’aide humanitaire est surtout l’occasion d’évoquer les moyens mis en place par la France pour lutter contre l’épidémie de fièvre Ebola.
Le Président de la République a annoncé un effort financier de 100 millions d’euros, dont 20 millions d’euros mis immédiatement à disposition, provenant de redéploiements de crédits en fin de gestion 2014.
Sur les 80 millions d’euros supplémentaires devant être inscrits au budget pour 2015, 40 millions d’euros ont été ouverts sur la présente mission, par redéploiements internes.
S’agissant de l’évolution des crédits des autres dispositifs d’aide bilatérale, on peut noter que le Fonds de solidarité prioritaire, le FSP, qui est l’instrument d’aide projet du ministère des affaires étrangères, voit ses crédits baisser de 10 %, ceux-ci passant de 50 millions à 45 millions d’euros en autorisations d’engagement.
Les crédits pour 2015 concernant le traitement de la dette des pays pauvres sont relativement stables, sauf pour les annulations de dette bilatérale, dont les crédits de paiement sont en diminution de 50 millions d’euros environ.
Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, le FMLSTP, qui permet de financer des programmes de lutte contre ces maladies, perçoit 187 millions d’euros, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, complétés par 173 millions d’euros provenant du Fonds de solidarité pour le développement, à partir des taxes affectées. La contribution de la France au FMLSTP est donc maintenue à 360 millions d’euros, la baisse de 30 millions d’euros des crédits budgétaires étant entièrement compensée.
La mission « Aide publique au développement » porte également les crédits de la contribution française au Fonds européen de développement, le FED, principal instrument de l’aide européenne à destination des pays de la zone Afrique, Caraïbes et Pacifique.
Cet outil se situe hors budget communautaire, et les contributions des États membres relèvent donc d’une clé de répartition différente. La France a obtenu une diminution de sa clé de répartition. Cependant, le montant global du FED étant en hausse, sa contribution l’est aussi.
Enfin, les crédits de personnel sont en baisse de 2,1 %, soit une économie de 4,4 millions d’euros.
En conclusion, compte tenu des observations qui ont été présentées, la commission des finances, dans son immense sagesse (Sourires.), propose au Sénat d’adopter sans modification les crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi que ceux du compte de concours financiers « Prêts à des états étrangers ». (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme Françoise Laborde et M. Jacques Mézard. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Henri de Raincourt, rapporteur pour avis. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, le Parlement a pu débattre cette année, pour la première fois sous la Ve République, d’une loi-cadre d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.
Le Sénat, je le crois, a utilement contribué à ce débat et au cheminement parlementaire de ce texte particulièrement important, à un moment où – nous le constatons tous – le monde change de manière forte et rapide.
De nombreux pays peuvent maintenant être considérés comme développés ou presque développés. L’Asie – de manière spectaculaire –, mais aussi l’Afrique, ont connu et connaissent encore des taux de croissance économique qui leur assurent un niveau certain de développement. Le centre de gravité de notre monde est bien en train de basculer.
Pour autant, les progrès sont très inégalement répartis, à la fois entre les pays et entre les populations à l’intérieur d’un même pays : nous savons bien qu’en Chine ou au Brésil persistent des poches de pauvreté inquiétantes, alors même que des centaines de millions de personnes rejoignent la classe moyenne. Ces inégalités justifient à elles seules de poursuivre notre effort en faveur du développement.
Certes, la pauvreté recule très sensiblement, mais le nombre de pauvres continue de progresser. Ce paradoxe, qui peut paraître déroutant, doit guider notre action.
En 2015, l’ONU devrait décider de faire converger au sein d’un seul agenda les objectifs du millénaire pour le développement, qui arrivent à échéance, et les objectifs du développement durable. Cette convergence politique sera amplifiée par la tenue de la conférence Paris 2015, dont tout le monde attend qu’elle réussisse à apporter des réponses décisives au dérèglement climatique.
Toutefois, madame la secrétaire d’État, la focalisation sur les questions de développement durable ne doit pas masquer la nécessité de continuer à soutenir les services de base rendus aux populations des pays en développement.
Alors que la population mondiale devrait continuer de croître et atteindre plus de 9 milliards d’habitants en 2050, celle de l’Afrique devrait doubler, pour atteindre 2 milliards de personnes. Réussir la transition démographique implique de soutenir l’éducation, la santé et les autres services publics.
Cette croissance démographique nécessitera en outre une augmentation de la production alimentaire mondiale d’au moins 70 %. Un peu plus de 800 millions de personnes continuent aujourd’hui de souffrir de malnutrition, et plus de 2 milliards de carences en micronutriments. N’oublions pas trop vite les émeutes de la faim !
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Henri de Raincourt, rapporteur pour avis. Les dernières ont eu lieu en 2007 et en 2008, c’est-à-dire quasiment hier. L’évolution des cours mondiaux des matières premières peut, malheureusement, contribuer à les faire ressurgir à tout moment.
On le voit, la politique d’aide au développement conserve toute sa légitimité pour façonner le monde de demain et faire face aux grands défis auxquels nous sommes tous collectivement confrontés : le changement climatique, la transition démographique, les épidémies, les migrations, la nutrition, mais aussi la sécurité et la stabilité, lesquelles sont indissociables du développement.
Un récent sondage montre d’ailleurs que 63 % des Français approuvent le fait que la France s’engage en faveur du développement.
Dans ce contexte d’ensemble, les crédits de la mission « Aide publique au développement », comme l’a brillamment exposé notre excellent collègue Yvon Collin, continuent de suivre une pente peu favorable.
Madame la secrétaire d’État, nous pouvons comprendre que, dans une période exceptionnelle, des mesures exceptionnelles soient prises, mais encore faut-il qu’elles soient limitées dans le temps, de façon à ne pas trop affaiblir le socle de cette politique de développement dont la France peut et doit légitimement être fière.
Je voudrais maintenant vous faire part de deux inquiétudes.
Tout d’abord, le projet de loi de finances rectificative pour 2014, récemment déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, prévoit de supprimer la « Réserve pays émergents », pour la transformer en un soutien général aux exportations françaises.
Cette réserve, dont nous parlons peu dans notre commission, car elle ne relève pas de la mission « Aide publique au développement », permet de financer, dans les pays émergents, des projets d’infrastructures réalisés par des entreprises françaises.
Or l’article 3 de ce projet de loi de finances rectificative élargit le champ de cet outil, au risque de le dénaturer, pour en faire un instrument général d’aide à l’export. Madame la secrétaire d’État, je souhaiterais que vous nous donniez des explications sur ce sujet.
Je voudrais conclure mon intervention en disant un mot des financements innovants, dont le Gouvernement a engagé la revalorisation.
Je vous conjure, madame la secrétaire d’État, de ne pas vous laisser entraîner dans une logique de substitution aux crédits budgétaires.
Cela serait contraire à l’esprit qui a prévalu à la création de la taxe sur les billets d’avion et à la résolution des Nations unies : les financements innovants doivent venir en complément, et non en substitution ; ce serait trop commode…
Je regrette également que la taxe de solidarité sur les billets d’avion subisse un écrêtement d’environ 12 millions d’euros à partir de 2015 du fait de l’application uniforme du plafond décidé dans la précédente loi de finances. Notre pays peut ainsi brouiller le message pourtant volontariste qu’il entend adresser aux acteurs de la politique de développement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. Alain Joyandet. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteur pour avis.
Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’évoquer les crédits pour 2015 de la mission « Aide publique au développement », je désire revenir brièvement sur les efforts importants consentis par le Gouvernement en matière de financements dits « innovants », à travers deux exemples.
Premièrement, le Gouvernement a revalorisé de 12,7 % la taxe sur les billets d’avion, qui n’avait pas été actualisée depuis plusieurs années.
Deuxièmement, c’est bien ce gouvernement qui, dans le prolongement des rapports demandés en 2003 et en 2011, a souhaité montrer l’exemple à nos partenaires européens en instituant à compter du 1er août 2012 la taxe sur les transactions financières. Rappelons pour mémoire qu’une partie en est affectée au financement de l’aide au développement. Or, depuis lors, le Gouvernement a régulièrement rehaussé la part des recettes de la taxe affectée au développement, en la portant de 10 % en 2013 à 25 % à l’horizon 2015. Si le plafond applicable à cette part limite encore les recettes effectivement perçues au profit du développement, il a sensiblement augmenté, passant de 60 millions d’euros en 2013 à 100 millions d’euros en 2014, puis à 140 millions d’euros en 2015, le Gouvernement ayant annoncé son intention de le porter à 160 millions d’euros à compter de 2016.
En résumé, la taxe sur les billets d’avion apportera 25 millions d’euros de plus par an au développement, et la taxe sur les transactions financières rapportera respectivement 40 millions d’euros et 20 millions d’euros de plus en 2015 et en 2016. En cette période de négociations tendues avec Bercy, ce résultat mérite d’être souligné. Pour autant, cette augmentation significative des recettes ne doit pas être perçue comme venant en substitution de crédits budgétaires ; ce serait un mauvais signal.
Pour en venir plus directement au projet de loi de finances, j’évoquerai la ligne budgétaire qui compense les décisions d’annulations de dette prises par la France. Elle diminue fortement, au même rythme que le nombre de pays surendettés. Ce mouvement est donc, paradoxalement, positif. Sans cette ligne de crédits, qui suit une logique spécifique, les crédits de la mission baisseraient de 1 %.
Les financements multilatéraux représentent 58 % de la mission. Cela tend à rigidifier l’enveloppe, car les décisions les concernant ont un caractère pluriannuel et obligatoire. Il existe un débat récurent sur l’équilibre entre le bilatéral et le multilatéral. Si le multilatéral permet un effet de levier important, il tend aussi à diluer l’action de la France. Avec mon corapporteur pour avis, nous souhaitons d’ailleurs travailler plus spécifiquement sur la question l’année prochaine. Il est à tout le moins essentiel de rationaliser le paysage des organisations multilatérales, où l’on constate des redondances. C’est particulièrement important au moment où la communauté internationale va massivement investir dans le Fonds vert pour le climat, qui ne doit pas faire doublon avec des institutions existantes.
Pour le reste, je retiens que le Gouvernement a décidé de préserver au maximum les crédits d’intervention de la mission.
Ainsi les dons-projets, autre terme pour qualifier les subventions, étaient stables en crédits de paiement et progressaient même légèrement en autorisations d’engagement dans le projet de loi de finances initialement déposé par le Gouvernement. À la suite d’un amendement adopté à l’unanimité par les députés, la somme allouée à ces dons-projets a été majorée de 35 millions d’euros, au détriment des bonifications de prêts versées à l’Agence française de développement, l’AFD. Les engagements atteindraient ainsi 368 millions d’euros en 2015, soit une progression de 11,5 % par rapport à 2014. Nous ne souhaitons pas opposer les prêts aux dons, deux outils complémentaires. D’ailleurs, la commission a validé l’amendement tendant à redonner aux dons-projets un niveau plus en conformité avec nos ambitions. Il me semble en outre que ces 35 millions d’euros n’aggravent pas les charges de l’État et sont essentiels pour venir en aide aux populations les plus pauvres.
Pour autant, il est certain que ce transfert pèse fortement sur le programme 110 de la mission. Cela pourrait, le cas échéant, se révéler contre-productif. Nous aurons ce débat à l’occasion de l’examen de l’amendement déposé par le Gouvernement.
Alors que la programmation des finances publiques ne laisse pas augurer un redressement des crédits de la mission, je crois que le Gouvernement doit s’atteler au plus tôt à des réformes structurelles s’il veut garantir la pérennité de ses engagements.
Ainsi, l’effort demandé cette année encore sur les dépenses de personnel ne peut pas être mis en place indistinctement. Le Gouvernement doit par exemple envisager d’aller nettement plus loin dans le rapprochement des réseaux à l’étranger, en particulier entre les bureaux de l’AFD et les services de coopération et d’action culturelle.
En outre, même s’il s’agit d’une question aussi ancienne que la politique de développement elle-même, nous ne devons pas nous résigner à un éparpillement des acteurs publics de l’aide au développement. Plusieurs lignes budgétaires montrent clairement des doublons importants entre le ministère de l’économie et le ministère des affaires étrangères. Cela ne peut qu’augmenter les coûts de gestion et diminuer l’efficacité et la portée de notre aide. Je sais bien que cette critique est ancienne, mais la baisse continue des crédits nous impose d’agir, sous peine d’affaiblir considérablement le rayonnement de la France.
Comme je l’ai fait en commission, je voudrais saluer l’action de la France dans deux secteurs très différents et pourtant essentiels en matière de développement.
D’une part, en matière de santé, la France prend toute sa part dans la lutte contre le virus Ebola, comme l’a montré la visite du Président de la République vendredi dernier en Guinée. D’autre part, le ministère de la défense, notamment grâce au service de santé des armées, participe à cet effort, ce qui montre bien que la politique de développement doit être pensée de manière globale.
Si l’on accepte avec André Maurois de considérer que les pays ont l’âge de leurs finances, le financement de l’APD a atteint l’âge adulte. La commission des affaires étrangères, à la fois consciente des difficultés budgétaires actuelles et vigilante sur les différents points évoqués par Henri de Raincourt et moi-même, a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe UDI-UC. – MM. Bruno Sido et Jean-Paul Emorine applaudissent également.)
M. Alain Joyandet. Très bien !
Mme la présidente. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous faisons face à un paradoxe historique. L’aide publique au développement fait partie des missions les plus sollicitées au titre de l’effort de redressement de nos finances publiques. Comme le dit l’adage : « Charité bien ordonnée commence par soi-même ». Toutefois, je ne crois pas que l’on puisse analyser les crédits de cette mission comme une variable d’ajustement budgétaire. On ne peut pas faire d’économie sur l’aide au développement, qui est une nécessité absolue.
Ce postulat est l’un des axes majeurs du travail de l’UDI. Le développement de l’« Europe-Afrique » doit effectivement devenir une priorité absolue. Pour nous, l’Afrique peut devenir un relais de croissance pour la France et pour l’Europe. Je ne peux démarrer mon propos sans rendre hommage à l’action actuelle de Jean-Louis Borloo, qui s’est engagé dans un projet de fondation pour l’énergie en Afrique.
Que nous dit-il ? « L’Afrique est en panne, faute d’électricité : 70 % des Africains n’ont ni lumière, ni électricité, ni énergie ». Pour lui, « l’obscurité appelle l’obscurantisme ». En effet, « l’absence d’énergie, c’est le risque de chaos, de déstabilisation et de pauvreté. Le choix est simple. Ou l’Afrique sera le continent des drames du XXIe siècle pour elle comme pour nous, ou elle sera celui d’un grand développement et un relais de croissance pour la France et pour l’Europe. Le destin de l’Europe et de l’Afrique sont liés. » Il pose aussi la question : « Si l’on continue comme cela, que va-t-on faire ? Dresser des murailles entre l’Afrique et nous, pour empêcher l’arrivée des réfugiés climatiques et des enfants de la grande pauvreté ? »
La Méditerranée est désormais le théâtre régulier de drames qui heurtent nos consciences. Il ne serait pas à notre honneur de dépenser sans compter pour notre protection sociale au détriment de notre responsabilité à l’égard de notre prochain, qui vit dans le dénuement, au prétexte qu’il serait né sur un autre continent.
Pourtant, alors que nous avons atteint un plus haut historique mondial en 2013, avec 134,8 milliards de dollars versés par les pays membres du Comité d’aide au développement, l’aide de la France a fortement diminué ces dernières années, passant de 0,5 % de son revenu national brut en 2010 à 0,41 % en 2013.
C’est ici que se loge le paradoxe. Comment pouvons-nous rogner l’aide publique au développement alors que nous avions décidé de l’augmenter et que sa faiblesse passée a conduit à la fois à la prolifération des mouvements terroristes, contre lesquels nous combattons au Mali, et, à l’arrivée, de nombreux migrants, que nous peinons à accueillir dignement en France ?
Les deniers publics se font plus rares chaque jour, à mesure que la crise économique s’approfondit. La France doit affronter deux défis pour honorer son rang et maintenir sa politique d’aide au développement.
Le premier défi est le financement de l’aide publique au développement.
En effet, dans le rapport annexé à la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, que le Sénat a examinée au printemps dernier, un seul petit paragraphe était consacré aux financements innovants de l’aide publique au développement. Nous connaissons la taxe sur les transactions financières et, bien entendu, la taxe sur les billets d’avion. Je salue Yves Pozzo di Borgo, qui travaille beaucoup sur le sujet. L’idée est d’affecter des ressources stables et dynamiques au financement de notre politique de solidarité internationale. À l’instar des précédents orateurs, je rappelle que ces ressources n’ont pas vocation à devenir un substitut à l’engagement budgétaire de l’État. Il s’agit d’un complément, d’un additif, et non d’un produit de substitution.
En l’espèce, on peut se féliciter que le présent projet de loi de finances, du moins d’après l’analyse qui en est faite par nos rapporteurs spéciaux, porte la trace du dynamisme des recettes affectées au financement de l’aide. D’après les travaux de nos rapporteurs, les financements innovants auraient permis de récolter près de 92 millions d’euros de plus que l’année précédente.
Les recettes sont donc particulièrement dynamiques. Prenons l’exemple de la taxe sur les transactions financières, dont près de 100 millions d’euros du produit ont été affectés l’an passé à l’APD. En 2015, ce montant sera porté à 140 millions d’euros, puis à 160 millions d’euros en prévisionnel pour 2016. Les recettes affectées semblent donc être en mesure de prendre le relais des crédits budgétaires prélevés sur le budget général de l’État.
Je le dis clairement, je regrette que l’État se défausse à ce point de ses responsabilités internationales et qu’il ne mesure pas pleinement la nature stratégique de cette mission. En l’état actuel, la prolifération de taxes fiscales ou parafiscales sur les transactions financières, les billets d’avion ou encore le numérique, comme certains commencent à l’imaginer, ne saurait remplacer l’engagement incontournable de l’État.
Le deuxième défi que nous avons à affronter est celui de la gestion de la réduction de la dépense.
On peut le regretter, mais les crédits globaux de l’APD baissent de 214 millions d’euros cette année, en dépit de la montée en puissance des ressources nouvelles.
Le défi a été relevé du côté gestionnaire. Ainsi, les moyens de l’Agence française de développement sont préservés, voire légèrement renforcés. C’est en phase avec les objectifs qui lui ont été fixés dans le contrat d’objectif et de moyens, ou COM, pour les années 2014-2016. Ce document prévoit une progression de 9 % de ses engagements en trois ans.
Principale innovation cette année, la mise en place de l’Agence française d’expertise technique internationale donnera plus de visibilité à la coopération technique française et permettra de centraliser les fonctions transversales, donc de réaliser des économies.
En revanche, du côté des dépenses d’intervention, je souhaiterais revenir sur la question du ciblage de notre aide au développement.
Je ne remettrai jamais en cause le principe de la solidarité internationale. En bon adepte des classiques, je rejoins Montesquieu, pour qui « le doux commerce » favorise les échanges entre les peuples. Autrement dit, la solidarité internationale est l’élément indispensable pour développer nos futurs partenaires économiques, et donc nos futurs relais de croissance économique à l’extérieur. Investir dans l’aide publique au développement revient donc à investir dans la croissance du commerce extérieur de demain.
Pour que ce théorème puisse se vérifier, encore faut-il que l’aide soit bien ciblée.
Le Brésil est le deuxième bénéficiaire de l’aide publique au développement française en Amérique du Sud. Est-ce qu’un pays émergent, membre du G20, peut encore être considéré comme un pays en voie de développement ? J’évoque le Brésil, mais je pourrais aussi prendre l’exemple du Mexique. Le défaut de ciblage est encore plus patent en Asie, où nous versons une partie de notre aide à la Chine et à l’Inde.
Bien évidemment, toutes ces situations ne sont pas exactement comparables. Certes, la pauvreté doit être combattue dans chaque pays, mais tous ces pays ne sont pas engagés dans la même trajectoire. Je souhaite donc qu’une évaluation poussée du ciblage de notre soutien international soit réalisée afin de mieux viser les pays ayant besoin prioritairement d’une aide de plus en plus difficile de financer.
À titre de comparaison internationale, le Royaume-Uni, malgré une politique rigoureuse de réduction de ses dépenses publiques, a sanctuarisé son aide publique au développement, et en a même augmenté les crédits, ce qui lui permet aujourd’hui d’atteindre l’objectif de 0,7 % du revenu national brut. J’aurais également pu citer l’Italie, qui s’inscrit dans la même démarche.
En France, nous avions également fixé l’objectif de 0,7%. Pourtant, nous peinons à atteindre les 0,5 %, tout comme nous avons également du mal à respecter nos engagements européens en matière de réduction du déficit public.
Les pays que je viens d’évoquer affrontent, comme nous, une crise économique grave, mais ils n’abandonnent pas pour autant leurs engagements en matière d’aide au développement.
L’aide publique au développement est une démarche qui nécessite un large consensus. Le groupe UDI-UC soutiendra l’adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, après la politique étrangère française dans son ensemble, nous examinons aujourd’hui les crédits de la mission « Aide publique au développement», qui voit malheureusement cette année encore son enveloppe totale diminuer de 2,9 % par rapport à 2014, pour s’établir à 2,8 milliards d’euros de crédits.
Conscients des contraintes budgétaires actuelles, les écologistes s’inquiètent toutefois de la baisse continue depuis 2010 de l’aide publique au développement. Alors qu’elle représentait 0,5 % du revenu national brut cette année-là, l’APD française a chuté à 0,41 % en 2013, bien loin de l’objectif international des 0,7 %.
Le drame sanitaire qui se joue en ce moment en Afrique nous rappelle tristement à quel point notre aide est primordiale.
Toutes les trois heures, c’est l’équivalent des victimes de l’attentat du World Trade Center en 2001 qui meurent de faim dans le monde. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, entre 75 millions et 250 millions d’Africains seront exposés à un risque accru de stress hydrique d’ici à 2020.
Rationaliser notre aide ne doit pas signifier l’abandonner !
Je reviendrai tout d’abord sur les crédits alloués à l’Agence française de développement, dont les moyens sont préservés, voire légèrement renforcés dans le budget 2015. Je m’interroge sur une telle tendance. Selon moi, cela ne répond pas à l’objectif de transparence qui a été mis en avant lors des débats du mois de mai dernier sur le pilotage de l’aide.
Ayant bénéficié d’un passe-droit, l’Agence française de développement s’est vu exonérer de tout type de contrôle ou de mesures contraignantes visant à en assurer une meilleure gestion. Or, selon un rapport publié le 4 novembre 2014 par l’ONG Eurodad, un grand nombre des intermédiaires par lesquels transitent les financements européens de l’aide au développement sont basés dans des paradis fiscaux.
Ainsi, près de 400 millions d’euros destinés aux pays en développement ont été injectés ces dix dernières années dans des sociétés basées dans des paradis fiscaux par Promotion et participation pour la coopération économique, ou PROPARCO, filiale de l’AFD. Toutes les dispositions ont-elles été prises pour mettre fin à ce qui pourrait s’apparenter à un scandale ?
En attendant, le groupe écologiste salue les modifications apportées à l’Assemblée nationale visant à transférer 35 millions d’euros des crédits de l’AFD en matière de bonification des prêts aux États étrangers vers la coopération bilatérale.
En effet, les programmes bilatéraux de renforcement institutionnel et de gouvernance sont essentiels pour notre politique non seulement de prévention des conflits, mais également d’accompagnement et de reconstruction dans des zones en crise.
Le Fonds de solidarité prioritaire, le FSP, est un instrument privilégié de la coopération bilatérale. Il vise à accompagner les seize pays pauvres prioritaires définis par la loi du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Or l’évolution à la baisse du fonds depuis 2010 est en contradiction avec le principe même de partenariats différenciés, consacré dans cette loi.
Au mois de mai 2013, le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, déclarait à juste titre : « Nous sommes en train de gagner la guerre au Mali ; il faut maintenant gagner la paix. »
Il s’agit non pas uniquement de sécuriser une zone, mais bel et bien d’apporter une aide, la plus complète qui soit, pour permettre un apaisement politique, économique et social global. Nous en avons la preuve tous les jours : le « tout sécuritaire » ne fonctionne pas.
C’est pourquoi nous devons sans cesse adapter notre aide aux enjeux d’aujourd’hui et de demain. Les débats que nous avons eus au sein de la Haute Assemblée au mois de mai dernier, lors de l’examen de notre politique de développement, ont mis en avant, à la grande satisfaction du groupe écologiste, l’impératif environnemental. En effet, nul ne peut aujourd’hui encore réfuter la prégnance du changement climatique sur le développement d’un pays.
Dans son rapport de mars 2014, ainsi que dans celui du début du mois de novembre, le GIEC a une nouvelle fois affirmé que le changement climatique affectait l’intégrité des États en fragilisant leur souveraineté, avec des répercussions sur les infrastructures étatiques les plus sensibles.
Est-il encore nécessaire d’expliciter devant vous les ravages dans les pays en développement des stress hydriques et nourriciers, de la course effrénée aux matières premières, de l’accaparement des terres rares ou encore des tensions énergétiques ?
La France se doit d’être pionnière dans ce domaine, et ce avant la tenue de la Conférence Paris Climat, ou COP 21, en 2015 ! Nous devons nous montrer ambitieux en termes de cohérence de nos politiques et de financement de projets en amont, afin que le débat sur le changement climatique avance.
À cet égard, je me réjouis de la reconnaissance des « pays en grande difficulté climatique » dans la politique de développement de la France. Madame la secrétaire d’État, l’enjeu climatique étant un enjeu mondial, dans quelle mesure la France pourrait-elle porter cette notion devant la communauté internationale dans le cadre de la COP 21 ?
La baisse continue des moyens alloués à notre politique d’aide envoie un message contradictoire aux pays en développement. Si le Fonds vert pour le climat est une initiative qui va dans le bon sens, les incertitudes demeurent quant aux modalités concrètes de son financement. Où en est-on à ce sujet ?
Madame la secrétaire d’État, au mois de mai dernier, nous regrettions tous l’absence d’un volet budgétaire dans la loi d’orientation et de programmation. Nous y voici. Toutefois, le groupe écologiste considère que ce budget n’est pas en adéquation avec les principes érigés dans notre politique de développement. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Aide publique au développement » est malheureusement l’illustration d’une politique dans laquelle le décalage entre les paroles et les actes est trop flagrant.
Madame la secrétaire d’État, votre bonne volonté et votre détermination ne sont pas en cause, mais votre tâche est rude pour réussir à nous convaincre que vous avez les moyens de votre politique et que vous maintenez les engagements du quinquennat. Tout prouve le contraire !
En effet, pour la cinquième année consécutive, les crédits engagés en « Aide publique au développement » baisseront de 2;7 % en 2015, soit une diminution de plus de 71 millions d’euros.
Si vous continuez sur cette pente triennale, il y aura eu, en 2017, sept années consécutives de baisse des crédits, avec un pic de 10 % en 2013.
Les 140 organisations non gouvernementales rassemblées au sein de Coordination Sud n’ont pas manqué de relever que cette orientation à la baisse des moyens accordés à l’APD était à contre-courant de la tendance mondiale. En effet, la moyenne internationale se situe autour des 6 %.
Ces organisations ont surtout souligné combien une telle évolution contredisait le discours officiel sur la stabilisation de l’aide française depuis l’élection de François Hollande. À ce rythme, cette baisse atteindrait même 20 % sur la durée du quinquennat.
La conséquence immédiate, c’est évidemment que notre pays ne tiendra pas son engagement de consacrer 0,7 % de son revenu national brut à l’APD en 2015, comme le font, par exemple, les Britanniques depuis deux ans.
Le seuil des 0,5 % avait été atteint en 2010. Depuis, votre collègue ministre des finances a reconnu les chiffres suivants : 0,40 % en 2013, 0,37% en 2014, 0,4 % prévu pour 2015, 0,49 % en 2016 et 2017.
Le résultat, c’est aussi que notre position parmi les grandes nations dans le combat pour l’éradication de la pauvreté et pour le développement s’est franchement détériorée. Selon les statistiques de l’OCDE, la France est devenue le cinquième bailleur, après les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Japon. Quand on se souvient que notre pays était au deuxième rang au milieu des années quatre-vingt-dix, on ne peut que déplorer la voie que vous suivez !
Cette tendance à la réduction des moyens que nous consacrons à de grandes causes se manifeste également dans le domaine de la francophonie. Le Président de la République a eu beau louer à Dakar ce week-end l’importance que doit jouer l’Organisation internationale de la francophonie, l’OIF, dans le développement des pays de l’espace francophone, il n’en reste pas moins que, en quatre ans, la France a diminué de moitié ses contributions volontaires au budget de l’organisation.
De tels reculs ne sont pas dignes de la France et de ce qu’elle représente encore pour de nombreux pays.
À l’heure où le virus Ebola ravage quelques pays africains, il n’est pas acceptable que la santé des plus pauvres fasse les frais du redressement des finances publiques.
Nous aurions pu nous féliciter que des moyens importants pour lutter contre le fléau soient mobilisés, mais la moitié de l’aide est financée par redéploiement, et non sous forme de dons.
Madame la secrétaire d’État, j’ai égrené ces pourcentages bien connus non pas pour vous accabler, mais simplement pour resituer votre budget dans son contexte et le mettre en perspective, car il n’est pas sans signification ; il illustre, dans ce domaine aussi, la politique d’austérité que mène le Gouvernement.
Celle-ci s’applique tout particulièrement à votre département ministériel. Si le budget est voté en l’état, on pourrait mécaniquement prévoir, selon l’expertise de l’ONG Oxfam France, que les crédits de l’APD seront treize fois plus touchés que le budget général entre 2015 et 2017.
Au-delà de ce constat, je vous reproche également d’user de quelques artifices pour atténuer la réalité des choses.
Ainsi, une partie de la taxe sur les transactions financières, ainsi que la taxe dite « Chirac » sur les billets d’avion servent à compenser la baisse de vos crédits. Pourtant, les deux taxes avaient vocation à constituer des recettes exceptionnelles.
Votre budget souffre aussi de problèmes structurels. Nous évoquons ces problèmes de manière récurrente au sein de notre commission, mais leur résolution est toujours renvoyée aux calendes grecques.
Ainsi, le volume global de l’APD, qui est de plus de 10 milliards d’euros, est artificiellement gonflé.
Nous savons tous ici que vous y comptabilisez notamment des allégements de dette et des dépenses pour l’éducation et l’accueil des réfugiés. Si tout cela était sincèrement à sa place, le volume global ne s’élèverait qu’à un peu moins de 8 milliards d’euros.
Dans le même ordre d’idées, la part des dons aux pays ne cesse de diminuer. Cela pose la question des orientations assignées à l’Agence française de développement.
Dans ces conditions, comment respecter le principe des priorités géographiques en direction de la liste de seize pays pauvres que nous avions établie dans la loi de programmation et d’orientation consacrée au développement et à la solidarité internationale ?
Pour mesurer la modestie de ces crédits, il faut savoir que chacun de ces seize pays pauvres prioritaires n’aura reçu en moyenne que 10 millions d’euros de subventions de l’AFD en 2014.
Le peu d’attention accordé par la France au développement des pays et des peuples qui en ont le plus besoin n’est pas qu’une affaire de finances publiques et de budget contraint. Cela révèle aussi une conception de l’aide au développement qui ne se fonde pas sur la solidarité internationale, ni sur de grands principes, ni sur des valeurs dont un pays comme le nôtre aurait quelques titres à se prévaloir.
J’irai même jusqu’à dire que cette conception étroitement mercantile entache l’image de notre pays. J’en veux pour preuve l’appréciation sévère qu’avait pu porter l’OCDE sur l’évolution de notre APD en 2013 : « La baisse des dons, en valeur absolue et relative, menace sérieusement la capacité d’intervention de la France dans les pays pauvres ou en crise […] et la met en marge des efforts de la communauté internationale qui ciblent la lutte contre la pauvreté. »
Je sais bien que notre pays n’a pas l’exclusivité de cette attitude. Les États membres de l’Union européenne n’ont-ils pas proposé de réduire de 45 millions d’euros leurs crédits d’engagement pour le développement ? Mais cela ne peut être une excuse derrière laquelle nous abriter.
Il n’en reste pas moins que nous donnons le mauvais exemple à la veille d’échéances décisives en matière de développement durable, comme la conférence de Paris sur le climat ou la conférence d’Addis-Abeba sur le financement du développement.
Pour cet ensemble de raisons, et parce que l’action de votre gouvernement est en trop profond décalage avec son discours, le groupe CRC votera contre le projet de budget que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Hue.
M. Robert Hue. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous mesurons tous parfaitement les enjeux de la politique d’aide au développement. Ils nous commandent de poursuivre nos efforts pour réduire la pauvreté dans le monde, qu’elle soit alimentaire, sanitaire et éducative, ces trois facettes étant bien sûr interdépendantes.
Je n’oublie pas la « pauvreté institutionnelle », cause ou conséquence de la misère. À l’aube du XXIe siècle, on compte encore beaucoup trop d’États aux institutions fragiles, notamment en Afrique, qui donnent prise à des régimes dits d’« anocratie », des régimes naviguant entre autorité et embryon de démocratie. Il y a aussi les États affaiblis par le djihad islamiste : le cas de l’Irak aux prises avec Daech nous le rappelle tragiquement. Ces situations sont déstabilisatrices pour les populations locales avant tout, mais aussi pour la sécurité du monde.
Plus de cinquante ans après les grandes luttes pour l’indépendance, il reste beaucoup à faire pour atteindre les fameux objectifs du Millénaire pour le développement. Si environ 700 millions de personnes sont sorties de la pauvreté depuis vingt-cinq ans, on dénombre malheureusement 870 millions de personnes sous-alimentées aujourd’hui dans le monde.
Dans ce contexte, l’aide publique au développement doit, à l’évidence, être plus que jamais encouragée. Après deux années difficiles dues à la crise financière, on constate un rebond de l’aide au développement des pays du Comité d’aide au développement en 2013 ; je m’en réjouis. Elle a en effet progressé de 6,1 % entre 2012 et 2013.
Il est en revanche regrettable que la France fasse partie des pays qui ont relâché leurs efforts. L’objectif de 0,7 % du revenu national brut consacré à l’aide publique au développement ne sera pas atteint, avec un chiffre de 0,41 % en 2013, en recul par rapport à 2012 contrairement au ratio de nos voisins britanniques, souvent cités en exemple.
Il est également dommage que la hausse du produit des taxes affectées vienne compenser la baisse des dotations budgétaires. Comme l’a souligné notre collègue rapporteur Yvon Collin, il sera nécessaire que notre pays adopte une trajectoire précise.
Au mois de juin dernier, nous avons approuvé de grands principes en adoptant la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, le rapport annexé mentionnant d’ailleurs l’objectif de 0,7 %. Il faudrait essayer de s’y tenir ! Cette loi avait également affirmé que l’efficacité de l’aide passerait par une concentration des actions tant géographiques que sectorielles. Dans cet esprit, le continent africain, et en particulier l’Afrique subsaharienne, a été désigné comme prioritaire. J’approuve ce choix.
En effet, l’Afrique est le continent qui concentre le plus de difficultés, malgré le décollage économique de plusieurs pays. Ce sont des pays africains qui se trouvent aux dernières places du classement selon l’indice de développement humain établi par le Programme de Nations unies pour le développement, le PNUD : le Mali, le Libéria, la Sierra Leone ou encore la Guinée figurent en toute fin de liste.
En Afrique, des crises institutionnelles à répétition minent encore les toutes jeunes démocraties, comme on l’a vu encore récemment au Burkina Faso.
Enfin, en Afrique, des drames sanitaires ravagent des populations, telle l’épidémie de fièvre Ebola, qui a déjà fait plus de 4 400 morts. À cet égard, j’aimerais savoir quelles sont les lignes budgétaires consacrées à la lutte contre les conséquences du virus. Le Président de la République avait fait des annonces. L’une concernait la mise à disposition immédiate de 20 millions d’euros. Où en sommes-nous ?
Au regard de ces conditions précaires, l’aide publique au développement est-elle conforme aux engagements décidés en faveur de l’Afrique par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, du 31 juillet 2013 ?
Si l’on s’en tient à l’aide bilatérale, l’Afrique est en effet majoritairement bénéficiaire de celle-ci à hauteur de 46 %. Mais veillons à ne pas réduire la part consacrée à l’Afrique subsaharienne, comme cela a été le cas entre 2012 et 2013.
Au sein des interventions de l’Agence française de développement, qui représentent, sur la période 2014-2016, 9,3 milliards d’euros d’autorisations de financement en Afrique subsaharienne et près de 2,1 milliards en Afrique du Nord, on constate un progrès, puisque ces crédits augmenteraient de 20 % par rapport aux trois années 2011, 2012 et 2013 : c’est une bonne chose. Néanmoins, je m’interroge sur la répartition prévisionnelle de ces fonds, qui fait la part belle aux prêts, au détriment des dons ; c’est d’ailleurs une constante. Or les prêts, qui appuient bien souvent les secteurs productifs, ne ciblent pas forcément les pays les plus pauvres. Aussi, si les dons vont bien en priorité vers l’Afrique, qu’en est-il des prêts ?
Madame la secrétaire d’État, les dix-sept pays pauvres prioritaires sont-ils les principaux bénéficiaires de l’aide publique au développement ? En tout cas, je l’espère, car vous connaissez mon attachement au continent africain, que je considère comme central, compte tenu notamment de sa dynamique démographique. Qu’on le veuille ou non, et les flux migratoires en attestent, le destin de la France et, au-delà, celui de l’Europe sont liés à l’Afrique, une Afrique qui doit être perçue comme une chance et avec laquelle l’Europe peut constituer un axe fort pour une coopération intelligente et porteuse de projets économiques responsables, sur le plan social et environnemental.
C’est pourquoi, sans méconnaître les contraintes budgétaires, et tout en émettant un avis favorable sur les crédits de cette mission, je souhaite, comme beaucoup de mes collègues, que l’aide publique au développement ne soit pas pénalisée au regard des enjeux de développement très forts dans le monde, en particulier de l’autre côté de la Méditerranée. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remplace ma collègue Joëlle Garriaud-Maylam, oratrice de notre groupe, qui souffre d’une extinction de voix.
Nous ne pouvons que constater le fossé entre notre engagement international de consacrer 0,7 % de notre revenu national brut à l’aide publique au développement et la réalité. Malgré la crise économique, le Royaume-Uni vient, lui, de réussir à atteindre ce seuil. C'est la preuve que, quand la volonté politique est là, tout est possible !
Le renoncement français est d’autant plus honteux que la toute nouvelle loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale avait, elle, réitéré un tel objectif.
Dans ce contexte budgétaire contraint, les financements innovants sont évidemment source d’espoir. Las ! Bruno Le Roux propose de supprimer la taxe de solidarité sur les billets d’avion, qui finance la lutte contre le sida. Une défection française dans ce domaine nuirait d’autant plus à notre image internationale que ce dispositif innovant, dont la France avait été pionnière, continue à attirer de nouveaux pays, par exemple le Maroc et le Japon.
Plus précisément, le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale souhaiterait transformer ce prélèvement en taxe sur le secteur de la grande distribution et le secteur bancaire. Or cette nouvelle assiette toucherait bien davantage les consommateurs à faibles revenus, alors que le surcoût actuel d’un à quatre euros par billet d’avion est parfaitement indolore. Que la proposition de M. Le Roux soit ou non retenue, le Gouvernement a déjà décidé en 2014 de plafonner cette taxe, avec des effets immédiats sur les recettes : une baisse de 12 millions d’euros en 2015, qui pourrait atteindre jusqu’à 21 millions d’euros en 2017 !
La taxe sur les transactions financières connaît également un problème d’assiette et manque largement sa cible en ne touchant ni les produits dérivés ni les transactions à haute fréquence. Les taxer aurait pourtant le double avantage d’être rémunérateur pour les finances publiques et de décourager une spéculation qui continue de faire peser de lourds périls sur notre système financier. Il est donc particulièrement regrettable que la France, non contente d’avoir instauré sur son territoire une taxe édulcorée, bien plus légère que celle existant au Royaume-Uni par exemple, fasse maintenant pression pour que la taxe européenne sur les transactions financières soit, elle aussi, vidée de son sens.
Je m’inquiète aussi du plafonnement du reversement de ces taxes au budget de l’aide publique au développement. Actuellement, seuls 15 % des bénéfices de la taxe sur les transactions financières sont censés être fléchés vers la solidarité internationale, mais avec un plafonnement à 100 millions d’euros. Dès lors, l’annonce d’un relèvement à 25 % de la part de cette taxe fléchée vers l’APD est quelque peu mensongère, puisqu’un plafonnement à 130 millions d’euros ou 140 millions d’euros empêchera largement cette aide de bénéficier de la montée en puissance du dispositif.
Il est donc de plus en plus clair que les financements innovants ne parviendront jamais à compenser le tarissement de l’aide publique. En effet, à contre-courant de la tendance mondiale, celle-ci aura diminué de 20 % entre 2011 et 2017. Dans ce contexte morose, sans doute faut-il se tourner vers nos voisins européens pour élaborer de nouveaux outils.
Il nous faut aussi réexaminer le rôle de l’État dans l’aide publique au développement. Voulons-nous camper dans la seule posture, forcément frustrante, du pourvoyeur d’une manne financière qui s’épuise ou sommes-nous prêts à nous impliquer politiquement, afin d’aider les pays en développement à lutter contre la corruption et à améliorer l’efficacité de leur système fiscal ? En ce sens, la responsabilité française est grande pour promouvoir des pratiques plus saines en matière de commerce international, d’investissement et de lutte contre les paradis fiscaux.
Ainsi que plusieurs collègues l’ont déjà largement évoqué, une part croissante de l’aide publique au développement française est consacrée à des prêts, au détriment des dons. Si la coopération avec les pays émergents pour faire face aux défis environnementaux et climatiques est légitime, elle ne doit pas se faire au détriment des subventions aux pays les moins avancés, incapables de recourir à de tels prêts. De même, si le prêt est un bon instrument pour des projets d’infrastructure, il est inadapté pour financer des actions dans les secteurs à but non lucratif, tels que la santé, l’alimentation, les droits des femmes ou l’éducation.
Or ces secteurs sont essentiels, non seulement pour le développement des pays concernés, mais aussi pour le renforcement d’une mondialisation mieux régulée et, par là même, pour la prévention ou la résolution de graves crises géopolitiques.
Je regrette la baisse de 10 % des crédits du FSP et le dépôt par le Gouvernement d’un amendement revenant sur le vote unanime des députés, qui visait à la limiter.
J’aimerais d’ailleurs connaître les conséquences de la diminution du budget du FSP sur le programme « 100 000 professeurs pour l’Afrique », visant à améliorer la qualité de l’enseignement en français, au moyen d’actions de formation des enseignants en Afrique. Cette initiative répond à la fois aux objectifs de l’aide publique au développement et à ceux de la francophonie, et il me semble important qu’elle continue à être suffisamment financée. Je remarque aussi que seuls 10 % des engagements de l’AFD ont été consacrés à l’éducation ou à la santé en 2013.
L’épidémie de fièvre Ebola illustre de manière dramatique les conséquences du désintérêt dont la communauté internationale a fait preuve à l’égard de la faiblesse du système de santé en Afrique. Faute d’avoir effectué un travail de prévention, des milliards seront maintenant nécessaires pour lutter contre la pandémie et remettre les économies des pays touchés à flot. Un appui logistique, humain et scientifique plus précoce aurait permis non seulement de sauver des milliers de vies, mais aussi de prévenir le coût faramineux d’Ebola pour les économies d’Afrique de l’Ouest.
Avant de conclure, je souhaiterais insister sur la nécessité d’investir pour les femmes, notamment pour leur éducation.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Très bien !
M. Bernard Fournier. Dans les pays en développement, près d’un tiers des jeunes filles ne terminent pas le cycle élémentaire.
On peut reconnaître à la politique française de développement quelques avancées, comme la création d’une Agence française d’expertise technique internationale, qui devrait améliorer la visibilité de la coopération technique française, et permettre de rationaliser les interventions. C’est pourquoi, malgré les réserves qui ont été exprimées, le groupe UMP votera ces crédits. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’ont rappelé les orateurs précédents, l’aide publique au développement prend toute sa part dans la réduction des déficits publics ; peut-être même un peu trop, serais-je tentée d’ajouter…
Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit en effet de réduire les crédits de près de 3 % cette année et de plus de 7 % jusqu’en 2017. À l’heure où le monde connaît de graves crises sécuritaires, sanitaires ou environnementales, n’est-il pourtant pas de la responsabilité des pays les plus développés d’aider les pays les plus pauvres ? C’est, me semble-t-il, la raison d’être de la politique publique d’aide au développement.
Bien entendu, la France n’est pas seule à avoir opté pour une réduction de son aide. Des pays eux aussi confrontés à des politiques de restrictions budgétaires, comme le Portugal ou le Canada, ont fait des choix similaires.
Cependant, d’autres pays ont nettement renforcé leur aide publique au développement. C’est le cas du Royaume-Uni, de l’Italie ou de la Norvège.
L’année passée, l’aide de la France était évaluée à 0,41 % de son revenu national brut, le RNB. Avec ces nouvelles restrictions, elle ne pourra atteindre l’objectif de 0,7 % du RNB, pourtant fixé à tous les pays dits « développés » dans le cadre des objectifs du Millénaire pour le développement. Je le déplore.
Cependant, je reconnais bien volontiers que, malgré ces choix difficiles et douloureux, notre pays reste un acteur incontournable de l’aide au développement, ce dont je me réjouis.
La France est le cinquième contributeur mondial derrière les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Japon. L’Agence française de développement, outil incontournable de l’aide publique au développement dans notre pays, voit d’ailleurs, conformément au contrat d’objectifs et de moyens 2014-2016, ses moyens confirmés et ses fonds propres renforcés. Dans ce contexte, cela doit naturellement être salué.
De plus, l’adoption en juillet 2014 de la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale montre le profond attachement de notre pays à cet outil et notre volonté d’inscrire l’aide au développement dans une nouvelle dynamique. La baisse des crédits nous oblige aujourd’hui à envisager autrement l’APD en matière de financement, d’efficacité, de transparence et de stratégie.
Ainsi que plusieurs collègues l’ont rappelé, de nouvelles sources de financement ont dû être identifiées. La taxe sur les transactions financières, qui sera désormais affectée à hauteur de 25 %, et non plus seulement de 15 %, pourra rapporter 140 millions d’euros en 2015 à l’APD. La taxe de solidarité sur les billets d’avion devrait également rapporter 210 millions d’euros.
L’apport de ces deux taxes n’est pas négligeable et permet de compenser partiellement la baisse des crédits, mais il ne doit en aucun cas se substituer à l’aide publique au développement.
Une réforme de la gestion des contrats de désendettement et de développement, les C2D, qui participent au financement de l’APD dans les pays pauvres très endettés pourrait également être la bienvenue. En effet, il n’y a pour ainsi dire pas eu d’évaluation de ce dispositif, dont je rappelle qu’il est une spécificité française. Pourtant, des lourdeurs existent manifestement et le fonctionnement demande à être amélioré.
Du fait des restrictions budgétaires que connaissent la majorité des États, le renforcement de la gestion de l’aide est aujourd’hui indispensable. Les principaux acteurs du développement ont récemment pris conscience que la question de l’efficacité revêtait la même importance que la question du volume d’aide. En 2011, le forum de Busan, en Corée du Sud, avait d’ailleurs déjà lancé le Partenariat mondial pour une coopération efficace au service du développement.
L’efficacité de l’aide est également une condition pour conserver le plein soutien des populations des pays contributeurs. On estime aujourd’hui que 68 % des Français privilégient l’augmentation ou le maintien du budget consacré à l’APD, ce qui est significatif. Il s’agit donc de conserver ce formidable et si précieux soutien.
Le renforcement de la transparence, souhaité dans la loi du 7 juillet 2014, participe aussi de cet objectif. Le lancement d’un site internet qui permettra une vision plus claire des fonds consacrés à l’aide au développement dans les pays dits « prioritaires » est un premier pas important. Il est aussi nécessaire d’améliorer la traçabilité de l’aide, notamment dans le domaine de l’eau et de l’assainissement. Plusieurs experts estiment qu’il est aujourd’hui impossible de suivre la subvention de 40 millions d’euros accordée à l’Initiative pour l’alimentation en eau et l’assainissement en milieu rural, l’IAEAR, de la Banque africaine de développement, car aucune information sur l’utilisation des fonds n’est rendue publique. Ce n’est qu’un exemple, mais il montre bien que des efforts restent à accomplir en matière de traçabilité des financements.
Par ailleurs, la question de la stratégie est également incontournable. Sur le plan géographique, il convient de cibler davantage les pays qui bénéficient de notre aide. Il est prévu que les seize pays pauvres prioritaires reçoivent à l’avenir 50 % de nos subventions, et que 85 % de l’effort financier de l’État soit orienté vers l’Afrique subsaharienne et la Méditerranée.
Sans remettre en cause l’aide, justifiée, que perçoivent les seize pays pauvres prioritaires, j’estime que l’APD française doit bénéficier en priorité aux pays africains francophones, qui nous sont historiquement, culturellement et économiquement liés. Compte tenu de la forte poussée démographique que connaît et que connaîtra l’Afrique dans les prochaines années, aider ces pays aujourd’hui doit aussi être considéré comme un investissement sur l’avenir.
Il est également vital de préciser nos choix thématiques. La santé – la terrible actualité récente en témoigne indéniablement – doit être une priorité.
Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme recevra 360 millions d’euros par an jusqu’en 2016. Face à l’épidémie de fièvre Ebola qui touche l’Afrique de l’Ouest depuis plusieurs mois et qui a déjà causé la mort de plus de 7 000 personnes, 100 millions d’euros ont été débloqués en urgence par la France, dont 20 millions d’euros immédiatement. Madame la secrétaire d’État, si un tel effort financier honore notre pays, je vous serai très reconnaissante de nous préciser sur quelles missions ces crédits seront pris.
M. Robert Hue. Bonne question !
Mme Claudine Lepage. L’éducation est également au cœur des enjeux de développement. Permettre l’accès de tous les enfants à l’école primaire était d’ailleurs l’un des huit objectifs du Millénaire pour le développement.
L’Agence française pour le développement consacre une part importante de ses dons-projets au financement de l’éducation et de la formation professionnelle. Cela démontre que la France considère l’éducation comme l’une des priorités de sa politique de développement. Ainsi, en 2013, sur 215 millions d’euros de dons-projets, l’AFD consacrait 53 millions d’euros à l’éducation et la formation professionnelle.
Le climat constitue une problématique d’autant plus importante que la France accueillera en décembre 2015 la conférence des Nations unies sur le changement climatique. Il est donc légitime que la France verse un milliard d’euros au Fonds vert, qui a comme principal objectif d’aider les pays en développement à lutter contre le réchauffement climatique.
Permettez-moi également d’évoquer la problématique des migrations clandestines et de leurs lots de souffrances. L’Europe est confrontée à un flux migratoire de plus en plus important, et les migrants sont prêts à prendre tous les risques pour quitter leur pays et fuir la guerre et la misère. Face à ce défi, la réponse apportée par les États et l’Union européenne est trop souvent uniquement sécuritaire, comme le montre le remplacement récent du dispositif Mare Nostrum par l’opération Triton.
Il est de notre devoir d’aider au développement économique et à la sécurisation des pays les plus pauvres. Et c’est bien de cette manière aussi que nous agirons concrètement et permettrons sur le long terme de diminuer l’immigration clandestine et le désespoir des populations dont elle est le signe.
Pour conclure, je souhaite aborder la situation des pays dans lesquels nos forces armées sont intervenues récemment et ont mené des opérations de maintien de la paix. Je pense particulièrement au Mali et à la République centrafricaine, deux pays qui ont des liens importants avec la France.
Au-delà de l’aspect militaire, il est primordial que la France consacre une part de ses financements au renforcement institutionnel et de la gouvernance de ces deux États. Aujourd’hui, les crédits consacrés au FSP, qui gère cette politique de coopération, sont trop faibles et ne permettent pas d’accompagner les États lors des périodes post-crises, alors même que les phases de reconstruction et de stabilisation sont primordiales pour le développement futur.
Vous l’aurez compris, le groupe socialiste votera les crédits de la mission « Aide publique au développement ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les chiffres, positifs ou négatifs, qui ont été rappelés. Tout le monde les connaît.
Je partage les propos de la plupart de mes collègues. D’ailleurs, on ne peut pas m’accuser de ne pas soutenir le Gouvernement dans le domaine de l’aide publique au développement. J’avais été l’un des deux membres de mon groupe à voter la loi du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. En effet, outre qu’il n’y avait pas eu de loi sur le sujet auparavant, je soutenais l’excellent travail du rapporteur Christian Cambon sur ce texte.
Notre politique d’aide au développement est ce qu’elle est. Nous faisons ce que nous pouvons. Certes, nous n’avons pas atteint l’objectif de 0,7 % du RNB. Mais rares sont ceux qui y parviennent, exception faite de la Norvège et d’un ou deux autres États.
Quoi qu’il en soit, nous sommes sur la bonne voie. Nous ne ferons pas de reproche au Gouvernement à cet égard, même si nous regrettons que notre pays ne se situe pas dans les normes et ne parvienne pas à réunir les sommes suffisantes pour intervenir. Je salue l’APD française et les initiatives prises en la matière.
Le problème que je souhaite évoquer concerne indirectement l’aide au développement.
L’aide et les subventions que nous versons justifient-elles que certains des pays concernés par notre politique, plutôt généreuse, oublient leur dette envers nos ressortissants ?
En effet, nombreux sont les Français retraités qui ont travaillé, voire ont effectué une bonne partie de leur carrière à l’étranger, en particulier en Afrique. Or plusieurs pays – je pense par exemple à la République de Djibouti – ne versent pas leurs pensions à certains de nos compatriotes.
Depuis ma première élection au Sénat en 1998, je n’ai eu de cesse d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur la situation.
En 2007, l’adoption d’un amendement que j’avais déposé a eu pour effet de suspendre la signature d’un document-cadre de partenariat avec le Congo jusqu’au déblocage du paiement des arriérés de pensions et à la reprise du versement des pensions courantes à nos ressortissants. J’avais reçu l’appui des collègues siégeant sur toutes les travées de la Haute Assemblée. À l’époque, plus de 500 Français ayant travaillé au Congo ne touchaient plus leur retraite depuis dix ou quinze ans ! Quelques jours après, le ministre des finances de l’époque s’inquiétait dans mon bureau du blocage de l’accord-cadre et me demandait de faire quelque chose… Du coup, le paiement des retraites a repris et tout s’est bien passé pendant quelque temps, malgré quelques aléas. Vous voyez, cela fonctionne : lorsqu’un accord-cadre est bloqué parce que le Parlement ne le vote pas, le Gouvernement doit réagir !
Je regrette de devoir cette année encore tirer la sonnette d’alarme pour nos compatriotes retraités qui se retrouvent à quémander les minima sociaux français, alors qu’ils ont travaillé et cotisé toute leur vie à l’étranger. La situation est intolérable. Madame la secrétaire d’État, je vous demande donc d’intervenir fortement auprès des ambassadeurs des pays défaillants pour que tous les cas individuels concernés soient régularisés au plus vite.
Par ailleurs, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, refuse d’appliquer la jurisprudence reconnaissant le bénéfice du cumul des conventions à nos compatriotes ayant travaillé dans plusieurs pays, notamment africains, liés à la France par une convention de sécurité sociale. Pourtant, un ressortissant français ayant travaillé dans plusieurs pays, lui, y a droit…
Ce faisant, la CNAV dénie aux pensionnés la possibilité d’additionner toutes leurs périodes d’activité. C’est d’autant plus inexplicable que l’arrêt de la Cour d’appel précise qu’« aucune règle issue du droit national, communautaire ou international ne s’oppose à l’application conjointe des deux accords bilatéraux ». Alors que ce point n’a pas été contesté en cassation, la Caisse n’applique pas la décision des tribunaux. C’est non seulement incompréhensible, mais aussi très préjudiciable pour nos ressortissants !
Certes, madame la secrétaire d’État, cela concerne au premier chef votre collègue chargée des affaires sociales. Mais il est clair que la position de la CNAV, outre son caractère injuste et contra legem, est un frein manifeste à l’expatriation des Français travaillant dans des pays que nous soutenons à travers l’APD.
Je pourrais voter les crédits de la mission, mais je n’ai pas très envie de le faire… (Sourires.) Je ne cherche pas à vous nuire, madame la secrétaire d’État, d’autant que vous occupez vos fonctions depuis peu de temps. J’aimerais simplement que vous preniez ce soir l’engagement d’intervenir – je ne vous demande évidemment pas de promettre de payer les retraites… – auprès des pays concernés ; je peux d’ailleurs vous en transmettre la liste. Cela a marché par le passé ! Certes, l’Assemblée nationale ne me suivra certainement pas cette fois ; c’est d’ailleurs pour cela que je n’ai pas déposé d’amendement. Mais, fort d’un tel engagement, je pourrai alors exprimer un vote favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues : « On ne peut tolérer que la mer Méditerranée devienne un grand cimetière ! »
Cette phrase terriblement significative a été prononcée la semaine dernière par le pape François, lors de son magnifique discours devant le Parlement européen, où il a notamment évoqué la place de l’Europe dans le monde, les missions importantes et les responsabilités de l’Union européenne. Le propos est issu d’un passage sur la question migratoire. Il n’est qu’à constater comment les médias se font régulièrement l’écho de la situation dramatique de migrants originaires notamment d’Afrique qui s’entassent sur de vieux bateaux sans aucune sécurité, avec l’espoir d’entrer en Europe, la plupart du temps sans-papiers, tant ils sont désespérés de leur avenir.
Cette situation ne peut que nous interpeller humainement, mais également parce que le nombre de candidats à l’immigration ne fait que progresser, ce qui n’est pas sans poser problème lors de leur arrivée sur notre territoire.
Ainsi que M. le rapporteur pour avis Henri de Raincourt l’a rappelé, l’Afrique compte aujourd’hui un milliard d’habitants. Les projections statistiques laissent entendre que le chiffre devrait atteindre 2 milliards en 2050. L’Europe est au premier chef concernée. C’est encore plus vrai pour notre pays compte tenu de son passé colonial et de sa présence dans de nombreux pays africains ayant pour langue le français. L’attentisme dont nous semblons faire preuve est irresponsable et inquiétant pour l’avenir. Il ne pourrait qu’être positif pour la France, tant économiquement que diplomatiquement, d’engager une vraie politique de coopération avec les pays qui le souhaitent.
Nous manquons simplement de logique, tout comme les autres pays occidentaux. Nos interventions humanitaires et sanitaires, en particulier auprès des enfants, notamment en développant les vaccinations, contribuent à diminuer la mortalité. C’est évidemment louable ; cela favorise l’augmentation plus rapide de la population. Mais, dans le même temps, les populations sont confrontées à des problèmes de développement et, de fait, à des problèmes alimentaires. Il est donc nécessaire d’accélérer et d’accentuer notre intervention.
Les nombreux projets de coopération engagés par des collectivités ou associations sont extrêmement importants, mais évidemment insuffisants pour répondre aux besoins. Il est indispensable aujourd’hui que nous réorganisions notre politique de coopération. L’Afrique a un potentiel suffisant pour assurer les besoins alimentaires, mais il est manifestement sous-exploité.
La France a une mission particulière à remplir en la matière. Pour avoir effectué pendant presque deux ans mon service militaire en Algérie, je me souviens de ces plantations d’orangers, de ces surfaces de vignobles et de ces immenses champs de céréales. L’Algérie, alors province française, fournissait du blé et d'autres produits à la métropole, et les exploitations utilisaient des matériels très modernes. L’indépendance, qui était normale et évidemment souhaitable, a probablement abouti à faire perdre de la compétence. Le rappel de tels éléments a pour objet non pas de faire l’apologie de cette époque, mais simplement de confirmer le potentiel dont disposent la plupart des pays africains, qui étaient dans la même situation.
Voilà quelques années, lors de la grave crise alimentaire qu’a connue le monde, j’ai reçu des collègues parlementaires du Sénégal, qui m’avaient exprimé leur inquiétude de voir se développer des émeutes dans leur pays. Quand je les ai interrogés sur leurs motifs de craintes, ils ont parlé des problèmes d’approvisionnement en riz, base alimentaire au Sénégal. L’élévation importante des prix sur le marché limitant les possibilités d’importation risquait d’aboutir à une pénurie, d’où leur crainte d’une réaction de la population. Ils ont aussitôt ajouté : « Ce que nous attendons de la France, c’est qu’elle nous aide à développer ces cultures. Les terres dont nous disposons peuvent nous permettre de produire le double de nos besoins pour le Sénégal, mais nous avons besoin que la France nous accompagne pour mettre en place ce développement. »
C’est à cela que nous devrions nous engager, avec l’accord des pays concernés. Peut-être devons-nous aussi avoir à l’esprit combien les situations de difficulté alimentaire constituent un terreau propice pour les agitateurs, voire pour le développement du terrorisme.
Vous me répondrez certainement que la France intervient déjà fortement au titre de la coopération. Malheureusement, je crains que ce ne soit très nettement en deçà des besoins recensés pour aboutir efficacement. Il est indispensable de revoir nos modalités d’intervention. Il y a de la part de nombreux pays en voie de développement une attente forte de la France, qui bénéficie de leur confiance. Nous avons le devoir d’aider ces populations et de les accompagner dans le développement de leurs projets, en premier lieu quand cela touche l’alimentaire.
C’est aussi une responsabilité à l’égard de nos propres concitoyens, qui s’interrogent sur l’avenir. Il nous faut savoir organiser les conditions dans lesquelles ceux d’entre eux qui sont volontaires pourront intervenir pour assurer de tels accompagnements.
J’évoquais voilà quelques instants la perspective 2050. C’est demain. Il y a donc urgence à agir. C’est dans cette démarche que nous devons nous engager sans tarder. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée du développement et de la francophonie. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai tous parfaitement entendus.
Vous avez exprimé avec force votre attachement à la politique de développement et à son rôle pour notre rayonnement dans le monde. Vous avez démontré votre implication sur les questions de politiques de développement, tout comme l’avaient fait vos collègues députés lors du débat législatif du mois de juillet dernier. Vous avez réitéré aujourd’hui l’ensemble de vos préoccupations ou encouragements, ce dont je vous remercie. Sachez que je partage un certain nombre de vos préoccupations. Je vais répondre à vos interrogations.
Je rentre d’un tour de France effectuée à l’occasion de la Semaine de la solidarité internationale, qui a eu lieu du 16 novembre au 21 novembre dernier. Partout, j’ai rencontré des acteurs engagés, solidaires, mais responsables, qui ont aussi souhaité tout au long de la semaine affirmer leur soutien à cette politique. Tous ont rappelé combien l’engagement et la solidarité de la France en faveur des pays les plus fragiles étaient importants pour eux. Je les en remercie ce soir. La France doit être fière de son effort de solidarité, qu’il faut poursuivre.
C’est dans cet esprit que j’ai défendu les arbitrages budgétaires pour la mission « Aide publique au développement », avec un souci d’économie des deniers publics, parce que nous avons des responsabilités globales, mais aussi de préservation de nos marges de manœuvre sur le terrain, car la solidarité est au cœur de notre engagement politique.
Avec une enveloppe de 2,8 milliards d’euros, ce budget traduit nos engagements et les priorités de la loi que vous avez adoptée l’été dernier.
C’est un budget qui nous permet de conserver des marges de manœuvre et qui reste à la hauteur des ambitions de la France, dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons.
C’est un budget responsable, car l’aide publique au développement prend sa juste part aux efforts collectifs de redressement des comptes publics. Il baisse ainsi de 1,5 %, si l’on intègre les financements innovants, notamment du fait du relèvement à 25 % du produit de la taxe sur les transactions financières qui est affecté au développement.
Vous l’avez rappelé, la France est pionnière en matière de financements innovants ; il faut s’en réjouir !
La taxe sur les billets d’avion que notre pays a mise en place voilà quelques années est revalorisée en 2015 ; elle n’est évidemment pas en danger.
Nous sommes aussi aujourd’hui le seul pays d’Europe à avoir mis en place une taxe sur les transactions financières, dont 140 millions d’euros sont consacrés à l’aide aux pays les plus pauvres, et nous œuvrons pour que nos partenaires nous rejoignent.
Nous poursuivons d’ailleurs nos travaux. La création d’autres types de ressources, comme le don par SMS ou la loterie solidaire, est actuellement à l’étude. Il s’agit d’outils différents au service du développement. Ils mettent la mondialisation à contribution et sont bien adaptés à la prise en charge des problématiques de long terme. Ainsi, ils permettent de poursuivre et d’engager de nombreux projets d’aide. Ils contribuent par exemple à notre action en matière de santé et à nos nouveaux engagements sur le climat, comme la participation au Fonds vert de 1 milliard de dollars. À l’approche de la Conférence Paris Climat 2015, c’est essentiel !
Madame Aïchi, le Fonds vert a aujourd'hui levé 9,5 milliards de dollars. Ils serviront à accompagner les pays en développement, en particulier les plus vulnérables d’entre eux. La moitié des financements seront consacrés à l’adaptation. C’est ce qu’attendaient nos partenaires, notamment du Sud.
La France n’a donc pas, bien au contraire, à rougir de son effort de solidarité !
Notre aide publique au développement contribue grandement à notre rayonnement international et à notre influence. La France reste un acteur incontournable de l’aide au développement, comme cela a été si justement souligné.
Les crédits budgétaires ne sont qu’une partie d’une politique bien plus vaste. La France, qui consacre 0,41 % de son revenu national brut à l’aide publique au développement en 2013, soit 8,54 milliards d’euros, reste largement au-dessus de la moyenne mondiale, qui s’établit à 0,3 %. Le taux pour 2014 devrait se situer à 0,37 %, mais a trajectoire redeviendra ascendante dès 2015, année où il devrait s’établir à 0,42 %. Cher Yvon Collin, je partage l’optimisme des prévisions triennales. Des travaux sont en cours pour redéfinir les modalités de calcul de cette aide à l’OCDE. Il faut les suivre et faire entendre notre voix.
L’enjeu est important, dans le contexte des négociations internationales sur les objectifs du développement durable et le financement du développement.
La France est active. Je ne manquerai pas de vous tenir informés de l’évolution de ces discussions, auxquelles une session du Conseil national du développement et de la solidarité internationale sera consacrée au mois de février prochain.
Le budget est construit sur des choix clairs et assumés.
Comme l’a indiqué Mme Conway-Mouret, le cœur de l’aide est préservé. Les dons-projets, instruments privilégiés de notre aide bilatérale, sont maintenus, à hauteur de 333 millions d’euros en autorisations d’engagement.
Le FSP « 100 000 professeurs pour l’Afrique » sera mis en œuvre comme prévu, sans ambiguïté, monsieur Fournier.
Plus généralement, je sais que cette ligne est essentielle à vos yeux, tout comme aux nôtres. Mais nous ne devons pas l’opposer aux prêts. Monsieur Billout, monsieur Cadic, j’ai bien écouté vos propos sur les prêts. Chaque outil a son intérêt, en fonction des pays et de leur situation financière, des secteurs et, bien entendu, des projets. Gardons-nous donc de trop simplifier la question. Nous y reviendrons tout à l’heure.
Nous conservons aussi des moyens importants pour répondre à l’urgence et aux multiples défis qui se présentent à nous, qu’il s’agisse de l’aide alimentaire, soit 37 millions d’euros, de l’aide humanitaire d’urgence, soit 11 millions d’euros, ou de l’aide post-crise, soit 22 millions d’euros.
Les acteurs du développement et de la solidarité internationale, l’Agence française de développement, les ONG et les collectivités territoriales sont confortés dans leur rôle et dans leurs missions.
L’AFD, acteur pivot du dispositif français d’aide au développement, reçoit ainsi un engagement de l’État de 840 millions d’euros sur trois ans, afin de renforcer ses fonds propres et d’augmenter son niveau d’activité pour mettre en œuvre nos priorités. Soyez assurés que j’assume avec vigilance et exigence mon rôle de tutelle sur l’AFD.
Par ailleurs, le doublement de l’aide aux ONG est confirmé. Ainsi, 8 millions d’euros supplémentaires seront octroyés aux organisations impliquées dans l’aide au développement à travers l’AFD. En outre, nous mobiliserons un million d’euros supplémentaires pour celles qui se consacrent à l’aide humanitaire.
Nous avons également souhaité stabiliser les crédits de la coopération décentralisée, qui s’établissent à 9 millions d’euros, et renforcer et sécuriser le cadre juridique de l’action extérieure des collectivités territoriales. La question a souvent été abordée au cours du tour de France que j’ai effectué dans le cadre de la semaine de la solidarité internationale. Je suis entièrement d’accord avec vous : le rôle des collectivités doit être reconnu. Je m’y emploie.
La concentration, dont le besoin est souligné par la loi, un vecteur d’efficacité ; elle permet d’être plus forts sur le terrain et de mieux mobiliser nos partenaires.
Nous renforçons le ciblage géographique. Comme vous le savez, nous avons défini seize pays pauvres prioritaires, auxquels nous accordons 50 % de nos subventions. L’Afrique et la Méditerranée concentreront 85 % de l’effort financier de l’État. J’espère que cet effort de concentration notable répondra à vos préoccupations.
Vous avez souligné l’importance de la francophonie. Je vous rejoins, d’autant qu’il y a un lien entre francophonie et développement. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ces deux secteurs ont été réunis au sein de mon secrétariat d’État. Nous devons être aux côtés de ceux qui nous sont proches et favoriser, certains l’ont souligné, les pays francophones. D’ailleurs, quinze des seize pays pauvres prioritaires sont francophones.
Nous confirmons en outre des priorités sectorielles.
Ainsi, la santé est un enjeu essentiel ; l’épidémie de fièvre Ebola en témoigne malheureusement. La priorité se traduit dans le budget. Le Président de la République a annoncé un plan de riposte au fléau d’un montant de 100 millions d’euros.
Ayant eu le privilège d’inaugurer le premier centre de traitement Ebola franco-guinéen en Guinée forestière à la mi-novembre, j’ai le plaisir de vous annoncer que sa première patiente, une jeune fille de treize ans, est aujourd'hui guérie.
La France est donc au rendez-vous et honore ses engagements.
Bien entendu, nous ne sommes pas seuls. Il faut féliciter et remercier l’ensemble des acteurs qui rendent possible l’action de solidarité de la France, dans un contexte très difficile. Comme l’a dit le coordinateur Ebola guinéen, avec qui j’ai inauguré le centre de Macenta, c’est ensemble que nous vaincrons l’épidémie.
Monsieur Hue, madame Lepage, plusieurs outils sont aujourd’hui mis à contribution pour organiser la riposte face au virus Ebola : les fonds d’urgence, l’AFD bien sûr, mais aussi l’aide alimentaire et les C2D.
La crise est en effet globale. Nous travaillons avec nos partenaires guinéens pour en atténuer les effets sur le système de santé et sur l’économie dans son ensemble.
Je n’oublie pas non plus la lutte contre la crise alimentaire qui pourrait survenir à partir de mars 2015 si nous ne réagissons pas suffisamment rapidement. Nous devons nous y préparer.
Nous devons aussi travailler sur la question, de plus en plus préoccupante, des orphelins guinéens, mais aussi, plus largement, sur le problème des enfants isolés en Sierra Leone et au Libéria.
Au sein du programme 209, 40 millions d’euros ont été spécifiquement prévus pour financer le plan de riposte français. J’y reviendrai tout à l’heure lorsque nous examinerons l’amendement du Gouvernement.
Nos efforts en matière de santé passent beaucoup, comme vous le savez, par les fonds verticaux. Le Fonds mondial recevra 360 millions d’euros par an jusqu’en 2016. Nous soutenons fortement UNITAID, en particulier grâce aux financements innovants. Et la France reste pleinement engagée auprès de l’organisation GAVI, dans le contexte budgétaire contraint qui est le nôtre.
La priorité diplomatique de 2015, dont je veux aujourd’hui souligner l’importance, sera le climat. La France contribuera à hauteur de 1 milliard de dollars au Fonds vert pour le climat. Certains m’ont interrogée sur le financement de cette contribution. Il se compose d’un don de 489 millions d’euros, appuyé sur des financements innovants, et d’un prêt à taux zéro de 285 millions d’euros.
La jeunesse est aussi l’une de mes priorités transversales. Elle recouvre les enjeux de santé, mais aussi la question du dividende démographique, grand défi de l’Afrique, comme l’a d’ailleurs indiqué M. Revet, celle de l’accès à l’emploi des jeunes, surtout en milieu rural, mais aussi en milieu urbain, et bien évidemment l’éducation, en particulier des femmes. Nous aurons l’occasion d’en reparler. C’est en offrant un avenir à cette jeunesse que nous répondrons aux enjeux de mobilité.
Pour atteindre ces objectifs, nous avons fait des choix que nous assumons. Surtout, nous renforçons notre efficacité. Plusieurs d’entre vous ont souligné ce besoin. Nous avons également évoqué la question lors du débat du mois de juillet. Enfin, les acteurs que j’ai rencontrés sur le terrain nous le demandent.
Si les Français restent solidaires – selon le sondage de l’AFD, 63 % d’entre eux sont favorables à notre politique d’aide publique au développement –, leurs exigences en termes d’utilisation des deniers publics augmentent d’autant. Il est important de les entendre et d’y répondre. La loi adoptée au mois de juillet avait anticipé une telle préoccupation.
En premier lieu, nous rationalisons nos actions. C’est ce que nous demandent aujourd'hui no concitoyens. C’est le choix que nous avons effectué en créant l’Agence française d’expertise technique internationale, l’AFETI, qui regroupera au 1er janvier six agences au sein d’une même entité. Je sais combien vous avez combattu pour qu’une telle avancée soit possible.
En second lieu, nous renforçons l’articulation et, surtout, le levier entre l’aide bilatérale et l’aide multilatérale. Il s’agit de créer une dynamique à l’échelon international. Le rapport entre aide bilatérale et multilatérale suscite toujours un vif débat. Je rappelle que, dans certains secteurs, seule l’aide multilatérale permet de faire face aux grands enjeux dont vous êtes nombreux à avoir parlé. Ces enjeux sont si importants aujourd'hui que, même en multipliant par dix le montant des aides publiques au développement international, on ne parviendrait pas à y faire face. Nous le verrons lorsque nous aborderons le chiffrage des objectifs de développement durable. Il faut donc relever ces défis différemment.
La France demeure le second contributeur au sein du Fonds européen de développement.
Je donnerai deux exemples emblématiques de l’effet de levier : d’une part, la création du Fonds Bekoû sur l’initiative de la France, afin de soutenir la République centrafricaine ; d’autre part, la mobilisation internationale face à la crise due au virus Ebola, dans laquelle la France a également joué un rôle moteur. Ces deux exemples montrent bien le caractère indispensable de l’aide multilatérale lors de crises importantes qui nécessitent de fortes mobilisations.
Accroître l’efficacité, c’est aussi faire le choix d’un travail collectif ; c’est en travaillant plus ensemble que l’on arrivera à répondre aux enjeux.
C’est aussi faire le choix de la transparence, dont les Français, je l’ai indiqué, sont demandeurs. La création de l’Observatoire du développement et de la solidarité internationale, prévue par la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale et que vous avez souhaité, répond à cet impératif. Ce texte a été adopté au mois de juillet dernier, après un large débat ici au Sénat.
Nous avons expérimenté la transparence lors du soutien que nous avons apporté au Mali après la crise que ce pays a connue.
La transparence, c’est aussi la possibilité offerte à chaque citoyen de suivre l’aide publique au développement. Aujourd'hui, grâce à un site internet, chacun peut suivre l’évolution des crédits et des projets que nous mettons en place avec nos partenaires, notamment avec les seize pays pauvres prioritaires. Tous ne sont pas encore en ligne aujourd'hui, mais ils le seront prochainement.
Chacun, y compris les citoyens des pays que nous aidons, peut réagir sur ce site internet. Notre site est très consulté au Mali par les habitants, qui signalent lorsqu’un projet n’avance pas comme cela est indiqué sur le site. C’est très bien. Il est très important de mobiliser les populations d’un côté comme de l’autre.
Nous demandons aussi à l’AFD de mettre en œuvre une telle politique de transparence, madame Aïchi.
Nous devons nous projeter. Comme plusieurs d’entre vous l’ont rappelé, la question de la durabilité se pose. En 2015, nous adopterons les objectifs de développement durable, qui succéderont aux objectifs du Millénaire pour le développement. Ils ont vocation à s’appliquer à tous les pays. Nous travaillons aujourd’hui pour inciter tous les pays, y compris les pays émergents, à prendre en compte la lutte contre la pauvreté et contre les inégalités, ainsi que la préservation de la planète. Le dérèglement climatique et la pollution représentent en effet des défis immenses pour tous les pays pauvres.
Avec un réchauffement de quatre degrés, ce qui est la tendance actuelle, on réduirait, par exemple, à néant tous les progrès accomplis dans la lutte contre la mortalité des enfants de moins de cinq ans ! On ne peut donc absolument pas accepter une telle évolution. Il faut revenir aux deux degrés, ce qui implique de négocier et d’obtenir un accord ambitieux à Paris en décembre 2015.
Nous avons adapté notre politique de développement aux défis de ce siècle. Il faut aller plus loin en ce sens. La France a déjà avancé sur ces questions, en particulier avec nos amis européens. Le monde est en train de faire de même. Nous n’avons pas le choix. Les populations l’exigent. Les mobilisations des ONG, mais également des collectivités territoriales ou, tout simplement, des citoyens, en témoignent.
Soyons clairs : apporter des réponses à ces défis globaux nécessitera, je le soulignais tout à l’heure, largement plus que les moyens actuels de l’aide publique au développement. C’est pourquoi il est important de travailler en partenariat avec les entreprises et de mobiliser l’ensemble des ressources possibles autour de ce grand défi qui nous attend.
Oui, monsieur Fournier, nous devons être innovants et développer une approche globale dans laquelle tous les acteurs jouent leur rôle ! Il faut renforcer les ressources propres et la gouvernance démocratique, lutter contre les paradis fiscaux et encourager l’implication, avec des règles, du secteur privé. Je pense en particulier aux coalitions d’acteurs mises en avant par le rapport Faber et aux pistes sur lesquelles travaillent aujourd’hui nos services.
Monsieur del Picchia, vous avez conditionné votre vote à ma réponse – mais je vous aurais répondu même sans cela (Sourires.) – sur nos compatriotes ayant des difficultés à toucher leur retraite.
C’est un problème important, même si je n’en connaissais pas l’ampleur, en tout cas celle que vous avez décrite. Je m’engage à en parler à ma collègue chargée de la santé pour le volet technique qui relève de sa compétence. Et je parlerai avec les ambassadeurs pour voir comment remettre le sujet à l’ordre du jour. Je ne prends pas d’engagement à ce stade, mais je vous invite à venir me rencontrer pour m’exposer la problématique plus en détail.
M. Robert del Picchia. Avec plaisir !
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Vous avez évoqué certains pays ; j’aimerais en savoir plus.
Au demeurant, députée ultramarine avant ma nomination comme secrétaire d’État, je m’étais penchée sur le cas des Français qui avaient travaillé dans les Nouvelles-Hébrides. À l’époque, c’était un territoire français ; aujourd’hui, c’est devenu le Vanuatu. Or personne ne veut prendre en compte les années concernées dans le calcul des retraites… Il y a donc plusieurs questions qui méritent un examen attentif.
MM. Collin et de Raincourt m’ont interrogée sur la Réserve pays émergents, la RPE. Il y a eu, semble-t-il, un malentendu et une mauvaise interprétation sur la portée de l’article.
Notre volonté n’est pas de ne plus faire de RPE au sens actuel du terme ; c’est un instrument à la fois de commerce extérieur et de développement. Ne croyez pas le programme 851 ne sera plus qu’un simple outil de commerce extérieur ; c’est une interprétation erronée.
Même après le changement de nom, on continuera d’étudier prioritairement les projets servant à la fois le commerce extérieur, mais aussi le développement. Il faut toutefois avoir conscience de l’érosion naturelle des pays éligibles à la RPE, de sorte que, compte tenu des contraintes imposées par l’OCDE pour ce type de soutien, la mobilisation sera moindre à l’avenir, puisqu’il y aura moins de monde au rendez-vous. Je peux donc vous rassurer sur le maintien d’une part significative de projets financés à destination des pays émergents.
Je crois en notre volonté collective de réussir à dépasser nos divergences pour mettre en œuvre cette politique de solidarité dont nous pouvons tous être fiers ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées de l'UMP, et au banc des commissions.)
Mme la présidente. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance, afin de terminer l’examen de cette mission.
Il n’y a pas d’observations ?...
Il en est ainsi décidé.
aide publique au développement
Mme la présidente. Nous allons donc maintenant procéder à l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement », figurant à l’état B.
État B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Aide publique au développement |
2 486 738 496 |
2 804 600 502 |
Aide économique et financière au développement |
673 464 541 |
1 013 000 000 |
Solidarité à l’égard des pays en développement |
1 813 273 955 |
1 791 600 502 |
Dont titre 2 |
201 792 732 |
201 792 732 |
Mme la présidente. L'amendement n° II-284, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Aide économique et financière au développement |
35 000 000 |
35 000 000 |
||
Solidarité à l’égard des pays en développement Dont Titre 2 |
35 000 000 |
35 000 000 |
||
Total |
35 000 000 |
35 000 000 |
35 000 000 |
35 000 000 |
Solde |
0 |
0 |
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Lors des débats en première lecture à l’Assemblée nationale, un montant de 35 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement a été transféré du programme 110 vers le programme 209 au sein de la mission « Aide publique au développement », dans un contexte d’inquiétude sur le financement de la lutte contre l’épidémie Ebola, et sur la base d’une analyse alors incomplète des incidences de ce changement de répartition.
La préoccupation des députés était d’accroître la part des dons par rapport à celles des prêts. Or cet objectif ne peut pas être atteint aujourd’hui. Pire, sa mise en œuvre déstabilisera notre dispositif d’aide, et ce pour quatre raisons.
Premièrement, il est juridiquement impossible de dégager 35 millions d’euros sur l’enveloppe de bonifications par l’État de prêts accordés par l’AFD. En effet, ces bonifications couvrent exclusivement des engagements antérieurs, à 98 % des montants, pour lesquels l’AFD est juridiquement engagée avec les pays bénéficiaires. Ces crédits de paiement ne peuvent donc pas être diminués, sauf à renégocier avec chacun des pays concernés les contrats engagés, ce qui est pour le moins délicat.
Deuxièmement, les seuls crédits qui seraient alors directement mobilisables pour financer un tel mouvement sont ceux qui portent sur les aides budgétaires globales en faveur de l’Afrique subsaharienne, c’est-à-dire des dons, et non pas des prêts. Or ces dons sont actuellement accordés aux pays les plus pauvres, comme le Mali et le Niger. Ils passeraient ainsi de 50 millions d’euros à 15 millions d’euros. L’application de la mesure votée en première lecture à l’Assemblée nationale aurait donc des conséquences très sérieuses, contraires aux objectifs et à l’esprit du débat que nous avons eu à l’Assemblée nationale.
Troisièmement, et ce serait une autre conséquence non négligeable, une diminution des seules autorisations d’engagement se traduirait par une baisse de l’aide publique au développement de la France de l’ordre de 400 millions d’euros !
Les prêts accordés par l’AFD exercent un fort effet de levier sur le calcul de notre aide publique au développement. Cette baisse de subvention touchera en priorité les pays qui bénéficient de bonifications, et donc d’un coût état des prêts. Comme vous le savez, ces pays se situent à 85 % sur le continent africain. Au demeurant, cela correspond à l’engagement que nous avons pris lors du comité interministériel de la coopération internationale et du développement.
Quatrièmement, depuis la lecture à l’Assemblée nationale et dans le cadre de la fin de gestion 2014, le Gouvernement, prenant en compte vos préoccupations liées à la grave crise ouverte par le virus Ebola, a dégagé une première enveloppe de 30 millions d’euros, notamment pour mettre sur pied le centre de traitement des malades que je suis allée inaugurer à Macenta en Guinée forestière voilà deux semaines.
De même, en 2015, comme je vous l’ai indiqué tout à l’heure, une autre enveloppe de 40 millions d’euros a été dégagée par le Gouvernement et approuvée par l’Assemblée nationale pour assurer le fonctionnement de ce type de centre et la réussite du plan de riposte que nous avons mis en route.
Ainsi, parce que le Gouvernement est déterminé à apporter une réponse forte et rapide à la crise due au virus, nous avons déjà mobilisé l’ensemble des crédits nécessaires à cette riposte, soit plus de 100 millions d’euros aujourd’hui.
Ce n’est pas que je n’aimerais pas obtenir plus de crédits pour ce programme – j’en serais au contraire ravie –, mais la mise en œuvre de la décision prise par l’Assemblée nationale aurait des effets contre-productifs. Le Gouvernement vous propose donc d’y revenir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial de la commission des finances. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. Toutefois, mon corapporteur Yvon Collin et moi-même y sommes défavorables.
La mesure adoptée par l’Assemblée nationale correspond au souhait du Parlement de rappeler l’importance des dons,…
M. Robert Hue. Tout à fait !
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. … notamment à l’égard des pays les plus pauvres, contrairement à l’argument que vous venez d’avancer.
À mon sens, il y a un accord général sur l’importance des dons dans la politique d’aide publique au développement.
Selon Mme la secrétaire d’État, la baisse des crédits du programme 110 aurait pour effet non pas une diminution des prêts, mais une baisse des dons ; c’est l’argument inverse. (Sourires.)
Pourtant, je constate que, malgré la diminution des 35 millions d’euros de crédits votée à l’Assemblée, le Gouvernement a demandé et obtenu en deuxième délibération, aussi appelée « rabot », une diminution supplémentaire de 11 millions d’euros. On a donc quelque peine à croire que cette somme de 35 millions d’euros était indispensable. D’ailleurs, ce même gouvernement nous a expliqué que la baisse était permise par une « rationalisation des interventions du programme ».
Je souhaite aborder quelques éléments financiers concernant l’année 2014. Le décret d’avance de fin novembre a annulé pas moins de 228 millions d’euros, cette fois en autorisations d’engagement sur le programme que vous voulez alimenter en crédits de paiement. Cette annulation aura sans doute un effet mécanique sur les crédits de paiement nécessaires en 2015. On peut donc penser qu’il reste des marges de manœuvre sur ce programme 110 en dehors des « aides budgétaires globales ».
Nous voulons adresser un message de cohérence sur cette politique d’aide au développement, dont les uns et les autres ont rappelé l’insuffisance en termes de financement : d’une part, l’objectif des 0,7 % du PIB n’est toujours pas atteint ; d’autre part, les ressources supplémentaires, notamment la taxe sur les transactions financières, ont été « mangées » par des réductions de crédits budgétaires. Pour toutes ces raisons, nous sommes défavorables à cet amendement.
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Aide publique au développement », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Ces crédits sont adoptés.)
compte de concours financiers : prêts à des états étrangers
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », figurant à l’état D.
État D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Prêts à des États étrangers |
1 742 100 000 |
1 482 100 000 |
Prêts à des États étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d’infrastructure |
330 000 000 |
440 000 000 |
Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France |
652 100 000 |
652 100 000 |
Prêts à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers |
760 000 000 |
390 000 000 |
Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro |
Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
(Ces crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi que du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
7
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 3 décembre 2014, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale (n° 107, 2014-2015).
Examen des missions :
- Recherche et enseignement supérieur ;
MM. Philippe Adnot et Michel Berson, rapporteurs spéciaux (rapport n° 108, tome 3, annexe 24) ;
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 109, tome 6) ;
M. Jacques Grosperrin et Mme Dominique Gillot, rapporteurs pour avis de la commission de la culture (avis n° 112, tome 5) ;
Mme Geneviève Jean, rapporteur pour avis de la commission du développement durable (avis n° 113, tome 8).
- Politique des territoires (+ article 57 ter) ;
Compte spécial : financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale ;
MM. Pierre Jarlier et Daniel Raoul, rapporteur spécial (rapport n° 108, tome 3, annexe 22) ;
Mme Annie Guillemot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 109, tome 8) ;
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission du développement durable (avis n° 113, tome 7).
- Égalité des territoires et logement (+ articles 52 à 54) ;
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial (rapport n° 108, tome 3, annexe 12) ;
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 109, tome 7) ;
M. Jean Marie Morisset, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 111, tome 3).
- Défense ;
Compte spécial : gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunication de l’État ;
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial (rapport n° 108, tome 3, annexe 8) ;
MM. André Trillard et Jeanny Lorgeoux, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 110, tome 5) ;
M. Yves Pozzo di Borgo et Mme Michelle Demessine, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 110, tome 6) ;
MM. Robert del Picchia et Gilbert Roger, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 110, tome 7) ;
MM. Jacques Gautier, Xavier Pintat et Daniel Reiner, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 110, tome 8).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 3 décembre 2014, à zéro heure quinze.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART