M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, dans le laps de temps qui m’est imparti pour évoquer devant vous les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales, je vous présenterai les conclusions des riches débats de la commission des lois sur la baisse des dotations de l’État en faveur des collectivités territoriales.
La commission des lois prend note que les collectivités seraient soumises, entre 2015 et 2017, à un degré inédit de participation à l’effort de redressement des finances publiques, avec une baisse de 11,5 milliards d’euros, qui s’ajoute à un gel en valeur des concours financiers de l’État entre 2011 et 2013 et à une première baisse de ces concours en 2014, d’un montant de 1,5 milliard d’euros.
Cette association sans précédent des collectivités territoriales à l’effort de lutte contre les déficits publics, si elle est acceptée et comprise par la commission, a suscité toutefois un certain nombre de remarques. Il est vrai que cela se combine à une perte significative de pouvoir fiscal sur les entreprises engendrée par la réforme de la taxe professionnelle de 2010, qui a entraîné une dynamique bien moindre de l’impôt économique.
Tout d’abord, et je ne vous apprends rien, madame la ministre, les collectivités sont loin d’être les premières responsables de la dégradation de nos finances publiques. La dette locale représente en effet moins de 10 % de la dette publique totale.
Les règles budgétaires et comptables qui s’appliquent aux collectivités les soumettent à l’obligation d’adopter des budgets en équilibre. Les dettes des collectivités territoriales sont liées à leur politique d’investissement, même si, pour être très honnête, l’épargne brute, résultat des dépenses de fonctionnement, rentre en compte dans la capacité d’investissement.
Plusieurs membres de la commission des lois se sont demandé si l’État participait à cet effort à la hauteur de la dette publique dont il est à l’origine.
M. Philippe Dallier. La réponse est non !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. Les auditions que j’ai pu conduire pour préparer ce rapport pour avis ont révélé quelques doutes sur ce point. Madame la ministre, nous vous remercions de nous indiquer comment s’apprécie la participation de l’État à cet effort inédit.
Ensuite, la commission des lois s’est interrogée sur les conséquences de la diminution des dotations de l’État sur l’exercice des compétences locales et sur les projets locaux, dans une période marquée par la montée des besoins sociaux, la prolifération des normes et des dépenses nouvelles imposées aux collectivités, comme les rythmes scolaires.
Le rapport d’information relatif à l’évolution des finances locales à l’horizon 2017 fait, au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, par MM. Philippe Dallier, Charles Guené et Jacques Mézard, qui a été récemment publié, démontre les conséquences dramatiques d’une telle diminution pour nos collectivités territoriales, en particulier les départements et les communes de plus de 10 000 habitants. On ne peut que s’inquiéter de telles conclusions sur l’avenir de nos territoires, dans le contexte de crise économique et sociale que connaît notre pays.
On comprend bien que les collectivités territoriales sont encouragées à moins dépenser. Cependant, ces collectivités exercent des compétences qui leur sont dévolues par la loi et conduisent des politiques d’investissement pour répondre aux attentes de nos concitoyens. Si certaines dépenses peuvent ponctuellement défrayer la chronique, il s’agit, en réalité, de cas très particuliers.
Dès lors, pour maintenir un niveau d’investissement élevé, de quelles alternatives disposeront les collectivités territoriales ? Baisser le niveau de qualité des services qu’elles rendent à la population ? Modifier le référentiel de décision des investissements prévus ou engagés, au risque, comme de nombreux collègues ont pu le constater, de perturber fortement l’économie locale ? Diminuer les charges de fonctionnement, c’est-à-dire principalement les dépenses de personnels ? Certains le font et vous le savez, madame la ministre, la mutualisation n’est pas qu’un mot, elle est aussi une réalité. Néanmoins, nous savons bien qu’il s’agit là d’opérations limitées, d’autant que la fonction publique territoriale compte en grande majorité des personnels de catégorie C, dont les revenus sont modestes.
Madame la ministre, vous en conviendrez, nous avons besoin de précisions pour comprendre où se trouvent les économies supplémentaires que vous nous demandez de réaliser.
Enfin, cette baisse des dotations s’inscrit dans le contexte de la réforme territoriale souhaitée par le Président de la République, réforme dont nous aurons l’occasion de débattre très bientôt et qui doit se traduire par un renforcement des compétences des régions, en particulier dans le domaine économique.
Aucune disposition du projet de loi de finances pour 2015 ne concerne les ressources dont bénéficieront les régions pour assumer ces nouvelles compétences : nous ne pouvons donc pas mettre en parallèle nouvelles ressources et nouvelles compétences. Madame la ministre, nous souhaitons connaître les intentions du Gouvernement sur la question majeure des ressources des régions dans le cadre de cette réforme, plus largement sur l’autonomie fiscale, qui n’a cessé de régresser au profit des dotations supportées par l’État.
Telles sont les observations qui ont conduit la commission des lois à émettre un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte spécial « Avances aux collectivités territoriales ». (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission que nous examinons ne recouvre qu’une infime partie des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales. Son examen nous permet cependant de débattre de l’ensemble de cette problématique, qui est particulièrement sensible.
Le budget de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne représente en effet que 2,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement, soit moins de 3 % des 101 milliards d’euros de transferts financiers de l’État en faveur des collectivités territoriales.
Aussi chacun comprend-il bien que l’enjeu n’est pas sur cette ligne budgétaire, même si celle-ci a son importance.
En effet, la modicité de cette mission ne lui aura pas évité de connaître une baisse de ses crédits, comme beaucoup d’autres missions, une baisse, certes, modeste, de 1 %, mais une baisse tout de même, surtout si l’on prend en compte les évolutions du périmètre des actions qu’elle représente.
N’oublions pas de surcroît que, depuis près de cinq ans, cette mission subit, comme tant d’autres, le gel de ses autorisations de dépenses, parfois même des diminutions drastiques.
J’ai encore en mémoire nos débats sur cette mission lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, sous le gouvernement Fillon, alors que je venais d’être élu sénateur. Je dénonçais alors une baisse très sensible des interventions touchant le programme des concours spécifiques. Cette restriction était même spectaculaire – 80 % ! – et concernait les aides aux collectivités locales fragilisées par des circonstances exceptionnelles, telles que les calamités naturelles, inondation ou sécheresse.
Ces événements météorologiques sont malheureusement toujours d’actualité et, comme en 2012, nous constatons que la diminution des crédits de cette mission est pour l’essentiel imputable à la baisse des crédits du programme 122 « Concours spécifiques et administration », dont l’action n° 1, Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales, est une nouvelle fois en forte diminution.
Depuis 2012, les gouvernements ont changé, mais les budgets n’ont pas progressé. Ils ont au contraire poursuivi leur baisse, y compris pour ces actions qui relèvent de la solidarité nationale.
Ainsi, depuis cette date, après deux années de gel des dotations et des concours financiers en direction des collectivités territoriales, nous vivons, en 2014, une première année de baisse de 1,5 milliard d'euros. Celle-ci sera suivie, dès 2015 et pour trois ans, d’une baisse de 3,7 milliards d'euros par an. Au total, ce seront près de 28 milliards d'euros de dotations que nos collectivités territoriales auront perdus d’ici à 2017.
Ces mesures s’ajouteront à toutes celles qui ont été prises depuis des décennies et qui n’ont fait que contraindre toujours plus les ressources financières de nos collectivités locales.
En effet, ce n’est pas d’aujourd’hui que des départements et des communes sont en difficultés. Les diverses mesures prises depuis plus de dix ans ont plongé de nouvelles collectivités dans la tourmente. Transferts de compétences insuffisamment compensés – revenu de solidarité active, prestation de compensation du handicap, allocation personnalisée d’autonomie, routes, personnel des lycées et collèges – et obligations nouvelles auxquels s’ajoute la réduction de leur autonomie fiscale, la tâche des élus n’a jamais été aussi difficile.
Dans leur immense majorité, les collectivités locales rencontrent des difficultés croissantes pour exercer leurs missions, dans une situation économique et sociale dégradée.
En effet, le chômage et la précarité, doublés du ralentissement économique et de désindustrialisation de nos territoires, ont particulièrement affecté les capacités d’interventions de nos institutions locales, en réduisant leurs ressources, alors que, partout, la demande sociale explose. Dans ce paysage dégradé, les élus locaux font le maximum pour tenter de répondre, malgré tout, aux attentes de leur population et aux besoins de leur territoire.
Aussi, je tiens à saluer leur engagement, alors que des médias, encouragés par certaines institutions financières, choisissent de dénigrer leur gestion, notamment en véhiculant les thèses les plus populistes. Ainsi, pour justifier l’ensemble des réformes appelées à bouleverser nos institutions locales et leur capacité d’interventions, il est aujourd’hui de bon ton de critiquer l’action des collectivités locales et de leurs élus, qui dépenseraient sans compter et refuseraient de réduire leurs dépenses, alors que, depuis des années, ils font ces efforts de maîtrise financière et ne sont en rien responsables de l’endettement de notre pays.
Quand les élus empruntent, c’est pour investir. Ils n’ont pas le droit de le faire pour payer les factures de fonctionnement. Quant aux efforts de maîtrise de la dépense – permettez-moi de le rappeler au Gouvernement –, les départements, depuis qu’ils sont chargés des allocations nationales de solidarité comme le RSA, ont dégagé sur leur propre budget près de 50 milliards d'euros pour faire face à des dépenses en forte progression, que les gouvernements successifs n’ont pas prises en charge.
Dans le même temps, ces différents gouvernements ont préféré réduire la pression fiscale sur les foyers les plus riches et sur les entreprises, en particulier les plus grosses. Ils ont réduit les ressources publiques au service de l’intérêt général, au profit de niches fiscales de toutes sortes pour satisfaire quelques appétits particuliers et réduire leur impôt.
Alors, oui, il faut le dire ici, les collectivités territoriales, leurs élus, n’ont pas de leçon à recevoir concernant la façon de gérer l’argent public. Toutefois, les restrictions que les élus vont devoir affronter les contraindront à réduire les investissements, à baisser les services à la population, tout en étant poussés à augmenter les impôts et les tarifs des services publics locaux. Les élus communistes refusent de s’engager dans cette voie désespérante et sans perspective.
Comme nous l’avons fait hier face à la droite, nous combattrons ces choix mortifères que vous nous proposez et qui ont conduit à accélérer la spirale du déclin partout où ils ont été mis en œuvre.
Aussi, pour toutes les raisons que je viens de rappeler, condamnant le désengagement renforcé de l’État au détriment des collectivités locales, le groupe CRC ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on ne peut aborder les relations de l’État avec les collectivités territoriales sans évoquer trois sujets essentiels : la baisse des dotations de l’État, l’évolution des systèmes de péréquation, l’articulation du budget 2015 avec les réformes territoriales.
S’agissant, premièrement, de la baisse des dotations de l’État, le rapport d’information que nous avons réalisé, Charles Guené, Philippe Dallier et moi-même, démontre que les conséquences seront beaucoup plus importantes que ce qui a été annoncé par l’exécutif.
En 2017, mathématiquement, sur l’ensemble des 38 000 collectivités, une baisse de recettes de 6 % sera constatée et nous serons brutalement projetés plus de dix ans en arrière pour ce qui est du montant des dotations de l’État. D’ailleurs, il est plus que probable qu’un nombre considérable de collectivités, confrontées à un double déficit, se trouveront dans une impasse financière. Il est important que le Gouvernement nous explique comment il entend éviter cette situation.
La baisse des investissements et l’augmentation de la fiscalité locale sont donc inéluctables.
Nous pouvons comprendre l’objectif de diminution des dépenses de fonctionnement, mais il convient que l’État, madame la ministre, fasse preuve de cohérence et ait une vision prospective.
L’État ne peut pas continuer à transférer des charges et des compétences à nos collectivités, comme il l’a fait lors de la réforme des rythmes scolaires, de la suppression de la TESA, du transfert de l’instruction des permis de construire, et nous faire le reproche, en tout cas dans les actes, d’embaucher des personnels, alors que nous allons devoir faire face à ces transferts.
De la même manière, les décisions relatives à la suppression de la journée de carence et aux évolutions des agents de catégorie C, même si elles sont compréhensibles, alourdissent les dépenses des collectivités.
Toutes ces mesures, mes chers collègues, ne relèvent ni d’une politique planifiée ni d’une réelle politique de concertation avec les collectivités. Les dotations de l’État sont distribuées – en tant qu’élus pouvant encore cumuler un mandat local et un mandat national, madame la ministre, nous sommes bien placés pour le savoir – en application d’un système d’une complexité telle qu’il en est devenu illisible. La logique eût été de commencer, voici deux ans, par la réforme de la fiscalité locale et par celle des dotations de l’État. C’était le bon sens, mais ce n’est pas le chemin qui a été suivi.
Nous avons besoin de simplification, de clarté et de justice. J’ai d’ailleurs relevé dans le rapport que, si les députés ont, à juste raison, voté la minoration des recettes de la collectivité territoriale de Corse du montant de la dotation de continuité territoriale, soit le tiers des recettes, ils ont oublié d’étendre cette disposition aux territoires continentaux enclavés. C’est juste un clin d’œil : je tenais à attirer l’attention sur la situation de certains de nos territoires ruraux.
M. Jacques Mézard. J’évoquerai, deuxièmement, l’évolution du système de péréquation.
La péréquation, nous le savons tous, est la conséquence d’un système de ressources des collectivités devenu profondément injuste, illisible, contraire à toute politique d’aménagement du territoire, si tant est qu’il y en ait encore une, et, surtout, d’une politique d’égalité des territoires.
En la matière, la question fondamentale est celle de la détermination des critères. On voit bien que les intérêts des uns ne sont pas forcément les intérêts des autres, comme en témoigne un certain amendement que nous examinerons à l’issue de la discussion. En fins connaisseurs des collectivités locales, nous n’avons aucun mal à deviner qui a inspiré cet amendement et à comprendre qui a intérêt à ce qu’il soit adopté. Le dépôt de cet amendement est du reste tout à fait logique.
Même s’il est difficile de définir les critères de péréquation, il est indispensable de le faire. En tout cas, personne ne saurait nier, en l’état, que des disparités considérables existent entre nos collectivités et que péréquation verticale et péréquation horizontale n’ont à ce jour corrigé que très partiellement ces inégalités.
Je dirai un mot du FPIC, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales. Nous ne pouvons cautionner un ralentissement de l’augmentation du FPIC. Nous connaissons, certes, les limites de cet exercice, mais l’augmentation de cette dotation de péréquation ayant été annoncée, les engagements initiaux doivent être tenus, car ceux qui font de la prospective ont évidemment pris en compte la croissance du FPIC.
J’évoquerai, troisièmement, l’articulation du projet de loi de finances pour 2015 avec les réformes territoriales engagées. Alors que la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi « MAPAM », a été adoptée, et que des réformes sont en cours, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’y a strictement aucune cohérence entre elles et les finances locales et les concours de l’État.
M. Jacques Mézard. Vous créez des métropoles, vous redécoupez les régions, vous voulez supprimer les conseils généraux – encore que ce point évolue –, regrouper des intercommunalités, mais il n’y a aucune logique entre ces réformes et la vie financière de nos collectivités !
Madame la ministre, nous attendons de l’État et de vous-même une adaptation de la politique de dotations aux collectivités locales. En conséquence, la majorité du groupe du RDSE ne pourra pas voter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales inaugure une nouvelle ère de l’histoire du financement des politiques publiques locales.
La DGF a été construite en suivant la progression constante de la croissance économique, même modérée. Cette période est désormais révolue et il nous faut tourner la page en nous efforçant désormais de faire preuve de toujours plus d’ingéniosité face à la rareté de l’argent public local.
Il s’agit d’une nouvelle ère financière, mais également d’un nouvel acte administratif puisque, après avoir procédé à une réforme de la carte cantonale, le Gouvernement s’est attaqué à un redécoupage régional, certes hasardeux, mais qui a néanmoins été définitivement adopté. Il va bientôt composer une nouvelle carte intercommunale et effectuer une nouvelle répartition des compétences entre collectivités.
Ces bouleversements appelaient une réflexion sur les finances locales. Le Gouvernement a donc annoncé, dès l’automne 2013, une importante réforme de la DGF. Celle-ci devra prendre en compte à la fois la nouvelle carte administrative de notre pays, les dispositions qui seront votées dans le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, et les économies que l’État impose aux collectivités via ce pilotage de fait par la baisse de ses dotations.
Je ne reviendrai pas en détail sur cette baisse, mes collègues l’ayant déjà évoquée à cette tribune à l’instant et, en première partie, lors du débat sur les articles 9 et suivants du projet de loi de finances.
Un équilibre a été défini par le rapporteur général et la nouvelle majorité sénatoriale. Nous avons minoré la baisse de la DGF de 1,4 milliard d’euros, non pas de manière arbitraire, mais afin de compenser les transferts de charges et les coûts induits par les normes édictées par l’administration depuis deux ans, y compris la réforme des rythmes scolaires.
La majorité sénatoriale ne conteste pas que les collectivités doivent participer à l’effort de redressement des comptes public et, à ce titre, accepter des baisses de leurs dotations. Il est naturel qu’elles y participent, mais dans une juste mesure. Ces baisses pourraient entraîner deux risques : un risque pour les taux – je pense aux taux d’imposition – et un risque pour l’investissement, ce qui aurait des conséquences malheureusement prévisibles, et attendues, sur l’économie et sur l’emploi.
Les sénateurs centristes estiment toutefois que les efforts fournis par les collectivités doivent être réalisés avec l’équité comme principe directeur.
Cette équité, incontournable pour que la réforme soit juste, bien comprise et donc efficace, vaut pour les relations entre l’État et les collectivités comme pour les relations entre les territoires entre eux. Ce point fera sans nul doute l’objet d’un important débat tout à l’heure.
À cet égard, l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » nous permet d’avoir aujourd'hui en séance publique un débat approfondi sur les modalités de la péréquation horizontale, soit la péréquation entre les collectivités, après le débat que nous avons eu lundi dernier sur la péréquation verticale.
Le groupe UDI-UC est favorable à la péréquation. Toutefois, la nouvelle ère introduite par la baisse de 1,5 milliard d’euros des dotations l’an passé, puis de 3,7 milliards cette année, dans la version du Gouvernement, a nécessairement un effet sur les équilibres définis jusqu’alors en matière de péréquation des richesses.
Pour dire les choses simplement, malgré le caractère technique de la matière, un certain nombre de collectivités craignent un effet de ciseaux, avec, d’un côté, la baisse de leurs dotations et, de l’autre, l’augmentation de leurs contributions aux fonds de péréquation. C’est, me direz-vous, la quadrature du cercle, et il nous faut composer avec cela.
Nous savons que ce phénomène est avéré pour toutes sortes de collectivités à tous les échelons. Nous savons aussi que les collectivités qui bénéficient des dotations sont celles qui ont a priori le moins de recettes, donc celles qui vivent le plus durement la baisse des dotations. On a donc ce double phénomène de contributeurs qui vivent plus difficilement leur contribution du fait de la baisse de leurs recettes et de bénéficiaires qui vivent d’autant plus difficilement la baisse de leurs dotations qu’ils ont besoin de cette ressource.
Le Sénat va devoir tenter de résoudre cette équation particulièrement difficile. Nous savons que c’est le bloc communal qui fournit l’exemple le plus éclairant de ces difficultés.
Nous faisons donc face à une véritable aporie financière : la péréquation est un outil de justice et d’équité territoriale, mais sa mise en œuvre effective, dans le contexte actuel d’incertitude financière, tend à bouleverser la manière dont de nombreuses collectivités la perçoivent.
La péréquation doit rester une contribution, elle ne doit pas devenir une sanction, comme c’est le cas pour un certain nombre de collectivités. Telle est la difficulté que pose un système de péréquation dans lequel les contributeurs et les bénéficiaires rencontrent parfois les mêmes difficultés.
Nous connaissons tous dans nos départements des communes qui sont à la fois contributeurs et bénéficiaires du FPIC. D’une année sur l’autre, les dispositions adoptées au cours de la navette parlementaire ont parfois d’importantes conséquences financières pour elles. Les dotations s’effondrent parfois quand la contribution au FPIC s’élève, alors que l’accès à la péréquation s’éloigne.
En tout état de cause, et c’est le message que je tenais à vous adresser, madame la ministre, il faudra mener parallèlement à la réforme de la DGF une réflexion sur les critères d’éligibilité aux différents fonds de péréquation. L’une ne va pas sans l’autre ; l’une ne peut pas aller sans l’autre.
Cette réforme, on le sait, prendra du temps. Nous savons tous ici à quel point il est difficile de mesurer l’impact d’une modification de la décimale d’un indice inscrit dans une formule de calcul du montant de la dotation de péréquation. Nous aboutissons parfois au résultat inverse de celui qui était escompté. Nous avons donc besoin de temps pour expertiser les voies possibles de réforme et c’est, je pense, la direction dans laquelle ont travaillé nos rapporteurs spéciaux, ainsi que Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail effectué par nos deux commissions.
Leurs positions divergent sur les crédits de la mission, mais un terrain d’entente pourrait être trouvé si nous convenions tous dans cet hémicycle que notre intérêt collectif est de ne pas brusquer les dynamiques actuellement engagées et de gagner du temps. Nous mesurons trop mal les effets qu’aura sur la composition des budgets locaux d’ici à la fin du mois de mars prochain la baisse de 3,7 milliards d’euros des dotations – baisse réduite à 2,4 milliards d’euros par le Sénat –, laquelle vient s’ajouter à la diminution de 1,5 milliard d’euros que nous avons connue depuis 2013.
J’espère donc, mes chers collègues, que nous parviendrons à dépasser les clivages traditionnels qui opposent les groupes parlementaires entre eux, les élus des petites et des grandes communes, les représentants des collectivités prospères et ceux de celles qui le sont moins. De même, j’espère que nous saurons dépasser le clivage entre Paris et la province. Je rappelle volontiers ici que l’Ile-de-France connaît des situations très contrastées. Le maire d’une ville de banlieue bénéficiaire que je suis peut en témoigner.
J’espère également que nous parviendrons à trouver un consensus équilibré autour de la position de nos rapporteurs spéciaux, qui proposent de lisser la montée en charge du FPIC prévue l’année prochaine en modérant sa hausse, sans revenir sur les principes et les structures votés au Sénat en décembre 2011. Je pense que c’est une position de prudence qui nous permettrait de définir un calendrier de travail pour les prochains mois, et ce en respectant l’équité qui doit prévaloir entre nos territoires. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le chômage progresse, la compétitivité décline, la dette augmente et l’État n’est plus en mesure de redresser la situation.