Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il ne faut pas tout confondre : le débat sur les droits de mutation et les prix à Paris est extrêmement important et, comme bien d’autres, après avoir lu de nombreux rapports et travaillé longuement le sujet, j’ai acquis quelques convictions.
Premièrement, les outils de la régulation des prix n’ont jamais été mis en œuvre. Depuis la fin de la tradition gaulliste, qui était interventionniste, et du jour où l’on est entré dans un mécanisme libéral, on n’a pas trouvé d’outils de régulation qui ne soient pas l’intervention directe de la puissance publique. Celle-ci, nécessaire dans certains cas, ne saurait pourtant être la seule forme d’intervention. (M. Roger Karoutchi approuve.)
Comme d’autres, j’ai de nombreuses idées sur la manière de réaliser cette régulation. En tout cas, cette situation a conduit à une dérive des loyers, de l’immobilier et du foncier dans l’ensemble du pays et, bien évidemment, plus encore dans les secteurs de forte attractivité. Sur le sujet, nous pourrions avoir des discussions infinies.
Deuxièmement, la fiscalité de l’immobilier a-t-elle un impact sur les prix ? Bien sûr que oui ! Toutes les fiscalités de l’immobilier ont un impact sur les prix. Les droits de mutation ne sont pas les seuls à dissuader, l’écart de prix avec le niveau de ressources et de revenu des Français freine aussi une partie des échanges aujourd’hui. Si nous avons assisté à une spéculation galopante à certains moments, c’est parce que certaines aides fiscales, mal calibrées et mal ciblées, ont permis une explosion des prix allant au-delà du raisonnable. De plus, la plupart du temps, elles n’ont pas été contracycliques.
Troisièmement, en l’occurrence, de quoi s’agit-il avec cet amendement ? Des abus ! Cette mesure vise à éviter les abus et à contribuer à la solidarité urbaine, en limitant le décalage entre les prix de l’immobilier et parce que l’on cherche des ressources qui, dans de nombreux secteurs, manquent.
Cette contribution ne perturberait pas le marché. Je me rappelle avoir eu avec M. Cahuzac des discussions complètement décalées par rapport à la réalité. Quand on entend affirmer que, à 10 000 euros du mètre carré, on perturbe le marché, alors que se trouve concernée, en fait, une part extrêmement minime de celui-ci, on croit rêver, ou alors cauchemarder ! Je le répète, je ne pense pas qu’une telle mesure déstabiliserait le marché, même s’il est aujourd’hui en baisse.
Cette contribution marquerait un axe politique de solidarité urbaine et territoriale. Elle apporterait des recettes à l’État. Chers collègues, je vous invite donc à la voter, d’autant que ce que disait M. Karoutchi des terrains publics est juste.
Nous avons voté une loi, et il a fallu mettre en place une commission, présidée par M. Repentin, dont on connaît les compétences, pour faire en sorte qu’elle s’applique. Or ce texte de loi date de trois ans maintenant ! Et tout cela parce que, comme vous l’avez dit, monsieur Karoutchi, les administrations, RFF, la SNCF ou l’armée veulent valoriser leurs terrains au prix spéculatif du marché, pendant que l’État, schizophrène, tente d’expliquer qu’il faut l’offrir gratuitement parce qu’il est nécessaire pour construire des logements.
J’ai proposé pendant des lustres que la Caisse des dépôts et consignations achète l’ensemble de ces biens à un prix global, négocié entre l’État et les opérateurs publics.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Puis, au regard de la faisabilité des opérations et en étant soumise à l’exigence de favoriser la mixité sociale, la Caisse des dépôts aurait déstocké ces biens en jouant intelligemment sur le niveau des prêts. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.) Toutefois, manifestement, cette idée pose problème. Ce doit être trop de bon sens pour Bercy !
J’insiste donc : il s'agit ici d’une contribution de solidarité touchant les transactions à partir de 10 000 euros du mètre carré, qui sont massivement réalisées par les personnes les plus riches de la planète. Cette contribution représenterait pour eux des clopinettes, mais elle nous offrirait une recette utile pour le logement.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je comprends que Marie-Noëlle Lienemann mette toute sa fougue pour qu’une promesse de François Hollande prise devant la Fondation Abbé Pierre en 2012 soit tenue. Je rappelle toutefois que le Président de la République vient de nous dire qu’il ne fallait plus accroître les impôts et que ceux-ci n’augmenteraient plus…
Je n’ai pas grande empathie pour tous ceux qui achètent des hôtels particuliers à prix d’or dans Paris et, monsieur Boulard, si j’étais persuadé que cette taxe permettrait de régler le problème des personnes sans domicile fixe, je la voterais bien volontiers. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Nous y reviendrons lors de l’examen des crédits de la mission « Égalité des territoires, logement et ville ». Lors de la réunion de la commission, je vous ai expliqué qu’il manquerait plusieurs dizaines de millions d’euros, tout comme ils manquaient en 2014. Les crédits pour 2015 sont insuffisants. Si j’étais persuadé que cette taxe peut combler le manque, je la voterais donc !
Toutefois, il me semble surtout qu’il faut mettre fin à cette multiplication des taxes. Franchement, nous ne faisons qu’en créer de nouvelles !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Elle ne toucherait que les biens de plus de 10 000 euros le mètre carré !
M. Philippe Dallier. Oui, mais ce serait une taxe de plus ! À chaque occasion, quelqu’un invente une nouvelle taxe. C’est sans fin ! M. le secrétaire d’État l’a très bien dit, et je vais le suivre : on a alourdi la fiscalité dans ce domaine, elle va pénaliser les transactions de ce type, et nous devons nous en tenir là, car, à mon avis, c’est suffisant.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je me suis exprimé tout à l’heure sur la taxe, mais je voudrais réagir aux propos qui ont été tenus concernant le foncier public. En effet, monsieur Karoutchi, vous qui avez été ministre, vous avez tenu des propos qui me semblent pour le moins excessifs.
Comme vous le savez, le secrétaire d’État chargé du budget est également en charge du service des domaines, donc de la gestion des biens de l’État. Je porte donc une attention particulière à ces sujets, en lien avec M. Repentin, que j’ai vu et qui m’a accompagné récemment à Bordeaux, où nous avons cédé un bien important.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Du ministère des affaires étrangères !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Tout à fait, monsieur le rapporteur général. Le ministère des affaires étrangères n’est pas le dernier à céder des biens.
Je porte donc une attention particulière à ces sujets. RFF et la SNCF ne sont pas complètement assimilables à l’État, mais dire que ce dernier devrait « donner »…
M. Roger Karoutchi. Je n’ai pas parlé de donner !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En tout cas, vous avez dit qu’il devait céder ses terrains pour pas grand-chose. Or, c’est un exercice auquel je ne me livrerai pas et qui serait d’ailleurs contraire à la Constitution, qui m’oblige à préserver les biens de l’État.
Pour faire un très rapide historique du sujet, auparavant, c'est-à-dire avant la loi qui est entrée en vigueur au début de 2013, l’État pouvait céder ses biens avec des rabais qui étaient grosso modo plafonnés à 30 % ou 35 %. Il le faisait, sinon à la tête du client, du moins selon des critères tels que la nature de l’opération ou l’opportunité du projet, qui, en fait, étaient peu précis.
L’intérêt de la loi entrée en vigueur au début de 2013 a été de poser des critères précis et, surtout, de permettre de majorer la décote. Si ma mémoire est bonne, celle-ci peut même atteindre les 100 % selon la nature de l’opération, la loi ayant essentiellement posé des critères en termes de reconversion et de caractéristique des logements, notamment en termes de logement social.
Nous pouvons donc désormais consentir des rabais très importants, ce qui est positif, mais cela signifie aussi que les opérations doivent être parfaitement connues. En effet, les services dont j’ai la responsabilité doivent, pour valider un montant de rabais sur une transaction potentielle, connaître le contenu du projet : combien de logements réalise-t-on ? De quel type ? Avec quel pourcentage de logement social, très social et intermédiaire ? Avec quelle surface commerciale ?
Nous devons connaître le projet pour pouvoir fixer le rabais. Or, bien souvent, on nous dit que ce n’est pas possible, que l’opération nécessite une modification du PLU ; puis, entre-temps, on décide de faire plus, ou moins, de logements, et, chaque fois, les évaluations changent, ce qui est bien normal d'ailleurs.
Si nous ne faisions pas cette évaluation en fonction de la nature de l’opération, nous ne protégerions pas les intérêts patrimoniaux de l’État ou de l’organisme public qui est sur le point de céder. Toutefois, cela donne un peu l’impression d’un serpent qui se mord la queue : pour pouvoir calibrer l’opération, il faut connaître le prix du foncier, et le prix du foncier dépend de ce que sera l’opération. On se retrouve pris dans une espèce de système itératif. (Mme Marie-Noëlle Lienemann acquiesce.)
Néanmoins, on ne peut pas dire que tout soit bloqué. J’ai l’occasion d’acter toutes les semaines le lancement de telles opérations, le plus souvent en province, il est vrai.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Pour avoir beaucoup travaillé sur le sujet, j’ai pu faire quelques constats.
Tout d’abord, le plus fort handicap, indépendamment de celui que j’évoquais à l’instant, est l’absence de demande pour le patrimoine d’État. Cela vaut plus en dehors des zones tendues, bien sûr.
Nous avons sollicité les préfets de région au cours d’une réunion récente de ce que l’on appelle le « G50 », à l’Élysée, en présence du Président de la République, en leur demandant de nous présenter cinq opérations par région, au travers desquelles nous pourrions montrer notre volonté de céder du patrimoine public pour construire du logement. Or nous avons du mal à obtenir des retours. La plupart du temps, les préfets nous parlent de tel bien, de telle friche militaire – encore que les friches militaires soient un cas particulier, qui offre des possibilités différentes – ou administrative, mais ils soulignent qu’ils n’ont pas de demande.
J’ai rencontré M. Repentin et j’invite tous les élus, maires, sénateurs, présidents de conseils généraux, présidents d’offices publics d’HLM, à me saisir des situations de blocage. La Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier, la CNAUF, à laquelle Mme Marie-Noëlle Lienemann a fait référence et qui est présidée par M. Repentin, est là pour assurer l’intermédiation sur les dossiers bloqués.
Toutefois, pardonnez-moi, madame Lienemann, je précise que ce n’est pas la CNAUF qui décidera des opérations : pour des raisons de responsabilité patrimoniale, c’est le ministre que je suis qui signera définitivement les transactions. Je tiens à lever toute ambiguïté à cet égard. D'ailleurs, je m’en suis expliqué avec M. Repentin très clairement et calmement, en toute amitié et bonne collaboration.
Nous avons un service des domaines et un ministre qui valide, car – disons-le là aussi en essayant de ne froisser personne – le service des domaines est très attentif aux évaluations qu’il réalise, pour des raisons assez claires.
Certaines transactions ont parfois mis en cause des élus (M. Michel Bouvard acquiesce.), mais des fonctionnaires aussi ont été poursuivis, à titre personnel, au titre de l’exercice de leurs fonctions, car ils sont responsables pénalement. J’ai d’ailleurs rencontré les agents du service des domaines pour les rassurer sur leurs missions, car, quand on est fonctionnaire et que l’on sert l’État, on peut être poursuivi pénalement pour des actes que l’on aurait commis dans le cadre de son travail… Je n’en dirai pas davantage : vous voyez tous, mesdames, messieurs les sénateurs, à quelle affaire je fais référence.
Je ne cherche pas à défendre mes services systématiquement : je veux simplement à préciser la procédure et détailler la situation actuelle, monsieur Karoutchi.
Je le dis ici pour que ce soit connu : mesdames, messieurs les sénateurs, s’il est des situations où vous estimez que « Bercy » – puisque la mode est d’utiliser ce mot – bloque le dénouement d’une transaction, vous connaissez mon adresse et, pour la plupart d’entre vous, vous avez mon numéro de téléphone portable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-132 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 7 bis (nouveau)
Le b du 1° du 7 de l’article 261 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les limites mentionnées aux deuxième à avant-dernier alinéas du présent b sont indexées, chaque année, sur la prévision de l’indice des prix à la consommation, hors tabac, retenue dans le projet de loi de finances de l’année ; ». – (Adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Hervé Marseille.)
PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Dépôt de documents
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :
- d’une part, la convention entre l’État et BPI-Groupe relative au programme d’investissements d’avenir, actions « Développement de l’économie numérique », « Soutien aux usages, services et contenu numériques innovants – Volet subventions et avances remboursables », « Usages et technologies du numérique » ;
- d’autre part, l’avenant n° 3 à la convention du 27 juillet 2010 entre l’État et l’Agence nationale de la recherche relative au programme d’investissements d’avenir, action « Recherche hospitalo-universitaire en santé ».
Acte est donné du dépôt de ces documents.
Ils ont été transmis à la commission des finances ainsi qu’à la commission des affaires économiques. L’avenant n° 3 a en outre été transmis à la commission des affaires sociales.
4
Loi de finances pour 2015
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles de la première partie, nous en sommes parvenus à l’article 7 ter.
Article 7 ter (nouveau)
Le III de l’article 278 sexies du code général des impôts est ainsi rétabli :
« III. – 1° Les livraisons à soi–même de travaux portant sur les locaux mentionnés aux 2, 5, 6 et 8 du I du présent article, lorsque ces travaux consistent en une extension ou rendent l’immeuble à l’état neuf, au sens du 2° du 2 du I de l’article 257, sous réserve de la prise en compte de ces opérations d’extension ou de remise à neuf dans les conventions mentionnées aux 2, 5, 6 et 8 du I du présent article ;
« 2° Les livraisons à soi-même de travaux de rénovation, d’amélioration, de transformation ou d’aménagement réalisés dans le cadre de l’une des opérations suivantes, lorsque l’acquéreur bénéficie pour cette opération d’un prêt accordé pour la construction, l’acquisition ou l’amélioration de logements locatifs aidés ou d’une subvention de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et a conclu avec l’État une convention en application des 3° à 5° de l’article L. 351-2 du code de la construction et de l’habitation :
« a) Acquisition de logements et d’immeubles destinés à l’habitation, suivie de travaux d’amélioration ;
« b) Acquisition de locaux ou d’immeubles non affectés à l’habitation, suivie de leur transformation ou aménagement en logements ;
« c) Travaux d’amélioration exécutés sur des immeubles ou des logements cédés à bail emphytéotique par l’État, des collectivités territoriales ou leurs groupements ; ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I–113 rectifié est présenté par Mme Lienemann, MM. Dilain et Vandierendonck, Mme Guillemot et M. Raoul.
L'amendement n° I–386 est présenté par M. Dallier, Mmes Canayer et Cayeux, MM. César, Charon et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Estrosi Sassone, M. Grand, Mme Hummel et MM. D. Laurent, Lefèvre, Mandelli, Morisset et D. Robert.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
… – L’article 284 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa du II, après les mots : « au II », sont insérés les mots : « et au 1° du III » ;
2° Au III, après le mot : « prévus », sont insérés les mots : « au 2° du III et ».
… – À l’article 278 sexies A du même code, après les mots : « en application », sont insérés les mots : « du III ou ».
… – Après le mot : « mentionnés », la fin du b du 1° du 3 du I de l’article 257 du même code est ainsi rédigée : « au 2° du III et au IV de l’article 278 sexies, ainsi qu’à l’article 278 sexies A ».
L’amendement n° I–113 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour présenter l’amendement n° I–386.
M. Philippe Dallier. Il s’agit d’un amendement de coordination tendant à préciser les règles en matière de TVA applicable aux travaux de rénovation ou d’amélioration réalisés dans les logements sociaux.
A priori, son adoption ne coûterait rien de plus. Je veux simplement insister de nouveau sur l’intérêt de ces dispositions, notamment dans le cadre des opérations d’acquisition-amélioration. On nous demande de construire du logement social, mais ce n’est pas toujours évident. En effet, il faut en général d’abord trouver le terrain, mais on peut aussi, lorsque l’occasion se présente, faire acquérir en bloc des immeubles libres sur le marché par des bailleurs sociaux dans le cadre d’une opération acquisition-amélioration. Le taux de TVA réduit est fort utile dans ce cas-là.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit d’un amendement de cohérence qui nous paraît, a priori, pertinent. Néanmoins, n’étant pas en mesure d’en apprécier toute la portée, nous avons souhaité recueillir l’avis du Gouvernement sur cette question.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. C’est un pur amendement de coordination rédactionnelle qui n’emporte aucune conséquence juridique ou financière, ni positive ni négative, qui ne modifie pas l’état du droit, mais il est bienvenu pour améliorer la rédaction de la loi. Le Gouvernement y est donc favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 7 ter, modifié.
(L'article 7 ter est adopté.)
Articles additionnels après l'article 7 ter
M. le président. L'amendement n° I–247, présenté par MM. Mézard, Collin et Requier, Mme Laborde, MM. Bertrand et Fortassin, Mme Malherbe et MM. Castelli et Esnol, est ainsi libellé :
Après l'article 7 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième ligne de la deuxième colonne du tableau constituant le deuxième alinéa de l’article 575 A du code général des impôts, le taux : « 64,7 » est remplacé par le taux : « 66,7 ».
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement, que nous avons déjà proposé lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PLFSS, a pour objet d’augmenter de deux points, de 64,7 % à 66,7%, le taux normal des droits de consommation sur le tabac applicable aux cigarettes.
Il s’agit pour nous non pas de pénaliser les consommateurs, mais de mettre à contribution les fabricants de tabac, dont les bénéfices sont colossaux et qui versent, en comparaison, des impôts d’un montant bien faible. Ces grandes entreprises multinationales ont notamment recours à d’habiles montages d’optimisation fiscale pour réduire substantiellement leur impôt, même si elles n’ont pas l’apanage de ces pratiques.
À l’occasion du lancement du plan antitabac, la ministre de la santé, Mme Marisol Touraine, a estimé le coût social annuel des conséquences du tabagisme à 47 milliards d’euros pour notre pays, alors que la vente de tabac ne rapporte que 12,3 milliards d’euros par an, selon l’estimation de la Cour des comptes.
Par cet amendement, nous souhaitons donc accroître légèrement la participation de l’industrie du tabac à la prise en charge des conséquences du tabagisme et au redressement de nos comptes publics.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission est réservée, car l’adoption de cet amendement reviendrait à augmenter la fiscalité sur les cigarettes, en portant le taux de 64,7 % à 66,7 %, sans toucher aux autres produits du tabac. Dans ces conditions, ne risque-t-on pas d’assister à un transfert des habitudes de consommation vers les cigarillos et le tabac à rouler, par exemple ?
Par ailleurs, la fiscalité du tabac a été réformée en profondeur. Un certain nombre de dispositions figuraient d’ailleurs dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.
En outre, prenons garde à ne pas déstabiliser complètement un marché avec le développement du commerce transfrontalier ou hors marché contrôlé, c’est-à-dire via internet ou d’autres circuits. À cet égard, je crois savoir que les douanes ont pour priorité de stopper le développement du marché du tabac hors du réseau des buralistes.
Tout en reconnaissant l’importance du problème de santé publique, je crains que cette augmentation de la fiscalité ne contribue à déséquilibrer le marché, en particulier dans les zones frontalières, et à développer la contrebande.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est un sujet compliqué.
Monsieur Requier, vous avez dit que l’adoption de votre amendement permettrait de faire participer davantage les fabricants et producteurs de produits cigarettiers. Je n’en suis pas si sûr.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est clair !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Parlement fixe le niveau de la fiscalité, et, contrairement à une idée reçue, le Gouvernement ne fixe pas les prix du tabac. En effet, il se contente de publier les prix, qui sont dépendants de plusieurs paramètres : le premier est la fiscalité, bien entendu, le second étant les prix pratiqués par les fabricants.
Nous devons faire preuve de beaucoup de pédagogie et de prudence avant d’entamer une réforme de notre politique en la matière, que, pour ma part, j’estime nécessaire. Permettez-moi d’en dire quelques mots.
L’un des problèmes, qui met d’ailleurs beaucoup de gens dans la rue, y compris devant le domicile personnel des ministres… (Sourires.)
M. Michel Bouvard. C’est scandaleux !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’ai personnellement été visé, mais cela a également été le cas de ma collègue ministre de la santé, hier.
M. Michel Bouvard. Scandaleux !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. À la limite, c’est anecdotique, quand les bornes ne sont pas dépassées.
Il existe un réseau de distributeurs, qui est le seul réseau légal, mais nous savons tous qu’il y a beaucoup d’autres formes d’approvisionnement : la contrebande, la contrefaçon, l’achat à l’étranger et sur internet.
Comme M. le rapporteur général l’a souligné, nous prenons avec les douanes le maximum de dispositions pour empêcher les achats à l’étranger, en tout cas les importations illégales. Je me suis moi-même rendu à la frontière franco-luxembourgeoise, mais j’ai peu de mérite car c’est chez moi. (Sourires.) Je n’ai par conséquent pas fait un grand déplacement.
J’ai donc assisté avec les douanes à des opérations de contrôle. C’était aussi un moyen de donner de la publicité à des nouvelles mesures que nous avons prises, notamment dans une circulaire récente ayant pour objet de réduire la quantité que l’on peut importer lorsqu’il ne s’agit pas de sa consommation personnelle.
Nous avons en outre l’intention de vous soumettre prochainement une disposition législative pour inverser la question de l’achat sur internet. Aujourd’hui, il est interdit de vendre du tabac sur internet en France, mais il n’est pas interdit d’en acheter. Or il y a bien évidemment des Français qui achètent sur des sites à l’étranger. Nous allons donc vous proposer, et j’espère que le Parlement nous suivra, d’interdire l’achat de tabac sur internet.
Le dispositif que nous proposons devrait nous permettre, en liaison avec non seulement les douanes, bien sûr, mais aussi les sociétés de livraison de colis, avec lesquelles nous avons déjà entamé des discussions, de repérer dans les centres de tri, en fonction de la provenance des colis, les personnes qui vendent et celles qui achètent. Si vous en êtes d’accord, cet acte d’achat par internet deviendrait une infraction pénale.
Bien sûr, notre action s’inscrit dans le cadre d’une politique de santé. Mme Marisol Touraine a eu l’occasion de présenter son plan de lutte contre le tabagisme avec, notamment, mais ce n’est pas la seule disposition, l’obligation de proposer des paquets neutres. C’est surtout cette disposition qui fait débat auprès des buralistes, comme l’actualité vous l’a montré, puisque ces derniers ont ajouté le Sénat aux domiciles des ministres comme cible de leur mécontentement.
Il s’agit d’une disposition importante qui fait controverse, mais dont Mme la ministre de la santé pense qu’elle est de nature à freiner la consommation chez les jeunes.
Enfin, pour en terminer sur ce sujet inflammable, si j’ose dire, je tiens à souligner que le mécanisme actuel de formation du niveau de fiscalité est absolument opaque, tant et si bien que j’ai moi-même – je l’avoue bien modestement – du mal à l’intégrer dans ma réflexion. Cependant, je pense que les sénateurs ont plus de capacités intellectuelles que moi (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.) pour comprendre un mécanisme qui, en fait, s’appuie sur une part fixe et une part variable, la part fixe étant elle-même assise sur le niveau de prix de l’année précédente. Bref, c’est extrêmement compliqué et peu lisible.
J’ai donc demandé à nos administrations de nous faire des propositions pour simplifier ce système et améliorer sa lisibilité. Certes, il y a beaucoup d’éléments à prendre en compte : il faut à la fois éviter le dumping et la pratique des prix d’appel, puisque, comme vous le savez, les producteurs, qui sont multinationaux la plupart du temps, n’hésitent pas, pour pénétrer un marché, à pratiquer des prix différenciés suivant la nature des produits. Or, même si la vente à perte est interdite, elle est très difficile à démontrer. Bref, n’y voyez pas un aveu d’impuissance de ma part, mais ce sujet est très compliqué, avec des pratiques qui sont parfois à la limite de l’entente entre les producteurs.
Cette question fera, je pense, l’objet de propositions du Gouvernement non pas dans un avenir lointain mais dans quelque temps pour atteindre l’objectif que tout le monde souhaite, c’est-à-dire la réduction de la consommation, notamment chez les jeunes.
De nombreux amendements circulent, et nous avons eu une longue discussion à l’Assemblée nationale voilà une dizaine de jours sur ce sujet, qui va revenir dans nos débats.
Je vous fais part avec précision de la position actuelle du Gouvernement en vue de préserver le monopole de la vente du tabac au réseau.
La question européenne est également importante, car la France est le pays, sur le continent européen – donc, abstraction faite de la Grande-Bretagne – , qui pratique les prix les plus chers, avec des différences très importantes par rapport à d’autres pays comme le Luxembourg, l’Espagne et la Belgique. Il est vrai que les zones frontalières sont une vraie préoccupation.
J’ajoute, pour que votre information soit complète, que nous avons un contrat d’avenir avec le réseau des buralistes qui nous conduit à accompagner les mutations d’une profession qui se diversifie, et c’est heureux. Cela permet à ces buralistes, entre les jeux et autres activités à l’instar du Compte-Nickel qu’ils sont en train de promouvoir, de trouver d’autres ressources leur permettant de conserver un socle suffisant d’activités pour la pérennité de commerces utiles dans le cadre de l’aménagement du territoire et de la présence, notamment, en zones rurales.
Telles sont les préoccupations du Gouvernement. Dans cette attente, monsieur le sénateur, cet amendement isolé – cela n’enlève rien à son mérite – est un peu prématuré et fera l’objet d’autres propositions du même type, puisque la question des cigares, cigarillos et autres produits sera réexaminée, soit aujourd’hui, soit lors de la poursuite de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Par conséquent, si cet amendement est maintenu à ce stade, le Gouvernement émet un avis défavorable. L’objectif est partagé, mais la méthode n’est pas forcément la meilleure.