M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission souhaite aller dans un sens différent de l’Assemblée nationale, qui propose de désindexer le seuil applicable à l’impôt de solidarité sur la fortune pour un certain nombre de biens ruraux soumis à bail et pour des groupements fonciers agricoles.

Nous considérons au contraire qu’il convient, en vertu de la règle générale, d’indexer les seuils d’imposition. À défaut, la désindexation risque de contribuer, même si l’inflation est faible, à un alourdissement de la fiscalité.

Nous proposons, pour notre part, d’harmoniser le traitement des biens ruraux soumis à bail et des parts de groupements fonciers agricoles au regard des droits de mutation à titre gratuit et de l’ISF.

Le principe de l’indexation est simple : il vise à ne pas alourdir les impôts, même si, je le répète, l’inflation est faible. Nous tenons à ce principe, et c’est tout le sens de cet amendement de la commission des finances.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement a fait le choix, dès le collectif budgétaire de l’été 2012, de supprimer le principe d’actualisation automatique annuelle du tarif des abattements et différents seuils applicables en matière de droits de mutation à titre gratuit, ou DMTG. Il ne saurait donc être envisagé de revenir, même partiellement, sur cette mesure.

La suppression de ce principe permet en effet, depuis 2012, de dégager des recettes budgétaires supplémentaires qui nous semblent nécessaires. Dans ce contexte, il serait malvenu de supprimer cette mesure.

La suppression de l’actualisation automatique du seuil applicable en matière d’ISF, ainsi que l’harmonisation des seuils applicables en matière de DMTG et d’ISF, concourent à une plus grande lisibilité de la loi, sans pour autant induire un impact négatif en termes d’incitation sur les transmissions des biens concernés, qui continueront à bénéficier d’avantages fiscaux substantiels, soit l’exonération partielle de DMTG et d’ISF à hauteur de 75 %, puis de 50 %, au-delà du seuil de 101 897 euros.

Le Gouvernement est donc clairement défavorable à cet amendement.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Et le Gouvernement alourdit la fiscalité !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-24.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 6 septies est ainsi rédigé.

Article 6 septies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2015
Article 7

Articles additionnels après l'article 6 septies

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° I-233 est présenté par M. Cadic, Mmes Deromedi, Garriaud-Maylam, Goy-Chavent et Iriti et MM. Duvernois, Mandelli, Pellevat, Laufoaulu et Commeinhes.

L’amendement n° I-306 est présenté par M. Bouvard.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° L’article 8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Des membres des sociétés anonymes, des sociétés par actions simplifiées et des sociétés en commandite par actions qui ont opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues par l’article 239 bis AC. » ;

2° Au 1 de l’article 206, après la référence « 239 bis AB », est insérée la référence : « , 239 bis AC » ;

3° Au deuxième alinéa du 2 de l’article 221, la référence : « et 239 bis AB » est remplacée par les références : « , 239 bis AB et 239 bis AC » ;

4° Après l’article 239 bis AB, il est inséré un article 239 bis AC ainsi rédigé :

« Art. 239 bis AC. – I. – Les sociétés anonymes, les sociétés par actions simplifiées et les sociétés en commandite par actions exerçant une activité de location d’établissements meublés ou équipés dans le secteur du tourisme et constituant des placements collectifs relevant du III de l’article L. 214-24 du code monétaire et financier peuvent opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes mentionné à l’article 8.

« II. – L’option ne peut être exercée que si elle est prévue dans les statuts constitutifs. Elle est notifiée par le représentant légal de la société au service des impôts auprès duquel est souscrite la déclaration de résultats dans les trois premiers mois du premier exercice au titre duquel elle s’applique. Cette option est irrévocable. »

II. – Le I est applicable aux impositions dues au titre des exercices ouverts à compter de la publication de la présente loi.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. 

La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l’amendement n° I-233.

Mme Jacky Deromedi. Afin de procurer au secteur du tourisme une source de financements complémentaire dans un contexte de concurrence accrue au plan international, le présent amendement vise à favoriser la création de véhicules d’investissement collectif dédiés à la location en meublé non professionnel, la LMNP, en permettant aux sociétés par actions d’opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes. Les investisseurs qui sont des personnes physiques se trouveraient, dès lors, traités fiscalement de la même façon qu’en cas d’investissement direct.

Cette option serait réservée aux sociétés par actions régulées et contrôlées par l’Autorité des marchés financiers, l’AMF, en application des dispositions de la directive 2011/61/UE sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs, dite « directive AIFM », transposée en droit français en juillet 2013.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l’amendement n° I-306.

M. Michel Bouvard. Je souhaite compléter ce qui vient d’être dit.

Monsieur le secrétaire d’État, je continue inlassablement à plaider ma cause. C’est ma ténacité de montagnard qui espère toujours, lorsqu’il est au camp de base, parvenir au sommet ! (Sourires.)

J’ai évoqué, hier, le problème posé par ces biens qui, une fois achevée la période d’obligation de mise en marché liée à l’avantage fiscal, se trouvent dans un certain nombre de cas privatisés par le propriétaire et ne contribuent donc plus à l’offre réceptive du tourisme français.

On sait, par ailleurs, que certains investissements dépassent la capacité d’épargne d’un grand nombre d’épargnants.

Le véhicule collectif a donc trois mérites : tout d’abord, il évite une privatisation du bien, lequel est par définition multiple ; ensuite, il draine de l’épargne pour des personnes n’ayant pas la capacité financière d’acheter un appartement complet ; enfin, il permet de régler le problème de l’acquisition des parties communes et de satisfaire à des obligations d’investissement dans des villages de vacances ou des équipements collectifs, comme des piscines, par exemple, que l’on trouve dans un certain nombre de résidences.

Aujourd’hui, il existe des véhicules d’investissement collectif dans l’immobilier – des sociétés civiles de placement immobilier, les SPCI, des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI –, qui fonctionnent d’ailleurs bien. Ont ainsi été levés depuis quatorze ans, grâce à une collecte auprès du grand public, quelque 30 milliards d’euros pour les SPCI et 1,2 milliard d’euros pour les EPCI.

Se pose tout de même un problème : ces véhicules d’investissement ne permettent pas de louer en meublé et ne sont pas adaptés à l’investissement dans les équipements ou les hébergements touristiques.

Nous proposons donc ici d’apporter les modifications nécessaires à l’obtention de l’autorisation pour ces véhicules d’investissement dans l’immobilier touristique, en les liant aux dispositifs fiscaux qui existent aujourd’hui en vue de fédérer les particuliers sur ce type d’investissement.

Je ne sais si cette proposition sera considérée, ou non, comme un élargissement de la niche fiscale au bénéfice du tourisme, mais elle fait partie de cette réflexion d’ensemble que je souhaite obtenir du Gouvernement sur les moyens de financer le tourisme français et les investissements dans ce secteur qui est créateur d’emploi et qui permet de lutter contre le déficit de notre balance des paiements.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La question de la rénovation, longuement évoquée hier, et celle du soutien au secteur touristique constituent toutes deux pour la commission de véritables sujets. Peut-être convient-il en effet de développer des produits et des placements collectifs permettant d’investir dans les logements meublés et de bénéficier du régime fiscal du loueur en meublé non professionnel.

Toutefois, au stade où nous en sommes et après un examen approfondi de ces deux amendements, il nous semble que la réflexion n’est pas suffisamment mûre sur la compatibilité entre le régime fiscal du loueur en meublé non professionnel et le régime qui est applicable à l’investissement collectif qui est proposé.

La commission, même si elle est sensible à l’intention des auteurs de ces amendements et aux arguments développés par Michel Bouvard sur la nécessité de soutenir ce secteur par la création de nouveaux moyens d’investissements, n’est pas favorable à cette proposition. Elle estime en effet que la question mériterait d’être étudiée davantage en vue de mettre en place un régime plus opérationnel.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement souhaite clairement soutenir le tourisme : il le fait et il le prouve. Il a ainsi lancé de nombreux travaux visant à renforcer l’attractivité de notre pays, qui sont relatifs aux questions de circulation, de visas, d’évènements internationaux, de résidences, de restauration, mais aussi de droit du travail, même si cela semble poser problème à certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs. (Mme Marie-Noëlle Lienemann opine.)

Actuellement, les sociétés de personnes qui se transforment en sociétés de capitaux ont la possibilité, pendant cinq ans, de rester assujetties à l’impôt sur le revenu, et non, comme telle est la règle pour les sociétés de capitaux, à l’impôt sur les sociétés. Vous proposez, monsieur Bouvard, de faire sauter ce verrou de cinq ans pour les sociétés ayant l’objet que vous avez décrit.

Le Gouvernement est défavorable à ce dispositif, car il estime que le régime actuel constitue d’ores et déjà une exception à la règle selon laquelle les sociétés de capitaux sont soumises à l’impôt sur les sociétés, et non à l’impôt sur le revenu. Le risque serait assez grand, si nous vous suivions, de permettre à des particuliers de faire remonter des déficits dans leur assiette personnelle d’impôt sur le revenu. Tel est d’ailleurs l’objectif incitatif visé par les auteurs des amendements, et il n’est pas forcément honteux.

Appliquer cette exception est une bonne chose, mais le Gouvernement ne souhaite pas aller au-delà. Son avis est donc tout à fait défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Ce que dit M. le secrétaire d'État est vrai et fondé, et j’ai bien entendu que le rapporteur général nous appelait à améliorer notre amendement. Je vais donc le retirer, en espérant que nous pourrons travailler avec la commission pour trouver un dispositif plus adapté, qui s’inscrive dans une logique moins dérogatoire et tienne compte des arguments présentés par le Gouvernement.

Il n’en reste pas moins que nous avons besoin de ce type de véhicules, qui sont devenus une nécessité.

En outre, le maintien du différentiel entre les investissements dans le secteur locatif traditionnel et les investissements dans le secteur locatif touristique – c’est ce que prévoit le dispositif Pinel –, rend encore plus nécessaire l’existence d’un véhicule alternatif apte à drainer de l’épargne en direction du tourisme tout en évitant l’achat d’un bien en propre par des particuliers. En effet, nous le savons, le dispositif Pinel va complètement déclasser l’investissement dans le secteur touristique.

Je ne nie pas les efforts consentis par le Gouvernement en faveur du secteur du tourisme ; je les reconnais même bien volontiers. C’est à mon sens un problème de réceptifs. Nous ne pouvons ignorer ce sujet central, qu’il nous faut prendre à bras-le-corps. J’espère donc que nous pourrons y retravailler d’ici au collectif budgétaire.

En attendant, je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° I-306 est retiré.

Madame Deromedi, l'amendement n° I-233 est-il maintenu ?

Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° I-233 est retiré.

Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-192, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 6 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les articles 787 B, 885 I bis, 885 I ter et 885-0 V bis du code général des impôts sont abrogés.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Les dispositions de cet amendement illustrent bien notre constance en matière d’impôt de solidarité sur la fortune et d’inégalités de patrimoine.

Le rendement de l’impôt de solidarité sur la fortune, loin d’être ridicule – quelque 5 milliards d’euros sont prévus en 2015 –, se voit bridé par un certain nombre de niches fiscales dont le coût peut se révéler important, alors même que le nombre des contribuables qui y font appel est plutôt réduit. (Mme Sophie Primas proteste.)

Dans le cas des opérations portant engagement collectif de conservation des titres et parts de société d’une entreprise dont le contribuable n’est qu’un actionnaire somme toute ordinaire, l’opération coûte environ 240 millions d’euros au budget général, pour un nombre indéterminé de bénéficiaires.

Sur les apports en numéraire aux entreprises – le dispositif ISF-PME – et aux dons aux œuvres, nous disposons de données plus précises. Selon l’évaluation des voies et moyens, 47 098 contribuables ont effectué des apports en direction de PME pour un coût fiscal de 468 millions d’euros, soit près de 10 % du produit de l’ISF. Quel est le montant des sommes effectivement engagées ? On peut l’estimer au double, ou à peu près, de la dépense fiscale.

Parmi les contribuables assujettis à l’ISF de la première tranche du tarif se trouvent 30 305 contribuables « financeurs », engageant 330,4 millions d’euros d’apports au capital des PME. Encore faut-il noter, mes chers collègues, que 30 % seulement d’entre eux – 9 155 en pratique – ont réalisé un apport direct au capital d’une PME, d’un montant moyen de 14 225 euros environ.

Pour ceux qui ont opté pour l’apport à une holding, le versement moyen se situe à 15 400 euros. L’apport aux fonds d’investissement de proximité conduit à un versement moyen de 9 100 euros environ, et le versement par le truchement des FCPI nous ramène à 8 850 euros.

Quel que soit le type de versement ou de véhicule utilisé, nous sommes fort loin du plafond de versement du dispositif ISF-PME. En revanche, ce niveau de versement correspond à peu près à celui de l’imposition qui aurait dû être acquittée par les contribuables concernés.

Dans le cas des dons aux œuvres – le dispositif propre à l’ISF doublonne singulièrement celui de l’impôt sur le revenu –, le nombre des contribuables concernés atteint 32 172, soit environ le dixième des redevables, pour une dépense fiscale représentant 112 millions d’euros. Nous disposons de données pour les contribuables de la première tranche : ils sont 22 218, soit un dixième du total, à avoir effectué un don déductible de l’ISF.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est positif pour les fondations !

Mme Marie-France Beaufils. Le montant moyen du don est de 2 359 euros pour une œuvre domiciliée en France et de 7 155 euros pour une œuvre domiciliée en Europe.

Ce montant est relativement modique au regard de l’objet concerné, à savoir des œuvres, même s’il est toujours troublant de qualifier de « modique » un tel niveau de versement !

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Marie-France Beaufils. Dans la plupart des cas, ces dons ont pour fonction d’optimiser la déclaration d’impôt de solidarité sur la fortune. L’intérêt des contribuables pour l’œuvre qu’ils soutiennent ainsi est sans nul doute relativement faible, et c’est surtout sa traduction fiscale qui retient l’attention. Or le coût de ce dispositif pour les finances publiques n’est pas négligeable.

Tel est l'objet de cet amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° I-280 rectifié, présenté par MM. Dassault et Lefèvre, Mme Deroche et M. P. Dominati, est ainsi libellé :

Après l'article 6 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - Les articles 885 A à 885 Z du code général des impôts sont abrogés.

II - Les pertes de recettes pour l'État résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 402 bis, 438, 520 et 575 A du code général des impôts.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° I-193, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 6 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article 885 A, le montant : « 1 300 000 » est remplacé par le montant : « 800 000 » ;

2° L’article 885 U est ainsi rédigé :

« Le tarif de l’impôt est fixé à :

« (en pourcentage)

« 

FRACTION DE LA VALEUR NETTE TAXABLEdu patrimoine

TARIFapplicable

N'excédant pas 800 000 €

0

Supérieure à 800 000 € et inférieure ou égale à 1 300 000 €

0,55

Supérieure à 1 300 000 € et inférieure ou égale à 2 570 000 €

0,70

Supérieure à 2 570 000 € et inférieure ou égale à 5 000 000 €

1

Supérieure à 5 000 000 € et inférieure ou égale à 10 000 000 €

1,35

Supérieure à 10 000 000 €

1,80

 »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Mes chers collègues, nous vous proposons de nouveau un barème de l’impôt de solidarité sur la fortune quelque peu remis au bon niveau et dont le seuil d’imposition serait ramené à hauteur de ce qu’il fut dans un passé pas si ancien.

Depuis 2011, l’ISF a connu plusieurs corrections, dont la moindre n’a pas été la division par deux, ou peu s’en faut, du nombre de ses contribuables.

Cette mesure, même corrigée en 2012, demeure en complet décalage avec les principes républicains d’égalité devant l’impôt, pourtant précisés par les articles XIII et XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et au regard des efforts demandés aux plus modestes devant la situation des comptes publics.

Comment appeler nos compatriotes à l’effort et à la rigueur quand on se prive de mettre à contribution 300 000 ménages qui peuvent tout à fait produire cet effort, eu égard à leur patrimoine, dont le niveau est nettement supérieur à la valeur moyenne des patrimoines en France ? Voilà qui nécessite l’ajustement que nous recommandons ici.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le rendement de l’impôt de solidarité sur la fortune ne semble pas connaître de réduction sensible, et les prévisions pour 2015, qui portent sur environ 5 milliards d’euros de recettes, montrent que les inégalités sociales nourrissent au moins la fortune de quelques-uns.

L’ISF se révèle d’ailleurs assez peu confiscatoire, contrairement à certains discours entendus ici et là, puisque les éléments statistiques fournis par le ministère des finances lui-même nous indiquent que les 230 000 ménages dont le patrimoine est compris entre 1,3 million d’euros et 2,57 millions d’euros, c’est-à-dire les seuls contribuables de la première tranche du tarif, disposaient en 2013 d’un patrimoine d’une valeur imposable de 406 milliards d’euros, produisant un impôt estimé à 1,33 milliard d’euros, soit environ 0,3 % de la base taxable.

L’enrichissement des contribuables de l’ISF est souvent assez éloigné de la reconnaissance de leur mérite propre. Il provient en effet bien souvent de la réévaluation du marché immobilier, de la tenue des indices boursiers ou de la santé des titres et parts de sociétés non cotées.

Je fais d’ailleurs ici observer que toute mesure visant à favoriser le développement d’une certaine forme de spéculation immobilière – l’encouragement aux ventes à la découpe ou l’allégement de la fiscalité des plus-values en sont de bons exemples – tend, mécaniquement, à valoriser l’ensemble des biens, qu’ils soient ou non sur le marché, provoquant un renchérissement de leur valeur au titre de l’ISF.

Avec cet amendement, nous rappelons la juste et nécessaire contribution des patrimoines les plus importants au redressement des comptes publics. Ce devrait être en effet l’affaire de tous.

Mme la présidente. L'amendement n° I-194, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 6 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l’article 885 A du code général des impôts est complété par les mots : « dans la limite de 2 millions d’euros ».

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Les dispositions votées dans le cadre de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA », ont largement ouvert les portes de l’optimisation fiscale en matière d’ISF et la remise en forme de l’impôt, depuis le printemps 2012, a finalement entériné une bonne partie des orientations fixées sous la législature précédente, puisque le nombre des redevables de l’impôt s’est réduit de manière assez importante. Pour autant, les mesures prises et l’équilibre trouvé n’ont pas fait, de notre point de vue, la pleine démonstration de leur efficacité sociale et économique.

Notre proposition est d’une grande simplicité. Elle vise à maintenir, notamment pour les actifs professionnels détenus par des redevables qui seraient aussi patrons de PME ou d’entreprises de taille intermédiaire, un certain niveau d’exonération de ces actifs. En revanche, en pleine application du tarif de l’impôt de solidarité sur la fortune, elle tend à placer ces actifs dans le patrimoine taxable à partir d’un montant de 2 millions d’euros.

L’impôt de solidarité sur la fortune ayant un caractère progressif, c’est à raison de l’importance de ces actifs professionnels que le rendement serait majoré.

Il s’agit là d’une mesure de justice fiscale, s’appuyant sur les qualités actuelles de l’ISF pour le rendre plus juste, plus efficace et plus rentable pour les finances publiques.

Mme la présidente. L'amendement n° I-195 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 6 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa de l’article 885 S du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le montant de cet abattement ne peut excéder 300 000 euros. »

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. L’abattement sur la valeur de l’habitation principale du redevable de l’impôt de solidarité sur la fortune constitue l’une des mesures de correction de cet impôt, pour un montant relativement important, de l’ordre de 490 millions d’euros pour 2014. Cette mesure constitue une moins-value fiscale de 1 600 euros environ par contribuable de l’ISF moyen, ce qui doit situer la valeur moyenne de la résidence principale de celui-ci entre 300 000 euros et 350 000 euros.

Nous proposons de limiter les effets de cet abattement sur l’habitation principale à hauteur de 300 000 euros. En d’autres termes, les résidences principales dont la valeur est inférieure à 1 million d’euros bénéficieraient d’un abattement et celles dont la valeur est supérieure à 1 million d’euros ne seraient plus « abattues » de la même manière.

Cette mesure ne manquerait pas de renforcer la justice et l’équité entre contribuables de l’ISF, en concentrant les pleins effets de la niche sur ceux d’entre eux qui sont le moins fortunés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos I-192, I-193, I-194 et I-195 rectifié ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je commenterai globalement ces amendements, dont les objets vont tous dans le même sens. En effet, tous visent à alourdir considérablement l’ISF, par la suppression soit d’un certain nombre de mécanismes d’abattement, comme celui dont bénéficie la résidence principale, soit d’un certain nombre de déductions. Seul l’amendement n° I-280 rectifié tendait à supprimer l’ISF, ce qui nous aurait promis un beau débat, s’il avait été présenté ! (Sourires.)

Dans la mesure où un amendement tend à modifier le barème en vigueur, un petit rappel historique s’impose. En 1982, lorsque ce que l’on appelait alors l’impôt sur les grandes fortunes, l’IGF, a été créé, répondant ainsi à une promesse de François Mitterrand, son taux marginal supérieur était de 1,5 %, ce qui correspond au taux supérieur actuel de l’ISF.

Cependant, à l’époque, les placements ne rapportaient pas la même chose ! Il a été question précédemment d’un emprunt Maurois dont le taux était de plus de 16 %. À l’époque, l’État empruntait à plus de 16 % !

M. Philippe Dallier. Heureusement que ce n’est pas le cas aujourd’hui !

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Ce n’était pas la même inflation !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Aujourd’hui, l’État emprunte à 1,2 % si on prend les obligations assimilables du Trésor à dix ans, parfois même à des taux négatifs à très court terme.

Par conséquent, lorsque le taux du placement est de 15 % ou de 16 %, le taux marginal de 1,5 % devient relativement indolore. En revanche, lorsque les emprunts d’État rapportent 1,2 %, cela devient confiscatoire, contraignant le contribuable non seulement à puiser dans les revenus du capital, mais aussi à réaliser son capital pour payer l’impôt.

C’est toute la difficulté de l’exercice. Nous aurons sans doute de nouveau ce débat, et la commission des finances engagera des travaux approfondis sur le sujet. Voilà pourquoi les expatriations ne sont pas un fantasme, loin de là.

Alourdir encore l’ISF, comme le propose le groupe CRC, serait aujourd’hui une folie.