compte rendu intégral
Présidence de Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Secrétaires :
M. Claude Haut,
Mme Colette Mélot.
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Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Loi de finances pour 2015
Suite de discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 107, rapport n° 108).
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen, au sein de la première partie du projet de loi de finances, des dispositions relatives aux ressources.
PREMIÈRE PARTIE (suite)
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE IER (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I. – IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS (SUITE)
B. – Mesures fiscales (suite)
Mme la présidente. Nous poursuivons l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 6 quater.
Articles additionnels après l'article 6 quater (suite)
Mme la présidente. Hier soir, nous avions entamé l’examen de l’amendement n° I-184, déposé par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et tendant à insérer un article additionnel après l’article 6 quater. J’en rappelle les termes.
Après l’article 6 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du a quinquies du I de l’article 219 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la première phrase, le taux : « 8 % » est remplacé par le taux : « 33,1/3 % » ;
2° À la seconde phrase, le taux : « 0 % » est remplacé par le taux : « 33,1/3 % ».
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission est défavorable à cet amendement, dont l’adoption reviendrait à frapper la détention de long terme des titres de participation, ce qui pénaliserait la localisation des holdings en France.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. J’ai entendu hier avec beaucoup d’intérêt M. le rapporteur général nous expliquer qu’il était bon qu’un certain nombre de niches fiscales soient limitées dans le temps, par exemple à quatre ans. En l’occurrence, la niche que nous visons avec cet amendement est nettement plus ancienne.
De surcroît, je ne suis absolument pas convaincue de l’efficacité de ce type de mesures, pour la dynamique des entreprises. En revanche, nous savons que cette optimisation fiscale pèse lourd dans le budget. C’est pourquoi je continue à penser que nous devrions voter cet amendement, mes chers collègues.
Nous devons nous atteler à un travail global en regardant d’un peu plus près l’ensemble de ces niches qui viennent s’ajouter à d’autres décisions comme les crédits d’impôt ; sinon, nous en resterons à de belles déclarations d’intention sans réalisations concrètes.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je veux bien préciser la position de la commission des finances, qui est d’ailleurs devenue celle du Sénat. À l’occasion de la loi de programmation budgétaire, nous avons décidé de limiter à quatre ans la durée des niches nouvellement créées. Si l’on appliquait ce principe à toutes les niches existantes, on ferait très rapidement des économies importantes puisque l’on supprimerait le quotient familial, toutes les déductions…
M. Philippe Dallier. Et que dire dans l’immobilier…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cela mérite un travail plus approfondi. Certaines niches, ou qualifiées comme telles, font partie intégrante de notre système fiscal, et ne sont d’ailleurs pas contestées. Le principe des quatre ans, je le répète, s’applique donc à la création des nouvelles niches.
En l’occurrence, la déduction que vous visez participe pleinement de la compétitivité des entreprises, via la localisation des holdings.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-123 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Guillemot.
L'amendement n° I-186 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 6 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
A la première phrase du deuxième alinéa du I de l’article 235 ter ZCA du code général des impôts, le taux : « 3 % » est remplacé par le taux : « 6 % ».
L’amendement n° I-123 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour défendre l’amendement n° I-186.
Mme Marie-France Beaufils. Thierry Foucaud avait par avance défendu cet amendement, qui se situe dans la même veine que le précédent.
Je voudrais néanmoins compléter mon propos précédent à la lumière de la réponse de M. le rapporteur général. En ce qui nous concerne, nous préférons travailler sur une affirmation d’une véritable politique budgétaire cohérente, plutôt que de gérer par l’intermédiaire d’allégements d’impôts. Nous devons faire en sorte de continuer, au travers de notre politique fiscale, à apporter des réponses nationales globales. À cet égard, les allégements d’imposition ne nous semblent pas être de bonnes méthodes.
En l’occurrence, notre amendement, qui vise l’impôt sur les sociétés, s’inscrit dans la ligne que nous défendons depuis le début de cette discussion.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission, vous vous en doutez, n’est pas favorable à cet amendement. Il faut quand même rappeler que c’est la loi de finances rectificative ayant suivi l’élection du Président de la République qui a créé cette contribution exceptionnelle au taux de 3 %, laquelle, à mon sens, pénalise fortement les entreprises. En effet, en frappant les dividendes, y compris dans les entreprises de taille intermédiaire, elle empêche la constitution de fonds propres et constitue une charge fiscale, pour les entreprises, de 1,9 milliard d’euros.
Compte tenu de la situation de nos entreprises, est-il raisonnable de doubler le taux de cette taxe, ce qui reviendrait à augmenter la fiscalité de près de 2 milliards d’euros supplémentaires ?
La commission des finances ne le pense pas, et c’est la raison pour laquelle elle a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je comprends assez mal l’argumentation de Mme Beaufils, dans la mesure où nous parlions des niches. En l’espèce, nous sommes en présence non pas d’une niche, mais d’une contribution exceptionnelle. (Mme Marie-France Beaufils acquiesce.)
Par ailleurs, vous parlez de niches fiscales, mais encore faudrait-il s’entendre sur ce que signifie cette expression. Beaucoup, par exemple, considèrent que l’abattement de 10 % sur l’assiette de l’impôt sur le revenu des retraites est une niche.
Un travail a été réalisé par la Cour des comptes sur la notion de niche, me semble-t-il.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Par l’Inspection générale des finances également !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il faudrait que l’on s’habitue à utiliser des termes un peu plus précis. Sinon, en additionnant des choux, des navets et des carottes, on arrive à une soupe pas toujours ragoûtante… (Sourires.)
Plaisanterie mise à part, le Gouvernement n’est pas favorable à votre amendement, madame Beaufils : il ne serait pas très cohérent d’alourdir de 2 milliards d’euros les charges des entreprises alors même que nous avons entamé une diminution de celles-ci pour redonner de la compétitivité aux entreprises.
Mme la présidente. L'amendement n° I-121 rectifié bis, présenté par Mmes Lienemann et Guillemot, est ainsi libellé :
Après l’article 6 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. – Après l’article 244 quater J, il est rétabli un article 244 quater K dans la rédaction suivante :
« Art. 244 quater K.- I. – Les entreprises imposées d’après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A et 44 duodecies à 44 quindecies peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt ayant pour objet le financement de l’amélioration de leur compétitivité en favorisant leurs dépenses d’investissement productif. L’entreprise retrace dans ses comptes annuels l’utilisation du crédit d’impôt conformément à cet objectif.
« II. – Le crédit d’impôt mentionné au I est assis sur les dépenses d’investissement corporel ou incorporel réalisées par les entreprises, comptabilisées au titre de la formation brute de capital fixe à l’exception des dépenses d’investissement immobilier.
« III. – Le taux du crédit d’impôt est fixé, selon la catégorie à laquelle l’entreprise appartient :
« - à 10 % pour les microentreprises et les petites et moyennes entreprises ;
« - à 7 % pour les entreprises de taille intermédiaire ;
« - à 2 % pour les grandes entreprises.
« IV. – Les mêmes dépenses ne peuvent entrer à la fois dans la base de calcul du crédit d’impôt mentionné au I et dans celle d’un autre crédit d’impôt.
« V. – Un décret fixe les conditions d’application du présent article. »
B. – Après l’article 199 ter I, il est rétabli un article 199 ter J dans la rédaction suivante :
« Art. 199 ter J. –I. – Le crédit d’impôt défini à l’article 244 quater K est imputé sur l’impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l’année au cours de laquelle les dépenses d’investissement prises en compte pour le calcul du crédit d’impôt ont été réalisées. L’excédent de crédit d’impôt constitue, au profit du contribuable, une créance sur l’État d’égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l’impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée, puis, s’il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l’expiration de cette période.
« La créance est inaliénable et incessible, sauf dans les cas et conditions prévus aux articles L. 313-23 à L. 313-35 du code monétaire et financier ; elle ne peut alors faire l’objet de plusieurs cessions ou nantissements partiels auprès d’un ou de plusieurs cessionnaires ou créanciers.
« En cas de fusion ou d’opération assimilée intervenant au cours de la période mentionnée à la dernière phrase du premier alinéa du présent I, la fraction de la créance qui n’a pas encore été imputée par la société apporteuse est transférée à la société bénéficiaire de l’apport.
« II. – La créance mentionnée au premier alinéa du I est immédiatement remboursable lorsqu’elle est constatée par l’une des entreprises suivantes :
« 1° Les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l’annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité ;
« 2° Les entreprises nouvelles, autres que celles mentionnées au III de l’article 44 sexies, dont le capital est entièrement libéré et détenu de manière continue à 50 % au moins :
« a) Par des personnes physiques ;
« b) Ou par une société dont le capital est détenu pour 50 % au moins par des personnes physiques ;
« c) Ou par des sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des sociétés de développement régional, des sociétés financières d’innovation ou des sociétés unipersonnelles d’investissement à risque, à la condition qu’il n’existe pas de lien de dépendance au sens des deuxième à dernier alinéas du 12 de l’article 39 entre les entreprises et ces dernières sociétés ou ces fonds.
« Ces entreprises peuvent demander le remboursement immédiat de la créance constatée au titre de l’année de création et des quatre années suivantes ;
« 3° Les jeunes entreprises innovantes mentionnées à l’article 44 sexies-0 A ;
« 4° Les entreprises ayant fait l’objet d’une procédure de conciliation ou de sauvegarde, d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire. Ces entreprises peuvent demander le remboursement de leur créance non utilisée à compter de la date de la décision ou du jugement qui a ouvert ces procédures. »
C. – Après l’article 220 I, il est rétabli un article 220 J dans la rédaction suivante :
« Art. 220 J.- Le crédit d’impôt défini à l’article 244 quater K est imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par l’entreprise dans les conditions prévues à l’article 199 ter J. »
D. – Le j du 1 de l’article 223 O est rétabli dans la rédaction suivante :
« j. Des crédits d’impôt dégagés par chaque société du groupe en application de l’article 244 quater K ; l’article 199 ter J s’applique à la somme de ces crédits d’impôt ; »
II. – L’article L. 172 G du livre des procédures fiscales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le premier alinéa s’applique également au crédit d’impôt prévu à l’article 244 quater J du même code. »
III - Les dispositions du I ne s'appliquent qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû
IV. – La perte de recettes pour l’État résultant des I et II ci-dessus, est compensée, à due concurrence, par :
- la modulation du taux du crédit d’impôt visé par l’article 244 quater C du code général des impôts en fonction de l’appartenance ou de la non-appartenance des entreprises qui en bénéficient à des branches d’activité se caractérisant par une forte exposition à la concurrence internationale, la réalisation d’un chiffre d’affaires à l’export supérieur à 5% du chiffre d’affaires total ou par un risque important de délocalisation ;
- l’augmentation à 10 % du taux de la contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés au titre des montants distribués prévue par l’article 235 ter ZCA du code général des impôts ;
- la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-315, présenté par M. César, Mme Espagnac et M. Lasserre, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l’article 6 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au I de l’article 244 quater L du code général des impôts, l’année : « 2014 » est remplacée par l’année : « 2017 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas, au nom de la commission des affaires économiques. Le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique permet aux exploitations agricoles dont les recettes proviennent à au moins 40 % des productions biologiques, et qui ont fait l’objet d’une certification biologique, de déduire jusqu’à 2 500 euros de leur revenu imposable.
Le montant de ce crédit d’impôt a été porté de 2 000 euros à 2 500 euros à partir de la loi de finances pour 2012, mais la disposition qui permet ce crédit d’impôt n’est que temporaire. La dernière prolongation avait été décidée par la loi de finances pour 2012 pour les exercices 2012, 2013 et 2014. L’article 244 quater L du code général des impôts, tel qu’il est rédigé actuellement, prévoit donc que ce crédit d’impôt ne vaut que jusqu’à la fin de l’année 2014.
Il s’agit pourtant là d’une disposition importante pour soutenir l’agriculture biologique, disposition dont le coût, dans le fascicule bleu budgétaire, est estimé à quelque 20 millions d’euros par an. C’est le principal dispositif fiscal en faveur de l’agriculture biologique.
Malgré un contexte budgétaire que nous savons contraint, reconnaissons que l’agriculture biologique a encore besoin d’être encouragée, ce qui permettra d’accompagner la croissance de ce marché par une production française, plutôt que d’importer des produits venant d’autres pays
En outre, le développement de l’agriculture biologique constitue l’un des axes de la transition vers l’agro-écologie, que défend M. le ministre de l’agriculture.
La commission des affaires économiques a donc estimé nécessaire de maintenir l’avantage fiscal pour les agriculteurs biologiques jusqu’en 2017.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission s’est interrogée, car cet amendement est motivé par le maintien dans l’agriculture biologique et l’encouragement à la conversion vers ce secteur.
Après un petit débat sur l’opportunité d’une prolongation de ce crédit d’impôt en faveur du maintien en agriculture biologique, nous avons constaté, en étudiant le texte, qu’il s’agissait non seulement de cela, mais aussi de la conversion à l’agriculture biologique et de l’aide à l’installation, pour toute exploitation réalisant au moins 40 % de production biologique.
À juste titre, la commission des affaires économiques a relevé qu’il s’agit là d’ sujet important dans la mesure où ce marché se développe avec énormément de produits importés. Il y a donc sans doute lieu de soutenir tant le maintien que la conversion ou la création d’exploitations en agriculture biologique.
À notre sens, il s’agit non pas de créer une niche, mais simplement de prolonger jusqu’en 2017 un crédit d’impôt préexistant. Par principe, la commission n’est pas particulièrement favorable à l’élargissement, mais, s’agissant du prolongement d’une niche dans un secteur important, et malgré un coût d’environ 20 millions d’euros par an, elle a émis un avis de sagesse.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Étant favorable à l’agriculture biologique, le Gouvernement soutient la prolongation de ce dispositif pour trois ans. Il s’agit effectivement d’un marché en expansion qui recèle des possibilités de développement.
Le Gouvernement lève le gage.
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° I-315 rectifié.
La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, je suis très ennuyé, car je m’apprêtais à intervenir pour indiquer que le groupe socialiste voterait contre cet amendement. (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Dallier. Comment faire ?
M. Didier Guillaume. Après la sagesse exprimée par M. le rapporteur général et l’avis favorable de M. le secrétaire d’État, nous allons revoir notre position. Pourtant, au fond, je pense que cet amendement n’envoie pas un bon signal.
Aujourd’hui, l’agriculture biologique est un vrai sujet en soi, mais il ne faut pas opposer agriculture conventionnelle et agriculture biologique.
Des efforts sont déjà réalisés envers l’agriculture biologique et des aides fiscales existent. En outre, après une phase de latence, on assiste à un redémarrage de la conversion. Les agriculteurs biologiques bénéficiant d’aides de l’État, des régions, des chambres d’agriculture et des départements, il ne me semblait pas utile de prolonger le dispositif.
Je tenais à vous faire part de mes observations, mais, compte tenu de l’élan consensuel impulsé par M. le rapporteur général et M. le secrétaire d’État, je pense que le groupe socialiste votera également cet amendement. (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Après cette intervention, je me sens moins seul… J’avais en effet un peu le sentiment d’être à contre-courant.
Je m’abstiendrai sur cet amendement. Quand on veut développer une nouvelle activité, il faut la soutenir pendant la période d’amorçage. C’est ce qui a été fait pour l’agriculture biologique. Cependant, il nous faut être cohérents : alors qu’il est nécessaire de développer l’agriculture biologique dans la mesure où notre production ne couvre pas nos besoins et ne répond donc pas aux souhaits des consommateurs, rien n’est fait en ce sens sur le terrain. Il suffit de regarder le fonctionnement des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER. Les dossiers d’installation en agriculture biologique ne sont jamais prioritaires par rapport aux extensions d’exploitations existantes ; ils ont donc fort peu de chances d’être retenus. Les services dépendant du ministère de l’agriculture ne sont pas non plus totalement mobilisés.
Au-delà de l’avantage fiscal, il faut une véritable cohérence. Le problème n’est pas seulement un problème de financement et d’avantage fiscal, c’est d'abord un problème d’installation.
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Je ne regrette vraiment pas de m’être levé ce matin ! C’est en effet un grand plaisir que de constater le soutien apporté à cet amendement. Je veux remercier le rapporteur général, que j’ai, disons, interpellé hier car nous étions en désaccord à propos du crédit d’impôt pour la transition énergétique, le CITE. J’observe également que M. le secrétaire d’État a émis un avis favorable sur l’amendement.
Je voudrais souligner pourquoi cette mesure est importante. Comme cela a été rappelé, notre production agricole biologique ne couvre pas nos besoins. De ce fait, les grandes surfaces, qui développent de plus en plus un rayon de produits biologiques, doivent importer.
Les produits importés viennent notamment de pays africains. Je vous signale au passage que de très bonnes enquêtes ont été réalisées par les organismes de certification allemands. Une chaîne franco-allemande a diffusé voilà quelques semaines un excellent reportage sur le trafic qui existe dans certains pays autour de la certification en agriculture biologique.
Notre agriculture biologique, quant à elle, est encadrée. Il faut l’aider. Il est important de proroger le crédit d’impôt, afin d’éviter les phénomènes de stop and go, qui fragilisent particulièrement les activités émergentes : on aide le secteur pendant deux ou trois ans, on arrête, le secteur connaît des difficultés, il s’effondre, on le relance…
M. Didier Guillaume. Le secteur monte !
M. André Gattolin. Oui, mais il faut qu’il continue de monter !
Il y a quelques années, l’Union européenne a accordé des aides à l’agriculture biologique, qui a ainsi pu se développer, par exemple en Bretagne. Puis elle a supprimé ces aides d’un seul coup, ce qui a entraîné un effondrement. Il ne faut pas nécessairement donner des sommes folles, mais il faut les donner dans la durée, en les inscrivant dans une logique économique.
Le temps des champs n’est pas le temps de l’industrie. Il faut beaucoup de temps pour maîtriser un nouveau savoir-faire et consolider l’évolution des pratiques. C'est pourquoi je soutiens, comme un grand nombre de nos collègues, cet amendement avec un enthousiasme total. Je remercie d'ailleurs Didier Guillaume d’avoir fait évoluer sa position.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je prends note des commentaires…
M. Philippe Dallier. … élogieux !
Mme Sophie Primas. … des uns et des autres. Je remercie M. le rapporteur général de s’en être remis à la sagesse du sénat. Je remercie également M. le ministre d’avoir émis un avis favorable.
Je veux dire à Didier Guillaume qu’il n’y a, dans cet amendement, aucune logique d’opposition entre l’agriculture conventionnelle et l’agriculture biologique. Ce serait curieux de ma part, puisque je défends depuis longtemps les deux types d’agriculture.
Je veux indiquer à Michel Bouvard que toutes les SAFER ne sont pas à mettre dans le même panier. En Île-de-France, des reconversions et des affectations de terres concernent le secteur du maraîchage biologique. Peut-être n’est-ce pas assez, mais je tenais à saluer l’action de la SAFER d’Île-de-France.
J’ajoute que le crédit d’impôt est une aide temporaire, comme l’a souligné André Gattolin. Il faut encourager l’agriculture biologique, car la conversion de l’agriculture conventionnelle à l’agriculture biologique nécessite quelques années d’apprentissage de la technologie et de l’agronomie nouvelles, années pendant lesquelles les rendements et les résultats économiques sont inférieurs. Il faut donc favoriser le développement d’une formation sur le terrain, pragmatique. C'est pourquoi la prolongation de cette petite niche, de ce petit coup de main pour l’agriculture biologique me semble nécessaire.
Je reviendrai sur cette question lorsque nous parlerons des chambres d’agriculture. En effet, je pense qu’elles ont un rôle essentiel à jouer dans le développement de l’agriculture biologique et l’amélioration de l’agriculture conventionnelle. Il ne faut pas leur « couper les pattes » comme nous nous apprêtons à le faire.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour explication de vote.
M. Jérôme Bignon. Je suis originaire d’un département où – et ce n’est un mystère pour personne – l’agriculture intensive est très développée. Cependant, la « ferme Somme », comme nous l’appelons entre nous, a la volonté d’être pluraliste : nous voulons favoriser l’agriculture intensive sans négliger le développement de l’agriculture biologique, qui correspond à un marché. Actuellement, ce marché est producteur de gaz à effet de serre, puisque nous importons des quantités importantes de produits biologiques, en provenance d’Allemagne notamment.
Mme la ministre de l'écologie a très récemment annoncé qu’il fallait développer l’agriculture biologique dans le cadre du troisième plan national d’action en faveur des milieux humides. La position du Gouvernement, rappelée ce matin par M. le secrétaire d’État, est parfaitement cohérente avec la défense des zones humides, où l’agriculture biologique trouve sa place.
Le développement de l’agriculture biologique a donc un double intérêt : il diminue le déficit de notre balance commerciale et est très utile dans des zones sensibles sur le plan environnemental.
Il faut déterminer l’utilisation des terres en fonction de ce qu’elles sont capables de donner. Il est clair que le Santerre ne deviendra pas le foyer principal de l’agriculture biologique, mais de nombreux endroits, comme les vallées alluviales, sont propices au développement de cette agriculture. Il me paraît donc pertinent d’aider la filière à se consolider.