M. Charles Revet. C’était de Gaulle !
M. Hugues Portelli, rapporteur. C’est ce qui s’est passé en 1969, avec le fameux référendum du 27 avril, le non l’emporte avec 53 % des suffrages. Le 28 avril, le général de Gaulle démissionne.
Autrement dit, d’un côté, le septennat assure un pilotage à long terme de l’action publique et, de l’autre, il confère au chef de l’État une responsabilité permanente : à tout moment, celui-ci peut être conduit à démissionner lorsqu’il perd la confiance du peuple.
Cette conception, qui était celle du général de Gaulle, ne pouvait évidemment pas être étrangère aux rédacteurs de la Constitution de 1958, puisque ce sont les mêmes qui l’ont rédigée et qui l’ont mise en œuvre et que, en particulier, c’est le même qui, élu Président de la République en décembre 1958, a recouru au référendum à trois reprises pour interroger le peuple sur des questions essentielles, avant d’être réélu au suffrage universel direct en 1965.
De sorte que le septennat faisait partie d’un ensemble, dans lequel le texte et sa pratique étaient liés, le trait d’union étant le Général de Gaulle lui-même, qui était à la fois le principal rédacteur de la Constitution et celui qui la mettait en œuvre.
Or, cette conception, aucun des successeurs du général de Gaulle ne l’a partagée – je dis bien aucun –, si bien que le septennat a changé de nature. C’est si vrai que, dès 1973, le successeur du général de Gaulle, Georges Pompidou, a soulevé la question de la réduction de la durée du mandat présidentiel. En vérité, mes chers collègues, la question du quinquennat a commencé de se poser quelques années à peine après le départ du général de Gaulle !
En 1973, la procédure a même été très loin, puisque le projet de loi constitutionnelle a été adopté par les deux assemblées, avant que Georges Pompidou ne renonce à le soumettre au Congrès parce qu’il savait qu’il n’y obtiendrait pas la majorité des trois cinquièmes.
Reste que, dès cette époque, la question du quinquennat était posée. Cette question était en réalité celle de la manière de gérer l’érosion de la confiance populaire, dès lors que l’on renonçait à la vision du général de Gaulle, dans laquelle cette confiance était régulièrement mise à l’épreuve.
Du reste, le général de Gaulle lui-même s’était interrogé, en 1967, sur l’éventualité de ne pas disposer d’une majorité à l’Assemblée nationale. Georges Pompidou s’est posé la même question à la veille des législatives de 1973, et Valéry Giscard d’Estaing également à la veille de celles de 1978, dans son fameux discours de Verdun-sur-le-Doubs. Après quoi le problème a été réglé, si je puis dire, par le peuple, avec les trois cohabitations qui se sont succédé.
Je le répète : la question de la nécessité de réduire la durée du mandat présidentiel s’est posée dès 1973.
Revenons à présent sur les conditions du passage au quinquennat, en particulier sur la façon dont le débat a été lancé.
À cet égard, il est intéressant de remarquer que le principal responsable de l’instauration du quinquennat est le Premier ministre de l’époque : le Premier ministre de cohabitation qui, pendant cinq ans, a exercé les pouvoirs de chef du Gouvernement les plus importants de l’histoire de la Ve République, face à un Président de la République amoindri dont les pouvoirs étaient réduits aux « acquêts » de ses prérogatives constitutionnelles.
C’est ce Premier ministre, qui ambitionne d’exercer la fonction présidentielle, qui met en œuvre une double réforme destinée, dans son esprit, à rendre l’autorité présidentielle pérenne et à prévenir la plupart des risques de cohabitation, même si, comme M. Mézard l’a souligné, le risque ne peut jamais être complètement écarté, le Président de la République pouvant démissionner, être destitué ou décéder – sans oublier l’éventualité d’une dissolution ratée…
Ainsi, c’est Lionel Jospin qui propose le quinquennat et qui, l’ayant fait voter, propose d’assurer la primauté du Président de la République en prolongeant le mandat des députés. (M. Jean-Jacques Hyest acquiesce.)
Mes chers collègues, il est toujours intéressant de se remémorer qui est l’auteur d’une révision constitutionnelle. De même que le général de Gaulle est l’auteur de celle qui a introduit l’élection du Président de la République au suffrage universel direct – qu’il avait du reste anticipée en convoquant trois référendums entre 1958 et 1962 –, ainsi Lionel Jospin est-il le principal auteur de la révision de 2000, qui a instauré le quinquennat.
On peut penser qu’il était bien placé pour proposer cette réforme, puisque c’est après avoir exercé pendant cinq ans les fonctions de Premier ministre qu’il a jugé plus enviable d’exercer celles de Président de la République, si le chef de l’État avait les moyens de gouverner en s’appuyant sur une majorité qui soutienne son action.
Je crois, mes chers collègues, que nous devons garder à l’esprit quelle fut l’origine de la révision de 2000.
De même, nous devons bien mesurer que la proposition de loi constitutionnelle présentée par M. Mézard comporte une nouveauté : il s’agit non pas seulement de rétablir le septennat, mais d’introduire un septennat non renouvelable.
Or, parmi les Présidents de la République qui se sont succédé depuis 1958, certains ont été favorables au quinquennat – Georges Pompidou, Jacques Chirac et ses successeurs –, les autres ont été favorables au septennat, mais aucun ne s’est prononcé pour un mandat non renouvelable, quelle qu’en fût la durée. C’est ainsi que, en 2000, lorsque la question du quinquennat s’est posée, Jacques Chirac a fixé une condition pour accepter la révision : qu’aucune limite ne soit posée à la reconduction du mandat, de sorte qu’un Président de la République puisse être réélu aussi longtemps que lui-même et le peuple le souhaiteraient.
Ainsi, l’idée du septennat non renouvelable n’est jamais venue à l’esprit de ceux qui ont exercé la fonction présidentielle. Quelle en est donc la raison ? C’est qu’il appartient au peuple de décider s’il veut ou non maintenir un chef d’État en fonction.
M. Charles Revet. Exactement !
M. Hugues Portelli, rapporteur. Il n’y a donc pas lieu qu’une limitation impérative soit prévue dans les textes. Au demeurant, un Président de la République qui se représente peut très bien ne pas être réélu ; ainsi Valéry Giscard d’Estaing en 1981. Sans compter que, même réélu, il n’en est pas moins soumis aux aléas de la vie politique.
L’idée d’interdire au titulaire de la fonction présidentielle de se représenter a donc été étrangère à tous ceux qui ont exercé cette charge depuis 1958 ; je crois, mes chers collègues, que nous devons bien garder ce fait à l’esprit.
Il nous faut également considérer que la réduction de la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans n’est pas due seulement au problème de la cohabitation ; elle vient aussi de ce que, dans la plupart des pays démocratiques, le mandat des gouvernants ne dure pas sept ans. Bien sûr, certains présidents de la République sont élus pour sept ans, notamment le président italien ; l’actuel se prépare d’ailleurs à démissionner, parce qu’il trouve que deux mandats font un petit peu beaucoup pour lui, surtout à son âge.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Il faut dire qu’il a presque quatre-vingt-dix ans ! (M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi constitutionnelle, acquiesce.)
M. Hugues Portelli, rapporteur. S’il envisage de rendre son tablier, c’est aussi parce qu’il estime que les dangers qui menaçaient la République italienne se sont éloignés.
Toujours est-il que, dans la plupart des pays européens où l’on a maintenu un mandat de sept ans, éventuellement renouvelable, c’est parce que le titulaire de ce mandat exerce une magistrature d’influence, et non une magistrature décisionnelle. Partout où il en va autrement, la durée du mandat est moindre ; en particulier, les présidents de la République élus directement par le peuple, même lorsqu’ils ont des pouvoirs beaucoup plus réduits que ceux du chef de l’État français, ont tous des mandats d’une durée inférieure à sept ans.
Selon M. Mézard, il ne faudrait pas aller dans le sens de la réduction du temps médiatique. Je crois, moi, qu’il se produit surtout une réduction du temps politique. En effet, dans la plupart des pays européens, si le Président de la République est élu pour moins de sept ans, les députés le sont pour moins de cinq ans : de fait, dans la majorité des États européens, leur mandat est de quatre ans, voire seulement de trois. Sans parler des membres de la Chambre des représentants des États-Unis, qui sont élus pour deux ans.
En général, donc, la durée des mandats est moindre dans les autres pays qu’en France. L’organisation du temps politique est ainsi différente dans la plupart des autres États démocratiques, qui ne fonctionnent pas plus mal que le nôtre. Aussi bien, je considère que l’argument selon lequel le quinquennat amoindrirait la possibilité pour le Président de la République de travailler sur le long terme est relativement peu pertinent.
M. Mézard a avancé un autre argument à l’appui de sa proposition de loi constitutionnelle : il a soutenu que la possibilité pour un Président de la République de mener un travail utile était gravement hypothéquée par le fait que, élu pour cinq ans, il en venait, au bout d’un certain temps, à ne plus penser qu’à sa réélection, au moins à la fin de son premier mandat.
Il me semble que ce problème n’est pas constitutionnel, mais politique. Plus précisément, il tient, selon moi, à l’organisation du travail politique : ainsi, j’ai la faiblesse de penser, avec d’autres, que Jacques Chirac a accompli une œuvre législative plus grande entre 1986 et 1988 comme Premier ministre qu’entre 2002 et 2007 comme Président de la République.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il ne faut pas trop légiférer !
M. Hugues Portelli, rapporteur. La raison en est très simple : en 1986, la nouvelle majorité est arrivée au pouvoir avec un programme intégralement prêt, ce qui lui a permis de faire adopter en six mois un certain nombre de lois qui ont été mises en œuvre pendant les deux années suivantes, et même au-delà ; en 2002, au contraire, quand Jacques Chirac a été réélu après qu’une grande incertitude eut entouré l’issue du premier tour, le programme présidentiel et législatif était loin d’être prêt, de sorte qu’un certain décalage a marqué l’élaboration des textes de la mandature.
Tout dépend donc de la façon dont le travail législatif et le travail gouvernemental s’organisent, sans que la durée du mandat présidentiel entre de quelque manière en jeu. Un Président de la République peut entrer en fonction avec des textes législatifs immédiatement prêts comme, à l’inverse, il peut se passer deux ans entre son élection et la présentation de l’essentiel des textes. Je le répète : cette question est de nature politique.
Enfin, mes chers collègues, n’oublions pas que la question des pouvoirs du Président de la République n’est pas uniquement celle de la durée de son mandat. C’est ainsi que, en commission des lois, nous avons abordé d’autres questions. En particulier, le Président de la République, chef de l’État, est aussi le chef de la majorité, dans la mesure où il maîtrise la dissolution et entretient un lien étroit avec la majorité parlementaire de l’Assemblée nationale : nous nous sommes demandé si cette absence de séparation des pouvoirs ne méritait pas qu’on y réfléchisse. Or cette question n’est pas liée, ni directement ni même indirectement, au problème de la durée du mandat présidentiel.
Ainsi, réduire les débats sur l’avenir de la fonction présidentielle à la seule question de la durée du mandat ne me paraît pas être la bonne façon de procéder. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous débattons cet après-midi, sur l’initiative de M. Mézard, d’un sujet fondamental pour nos institutions : la durée du mandat du Président de la République. La question met en jeu l’exercice de la fonction éminente de notre République, ce qui est assez dire son importance.
Pour traiter d’un si beau sujet, je crois utile de faire quelques rappels sur l’histoire de nos institutions et sur les origines du septennat, dont le groupe RDSE propose le rétablissement sous une forme non renouvelable.
Le septennat présidentiel n’est pas le résultat d’une réflexion théorique mûrie ; en réalité, il est le fruit des hasards de l’histoire. En effet, c’est après l’échec des négociations entre monarchistes et républicains sur la durée du mandat présidentiel que la loi du 20 novembre 1873 a confié le pouvoir exécutif au maréchal de Mac Mahon pour une durée de sept ans. À vrai dire, il s’agissait d’une position de compromis visant à concilier les partisans du quinquennat et ceux du décennat, dans l’attente d’une réflexion institutionnelle apaisée.
Instauré dans un contexte tumultueux, celui du retour de la République, le septennat fut toutefois confirmé par les lois constitutionnelles de 1875, puis par les Constitutions de 1946 et de 1958.
La Constitution de 1958 a donné un sens nouveau au septennat présidentiel. En effet, sous les IIIe et IVe Républiques, le Président « n’a rien et […] n’est rien », pour reprendre les mots d’André Tardieu. La Ve République mit fin à cette impuissance en donnant de vastes prérogatives au Président de la République, garant de la continuité de l’État et de l’intérêt de la nation, « arbitre » placé au-dessus des partis politiques et représentant de la France à l’étranger.
Dans cette optique, le septennat avait une justification théorique : délier le Président de la République de la majorité parlementaire, ne faire reposer sa légitimité que sur le peuple, afin qu’il soit, comme l’affirmait le général de Gaulle, « l’homme de la nation, mis en place par elle-même pour répondre à son destin ».
C’est ce raisonnement, renforcé en 1962, dans les circonstances que l’on connaît, par l’élection au suffrage universel direct, qui conduisit la Ve République à donner au Président un mandat plus long que celui des députés.
J’ai parlé, à dessein, de « justification théorique » du septennat. En pratique, en effet, le Président de la République a rapidement cessé d’être l’arbitre impartial du jeu politique que le constituant de 1958 voulait qu’il fût.
Dès le début de la Ve République, le Président est apparu comme le chef de la majorité parlementaire. Je m’associe pleinement à Hugues Portelli, qui souligne, dans son rapport, que la conception du Président « "arbitre" […] n’a jamais été vraiment celle du général de Gaulle, qui est intervenu d’entrée dans les décisions de politique intérieure en donnant ses directives au Gouvernement, qui a interdit au Premier ministre de se faire qualifier de chef du Gouvernement ».
Cette évolution était d’ailleurs normale et prévisible : élu grâce au soutien d’un parti et sur la base d’un programme politique, le Président de la République pouvait-il abandonner ses convictions après son élection et se limiter à concilier les opinions des uns et des autres ? Il n’était ni possible ni souhaitable que le Président soit placé hors de la vie politique.
Ainsi, en dehors des périodes de cohabitation, tous les présidents successifs ont joué un rôle non négligeable dans la vie politique française, non seulement en contribuant à la définition et à la conduite de la politique de la nation, mais aussi en prenant part aux débats nationaux lancés par le Parlement, par la presse ou par les partis.
La figure d’un « Président-arbitre », qui serait sans lien avec la vie politique et le fonctionnement des institutions, ne rend donc pas fidèlement compte de ce qu’est le Président de la République depuis des décennies. Dès lors, l’idée que le Président serait détaché de la vie politique est une fiction et ne saurait justifier que le chef de l’État dispose d’un mandat plus long que celui des députés.
Ce constat ne date pas de l’an 2000, année de la révision constitutionnelle sur le quinquennat ; il est en réalité beaucoup plus ancien.
Dès 1973, Georges Pompidou avait tenté de raccourcir la durée du mandat présidentiel pour la ramener à cinq ans. Comme le soulignait à l’époque le sénateur Étienne Dailly, le quinquennat apparaissait comme « la conséquence logique de l’élection du Président de la République au suffrage universel ». Faute de suffrages suffisants pour atteindre la majorité des trois cinquièmes au Congrès, le projet de révision de 1973 a toutefois avorté ; ce n’est qu’en 2000 que le quinquennat fut approuvé par référendum par 73 % des Français.
Si j’ai pris le temps de faire ce rappel historique, c’est parce qu’il me semble encore pleinement valable. Le septennat n’est pas un sujet tabou et la proposition de loi constitutionnelle de Jacques Mézard a toute sa légitimité.
M. Yvon Collin. Ah !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Cela a été souligné par M. le rapporteur, le débat a vraiment toutes les raisons d’exister ; il fait progresser, d’une façon permanente, notre réflexion sur des questions qui, indiscutablement, se posent dans notre vie politique, surtout dans cette période. Ces questions, d’ailleurs, ne sont pas le seul produit d’une réflexion théorique, même si on en voit fleurir beaucoup ; elles sont aussi l’expression de l’examen de la crise démocratique que nous vivons, de la place des institutions, de leur fonctionnement.
Cependant, je ne m’associe pas à ce texte, pour plusieurs raisons.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. À regret ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. En premier lieu, rétablir à sept ans la durée du mandat présidentiel n’épuise pas la réflexion que nous pouvons mener sur nos institutions. Tout au contraire, cette réforme isolée pourrait déstabiliser l’architecture des pouvoirs et remettre en cause un équilibre fragile. Le président de la commission des lois Jacques Larché soulignait d’ailleurs, dans son rapport sur la révision de 2000, à propos du quinquennat : « Ses effets indirects dépendront largement de la coutume qui s’établira à terme. » Il en irait de même pour le septennat non renouvelable, dont les conséquences devraient être finement mesurées.
En second lieu, je ne crois pas que les critiques formulées par Jacques Mézard sur le rôle du Président de la République, dont j’ai bien compris qu’il le considérait comme excessif, aient véritablement un lien avec la notion même de quinquennat présidentiel.
L’accélération de notre vie politique, la surexposition médiatique du Président de la République, son rôle de chef de la majorité : tous ces éléments, en réalité, n’ont pas une seule et unique cause. Ils me semblent aussi résulter d’une évolution de la société et du contexte de crise économique et sociale, en tout cas de mutation, que nous traversons.
Si nous essayons d’aller plus vite, ce n’est pas à cause du quinquennat ; c’est parce que les économies sont de plus en plus interdépendantes, parce que l’information est désormais instantanée et parce que les Français attendent des résultats rapides et concrets.
Et si le Président est plus présent dans la presse que par le passé, c’est également en raison des changements récents qu’ont connus les médias, notamment depuis la création des chaînes d’information en continu, et non pas à cause de la durée de son mandat. On pourrait certes imaginer qu’il décide de s’en abstraire ; mais ce n’est pas la pratique qui a prévalu lors des différents quinquennats qui se sont succédé.
J’ajouterai un dernier point : je ne pense pas que le septennat non renouvelable réponde aux attentes des citoyens. Déjà en 2000, la majorité s’accordait sur la nécessité de renforcer le rythme des respirations démocratiques au regard de l’importance des pouvoirs confiés au Président de la République.
Il est logique, en démocratie, qu’une institution aux pouvoirs particulièrement importants revienne plus souvent devant le suffrage universel. Allonger à sept ans la durée du mandat présidentiel, ce serait prendre le risque de l’isolement, de la perte du lien avec le peuple. C’est justement pour lutter contre ces risques que le quinquennat a été institué.
Je pense également que le septennat n’est pas adapté au rythme de notre époque. Déjà en 1973, Étienne Dailly, rapporteur du projet de loi constitutionnelle visant à instituer le quinquennat, résumait ainsi la situation : « Prétendre que [le candidat à la Présidence de la République] va pouvoir proposer un programme pour sept ans, cela relève davantage de l’art divinatoire que de l’art politique. » (Sourires.)
M. Charles Revet. En effet !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Que ne pourrait-on dire aujourd’hui, à une époque où la conjoncture économique et sociale peut connaître des changements majeurs en seulement quelques mois ?
Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, le Gouvernement n’est pas favorable à l’adoption de la présente proposition de loi constitutionnelle et estime que ce texte, tout en soulevant des questions du plus grand intérêt, n’y apporte pas, ponctuellement du moins, de réponse satisfaisante.
Nos institutions peuvent toujours être améliorées ; elles peuvent être rendues plus efficaces, plus démocratiques, plus adaptées aux défis de notre époque et aux aspirations légitimes des citoyens. Pour ce faire, de nombreuses pistes pourraient être mises à l’étude : le renforcement de la participation du public à la prise de décisions ; un meilleur exercice par le Parlement de ses missions, notamment en matière de contrôle du Gouvernement ; ou encore l’affermissement de l’indépendance de la justice, notamment.
Cependant, aucune de ces pistes ne peut être pensée séparément des autres. Limiter notre réflexion à la durée du mandat présidentiel, c’est prendre au mieux le risque de l’inefficacité, au pire celui de l’improvisation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur applaudissent également.)
Mme la présidente. M. Christian Namy sera le dernier orateur à s’exprimer dans la discussion générale aujourd’hui. À l’issue de son intervention, en effet, les quatre heures de l’espace réservé au groupe du RDSE seront épuisées.
Vous avez la parole, monsieur Namy.
M. Christian Namy. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’ai de la chance : mon discours ne fera l’objet d’aucune contradiction aujourd’hui ! (Sourires.)
Les Français ont-ils eu raison, il y a quatorze ans, d’abandonner le septennat pour adopter le quinquennat ? L’institution de la République a toujours posé la question de la durée du mandat présidentiel, quelle que soit la conception de la fonction.
À l’origine, quand la fonction fut instituée en 1848, à l’avènement de la IIe République, le mandat du Président n’était ni de cinq ans ni de sept ans : le Président était en fonction pour une durée de quatre ans.
Le mandat d’une durée de sept ans fut le fruit d’un compromis boiteux trouvé ensuite par le maréchal de Mac Mahon, premier Président de la IIIe République, ainsi que l’a rappelé M. le rapporteur. Permettez-moi, mes chers collègues, ce bref rappel historique : les royalistes, qui siégeaient à l’Assemblée nationale, étaient alors plutôt partisans d’un mandat de dix ans, alors que les républicains penchaient majoritairement pour une durée deux fois moindre. Les premiers, par la longue durée du décennat, y voyaient un mandat de monarque, qui pouvait préparer une nouvelle Restauration. Les autres, par la durée limitée du quinquennat, souhaitaient introduire une sorte de dépersonnalisation du mandat, afin d’asseoir définitivement la toute jeune République.
Invité à se prononcer entre le décennat et le quinquennat, Mac Mahon coupa la poire en deux afin de contenter tout le monde, ce qui fut d’ailleurs le cas. Le septennat a donc été imposé davantage par les circonstances que par une véritable réflexion institutionnelle.
Néanmoins, ce choix s’est pérennisé et a été conforté, notamment par la pratique initiale d’une présidence plutôt effacée, ce que soulignait en son temps Raymond Poincaré, qui aimait en effet à dire au lendemain de son élection : « Une seule pensée m’occupait, la terrible responsabilité qui va peser désormais sur moi tandis que le principe de l’irresponsabilité constitutionnelle […] me condamnera pour sept ans au mutisme et à l’inaction. »
Sous la Ve République, cette pratique s’est renforcée, comme chacun le sait, par la volonté du général de Gaulle, qui a voulu conforter de la sorte le rôle et l’action du Président. En effet, pour le général, un mandat de sept ans permettait au Président d’aborder les grands choix de la nation dès le début de son mandat, dont le cours serait ainsi préservé par la sérénité des dernières années, réservées à l’œuvre à accomplir et non à la querelle partisane du renouvellement électoral.
Jacques Chirac a jugé ce système trop anachronique et dégagé des évolutions politiques. Souhaitant mettre en place un renouvellement plus fréquent du mandat présidentiel et diminuer les risques de cohabitation en alignant sa durée sur celle du mandat des députés, il a donc fait adopter le quinquennat par le référendum du 24 septembre 2000.
Comme l’a rappelé Jacques Mézard, seulement 18,5 % des électeurs inscrits, soit 7,5 millions de Français, ont donc ratifié, dans une quasi-indifférence, l’un des changements les plus radicaux de la Ve République, qui a profondément modifié la nature même de notre République.
En effet, les douze dernières années, qui ont vu se succéder trois quinquennats, ont montré que son adoption n’a pas, par elle-même, amélioré la démocratie et encore moins la capacité de contre-pouvoir au sein ou en dehors de la majorité.
Après le quinquennat chiraquien, entre 2002 et 2007, celui de l’hyperprésidence de Nicolas Sarkozy, entre 2007 et 2012, puis celui de François Hollande, actuellement en cours, la question du retour au septennat est revenue à l’ordre du jour.
D’une manière générale, nous pouvons constater l’affaiblissement constant de l’autorité du Président, qui, après les deux premières années de son mandat, mobilisées pour mettre en place les réformes nécessaires, se voit aussitôt confronté à l’obsession de son renouvellement.
On assiste aujourd’hui à une véritable dérive de la place et du rôle des institutions de notre République, confrontée à une présidentialisation excessive du pouvoir et des institutions, accompagnée de l’influence grandissante des médias et des nouvelles technologies de la communication dans la vie politique.
En effet, la complexité et les urgences de la vie publique imposent au Président d’avoir le recul nécessaire et de disposer de temps pour mettre en chantier les réformes structurelles de l’avenir, en dissociant la préoccupation de l’intérêt national à long terme et les querelles partisanes des brèves échéances électorales.
Face à cela, le retour au septennat apparaît comme la meilleure solution, à condition qu’il soit procédé à certains ajustements, notamment le fait de rendre le mandat présidentiel non renouvelable.
C’est le sens même de la proposition de loi constitutionnelle dont nous débattons aujourd’hui, sur l’initiative de plusieurs collègues radicaux de gauche, visant à rétablir à sept ans la durée du mandat du Président de la République et à le rendre non renouvelable, proposition que je soutiens, ainsi qu’une partie importante du groupe UDI-UC. Je précise qu’une initiative identique a été prise par le député UMP Jean-Pierre Decool à l’Assemblée nationale.
L’objectif de ce texte est de représidentialiser la fonction du chef de l’État, au profit du Gouvernement et du Parlement. Au Président de la République la fonction d’arbitrage afin d’assurer le bon fonctionnement des institutions et la continuité de l’État ; il se tiendrait ainsi en permanence au-dessus de la mêlée politicienne. Au Premier ministre et à ses ministres la fonction de gouvernement, assurant la mise en œuvre du programme politique pour lequel le chef de l’État a été élu, en liaison avec le Parlement.
Le retour au septennat est également une invitation à revenir à l’idée d’un équilibre entre les principaux pouvoirs publics constitutionnels politiques que sont le Gouvernement et le Parlement, équilibre dont, dans ce schéma, le Président de la République, sorte de pouvoir neutre placé au-dessus des contingences politiques, serait justement l’une des garanties.
À un moment où notre pays a besoin d’une forme de stabilité, revenir au mandat présidentiel de sept ans non renouvelable est une proposition de sagesse.
Débarrassé des préoccupations liées à une éventuelle réélection, le Président de la République pourra ainsi faire le nécessaire travail de réforme en profondeur dont la France a tant besoin. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées de l’UMP et du RDSE. –M. Jean-Yves Leconte applaudit également.)