Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour le groupe socialiste.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le secrétaire d'État, ma question s’inscrit dans la continuité de celle de M. Fouché, puisque je souhaite vous interroger sur la mise en œuvre des engagements pris par le Président de la République concernant la réalisation de 40 000 nouvelles places de logement étudiant, en particulier au sein de résidences universitaires à caractère social.
M. Prévot, qui, à ma connaissance, est non pas préfet, mais haut fonctionnaire du ministère de l’équipement, du logement et du développement durable, s’est effectivement vu confier une nouvelle mission, dont je voudrais souligner l’importance.
Le problème, avec ce genre de plan – l’échec des précédents en témoigne –, c’est que le suivi de la mise en œuvre, sur chaque territoire, des mesures annoncées n’est pas toujours effectif, et qu’un décalage apparaît entre les annonces initiales et les réalisations.
Vous nous avez déjà fait part de certains éléments, mais j’aimerais savoir si un recensement des projets de construction a été réalisé et, surtout, quels engagements quantitatifs ont été pris par les autorités administratives régionales. La somme de ces engagements régionaux correspond-elle à l’objectif national ? Si je me permets de vous poser cette question, c’est parce que certains exemples, en matière de planification de réalisation de logements, montrent qu’il n’en est pas toujours ainsi. Je voudrais donc être sûre que ce n’est pas le cas en l’occurrence. Est-on en mesure d’apprécier l’avancement concret de ces projets et engagements sur les trois premières années du « plan 40 000 » ?
Par ailleurs, des mesures de simplification administrative ont été envisagées pour alléger les procédures et les coûts de ces constructions, dans plusieurs domaines : le stationnement, l’accessibilité pour les handicapés, les autorisations d’occupation temporaire du domaine de l’État, la maîtrise d’ouvrage, etc. Ces mesures de simplification seront-elles mises en œuvre, et selon quel calendrier ?
Enfin, la loi ALUR a établi une définition des résidences universitaires à caractère social. Les textes d’application sont-ils prêts, s’agissant en particulier du conventionnement au titre de l’APL ?
Chacun l’a dit, le logement, qui représente une part importante des dépenses des étudiants, pèse lourdement sur leur pouvoir d’achat et sur leurs conditions d’études.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, ce n’est pas moi qui ai accordé à M. Prévot la qualité de préfet ! En tout état de cause, il a toutes les qualités requises pour mener à bien la mission qui lui a été confiée.
Concernant la programmation des réalisations, je rappelle que 6 021 logements avaient été prévus en 2013, 5 380 en 2014, 9 263 en 2015, 9 046 en 2016 et 13 206 en 2017, soit un total de 42 916 places nouvelles au terme du plan.
Par ailleurs, le ministère du logement travaille actuellement aux précisions réglementaires relatives au nouveau statut établi par la loi ALUR pour répondre aux difficultés liées à l’assimilation des résidences étudiantes financées par le biais de prêts locatifs sociaux – PLS – ou de prêts locatifs à usage social – PLUS – à des logements familiaux ordinaires, concernant notamment les modalités d’attribution, la durée d’occupation et la récupération des charges locatives.
À cet égard, il convient d’adapter la convention qui s’applique à ces logements, actuellement couverts par la convention applicable aux HLM de droit commun, peu adaptée à leurs spécificités. Ainsi, le régime juridique de ces nouvelles résidences universitaires introduit par la loi ALUR est dérogatoire du droit commun du conventionnement, s’agissant notamment de la durée des baux, qui est d’un an au maximum si ma mémoire est bonne, et de l’absence de droit au maintien dans les lieux.
Un décret à cet effet sera pris très prochainement. D’ici là, les conventions signées avec les CROUS peuvent et doivent être utilisées en l’état.
En matière de simplification, sont déjà intervenus le décret du 14 mars 2014 relatif aux normes d’accessibilité et l’ordonnance du 3 octobre 2013, concernant les aires de stationnement. Le travail se poursuit dans le cadre de la mise en œuvre du « plan 40 000 » pour lever les obstacles qui bloquent la réalisation de certaines opérations. Je l’ai dit, le Premier ministre, en liaison avec mon collègue Thierry Mandon, suit attentivement ces questions.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour la réplique.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je veux féliciter le Gouvernement de sa volonté d’avancer à un rythme soutenu en vue de tenir ses engagements. M. Mézard a soulevé tout à l’heure la question de la répartition des compétences : souhaitons que, à l’échelon local, cela ne soit pas un facteur de paralysie qui compromette la réalisation des objectifs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe UMP.
Mme Colette Mélot. Monsieur le secrétaire d’État, je veux insister à mon tour, après tous mes collègues, sur la nécessité de construire des logements étudiants.
En effet, il est de plus en plus difficile pour les étudiants d’accéder à un logement du parc privé en raison du nombre insuffisant de locations dans les villes et de l’augmentation des loyers. Je précise que les loyers des petites surfaces ont augmenté de 3,1 % à Paris et de 2 % en province, tandis que les charges locatives se sont envolées, leur hausse allant de 10 % à 14 % selon le type de logement.
La solution, pour bon nombre d’étudiants, est de trouver un logement social dans les résidences universitaires des CROUS, mais elles restent en nombre insuffisant. Ainsi, 170 000 étudiants habitent actuellement dans ces résidences, tandis que plus d’un million d’étudiants sont locataires dans le parc privé. Le Président de la République s’est engagé sur un objectif précis de construction de 43 000 logements étudiants d’ici à la fin de 2017. Cet engagement est important, puisque cela représente près de 25 % du parc immobilier géré par les CROUS.
Alors que le Gouvernement peine à trouver des sources de financement en cette période de restrictions budgétaires, comment comptez-vous, monsieur le secrétaire d’État, trouver les fonds nécessaires ? Quelle méthode emploierez-vous pour déterminer les villes prioritaires ?
J’aimerais également avoir votre opinion sur la demande récurrente des élus locaux de voir l’ensemble des logements étudiants pris en compte au titre du quota de logements sociaux imposé aux communes par la loi SRU du 13 décembre 2000.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur le financement du logement étudiant et du « plan 40 000 ».
S’agissant des logements étudiants produits par les filières sociales, le mode de financement le plus courant est le PLS. L’utilisation du PLS pour les logements étudiants a été autorisée par la circulaire de 2003 et pérennisée en 2005. L’agrément ne permet pas d’obtenir d’aides à la pierre, mais il ouvre droit à l’application d’un taux de TVA réduit, à l’exonération de la taxe foncière et au conventionnement à l’aide personnalisée au logement. Cela vaut pour l’ensemble des logements locatifs sociaux. Par ailleurs, dans certaines zones tendues, un accord peut être obtenu pour réaliser des opérations en recourant aux prêts locatifs à usage social.
En 2013, 7 700 logements étudiants ont été financés, pour un coût moyen de 70 000 euros par logement. Les aides publiques moyennes par logement s’établissent en PLS à 40 000 euros par logement, dont un peu plus de la moitié provient de l’État au travers des aides fiscales. S’agissant du logement étudiant privé, il relève d’investissements locatifs sur lesquels nous ne disposons malheureusement que de très peu de données chiffrées.
En ce qui concerne les réhabilitations des résidences étudiantes, le rapport Anciaux avait préconisé la requalification de l’offre obsolète afin de répondre aux besoins des étudiants défavorisés financièrement. On estime que les besoins en matière de réhabilitation portent sur 70 000 places en dix ans. La modernisation du parc ancien des CROUS est donc financée par un supplément d’allocation de logement à caractère social de 50 euros par logement et par mois. Au total, 55 000 places pour les étudiants ont été réhabilitées entre 2004 et 2013.
Le « plan 40 000 » va nous permettre d’accroître encore le nombre de réhabilitations pour répondre à un besoin grandissant de logements étudiants à bas prix, notamment en région parisienne.
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, pour la réplique.
Mme Colette Mélot. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de ces précisions. Nous verrons si les objectifs que vous avez annoncés seront vraiment respectés.
J’attends toujours votre réponse sur l’intégration des logements étudiants dans le quota de logements sociaux imposé aux communes par la loi SRU. (M. Alain Gournac applaudit.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques sur le logement étudiant.
Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
7
Programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la France s’enfonce dans une crise financière très grave, dont le Gouvernement ne semble pas prendre conscience, au vu du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 qu’il nous soumet.
En effet, les prévisions de croissance présentées pour 2015 à 2019 sont irréalisables. D’ailleurs, le président du Haut Conseil des finances publiques, M. Didier Migaud, n’y croit absolument pas, pas plus que la Commission européenne, qui estime que la France aura, en 2016, le déficit budgétaire le plus élevé de la zone euro.
La situation économique et financière de la France est dramatique et rien, dans ce projet de loi, ne permettra de l’améliorer, ni le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, ni le pacte de responsabilité et de solidarité !
Notre pays vit au-dessus de ses moyens, dépense trop, se finance en grande partie par des emprunts de fonctionnement. Notre dette va continuer à augmenter chaque année, par le biais de budgets déficitaires successifs, les réductions de dépenses étant reportées d’année en année. Pourtant, nos responsables politiques, faisant preuve d’une certaine irresponsabilité, ne s’en émeuvent pas…
Cette dette pourrait atteindre 2 500 milliards d’euros en 2019 et continuer à croître au-delà, puisqu’aucune limite n’est prévue à ce sujet dans la Constitution. D’ailleurs, un ministre a déclaré que l’équilibre serait atteint à l’horizon 2019, mais, si l’on regarde la définition du mot « horizon », on s’aperçoit que c’est une ligne qui recule au fur et à mesure que l’on s’en approche… Cela promet !
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il existe deux façons de présenter des prévisions.
La plus risquée consiste à établir des prévisions optimistes pour donner confiance, mais avec des risques d’échec graves, dans le cas où les prévisions ne se réalisent pas. C’est cette solution que le Gouvernement a retenue dans le projet de loi qu’il nous présente aujourd’hui, se faisant, par là même, critiquer par la Commission européenne. Ce choix risque de nous faire perdre notre crédibilité et la confiance de nos créanciers, qui augmenteront leurs taux d’intérêts, ce qui nous placerait en situation de cessation de paiement. Ce serait dramatique, mais personne n’a l’air de s’en préoccuper…
La solution moins risquée consiste à établir des prévisions pessimistes, en tous cas prudentes, quitte à ce que les chiffres soient finalement meilleurs que prévu, ce qui démontrerait la qualité de notre gestion et notre crédibilité. C’est de cette manière que les entreprises procèdent ; le Gouvernement devrait les imiter.
Pendant que la France refuse de faire de la réduction de sa dette une priorité et d’effectuer les réformes nécessaires, ce qui est une faute grave, l’Allemagne, quant à elle, a présenté un budget pour 2015 en équilibre et prévoit ensuite de dégager un excédent record de 16 milliards d’euros, ce qui lui permettra de commencer à rembourser sa dette.
Mais le plus tragique, dans le présent projet de loi de programmation, c’est le niveau de nos dépenses publiques, qui ne diminue pas, malgré les demandes de M. Didier Migaud, que le Gouvernement continue à ne pas écouter. M. Migaud appelle également à la baisse de nos impôts, dont le niveau trop élevé empêche toute croissance.
Mes chers collègues, imaginez que la France présente, chaque année, un budget excédentaire de 10 milliards d’euros, ce qui est loin d’être le cas. Si la France utilisait ces 10 milliards d’euros pour rembourser sa dette, sans contracter de nouveaux emprunts, il lui faudrait deux cents ans pour y parvenir. Dans cinq ans, ce sont peut-être deux cent quarante ans qu’il faudra ! Où va-t-on ? Une telle situation est inimaginable, et pourtant c’est celle qui nous attend si nous ne posons pas de limites budgétaires à notre dette.
Je vais maintenant vous présenter quelques propositions, qui pourraient peut-être nous permettre de sortir de ce piège mortel de l’endettement non contrôlé.
Il faudrait d’abord que l’État se dote de nouvelles règles de bonne gestion budgétaire, instaurer une règle d’or obligeant tout gouvernement à présenter des budgets équilibrés. Cette proposition, faite par Nicolas Sarkozy, a dû être abandonnée, les socialistes ayant refusé de la voter. Il faut préparer les budgets sur la base d’une croissance prévisionnelle réduite, voisine de zéro. Ainsi, le Gouvernement n’aura que de bonnes surprises !
Il faut diminuer, et même supprimer, des exonérations de charges sociales ou de TVA accordées par l’État aux entreprises et aux contribuables, exonérations dont le financement oblige celui-ci à s’endetter.
Il faut arrêter d’embaucher des fonctionnaires à vie dans les administrations et les collectivités territoriales et supprimer la titularisation obligatoire. Il faut appliquer la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux.
Les entrepreneurs sont les véritables créateurs d’emplois, mais l’impôt de solidarité sur la fortune, le niveau très élevé des impôts sur les dividendes et sur le revenu les démotivent totalement, et ils quittent la France pour aller investir ailleurs. Si l’on maintient ces impôts à leur niveau actuel, cela ne marchera pas, que le gouvernement au pouvoir soit de gauche ou de droite. Dès lors, pourquoi ne pas les abaisser ?
Pour réduire le chômage, il faut flexibiliser l’emploi, en rendant les licenciements possibles en cas de baisse d’activité et en créant des emplois de mission, des emplois de projet, comme pour les travaux publics. Il est faux de croire que c’est en interdisant les licenciements que l’on va réduire le chômage. En effet, sans flexibilité de l’emploi, les entrepreneurs n’embaucheront plus en France. Ils s’expatrieront et le chômage continuera à augmenter chez nous.
Il faut aussi supprimer les 35 heures, qui paralysent notre économie depuis quinze ans et rendent nos entreprises moins compétitives. Les 35 heures coûtent au budget de l’État 21 milliards d’euros d’allégements sociaux par an. Je pense, monsieur le secrétaire d'État, que vous seriez heureux de pouvoir disposer d’un tel montant au moment de l’élaboration de votre projet de budget !
Je voudrais aussi vous proposer de refonder complètement notre fiscalité, en transformant l’impôt progressif en impôt égalitaire, assorti du même taux pour tous les revenus. C’est le principe de ce que l’on appelle la flat tax, en vigueur par exemple en Russie, avec un taux de 13 % pour tous les revenus, et même chez nous avec la contribution sociale généralisée, la CSG, acquittée par tous au taux de 7 % et qui rapporte plus de 80 milliards d’euros par an, alors que l’impôt progressif sur le revenu ne rapporte que 60 milliards d’euros.
En instituant, par exemple, une flat tax à 2 % pour les revenus inférieurs à 1 300 euros, ce qui est quand même un minimum, à 5 % pour les revenus compris entre 1 300 et 2 000 euros et à 10 % pour tous les revenus supérieurs à 2 000 euros, tout en supprimant les niches fiscales de l’impôt sur le revenu, la recette pourrait s’élever à 100 milliards d’euros, soit 40 milliards de plus qu’aujourd’hui.
En plus d’augmenter nos recettes fiscales, cette flat tax présenterait d’autres avantages. C’est un impôt prélevé à la source, chaque mois, sur les bulletins de salaire, à l’instar de la CSG, et pratiquement indolore. De plus, la flat tax ne porte pas atteinte à l’équité de l’impôt, puisque, de toute façon, ce sont les plus gros revenus qui paient le plus.
Monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais que cette proposition soit étudiée par vos services. Pour ma part, je pense que sa mise en œuvre aurait des incidences importantes. En tout cas, elle permettrait l’arrêt des expatriations et le retour de la croissance tant attendue par tous.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’état de nos finances publiques est grave. La France est au bord du précipice. Si nous continuons de cette manière, nous n’aurons bientôt plus d’investisseurs et nous serons obligés d’emprunter à des taux élevés, qui conduiront notre pays à la cessation de paiement. Mes propositions ne sont ni de droite ni de gauche. Elles sont appliquées avec succès dans d’autres pays. Dès lors, pourquoi ne pas essayer de les mettre en œuvre ? Cela éviterait à la France de subir une faillite autrement imparable et permettrait au gouvernement de notre pays, quel qu’il soit, de redresser nos finances.
C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous propose de ne pas voter ce projet de loi de programmation des finances publiques, qui ne résoudra pas nos problèmes si vous ne retenez pas quelques-unes des propositions que j’ai formulées. (M. Philippe Dallier applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen d’un projet de loi de programmation des finances publiques est un exercice toujours intéressant, car il nous permet de nous abstraire de l’immédiateté et de nous interroger sur l’avenir financier, économique et budgétaire de notre pays à moyen terme.
Je souhaite tout d’abord préciser que, dans le présent débat, je n’aborderai que brièvement la question de la fiabilité du cadrage macroéconomique et des prévisions de croissance sur lesquels repose ce projet de loi, ainsi que les autres textes budgétaires que notre assemblée étudiera dans les semaines à venir. Cette question a en effet été largement évoquée ce matin.
Quelle que soit la sensibilité politique du gouvernement en place, ce cadrage est systématiquement remis en cause par l’opposition, qui le trouve trop optimiste, trop imprécis, trop laxiste, ou les trois à la fois ! Il convient donc, me semble-t-il, de se référer à l’expertise des services de Bercy, ces derniers précisant les hypothèses autant qu’il est possible de le faire sur le plan technique.
M. Philippe Dallier. Ils sont à la fois juges et parties !
M. Yannick Botrel. Bien que très travaillées (M. Philippe Dallier rit.), ces hypothèses n’en demeurent pas moins incertaines par définition, en particulier dans un contexte économique et financier très mouvant. Pour reprendre une formule plaisante, la prédiction est un art bien difficile, surtout en ce qui concerne l’avenir !
M. Philippe Dallier. C’est vrai !
M. Yannick Botrel. À ce sujet, la nouvelle majorité de notre commission des finances a supprimé les articles de cadrage macroéconomique du texte, du fait d’un désaccord de fond avec la politique économique conduite par le Gouvernement.
M. Philippe Dallier. C’est également vrai !
M. Yannick Botrel. En toute cohérence, le Gouvernement a choisi de déposer des amendements tendant à rétablir ces articles. Il va de soi, mes chers collègues, que le groupe socialiste appelle à les voter, les articles en question étant nécessaires à l’équilibre du texte.
Nous avons mieux à apporter que des débats qui, en toute honnêteté, me semblent quelque peu vains ! Je le rappelle à la majorité sénatoriale, l’expérience ayant montré que le Sénat est plus entendu par l’exécutif et les citoyens lorsqu’il fait le choix de débattre au fond des questions soumises à son examen.
Je juge donc plus productif d’évoquer devant vous, en complément des éléments apportés ce matin au débat par Jean Germain, plusieurs points budgétaires dont l’importance me paraît majeure.
J’aborderai tout d’abord la question des choix politiques faits par le Gouvernement en matière de gestion de la dette et du déficit public.
Je suis de ceux qui considèrent que le respect de nos engagements européens n’est pas facultatif. Nous ne pouvons pas continuellement nous déclarer attachés à l’Union européenne, vouloir exercer un leadership en son sein et ne pas faire les efforts nécessaires à la stabilité financière de la zone euro !
Ces engagements me semblent d’ailleurs parfaitement légitimes au plan national. Il s’agit non pas d’adopter une politique budgétaire de rigueur, comme on peut parfois l’entendre dire, mais de contenir le déficit du budget et la dette, au service de l’efficacité de la dépense publique dans notre pays.
À cet égard, je me félicite que le remboursement des intérêts de la dette ne soit plus, grâce aux mesures prises, le premier poste de dépense de l’État. Cela n’était pas arrivé depuis 2012 ! Il s’agit là d’un marqueur politique et budgétaire très significatif, et je salue l’action du Gouvernement, qui a contribué à cette inversion de tendance.
Contenir le déficit public, c’est contenir la progression des dépenses de remboursement de notre dette, et c’est ainsi dégager des marges d’investissement supplémentaires pour les politiques publiques dont notre pays a aujourd’hui particulièrement besoin.
Il ne s’agit donc pas d’une politique budgétaire de rigueur, si l’on considère que la rigueur se définit, au sens budgétaire du terme, comme la compression générale de l’ensemble des dépenses de l’État. Nous en sommes bien loin, fort heureusement d’ailleurs !
Au contraire, la construction budgétaire fait apparaître une augmentation de l’effort financier de l’État en faveur de certaines politiques publiques primordiales : la justice, l’éducation, la sécurité publique. Elle traduit également le souci du Gouvernement de donner davantage de temps à l’assainissement de nos comptes publics, afin de rendre celui-ci compatible avec les réalités économiques de notre pays ; cela a été négocié avec l’Europe.
Pour ces raisons, j’approuve la stratégie de réduction des déficits et de la dette publique retenue par le Gouvernement. Elle est évidemment nécessaire, tout en étant également pragmatique, ainsi que M. le ministre des finances et des comptes publics l’a encore récemment indiqué à la Commission européenne.
Je souhaite, dans un second temps, évoquer plus en détail le deuxième chapitre du projet de loi qui nous est présenté.
Les dispositions de ce chapitre renforcent la logique de contrôle des dépenses publiques sur la période allant de 2014 à 2017. Rien de nouveau, diront certains, mais je crois important de rappeler le caractère vertueux de cette démarche.
Aussi et surtout, la mise en place de l’ODEDEL, l’objectif d’évolution de la dépense publique locale, me semble particulièrement importante. En tant que membre de l’assemblée représentant les collectivités territoriales de notre pays, je m’en félicite.
Je juge également très intéressant l’amendement adopté par nos collègues de l’Assemblée nationale, sous l’impulsion du groupe socialiste. En effet, nous allons pouvoir disposer d’un indicateur renforcé pour analyser l’évolution des dépenses de fonctionnement et d’investissement. Cela permettra une vision plus précise de la réalité budgétaire des collectivités territoriales, qui rendra possible, le cas échéant, une intervention corrective de l’État.
Par ailleurs, j’en suis convaincu, l’ODEDEL montrera avec netteté que la grande majorité des collectivités locales de notre pays pratiquent une gestion budgétaire saine et équilibrée. Il permettra également de renforcer les outils de comparaison et d’évaluation dont disposent des collectivités parfois dans le doute en matière de pilotage de leur politique budgétaire.
Certes, à l’image de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, en ses débuts, l’ODEDEL n’aura qu’un caractère indicatif, mais je suis persuadé de l’effet productif de cette initiative. À ce titre, je me réjouis que la commission des finances ait émis un avis favorable sur le dispositif, dont le potentiel me semble intéressant dans une perspective pluriannuelle. La polémique sur sa constitutionnalité, apparue à l’Assemblée nationale, mais également, ce matin, dans notre assemblée, me paraît pour le moins infondée.
En tout état de cause, l’ODEDEL viendra compléter utilement les autres objectifs de dépenses déjà institués à ce jour et, dans cet esprit, je pense que nous pouvons encore améliorer le dispositif issu des travaux de notre commission des finances.
De manière plus générale, cette logique sera complétée par l’institution d’une « revue » des dépenses, prévue à l’article 22 du projet de loi, et par l’obligation faite au Gouvernement, à l’article 23, de présenter un bilan sur chaque niche fiscale trois ans après sa création.
Enfin, je note avec satisfaction la volonté d’amélioration de l’information du Parlement sur les agences de l’État. C’était un point fréquemment évoqué, et l’on pouvait effectivement regretter le caractère parfois parcellaire de l’information qui nous était communiquée. Nous espérons que le dispositif envisagé sera à même d’améliorer la situation.
Ainsi, le projet de loi qui nous est présenté est globalement positif, et je salue le travail accompli par le Gouvernement.
Voilà maintenant quatorze années que le Parlement a voté la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Ce fut, de l’avis général, une avancée notable, renforçant les pouvoirs de contrôle du Parlement en matière budgétaire. Le changement de notre paradigme de travail budgétaire est tel qu’il nous faut encore poursuivre nos efforts pour nous approprier, aussi pertinemment que possible, toutes les possibilités ouvertes par la LOLF.
Nous avons beaucoup fait évoluer notre rôle dans le domaine budgétaire, en le renforçant considérablement, mais il nous reste encore des marges de progression. Chaque année nous permettra d’avancer et de préciser les dispositifs de contrôle budgétaire que nous utilisons. Bien entendu, il y a lieu de s’en réjouir !
Certes, nous avons des divergences d’appréciation sur les budgets présentés par les différents gouvernements qui se sont succédé durant les treize dernières années. Cela est tout naturel, dans la mesure où nos sensibilités politiques sont diverses, voire opposées. C’est là le fonctionnement normal de la démocratie. Cela étant, je note avec une certaine satisfaction qu’aucun de nous ne conteste les avancées réalisées, depuis lors, en matière d’implication de notre assemblée dans le contrôle budgétaire.
Le projet de loi de programmation des finances publiques qui nous est aujourd'hui présenté s’inscrit dans cette logique.
Bien évidemment, la majorité sénatoriale a choisi –pouvait-il en être autrement ? – de contester les prévisions du Gouvernement et de demander tout à la fois plus d’économies et plus de dépenses. Cela m’a remis en mémoire cette réflexion d’Anthony Eden : « tout le monde est en faveur d’économies générales et de dépenses particulières ». La majorité sénatoriale a réclamé, aussi bien en commission que dans cet hémicycle, des réformes structurelles que la droite n’a pas réalisées quand elle était aux responsabilités, alors même que la crise a débuté en 2008.
Peut-être est-il temps pour vous, chers collègues de l’opposition, de sortir du flou des invocations, des généralités, et d’avancer des propositions plus précises, pour que nous puissions enfin avoir un débat concret sur tous les sujets qui nous occupent aujourd’hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)