M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Mme Conway-Mouret a raison de souligner que l’Afrique de l’Ouest est confrontée à une épidémie massive, laquelle a d’ores et déjà touché près de 15 000 personnes, dont plus de 5 000 sont mortes. Si nous n’arrivons pas à enrayer l’épidémie, des dizaines de milliers de nouveaux cas seront à déplorer.
Face à ce drame, nous avons une responsabilité collective internationale. Dans ce cadre, la France joue tout son rôle et assume toutes ses responsabilités pour permettre de soigner sur place ceux qui ont besoin d’être soignés.
Nous envoyons des professionnels de santé et des pompiers au titre de la protection civile. Samedi prochain partira une équipe de douze réservistes sanitaires qui vont aller installer le centre de traitement que François Hollande s’est engagé, au nom de la France, à mettre en place au centre de la Guinée forestière, à Macenta.
D’autres installations vont suivre : des centres de traitement, deux centres de formation pour les professionnels de santé sur place, car nous devons former les intervenants locaux, un centre dédié à l’accueil des personnels de santé locaux qui pourraient être contaminés.
Évidemment, cette maladie inquiète aujourd’hui bien au-delà de l’Afrique de l’Ouest, même si, je veux le dire avec force et fermeté, notre vigilance écarte tout risque d’épidémie dans notre pays.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la France est prête à prendre en charge des malades touchés par le virus Ebola, qu’il s’agisse notamment des professionnels de santé, rapatriés depuis l’Afrique de l’Ouest, comme nous l’avons fait avec la jeune infirmière de Médecins sans frontières, ou d’autres cas.
Cependant, nous ne sommes pas, dans notre pays, confrontés à un risque d’épidémie.
Pour informer l’opinion publique, j’ai mis en place un numéro vert gratuit et un site internet dédié à Ebola a été également ouvert. Par ailleurs, des contrôles de santé sont prévus au départ et à l’arrivée des avions à Roissy, ainsi que dans les ports.
Madame la sénatrice, nous sommes mobilisés, nous sommes vigilants, et nous devons rassurer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)
politique de l'emploi
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe socialiste.
M. Jérôme Durain. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Ces dernières semaines, des revendications un peu étonnantes, voire choquantes, se sont multipliées. Le patronat de notre pays s’estimerait maltraité. Alors que l’action gouvernementale a été équilibrée ces deux dernières années, les organisations patronales crient au scandale et demandent à l’exécutif de revenir sur des dispositions pourtant équilibrées : je pense ici au dispositif pénibilité ou à la reprise des entreprises par les salariés. Je me félicite d’ailleurs de la fermeté du Gouvernement en la matière : un recul aurait été très mal perçu par nos concitoyens.
Mais soyons honnêtes : tous les chefs d’entreprise de ce pays ne se reconnaissent pas dans les incartades de M. Gattaz. Je pense notamment à M. Xavier Niel, dirigeant de Free, qui a rappelé que la France était « un pays fantastique pour créer sa boîte ».
Puisque les patrons reconnaissent eux-mêmes que tout ne va pas si mal pour eux, je vous propose de nous intéresser davantage aux salariés et aux travailleurs de ce pays.
Quand les sempiternelles complaintes du MEDEF font souvent la une des journaux, les médias ont parfois du mal à mettre en avant les attentes des travailleurs, salariés ou demandeurs d’emploi, et de nos concitoyens qui traversent des difficultés. (Murmures continus sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le ministre, la lutte contre le chômage constitue une volonté partagée sur l’ensemble des travées du Sénat et une priorité du Gouvernement, mais cette priorité n’est pas la seule mission de votre ministère : votre rôle est aussi d’aider à la conquête de nouveaux droits sociaux. (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.)
Depuis le 1er octobre, de nouveaux droits sont disponibles pour les demandeurs d’emploi : il s’agit du dispositif dit « des droits rechargeables », issu de négociations entre les partenaires sociaux. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous détailler les modalités de ces droits rechargeables, qui changent en profondeur le dispositif d’indemnisation et de retour à l’emploi ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. M. le ministre est surpris ; il ne sait pas quoi répondre !... (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. .
M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Durain a raison : par-delà les postures, il faut s’intéresser aux nouveaux droits qui ont été donnés dans le cadre de l’assurance chômage.
Monsieur le sénateur, vous avez cité un dispositif tout à fait nouveau et intéressant, celui des droits rechargeables, entré en application le 1er octobre de cette année.
En France, on ne parle pas assez des avancées, de ce qui fonctionne bien, et je vous remercie donc de votre question. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
Mme Fabienne Keller. Question téléphonée !
M. François Rebsamen, ministre. Je vais prendre un exemple : avant ces droits rechargeables, un salarié qui enchaînait plusieurs contrats de courte durée ne se voyait accorder aucun droit nouveau, alors même qu’il avait cotisé auprès de l’assurance chômage.
Depuis le 1er octobre, un salarié recharge ses droits dès son premier mois de travail. Ainsi, après avoir bénéficié de deux CDD – un de deux mois et un de trois mois –, le salarié aura augmenté de cinq mois la période pendant laquelle il pourra être indemnisé au titre du chômage.
Ce dispositif est profitable à l’emploi pour trois raisons.
D’abord, les droits rechargeables permettent de mieux protéger les carrières courtes, hachées, celles de la précarité des contrats courts.
Ensuite, avec ce dispositif, nous sortons d’une situation assez absurde dans laquelle la reprise d’une activité sur une courte durée pouvait ne pas être prise en compte pour le calcul des droits.
Enfin, l’assurance chômage ne met plus le demandeur d’emploi devant le choix cruel de savoir s’il est préférable ou non pour lui de reprendre un travail, même pour une courte durée.
C’est donc une incitation forte à revenir dans l’emploi.
Ce nouveau droit est l’exemple de ce qui se fait de mieux dans le dialogue social. Il s’agit d’une réforme lancée par la CFDT, FO et la CFTC, qui ont su créer les conditions d’un accord majoritaire avec le patronat, et elle est aujourd’hui largement acceptée.
Aussi, je vous remercie de me permettre de la faire connaître et de la diffuser. Elle est opérante, efficace et juste. C’est la marque d’une avancée intelligente réalisée par les partenaires sociaux. C’est aussi la marque de fabrique du quinquennat de François Hollande ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Rires sur les travées du groupe UMP.)
M. Philippe Dallier. C’est la meilleure de la journée !
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour le groupe UMP.
Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Je veux rendre hommage à votre franchise, monsieur le ministre, lorsque vous avouez votre souffrance, vous qui devez annoncer chaque mois une nouvelle augmentation du chômage, comme lorsque vous reconnaissez l’échec du Gouvernement, ce qu’a fait hier le Premier ministre lui-même.
Pourtant, vous attendiez, nous attendions tous l’inversion de la courbe du chômage. Au lieu de cela, c’est une situation dramatique à long terme que vous pressentez. On comprend pourquoi 88 % des Français ne font plus confiance au président Hollande en matière de lutte contre le chômage...
Vous tentez une conversion tardive à l’économie, avec des déclarations d’amour aux entreprises (M. M. Alain Gournac s’esclaffe.), des annonces qui se succèdent autour d’une panoplie de moyens très peu efficaces, alors que c’est un problème de confiance qui se pose.
Comment croire le Gouvernement quand, encore récemment, il provoque incompréhension, confusion et, surtout, exaspération des entrepreneurs à la publication des décrets du futur compte pénibilité ?
Avec l’obligation d’informer les salariés en cas de cession de leur entreprise, pensez-vous possible de les rassurer ?
Et il semblerait que votre majorité ait maintenant la volonté de taxer encore les dividendes !
Comment voulez-vous que la confiance revienne ?
M. Roger Karoutchi. C’est sûr !
Mme Élisabeth Lamure. En outre, quand vous persistez à baisser les dotations des collectivités, vous faites un très mauvais calcul : vous privez les entreprises des investissements publics que les communes ne pourront pas réaliser, ce qui sème la désolation, notamment dans les entreprises du BTP, qui sont au bord du sinistre.
Ici, au Sénat, nous nous réjouissons de l’initiative prise par notre président, Gérard Larcher, en vue de créer prochainement une délégation aux entreprises, car ces dernières, comme les collectivités, doivent être au cœur de nos préoccupations.
Monsieur le ministre, quand et comment allez-vous enfin redonner confiance à ceux qui entreprennent, qui s’exposent personnellement chaque jour et qui prennent des risques pour créer de la richesse, de l’emploi et pour faire fonctionner ce pays ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame Lamure, effectivement, oui, j’ai parlé de souffrance. Beaucoup de mes prédécesseurs l’ont sans doute ressentie, mais ils ne l’ont pas exprimée. Je voulais le préciser.
J’ai également parlé d’échec, et je confirme qu’il s’agit bien d’un échec collectif. Savez-vous que, depuis quarante ans, alors que le PIB de notre pays a été multiplié par deux, c’est-à-dire que la richesse de ce pays a doublé, dans le même temps, le taux de chômage a été multiplié par trois, et le nombre de chômeurs, par quatre ?
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’UMP et de l’UDI-UC, de vous à moi, sereinement, vous n’avez pas vraiment de leçons à nous donner en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
En effet, si le taux de chômage est aujourd’hui de 9,7 % en France métropolitaine, savez-vous quand il a atteint son pic ? C’était en 1996, sous le gouvernement de M. Juppé, avec un taux de 10,7 %. Nous pouvons tous ensemble faire ce constat.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est donc qu’il a baissé ensuite !
Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. À partir de 1997, avec le gouvernement de Lionel Jospin !
M. François Rebsamen, ministre. C’est en effet M. Jospin qui a ensuite fait baisser le taux de chômage.
Je voudrais aujourd’hui vous dire que nous avons compris et analysé les retards de compétitivité de nos entreprises. Il est vrai que, depuis dix ans, pas un emploi n’a été créé dans le secteur industriel ; depuis 2008, il se détruit tous les jours des emplois dans le secteur de la construction. Vous le voyez, il y a une vraie continuité.
Nous nous sommes donc efforcés de redistribuer pour redonner des marges aux entreprises : 2 points de PIB, soit 40 milliards d’euros ! Un tel effort n’a jamais été fait ! Ce pacte de responsabilité et de solidarité va porter ses fruits. (Ah bon ? sur les travées de l'UMP.)
D’ores et déjà, des branches, comme la chimie, la métallurgie, la banque, se sont engagées.
M. Gérard Cornu. Dans le BTP, cela ne marche pas !
M. François Rebsamen, ministre. Demain, c’est la branche des assurances qui suivra.
C’est de l’emploi, de l’investissement, de l’alternance que nous proposons. Tout cela va dans le bon sens, celui de l’emploi.
Enfin, s’agissant du compte pénibilité, madame la sénatrice, je ne voudrais pas vous accabler, mais je ne peux pas ne pas vous rappeler que ce dispositif avait été mis en place par l’un de mes prédécesseurs, en 2010. Il était d’une extrême complexité et il m’est revenu de le simplifier. C’est ce que nous faisons avec les partenaires sociaux, pour le bien de l’économie française. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste – Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Décès de Xavier de Villepin, ancien sénateur
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le très grand regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Xavier de Villepin, qui fut sénateur représentant les Français établis hors de France de 1986 à 2004. (M. le ministre de l’intérieur, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Comme vous le savez, le président Xavier de Villepin a consacré toute sa vie au rayonnement international de la France, d’abord dans sa carrière professionnelle, durant laquelle il exerça d’importantes responsabilités industrielles, puis dans son parcours politique et parlementaire, au service de la nation.
Après avoir défendu la francophonie et la place du français dans le monde au sein de l’Assemblée internationale des parlementaires de langue française, il fut un président très respecté, et très apprécié, de notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Chacun de ceux qui ont siégé avec lui – j’en fus, comme d’autres ici – se souvient de ses analyses géopolitiques lumineuses et de ses initiatives, qui transcendaient les clivages politiques.
Président du groupe de l’Union centriste du Sénat, Xavier de Villepin contribua au rassemblement des diverses sensibilités politiques de la famille à laquelle il appartenait, et contribua aussi à rassembler les familles libérale et gaulliste, au sein de notre assemblée.
Comme sénateur, il était reconnu par ses collègues pour sa sagesse, son aménité, son esprit brillant et sa grande hauteur de vues.
À cet instant, j’ai une pensée pour sa famille, en particulier pour ses trois enfants – je me suis entretenu avec son fils Dominique il y a peu –, et je sais que le Sénat tout entier s’y associe, notamment ceux d’entre nous qui ont connu et apprécié notre ancien collègue.
(Mme Isabelle Debré remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
vice-présidente
7
Dépôt d’un rapport
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport relatif aux substituts du bisphénol A, en application de l’article 1er de la loi n° 2010-729 du 30 juin 2010 tendant à suspendre la commercialisation des biberons à base de bisphénol A.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires sociales.
8
Délimitation des régions et élections régionales et départementales
Suite de la discussion en deuxième lecture et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
Dans la discussion des articles du chapitre Ier, nous poursuivons l’examen de l’article 1er.
Article 1er (suite)
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L’amendement n° 29 est présenté par MM. Labazée et Fortassin.
L’amendement n° 136 rectifié ter est présenté par M. Lasserre, Mme Loisier et MM. Tandonnet, Médevielle, Roche et Vanlerenberghe.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« – Aquitaine et Midi-Pyrénées ;
II. – En conséquence, alinéa 14
Rédiger ainsi cet alinéa :
« – Limousin et Poitou-Charentes ;
L’amendement n° 29 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Henri Tandonnet, pour présenter l’amendement n° 136 rectifié ter.
M. Henri Tandonnet. Le même amendement a été déposé par des sénateurs du Grand Sud-Ouest, notamment, et siégeant sur les travées du groupe socialiste, du RDSE et de l’UDI-UC.
Puisque je l’ai fait lors de la discussion générale, je n’insisterai pas davantage sur l’incohérence de la démarche qui consiste à découper les régions sans connaître la nature des compétences et des moyens qui leur seront attribués.
Le cas des régions Aquitaine et Midi-Pyrénées est une illustration de cette incohérence et des difficultés que nous rencontrons depuis hier au sujet de ce découpage.
L’Aquitaine doit-elle être évaluée comme une région appuyée sur la seule métropole de Bordeaux, c’est-à-dire une Aquitaine de l’Atlantique, ou faut-il l’envisager réunie à la région Midi-Pyrénées dans une grande région du Sud-Ouest, adossée aux Pyrénées et à l’Espagne ?
Cette deuxième solution est celle que préconisent les auteurs de cet amendement : ils souhaitent regrouper les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées et laisser les régions Limousin et Poitou-Charentes vivre de leur côté.
Cette solution privilégie la cohérence d’un bassin de vie qui a déjà développé des partenariats importants sur deux pôles essentiels - un pôle aéronautique reconnu, dans la vallée de la Garonne, de Toulouse à Bordeaux, et un pôle agroalimentaire non moins reconnu, le Sud-Ouest étant même en pointe pour l’exportation de ses produits – sans oublier un potentiel touristique important.
Ce bassin de vie irait au-delà des métropoles de Toulouse et de Bordeaux. Il est encore impossible de répondre à la question du partage des compétences entre les métropoles et les régions. On sent bien, depuis l’adoption de la loi de janvier 2014, que les métropoles joueront un rôle important sur le terrain économique et vont se trouver en concurrence avec les régions. C’est pourquoi nous défendons l’idée de définir des régions plus étendues, permettant le développement de l’activité économique et de grandes infrastructures.
Enfin, les auteurs de cet amendement souhaitent aussi aborder la question des rapports avec l’Espagne, puisque ce rapprochement pourrait les améliorer.
M. Jean-Pierre Raffarin. La grande Aquitaine, c’est le Poitou-Charentes, cher collègue !
M. Henri Tandonnet. Vous parlez du domaine d’Aliénor d’Aquitaine ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Oui, c’est la grande Aquitaine ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 2 rectifié est présenté par MM. Courteau et Duran et Mme Jourda.
L’amendement n° 48 est présenté par MM. Grand et Laufoaulu.
L’amendement n° 144 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 13 et 14
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« – Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées ;
La parole est à M. Roland Courteau, pour défendre l’amendement n° 2 rectifié.
M. Roland Courteau. Je serai relativement bref, puisque je me suis déjà exprimé sur ce sujet lors de la discussion générale.
Nous considérons qu’il faut doter les régions françaises d’une taille critique qui leur permette non seulement d’exercer leurs compétences stratégiques, mais aussi de faire face à la concurrence des autres régions d’Europe.
Les auteurs de cet amendement proposent de rétablir la fusion envisagée par le texte initial entre les régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées. Il s’agit pour nous d’additionner les forces de ces deux régions pour en faire un nouveau territoire à l’échelle des grandes régions européennes, avec un PIB de plus de 144 millions d’euros, à comparer au PIB de notre grande voisine, la Catalogne, qui avoisine les 200 milliards d’euros.
Une réelle complémentarité existe entre ces deux régions, qui ont déjà établi des coopérations : l’Eurorégion Pyrénées-Méditerranée, associant Catalogne, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées et Baléares ; le pôle de compétitivité EAU, qui réunit Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, ou encore le pôle DERBI, consacré aux énergies renouvelables dans le bâtiment et l’industrie.
Nous sommes convaincus que nos atouts respectifs ou communs nous donneront une réelle force de frappe. Je citerai notamment à ce titre la viticulture, l’agriculture, bien sûr, mais aussi le tourisme, secteur important, avec l’ouverture sur la Méditerranée, le canal du Midi, les Pyrénées, ou encore la puissante aéronautique, ainsi qu’un fort potentiel de développement dans la fonction logistique et les transports.
Nous avons de surcroît une histoire commune, et la même culture. La fusion sera donc un véritable levier pour le développement de nos langues régionales.
Bref, la fusion de ces deux régions nous permettra de constituer un véritable carrefour au cœur de l’arc méditerranéen, à la confluence des grands courants d’échanges.
Aidez-nous, mes chers collègues, à ne pas laisser passer cette chance historique en adoptant l’amendement qu’Alain Duran, Gisèle Jourda et moi-même vous présentons. Il est en effet temps de transformer, pour plusieurs décennies, l’architecture territoriale de la République. Il est temps d’additionner les forces du Languedoc-Roussillon et celles de Midi-Pyrénées, afin de préparer l’avenir à travers cette communauté de destin du grand Midi de la France.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour présenter l’amendement n° 48.
M. Jean-Pierre Grand. Cet amendement tend à fusionner les régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées. En effet, rien ne justifie que Languedoc-Roussillon reste isolé, comme la Corse, au moment où les autres régions fusionnent.
Nos deux régions sont complémentaires et leur fusion tombe sous le sens.
Permettez-moi cependant de redire, monsieur le secrétaire d’État, que le regroupement de régions ne suffira pas pour atteindre les objectifs fixés, en particulier dans le domaine économique.
Nous allons nous trouver en concurrence directe avec d’autres régions d’Europe – pour nous, en Languedoc-Roussillon, il s’agit de la Catalogne – qui ont un atout supplémentaire du fait d’une forte déconcentration des pouvoirs de l’État. C’est la raison pour laquelle nous ne pourrons pas faire l’économie d’une réflexion sur ce point, mais ce débat est encore à venir.
J’insiste, parce qu’il faut vous préparer à ce débat sur la déconcentration, monsieur le secrétaire d’État. Aujourd’hui, nous fabriquons de magnifiques 38 tonnes, mais ils auront des moteurs de 2 CV ! Nous devons donc rester extrêmement attentifs.
Pour l’instant, je souhaite que les régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées n’en fassent qu’une et j’en appelle à la sagesse de notre assemblée pour que cet amendement soit adopté.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 144.
M. André Vallini, secrétaire d’État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. En ce qui concerne la fusion des régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, comme pour les autres fusions, j’ai déjà eu l’occasion de dire qu’il n’existe pas de carte idéale. Chacun a sa propre vision, selon son territoire et son département d’élection.
Ce débat est d’ailleurs passionnant, parce que les clivages, ici comme à l’Assemblée nationale, traversent les formations politiques : il arrive que des sénateurs du même parti et de la même région ne voient pas l’avenir de leur région de la même façon. C’est ce qui rend la tâche difficile, mais passionnante, aussi.
L’objectif du Gouvernement est de limiter le nombre de nouvelles régions et de leur donner une assise démographique et géographique suffisante pour qu’elles assument pleinement les missions qui leur seront confiées, notamment en matière de développement économique.
Il est aussi nécessaire, pour le Gouvernement, de rechercher des formes de péréquation au sein de ces nouvelles régions, afin de leur donner à toutes les mêmes capacités d’intervention en faveur de leurs populations et, notamment, de leur tissu économique, singulièrement les PME : aide à l’innovation et à l’internationalisation, aide aux entreprises, formation professionnelle, apprentissage, voire accompagnement vers l’emploi.
M. le Premier ministre a en effet ouvert cette porte avant-hier : on pourrait envisager de décentraliser le service public de l’emploi au moyen de conventions passées entre les régions et Pôle emploi.
La carte adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale est, de ce point de vue, plus conforme aux objectifs du Gouvernement que je viens de rappeler, en permettant notamment la formation de douze régions, sans compter la Corse, contre quatorze régions dans le projet de la commission spéciale du Sénat.
C’est la raison pour laquelle l’amendement du Gouvernement tend à rétablir le regroupement de la région Languedoc-Roussillon et de la région Midi-Pyrénées que vient d’approuver Jean-Pierre Grand.
M. Roland Courteau. Et aussi Roland Courteau ! (Sourires.)
M. André Vallini, secrétaire d’État. En effet, vous l’aviez d’ailleurs fait dès avant-hier, monsieur le sénateur, lors du débat qui a suivi la déclaration de M. le Premier ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale sur les amendements nos 136 rectifié ter, 2 rectifié, 48 et 144 ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Sans surprise, la commission spéciale a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 136 rectifié ter, ainsi que sur les amendements identiques nos 2 rectifié, 48 et 144.
La commission spéciale, à l’occasion de cette deuxième lecture, a en effet confirmé sur ce point particulier ses choix de première lecture. Elle reste donc constante dans sa volonté de ne pas voir réunies les régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 136 rectifié ter ?