M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. L’amendement de M. Anziani présente l’avantage d’assurer un examen rapide de la proposition de résolution par la première assemblée saisie. Mais, dans le même temps, il prive le Sénat ou l’Assemblée nationale de l’expertise, pourtant utile, de la commission des lois.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
(Non modifié)
La proposition de résolution adoptée par une assemblée est immédiatement transmise à l’autre assemblée. Elle est envoyée pour examen à la commission permanente compétente en matière de lois constitutionnelles, qui conclut à son adoption ou à son rejet.
La proposition de résolution est inscrite de droit à l’ordre du jour de l’assemblée au plus tard le treizième jour suivant sa transmission. Le vote intervient de droit au plus tard le quinzième jour.
Lorsque la clôture de la session du Parlement fait obstacle à l’application du deuxième alinéa, l’inscription à l’ordre du jour intervient au plus tard le premier jour de la session ordinaire suivante.
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 1, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hugues Portelli, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles j’ai exposées précédemment.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat, également pour les mêmes raisons.
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le vote des assemblées sur la proposition de résolution tendant la réunion de la Haute Cour fait l’objet d’un scrutin public.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. À l’Assemblée nationale, le vote sur la proposition de résolution tendant à réunir la Haute Cour fait obligatoirement l’objet d’un scrutin public. Ce n’est pas le cas au Sénat. Or, à l’occasion de ce type de vote, chacun doit assumer sa responsabilité, c’est-à-dire exprimer publiquement son vote.
Je pense que l’ensemble du Sénat sera d’accord pour adopter ce principe de responsabilité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hugues Portelli, rapporteur. Le vote par scrutin public est déjà de règle pour le vote de projets de loi organiques. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Sur cet amendement qui concerne le fonctionnement du Sénat, le Gouvernement émet un avis de sagesse.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 3 bis
(Non modifié)
Le rejet de la proposition de résolution par l’une des deux assemblées met un terme à la procédure. – (Adopté.)
Article 4
(Non modifié)
Lorsqu’une proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour a été adoptée par chacune des assemblées, le Bureau de la Haute Cour se réunit aussitôt.
Le Bureau de la Haute Cour est composé de vingt-deux membres désignés, en leur sein et en nombre égal, par le Bureau de l’Assemblée nationale et par celui du Sénat, en s’efforçant de reproduire la configuration politique de chaque assemblée.
Il est présidé par le Président de la Haute Cour.
Le Bureau prend les dispositions nécessaires pour organiser les travaux de la Haute Cour.
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le Bureau organise les conditions du débat et du vote et prend toute décision qu’il juge utile à l’application de l’article 68 de la Constitution.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Le présent amendement vise à préciser et à élargir le champ des attributions du bureau de la Haute Cour.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hugues Portelli, rapporteur. Cet amendement est satisfait par le quatrième alinéa du présent article. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Il peut sembler utile de compléter les dispositions du projet de loi organique pour garantir que le bureau dispose de toutes les marges de manœuvre dont il a besoin dans les circonstances graves et exceptionnelles qui justifient la réunion de la Haute Cour. Il me paraît en effet judicieux de préserver une certaine souplesse et de ne pas insulter l’avenir.
J’émets donc un avis de sagesse enthousiaste. (Sourires.)
M. Bruno Sido. C’est nouveau !
M. le président. Je mets aux voix l’article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
(Non modifié)
Une commission constituée de six vice-présidents de l’Assemblée nationale et de six vice-présidents du Sénat est chargée de recueillir toute information nécessaire à l’accomplissement de sa mission par la Haute Cour. La composition de la commission s’efforce de reproduire la configuration politique de chaque assemblée.
La commission dispose des prérogatives reconnues aux commissions d’enquête aux II à IV de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires dans les mêmes limites que celles fixées au deuxième alinéa de l’article 67 de la Constitution.
Sur sa demande, le Président de la République ou son représentant est entendu par la commission. Il peut se faire assister par toute personne de son choix.
La commission élabore, dans les quinze jours suivant l’adoption de la résolution, un rapport qui est distribué aux membres de la Haute Cour, communiqué au Président de la République et au Premier ministre et rendu public.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 5, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
Une commission constituée de vingt membres est chargée de recueillir toute information nécessaire à l’accomplissement de sa mission par la Haute Cour. Ses membres sont élus, selon la représentation proportionnelle au plus fort reste, dans le respect du pluralisme des groupes, en leur sein et en nombre égal, par l’Assemblée nationale et par le Sénat. Elle élit parmi ses membres son président et désigne un rapporteur.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Il s’agit à la fois d’un amendement d’affirmation du Sénat et de cohérence par rapport au principe de représentativité politique qui figure dans le texte.
Le projet de loi organique prévoit une commission parlementaire ad hoc composée de six vice-présidents de l’Assemblée nationale et de six vice-présidents du Sénat. Mais il y a un hic : la composition du bureau du Sénat diffère de celle du bureau de l’Assemblée nationale.
Par conséquent, si nous voulons affirmer la singularité du Sénat, il faut modifier cette disposition et prévoir que la commission comprendra vingt membres. Qui plus est, cela permettra d’assurer la représentativité politique, car, avec six vice-présidents pour l'Assemblée nationale et six vice-présidents pour le Sénat, il n’est pas du tout certain que tous les groupes puissent être représentés. Or le texte lui-même se fixe cet objectif.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 1, première phrase
Remplacer les mots :
six vice-présidents de l'Assemblée nationale et de six vice-présidents du Sénat
par les mots :
dix membres du Bureau de l’Assemblée nationale et de dix membres du Bureau du Sénat
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement va dans le même sens.
Nous proposons de remplacer les vice-présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat par dix membres du bureau de l’Assemblée nationale et dix membres du bureau du Sénat. Il nous semble en effet qu’une telle disposition permettra de garantir au mieux le pluralisme au sein de ce qui constituera de fait une véritable commission d’instruction.
Aux termes de l’article 5 d’ailleurs, « la composition de la commission s’efforce de reproduire la configuration politique de chaque assemblée ». Le passage à vingt membres permettra de s’approcher de cet objectif. Il n’est qu’à voir la composition de la Cour de justice de la République : six sénateurs en font partie et, de fait, les groupes minoritaires au sein de cette instance ne sont pas représentés.
Par conséquent, si l’on souhaite réellement que l’article 5 prenne toute sa force et ne reste pas un vœu pieux, il faut étendre la composition de la commission à dix membres par assemblée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hugues Portelli, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
Je rappelle que la commission visée à l’article 5 doit travailler et se prononcer dans des délais extrêmement restreints. Il s’agit donc d’une structure qui doit faire preuve d’efficacité et de rapidité. De fait, son effectif doit être limité. Ce n’est pas une commission parlementaire traditionnelle.
Par ailleurs, l’article 5 prévoit déjà que sa composition doit respecter le pluralisme politique des assemblées.
Enfin, rappelons que les députés, tout en respectant le bicamérisme, veillent à ce que les effectifs des structures paritaires n’augmentent pas excessivement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. La question du pluralisme est évidemment importante et, de ce point de vue, l’amendement n° 5 me semble mieux y répondre que l’amendement n° 11. J’entends toutefois l’argument de M. le rapporteur.
Néanmoins, comme il juge toujours très délicat d’intervenir dans le fonctionnement des assemblées, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. Bruno Sido. Celle-là n’est pas enthousiaste ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote sur l’amendement n° 5.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le rapporteur, je m’interroge sur les arguments que vous venez d’avancer, notamment sur ceux qui sont relatifs à l’efficacité et à la rapidité.
Perd-on de l’efficacité quand on assure le pluralisme ? Si oui, disons-le clairement et mettons un frein à cette tendance.
Ne gagne-t-on pas, y compris en rapidité – je ne parle pas de la rapidité à court terme –, en assurant justement la représentation la plus pluraliste possible ?
Il ne faut pas à mon sens faire de raccourcis. Que vous émettiez un avis défavorable sur ces deux amendements, je veux bien le concevoir. En revanche, je ne partage pas votre argument selon lequel augmenter légèrement le nombre des membres de cette commission et assurer un véritable pluralisme sur des enjeux de cette taille, qui concernent le Président de la République, ne seront pas un gage d’efficacité, de rapidité et de qualité pour cette instance.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur, je reste moi aussi sur ma faim après avoir entendu vos explications.
Certes, je comprends que votre mandat consiste à parvenir à un vote conforme de ce projet de loi organique. Pour autant, je ne suis pas convaincu par les arguments que vous venez d’avancer.
D’abord, comme Cécile Cukierman, je pense que soutenir ici, au Sénat, qu’une instance de douze membres est plus rapide et plus efficace qu’une instance de vingt membres est quelque peu paradoxal. Cet après-midi, nous avons travaillé de manière extrêmement sérieuse sur le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
M. Bruno Sido. Ah oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Combien de membres de la commission spéciale étaient présents ? Peut-être une quarantaine.
M. Bruno Sido. Au début ! (Rires.)
Mme Éliane Assassi. Dans le pluralisme le plus total ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. L’existence au Sénat d’un grand nombre d’instances qui travaillent très sérieusement dément cette position en vertu de laquelle, pour un sujet aussi important que la destitution du chef de l’État, on serait efficace à douze et on ne le serait pas à vingt. (M. Jean-Jacques Hyest s’exclame.)
Personne ne peut défendre une telle position, sauf à avancer de nouveaux arguments, mais je pense que M. Hyest en a trouvé et nous allons l’entendre avec intérêt. (Sourires.)
Ensuite, monsieur le rapporteur, vous affirmez que l’Assemblée nationale est attachée au bicamérisme. Je veux bien le croire, mais confortons le bicamérisme en jouant pleinement notre rôle dans l’élaboration du présent texte.
Enfin, selon vous, avec douze membres, on pourra garantir le pluralisme. J’ai rappelé tout à l’heure la présence d’un verbe tout à fait singulier dans un texte normatif, puisqu’il est précisé que l’on « s’efforce » de représenter les différents groupes.
Mme Cécile Cukierman. C’est du bla-bla !
M. Jean-Pierre Sueur. Si on multiplie dans la loi les assertions telles que « on fera en sorte que », « on fera tous nos efforts pour que », « on tendra à ce que », « on s’efforcera à ce que », la législation deviendra floue. D’ailleurs, le Conseil d’État s’est interrogé sur cette tendance dans un récent rapport.
À mon sens, de nombreux arguments plaident en faveur de l’amendement n° 5 : une commission de vingt membres – dix par assemblée – permettra la parité entre les assemblées et, à coup sûr, la représentation de tous les groupes de l’Assemblée nationale et du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Il ne faut jamais pousser les démonstrations trop loin. (Sourires.)
Mon cher collègue, ce matin s’est réunie une commission mixte paritaire, instance composée de sept députés et de sept sénateurs et chargée – vous savez à quel point c’est important – de proposer un texte commun sur des dispositions restant en discussion d’un projet de loi ou d’une proposition de loi. Cela prouve donc bien que l’on peut travailler avec un effectif plus faible. Certes, certains groupes ne sont pas représentés ou le sont par le biais des suppléants, mais ceux-ci ne votent pas. Cela ne signifie nullement qu’ils ne participent pas au débat. Je rappelle qu’il s’agit uniquement d’un travail préalable de commission ! Le Parlement se prononce ensuite sur les conclusions.
J’en reviens au texte qui nous occupe. Préciser que l’on doit veiller à une représentation équilibrée de chaque sensibilité politique suffit. Cela figure d’ailleurs déjà dans un certain nombre de textes. C’est pourquoi je pense qu’il faut s’en tenir au texte de l’Assemblée nationale.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le Président de la République peut être entendu soit à sa demande, soit à la demande de la commission.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. J’ai envie de faire un appel au bon sens.
Je rappelle la rédaction actuelle de l’alinéa 3 de l’article 5 : « Sur sa demande, le Président de la République ou son représentant est entendu par la commission. Il peut se faire assister par toute personne de son choix. »
Nous sommes dans l’hypothèse où le Président de la République fait l’objet d’une procédure, parce qu’il a manqué à ses obligations de façon suffisamment nette pour que cela devienne incompatible avec sa fonction.
S’il s’agissait d’une procédure juridictionnelle, nous dirions que le Président de la République est accusé ou qu’il est mis en examen. En l’occurrence, nous ne pouvons employer ces termes.
M. Bruno Sido. On joue sur les mots !
M. Alain Anziani. En l’espèce, le Président de la République est mis en cause de façon forte par un acte motivé et recevable, puisque le bureau l’a jugé tel.
La situation devient ensuite tout à fait extraordinaire. Alors que le Président de la République fait l’objet de cette procédure, ceux qui vont devoir le « juger » et déterminer si oui ou non il est véritablement responsable n’ont pas le droit de lui poser la moindre question. Cette commission, c’est la Grande Muette !
C’est tout bonnement invraisemblable ! Comment concevoir que le Président de la République puisse vouloir être entendu – il peut l’être à sa demande –, mais que ceux qui vont le juger et décider n’aient pas le droit de l’entendre ?
Pour ma part, je n’arrive pas à comprendre la cohérence ce dispositif.
M. Jean-Jacques Hyest. La Haute Cour pourra !
M. Alain Anziani. Ce sera pareil, puisque, comme nous le verrons dans quelques instants, le Président de la République pourra se faire représenter !
Par conséquent, et c’est un appel au bon sens, je le répète, il faut faire en sorte que la commission puisse entendre le Président de la République. C’est le minimum. Sinon, je le répète également, les membres de cette commission auront devant eux le grand absent, la personne qui n’existe pas dans la procédure, un fantôme de Président de la République. Comment avoir alors un débat franc sur des faits qui, par définition, sont graves et qui donneront évidemment lieu à une crise de la République ? Or, dans une telle situation, il est normal que la République puisse entendre le Président de la République.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hugues Portelli, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. Anziani devrait envisager la situation du point de vue du Président de la République. Lorsqu’une telle procédure démarre, celui-ci exerce pleinement ses fonctions de chef de l’État. Une commission commence alors à enquêter ; elle doit d’ailleurs le faire dans des délais très brefs.
Le Président de la République a-t-il intérêt à comparaître et à se défendre devant cette commission ? C’est à lui d’apprécier. Il peut avoir d’excellentes raisons de s’y refuser. Il faut donc lui laisser la liberté de choisir.
Certains l’accusent d’avoir commis une forfaiture, un acte grave. Encore faut-il que ce fait soit prouvé. C’est justement le rôle de la commission que de recueillir les informations nécessaires à cette fin et le Président de la République peut très bien se contenter d’envoyer un représentant, qui parlera en son nom. En tant que chef de l’État en fonction, il n’est peut-être pas obligé de se commettre immédiatement devant une telle commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. J’entends tout à fait la spontanéité de votre demande, monsieur Anziani, qui semble compréhensible au premier abord.
Je reprendrai cependant l’argumentation du rapporteur, avec une nuance importante toutefois. En effet, ce n’est pas parce que c’est le Président de la République que je défends la possibilité qu’il puisse ne pas se présenter devant la commission, mais c’est parce qu’il est en posture d’accusé, ce qui n’est pas la même chose. En d’autres termes, ce n’est pas son statut de Président de la République qui justifie une telle faculté, c’est parce qu’il est accusé et peut, à ce titre, avoir la stratégie de défense qu’il souhaite, d’autant que nous ne sommes plus dans une situation où il peut y avoir confusion avec le juridictionnel.
Votre raisonnement est tellement naturel, monsieur Anziani, que, pour dire les choses comme elles sont, dans beaucoup de cas, l’absence du Président de la République ne plaidera pas en sa faveur. A contrario, il pourra choisir d’être présent. Tout cela relèvera de sa liberté. Voilà quel est mon sentiment.
Cela dit, on peut aussi comprendre l’intérêt qu’il y aurait à ce que le Président de la République ne soit pas sans arrêt mis en cause si ce type d’attaques devait se multiplier. Cependant, pour l’heure, et sans préjuger les évolutions à venir, ces mœurs politiques ne sont pas les nôtres.
Dans ces conditions, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. Bruno Sido. Encore !
M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. Monsieur le président, je comprends que l’on veuille faire aboutir ce texte ce soir, en obtenant de la Haute Assemblée un vote conforme.
Toutefois, je pense que repousser, comme la majorité du Sénat vient de le faire, les derniers amendements ne participe pas d’une justice sereine et éclairée.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
MM. Jean-Jacques Hyest et Hugues Portelli, rapporteur. Il ne s’agit pas de justice !
M. Alain Néri. Le sujet est grave : ce n’est quand même pas tous les jours que l’on aura à juger un Président de la République pour décider ou non de sa destitution !
M. Jean-Jacques Hyest. On ne juge pas !
M. Alain Néri. J’espère, d'ailleurs, que cela n’arrivera jamais.
Premièrement, le fait que tous les groupes politiques ne puissent pas être représentés dans les instances de jugement ne me paraît pas être un élément de sérénité.
Deuxièmement, indépendamment de la stratégie choisie par l’accusé, il me semble être de l’intérêt de la justice qu’elle puisse être parfaitement éclairée. Je pense que la meilleure façon de le lui permettre est de l’autoriser à poser des questions à celui qui est mis en cause.
Dès lors, je ne comprends pas que, dans une situation aussi grave, on puisse envisager que le Président de la République n’aurait qu’à se faire représenter s’il ne veut pas se rendre devant la commission. Je trouve que c’est abaisser complètement l’institution que l’on est en train de créer. Pour juger si le Président de la République peut continuer ou non à exercer ses fonctions, ce qui n’est quand même pas rien, il faut une institution de justice très forte et très sereine.
C’est pourquoi il me semble important d’affirmer que le Président de la République mis en cause doit effectivement se présenter si la commission veut l’entendre, à partir du moment où les délibérations pourront aboutir à une décision, extrêmement grave, de destitution.
Je voterai donc l’amendement présenté par M. Anziani.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Je veux simplement rappeler que, à ce moment de la procédure, une proposition de résolution aura déjà été jugée recevable par le bureau de l’une des deux chambres et votée, au-delà des majorités partisanes, par les deux tiers des membres de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Puisque la procédure aura été jugée sérieuse par les deux chambres du Parlement, à la majorité des deux tiers, qui pourra dire qu’elle est fantaisiste, qu’elle ne repose sur rien et qu’elle est humiliante ? Et pourquoi, dans ces conditions, s’empêcher de demander des comptes à celui qui a été mis en cause ? Je n’arrive toujours pas à le comprendre. Le bon sens voudrait que l’on puisse entendre le Président de la République !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. J’ai l’impression que les explications données par les défenseurs de cet amendement ne correspondent pas à la rédaction de celui-ci.
Il est demandé que le Président de la République puisse, en quelque sorte, être convoqué par la commission. Néanmoins, le présent amendement prévoit seulement : « Le Président de la République peut être entendu soit à sa demande, soit à la demande de la commission. »
Je reconnais que cette rédaction est ambiguë, parce qu’elle pourrait laisser supposer une obligation. En tout état de cause, les propos qui ont été tenus ne sont, eux, pas ambigus : leurs auteurs estiment que la commission devrait pouvoir réellement entendre le Président de la République et, même, que celui-ci ne pourrait pas se faire représenter.
M. Alain Néri. Oui !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Or, d’une part, ce n’est pas ce que signifie la rédaction actuelle de l’amendement. D’autre part, ce serait tout à fait contraire à la Constitution elle-même, car nulle contrainte par corps ne pourrait être exercée sur un Président de la République qui refuserait d’être entendu par la commission parlementaire. Le Président de la République exerce pleinement sa fonction jusqu’au moment où il est destitué, s’il est destitué.
Par conséquent, il ne me semble pas possible de prévoir, dans le texte, une obligation, pour le Président de la République, de se présenter en personne. Au demeurant, si l’amendement ne vise pas à instaurer une telle obligation, c’est qu’il est rédigé de manière quelque peu ambiguë : l’utilisation du verbe « pouvoir » laisse supposer que c’est une simple faculté qui est ouverte… Mais, dans le même temps, dans la rédaction actuelle, on peut penser, au fond, que, si le Président de la République demande à être entendu, la commission ne peut le lui refuser, et que, si la commission demande à l’entendre, le Président de la République ne peut pas non plus le refuser.
M. Alain Anziani. Entre demander et exercer une contrainte par corps, il y a une différence !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je crois donc que l’adoption de cet amendement poserait, en réalité, beaucoup plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait et que vouloir empêcher le Président de la République d’être représenté par quelqu’un qui pourrait exposer des arguments en faveur de sa non-destitution, c’est le priver d’un moyen de se faire comprendre par la commission.
Eu égard à son ambiguïté et au risque d’inconstitutionnalité de son dispositif, il me paraît y avoir de nombreuses raisons de rejeter cet amendement !
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le rapporteur établit, dans les quinze jours suivant l’adoption de la résolution, un rapport écrit qu’il soumet à la commission. Après approbation de la commission, ce rapport est transmis à la Haute Cour, communiqué au Président de la République et au Premier ministre et rendu public.
La parole est à M. Alain Anziani.