Article 8
Le solde débiteur du compte spécial « Gestion des actifs carbone de l’État », clos au 1er juin 2013, est arrêté au montant de 200 101 888,16 €. – (Adopté.)
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 238 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l’adoption | 155 |
Contre | 167 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous n’étions pas si loin !
9
Accord avec les États-Unis sur la loi américaine dite « FATCA »
Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique en vue d’améliorer le respect des obligations fiscales à l’échelle internationale et de mettre en œuvre la loi relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers, dite « loi FATCA » (projet n° 706, texte de la commission n° 752, rapport n° 751).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, l’accord soumis ce soir à votre vote est particulièrement novateur. En effet, il s’agit du premier texte signé par la France avec un autre État en vue de permettre la mise en œuvre d’un échange automatique d’informations à des fins fiscales, sur un très large éventail de données bancaires. Cet accord est d’abord le fruit des négociations menées par la France et ses partenaires européens en vue de promouvoir un échange automatique sur une base bilatérale et réciproque avec les États-Unis.
À l’origine, la loi FATCA – Foreign Account Tax Compliance Act – du 18 mars 2010 est une décision du Congrès américain, qui impose à toutes les banques étrangères l’obligation de transmettre aux États-Unis des informations sur les comptes des citoyens américains, quelle que soit la localisation de ces comptes. Le non-respect de cette obligation est sanctionné par une retenue à la source de 30 %, appliquée aux revenus financiers versés depuis les États-Unis vers les comptes tenus par l’établissement concerné.
Dès 2010, les institutions financières ont ainsi sollicité l’aide du gouvernement français, en lui demandant d’intervenir auprès des autorités américaines. La France a été à l’origine d’une solution alternative, avec quatre de ses partenaires, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni ; l’ensemble de ces États est appelé « groupe des cinq », ou G5. Il est résulté de leurs travaux l’adoption d’un modèle intergouvernemental permettant d’obtenir divers avantages.
Tout d’abord, les échanges d’informations se feront d’administration à administration, ce qui offre des garanties en termes de confidentialité, ainsi que des formats et des procédures d’échange calqués sur les formats existants.
Ensuite, la signature d’un accord bilatéral permet de réputer que l’ensemble des institutions financières du pays signataire se conforment à la convention FATCA et sont dispensées de la retenue à la source, si l’accord est respecté.
De surcroît, les États européens ont pu négocier avec les États-Unis, tant sur les modalités pratiques que sur le champ des établissements visés.
Enfin, la France et ses partenaires ont obtenu que, par ce modèle d’accord, les États-Unis acceptent d’entrer dans une démarche de réciprocité : ils fourniront également des informations à notre administration fiscale sur des comptes bancaires détenus aux États-Unis.
C’est donc ce modèle, proposé par la France et repris depuis lors par la très grande majorité des États avec lesquels les États-Unis négocient la mise en œuvre de FATCA, qui a servi de cadre de référence à l’accord franco-américain, signé en novembre dernier et aujourd’hui soumis à votre approbation.
Concrètement, l’accord entre la France et les États-Unis fixe le cadre de l’échange automatique d’informations et précise l’ensemble des procédures que les deux pays devront mettre en œuvre pour y satisfaire.
Ainsi, les autorités françaises collecteront des informations sur les citoyens et résidents des États-Unis : identification, soldes des comptes, valeurs de rachat des contrats d’assurance vie, revenus financiers.
En adoptant il y a un an les dispositions codifiées depuis lors à l’article 1649 AC du code général des impôts, le Parlement a par ailleurs adapté notre droit interne pour créer l’obligation nécessaire et la capacité de l’administration française à collecter les informations. La première transmission est fixée au 30 septembre 2015. Elle sera ensuite annuelle.
En réponse à la demande de la France, les États-Unis ont accepté un principe général de réciprocité et sa mise en œuvre dans les domaines, très majoritaires, où leur législation le permet. De plus, les États-Unis se sont expressément engagés à promouvoir des réformes pour parvenir à une réciprocité complète. Ils devront ainsi nous transmettre dès 2015 le numéro de compte, ainsi que le montant des intérêts, dividendes et des autres revenus versés ou crédités sur ce compte, pour des résidents français ayant un compte dans un établissement américain.
Pour les autres informations, l’identification des comptes permettra ensuite à la France de demander des informations, au cas par cas, dans le cadre de la convention fiscale bilatérale existante.
L’accord confère enfin à la France le droit de disposer de toute clause plus favorable signée par les États-Unis dans un accord de nature identique. Toutefois, pour le moment, il n’en existe pas de plus favorable.
Cet accord se situe également dans un cadre encore plus large et prometteur. Grâce aux efforts menés par la France et ses partenaires au G20, nous pourrons bientôt instituer un système multilatéral d’échange automatique, copié sur FATCA, qui représente une chance historique de faire enfin reculer le secret bancaire.
FATCA a permis de développer l’échange automatique au niveau international en impliquant de nombreux États, dont des centres financiers, désormais privés d’arguments pour ne pas le mettre en œuvre.
Dans une lettre commune du 9 avril 2013, envoyée à la Commission européenne, la France, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni ont signifié leur volonté de développer un projet pilote multilatéral reposant sur un format d’échange inspiré de celui qui est prévu dans le cadre des accords FATCA américains.
Parallèlement, ces cinq États ont convaincu le G20, lors du sommet de Saint-Pétersbourg de septembre 2013, de confier à l’OCDE la réalisation d’un standard mondial, qui aurait vocation à s’appliquer aussi bien en Europe que dans le reste du monde. Ce standard est désormais adopté par l’OCDE et sera présenté au prochain G20 en septembre 2014 en Australie. Il reprend, lui aussi, le champ et les procédures de FATCA.
La France et ses partenaires ont parallèlement rassemblé une masse critique de quarante-cinq États et territoires qui s’engagent à mettre en œuvre ce standard le plus tôt possible entre 2015 et 2017. Ils signeront des accords d’échange automatique d’informations entre eux et avec les quarante autres partenaires du projet en octobre prochain.
Enfin, l’initiative du G5 a été soutenue par le Conseil européen pour un calendrier de mise en œuvre rapide de l’échange automatique d’informations au sein de l’Union européenne, grâce à la révision de la directive relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, qui permettra d’intégrer le standard d’échange de l’OCDE dans la législation communautaire.
Ce mouvement, que la France soutient depuis longtemps et par tous les moyens, est désormais en marche et il est irrémédiable, comme en témoigne le ralliement de plusieurs centres financiers importants. Un tel progrès, au profit de tous, était encore impensable il y a deux ou trois ans.
FATCA y a contribué, reconnaissons-le, mais aussi, et peut-être surtout, ce que nous, Européens, sommes parvenus à en faire. Et la France y a joué un rôle important.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est dans ce contexte particulier qu’il vous est aujourd’hui proposé de ratifier l’accord conclu entre la France et les États-Unis. Celui-ci marque un premier jalon important dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, dans la lutte contre l’opacité et le secret bancaire. Autant d’objectifs qui nous rassemblent, je le sais, car vos travaux en témoignent, sans distinction partisane au sein de cet hémicycle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)
Mme Nathalie Goulet. C’est bien vrai !
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Michèle André, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord signé le 14 novembre 2013 entre la France et les États-Unis en vue d’appliquer la loi FATCA, c'est-à-dire – pardonnez mon accent ! (Sourires.) – Foreign Account Tax Compliance Act.
La commission des finances du Sénat s’est penchée sur le sujet à plusieurs reprises, notamment lors des auditions conjointes du 3 juillet 2013 et du 12 février 2014. Notre collègue Nicole Bricq en avait déjà abordé les principaux enjeux dès l’année 2011, alors que la mode était aux accords Rubik, ces ultimes tentatives de sauver le secret bancaire dont on ne parle même plus aujourd’hui.
La loi FATCA, adoptée par les États-Unis en 2010, ne s’embarrasse pas des mêmes précautions : elle oblige tout simplement les banques et établissements financiers du monde entier à transmettre aux États-Unis toutes les informations dont ils disposent sur les contribuables américains, personnes physiques et entités, sous peine d’une retenue à la source dissuasive de 30 % des flux concernés.
Personne ne l’ignore ici : la loi FATCA a été l’élément déclencheur de progrès considérables dans la lutte contre l’évasion fiscale internationale. Dans le sillage de l’initiative américaine, l’Union européenne et l’OCDE se sont lancées dans l’élaboration de standards d’échange automatique d’informations, bien plus efficaces que l’actuel échange à la demande, qui est plutôt un échange à la carte, tant il dépend de la bonne volonté des partenaires.
Avec l’échange automatique, il ne sera plus possible de s’abriter derrière une demande mal formulée ou un quelconque vice de procédure pour ne pas révéler l’identité des contribuables indélicats.
Il faut être très clair : l’échange automatique d’informations, autre nom de la transparence fiscale que réclame depuis longtemps la société civile, n’aurait jamais vu le jour sans la loi FATCA.
Cette filiation est d’ailleurs assumée : le standard de l’OCDE, qui sera présenté au G20 à l’automne prochain, s’inspire directement de FATCA. Il en va de même pour la directive européenne sur la coopération administrative de 2011, dont la révision est en cours. L’extension de l’échange automatique aux produits couverts par la directive Épargne de 2003 a, quant à elle, fait l’objet d’un accord le 24 mars dernier, à la suite de la levée du veto du Luxembourg et de l’Autriche, eux aussi poussés au changement par l’aiguillon de la loi FATCA.
Certes, la méthode employée par les États-Unis est quelque peu cavalière, c’est le moins que l’on puisse dire. Telle qu’elle a été votée en 2010, la loi FATCA était un dispositif unilatéral et extraterritorial, qui ne laissait tout simplement aucun choix aux autres pays et à leurs établissements financiers. Quelle grande banque, en effet, pourrait se permettre de se voir fermer l’accès au marché américain, de loin le plus grand du monde ?
L’objet de l’accord que nous examinons aujourd’hui est très précisément de transformer ce dispositif unilatéral en accord bilatéral, négocié entre États souverains, réciproque et assorti de multiples garanties. À la suite de l’action de la France et de ses principaux partenaires européens, la loi FATCA a véritablement changé de nature.
L’accord signé par la France permet une mise en œuvre de FATCA de manière centralisée. Les données transiteront ainsi par l’administration fiscale française, la direction générale des finances publiques, ou DGFIP, au lieu d’être transmises directement par les banques, diminuant ainsi considérablement les surcoûts financiers, les complications techniques et les incertitudes juridiques qu’impliquait le dispositif original. De plus, les entités et produits soumis à l’échange automatique reçoivent une définition compatible avec le droit français.
Une clause de la nation la plus favorisée permet à la France et à ses banques de bénéficier de toute stipulation plus favorable que les États-Unis accorderaient à un autre pays. De plus, la France pourra toujours invoquer les dispositions du code fiscal américain si celles-ci lui sont plus favorables que les termes de l’accord. En bref, l’accord FATCA pourrait évoluer dans un sens plus favorable à la France, mais jamais dans un sens moins favorable.
Il est vrai, toutefois, qu’une incertitude importante demeure : la question de la réciprocité de l’accord, et, par conséquent, de sa compatibilité avec le standard international, qui est lui parfaitement réciproque.
En effet, les élus républicains du Congrès bloquent actuellement la transmission du solde des comptes bancaires dans le cadre du dispositif, même si toutes les autres informations – identité du contribuable, revenus versés, banque concernée, etc. – pourront être fournies par les États-Unis.
Gardons-nous toutefois de surestimer les conséquences de ce blocage : la France peut toujours solliciter les informations manquantes via l’échange à la demande, qui fonctionne très bien entre les deux pays. Toutefois, la réciprocité est aussi une question de principe, à laquelle nous devons rester très attachés.
Alors que l’Union européenne et l’OCDE mettent chaque pays sur un pied d’égalité, il ne serait pas acceptable que les États-Unis puissent déroger à cette règle. Ils se sont formellement engagés à mettre en œuvre une réciprocité complète dès que leur droit interne le leur permettra, cela figure en toutes lettres à l’article 6 de l’accord. M. le secrétaire d'État pourra certainement nous rendre compte, en séance, des avancées en la matière, et nous en reparlerons, si nécessaire, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2015.
Pour sa part, la France doit continuer à soutenir l’adoption d’un standard mondial unique, réciproque et harmonisé, qui demeure la seule réponse viable, à long terme, à la menace que l’évasion fiscale fait peser sur notre souveraineté.
Ces questions en suspens ne doivent pas occulter le chemin parcouru, qui est considérable : nous partions d’un dispositif imposé et nous avons aujourd’hui un accord négocié, largement réciproque et assorti de multiples garanties. Comme toute négociation internationale, il s’agit d’un rapport de force : quand on se bat, il est possible de faire changer les choses. L’année dernière, par exemple, le commissaire Michel Barnier a obtenu, après d’âpres négociations, que les régulations américaines et européennes en matière de produits dérivés soient considérées comme strictement équivalentes.
La loi FATCA témoigne d’une véritable action menée par les États-Unis pour combattre les abus du système financier. Il serait faux de n’y voir que la manifestation d’une sévérité sélective, qui ne s’appliquerait qu’aux banques étrangères.
Il en va d’ailleurs de même pour les amendes infligées aux banques : faut-il rappeler que JP Morgan a dû payer 13 milliards de dollars l’année dernière et que Citigroup a accepté de verser 7 milliards de dollars le 14 juillet dernier ? La justice américaine réclame près de 17 milliards de dollars à Bank of America, un record absolu justifié par son rôle dans la crise des subprimes.
Enfin, pour en revenir au sujet, il faut reconnaître à l’initiative américaine le mérite d’avoir provoqué un véritable sursaut international en faveur de l’échange automatique, qui porte déjà ses premiers fruits. La loi FATCA n’est pas pour rien dans le changement d’attitude des banques suisses, qui encouragent aujourd’hui leurs clients à régulariser leur situation.
Mme Nathalie Goulet. C’est certain !
Mme Michèle André, rapporteur. Il s’agit d’un phénomène réel, dont les excellents résultats du service de traitement des déclarations rectificatives, le STDR, mis en place en juin 2013, viennent attester. Hier encore, ici même, monsieur le secrétaire d'État, vous confirmiez que l’objectif de 1,85 milliard d’euros de recettes pourrait être dépassé.
La signature de l’accord FATCA, un accord véritablement équilibré, permettra de maintenir une saine pression pour que les engagements pris ne demeurent pas de vains mots. La défense de la souveraineté fiscale de la France et de ses partenaires européens exige de ne pas laisser passer cette chance.
Mes chers collègues, je vous recommande, pour toutes ces raisons, d’adopter sans modification le présent projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la Haute Assemblée est la première chambre saisie du projet de loi de ratification de l’accord avec les États-Unis visant à mettre en œuvre la loi américaine dite « loi FATCA », un sigle que M. le secrétaire d’État et Mme la rapporteur ont remarquablement explicité, avec l’accent approprié. (Sourires.)
Le sujet est important, et je remercie le Gouvernement d’avoir, de lui-même, demandé que ce texte soit discuté selon la procédure normale, et non pas selon la procédure simplifiée prévue pour les accords internationaux.
Mme Nicole Bricq. Il fallait le dire !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je ne tirerai pas tout à fait les mêmes conclusions de nos trois années de travail en commission sur le dispositif FATCA que ma collègue Michèle André.
En 2011, notre collègue Nicole Bricq, alors rapporteur général, nous avait invités à voir dans ce dispositif, au-delà d’une manifestation de l’unilatéralisme américain, une occasion pour la révision de la directive européenne sur l’épargne. L’analyse qu’elle nous avait présentée est devenue depuis lors le discours officiel des gouvernements européens et de l’OCDE.
M. André Gattolin. Oui !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le dispositif FATCA serait non plus une « décision unilatérale d’un pays puissant, qui montre ainsi l’idée qu’il a de son importance », pour reprendre les termes employés par la ministre Valérie Pécresse devant notre commission des finances en janvier 2012, mais une chance pour la transparence fiscale et la fin du secret bancaire, le déclencheur d’un mouvement mondial en faveur de l’échange automatique d’informations.
On ne peut pas nier qu’il se passe quelque chose en Europe pour ce qui concerne l’échange d’informations en matière fiscale. Toutefois, je suis en droit, me semble-t-il, de m’interroger : l’Europe est-elle à l’avant-garde d’un mouvement mondial ou bien est-elle encore une fois le trop bon élève qui risque quelques désillusions ?
Des pays comme la Chine ou Singapour n’ont pas encore dépassé le stade des engagements de principe à l’égard de FATCA, et Hong-Kong est en train de négocier, à l’instar de la Suisse au demeurant, un modèle d’accord préservant largement le secret bancaire. Est-ce parce qu’il y aurait moins d’Américains susceptibles d’y détenir des comptes bancaires, ou parce que les États-Unis ont plus de mal à y faire appliquer leurs règles extraterritoriales ?...
Au fond, ne s’agit-il pas d’un nouvel exemple de ce que j’appellerais volontiers l’« impérialisme juridique » des États-Unis ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Évelyne Didier. Bravo !
Mme Nathalie Goulet. Oh ! L’efficacité des États-Unis, plutôt !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je suis heureux de susciter l’intérêt de mes collègues par ces propos peut-être quelque peu dissonants,…
M. Éric Bocquet. Pertinents !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … par rapport à ceux que l’on a entendus jusqu’à présent ! (Sourires.)
Au mois d’avril dernier, j’étais en Iran avec Michèle André et quelques collègues du bureau de la commission des finances. Nous avons observé que, si les États-Unis sont très durs, on l’a bien vu, avec les banques qui compensent en dollars des transactions avec l’Iran, ils ne sont aucunement gênés par la présence dans ce pays de nombre de leurs entreprises : Boeing pour ce qui concerne les fournitures de matériels aéronautiques ou encore Coca-Cola dans le cadre d’accords de licence.
Mme Nicole Bricq. Et General Motors !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je pourrais en effet citer bien d’autres exemples encore.
L’année dernière, c’est aux États-Unis que le bureau de notre commission s’est rendu. Or, qu’y avons-nous observé ? Que les régulateurs américains veulent appliquer aux banques étrangères, notamment européennes, des règles de solvabilité plus dures qu’à leurs banques domestiques ; que la Réserve fédérale n’a pas peur de contrôler non seulement les filiales américaines, mais aussi le niveau de capital des maisons mères, par exemple européennes.
Parfois, il est arrivé que, dans ce dialogue difficile avec nos amis américains, la raison l’emporte. En matière de règlementation des dérivés, il a fallu une coalition mondiale – l’Europe, le Brésil, l’Afrique du Sud, le Japon et la Russie – pour persuader la CFTC, c'est-à-dire la Commodity Futures Trading Commission américaine de renoncer à son projet de ne plus appliquer le principe de reconnaissance mutuelle entre les superviseurs.
Aussi, avec la loi FATCA, sommes-nous dans un cas de soumission pure et simple aux exigences américaines ou bien sommes-nous parvenus à obtenir un accord équilibré ?
Certes, les apparences sont préservées, puisque nous sommes passés d’un dispositif initial qui s’appliquait directement aux banques non américaines, où qu’elles soient dans le monde, à un régime d’accords entre les États. Notre collègue Michèle André a indiqué que le dispositif est presque totalement réciproque.
Mme Michèle André, rapporteur. Tout à fait !
Mme Nicole Bricq. En effet !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout tient dans le terme « presque »…
En effet, nous pourrons obtenir des États-Unis toutes les informations, à l’exception du solde des comptes bancaires, qui demeure soumis à une procédure fastidieuse et limitée à quelques dizaines de cas chaque année.
Pourtant, j’imagine que l’administration fiscale française ne serait pas mécontente de disposer de ces soldes, notamment pour s’assurer que tous les avoirs détenus aux États-Unis sont bien en règle au titre des différents impôts, en particulier des impôts sur le patrimoine.
On nous dit aussi que le gouvernement américain s’est engagé à une réciprocité totale dès que son droit interne le permettrait. Néanmoins, cela fait deux fois que le président Obama présente au Congrès des dispositions en ce sens et que celles-ci ne sont pas adoptées. C’est le jeu de la séparation des pouvoirs aux États-Unis. Cependant, y a-t-il une véritable intention de passer à l’acte et une capacité à le faire, au-delà de ces quelques démonstrations de bonne volonté qui ne sont pas aujourd'hui très engageantes ?
De toute façon, que la réciprocité soit juridiquement totale ou partielle, les États-Unis ont-ils la capacité matérielle de fournir les informations en question ?
Lors de notre visite l’année dernière, on nous a expliqué que la collecte des informations serait beaucoup plus difficile aux États-Unis qu’en Europe, en raison des structures du système bancaire, qui est beaucoup moins concentré que celui de nos nations européennes. Là-bas, il faut recueillir l’information dans les centaines de petites banques que compte le pays, au prix de coûts sans doute bien supérieurs aux 200 à 300 millions d’euros dépensés depuis 2011 par les banques françaises. De plus, n’oublions pas que chacune de ces petites banques est soumise à un mécanisme de régulation qui peut présenter de fortes spécificités en fonction de chaque État.
En conséquence, j’en ai la conviction, les États-Unis n’appliqueront pas vraiment ou n’appliqueront sans doute qu’un jour relativement lointain les règles affirmées par FATCA. Et ils n’appliqueront pas davantage le standard de l’OCDE.
En d’autres termes, si la loi américaine FATCA est à l’origine d’un grand mouvement de lutte contre l’évasion fiscale des particuliers dans le monde, le pays qui l’a votée y participera-t-il pleinement ? Je me pose cette question, en ayant en tête quelques grandes décisions historiques prises par les États-Unis, qui ont été suivies partout dans le monde, mais assez peu, en définitive, par les États-Unis eux-mêmes.
La question qui se pose désormais est celle de la manière dont ce grand pays s’impliquera dans l’autre grand chantier actuel de fiscalité internationale, celui de la lutte contre l’optimisation fiscale des grandes entreprises multinationales,…
Mme Nicole Bricq. Absolument !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … notamment américaines, dans le domaine de l’économie du numérique, mais pas seulement.
Vous le savez, mes chers collègues, l’OCDE a lancé un chantier prometteur, auquel nous nous sommes beaucoup intéressés ; je veux parler du projet sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, que l’on appelle BEPS.
L’objectif est que les États dont les consommateurs alimentent le chiffre d’affaires des grandes multinationales perçoivent en retour les recettes fiscales qui permettent de financer les systèmes sociaux grâce auxquels ces consommateurs disposent du pouvoir d’achat nécessaire pour acquérir les biens et services commercialisés par ces multinationales sur le sol des États européens.
M. Éric Bocquet. Très belle idée !
M. Jacques Chiron. Tout à fait !