7
Nomination de membres d'une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été publiée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : Mme Annie David, MM. Yves Daudigny, Jean-Pierre Caffet, Mme Christiane Demontès, M. Jean-Noël Cardoux, Mme Isabelle Debré et M. Gérard Roche ;
Suppléants : Mmes Jacqueline Alquier, Aline Archimbaud, M. Gilbert Barbier, Mme Catherine Deroche, MM. Georges Labazée, Jacky Le Menn et René-Paul Savary.
Leur nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
8
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
9
Communication d’un avis sur un projet de nomination
M. le président. En application de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, lors de sa réunion de ce jour, a donné à l’unanimité (9 voix pour) un avis favorable au projet de nomination de M. Pierre Mongin dans les fonctions de président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens.
Acte est donné de cette communication.
10
Engagement de la procédure accélérée pour l'examen de deux projets de loi
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord interne entre les représentants des gouvernements des États membres de l’Union européenne, réunis au sein du Conseil, relatif au financement de l’aide de l’Union européenne au titre du cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020, conformément à l’accord de partenariat ACP-UE et à l’affectation des aides financières destinées aux pays et territoires d’outre-mer auxquels s’appliquent les dispositions de la quatrième partie du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, qui ont été déposés sur le bureau de l’Assemblée nationale le 16 juillet 2014.
11
Nomination d'un membre d'une commission
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Union des démocrates et indépendants-UC a présenté une candidature pour la commission des finances.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Hervé Marseille membre de la commission des finances, en remplacement de M. Jean Arthuis dont le mandat de sénateur a cessé.
12
Questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 16 juillet 2014, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 1756 quater du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l’année d’imposition en litige et aujourd’hui codifié à l’article 1740 du même code (Application d’une amende égale au montant de l’avantage fiscal indûment obtenu)(2014-418 QPC), ainsi qu’une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions des neuvième à vingt et unième alinéas du paragraphe I de l’article 5 de la loi du 10 février 2000 (Régime de la contribution au service public de l’électricité)(2014-419 QPC).
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la Séance.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
13
Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l’article 2.
Article 2 (suite)
M. le président. L’amendement n° 58, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 27
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Le quinzième alinéa de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale prévoit que l’employeur tient à disposition des organismes de recouvrement des cotisations un document en vue du contrôle du respect des dispositions dudit article, le contenu et la forme de ce document étant précisés par décret.
Un semblable amendement, déposé par nos collègues députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, a été rejeté par l’Assemblée nationale après que le rapporteur eut indiqué que ce document était devenu inutile, arguant qu’aux termes d’un décret de 2010 les modalités de calcul de la réduction dégressive consécutive à la mise en place de l’annualisation étaient suffisantes. Nous prenons acte de cette réponse.
Toutefois, au regard de l’ensemble de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, le contenu de ce document à transmettre à l’URSSAF nous semble demeurer d’actualité, ne serait-ce que pour vérifier la rémunération annuelle du salarié, telle qu’elle est définie à l’article L. 242-1 du même code.
C’est pourquoi, sous réserve des réponses que M. le secrétaire d'État nous fournira, il nous semble opportun de maintenir un document de contrôle, afin de lutter contre la fraude. En outre, le Président de la République ayant annoncé vouloir renforcer le contrôle des contreparties, il nous semble pertinent que l’URSSAF puisse disposer de tous les éléments nécessaires à ce contrôle.
Ce document, qui a le mérite d’exister, pourra être un bon support, quitte à en modifier le contenu. Les employeurs et les URSSAF étant déjà familiers de ce document, il nous semble plus simple d’en modifier le contenu plutôt que de supprimer entièrement celui-ci ou d’en inventer un autre. Dans tous les cas, nous estimons nécessaire que des procédures de contrôle soient effectivement mises en œuvre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce document de contrôle des allégements étant devenu redondant, sa suppression ne nuit pas au contrôle des URSSAF. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Je partage l’avis du rapporteur général. Ce document n’est plus demandé par les URSSAF et n’est plus nécessaire puisque les informations ont été dématérialisées. Il y a donc lieu de simplifier notre droit en supprimant cette demande d’une version papier qui n’est plus utilisée depuis trois ans.
M. le président. Monsieur Watrin, l’amendement est-il maintenu ?
M. Dominique Watrin. Dans la mesure où M. le secrétaire d’État nous assure que ces informations sont toujours disponibles, mais qu’elles sont simplement dématérialisées, nous retirons cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 58 est retiré.
L’amendement n° 59, présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et Cukierman, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 27
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Le VII est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La réduction est supprimée lorsque l’employeur n’a pas conclu d’accord relatif à l’égalité professionnelle dans le cadre des obligations définies aux articles L. 2242-5 et L. 2242-8 du code du travail dans les conditions prévues aux articles L. 2242-1 à L. 2242-4 du même code ou qu’il n’a pas établi le plan d’action visé à l’article L. 2323-47 dudit code. Cette diminution de 100 % du montant de la réduction est cumulable avec la pénalité prévue à l’article L. 2242-5-1 du code du travail. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Maintenir les femmes dans une situation d’inégalité salariale par rapport à leurs collègues masculins accomplissant pourtant le même travail et titulaires des mêmes diplômes constitue une violation de la loi.
Cette violation est d’autant plus insupportable qu’elle s’opère en fonction d’une différence de genre et repose sur la vieille idée, totalement obsolète, selon laquelle le salaire inférieur des femmes ne serait pas, après tout, si choquant puisqu’il s’agirait d’un revenu ayant vocation à compléter celui de l’homme...
La réalité, c’est que, comme des études l’ont démontré, pour qu’une femme puisse gagner le même salaire qu’un homme, elle doit travailler en moyenne 68 jours de plus que lui !
Depuis des années, les gouvernements prétendent vouloir réduire ces inégalités salariales, tentent même parfois de le faire, mais en privilégiant systématiquement les mesures incitatives quand s’imposent de toute évidence des mesures coercitives, ou du moins contraignantes, à l’égard des employeurs et des entreprises.
Rien ne justifie que les femmes continuent à percevoir un salaire inférieur de 20 % à celui des hommes. Certes, il y a de cela quelques années, la différence était de 25 %. Les choses progressent donc, mais, chacun en conviendra, elles le font bien lentement !
Les femmes sont pénalisées dans leur vie quotidienne, mais aussi dans le montant de leur retraite, calculée en fonction des salaires perçus.
Cette forme de discrimination, car c’est bien de cela qu’il s’agit, est insupportable. Les entreprises qui pratiquent de telles différences de traitement peuvent être sanctionnées pénalement : cela signifie bien qu’elles ne commettent rien de moins qu’un délit. Dès lors, comment accepter que de nouvelles aides publiques, sociales qui plus est, puissent être accordées à des employeurs qui ont un comportement délictueux ?
C’est pourquoi nous proposons que la réduction de cotisations sociales consentie aux employeurs dans le cadre de cet article soit supprimée lorsque l’employeur n’a pas conclu d’accord relatif à l’égalité professionnelle dans le cadre des obligations définies aux articles L. 2242-5 et L. 2242-8 du code du travail dans les conditions prévues aux articles L. 2242-1 à L. 2242-4 du même code, ou lorsqu’il n’a pas établi le plan d’action visé à l’article L. 2323-47 dudit code.
Il est important de parvenir à établir l’égalité entre les femmes et les hommes dans les faits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à supprimer les allégements lorsque l’entreprise n’a pas signé d’accord sur l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Il introduit ainsi une conditionnalité dont le respect semble difficile à mettre en œuvre. Je rappelle que le bénéfice des allégements est d’ores et déjà conditionné, aux termes de l’article L. 214-13 du code de la sécurité sociale, au fait d’engager une négociation annuelle obligatoire, condition elle-même très difficile à mettre en œuvre.
La commission des affaires sociales a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. D’une façon générale, il ne paraît pas opportun ni même juridiquement tenable de conditionner une mesure à la conclusion d’un accord.
En matière de négociation annuelle obligatoire, la conditionnalité porte sur l’engagement de négociations, non sur la conclusion d’un accord. L’absence d’accord conclusif peut en effet résulter de différents facteurs et être le fait d’un partenaire ou d’un autre. Cet amendement ne nous paraît donc pas juridiquement solide.
Dans la rédaction, il aurait fallu, pour le moins, prévoir l’éventualité d’une absence d’accord, après que des négociations ont été engagées.
Par ailleurs, le Gouvernement a rendu pleinement effectif le dispositif existant de pénalités, lesquelles peuvent atteindre 1 % de la masse salariale. Je rappelle que, à la suite du vote de la loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes de 2014, plus de 400 mises en demeure ont été adressées et que, en 2013, pour la première fois, des pénalités ont été prononcées.
Le Gouvernement a, tout comme les auteurs de cet amendement, la volonté de faire avancer l’égalité entre les hommes et les femmes dans les entreprises, notamment sur le plan des salaires. Mais la rédaction de cet amendement ne le rendrait pas opérationnel. C’est pourquoi le Gouvernement y est défavorable.
M. le président. L'amendement n° 69, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Alinéa 34, première phrase
Remplacer les mots :
de 3,1 points
par les mots :
d’un point
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 69 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 60, présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et Cukierman, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 50
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – Pour bénéficier des réductions de cotisations prévues au I du présent article, les entreprises doivent avoir conclu un accord collectif d’entreprise définissant les contreparties aux exonérations de cotisations sociales, en termes de création d’emploi, d’investissement, de formation.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Un journal économique en ligne titrait voilà quelques jours : « Pacte de responsabilité : à la recherche des contreparties... » Titre un peu curieux, car on est en droit de penser qu’il appartient à celui qui organise les réductions de cotisations sociales, c’est-à-dire au Gouvernement et au pouvoir législatif, de définir les contreparties attendues, ou du moins de préciser dans la loi le niveau d’exigence à l’égard des entreprises bénéficiaires de ces exonérations. Pourtant, comme le précise ce journal, de contreparties concrètes, d’exigences précises, il n’y a point, ni dans les déclarations ni dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale lui-même.
Il en résulte que l’économie du pacte de responsabilité se résume à un allégement de charges de 30 milliards d'euros pour les entreprises contre des économies de 50 milliards d'euros que doivent s’imposer l’État, les collectivités et les ménages ! Aussi ce pacte apparaît-il comme un marché de dupes.
Pourtant, le Président de la République lui-même annonçait le 31 décembre 2013 : « Je propose un pacte de responsabilité aux entreprises. Il est fondé sur un principe simple : moins de charges sur le travail, moins de contraintes sur leurs activités et, en contrepartie, plus d’embauches et plus de dialogue social ». De cet engagement précis nous ne voyons rien dans ce projet de loi.
Pour donner corps à l’engagement du Président de la République, mais surtout pour garantir que les bénéficiaires du pacte jouent bien le jeu de l’emploi, nous proposons que, pour bénéficier des réductions de cotisations consenties dans cet article, les entreprises doivent avoir conclu un accord collectif d’entreprise définissant les contreparties des exonérations de cotisations sociales, en termes de créations d’emplois, d’investissements, de formation.
Cet amendement est fondamental à nos yeux et doit absolument être adopté, sauf à accepter de réduire le pacte de solidarité à un simple cadeau fiscal en direction des employeurs. C’est pourquoi nous demandons qu’il donne lieu à un scrutin public.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 26 est présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 71 est présenté par Mme Lienemann.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 52
Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
II ter. – Pour bénéficier des réductions de cotisations prévues au présent article, les entreprises doivent être couvertes par un accord collectif d’entreprise portant sur les voies et moyens d’amélioration de la compétitivité au sens du I de l’article 244 quater C du code général des impôts. Dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, les accords peuvent être conclus dans les conditions prévues aux articles L. 2232-21 et L. 2232-24 du code du travail. Peuvent également bénéficier de la réduction dégressive les entreprises de moins de cinquante salariés couvertes par un accord de branche étendu portant sur les voies et moyens d’amélioration de la compétitivité au sens du I de l’article 244 quater C du code général des impôts.
II quater – Pour les entreprises n’ayant pas conclu à la date du 1er juillet 2015 l’accord mentionné au II ter, la réduction dégressive applicable est celle prévue par les dispositions antérieures à la présente loi.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 26.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je serai bref. Il paraît que, quand un politique dit cela, il faut se méfier ! (Sourires.)
M. Jacky Le Menn. C’est sûr !
M. Jean Desessard. Car la bonne intention de départ se concrétise rarement…
Si j’ai bien compris, le dispositif « zéro charge » vise à aider les entreprises à développer leur compétitivité. Pour cela, il doit permettre de financer des investissements dans la recherche, l’innovation, la formation et le développement à l’export, et non servir à augmenter les dividendes ou la rémunération des dirigeants.
Nous proposons donc de prévoir que des négociations seront engagées en 2014 pour qu’employeurs et représentants des salariés décident ensemble, entreprise par entreprise, de la meilleure utilisation de la réduction supplémentaire de cotisations patronales. L’octroi de celle-ci serait conditionné à un accord d’entreprise ou, à défaut, à un accord de branche prévoyant des modalités d’accès direct dans les entreprises de moins de 50 salariés.
Monsieur le secrétaire d’État, vous allez encore me parler du livre rouge, pas du « petit livre rouge », qui était un peu plus radical (Sourires.), mais du « gros livre rouge », à savoir le code du travail.
Ce code existe depuis un certain temps déjà. Pourtant, depuis un certain temps aussi, les dividendes et les rémunérations des dirigeants vont croissant. Et le livre rouge ne fait nullement obstacle à cette augmentation-là ! C’est la raison pour laquelle nous souhaitons des garanties.
Ce qui augmente aussi, d’un autre côté, c’est la précarité : tandis que les plus riches deviennent de plus en plus riches, les plus pauvres deviennent de plus en plus pauvres !
C’est pourquoi nous craignons, à l’instar de nos collègues du groupe CRC, que cet argent que l’on donne en plus ne suive son cours naturel, n’aille vers les plus riches, après qu’on aura fait miroiter quelques leurres, quelques trompe-l’œil, en faisant croître les dividendes et la rémunération des dirigeants.
Est-il, par conséquent, possible de prévoir des conditionnalités ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l'amendement n° 71.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je propose que les allégements de cotisations ne puissent être obtenus par une entreprise que si a été conclu un accord d’entreprise pour les grandes entreprises ou un accord de branche pour les PME.
Comme cela a déjà été rappelé, le Président de la République a bien souligné que des contreparties en termes de négociations sociales seraient exigées.
Il est vrai qu’il n’est pas facile de conditionner, entreprise par entreprise, les crédits publics à un accord collectif entre salariés et patronat. C’est pourtant de nature à permettre, selon les secteurs ou les entreprises, d’arbitrer pour déterminer s’il vaut mieux privilégier l’investissement, la formation ou l’emploi. En effet, selon les cas, les exigences et les priorités diffèrent. Les secteurs qui sont soumis à la compétition mondiale, notamment dans l’industrie, devront faire porter l’effort plutôt sur les investissements et la modernisation, alors que, dans la grande distribution, où la confrontation mondiale n’est pas aussi importante, c’est plutôt sur l’emploi et la qualité de l’emploi que devraient se concentrer les efforts.
Je plaide pour la révolution que constituerait une pratique de cette nature. Et ce serait une révolution sociale-démocrate, monsieur le secrétaire d'État ! Tous les grands pays sociaux-démocrates du Nord ont institué dans leur droit l’obligation de parvenir à un accord sur un certain nombre de choix stratégiques de l’entreprise. C’est bien parce que cette obligation existe que l’équilibre entre les parties est nécessaire, en vue d’aboutir à de vrais compromis. Il n’y a rien d’étonnant à ce que l’on ne parvienne pas à un compromis lorsqu’il y a déséquilibre entre les pouvoirs des différentes parties. C’est pourquoi cet amendement sous-tend un véritable changement culturel.
Nous sommes nombreux à penser que l’entreprise n’est pas simplement la propriété de ses patrons, encore moins de ses actionnaires.
M. Jean Desessard. Oui !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Comme disent les Anglo-saxons, les salariés sont parties prenantes. Qui est plus motivé qu’un salarié pour le maintien de l’emploi et de l’entreprise ? Il pense en général à lui, à ses enfants, à son territoire.
Avec cet amendement, nous avons l’occasion d’ouvrir de nouvelles pratiques et de mettre en place ces « contreparties » dont le Président de la République a posé l’exigence. Ce mot, nous ne l’avons pas inventé ! Il a bien été prononcé ! Or, pour l’heure, des contreparties, il n’y en a aucune !
À la contrepartie administrative, normée, contraignante, qui ne tient pas compte de la diversité des situations, il faut préférer l’accord de branche ou d’entreprise, qui permet de prendre en compte cette diversité, mais qui apporte néanmoins des garanties. Avec cet amendement, nous permettrions de traduire dans la réalité les intentions affichées par le Président de la République.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces trois amendements visent à réserver les allégements de cotisations aux entreprises ayant conclu, selon les cas, soit un accord collectif d’entreprise, soit un accord de branche.
La commission émet un avis défavorable, principalement au motif que la plupart des bénéficiaires d’allégements sont des TPE ou des PME, au sein desquelles il n’est matériellement pas possible de conclure un accord collectif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’analyse de la commission pour plusieurs raisons.
D’abord, comme je l’ai déjà expliqué, il ne nous paraît pas possible d’assujettir l’obtention des aides à la conclusion d’un accord. On ne peut pas, en effet, imposer à des partenaires de se mettre d’accord. Il suffirait que l’un des deux partenaires – et ce n’est pas forcément toujours le même – fasse échouer les négociations pour que les exonérations de cotisations sociales ne puissent plus être consenties.
On peut prévoir une obligation de moyens et obliger à négocier. En revanche, on ne peut conditionner l’octroi de ces exonérations à une obligation de résultat. Or c’est bien à cela que tendent ces amendements.
Par ailleurs, il est proposé de retirer 100 % du montant des allégements. À mon sens, ce n’est une sanction proportionnée. Dans le droit actuel, il existe des pénalités en cas de non-engagement des négociations annuelles obligatoires, mais elles sont progressives : est d’abord infligée une réduction de 10 % ; la suppression totale n’intervient qu’après trois échecs consécutifs constatés. Voilà une sanction proportionnée. En d’autres termes, si ces amendements étaient adoptés, la disproportion entre la faute et la sanction rendrait le dispositif très fragile.
Enfin, pour tenter encore de convaincre les auteurs de ces amendements, je rappellerai que, dans son discours de clôture de la grande conférence sociale, le Premier ministre a précisé très clairement son intention d’assurer les missions du comité de suivi du CICE et a demandé qu’elles soient élargies pour réaliser un suivi global de l’utilisation des aides aux entreprises, avec les moyens du commissariat général à la stratégie et à la prospective. Cela permettra au Gouvernement, aux partenaires sociaux et au Parlement de disposer d’un outil d’évaluation pérenne sur l’usage des aides et leur efficacité.
Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. La commission et le Gouvernement ne m’ont pas convaincue.
On nous dit qu’il ne peut y avoir, en l’espèce, d’obligation de résultat. Je prendrai un exemple concret, celui d’Air France-KLM. L’entreprise veut réorganiser son service informatique. La direction rassure le centre français, qui lui paraît suffisamment opérationnel, affirmant que les restructurations s’imposent plutôt du côté néerlandais, ce que les syndicats français croient volontiers. La direction s’aperçoit que ce n’est finalement pas possible parce que, aux Pays-Bas, il est obligatoire de signer un accord : la négociation et le dialogue ne suffisent pas ; sans accord signé, aucune réduction d’effectifs ne peut être décidée.
Résultat : on supprime des postes en France, où il n’y a pas d’obligation d’accord entre syndicats et patronat, pour les maintenir aux Pays-Bas, parce qu’il faut débloquer la situation. Il s’agit là d’un cas bien réel, monsieur le secrétaire d'État !
À longueur de journées, on nous parle de social-démocratie, mais, quand elle est favorable aux salariés, quand elle oblige les parties à se mettre d’accord pour servir l’intérêt collectif, on l’oublie ! On vante sa capacité à favoriser le compromis, mais en oubliant que le compromis ne peut se faire qu’entre des parties aux pouvoirs équilibrés. Moi, je ne suis pas pour l’affrontement stérile, mais je dis qu’il n’y aura jamais de dialogue social sans cet équilibre qui contraint chacun, à un certain moment, pour que les choses avancent, à faire quelques pas en direction de l’autre, de manière à parvenir à un accord réel. (M. Jean Desessard applaudit.)
Vous allez me dire qu’il y a les commissions, les évaluations, les comités de suivi. Mais que ferez-vous lorsque vous découvrirez des cas comme celui de Colgate-Palmolive ? Alors que ce groupe vient de percevoir 450 000 euros au titre du CICE cette année et que, par le biais des prix de transfert, il fait passer en Suisse, où se trouve son siège européen, toute une partie des bénéfices qu’il réalise, il va réduire de cinquante le nombre d’emplois en France !
Que ferez-vous après avoir constaté que la mesure n’est pas ciblée, que l’on n’exige pas de contreparties des entreprises ? Allez-vous pénaliser les entreprises qui auront signé un accord et respecté les contreparties ? Allez-vous supprimer le dispositif ? On aura alors beau jeu de dénoncer, de l’autre côté de l’éventail politique, l’instabilité des règles ! Pour ma part, je suis pour des règles stables, si elles ne sont pas systématiquement défavorables aux salariés, évidemment.
Je rappelle que, aux termes de mon amendement, pour bénéficier des réductions de cotisations, les grandes entreprises doivent avoir conclu un accord collectif d’entreprise et les PME, être couvertes par un accord de branche étendu. Je veux bien entendre les objections sur les petites entreprises, mais un tel dispositif s’impose pour les grandes. Cette proposition me semble raisonnable. Elle me paraît sociale-démocrate. Je suis une socialiste française, mais je prends ce qu’il y a de bon dans la social-démocratie ! (M. Jean Desessard applaudit.)