M. Gaëtan Gorce. Que fait-on pour l’obtenir ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … ou encore la mutualisation d’une partie des dettes, par exemple pour financer des investissements structurants.
Qu’il s’agisse d’infrastructures de transport, de transition énergétique ou d’économie numérique, les domaines dans lesquels d’importants investissements sont nécessaires afin de favoriser la croissance et le bien-être en Europe ne manquent pas !
M. Gaëtan Gorce. Qu’attend-on pour décider ces investissements ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ce débat, mes chers collègues, invite aussi à mieux coordonner les politiques budgétaires nationales. À cet égard, l’ajustement effectué par l’Allemagne pose question, alors que ce pays, dont l’excédent commercial est jugé « excessif » par la Commission européenne, continue de pratiquer une modération salariale et d’équilibrer son budget au détriment, pour partie, de ses dépenses d’investissement public.
Cet ajustement conduit en effet à la fois à déprimer la demande et à réduire la capacité de la plupart des autres pays de la zone euro à rattraper leur déficit de compétitivité. Il accroît également les risques de déflation – la commission des finances en a longuement parlé ces dernières semaines –, qui, s’ils devaient se matérialiser, nuiraient considérablement à notre capacité à redresser nos comptes publics et à retrouver collectivement une croissance forte.
M. Gaëtan Gorce. Quelles conséquences en tire-t-on ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ces questions sont essentielles et méritent d’être débattues publiquement. Elles ne peuvent pour autant justifier que nous modifiions nos règles de calcul ou que nous ne tenions pas nos engagements.
M. Aymeri de Montesquiou. Bien sûr !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Elles ne peuvent pas davantage remettre en cause la nécessité de réduire la charge que nous laissons aux générations futures et de mener à bien les réformes qui nous permettront de retrouver des marges de manœuvre budgétaires.
Vous l’aurez tous bien compris, l’investissement public me semble être un paramètre qu’il faut surveiller de près, tant à l’échelon européen qu’à l’échelon national et local. Il nous faudra très vite revenir sur la question de l’investissement public.
Pour conclure, je rappelle que la commission des finances a décidé de proposer au Sénat d’adopter ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai mon intervention en relevant un paradoxe : vous nous présentez, monsieur le secrétaire d’État, les textes successifs du Gouvernement, dont ce projet de loi de finances rectificative, comme autant de jalons sur le chemin du retour à l’équilibre des comptes publics. Or, pour ma part, lorsque je me livre à un examen un peu approfondi, j’ai tendance à considérer que le chemin que l’on nous propose est de moins en moins ambitieux et de plus en plus sinueux ou flou. Je vais m’efforcer de vous le démontrer.
Un premier exemple saute aux yeux à la lecture de la première page du collectif budgétaire : les recettes diminuent de 4,8 milliards d’euros, les dépenses de 3,4 milliards d’euros, la différence conduisant à dégrader le solde de l’État en 2014 de 1,4 milliard d’euros.
Deuxième exemple : la dégradation du déficit de l’État en 2014 fait suite à la révision, dans le programme de stabilité dont nous avons débattu fin avril, de l’objectif de solde des administrations publiques pour 2014, de 3,6 % à 3,8 % du PIB. L’ambition est donc réduite !
Troisième exemple : vous annoncez 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires. En réalité, ces économies ne majorent pas l’effort en dépenses de 2014, elles compensent l’augmentation d’autres dépenses, plus dynamique que prévu au moment de la loi de finances initiale. Du point de vue de l’effort structurel, alors que l’objectif fixé en loi de finances initiale était de 0,9 point de PIB, il n’est plus à présent que de 0,8 point, soit 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires pour un effort structurel moins important. C’est encore une ambition réduite !
Nous verrons un peu plus tard, lors du débat d’orientation des finances publiques, que, par ailleurs, ces économies ne permettent pas de corriger intégralement l’écart à la trajectoire constaté par le Haut Conseil des finances publiques, que vous avez relevé tous deux, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général.
Quatrième exemple : au-delà de 2014, le programme de stabilité du mois d’avril consacre un relâchement de l’effort budgétaire sur la période de programmation courant jusqu’en 2017, l’objectif de retour à l’équilibre effectif des comptes publics en 2017 – c’était un engagement de campagne de l’actuel Président de la République – s’étant estompé dans le temps. La prévision pour 2017 est à présent celle d’un solde négatif de 1,3 % du PIB.
Quant à la cible de l’équilibre structurel, qui constitue depuis le traité européen de 2011 et notre loi organique de décembre 2012 l’objectif de moyen terme de notre politique de finances publiques, elle a été décalée à 2017, faute de pouvoir être atteinte dans les temps. Là encore, l’ambition de maîtrise de nos finances publiques est réduite.
Je prendrai un dernier exemple relatif à la dette, qui est sans doute encore plus décisif. La loi de programmation que le Gouvernement nous a présentée voici moins de deux ans, monsieur le secrétaire d’État, fixait pour 2014 l’objectif de maintenir le montant de la dette à 90,5 % du PIB. Certes, le Gouvernement n’était pas le même, puisque M. Ayrault était alors Premier ministre, mais ces chiffres ont bien été avancés par la majorité actuelle et, monsieur le secrétaire d’État, vous étiez alors le rapporteur général à l’Assemblée nationale sur cette loi de programmation. Cet objectif a été porté six mois plus tard à 94,3 % dans le programme de stabilité d’avril 2013, puis à 95,1 % par la loi de finances pour 2014 et, enfin, à 95,6 % par le programme de stabilité du mois d’avril 2014.
Certains nous disent que cette austérité est absolument insupportable et dramatique, mais je constate, pour ma part, que l’on ne cesse de revoir à la baisse les ambitions, en particulier en ce qui concerne la question la plus préoccupante, celle de l’endettement de l’État : comme je l’ai dit, l’objectif fixé pour 2014 à 90 % il y a deux ans a été relevé pour atteindre près de 96 % aujourd’hui !
En outre, ce chemin peu ambitieux me semble être également caractérisé par un certain flou. Monsieur le secrétaire d’État, on aimerait disposer, pour chacune des années jusqu’à 2017, non seulement des objectifs de solde effectif et structurel, mais aussi des mesures qui seront mises en œuvre afin de contrôler aussi bien les dépenses que les recettes. Cette demande ainsi énoncée paraît être une évidence ; pourtant nous ne disposons pas de cette présentation dans le collectif budgétaire, ni même dans le rapport sur les orientations des finances publiques dont nous allons débattre dans quelques jours.
La politique de communication de ce gouvernement consiste à répéter que le pacte de responsabilité permettra de réaliser 50 milliards d’euros d’économies de dépenses et 25 milliards d’euros d’allégements de prélèvements obligatoires, soit un effort de 25 milliards d’euros de réduction du déficit d’ici à 2017.
Monsieur le secrétaire d’État, ces 25 milliards d’euros permettront-ils d’atteindre les objectifs fixés à l’horizon de 2017 que j’évoquais tout à l’heure ? Nul ne le sait ! Rien ne le démontre dans les documents qui nous sont fournis. Peut-être le Gouvernement le sait-il, mais en tout cas il ne le dit pas clairement.
J’ai donc brièvement évoqué quelques zones d’ombre, tout en laissant à mes collègues du groupe UMP, qui ont – à juste titre – l’intention de le faire, le soin de disséquer les mesures proposées dans ce collectif budgétaire.
J’achèverai mon intervention par quelques réflexions qui me permettront d’exprimer mes doutes profonds sur la gouvernance de nos finances publiques.
En premier lieu, nous sommes en quelque sorte victimes du fractionnement des débats financiers. Nous allons examiner successivement un collectif budgétaire et une loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Chacun sait qu’il existe une tuyauterie d’une complexité incroyable entre ces deux textes et que faire vivre ces deux systèmes parallèles entraîne nécessairement un vrai problème de lisibilité politique.
Nous avons un peu progressé sur le chemin d’une approche consolidée des finances publiques, mais cette progression est encore très insuffisante. Toutefois, monsieur le secrétaire d’État, pour informer correctement le Parlement et l’opinion publique, la seule bonne solution consiste à suivre l’avis formulé dès 2010 par la commission Camdessus, tendant à fusionner les parties recettes de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale. Au demeurant, le Haut Conseil des finances publiques a joué son rôle et ne s’y est pas trompé, puisque ses avis sont globaux et portent à la fois sur les lois de finances et les lois de financement.
En deuxième lieu, le recours à une règle exprimée en termes de solde structurel et, plus généralement, à des notions abstraites et intellectuelles telles que le PIB potentiel est un autre aspect problématique de la gouvernance de nos finances publiques.
Une règle fondée sur un raisonnement structurel peut sans doute, mes chers collègues, produire le meilleur comme le pire.
Le meilleur serait qu’en séparant ce qui relève de la conjoncture et ce qui relève des décisions politiques, une telle règle incite les gouvernements et leur majorité à prendre leurs responsabilités et à annoncer clairement les mesures qu’ils entendent adopter pour rétablir structurellement les finances publiques.
Malheureusement, ce n’est pas ce que nous observons, du moins en France. Le Gouvernement, qu’il agisse volontairement ou qu’il soit poussé par l’enchaînement des circonstances, s’attache, selon moi, à désincarner la politique budgétaire.
J’en donnerai un exemple : dans la loi de finances pour 2014, le Gouvernement a anticipé le fait que la trajectoire de solde structurel ne serait pas respectée en 2013 et qu’il faudrait prendre des mesures compensatoires en 2014. Qu’aurait-on pu légitimement en attendre ? On aurait pu imaginer que le Gouvernement annoncerait quelles économies supplémentaires il comptait mettre en œuvre pour compenser ce dérapage. Que s’est-il passé ? L’effort structurel prévu pour 2014 est passé de 0,5 point de PIB à 0,9 point de PIB, sans autre forme de précision. On ne nous dit plus ce que l’on va faire, on nous demande de faire confiance aux objectifs fixés, d’avoir la foi, en quelque sorte, et on crée une sorte de rideau de fumée devant la réalité de la gestion budgétaire.
Or, en troisième lieu, notre préoccupation est précisément de distinguer les vraies économies des fausses économies. De tout temps – cela fait partie de leur rôle –, les gouvernements ont cherché à embellir la mariée, à débudgétiser dans l’instant pour dépenser plus tout en donnant l’impression d’être économes. Quel gouvernement n’a pas procédé ainsi ? C’est assurément ce que vous faites en utilisant opportunément le programme d’investissements d’avenir pour accroître, par exemple, certains crédits de la défense – j’allais dire : « C’est de bonne guerre » !
Toutefois, s’agissant de la programmation des finances publiques et de la trajectoire de solde structurel, nous sommes dans une situation très différente, puisque les outils à notre disposition, abstraits et conventionnels, permettent au Gouvernement de présenter des économies fictives, en particulier en faisant un usage excessif de la notion d’évolution tendancielle. Au lieu de donner la liste des économies effectivement réalisées, le Gouvernement raisonne sur des tendances et illustre ses décisions non pas en publiant le montant des économies réelles, mais en présentant la différence par rapport à la tendance que suivront, selon son évaluation, les dépenses publiques.
Par exemple, j’ai l’impression que le Gouvernement détermine de nombreuses économies en projetant la tendance d’évolution des dépenses non pas sur la base de l’exécution 2013, mais sur la base de la prévision retenue à l’automne 2013. En partant ainsi d’un point de départ plus haut, on obtient fictivement des économies d’un montant plus important par rapport à la tendance.
En quatrième lieu, nous le savons bien, la tentation existe toujours, pour les uns comme pour les autres, de manipuler les chiffres des finances publiques à des fins politiques. Or l’Assemblée nationale n’a pas résisté à cette tentation, quand elle a adopté un amendement à l’article liminaire qu’évoquait le rapporteur général. Cet amendement vise à réduire le déficit structurel de 2014, comme si le changement de thermomètre pouvait avoir un effet sur la température !
Je tiens à souligner le risque résultant d’une gouvernance des finances publiques qui repose à l’excès sur des notions abstraites, ce qui peut favoriser des initiatives opportunistes de nature à miner encore plus la crédibilité de notre pays.
En conclusion, mes chers collègues, le consentement à l’impôt et le vote du budget constituent l’essence même de notre légitimité. Cela explique notre insatisfaction devant un débat comme celui-ci, lorsque l’on a le sentiment que les cartes sont truquées et que la méthode utilisée n’est pas la plus propice au débat démocratique.
Je m’interroge donc : nos règles permettront-elles d’atteindre l’objectif pour lequel elles ont été conçues, c’est-à-dire le retour à l’équilibre des finances publiques ? Ne devrions-nous pas apprécier de manière plus exigeante la réalité de nos budgets ? Selon moi, cela nous conduirait à redéfinir certaines de nos règles de procédure pour l’examen des lois de finances, afin de rendre plus concrets les débats sur le budget de l’État et de la sécurité sociale et, ainsi, de mieux associer nos concitoyens aux choix qui devront être faits pour que notre pays s’engage réellement sur la voie du redressement.
Mes chers collègues, la commission des finances a suivi l’avis de son rapporteur général pour ce qui est de l’ensemble du texte. Cependant, au cours de l’examen des amendements, la commission a rejeté les articles 1er et 2 du projet de loi, ce qui ne doit pas nous amener à préjuger des autres votes qui auront lieu sur les amendements que nous examinerons ce soir en séance publique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà donc que nous renouons avec cette tradition d’un collectif budgétaire au solstice d’été. Les gouvernements du précédent quinquennat en avaient tant usé que nous avions été presque été surpris, l’an passé, de ne pas avoir été gratifiés de cet exercice.
Un projet de loi de finances rectificative a généralement pour objet de corriger les prévisions de la loi de finances initiale ou encore – sans que cela soit exclusif – d’infléchir sensiblement la politique budgétaire en cours d’exercice.
Si l’on en croit l’exposé des motifs de ce projet de loi de finances rectificative, c’est plutôt le second objectif qui est recherché ici, avec cette particularité que l’inflexion proposée relève plus d’un changement de vitesse que de direction.
Le Président de la République et le Premier ministre l’ont expliqué sans relâche, le pacte de responsabilité, tardivement orné, mais tout de même orné, du mot « solidarité », a vocation à prolonger, amplifier, démultiplier le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou CICE.
Les écologistes ayant fortement critiqué cette mesure, tant sur la forme que sur le fond, vous comprendrez, monsieur le secrétaire d’État, qu’ils ne voient pas d’un œil particulièrement bienveillant la non-remise à plat de ce dispositif.
Les écologistes ne considèrent pas nécessaire que toutes les entreprises soient systématiquement aidées, qu’elles soient exposées ou protégées, qu’elles soient en difficulté ou florissantes, qu’elles soient économes en ressources ou très polluantes, a fortiori lorsque ces aides sont financées par des coupes dans certains budgets publics, dans les prestations sociales et dans les investissements des collectivités territoriales.
Les écologistes ne se reconnaissent pas non plus dans le postulat, énoncé par le Président de la République, selon lequel « l’offre crée la demande ».
Les chefs d’entreprise, qui se refusent à toute contrepartie aux 41 milliards d’euros qui leur sont promis, expliquent eux-mêmes, et à raison, que, sans commandes, ils ne pourront pas créer d’emplois...
À ce propos, monsieur le secrétaire d’État, puisque l’objectif premier de cette politique était et reste l’emploi, et que nous ne voyons en la matière guère d’amélioration sensible, pourriez-vous nous fournir des éléments chiffrés permettant d’apprécier les conséquences concrètes de la mise en œuvre du CICE, que, par ce pacte de responsabilité, vous entendez prolonger ?
Car le moins que l’on puisse dire est que nous ne croulons pas sous les données !
Le CICE a été introduit, lors du projet de loi de finances rectificative pour 2013, par voie d’amendement, dispensant ainsi le Gouvernement de toute étude d’impact préalable.
Plus récemment, nous avons appris par l’entremise de Mme la rapporteure générale de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Valérie Rabault, que le Gouvernement gardait par-devers lui une simulation du Trésor assez édifiante.
Selon ces calculs, les mesures de soutien aux entreprises, et, dans une moindre mesure aux ménages, devraient générer 190 000 emplois et 0,6 point de croissance cumulée à l’horizon 2017, tandis que les 50 milliards d’euros d’économies annoncés dans le programme de stabilité devraient engendrer, à la même échéance, la suppression de 250 000 emplois et une baisse de croissance de 1,4 point environ.
Dans ces conditions, ne faudrait-il pas, dès le présent projet de loi de finances rectificative, réorienter la politique budgétaire dans le sens d’une plus grande conditionnalité et efficacité des aides accordées aux entreprises, en particulier en incitant davantage celles-ci à investir plutôt qu’à distribuer des dividendes à leurs actionnaires, et en resserrant le dispositif sur les PME à fort potentiel d’exportation ?
Outre le pacte de responsabilité, je souhaiterais également évoquer deux autres mesures du projet de loi de finances rectificative qui retiennent l’attention des membres du groupe écologiste.
D’abord, la réduction de l’impôt sur le revenu, portant sur un peu plus de 1 milliard d’euros, à l’adresse des ménages les plus modestes.
Cette disposition qui, selon le Gouvernement, entraînerait une baisse d’impôt de 350 euros par contribuable – 700 euros pour un couple – était attendue ; elle permettra de compenser le gel du barème décidé sous le précédent quinquennat. Ajoutée aux allégements de cotisations sociales du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, elle constitue une inflexion positive.
Son financement, toutefois, n’est assuré que pour cette année, puisqu’il repose largement sur des recettes exceptionnelles, les fameuses REX, en l’occurrence des pénalités perçues par l’État dans le cadre de sa lutte accrue contre la fraude fiscale.
Pour préserver cette mesure compensatoire, il sera donc nécessaire de trouver, lors de l’examen du prochain projet de loi de finances, une recette pérenne.
La seconde mesure que je voulais évoquer est le remplacement de l’écotaxe sur les transports routiers de marchandises par ce qui a été dénommé le « péage de transit poids lourds », et qui diffère de la première mouture essentiellement par le fait que le réseau auquel s’appliquera ce dispositif a été divisé par quatre.
Je ne m’appesantirai pas sur la nasse dans laquelle était effectivement tombé le dispositif initial.
Je me permettrai simplement de regretter que vous n’ayez pas davantage pris en compte les conclusions de la mission d’information parlementaire sur le sujet, comme la proposition d’une franchise applicable aux premiers kilomètres.
Mais, au-delà du débat technique et politique sur le dispositif, cette réforme de l’écotaxe laisse annuellement un manque à gagner fiscal d’environ 650 millions d’euros, qui auraient dû servir au financement d’infrastructures de transport.
Pourriez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, par quelles recettes ces 650 millions d’euros seront remplacés ?
S’il permet donc d’introduire d’importantes mesures politiques en cours d’exercice, le projet de loi de finances rectificative permet également de revoir un certain nombre d’hypothèses de conjoncture, en fonction des premières réalisations.
D’abord, j’aimerais évoquer la bonne surprise, celle de la charge de la dette, qui est revue à la baisse de 1,8 milliard d’euros.
Cette situation favorable ne doit toutefois pas nous inciter au triomphalisme.
C’est en effet la politique de la Banque centrale européenne, qui assure une abondante liquidité aux banques tout en n’accueillant les dépôts qu’à des taux négatifs, qui conduit aujourd’hui les investisseurs à se porter massivement sur les emprunts d’États européens, faisant donc baisser les taux. La France économisera ainsi 0,8 milliard d’euros du fait de cette baisse.
Le milliard d’euros restant est dû à la diminution de la charge des titres indexés sur l’inflation.
Par conséquent, c’est la tendance déflationniste pesant sur l’économie européenne, dont on ne peut pas dire qu’elle constitue un horizon particulièrement réjouissant, qui permet aujourd’hui d’économiser ce milliard d’euros.
Cela étant, pour une fois que nous faisons face à une bonne nouvelle, ne boudons pas notre plaisir !
Pour ce qui concerne la croissance, l’hypothèse de 1 % pour 2014 qui avait présidé à l’élaboration de la loi de finances initiale correspondait alors au consensus des économistes.
Après une croissance nulle au premier trimestre, cette hypothèse devient nécessairement moins probable. Dans son avis, le Haut Conseil des finances publiques a d’ailleurs désormais jugé « élevée » la prévision de croissance du Gouvernement. Et comme l’on pouvait s’y attendre, le FMI vient de déprécier son estimation de croissance pour la France à 0,7 % pour 2014.
Dès lors, on peut se demander, monsieur le secrétaire d’État, ce qui a conduit le Gouvernement à maintenir coûte que coûte cette hypothèse haute.
Déjà, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2013, environ 11 milliards d’euros manquaient à l’inventaire des recettes fiscales. Cette fois, la dégradation du solde budgétaire, en l’occurrence une différence entre deux diminutions, celle des recettes et celle des dépenses, s’établit à 1,4 milliard d’euros.
Texte après texte, année après année, nous avons le sentiment que le Gouvernement ne parvient pas à admettre, ou tout au moins à évaluer correctement les effets récessifs de sa politique de réduction drastique du déficit public.
Cela vous conduit, dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative, à annoncer 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires de dépenses publiques, dont 1,6 milliard d’euros s’appliquent directement au budget de l’État.
Faut-il donc bien comprendre, monsieur le secrétaire d’État, que ces 4 milliards d’euros viennent s’ajouter aux 50 milliards d’euros d’économies déjà annoncés ?
À cette aune, nous considérons que les objectifs fixés par le Gouvernement ne sont pas raisonnables. Comment parviendrez-vous à réaliser l’année prochaine l’effort prévu de 21 milliards d’euros d’économies de dépenses publiques ?
Cette divergence permanente entre les annonces et l’exécution qui consiste à compter sur des milliards que l’on n’a pas génère des situations de plus en plus dangereuses qui, à certains égards, peuvent parfois s’apparenter à une sorte de cavalerie.
Le budget de la défense en constitue un triste exemple.
Mme Nathalie Goulet. Hélas !
M. André Gattolin. Dans son rapport sur l’exécution du budget de 2013, la Cour des comptes écrit : « les crédits de la mission Défense pour 2014 ont été amputés de 0,4 milliard d’euros pour financer des dépenses de 2013 : des crédits du programme d’investissements d’avenir de la LFI 2014 ont en effet été utilisés en janvier 2014 pour payer une fraction de la subvention du CEA [le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives] au titre de 2013. Si cette opération a permis de diminuer les restes à payer de la mission, elle a réduit d’autant les crédits disponibles pour l’exercice 2014. »
Elle poursuit : « Ainsi, le PIA ne va pas financer 1,5 milliard d’euros de dépenses de 2014, mais seulement environ 1,1 milliard d’euros, ce qui nuit à la sincérité de la loi de finances pour 2014 et pourrait aboutir à des difficultés budgétaires » pour la direction des applications militaires du CEA en 2014.
La solution d’urgence que vous avez trouvée, monsieur le secrétaire d’État, et que vous appliquez dans le présent projet de loi, consiste à transférer à la recherche nucléaire du CEA 250 millions d’euros de crédits non consommés du PIA.
Or, sur cette somme, 220 millions d’euros sont pris sur deux programmes intitulés « Innovation pour la transition écologique et énergétique » et « Ville et territoires durables »...
Vous comprenez maintenant pourquoi un écologiste vous parlait de la défense ! (Sourires.)
Non seulement les investissements dits « d’avenir » ne servent qu’à « débudgétiser » des dépenses auxquelles on ne parvient plus à faire face, dévoyant ainsi complètement le sens du PIA, non seulement les crédits extrabudgétaires promis, en l’occurrence à la défense, n’arrivent pas, transformant des recettes exceptionnelles en général, du PIA en particulier, en monnaie plus que virtuelle, mais cet épisode permet aussi de réaliser qu’il existe dans le PIA des centaines de millions d’euros dédiés à l’écologie et non utilisés !
Sans doute n’y a-t-il, aujourd’hui en France, aucun besoin d’investissements d’avenir en matière de transition écologique et énergétique ou de ville durable…
Ce transfert douteux illustre en tout cas le bien faible attachement que ce gouvernement porte à la transition écologique, sacrifiée au profit du nucléaire militaire.
Nous défendrons un amendement visant à rétablir l’ambition écologique de la majorité, et nous serons extrêmement vigilants aux réponses que vous nous apporterez à ce propos, monsieur le secrétaire d’État.
En conclusion, à ce stade de la discussion budgétaire, les membres du groupe écologiste ne sont pas convaincus par le présent projet de loi de finances rectificative, et ils attendent un rééquilibrage au profit des ménages, de la transition écologique et de l’emploi, une perspective qui se situe aux antipodes de l’amplification d’une politique de l’offre indifférenciée, de la division par quatre du réseau visé par l’écotaxe et du transfert des crédits d’avenir dédiés à l’écologie vers le nucléaire militaire.
Pour toutes ces raisons, les sénatrices et sénateurs écologistes attendront la fin de nos débats et les réponses que vous aurez bien voulu apporter à leurs interrogations pour arrêter leur position lors du vote sur ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)