M. Joël Labbé. Je tiens tout d'abord, au nom du groupe écologiste, à vous souhaiter la bienvenue, madame la secrétaire d'État, et à vous adresser nos félicitations pour votre nomination. Nous avons également une pensée pour Valérie Fourneyron, à laquelle nous souhaitons un prompt rétablissement.
Monsieur le rapporteur, cher Marc Daunis, vous avez porté ce texte. Nous avons bien travaillé ensemble, notamment en première lecture. Nous nous sommes moins vus pour la deuxième lecture, tant nous avions réussi la première.
Nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire. Je vous ai entendue, madame la secrétaire d'État : il s’agit d’une loi d’affirmation, pour une économie résistante, une économie non pas de réparation mais de construction et d’innovation. En cette période de crise économique, sociale et écologique, à cette heure où il devient urgent de répondre au besoin de solidarité exprimé par nos concitoyens, l’économie sociale et solidaire démontre qu’il est possible de faire autrement et d’être viable sur le plan économique tout en respectant l’humain, l’environnement et la dynamique des territoires.
L’économie sociale et solidaire permet de refonder une juste mesure de l’efficacité, de l’efficience et de la richesse. Elle démontre qu’on peut lutter efficacement contre le fléau du chômage, que les structures d’économie traditionnelle ne semblent pas parvenir à endiguer. L’économie sociale et solidaire représente plus de 2,3 millions de salariés et 10 % de l’emploi en France. Ce secteur a été relativement peu affecté par la crise massive qui frappe notre pays depuis presque huit ans. Sa croissance ne s’est jamais arrêtée ; il a créé des emplois au rythme de 2 % en 2011, quand les emplois du privé reculaient de 0,7 %.
La grande diversité des acteurs de l’économie sociale et solidaire en fait toute la richesse, mais elle nécessitait un cadre légal et un statut. Le présent projet de loi y pourvoit, et nous nous en réjouissons. Les écologistes, impliqués depuis la première heure dans l’économie sociale et solidaire et très mobilisés sur le terrain depuis trente ans, sont particulièrement satisfaits de la qualité du projet de loi. Avec ce texte, l’économie sociale et solidaire prend une place stratégique au cœur des politiques publiques. Face à la concurrence sans limite, la coopération territoriale doit s’affirmer comme un mode de réappropriation de l’économie réelle, comme un nouveau mode de régulation, puissant et pertinent.
Plusieurs avancées majeures issues des débats au Sénat et à l’Assemblée nationale vont dans ce sens ; nous nous en réjouissons. J’en citerai quelques-unes qui nous semblent fondamentales : les territoires sont mis en avant, avec notamment la création des pôles territoriaux de coopération économique, la création d’un volet « économie sociale et solidaire » dans les contrats de développement territorial du Grand Paris et la participation accrue des collectivités locales dans le capital des sociétés coopératives d’intérêt collectif, les SCIC ; les appels à initiatives des collectivités envers les acteurs de l’économie sociale et solidaire pour répondre aux besoins identifiés sur les territoires sont désormais reconnus ; enfin, dans la continuité de la mission lancée par Cécile Duflot et Benoît Hamon au nom du Gouvernement, les titres de monnaies locales complémentaires ont maintenant une définition.
Mes chers collègues, l’économie sociale et solidaire réinterroge profondément notre modèle de développement. Contre les schémas classiques, elle questionne la nature et l’objet du développement économique. Elle pose la question de la profitabilité et de la répartition des fruits de l’activité. C’est un précieux levier pour repenser les rapports entre l’économie et la société et participer à la transition écologique.
Plusieurs améliorations souhaitées par les écologistes n’ont pu être intégrées dans le projet de loi, mais ont été renvoyées à d’autres textes. Nous suivrons attentivement les débats relatifs à ces textes ; je pense par exemple au projet de loi sur la transition énergétique, pour le financement participatif des énergies renouvelables, et à la réforme territoriale, pour les stratégies régionales à mettre en place.
Si le présent projet de loi est satisfaisant, nous pourrions bien sûr aller encore plus loin. C’est la raison pour laquelle notre groupe a déposé cinq – seulement cinq – amendements. Je ne me fais pas trop d’illusion sur leur sort, mais ils permettront le débat. Le premier vise à compléter la définition de l’innovation sociale en indiquant explicitement que les processus de production à faible impact ou à impact positif sur l’environnement et qui répondent à des besoins sociaux font partie intégrante de l’innovation sociale. Le deuxième est un amendement de vigilance sur les moyens alloués aux chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, dont les missions sont élargies par le projet de loi.
Les trois derniers amendements concernent les coopératives ; ils tendent à mieux prendre en compte leur fonctionnement particulier. Dans le cas des coopératives bancaires, notamment, l’organe central est chargé de s’assurer en particulier du bon fonctionnement des établissements bancaires affiliés. Il exerce sur eux un contrôle administratif, technique et financier en matière tant d’organisation que de gestion. Ses missions sont donc bien différentes de celles des instances nationales, ou fédérations, qui sont chargées de veiller au respect des principes de fonctionnement propres au monde coopératif.
Dans cette période de chômage massif, il était temps que les pouvoirs publics sortent l’économie sociale et solidaire d’un statut expérimental et investissent dans la recherche et développement pour que l’économie sociale et solidaire change d’échelle et soit à la hauteur du défi. C’est un secteur qui créera un nombre considérable d’emplois dans le futur ; les chiffres ont été rappelés. C’est un secteur d’avenir qui influence concrètement l’ensemble de notre économie.
L’économie sociale et solidaire peut nous aider à relocaliser l’économie et lui permettre de se relever de ses difficultés dans de nombreux secteurs. En mobilisant citoyens, épargnants, consommateurs et réseaux d’accompagnement dans l’entreprise, l’économie sociale et solidaire développe la vigilance démocratique et le lien social. Ce dernier point est particulièrement fondamental pour lutter contre les divisions au sein de notre société et la montée de l’extrémisme. L’économie sociale et solidaire est un atout précieux pour notre pays, et nous voulons le plébisciter. Le texte dont nous discutons aujourd’hui doit garder toute sa force. C’est avec enthousiasme que les membres du groupe écologiste le voteront. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste. –MM. Robert Tropeano et Yves Pozzo di Borgo ainsi que Mme Valérie Létard applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Bécot. (M. Jackie Pierre applaudit.)
M. Michel Bécot. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous attendions sans hostilité, mais avec de vives inquiétudes, l’examen en première lecture de ce projet de loi, qui avait la lourde mission d’accélérer le développement de ce que vous appelez l’économie sociale et solidaire.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Vous aussi, j’espère !
M. Michel Bécot. Ce projet de loi est l’occasion de simplifier le cadre légal dans lequel évoluent des entreprises, coopératives et associations, qui sont certainement l’un de nos principaux viviers d’emplois. Il relève donc d’une certaine urgence. Ce constat n’est cependant pas celui du Gouvernement, puisqu’il aura fallu attendre six longs mois avant de poursuivre l’examen du texte.
Au risque de vous surprendre, je dois avouer que mon groupe et moi-même ne sommes pas plus pressés que vous de voir ce projet de loi adopté. Si, à l’origine, nous attendions un texte capable de donner un coup de fouet à l’emploi, aujourd’hui, nous craignons un texte qui, dans le meilleur des cas, manque sa cible, et, dans le pire des cas, fragilise nos entreprises.
Je ne reviendrai pas sur l’exposé des motifs ni sur les incantations anti-entrepreneuriales qu’il m’a été donné d’entendre lors de la discussion générale en première lecture. Je me permets toutefois une question. Comment un Gouvernement peut-il dénoncer la volonté de maximisation des profits qui caractérise l’activité entrepreneuriale (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) et, dans le même temps, préparer un plan de 50 milliards d’euros pour relancer la compétitivité de nos entreprises ?
Ce texte ne nous permet pas plus que le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises de comprendre ce qui guide l’action du Gouvernement. À la télévision, le Premier ministre nous promet de mirobolantes baisses de charges et un pacte de responsabilité ; il nous promet en somme de se tourner un peu plus vers le monde de l’entreprise. Au Parlement, nous discutons de projets de loi qui consacrent des fins d’exonération et des cotisations sociales minimales ou oublient les entreprises au sein du dispositif d’économie sociale et solidaire.
Je ne pourrai malheureusement pas m’attarder sur les articles 11 et 12 du projet de loi. Ces articles prévoient d’instaurer un nouveau droit d’information préalable des salariés pour leur permettre de présenter une offre de rachat. Malheureusement, et de manière pour le moins étonnante, l’Assemblée nationale a jugé que ces dispositions ne souffraient d’aucun défaut et qu’elles pouvaient donc faire l’objet d’un vote conforme.
M. Marc Daunis, rapporteur. C’était très sage !
M. Michel Bécot. Si on peut comprendre l’esprit de telles mesures, et si on peut s’émouvoir du sort réservé à certains sites de production démantelés, je continue de penser que, avec ces articles 11 et 12, vous allez vous tirer une balle dans le pied.
Certes, la rédaction définitivement adoptée par notre assemblée est moins extravagante que la version initiale. À l’origine, les articles 11 et 12 disposaient que la cession par un propriétaire d’un fonds de commerce ou d’une participation ne pouvait « intervenir avant l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la notification de son intention de vendre » ; je dis bien « intention » de vendre. Désormais, l’article 12 prévoit que, « lorsque le propriétaire d’une participation représentant plus de 50 % des parts sociales d’une société à responsabilité limitée ou d’actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société par actions veut les céder, les salariés en sont informés ». Nous sommes donc passés de l’intention de vendre à la volonté de vendre.
Je voulais en venir à la constatation suivante : ce qui caractérise les articles 11 et 12, ce n’est peut-être pas un problème rédactionnel, mais tout simplement le fait que la volonté du législateur ne puisse trouver de traduction légale juridiquement acceptable. Je le dis sans volonté de polémiquer, puisque, je le répète, je comprends le fondement éthique de ces dispositions. Elles me semblent cependant inapplicables, et c'est pourquoi j’ai souhaité m’y attarder une minute. L’insécurité juridique qu’elles créeront mettra en difficulté nos entreprises, car, même si les salariés seront tenus à un devoir de réserve, les petites entreprises seront exposées à des tentatives de déstabilisation et deviendront de surcroît moins attractives pour les repreneurs étrangers, qui, dans leur grande majorité, soutiennent un vrai projet industriel.
Pour ne pas être injuste, je tiens à souligner aussi quelques-unes des avancées que contient le projet de loi. Je pense d'abord aux articles 19 et 20, qui visent à permettre aux SCOP et aux SCIC d’adopter le statut de société par actions simplifiée, et à l’article 23 sur la promotion des mécanismes de solidarité financière entre les coopératives. Je pense également aux articles 15 à 18, qui visent à simplifier le rachat des parts sociales au sein des SCOP. Nous verrons comment ces dispositions trouveront à s’appliquer, mais, sur le principe, nous y sommes favorables.
Nous souscrivons enfin aux dispositions des articles 24, 24 bis et 25, qui, je l’espère, aideront les coopératives de commerçants à pérenniser leur activité, tout comme nous soutenons l’article 26, qui tend à permettre la constitution d’une coopérative sous forme de SARL à capital variable entre au moins quatre associés, et à faciliter le passage à la forme de SA une fois que les conditions requises sont remplies et que les associés le souhaitent.
Venons-en aux points négatifs, si vous le voulez bien.
Même si ces dispositions n’ont fait l’objet que de très légères modifications, elles restent toujours en débat. Il s’agit des articles 1er et 7 sur la détermination du champ de l’ESS et les modalités d’obtention de l’agrément. Nous pensions déjà en première lecture, et nous pensons toujours que ces articles constituent une formidable occasion de donner un nouvel élan au secteur des services à la personne.
Pour rappel, ce secteur compte 1,8 million de salariés, hors assistantes maternelles, et représente près de 5 % des salariés en France. Malheureusement, comme nous le révèle l’INSEE, ce secteur n’a pas été épargné par la crise économique. Ainsi, entre 2008 et 2010, le nombre d’heures rémunérées pour des activités de services à la personne, salariées ou non salariées, n’a augmenté que de 1,2 % par an, contre 4,7 % entre 2000 et 2007, avant de diminuer de 1,8 % en 2011.
C’est pour cette raison que notre groupe a regardé avec vigilance les articles 1er et 7.
Les dispositions déterminant le champ de l’économie sociale et solidaire à l’article 1er serviront de base à l’obtention de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale ». Par conséquent, si l’on est exclu du champ de l’ESS, on est privé non seulement de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale », mais également des prêts de la BPI, sans oublier que c’est cet agrément qui rend éligible aux dispositifs de soutien fiscal dits « ISF-PME » et « Madelin ».
Or, et c’est la question que nous nous sommes posée en première lecture, toutes les entreprises spécialisées dans le service à la personne pourront-elles intégrer l’ESS ? Force est de constater que tel ne sera pas le cas.
Quels sont donc ces blocages qui font de l’économie sociale et solidaire un secteur sanctuarisé aux seules associations et coopératives ?
L’article 1er tend à prévoir que les sociétés commerciales souhaitant intégrer l’ESS devront supporter le prélèvement d’une fraction au moins égale à 20 % des bénéfices de l’exercice, lequel sera affecté à la constitution d’une réserve statutaire obligatoire dite « fonds de développement », ainsi que le prélèvement d’une fraction au moins égale à 50 % des bénéfices, qui sera, lui, affecté au report bénéficiaire ainsi qu’aux réserves obligatoires, et, enfin, l’interdiction du rachat par la société d’actions ou de parts sociales. En plus de ces restrictions propres aux sociétés commerciales, ces dernières devront bien évidemment poursuivre un but « autre que le seul partage des bénéfices ».
Au cours de la discussion générale de la première lecture, j’avais donné comme exemple les réserves légales d’une entreprise, seule réserve obligatoire par défaut pour une entreprise, qui s’élèvent à 5 % du bénéfice de l’exercice, diminué de l’éventuel report à nouveau débiteur. C’est pour moi l’occasion de le répéter, vos conditions pour intégrer l’ESS, notamment les conditions liées aux réserves statutaires ou aux réserves obligatoires, sont tout simplement inaccessibles.
Il suffit pour cela de se référer à la définition de l’entrepreneuriat social présentée à l’occasion de l’initiative pour l’entrepreneuriat social de la Commission européenne, fin 2011, selon laquelle le principal objectif de ces entreprises doit être « d’avoir une incidence sociale plutôt que de générer du profit pour ses propriétaires et ses partenaires ».
Enfin, même le Centre d’analyse stratégique explique que « les entrepreneurs sociaux cherchent à conjuguer efficacité économique et finalité sociale ».
Vous comprendrez donc la finalité des amendements à l’article 1er que nous avons déposés.
J’en viens à l’article 7, qui porte sur l’obtention de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale ». Il faut pour cela que l’entreprise fasse la preuve que « la charge induite par son objectif d’utilité sociale a un impact significatif sur le compte de résultat ou la rentabilité financière de l’entreprise ».
Cette disposition est pour le moins incertaine, et je ne parlerai pas de la répartition de la masse salariale : certes, les articles 6 et 7 posent des critères restrictifs, mais ils ne sont pas insurmontables.
Pour conclure, si l’article 1er est déjà, à lui seul, un obstacle pour de nombreuses entreprises, sa cohabitation avec l’article 7 ne laisse que de minces espoirs aux entrepreneurs qui se sont pourtant engagés dans une démarche sociale. En plus de l’exclusion de ces entrepreneurs, comme cela vous a déjà été dit, il existe un risque de distorsion de concurrence au détriment des sociétés commerciales évoluant dans le secteur des services à la personne, parce que celles-ci seront privées du soutien fiscal dont leurs principaux concurrents, associations ou organismes d’insertion, pourront bénéficier.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’adoption de ce projet de loi va donc, malgré les meilleures intentions du monde, freiner le développement de secteurs à dimension sociale. Ce texte va également, à cause des dispositions déjà adoptées en formes identiques par les deux assemblées, créer une incertitude supplémentaire en cas de départ de l’actionnaire principal.
Pour ces deux raisons, qui ne sont pas des moindres, le groupe UMP, une nouvelle fois, votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet. Tout d’abord, madame la secrétaire d’État, le groupe UDI-UC vous adresse ses vœux de bienvenue au Sénat et ses sincères félicitations pour votre nomination. Personnellement, je me réjouis que le grand Sud-Ouest soit mieux représenté au Gouvernement. (Exclamations amusées.)
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, c’est avec un sentiment partagé que j’aborde aujourd’hui cette deuxième lecture du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire : d’une part, je suis enthousiaste à l’idée de légiférer pour promouvoir et encadrer au mieux ces activités essentielles pour notre tissu économique, mais, d’autre part, je suis inquiet de certaines mesures qui me paraissent cloisonner et surcharger le secteur avec de nouvelles normes.
Notre groupe a toujours porté les politiques favorisant l’ESS. Notre collègue député centriste Francis Vercamer avait d’ailleurs posé un premier jalon important dans la réflexion sur ce sujet avec son rapport remis au Premier ministre en 2010. Nous partageons totalement l’état des lieux qu’il avait dressé, ainsi que les orientations qu’il avait proposées.
Aussi, nous ne pouvons qu’être favorables à la progression de l’ESS, en l’insérant au sein des politiques publiques et en lui permettant de gagner une meilleure visibilité.
Forte de ses principes, de ses valeurs, ainsi que du poids économique et social qu’elle représente, l’ESS se révèle très porteuse. En effet, elle permet d’abord de redonner du sens dans les relations de travail entre les individus et de la vie à nos territoires, notamment les plus ruraux, grâce à la création d’emplois non délocalisables.
Ensuite, elle crée une dynamique qui inspire de plus en plus les jeunes acteurs de l’économie, au travers de nombreuses innovations et de modèles de financement nouveaux.
Enfin, elle répond à des besoins sociaux dans des secteurs en croissance tels que l’économie circulaire, le recyclage, le remploi des matériaux, la transition énergétique, les services aux personnes âgées, handicapées, ou encore la petite enfance.
Certaines dispositions du texte vont dans ce sens et accompagnent une dynamique intéressante. Je pense, par exemple, à la création d’un statut de SCOP d’amorçage permettant aux salariés d’être minoritaires dans le capital pendant au maximum sept ans, le temps de réunir progressivement les fonds pour être majoritaires.
Si le groupe UDI-UC salue l’esprit de ce projet de loi, nous restons pourtant préoccupés par plusieurs mesures du texte.
C’est notamment le cas avec les dispositions sur l’information des salariés en cas de transmission d’entreprise de moins de 250 salariés. Cette mesure part d’une bonne intention, mais elle reste problématique et suscite notre inquiétude. Hélas, nous ne pourrons pas revenir sur le débat, puisque les articles 11 et 12 du texte ont été votés conformes par nos collègues députés. Néanmoins, je tiens à rappeler que, sur le terrain, la transmission d’une entreprise est une opération délicate dans laquelle la confidentialité est un facteur clé du succès.
Dans certains cas, informer les salariés en amont que le dirigeant quitte la tête de sa structure provoque une déstabilisation interne et fragilise les relations avec les partenaires commerciaux et financiers, ainsi qu’avec les concurrents.
Encore une fois, il me semble qu’en voulant trop bien faire nous risquons de provoquer l’inverse de l’effet escompté.
Je ne peux m’empêcher de penser que le chef d’une entreprise de moins de 250 salariés qui souhaite transmettre son entreprise se donnera la possibilité et les moyens d’encourager la reprise par les salariés, si celle-ci est envisageable. L’information circulera donc ! En revanche, dans des situations plus délicates, le dirigeant doit avoir le choix de protéger la bonne marche de son entreprise.
Une autre mesure nous préoccupe : les députés ont ajouté deux articles 12 bis et 12 ter visant à réintégrer une version allégée de la proposition de loi dite « Florange » sur la reprise des sites rentables. Cette loi, rappelons-le, a été partiellement censurée en mars dernier par le Conseil constitutionnel au motif d’atteintes au droit de propriété et à la liberté d’entreprise.
Là encore, le territoire français est incertain juridiquement pour l’installation d’entreprises. Comment cette mesure s’articulera-t-elle avec le pacte de responsabilité que vous tardez à nous présenter ? Nous regrettons, madame la secrétaire d’État, que ces mesures si peu consensuelles aient été insérées tout à coup dans le texte lors de son passage à l’Assemblée nationale.
Enfin, comme l’a très bien souligné ma collègue Valérie Létard en commission, il conviendrait d’améliorer l’organisation du milieu associatif et le soutien dont il bénéficie. Force est de constater que le texte n’est pas très ambitieux sur ce point.
L’un des enjeux majeurs de l’ESS est notamment de trouver de nouvelles modalités de financement dans un contexte économique difficile. Le besoin de stabilité financière dont font état les associations nous préoccupe particulièrement. La situation est d’autant plus inquiétante que leurs partenaires naturels, à savoir les collectivités territoriales, connaissent de fortes restrictions budgétaires.
Nous devons anticiper et penser à la mutualisation des partenaires associatifs si nous ne voulons pas voir disparaître des pans entiers d’associations déjà fragiles actuellement.
Bien que en première lecture aucun de ses amendements de séance n’ait été adopté, le groupe UDI-UC aborde ce nouvel examen dans un esprit constructif, avec la volonté d’améliorer le texte en faisant évoluer quelques mesures.
La loi doit avant tout permettre de remédier à des rigidités ou à des insuffisances statutaires. C’est pourquoi j’ai redéposé des amendements concernant les coopératives afin que leur cadre actuel puisse rester souple tout en s’adaptant aux évolutions de leur mode d’activité.
Je propose également une mesure visant à permettre aux CUMA, les coopératives d’utilisation de matériel agricole, de répondre aux demandes de travaux agricoles ou d’aménagement des EPCI dont au moins un tiers des communes ne dépassent pas 3 500 habitants, l’article 31 du texte réservant cette possibilité aux EPCI dont toutes les communes ont moins de 3 500 habitants, ce qui me semble trop restrictif.
Cet article pourrait même devenir absurde et inapplicable si les propos du Président de la République relatifs aux groupements de communes étaient confirmés dans la réforme territoriale annoncée, avec des EPCI comptant au moins 20 000 habitants. Dans ces conditions, les CUMA n’auront aucun accès aux travaux que nécessitent pourtant les territoires ruraux. Mon amendement me semble donc encore plus justifié aujourd’hui, même s’il peut être aménagé.
Par ailleurs, ma collègue Valérie Létard a également déposé des amendements visant à élargir quelque peu le secteur de l’ESS, notamment à certaines structures du secteur social et du médico-social.
Enfin, nous avons déposé un amendement tendant à clarifier le champ des entités exonérées du versement transport. En effet, à titre d’exemple, les centres de lutte contre le cancer ne sont pas concernés par cette exemption.
Pour conclure, madame la secrétaire d’État, nous espérons toute votre attention sur les propositions que nous pourrons vous faire et qui n’ont pas été entendues en première lecture. Bien que le groupe UDI-UC soutienne une véritable reconnaissance de l’ESS, nous conditionnons cependant notre vote final à votre écoute et à vos éclaircissements au cours du débat. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – Mme Marie-Annick Duchêne applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann. (Mme Gisèle Printz et M. Didier Guillaume applaudissent.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Madame la secrétaire d’État, je voudrais à mon tour, au nom du groupe socialiste, dire tout le plaisir que j’ai de vous trouver au rang du Gouvernement, à une responsabilité importante pour le redressement économique du pays et pour le projet de société que nous défendons. Je vous souhaite plein succès dans votre action, dans la continuité de ce qui a été fait par Benoît Hamon, mais aussi par Valérie Fourneyron, à qui nous souhaitons un prompt rétablissement.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes en deuxième lecture et, bien sûr, l’exercice doit d’abord s’effectuer en comparaison avec la première lecture.
L’objectif de ce projet de loi, que nous avons salué, est fort : développer, élargir, moderniser l’économie sociale et solidaire.
Nous avions également salué, en première lecture, le choix de recourir à une méthode alliant concertation, consultation, dialogue et compréhension. Monsieur le rapporteur, je crois que votre contribution sur ce point a été tout à fait importante. L’esprit constructif qui a prévalu entre la Haute Assemblée et le Gouvernement lors de l’examen de ce texte a porté ses fruits : en effet, nous avons le plaisir de constater, en deuxième lecture, que l’Assemblée nationale a reconnu la qualité de nos travaux, puisque bon nombre des articles que nous avions adoptés ont été votés conformes, ce qui nous permettra de nous concentrer sur des sujets qui méritent d’être approfondis.
Cette loi est essentielle, parce que l’économie sociale et solidaire joue un rôle important dans la vie économique de notre pays et peut constituer l’un des leviers du redressement économique de la France dans la justice, conformément aux engagements du Président de la République.
Il faut rappeler que l’économie sociale et solidaire représente 10 % du PIB et 10 % des emplois de notre pays, soit 2,4 millions de salariés. Dans les dix dernières années, 23 % des emplois créés l’ont été par l’économie sociale et solidaire. Les SCOP résistent mieux à la crise que le reste de l’économie : après trois ans de fonctionnement, 82,3 % des coopératives sont toujours en vie, ce qui n’est pas le cas de toutes les entreprises créées. Enfin, une grande entreprise sur cinq relève du secteur de l’économie sociale et solidaire.
Vous comprendrez pourquoi, lorsque j’entends nos collègues de l’opposition expliquer que nous sommes contre l’entrepreneuriat et que nous n’y comprenons rien, je leur réponds que, bien au contraire, l’économie sociale et solidaire est l’un des principaux piliers de l’économie nationale, et même du secteur exportateur !
Chers collègues, n’essayez pas d’entretenir le mythe selon lequel il y aurait, d’un côté, ceux qui soutiennent l’entrepreneuriat, nécessairement personnel et privé,…
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … et, de l’autre, nous, qui serions contre l’entrepreneuriat.
Mme Élisabeth Lamure. Caricature !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Non ! Nous aimons l’initiative économique, nous approuvons le fait que les individus s’impliquent dans le développement économique, mais cette implication mérite d’autant plus d’être soutenue qu’elle intervient dans un intérêt collectif, qu’elle défend l’humain, qu’elle répond à des besoins sociaux…
Quand des profits sont réalisés, car il en faut, ils doivent être utilisés pour contribuer au développement de ces entreprises, au service de l’intérêt général…
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … et à une juste rémunération des salariés qui y ont concouru. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Joël Labbé et Robert Tropeano applaudissent également.)
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce modèle correspond à une certaine vision de la société que nous voulons.
En effet, la deuxième raison pour laquelle nous soutenons ce projet de loi est une raison sociétale. Oui, nos démocraties ont besoin de se consolider dans le champ de l’économique : le principe « un homme, une voix » est un élément d’avancée démocratique globale, parce qu’il représente une avancée dans le champ de l’économique.
Mme Évelyne Didier. Très bien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous avons également besoin d’une société qui rompe avec l’individualisme forcené. Chaque fois que nous sommes en situation d’encourager des engagements collectifs, de susciter l’implication et la prise de responsabilités de chaque individu dans un esprit collectif, c’est une avancée du modèle républicain et d’une certaine vision de la citoyenneté. Nous pensons que l’économie sociale et solidaire concourt à cet idéal.
Enfin, ici même au Sénat, nous devons reconnaître le rôle essentiel de l’économie sociale et solidaire sur nos territoires – je vois des personnes qui sont impliquées au sein des territoires dans l’économie sociale et solidaire. L’ancrage territorial de l’économie sociale et solidaire est un atout pour le développement et l’aménagement du territoire. L’économie sociale et solidaire est un atout pour la créativité et la diversité qui font la force de la République française et nous devons y veiller. De ce point de vue, les propositions de notre collègue Marc Daunis renforcent encore cette dimension, ce dont nous le remercions.
En première lecture, nous avions concentré nos efforts sur la dimension économique de l’économie sociale et solidaire dans le champ de l’économie. Nous approuvons donc particulièrement les articles qui organisent la transmission d’entreprises, en donnant aux salariés la possibilité d’être informés, et par conséquent de pouvoir être acteurs de solutions de reprise, en particulier coopératives, qui soient de nature à maintenir l’activité économique sur nos territoires. L’économie sociale et solidaire peut être un outil anti-délocalisations, elle doit être un outil de reconquête afin de permettre une meilleure transmission des entreprises. La France est fragile dans ce domaine…
M. Jean-Claude Lenoir. Il n’y a pas que cela qui la fragilise !