Mme Marie-Noëlle Lienemann. En tout cas, ces articles ne fragilisent pas la transmission des entreprises. Il faut aussi admettre que la compréhension des mécanismes n’est pas toujours aisée pour les repreneurs, lorsqu’ils ne sont pas spécialistes de ce sujet.
Madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, je ne peux m’empêcher de reconnaître que j’aurais préféré, à titre personnel, que nous allions plus loin sur ce point. J’avais d’ailleurs déposé une proposition de loi visant à instaurer un droit de priorité des salariés, conformément à un engagement du Président de la République. Quoi qu’il en soit, je suis une réformiste : une première avancée est acquise, tant mieux ! Je continuerai mon combat, mais engrangeons déjà ces premiers résultats, car ils sont importants.
Parmi les avancées, je recense également les dispositions inspirées de ce que l’on a appelé la « loi Florange ». Il est très important que l’engagement portant sur l’obligation de recherche d’un repreneur – qui n’est pas facile à mettre en œuvre, nous l’avons vu avec la censure du Conseil constitutionnel – trouve un commencement de réalisation. Les deux amendements que nos collègues avaient déposés à l’Assemblée nationale représentent une avancée intéressante, car ils lient la recherche du repreneur et le remboursement de certaines subventions à l’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi. La méthode me paraît bonne et je pense qu’elle est conforme à la Constitution. Quoi qu’il en soit, notre groupe approuve ces dispositions.
L’Assemblée nationale a également adopté toute une série de mesures pour améliorer les dispositions en faveur des coopératives et des mutuelles, Mme la secrétaire d’État les a rappelées et le groupe socialiste du Sénat leur apporte son soutien. Il s’agit notamment de la création d’une Chambre française de l’économie sociale et solidaire et de la réintroduction du guide des bonnes pratiques. Nous avons cependant déposé un amendement à l’article 14, repris par la commission, visant à dispenser les coopératives de l’application du guide des bonnes pratiques lors d’une révision coopérative et nous souhaitons qu’il soit retenu dans le texte définitif.
Nous soutenons également les initiatives du rapporteur Marc Daunis tendant à clarifier et à renforcer les politiques territoriales, notamment avec les schémas régionaux. Nous approuvons aussi la volonté de bien inscrire dans le dispositif l’importance des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, les CRESS, et du Conseil national des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, le CNCRESS, même après la création de la Chambre française de l’économie sociale et solidaire. L’articulation entre l’intérêt national de l’économie sociale et solidaire et la vision territoriale doit être mieux connue, mieux défendue, c’est pourquoi nous soutenons ces mesures.
Nous demandons au Gouvernement d’être très vigilant sur un point précis : lors du débat sur les commandes publiques, nous avions voulu devancer l’adoption d’une directive européenne qui réserve une partie de la commande publique aux entreprises d’insertion. Le Gouvernement nous a demandé de retirer nos amendements, puisque la directive est maintenant publiée et qu’il veut engager sa transposition. Nous lui demandons donc de ne pas tarder à prendre les mesures nécessaires, car celles-ci sont extrêmement importantes en cette période de crise et peuvent constituer un levier puissant pour une politique de l’emploi soucieuse de justice sociale.
Nous approuvons aussi le fait que l’innovation sociale soit mieux définie, car elle mérite d’être soutenue et reconnue. Nous saluons en particulier l’introduction d’un article sur les monnaies locales et complémentaires. Ce phénomène émergent ne doit toutefois pas devenir une source d’instabilité ou de tromperie au détriment de nos concitoyens. Il est bon que son cadre soit clarifié et nous verrons, à l’usage, si le mouvement s’amplifie ou si ces monnaies restent du domaine de l’innovation ponctuelle.
Le point sur lequel l’Assemblée nationale a le plus avancé est la vie associative. Nous avions expliqué, en première lecture, qu’une partie de ces sujets méritaient d’être travaillés davantage. Je ne m’attarderai donc pas plus longtemps sur cette question, mais nous y reviendrons au cours du débat. Nous approuvons nombre de ces innovations, concernant les bénévoles, les modes de financement ou la création du Haut Conseil de la vie associative.
Enfin, l’enrichissement du titre concernant les éco-organismes nous paraît tout à fait utile, parce que l’économie sociale et solidaire constitue aussi un projet de société. Elle peut être le levier permettant à la France de défendre une vision contemporaine de son projet historique républicain. En effet, la fraternité consiste à mutualiser, à coopérer, à reconnaître qu’un intérêt commun prime sur le seul intérêt individuel. En cela, la compatibilité de l’économie sociale et solidaire avec notre modèle républicain historique est forte. Toutefois, avec l’émergence de l’exigence écologique, de la transition énergétique et d’une nouvelle vision du développement durable et du développement humain, elle peut trouver une nouvelle forme et s’avérer un outil incontesté du développement durable. Ce projet de loi y concourt et nous contribuerons à l’enrichir au cours de ce débat au Sénat, afin d’aboutir rapidement à l’adoption d’un texte efficace au service de tous les acteurs de l’économie sociale, que je salue ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Joël Labbé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les conséquences de la crise de 2008 n’ont pas fini d’imprimer leurs marques sur notre pays, comme sur le reste du monde. Les soubassements d’une économie excessivement financiarisée et déconnectée de l’économie réelle se sont fissurés et parfois même effondrés.
Partout en Europe, les gouvernements se sont pliés à la nécessité de mettre en place, parfois dans l’urgence, des réponses hâtives, qu’il a souvent fallu corriger par d’autres politiques. Ces dernières commencent dans certains cas à porter leurs fruits, mais la situation reste fragile et les éléments de fracture sociale sont bien présents. Toutefois, nous en sommes arrivés au moment décisif d’une forme de reconstruction.
Dans ce contexte, le présent projet de loi prend acte de la réelle nécessité de promouvoir aujourd’hui une économie plus humaine. C’est une étape essentielle, et je tiens à saluer l’important travail du rapporteur Marc Daunis qui, avec la minutie que nous lui connaissons, aura permis de renforcer les dispositions de ce texte afin de leur conférer une efficacité encore plus grande.
L’économie sociale et solidaire est animée d’une belle ambition, défendant une approche différente des rapports de forces sociaux traditionnels. Elle est issue du mouvement coopératif et mutualiste du XIXe siècle, combiné à l’émergence des associations au XXe siècle. Notre époque a donc vu le développement de formes d’entreprises qui envisagent l’économie non pas seulement comme une accumulation de capitaux et de bénéfices, mais comme un projet social et solidaire. Elles regroupent les structures d’insertion par l’activité économique, la finance solidaire ou encore le commerce équitable.
L’économie sociale et solidaire fondée sur des principes de durabilité, qui résistent face aux crises, représente aujourd’hui plus de 200 000 établissements et 8 % de l’emploi salarié. Ce projet de loi va lui permettre d’acquérir une reconnaissance et de préserver ses principes.
Je voudrais revenir sur les principaux apports du texte, avant de m’attarder sur un point qui me tient à cœur, la transmission d’entreprises et l’utilité des SCOP.
Tout d’abord, ce texte reconnaît et définit le secteur de l’économie sociale et solidaire en élargissant son périmètre aux entrepreneurs sociaux. Cette reconnaissance va permettre d’améliorer la structuration du secteur, afin d’accélérer son développement et de créer, par voie de conséquence, des emplois. Cette évolution interviendra au niveau national, grâce au Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, et au niveau local, grâce aux chambres régionales de l’économie sociale et solidaire et à l’appui des collectivités territoriales. La reconnaissance des pôles territoriaux de coopération économique constitue également l’un des moyens de renforcer l’ancrage territorial de l’économie sociale et solidaire.
Ce texte améliore également l’accès du secteur de l’économie sociale et solidaire aux sources de financement. Tout d’abord, BpiFrance est spécialement mobilisée et dotée à cette fin d’une capacité d’engagement de 500 millions d’euros. Un fonds de financement de l’innovation sociale est créé, d’un montant de 40 millions d’euros, cofinancé par l’État et les régions ; il distribuera des avances remboursables à concurrence de 500 000 euros. Par ailleurs, un fonds de soutien est destiné à renforcer les fonds propres des PME de l’économie sociale et solidaire, avec une capacité d’une centaine de millions d’euros. Enfin, une définition de la subvention publique permet de sécuriser les financements des associations.
Je souhaiterais également citer quelques mesures qui sont, à mon sens, particulièrement représentatives de l’importance de ce projet de loi : la création de la Chambre française de l’économie sociale et solidaire, qui aura pour vocation d’être « la représentation nationale de l’économie sociale », garante de ses intérêts auprès des pouvoirs publics ; la simplification de la vie des associations, grâce à l’habilitation du Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des mesures visant à simplifier le cadre administratif dans lequel évoluent les associations et les fondations ; la création de fonds territoriaux de développement associatif et la possibilité pour les associations reconnues d’utilité publique d’organiser, à l’échelle locale, le financement participatif de projets de création d’entreprises.
Enfin, je veux insister sur un aspect particulièrement important : la transmission d’entreprises. Les dispositions spécifiques sur ce sujet ont pour but de lutter contre l’hémorragie d’emplois occasionnée par le fait que, chaque année, des milliers d’entreprises viables et solides par ailleurs ne trouvent pas de repreneur. La conséquence en est la perte de 50 000 emplois par an, et la fragilisation, voire parfois la dévitalisation, de bassins de vie entiers de nos territoires.
Ainsi, le texte facilite la transmission des TPE et PME à leurs salariés, avec l’obligation préalable d’information, deux mois avant tout projet de cession. Cela permettra, dans de bonnes conditions, une offre éventuelle de rachat par les salariés. Un important travail coopératif entre le Gouvernement et le Sénat a été réalisé en première lecture afin d’assurer la plus grande sécurité juridique, et je pense que nous sommes arrivés au meilleur équilibre possible. Ce dispositif bénéficiera aussi bien aux chefs d’entreprise qu’aux salariés. Une obligation de discrétion est ainsi définie, et le chef d’entreprise conservera la liberté de choix de son ou ses successeurs.
C’est en particulier grâce aux SCOP que ces reprises seront possibles. En 2013, sur plus de 200 SCOP créées, 10 % l’ont été pour des reprises d’entreprises saines. C’est cette part que la présente loi va permettre de faire croître encore un peu plus.
Le texte offre aussi aux salariés des SCOP la possibilité de reprendre l’entreprise sans être immédiatement majoritaires au capital. Par ailleurs, le futur dispositif « SCOP d’amorçage » s’étale sur sept ans, ce qui est un moyen de lever certains freins financiers.
Dans un contexte dont nous connaissons tous l’âpre difficulté, nous avons donc, au travers de ce projet de loi, les moyens de mettre en place un outil encore inédit dans notre pays. Il devrait nous permettre de conforter les emplois et les activités de centaines de petites et moyennes entreprises et de très petites entreprises en mal de successeur. Ce modèle d’entreprise résiste, en effet, mieux à la crise que d’autres. Comme Marie-Noëlle Lienemann l’a souligné tout à l’heure, 82 % des SCOP sont encore en vie au bout de trois ans, contre 66 % des entreprises classiques.
L’économie sociale et solidaire est donc un moyen efficace pour sécuriser les emplois, notamment des emplois qui ne sont pas délocalisables – Mme la secrétaire d’État l’a rappelé dans son intervention – et qui, à ce titre, renforcent les territoires et le tissu socio-économique du pays tout entier. Le volontarisme est bien présent dans cette loi et c’est de ce type d’initiative dont notre pays a besoin pour l’aider véritablement à sortir de la crise ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Joël Labbé et François Fortassin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille.
Mme Delphine Bataille. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons est assurément un texte attendu par tous les acteurs concernés et porteur d’avancées importantes pour notre pays.
Il permet de définir un cadre regroupant les différentes familles de l’économie sociale et solidaire, et favorisant une meilleure lisibilité et une meilleure reconnaissance de ce secteur économique.
C’est aussi la première fois, il faut le souligner, qu’un texte qui concerne l’ensemble des acteurs de l’économie sociale et solidaire est présenté par un gouvernement. Pourtant, les premières entreprises de ce secteur sont apparues dès le Moyen Age. Toutefois, c’est en réaction aux violences sociales qui ont accompagné la révolution industrielle du XIXe siècle que ces entreprises ont véritablement émergé.
Par la suite, c’est lorsque se sont manifestées de nouvelles questions sociales, comme la lutte contre les inégalités ou la protection de l’environnement, que l’économie solidaire a pris son essor. Aujourd’hui, avec ses 200 000 structures et 2,4 millions de salariés, elle représente, comme Mme Lienemann l’a rappelé, 10 % du PIB de la France et 23 % d’emplois supplémentaires créés depuis dix ans.
C’est parce qu’elle apporte des solutions concrètes aux besoins de la population et des territoires qu’elle constitue une réponse immédiate à la crise économique, sociale et des valeurs que nous connaissons.
Cette crise donne, en effet, une résonance particulière aux mutuelles, coopératives, associations et fondations, qui sont des entreprises spécifiques au sein desquelles le collectif prime sur l’individuel.
De plus, ces organisations dynamiques, qui engendrent à la fois du lien social et de la solidarité et qui nous renvoient à une conception de l’économie plus juste et plus humaine, résistent mieux à la crise et sont aussi des facteurs d’innovation.
En effet, la force de l’économie sociale et solidaire permet le développement d’initiatives au plus près des territoires et la création d’emplois non délocalisables dans la mesure où 75 % des lieux de décision de ces entreprises sont situés en région.
C’est la raison pour laquelle la plupart des collectivités locales l’intègrent déjà depuis plusieurs années dans leur plan de développement économique.
Solidement implantée dans le Nord, elle représente actuellement plus de 11 % des postes de travail. Même le territoire rural où je vis, qui ne pèse que 160 000 habitants sur 2,6 millions à l’échelle départementale, compte 400 structures de ce type représentant 15 % des emplois.
À l’échelon national, des réseaux d’élus soutiennent le développement de l’économie solidaire, comme le réseau des territoires, qui vient de fêter ses dix ans et qui rassemble une centaine d’élus issus de tous les niveaux de collectivités. Leurs propositions sont, d’ailleurs, venues enrichir ce projet de loi dès sa phase de concertation.
De plus, des associations d’élus locaux ont signé, au printemps 2013, une charte d’engagement en faveur de l’économie sociale et solidaire.
Ces initiatives sont toutes venues soutenir et encourager l’engagement du Gouvernement, bien décidé à reconnaître toute la place de ce modèle économique et à accompagner son développement.
Je tiens ici à saluer la qualité de la concertation qui a présidé à l’élaboration de ce texte et l’excellent travail effectué, d’abord, par Benoît Hamon et poursuivi par Valérie Fourneyron, animée par le même esprit et à laquelle je souhaite un bon rétablissement. Je sais, madame la secrétaire d’État, que vous aurez à cœur de continuer dans cette voie.
Ce texte de qualité est donc le résultat d’une méthode et le fruit d’un travail gouvernemental et parlementaire particulièrement riche. Il met en œuvre une véritable politique publique en faveur d’une partie de notre économie et s’inscrit de surcroît dans les orientations de la Commission européenne pour promouvoir ce secteur.
Après son vote, cette loi deviendra même pionnière en Europe.
Elle va en effet permettre un véritable changement d’échelle de l’économie sociale et solidaire dans tous ses aspects, en apportant les outils dont ces entreprises ont besoin pour se développer et créer de l’emploi.
Le débat en première lecture au Sénat et le travail effectué par notre rapporteur Marc Daunis, dont je tiens ici à saluer la qualité, ont largement permis d’enrichir le texte, notamment en matière d’encadrement des sociétés commerciales se réclamant de l’économie sociale et solidaire, de politique territoriale, de commande publique, de dispositifs locaux d’accompagnement, ou encore sur la définition de l’innovation sociale ou du commerce équitable.
Les députés ont, par ailleurs, apporté des modifications complémentaires sans revenir sur le travail important effectué par notre assemblée. C’est ainsi qu’a été approuvé le principe d’une définition inclusive de l’économie sociale et solidaire et qu’a été adopté sans modification le nouveau droit social facilitant la reprise d’une entreprise par ses salariés.
Je citerai, parmi tant d’autres exemples, la clarification des missions des instances de l’économie sociale et solidaire, notamment leur répartition entre la Chambre française et les chambres régionales.
Enfin, je veux insister, après d’autres orateurs, sur deux aspects de la loi dite Florange sur la reprise des sites rentables qui ont été réintroduits dans le texte : l’obligation de rechercher un repreneur en cas de fermeture d’un établissement et la possibilité pour l’administration de demander le remboursement des aides versées dans les deux années précédentes en cas de fermeture d’un site.
M. Marc Daunis, rapporteur. Très bien !
Mme Delphine Bataille. Le travail des députés a été largement approuvé par notre commission des affaires économiques, qui a toutefois voté un certain nombre d’améliorations sur l’initiative du rapporteur et à travers des amendements, comme celui que j’ai défendu pour notre groupe, qui permet d’élargir le droit de bénéficier de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » aux activités d’ingénierie sociale, technique et financière, permettant d’accompagner des personnes vers le logement décent.
Nous arrivons donc ici avec un texte équilibré et de qualité, nécessitant encore quelques ajustements qui vous seront proposés, mais qui, dans l’ensemble, fait consensus.
Aussi, nous espérons, madame la secrétaire d’État, que cette loi, véritable levier pour notre économie, sera, après son vote définitif, rapidement mise en œuvre afin de permettre aux entreprises de l’économie sociale et solidaire de construire une stratégie de croissance plus robuste, plus riche en emplois et plus juste socialement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – MM. Joël Labbé, Robert Tropeano et François Fortassin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie chacun et chacune d’entre vous pour ses interventions. J’ai été particulièrement sensible au fait que nous nous retrouvions tous autour de cette vision constructive et positive de l’économie sociale et solidaire.
Je constate avec plaisir l’unanimité de l’attachement au texte de ce projet de loi, ainsi qu’à ses principes. Si ce texte a reçu un tel accueil – cela a été souligné –, nous le devons, bien sûr, à la qualité du travail de coconstruction, de concertation et de dialogue avec l’ensemble des acteurs concernés – acteurs de l’économie sociale et solidaire, parlementaires et membres du Gouvernement.
Je serai brève afin de nous permettre d’en venir rapidement à l’examen du projet de loi article par article, amendement par amendement.
Le rapporteur M. Marc Daunis a rappelé que le but premier, essentiel, de ce projet de loi, c’est l’être humain. Il ne s’agit pas d’opposer, dans une vision manichéenne, les modèles, d’opposer une économie du bien à une économie du mal, il s’agit de reconnaître un modèle d’entreprendre alternatif, un modèle autre et qui valorise l’autre.
L’économie sociale et solidaire est reconnue institutionnellement au sein du Gouvernement, dans les missions du ministre de l’économie et dans le titre de mon secrétariat d’État ; il ne s’agit pas d’un recul de la reconnaissance. Nous avons plus que jamais besoin de l’économie sociale et solidaire. Elle est un pilier du devenir de notre économie et de notre société, comme l’a rappelé Gérard Le Cam. Nous le voyons dans l’actualité, avec une entreprise comme Fralib et cela démontre toute l’utilité, la pertinence et l’urgence de ce projet de loi. Fralib, c’est un sujet que nous connaissons bien au ministère de l’économie : mes prédécesseurs ainsi que Arnaud Montebourg ont suivi ce dossier particulièrement depuis deux ans.
Ce texte est un outil indispensable, qui concilie l’économique et le social.
Je prends acte, Alain Anziani, qu’à l’égard de la commande publique vous souhaitez ne pas inclure les plus petites communes et que vous voulez éclaircir le champ d’application. S’agissant de la définition de la subvention publique, il y a une interrogation par rapport à l’utilité de l’adverbe « notamment », qui ajouterait de la confusion. Je prends également acte de votre incompréhension concernant l’absence d’âge minimal qui pourrait conduire à des dérives. Nous aurons l’occasion d’en débattre.
Vous avez été nombreux à rappeler, à juste titre, le nombre important d’emplois potentiels qui pourront être créés, des emplois non délocalisables, je tiens à le souligner de nouveau.
S’agissant des monnaies solidaires, monsieur Le Cam, nous ne partageons pas votre analyse des dispositions introduites lors de la première lecture à l’Assemblée nationale. Les monnaies solidaires citoyennes existent déjà réellement sans encadrement législatif et elles n’ont donc pas besoin de cet encadrement pour exister. Elles sont nées naturellement, en réponse à un besoin. Les initiatives locales ne sont donc pas bridées. En revanche, les entreprises de l’économie sociale et solidaire vont désormais pouvoir émettre des monnaies locales complémentaires qui seront des moyens de paiement : c’est une innovation indéniable, qui n’était pas possible auparavant.
Monsieur Bécot, j’ai bien pris note de la volonté du groupe UMP de voter contre ce texte. J’espère que nous pourrons vous faire changer d’avis.
M. Roland Courteau. Pas sûr !
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. En effet, à l’Assemblée nationale, tous les députés UMP qui ont participé au débat ont fini par s’abstenir au moment du vote solennel. Nous verrons l’évolution au fil de nos débats.
M. Marc Daunis, rapporteur. Ils deviennent moins sectaires !
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Monsieur Le Cam, j’ai bien noté votre vigilance au regard de l’inclusion des sociétés commerciales dans l’économie sociale et solidaire et, par ricochet, les risques que cela comporte pour l’agrément qui pourrait leur être donné. Pour autant, les critères sont précis pour intégrer l’économie sociale et solidaire et grâce au guide de bonnes pratiques, il sera possible de discerner les sociétés commerciales qui intègrent l’économie sociale et solidaire comme un alibi à des activités non compatibles avec ce mode d’entreprendre. Les mutuelles sortent renforcées de ce texte et je pense que l’encadrement des outils qui sont à leur disposition, tels que les certificats mutualistes et la coassurance, ne menace pas leur spécificité.
Monsieur Mézard, j’ai été attentive à vos remarques. Ce que je souhaite retenir de votre intervention, c’est que, malgré quelques petites réserves, l’équilibre du texte vous convient. De ce point de vue, nous pouvons continuer à construire ce projet de loi dans un esprit fédérateur et réformateur.
Monsieur Labbé, vous avez souligné l’aspect territorial de ce projet de loi, ce dont je me réjouis, car il me tient particulièrement à cœur, notamment avec les pôles de compétitivité de l’économie sociale et solidaire que sont les PTCE.
Monsieur Tandonnet, j’ai bien entendu vos réserves sur les dispositions issues de la « proposition de loi Florange », mais je suis confiante sur l’équilibre trouvé, qui tient compte des remarques du Conseil constitutionnel. Je vois d’ailleurs une articulation très claire entre cette proposition de loi, qui concerne les sites rentables de plus de deux cent cinquante salariés, et les articles 11 et 12 de ce projet de loi, qui concernent les PME.
En conclusion, monsieur Labbé, je vous remercie d’avoir rappelé à quel point l’économie sociale et solidaire constitue un changement de paradigme qui permet d’interroger profondément notre modèle économique, de poser les questions de la profitabilité ainsi que de la répartition de la valeur collective qui se dégage des entreprises.
C’est un secteur d’avenir qui influe considérablement sur notre économie, en mobilisant tous les acteurs, consommateurs, épargnants, producteurs et citoyens.
Ce projet de loi était urgent, mesdames, messieurs les sénateurs, et j’ai hâte que nous l’étudiions ensemble, dans le détail de ses articles et des amendements qui ont été déposés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Marc Daunis, rapporteur. Très bien !
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les articles adoptés conformes ou les articles additionnels sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.
projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire
Titre Ier
DISPOSITIONS COMMUNES
Chapitre Ier
Principes et champ de l’économie sociale et solidaire
Article 1er
I. – L’économie sociale et solidaire est un mode d’entreprendre et de développement économique adapté à tous les domaines de l’activité humaine auquel adhèrent des personnes morales de droit privé qui remplissent les conditions cumulatives suivantes :
1° Un but poursuivi autre que le seul partage des bénéfices ;
2° Une gouvernance démocratique, définie et organisée par les statuts, prévoyant l’information et la participation, dont l’expression n’est pas seulement liée à leur apport en capital ou au montant de leur contribution financière, des associés, des salariés et des parties prenantes aux réalisations de l’entreprise ;
3° Une gestion conforme aux principes suivants :
a) Les bénéfices sont majoritairement consacrés à l’objectif de maintien ou de développement de l’activité de l’entreprise ;
b) Les réserves obligatoires constituées, impartageables, ne peuvent pas être distribuées. Les statuts peuvent autoriser l’assemblée générale à incorporer au capital des sommes prélevées sur les réserves constituées au titre de la présente loi et à relever en conséquence la valeur des parts sociales ou à procéder à des distributions de parts gratuites. La première incorporation ne peut porter que sur la moitié, au plus, des réserves disponibles existant à la clôture de l’exercice précédant la réunion de l’assemblée générale extraordinaire ayant à se prononcer sur l’incorporation. Les incorporations ultérieures ne peuvent porter que sur la moitié, au plus, de l’accroissement desdites réserves enregistré depuis la précédente incorporation. En cas de liquidation ou, le cas échéant, en cas de dissolution, l’ensemble du boni de liquidation est dévolu soit à une autre entreprise de l’économie sociale et solidaire au sens du présent article, soit dans les conditions prévues par les dispositions législatives et réglementaires spéciales qui régissent la catégorie de personne morale de droit privé faisant l’objet de la liquidation ou de la dissolution.
II. – L’économie sociale et solidaire est composée des activités de production, de transformation, de distribution, d’échange et de consommation de biens ou de services mises en œuvre :
1° Par les personnes morales de droit privé constituées sous la forme de coopératives, de mutuelles ou d’unions relevant du code de la mutualité ou de sociétés d’assurance mutuelles relevant du code des assurances, de fondations ou d’associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ou, le cas échéant, par le code civil local applicable aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;
2° Par les sociétés commerciales qui, aux termes de leurs statuts, remplissent les conditions suivantes :
a) Elles respectent les conditions fixées au I du présent article ;
b) Elles recherchent une utilité sociale au sens de l’article 2 de la présente loi ;
c) Elles appliquent les principes de gestion suivants :
– le prélèvement d’une fraction définie par arrêté du ministre chargé de l’économie sociale et solidaire et au moins égale à 20 % des bénéfices de l’exercice, affecté à la constitution d’une réserve statutaire obligatoire, dite « fonds de développement », tant que le montant total des diverses réserves n’atteint pas une fraction définie par arrêté du ministre chargé de l’économie sociale et solidaire du montant du capital social. Cette fraction ne peut excéder le montant du capital social. Les bénéfices sont diminués, le cas échéant, des pertes antérieures ;
– le prélèvement d’une fraction définie par arrêté du ministre chargé de l’économie sociale et solidaire et au moins égale à 50 % des bénéfices de l’exercice, affecté au report bénéficiaire ainsi qu’aux réserves obligatoires. Les bénéfices sont diminués, le cas échéant, des pertes antérieures ;
– l’interdiction pour la société de racheter des actions ou des parts sociales, d’amortir le capital et de procéder à une réduction du capital non motivée par des pertes, sauf lorsque ces opérations interviennent dans des situations ou selon des conditions prévues par décret.
III. – (Non modifié) Peuvent faire publiquement état de leur qualité d’entreprise de l’économie sociale et solidaire et bénéficier des droits qui s’y attachent les personnes morales de droit privé qui répondent aux conditions mentionnées au présent article et qui, s’agissant des sociétés commerciales, sont immatriculées, sous réserve de la conformité de leurs statuts, au registre du commerce et des sociétés avec la mention de la qualité d’entreprise de l’économie sociale et solidaire.
1° et 2° (Supprimés)
IV. – (Non modifié)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 45, présenté par Mme Létard et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
ou de services mises en œuvre
par les mots :
ou la mise en œuvre de services réalisés ou dispensés
La parole est à Mme Valérie Létard.