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Accord-cadre avec l'Espagne sur la coopération sanitaire transfrontalière
Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord-cadre entre la République française et le Royaume d’Espagne sur la coopération sanitaire transfrontalière (projet n° 698 [2012-2013], texte de la commission n° 305, rapport n° 304).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, avant tout, je vous prie de bien vouloir excuser Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, qui ne peut être aujourd’hui parmi nous, car elle est retenue à l’Assemblée nationale.
Le projet de loi que nous étudions vise à autoriser la ratification d’un accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière signé entre la France et l’Espagne le 27 juin 2008, à Saragosse, et adopté par l’Assemblée nationale le 27 juin 2013.
La France et l’Espagne ont une longue tradition de coopération transfrontalière : depuis des décennies, nos deux pays œuvrent pour que les Pyrénées ne soient pas seulement la marque d’une frontière entre nos deux nations ; ils coopèrent pour faire en sorte que cette chaîne de montagnes devienne le trait d’union entre nos deux territoires, une zone d’interface et d’échanges. Et pour concrétiser cette ambition, il n’y a pas, au fond, de plus beau projet que celui de renforcer nos liens dans le champ de la santé.
Pourquoi ? Parce que nous tissons ces liens par-delà une région montagneuse, donc isolée, et que l’accès aux soins est une priorité que nous partageons. Parce qu’en mettant en commun les moyens humains et financiers dont nous disposons, notre action permettra d’éviter les doublons. Parce que la Cerdagne connaît régulièrement des pics de fréquentation, liés à ses activités touristiques et sportives, qui justifient pleinement de rapprocher et d’unir nos organisations des soins.
Permettez-moi, tout d’abord, de rappeler l’esprit et le contenu de cet accord-cadre.
Ce texte reprend les dispositions d’accords antérieurs signés par la France avec l’Allemagne ou la Belgique. Celles-ci portent deux objectifs essentiels. Le premier concerne les professionnels de santé et doit leur permettre d’exercer de part et d’autre de nos frontières. Le second a trait aux patients : il vise à leur garantir d’être pris en charge, quel que soit le lieu de soins.
Tous ces accords, comme celui que nous ratifions aujourd’hui, renvoient à des conventions locales le soin de définir des actions de coopération sanitaire de nature à favoriser l’accès aux soins transfrontaliers pour la population.
Par ailleurs, nous devons avoir à l’esprit que cet accord-cadre a, d’ores et déjà, été formellement approuvé par le Royaume d’Espagne en mars 2009. Les acteurs de terrain sont donc en attente, près de six ans après sa signature, de la finalisation par la France de la procédure de ratification. Or c’est de cette ratification que dépendent le lancement de nouveaux projets et la concrétisation de ceux qui ont déjà été engagés.
Parmi ces projets, il en est sur lequel je souhaite m’attarder plus particulièrement : celui de l’hôpital transfrontalier de Cerdagne, situé à Puigcerdà, en Espagne.
Cet établissement permet d’améliorer l’accès aux soins des Languedociens-Roussillonnais, comme celui des Catalans, dans une région enclavée et isolée ; près de 30 000 personnes sont directement concernées. Sa capacité pourra atteindre plus de 70 lits.
Par ailleurs, en parallèle de la construction de cet hôpital, un véritable réseau de soins transfrontalier est en cours de constitution. Implanté sur le territoire français, en Haute-Cerdagne, un pôle gériatrique sera également ouvert aux patients espagnols.
L’hôpital de Puigcerdà est aussi le point de départ d’une réflexion plus large que nous pourrions imaginer, afin de proposer la meilleure offre de soins à tous les citoyens européens vivant dans des zones frontalières.
Un tel hôpital constitue une première à l’échelon européen. C’est la preuve concrète pour nos concitoyens que l’Europe sociale n’est pas une chimère, qu’elle peut améliorer concrètement leur quotidien, leur environnement, leur niveau de vie. C’est la traduction concrète de valeurs et d’engagements communs à l’ensemble des États membres de l’Union européenne, au nombre desquels il faut ranger l’accès aux soins et à la santé, qui est un droit pour tous. C’est la démonstration que, lorsque l’Europe s’engage, les progrès que la France réalise avec ses partenaires s’accélèrent.
Concrètement, le Fonds européen de développement économique régional, le FEDER, a contribué à ce projet à hauteur de 65 % de son coût global.
Trop peu de projets similaires à celui-ci voient le jour. Nous n’exploitons pas suffisamment les occasions qui nous permettraient de mutualiser nos équipements sanitaires. Comment l’expliquer ? À en écouter certains, nos modèles sociaux nationaux ne seraient pas compatibles entre eux. Nos manières de travailler et de nous organiser seraient trop différentes. Tout cela susciterait des difficultés administratives insurmontables !
Je ne crois pas, nous ne croyons pas à la fatalité administrative ! Ma conviction, c’est que, lorsque les pouvoirs publics se mobilisent, les choses peuvent avancer. L’hôpital de Puigcerdà en est la démonstration.
Pour faire émerger une telle structure, nous avons eu recours à un nouvel instrument juridique : le groupement européen de coopération territoriale, le GECT. Parmi les GECT existants, c’est le seul exemple d’établissement de santé. C’est donc grâce à de nouveaux outils que nous rendrons possible le développement de projets transfrontaliers et que nous optimiserons l’offre de soins.
Par ailleurs, ce projet s’inscrit dans une coopération sanitaire européenne plus large, comprenant la mise en place d’une véritable filière de soins transfrontaliers. Celle-ci pourrait nous permettre de nouer des partenariats pérennes dans le champ de la recherche, de l’enseignement ou encore des soins nécessaires aux sportifs de haut niveau.
La construction de cet hôpital s’est achevée au printemps 2012, après trois années de travaux. Cet établissement n’est pas encore ouvert, car il faut encore avancer sur un certain nombre de questions pratiques, liées à des enjeux culturels, linguistiques et juridiques. Il nous faut notamment réunir les conditions qui assureront l’attractivité de cet établissement pour les patients français, en particulier en favorisant et en encourageant la présence de professionnels français.
Aujourd’hui, je tiens à exprimer très clairement le soutien de la France à ce projet et je souhaite que les discussions avec nos partenaires catalans puissent aboutir le plus rapidement possible, afin de pouvoir saluer l’ouverture prochaine de cet hôpital.
Je salue d’ores et déjà l’implication des élus, plus particulièrement celle de ma collègue Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, qui, en sa qualité de membre de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, avait notamment fourni un important travail sur ce sujet. Au travers de leur participation directe à la gouvernance de cet hôpital, dans le cadre du conseil consultatif, je sais qu’ils veilleront à la réussite et à l’aboutissement de ce projet.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, en ratifiant cet accord-cadre, vous ferez avancer le combat pour l’égalité entre nos territoires. Vous permettrez à des milliers de personnes, françaises et espagnoles, de bénéficier d’une meilleure organisation des soins. Vous montrerez aussi que l’Union européenne, lorsqu’elle s’engage pour la santé de nos concitoyens, nous permet de réaliser d’immenses progrès. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Raymond Couderc, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la coopération transfrontalière avec l’Espagne s’est développée depuis l’adhésion de ce pays à l’Union européenne en 1986. Dans le domaine de la santé, toutefois, ces actions apparaissent moins nombreuses et plus ponctuelles que dans d’autres domaines.
L’accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière, signé le 27 juin 2008, complète les dispositifs mis en place localement et donne un cadre permettant d’assurer une couverture adéquate de l’offre de soins.
Mes chers collègues, Mme la secrétaire d'État ayant présenté les dispositions de cette convention, je me contenterai d’attirer votre attention sur trois points.
Je commencerai par une considération d’ordre général. Les délais de ratification des conventions internationales sont longs,...
Mme Nathalie Goulet. Très longs !
M. Raymond Couderc, rapporteur. ... trop longs, excessivement longs. Ce texte en fournit malheureusement un nouvel exemple.
L’accord-cadre a été signé le 27 juin 2008 et son accord d’application l’a été le 9 septembre 2008. Les formalités de ratification par l’Espagne ont été achevées dès le mois de mars 2009. En France, le texte n’a été transmis à l’Assemblée nationale que le 9 janvier 2013,...
Mme Nathalie Goulet. Ah !
M. Raymond Couderc, rapporteur. ... adopté le 27 juin 2013 et inscrit à l’ordre du jour du Sénat le 8 avril dernier ; puis, son examen a été reporté au 15 avril 2014. Il aura fallu presque six années à la France pour le ratifier, alors qu’il n’aura fallu que six mois à l’Espagne.
M. Robert Tropeano. Qui était ministre avant ?
M. Raymond Couderc, rapporteur. Cette inertie fait douter de la volonté de la France de mettre en œuvre les dispositions des accords et porte atteinte à la qualité de sa signature. Il serait temps que le ministère des affaires étrangères se donne des objectifs en matière de délai de présentation des projets de loi au Parlement.
Cette critique ne s’adresse pas spécifiquement au présent gouvernement, car cette mauvaise habitude a été prise voilà bien longtemps. Simplement, il faut que cela cesse, et vous pouvez compter sur ce point sur la vigilance de la commission des affaires étrangères.
Je souligne ensuite que cette convention sur la coopération sanitaire transfrontalière avec l’Espagne est importante pour la population, notamment celle des zones enclavées.
Ainsi, dans les Pyrénées, la géographie des lieux, le réseau routier et les conditions météorologiques rendent-ils parfois les installations sanitaires d’un des deux États plus accessibles aux habitants de l’autre pays. Elle permettra aussi, par l’organisation de la complémentarité des soins, d’éviter une duplication des moyens disponibles.
S’il est difficile de disposer d’une vue d’ensemble des initiatives plus ou moins formalisées, prises à l’échelon local, on notera le lancement, au mois de janvier 2003, sur l’initiative des collectivités territoriales, du projet de création d’un hôpital transfrontalier pour la Cerdagne, à Puigcerdà. Cet établissement, dont la construction est achevée, devrait ouvrir ses portes au cours du premier semestre de cette année.
Je m’attarde sur ce projet, car il constitue une illustration concrète. Il apportera une réponse globale en matière d’offre sanitaire, à la fois pour la population habitant à l’année et pour les résidents saisonniers, ce qui est important dans une zone touristique.
Le nouvel hôpital disposera de 71 lits et d’un plateau technique équipé notamment de 2 blocs opératoires, de 2 salles d’accouchement, de postes de dialyse, radiologie, laboratoires, lits de soins intensifs, ainsi que d’équipements de télémédecine. Cette structure constituera le noyau dur de l’offre de soins pour les populations des deux Cerdagne et du Capcir. Elle sera complétée par un pôle gériatrique, regroupant deux établissements côté français.
Pour autant, il ne faut pas se dissimuler les difficultés auxquelles se heurtent de tels projets. Elles sont la conséquence de la complexité des procédures administratives et financières, de la complication des mécanismes de prise en charge des soins, des règles d’organisation du transport sanitaire des patients et de l’absence de garantie de continuité.
Ainsi certaines modalités concrètes de fonctionnement de l’hôpital de Puigcerdà restent-elles à parfaire, qu’il s’agisse du contenu et des modalités des prestations assurées par les partenaires, du cadre juridique des mises à disposition de personnel, des règles en matière de responsabilité civile, des langues de travail, de l’uniformisation des pratiques médicales, des questions d’état civil et en matière funéraire.
Ces difficultés pratiques sont désormais identifiées. Madame la ministre, il serait souhaitable que leurs solutions reposent sur le bon sens commun et que l’on évite de mettre en place des procédures dont nos administrations sont friandes, mais qui sont incompréhensibles pour les usagers.
Par exemple, ne serait-il pas possible d’enregistrer les naissances d’enfant de parents français à l’hôpital intercommunal de Puigcerdà au registre de l’état civil de Bourg-Madame, plutôt que de le faire au consulat général de France à Barcelone et d’obliger ensuite les familles à solliciter vos services à Nantes pour la délivrance d’un extrait d’acte de naissance ? Ne serait-il pas envisageable que la poste française installe une boîte aux lettres dans l’enceinte de l’hôpital et la relève, plutôt que de faire faire aux résultats d’analyses médicales un circuit de plusieurs centaines de kilomètres avant qu’elles ne parviennent au médecin traitant de l’autre côté de la frontière ?
L’aboutissement de ces projets utiles aux populations locales, comme l’hôpital de Puigcerdà, témoigne de la vitalité d’une Europe proche de ses habitants. En cela, ils doivent être salués. Les citoyens ont la démonstration d’une Europe qui s’inscrit positivement dans leur quotidien.
Néanmoins, comment voulez-vous faire comprendre l’Europe si nous ne sommes pas capables d’adapter nos règles pour répondre à des préoccupations aussi concrètes en appui de ces beaux projets ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je remplace au pied levé mon collègue Jean-Jacques Lasserre sur un sujet dont l’importance a été rappelée. Il s’agit de répondre à un certain nombre de problèmes avec de nouveaux outils, ce qui est plutôt une bonne nouvelle : démographie médicale, coopération transfrontalière, coopération européenne.
Madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, vous avez rappelé l’historique de cette convention, je ne le referai pas. Nous avons la mauvaise habitude d’avoir un train de sénateur pour les trains de convention, et il est très grand temps qu’il devienne un TGV. (Sourires.) Il est vrai qu’un certain bureau du ministère des affaires étrangères tarde à nous transmettre les documents... Ce texte en est l’illustration.
Madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, vous avez soulevé un certain nombre de problèmes, que je ne reprendrai pas. Nous avons reçu voilà quelques jours le président du Sénat espagnol. L’Espagne et la Catalogne sont d'ailleurs au centre de notre politique en ce moment, que ce soit à la mairie de Paris ou à Matignon.
Mme Laurence Cohen. Pas sur la contraception et l’avortement !
M. Robert Tropeano et Mme Isabelle Pasquet. Surtout pas !
Mme Nathalie Goulet. J’y viens, chers collègues !
Mme Laurence Cohen. Très bien !
Mme Nathalie Goulet. Faites-moi un peu confiance !
Cette convention, une fois ratifiée, constituera donc un bon exemple, qui sera peut-être suivi par d’autres régions transfrontalières. On sait par exemple que Pierre Mauroy avait développé des outils extrêmement performants pour la coopération transfrontalière économique avec la Belgique. Il est important aujourd'hui que cette coopération existe en matière médicale.
Madame la secrétaire d’État, je souhaite par ailleurs évoquer un point qui, aujourd'hui, est très certainement au cœur des débats entre la France et l’Espagne.
Le gouvernement de Mariano Rajoy soutient depuis plusieurs semaines un projet de loi dont l’adoption aurait pour conséquence de restreindre drastiquement l’accès à l’IVG, l’interruption volontaire de grossesse. L’Espagne, qui souffre depuis plusieurs années déjà d’une législation différenciée en la matière, risque de sombrer dans une politique anti-IVG, qui pose un véritable problème aux femmes.
Je ne sais pas quelles seront les conséquences de l’ouverture de cet hôpital, mais il faudra très vraisemblablement rester vigilants en la matière. Dans la mesure où il s’agit finalement d'une exterritorialité française en terre espagnole, nous risquons de rencontrer un certain nombre de problèmes. Le décalage des législations pourrait conduire à dénaturer le sens de l’accord-cadre. En soutenant l’accès aux soins des populations enclavées, nous nous retrouverions avec un dispositif international de contournement de la loi espagnole. Un tel phénomène pourrait se reproduire à l’avenir dans de nombreux domaines.
C’est toute l’ambivalence d’un tel accord. Il s’agit en effet d’une formule juridique innovante ayant vocation à étendre les territoires de la continuité du service public, y compris de façon transfrontalière. Si cette excellente initiative a vocation à être dupliquée, elle nous expose également au risque d’importantes divergences législatives, concernant, je le répète, des points extrêmement sensibles.
Je sais, madame la secrétaire d’État, à quel point vous êtes attentive à ce sujet. Mon collègue Jean-Jacques Lasserre n’avait peut-être pas prévu cette parenthèse, mais elle m’est venue naturellement à l’esprit. C’est tout l’intérêt de la parité dans nos assemblées ! (Sourires.)
Ainsi, mes chers collègues, au-delà de la naturelle attention que nous devons porter à l’application concrète des textes que nous votons – je rejoins M. le rapporteur sur la diligence que nous devons mettre à ratifier les conventions, celles-ci n’étant d’ailleurs pas amendables –, il faut que le Gouvernement, qui inaugurera cet hôpital dans quelques mois, veille aux services qui y seront rendus, afin que la loi de la République y soit appliquée de façon concrète.
Cet accord franco-espagnol vient améliorer la couverture de nos concitoyens vivant dans des zones difficiles d’accès et complète le dispositif de continuité des soins et de démographie médicale.
Le temps lèvera nos interrogations. Celles-ci devront précisément être au cœur de la négociation au moment de l’ouverture de l’hôpital. Toutefois, je ne connais pas exactement la future organisation de l’établissement, notamment s’il est prévu d’accueillir une maternité.
M. Christian Bourquin. Mais si, bien sûr !
Mme Nathalie Goulet. Il en est prévu une ; c’est un point important.
Il restera sans doute, dans un second temps, à conclure un accord du même type avec la Suisse et l’Italie, qui comportent également des zones de montagne, où la démographie médicale n’est pas parfaite, pour assurer à tous nos frontaliers une couverture sanitaire optimale.
L’ensemble du groupe UDI-UC votera ce projet de loi, et j’espère que, soit dans le cadre de votre réplique à nos interventions, soit au moment de l’inauguration de l’hôpital, vous apporterez des réponses, madame la secrétaire d’État, s’agissant du problème de l’avortement que je me suis permis de vous soumettre.
Si ce sujet se situe à la limite de la convention dont il est aujourd'hui question, il en fait finalement l’objet, au même titre que l’ensemble des autres soins. En effet, cet hôpital a beau être une exterritorialité en Espagne, l’ensemble des lois de la République française doit y être appliqué de manière pleine et entière. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin.
M. Christian Bourquin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est un grand honneur pour moi, certains le comprendront, et une immense satisfaction que de pouvoir m’exprimer devant vous sur le projet de loi qui nous est présenté aujourd’hui.
En effet, ce texte permettra de ratifier l’accord-cadre signé en 2008 entre la France et l’Espagne, qui acte notamment la mise en service de l’hôpital transfrontalier de Puigcerdà, en Cerdagne, dans mon département des Pyrénées-Orientales, qui m’a appris la politique.
Je m’en réjouis, principalement pour trois raisons, que j’ai qualifiées d’essentielles – il en existe beaucoup d’autres, bien entendu.
La première raison est que, en ces temps de défiance à l’égard de l’Europe, cet accord-cadre vient montrer une nouvelle facette positive de la coopération entre États membres. Il donne raison à ceux qui, comme moi, ont foi en l’Europe. De plus, sur un plan économique, il s’agit d’un investissement raisonnable pour la France, qui a pris en charge 40 % du montant de la construction – celle-ci représente 31 millions d’euros –, les 60 % restants étant apportés par la Catalogne.
La seconde raison est le rôle joué par la région Languedoc-Roussillon tout au long du processus, depuis la signature, en 2003, du protocole d’accord avec la Catalogne jusqu’à aujourd’hui, date de mise en route.
En tant que président de la région, j’organiserai bientôt avec la directrice de l’agence régionale de santé des réunions avec les médecins et les infirmiers des deux côtés de la frontière, pour finaliser le dispositif et lever les dernières interrogations qui méritent de l’être. Ensuite, il s’agira d’informer le plus largement possible l’ensemble de la population, pour qu’elle s’empare de ce nouvel outil, ô combien précieux pour sa santé.
La troisième raison revêt un caractère plus personnel, que je tiens à exprimer ici. Je suis fier de voir ce projet se réaliser, parce que cet hôpital, mes chers collègues, est l’aboutissement d’un dossier que j’avais lancé dès 1997 – certains trouvent le temps long depuis 2008, mais il faut en réalité remonter à 1997 ! –, lorsque j’étais député. À l’époque, peu d’élus croyaient en ce projet, un journal local affirmant même : « Jamais un habitant de Cerdagne française n’ira se faire soigner à Puigcerdà », une ville pourtant située à seulement un demi-kilomètre de la frontière.
Une longue succession d’étapes a par la suite été nécessaire : pour citer les plus importantes, le protocole d’accord de 2003 entre la Catalogne et le Languedoc-Roussillon, que j’évoquais tout à l’heure, puis l’accord-cadre signé en 2008, enfin la mise en place du Groupement européen de coopération territoriale de l’hôpital de Cerdagne, le GECT-HC, en 2010.
La construction des bâtiments s’est achevée en 2012, tandis que la phase d’équipement, bien avancée, n’est pas encore achevée. Toutefois, m’y étant récemment rendu, je vous confirme qu’ils avancent à grands pas et que l’inauguration est imminente.
L’hôpital de Puigcerdà va donc entrer progressivement en service dans les prochaines semaines. Il est le premier hôpital transfrontalier d’Europe. Il existe bien des coopérations européennes en matière de santé, mais il s’agit cette fois d’un hôpital, financé largement par l’Europe, comme l’a rappelé tout à l’heure Mme la secrétaire d’État. Je veux dire par là qu’il faudra du courage pour en créer un second, non pas en France, mais en Europe. Nous pourrons, pour notre part, raconter notre épopée !
Cet hôpital transfrontalier est la démonstration qu’à force d’abnégation, d’efforts et de détermination, nous pouvons porter et faire aboutir des dossiers sur le long terme. Après plus de quinze ans de procédure, je me réjouis que ce projet soit aujourd’hui mené à son terme. Ainsi, dès ce premier semestre 2014, il permettra à 30 000 habitants de la Cerdagne française et espagnole de disposer d’un établissement de soins capable de répondre à leurs besoins.
Pour celles et ceux d’entre vous qui l’ignorent, il s’agit – permettez-moi de donner quelques indications géographiques – d’un plateau situé en moyenne à 1 300 mètres d’altitude – vous viendrez à l’inauguration, naturellement, madame la secrétaire d’État –, au cœur des Pyrénées, certains pics aux alentours culminant à plus de 3 000 mètres. Ce plateau isolé, d’une superficie de 1 000 kilomètres carrés, se trouve à plus de deux heures de route de Perpignan, Barcelone ou Toulouse, indistinctement.
Rien ne manquera dans cet hôpital, qui comptera notamment 26 salles de consultations, 4 blocs opératoires, 2 salles d’accouchement, 18 box pour les urgences, ainsi qu’un large panel d’équipements de radiologie. Tout est prévu pour répondre avec efficacité aux besoins essentiels de la population. J’évoquais tout à l’heure le fait que ce plateau est à plus de deux heures de route des grandes villes les plus proches. Et je ne parle pas de l’hélicoptère, lequel, une fois sur deux, ne peut pas décoller, les conditions météorologiques n’étant pas réunies, ce qui est gênant quand vous avez une crise cardiaque... C’est également cela, la montagne !
Néanmoins, il restait nécessaire de prévoir les conditions de mise en œuvre, notamment en matière juridique : tel est l’objet de l’accord-cadre.
Aussi, mes chers collègues, vous l’aurez compris, je voterai ce projet de loi, tout comme mon groupe. J’invite également la majorité d’entre vous à adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste, de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Calvet.
M. François Calvet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier mon groupe politique, les membres de la conférence des présidents et, plus particulièrement, mon ami le sénateur Raymond Couderc, d’avoir accepté de renoncer à la procédure d’examen simplifié. Cela nous permet d’avoir dans cet hémicycle un double débat sur ce qui semble être un simple projet de loi autorisant la ratification d’un accord-cadre entre la République française et le Royaume d’Espagne en matière de coopération sanitaire transfrontalière.
Tout d’abord, la discussion porte sur la coopération sanitaire transfrontalière, à l’heure où nous observons la résurgence de pandémies effroyables auxquelles la médecine n’a pas de remèdes à apporter, et ce à un moment où les populations et leurs migrations se sont affranchies depuis bien longtemps des frontières, qu’elles soient naturelles ou étatiques.
En cet instant, je pense aux très grandes inquiétudes de l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé, face à la propagation du virus Ebola, dont le taux de létalité atteint 90 %. Il s’agit d’être non pas alarmiste, mais réaliste. L’Europe doit être capable de répondre aux défis géopolitiques et aux différentes crises politiques, militaires, environnementales ou médicales qui touchent le Maghreb et l’Afrique.
Il me semble essentiel qu’au Sénat, qui est la maison des collectivités territoriales, bien qu’elle soit souvent chahutée, nous puissions aborder une convention dont l’objet est précisément la coopération entre deux régions, même si elles se situent de part et d’autre de la frontière.
Pour l’élu local que je suis, cette ratification concrétise, cela a été dit, un projet qui aura nécessité quinze ans d’efforts. Ces quinze ans d’efforts pouvaient justifier quelques minutes d’attention de la part du Sénat.
Je veux remercier l’administration locale, les différents préfets et les représentants de l’ARS Languedoc-Roussillon qui ont toujours soutenu ce projet. J’ai bien vu que, au fur et à mesure de la construction de l’hôpital transfrontalier commun, beaucoup plus de monde s’y est intéressé. C’est ainsi que l’Europe, à travers une mission sur le transfrontalier, a dépêché trois parlementaires qui ont signalé l’exemplarité de ce projet dans leur rapport.
Je veux souligner que mon collègue Christian Bourquin a un mérite égal au mien pour avoir apporté à ce projet un soutien constant durant ces longues années.