Mme Nathalie Goulet. J’ai bien écouté les propos de Gérard Longuet. Les questions qu’il soulève se retrouvent dans d’autres domaines.
L’autonomie accrue des régions va nécessairement conduire à une disparité de traitement : ainsi, un projet porté par la Normandie réunie ne le sera pas nécessairement en Rhône-Alpes ou ailleurs, en dépit de son intérêt.
Il va falloir faire en sorte que les projets soient validés de la même façon partout, sans pour autant ajouter de la rigidité au dispositif. En effet, tout l’intérêt de ce dernier – c’est ce qui ressort du texte – est de pouvoir dupliquer les projets qui fonctionnent dans une région pour les transposer dans une autre, sans craindre des contraintes supplémentaires. Nous aimerions être rassurés sur ce point.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.
M. Didier Guillaume, rapporteur. Le GIEE étant l’un des points forts de ce projet de loi, je tiens à bien préciser les choses.
Je voudrais tout d’abord évoquer la cohérence du dispositif. Tout à l'heure, nous avons rejeté un amendement de M. Labbé qui allait dans le sens de vos craintes, monsieur Longuet, puisqu’il visait à ce que le président du conseil régional soit associé à la décision du préfet de région. Nous avons refusé de suivre M. Labbé pour la simple raison que le bras armé de l’État dans les territoires, c’est le préfet de région et non le président de la région. Il y a donc bien là de la cohérence.
Ensuite, l’alinéa 4 de cet article répond à lui seul à votre interrogation, mon cher collègue, car il dispose que les exploitants agricoles doivent détenir ensemble la majorité des voix au sein du groupement. Cela signifie que les agriculteurs membres du GIEE ne peuvent se voir imposer quoi que ce soit par d’autres membres. (M. Gérard Longuet opine.) .
Enfin, il faut noter que les critères d’attribution des aides européennes sont fixés non par le président de la région mais par le préfet de région. Lorsque les projets d’un GIEE seront éligibles à ces subventions, le président de région ne pourra donc pas privilégier tel projet parce qu’il comporte plus de petites fleurs ou tel autre parce qu’il favorise les chasseurs !
Ce débat est important en ce qu’il permet de répondre à vos craintes. Je crois que nous pouvons tranquillement emprunter ce chemin : le préfet de région a la main, les agriculteurs doivent être majoritaires au sein des instances du groupement, le président de la région ne peut fixer les critères d’attribution des aides européennes.
M. le président. La parole est à M. Gérard César, pour explication de vote.
M. Gérard César. En définitive, les explications du ministre et du rapporteur montrent combien il est important de disposer d’un cadre national (M. le rapporteur opine.), sans quoi chaque département, chaque région fera n’importe quoi.
Je n’ai pas d’instructions à donner au ministre, mais je crois qu’il lui faudra prendre un décret précisant bien les choses, afin que tous les agriculteurs de France disposent des mêmes avantages au sein des GIEE.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. L’intérêt du débat démocratique, c’est aussi de pouvoir améliorer le projet gouvernemental en envisageant toutes les hypothèses. À l’Assemblée nationale, le débat avait déjà commencé sur ces thématiques-là.
Nous avons mis en place des garde-fous, notamment l’obligation faite aux agriculteurs de détenir la majorité des instances au sein du groupement. De plus, le fait que les régions soient autorités de gestion leur offre une certaine liberté d’adaptation, mais ne leur permet pas de définir les critères de l’attribution des aides. Il s’agit tout de même de fonds structurels européens du deuxième pilier, cofinancés par la partie nationale.
M. René-Paul Savary. Mais il y a une diminution sur le premier pilier !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Nous avons souhaité garder, à travers le rôle du préfet de région et les choix qui seront opérés, un cadre national. L’alinéa 12 du présent article dispose donc qu’« un décret définit le cadre national pour la mise en œuvre des dispositions des articles L. 311-4 et L. 311-5 ».
N’ayez pas d’inquiétude, monsieur Longuet. Certes, les majorités changent, les ministres se succèdent et prennent de nouveaux décrets, mais rien qui puisse bouleverser, renverser ou inverser ce qui est inscrit dans la loi.
Or ce qui est inscrit dans la loi, c’est ceci : des agriculteurs décident de se regrouper pour mieux prendre en compte les dimensions économique et écologique et ils sont majoritaires au sein des GIEE parce que ces groupements sont faits d’abord pour eux, parce que c’est à eux que sont destinés les moyens propres à assurer la réussite de leur projet commun, qu’il s’agisse de méthanisation, de polyculture-élevage, de reconstitution du bocage, de techniques spécifiques de conservation, de rotation des sols...
Sur ce dernier point, sachez que je me suis battu à Bruxelles pour que le verdissement, qui impose une diversification des cultures – au moins trois par exploitation –, puisse se faire sur plusieurs exploitations. En effet, quelle rotation peuvent organiser des agriculteurs sur une exploitation de 60 hectares, comportant des prairies permanentes et 15 % à 40 % de terres arables, sur lesquelles ils font pousser du maïs ? Très peu ! C’est tout le problème que l’on rencontre en Alsace ! Il paraît beaucoup plus intelligent de procéder à la rotation sur plusieurs exploitations : cela ne peut que faciliter le travail des agriculteurs, tout en prenant en compte les enjeux environnementaux de manière plus efficace, car plus la surface est importante, plus les résultats sont significatifs en termes environnementaux.
Le GIEE est précisément l’outil qui permet de réaliser ce genre de choses.
Je suis parfaitement conscient des problèmes que vous avez soulevés. Mais nous les avons déjà intégrés au texte lors du débat à l’Assemblée nationale. Cela étant, il est tout à fait normal que le Sénat cherche à encore améliorer le dispositif dans ses dimensions économique, environnementale et sociale. Toutefois, je vous garantis qu’une fois la loi votée, rien de ce que vous redoutez ne prendra corps. L’expérimentation décrite dans les documents que je vous ai fournis montre qu’aucun élément ne va dans le sens des craintes que vous évoquez, même si nous avons raison de placer quelques garde-fous.
M. Gérard César. Voilà !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Comme le rapporteur l’a souligné, le texte du projet de loi précise bien que personne, hormis les agriculteurs, ne pourra maîtriser les groupements d’intérêt économique et environnemental. (Applaudissements sur le banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je ne demande qu’à vous croire, monsieur le ministre. Nous avons déjà eu une discussion sur les fonds européens et il semblerait effectivement que le deuxième pilier soit en augmentation en Champagne-Ardenne.
Toutefois, il y a une enveloppe nationale et une enveloppe régionale. Vos GIEE n’entrent pas dans la part de l’enveloppe nationale dédiée à l’ensemble de la région Champagne-Ardenne. Les prévisions fournies par la chambre d’agriculture montrent que cette enveloppe nationale représente un tiers des aides, dont 34 millions d’euros pour la politique d’installation et 3 millions d’euros pour les indemnités compensatoires de handicaps naturels. Les GIEE ne sont donc pas inclus.
La part régionale, quant à elle, recouvre différents thèmes : investissement, transferts, etc. Les GIEE vont peut-être se retrouver dans la ligne « transfert de connaissances et innovation », qui est dotée de 10 millions d’euros par an. Mais rien ne garantit que toutes les régions, au moment de répartir leur enveloppe, choisiront d’abonder cette ligne. Elles pourront très bien choisir de privilégier la compétitivité des exploitations, leur viabilité, l’organisation de la chaîne alimentaire ou la restauration des écosystèmes.
La question que soulevait Gérard Longuet se pose donc véritablement, car certaines régions peuvent ne pas souhaiter flécher les crédits européens – crédits régionaux par définition, en raison de la complémentarité du financement – vers les GIEE. Dans ces conditions, votre volonté de généraliser les GIEE risque de faire pschitt ! Je tenais simplement à vous alerter sur cette difficulté. (M. Jean Bizet approuve.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. La dernière enveloppe perçue par la région Champagne-Ardenne au titre du deuxième pilier s’élevait à 121 millions d’euros. J’avais annoncé une augmentation de 64 % et cette région touchera 202 millions d’euros sur les cinq prochaines années.
M. Didier Guillaume, rapporteur. Les veinards ! (Sourires.)
M. Charles Revet. Et la Normandie ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Pour la Normandie, je n’ose même pas le dire, tellement c’est important ! (Nouveaux sourires.)
Je vous confirme que les régions, autorités de gestion, auront des libertés. Mais les règles, le cadre national, le fait que les critères d’attribution des aides soient fixés au niveau européen, le fait que la majorité au sein des instances du GIEE soit dévolue aux agriculteurs, le fait que les élus de terrain – y compris vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs – soient amenés à intervenir, autorisent à ne pas craindre les dérives que vous avez pointées.
Certaines régions pourront certes mettre plus d’argent que d’autres, mais l’État sera là pour aider au développement des GIEE.
C’est en quelque sorte un pari que nous faisons. Ce projet a-t-il un sens ? Va-t-il intéresser ? Les premiers retours qui nous parviennent des agriculteurs tendent à montrer que c’est le cas, que quelque chose est en train de se passer. Peut-être ce système trouvera-t-il sa limite dans quelques années… Qui sait ? Personnellement, je suis sûr du contraire.
M. Jean Bizet. Comme les CTE autrefois ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Les contrats territoriaux d’exploitation posaient une difficulté : ils fonctionnaient exploitation par exploitation et dépendaient d’une aide. Quand l’aide n’a plus été versée, l’activité agricole liée aux CTE s’est arrêtée.
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Ce qui est intéressant avec les GIEE, c’est que le projet est appuyé dès lors qu’il est lancé, qu’il est ensuite appuyé, mais qu’il doit ensuite trouver sa propre dynamique.
Les CTE ont disparu parce que la majorité qui a succédé à celle qui les avait créés n’en voulait pas. Admettons qu’il y ait, à nouveau, un changement de majorité parlementaire – mais je suis sûr que cela n’arrivera pas ! (Sourires.) –…
M. Jean Bizet. Rien n’est jamais sûr ! (Nouveaux sourires.)
M. Stéphane Le Foll, ministre. … eh bien, les GIEE, puisqu’ils seront déjà lancés, existeront indépendamment même des aides qu’on leur aura versées. Voilà tout l’enjeu ! La création de ces GIEE est donc bien un pari, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 196 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 594 et 759.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 120, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Prévoir les modalités d’accompagnement, notamment en termes d’animation de projet, du groupement.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. M. le ministre vient de parler de pari. Un pari suppose la confiance, donc un véritable accompagnement.
L’analyse de la réussite des projets collectifs montre l’importance de l’animation de groupe et de l’accompagnement de projet. Par cet amendement, il s’agit non pas d’utiliser les GIEE pour embaucher des animateurs, mais bien de reconnaître le rôle de l’accompagnement dans la réussite d’un projet.
Nous avons défini les GIEE comme devant être des personnes morales. De fait, nombre de projets seront accompagnés par des organisations préexistantes. On peut penser notamment aux CUMA, aux groupements d’agriculteurs biologiques, aux parcs naturels régionaux ou encore aux associations de développement agricole.
En fin de compte, demander à ce que le projet présente les éléments constitutifs de son accompagnement oblige simplement les parties prenantes à étayer leur réflexion et à prendre la mesure des risques inhérents à tout projet collectif, assurant ainsi sa pérennité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Guillaume, rapporteur. Je suis très embarrassé ! En effet, je ne voudrais pas que la première décision qui suive la création d’un GIEE soit d’embaucher quelqu’un pour l’animer.
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Eh oui !
M. Didier Guillaume, rapporteur. En période de chômage, me direz-vous, cela pourrait contribuer à réduire un peu le nombre de demandeurs d’emploi ! Cela étant, je n’en suis pas si sûr…
Mme Sophie Primas. Ce serait des emplois d’avenir ! (Sourires.)
M. Didier Guillaume, rapporteur. Il est bien évident qu’il faut animer le GIEE, qu’il faut le faire vivre. Mais est-il pour autant nécessaire d’inscrire dans la loi qu’il est obligatoire de « prévoir les modalités d’accompagnement, notamment en termes d’animation de projet, du groupement » ?
M. René-Paul Savary. C’est une usine à gaz !
M. Didier Guillaume, rapporteur. Le GIEE n’est pas une usine à gaz. À moins qu’il ne fasse de la méthanisation ! (Sourires.)
Nous devons faire en sorte que le GIEE fonctionne. Pour cela, il lui faut une gouvernance. Mais je préfère qu’elle soit assumée par les agriculteurs eux-mêmes, plutôt que par des personnes externes. Cela dit, il est toujours possible de laisser toutes les options ouvertes ; nous avons eu ce débat il y a un instant.
Le souci de parvenir à un équilibre et de trouver un compromis, souci qui a prévalu tout au long de nos travaux en commission, m’inciterait à être favorable à cet amendement dès lors qu’il n’introduirait qu’une simple faculté.
Les GIEE seront de différents types. Dans les petits GIEE, celui qui joue de la musique se dévouera pour être animateur, et cela marchera tout seul ! (Sourires.) Dans les gros GIEE, l’embauche d’une personne extérieure pourra être nécessaire. Cependant, conformément à ce qu’est notre état d’esprit depuis le début de l’examen de ce texte, je ne suis pas favorable à ce qui n’est qu’une option devienne une obligation.
Monsieur Labbé, peut-être devriez-vous rectifier cet amendement en ne prévoyant que la possibilité d’avoir recours à un animateur. Ainsi, chacun fera bien comme il l’entend. Mais n’obligeons pas les GIEE à recourir à un animateur !
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Yvon Collin. Bravo !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Labbé, consentez-vous à la rectification suggérée par M. le rapporteur ?
M. Joël Labbé. Oui, car, pour avancer, nous cherchons le consensus !
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.
M. Didier Guillaume, rapporteur. Monsieur le président, la rédaction de l’amendement rectifié n’est pas si simple. En effet, l’alinéa que cet amendement tend à insérer serait gouverné, lui aussi, par le « doit » de l’alinéa 7. Il faudrait donc changer complètement le libellé de l’amendement.
Le plus simple, monsieur Labbé, serait peut-être, pour le moment, de retirer cet amendement ?
M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 120 est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Nous ne sommes qu’en première lecture ; nous aurons l’occasion de revenir sur ce point. Dès lors, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 120 est retiré.
L’amendement n° 121, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Prévoir un diagnostic mettant en regard le projet et les enjeux du territoire identifiés.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement répond, lui aussi, à notre volonté d’enrichir le texte.
Monter un projet sans faire de diagnostic préalable à même d’établir les besoins d’un territoire et, ici, d’exploitations agricoles, sans le mettre en regard des enjeux identifiés pour ce même territoire, sans donner des clefs de lecture à ceux qui seront amenés à s’exprimer sur l’intérêt du projet et à lui accorder la reconnaissance voulue, serait quelque peu inopérant. (Mme Nathalie Goulet s’exclame.)
Par ailleurs, l’établissement de ce diagnostic permettra aux porteurs initiaux du projet d’identifier d’autres partenaires éventuels.
Enfin et surtout, le diagnostic initial doit permettre de faciliter l’évaluation continue du projet.
Cet amendement a donc pour objet d’inscrire le diagnostic préalable dans les éléments d’appréciation du projet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Guillaume, rapporteur. Mon cher collègue, je suis au regret d’utiliser sur cet amendement le même argument que sur l’amendement précédent. Le présent amendement tend en effet à obliger le GIEE à établir un diagnostic mettant en regard le projet et les enjeux du territoire. Si on a le temps d’établir des diagnostics, qu’on le fasse ! Mais, dans un premier temps, je pense que les agriculteurs auront autre chose à faire !
M. Charles Revet. Laissons-leur la liberté !
M. Didier Guillaume, rapporteur. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que le précédent, qui tendait à rendre obligatoire l’animation. Cela dit, si une personne est recrutée pour l’animation du GIEE, elle en fera aussi le diagnostic. Mais, pendant ce temps, l’agriculteur regardera passer les trains ! (Sourires.)
Je vous propose donc, mon cher collègue, puisque vous êtes particulièrement ouvert cet après-midi,…
M. Yvon Collin. Il l’est toujours ! (Sourires.)
M. Didier Guillaume, rapporteur. … de retirer cet amendement, qui, je suis confus de vous le dire pour la deuxième fois de suite, ne correspond pas à l’esprit de la loi.
Il serait en effet préférable de le réécrire pour la deuxième lecture et de le sortir de l’obligation mise en facteur commun à l’alinéa 7, afin de rendre seulement possible le diagnostic, tout comme vous êtes convenu de le faire pour l’animation. Il faudra bien, en tout état de cause, évaluer les GIEE d’une façon ou d’une autre ; mais je suppose que le ministre fera des propositions à cet égard.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je le rappelle, l’alinéa 10 de l’article 3 précise que le GIEE doit « répondre aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux du territoire où sont situées les exploitations agricoles concernées, notamment ceux identifiés dans le plan régional de l’agriculture durable ». La référence au territoire figure donc déjà dans le texte, monsieur Labbé.
Par conséquent, s’il est toujours possible, naturellement, de faire un diagnostic, l’enjeu économique, social, environnemental et territorial figure déjà dans cet article.
Il faut toujours chercher à mettre en perspective l’amendement que l’on défend avec ce qui a été écrit précédemment. Sans cela, on finit par allonger les lois de manière un peu inutile.
M. Charles Revet. Elles sont de plus en plus longues !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Les amendements nos 120 et 121 tendent à créer des obligations supplémentaires.
Je n’ai absolument aucun doute sur la capacité d’initiative de ces structures en matière de création d’emplois, de production d’études… Mais ces structures évoluent au sein d’une organisation territoriale que, nous le savons bien, le monde entier nous envie, au cœur d’un millefeuille, que l’on essaie de simplifier, dont toutes les tranches – les intercommunalités, les départements, les régions – mènent déjà leur propre diagnostic. On a vu comment cela a contribué à charger la barque des emplois ! Les parcs naturels, par exemple, sont devenus des espèces d’usines invraisemblables, avec des chercheurs de tout et des trouveurs de rien !
Il nous faut bien plutôt de la réactivité, des projets, des financements. Les diagnostics, eux, sont largement connus des personnes qui animent nos territoires, et des agriculteurs en particulier.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Vous avez oublié de mentionner les schémas de cohérence territoriale !
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je suis assez étonnée des protestations émises par nos collègues à propos du diagnostic. Je les comprends mieux pour ce qui concerne l’amendement précédent : ils sortent le carton rouge au seul mot d’« animateur » ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mais, dans le monde libéral, le diagnostic est la base du marketing. Je vais prendre les exemples figurant dans le dépliant provisoire sur les GIEE que nous a fait passer M. le ministre. Il est évident que les exploitants qui voudront développer l’autonomie protéique d’un territoire vont chercher des débouchés. Ceux qui voudront avoir recours à la méthanisation chercheront à savoir quoi faire de leur gaz. Ceux qui voudront développer des produits biologiques compteront le nombre de collèges sur leur territoire pour les écouler dans le cadre d’un circuit court. Eh bien, tout cela consiste à établir un diagnostic.
Alors, mes chers collègues, certaines normes vous ont peut-être, dans le passé, infligé des diagnostics pesants, aux modalités contraignantes, mais, un diagnostic, ce n’est pas forcément « méchant » !
M. Charles Revet. Il faut laisser la liberté de le faire ou non !
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.
M. Didier Guillaume, rapporteur. Madame Blandin, vous venez de faire une excellente démonstration de ce que le diagnostic n’est pas nécessaire : il se fait très bien aujourd’hui sans que l’on soit obligé de l’ajouter dans la loi !
M. René-Paul Savary. Cela se fait sur une base volontaire !
M. Didier Guillaume, rapporteur. Je propose donc, je le répète, de trouver une solution pour l’animation et le diagnostic des GIEE en deuxième lecture. J’ai demandé le retrait de ces deux amendements non parce qu’ils étaient mauvais, mais parce que leur dispositif ne me paraît pouvoir s’appliquer tel quel.
M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 121 est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. J’ai bien entendu les arguments qui m’ont été opposés, et je n’ai pas nécessairement envie de faire durer le débat pour le plaisir. Dans la mesure où M. le rapporteur nous indique que l’on travaillera sur ce sujet en deuxième lecture, j’accepte de retirer cet amendement.
Je signale tout de même, sans vouloir donner de leçon, que tout projet doit être basé sur un diagnostic initial, ce qui permet ensuite son évaluation.
M. Charles Revet. Mais laissez-les vivre !
M. Joël Labbé. Ce diagnostic n’est pas quelque chose de lourd, d’imposé de l’extérieur : il est fait chaque fois autour d’une table et il est partagé par toutes les parties prenantes. (Mme Sophie Primas s’exclame.)
Je n’insiste pas ; j’espère simplement que nous trouverons la bonne formulation en deuxième lecture.
M. le président. L’amendement n° 121 est retiré.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Dans la suite de la discussion des articles du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, nous allons maintenant examiner les dispositions du titre VI, appelé par priorité.
Titre VI (priorité)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX OUTRE-MER
Article additionnel avant l’article 34 A (priorité)
M. le président. L'amendement n° 190, présenté par Mme Archimbaud, M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 34 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dérogations susmentionnées ne s’appliquent pas aux collectivités d’outre-mer. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Le mode d’épandage aérien des produits phytosanitaires mentionnés à l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime constitue une véritable menace pour la santé des habitants des territoires ultramarins, menace qui pèse nécessairement sans distinction puisqu’elle touche aussi bien la faune que la flore, les personnes âgées que les enfants.
Dès lors, et au nom du principe de précaution, le mieux serait d’éviter le recours à une telle pratique. (M. Joël Labbé applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Guillaume, rapporteur. Il serait bien que nous réfléchissions et travaillions un jour à l’objectivation du principe de précaution. Nous ferions ainsi, je le crois, œuvre utile.
L’amendement porte sur un sujet récurrent, que nous connaissons bien et qui est particulièrement sensible dans les outre-mer ; je parle sous le contrôle de nos collègues ultramarins et sous le vôtre, madame la ministre des outre-mer. C’est notamment le cas aux Antilles, qui ont été marquées par le scandale du chlordécone. Ce pesticide utilisé jusqu’au début des années quatre-vingt-dix pour lutter contre le charançon du bananier y a contaminé une partie des sols et même des côtes.
Au demeurant, je rappelle que c’est un laboratoire départemental d’analyses, en l’occurrence celui de la Drôme, qui avait travaillé sur le sujet. Voilà qui me permet de dire du bien des laboratoires départementaux d’analyses. Mais nous aurons l’occasion d’en reparler...
Madame Blandin, je ne suis pas favorable à l’interdiction pure et simple de l’épandage aérien. À mon sens, une telle mesure ne répond pas à la situation ultramarine.
Je reprendrai d’ailleurs les excellents arguments que notre non moins excellent collègue Serge Larcher avait utilisés en tant que rapporteur du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer. Il soulignait notamment que la banane antillaise, première concernée par les épandages aériens, était l’une des plus propres au monde, écrivant : « L’utilisation des produits phytosanitaires a diminué aux Antilles de près de 70 % en une décennie. » Imaginez que l’utilisation de produits phytosanitaires ait diminué de 70 % en dix ans sur le territoire métropolitain ; le rapport de notre collègue Nicole Bonnefoy au nom de la mission d’information eût été tout autre...
Alors que les producteurs y font entre deux et dix traitements par an – c’est la situation locale, notamment en raison du climat –, le chiffre avoisine la soixantaine en Colombie.
À l’heure où l’Union européenne signe des accords commerciaux avec les pays de l’environnement régional des départements d’outre-mer, portant sur des produits immédiatement concurrents, comme la banane, il convient de faire attention aux normes que l’on souhaite imposer aux producteurs ultramarins. Notre collègue Serge Larcher l’a d’ailleurs rappelé dans la discussion générale hier soir.
La commission émet donc un avis défavorable.