Mme Sophie Primas. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Monsieur Savary, mon cher collègue président de conseil général, nous venons de régler l’aspect législatif concernant les appels d’offres et les circuits courts, notamment dans la restauration collective.

Trois grands réseaux se sont mis en marche : celui des chambres d’agriculture, qui ont beaucoup travaillé ; celui de la Fédération nationale d’agriculture biologique, qui a bien avancé ; celui des conseils généraux, enfin, qui se sont organisés.

Dans mon département, nous avons créé la plateforme « agrilocal.fr », validée par Bercy ainsi que par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF. Une trentaine de départements y ont adhéré. Désormais, grâce à ce portail, dans beaucoup de départements, et pour la première fois, les agriculteurs ont accès à la commande publique. Je puis vous assurer que ce système fonctionne dès lors qu’il est mis en place. Il faut en faire la promotion.

J’aurais aimé qu’un tel système soit inscrit dans la loi, monsieur le ministre, mais je vois bien que ce n’était pas possible. Nous avons cependant besoin, en tant que sénatrices et sénateurs, présidents d’exécutifs locaux, départementaux et régionaux, de promouvoir de tels dispositifs. C’est la garantie de permettre à nos agriculteurs l’accès à la commande publique et, accessoirement, des revenus légèrement supérieurs ; c’est également le moyen d’assurer la traçabilité, de faire en sorte que, dans un collège ou une école, on sache d’où proviennent la purée et le poulet qui se trouvent dans les assiettes. Dans la restauration collective, on doit aussi pouvoir savoir que l’on mange les pommes de terre de M. Untel ! Ce n’est pas uniquement de la bricole, c’est quelque chose de très important.

Circuit court, accès de proximité, traçabilité, qualité des produits, haute valeur nutritionnelle, je pense que nous allons dans le bon sens et qu’il faut poursuivre ce mouvement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Ce débat d’orientation est très important, car il permet à chacun de participer aux grands objectifs de l’agriculture.

S’agissant des circuits courts, trois plateformes – celle développée par les chambres d’agriculture, celle d’Agrilocal, déjà présente dans une trentaine de départements, ainsi que le réseau coordonné par la Fédération nationale d’agriculture biologique – ont été validées par le ministère de l’agriculture. Quel est l’enjeu ? Il s’agit de réussir à faire correspondre une demande locale à une offre locale. (M. René-Paul Savary acquiesce.)

Souvent, si la demande locale va chercher ailleurs, c’est parce qu’elle ne connaît pas l’offre locale ; l’offre locale ne sait pas non plus trouver la demande locale, car personne ne vient la chercher. Nous avons tout mis en œuvre pour parvenir à une solution : la loi affirme la défense des circuits courts et les instruments sont en place. Maintenant que tout a été validé par le ministère, nous devons nous atteler à développer le dispositif.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Je voudrais dire à M. le ministre que c’est au cours de l’appel d’offres que le problème se pose, le critère de production locale ne pouvant être retenu au moment de la prise de décision.

La plateforme est sans doute un instrument formidable qu’il faut déployer, mais la DGCCRF refuse de prendre en compte le critère de production locale dont pourrait bénéficier une offre par rapport à une autre ; il est très compliqué de contourner cette difficulté.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 592 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 408 rectifié, présenté par MM. Bizet, Houel, Lefèvre et Revet, est ainsi libellé :

Alinéa 21

Après les mots :

filières de production

insérer les mots :

, de commercialisation

Cet amendement n’est pas soutenu.

L'amendement n° 117, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 21

Compléter cet alinéa par les mots :

dans la mesure où ce développement ne remet pas en cause la capacité de notre pays à couvrir ses besoins alimentaires par sa capacité productive

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Il s’agit ici d’anticiper les effets pervers du développement de nouvelles activités en mentionnant la priorité donnée au respect de la vocation nourricière de la production agricole, laquelle doit en priorité couvrir les besoins alimentaires de notre population, conformément aux principes de la souveraineté alimentaire que j’évoquais hier.

Les impacts négatifs du développement des agrocarburants dits de première génération en termes de changement d’affectation des sols doivent nous alerter sur tout risque similaire associé au développement des biomatériaux et bioénergies. On ne peut voir dans ces développements que complémentarité avec l’alimentation ou intégration dans une économie circulaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. En métropole – ce n’est pas le cas outre-mer –, nous sommes globalement autosuffisants. Cet amendement n’ajoute donc pas grand-chose à l’alinéa 21.

En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 117 est-il maintenu ?

M. Joël Labbé. Oui, monsieur le président.

Monsieur le rapporteur, je conteste le fait que nous soyons en situation de souveraineté alimentaire totale. J’ai évoqué hier les millions d’hectares annexés en Amérique du sud pour l’alimentation de nos élevages.

La volonté du ministre est d’aller vers l’autosuffisance en matière de protéines végétale, c’est-à-dire en matière de production alimentaire pour animaux. Notre amendement va dans ce sens, vers une véritable souveraineté alimentaire nationale.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. L’objectif de la souveraineté alimentaire, est-ce l’autosuffisance alimentaire pour chacun ? À l’échelle de la France ou à celle de l’Europe ?

M. Bruno Retailleau. La France n’est pas l’Albanie !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Est-ce un objectif pour chaque pays africain ou pour toute l’Afrique ?

Notre état d’esprit consiste à dire qu’il ne faut pas déstructurer les agricultures locales au nom du grand marché international. Comme l’a dit un jour Edgard Pisani – et j’en suis convaincu –, nous aurons besoin de toutes les agricultures du monde pour nourrir le monde.

Le risque serait donc ici de tellement développer les énergies renouvelables à base de production agricole et forestière que l’on remettrait en cause nos capacités de production alimentaire. Or en développant le plan EMAA sur la méthanisation, par exemple, nous avons bien pris soin de dire que le carbone nécessaire au fonctionnement des méthaniseurs ne devait pas remettre en cause la production alimentaire.

Par cet amendement, vous mélangez le concept de souveraineté alimentaire – espace toujours difficile à définir – avec la question des énergies renouvelables. Or je pense que nous avons intérêt à développer les énergies renouvelables en agriculture via la méthanisation.

M. Stéphane Le Foll, ministre. À cet égard, un rapport de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, laisse entendre que si l’on s’organisait mieux, l’agriculture et les matières organiques produites par les grandes collectivités pourraient nous permettre d’atteindre 40 % de notre consommation actuelle de gaz. Vous rendez-vous compte ? Nous débattons de la crise gazière en Ukraine, de l’extraction du gaz de schiste à 1 500 mètres de profondeur, alors que nous devrions commencer par nous attaquer au gaz directement disponible ! (Mmes Maryvonne Blondin et Sophie Primas applaudissent.)

Le Gouvernement ne peut accepter cet amendement, qui mélange deux concepts.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ce que vous avez dit. Arrêtons ce combat entre la transformation de la biomasse ou des matières agricoles et l’alimentation. On voit quelles difficultés peut engendrer le principe de précaution dorénavant inscrit dans notre Constitution. Nous devons également l’assortir d’un principe d’innovation.

On ne peut refuser l’innovation et vivre sur un modèle archaïque. Nous devons avancer ! Si l’on veut trouver des débouchés, notamment dans les carburants de deuxième ou troisième génération, encore faut-il valider le processus des carburants de première génération !

Certes, aujourd’hui, les recherches portent sur des produits alimentaires, mais demain elles porteront sur l’ensemble de la biomasse. Des recherches tout à fait extraordinaires sont menées sur la fétuque, sur le miscanthus, sur la transformation des bois et, demain sur celle des déchets. Transformer les déchets en énergie, voilà qui va dans le sens du développement durable ! Nous n’allons tout de même pas nous passer de l’ensemble de cette recherche, tout à fait respectable sur le plan économique comme sur celui du développement durable.

C’est la raison pour laquelle je suis satisfait que M. le ministre refuse cet amendement ; j’invite l’ensemble de mes collègues à faire de même. Son adoption ne serait pas un signe encourageant pour notre jeunesse, à un moment où l’on veut à la fois respecter l’environnement et mettre en œuvre des techniques nouvelles. Nous sommes au XXIe siècle !

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Nous sommes en plein dialogue de sourds. Relisez tranquillement le texte de cet amendement, vous constaterez qu’il s’agit de se prémunir contre d’éventuelles dérives. Il n’est en rien archaïque et ne s’oppose pas à la recherche et au développement.

Écrire « dans la mesure où ce développement ne remet pas en cause la capacité de notre pays à couvrir ses besoins alimentaires par sa capacité productive » ça ne mange pas de pain, ça va beaucoup mieux en le disant et ça ne dérange personne ! Il s’agit simplement de garantir le destin nourricier de notre terre nourricière.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. J’ajouterai simplement au brillant exposé de M. Savary qu’il serait dommage de se priver de l’utilisation des sous-produits de l’agriculture alors que nous cherchons à améliorer la compétitivité de chaque exploitation agricole. Je suis tout à fait en ligne avec vous sur ce sujet, mon cher collègue, comme avec M. le ministre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 117.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Demande de priorité

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Demande de priorité (interruption de la discussion)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Le Gouvernement et la commission souhaitent que la discussion sur le volet outre-mer ne soit pas tronquée et que nos collègues ultramarins puissent être présents lors du débat. Aussi, en application de l’alinéa 6 de l’article 44 du règlement du Sénat, je demande l’examen par priorité du titre VI ce soir, à la reprise de nos travaux.

Par ailleurs, je rappelle aux membres de la commission des affaires économiques que nous nous réunirons à quatorze heures pour examiner la suite des amendements.

M. le président. Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Avis favorable.

M. le président. La priorité est de droit.

Demande de priorité (début)
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Discussion générale

5

Nomination de membres de commissions

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Union pour un Mouvement Populaire a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et une candidature pour la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées, et je proclame :

– Mme Sophie Primas, membre de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, en remplacement de M. Michel Doublet, démissionnaire ;

– M. Michel Doublet, membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de Mme Sophie Primas, démissionnaire.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

6

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

calendrier parlementaire sur les sujets environnementaux

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. Ronan Dantec. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Permettez-moi tout d’abord, madame la ministre, de vous féliciter pour votre nomination à la tête de ce grand ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Vous aurez la responsabilité de mener des chantiers particulièrement importants sur la biodiversité, la réforme du code minier et, bien sûr, la transition énergétique.

Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre, que je salue, a clairement rappelé les objectifs quantitatifs de la transition énergétique, ce dont le groupe écologiste se réjouit. Hier, au Sénat, il nous a même sommés, avec une certaine gravité, « de retrouver rapidement un équilibre avec le milieu naturel ».

Le programme est donc ambitieux, et je crois que nous mesurons le chemin parcouru en vingt-cinq ans dans la prise en compte des enjeux environnementaux, notamment pour ce qui a trait à leurs dimensions économiques et sociales.

Le Premier ministre a aussi insisté sur sa volonté d’un dialogue ouvert, franc et constructif avec les parlementaires, afin que nous partagions « le courage de l’action ». Ce dialogue, le groupe écologiste le souhaite vivement, son président Jean-Vincent Placé l’a souligné hier. Nous considérons que c’est bien la qualité de ce dialogue qui permettra de recréer les conditions d’une dynamique à gauche, absolument nécessaire pour affronter les temps à venir. Nous sommes disponibles pour nous y engager résolument.

Le cadre étant fixé, reste le calendrier. Le Premier ministre a aussi souligné que les priorités politiques devaient trouver une traduction concrète dans le calendrier parlementaire ; ce sera donc le sens de ma question. L’annonce de la présentation au Conseil des ministres de la loi sur la transition énergétique avant le début de l’été, normalement avant la fin du mois de juin, donc, nous offre l’opportunité de nouveaux échanges en amont. Je partage notamment vos premiers propos, madame la ministre, sur l’importance de la dimension territoriale de la transition énergétique.

Mais ce nouveau décalage nous fait aussi craindre un véritable embouteillage du calendrier parlementaire au deuxième semestre de 2014, entre le projet de loi sur la biodiversité, le projet de loi sur la transition énergétique et la partie législative de la réforme du code minier, la cohérence voulant, de plus, que le prochain projet de loi de finances intègre des évolutions fiscales fortes, liées à ces grandes lois.

Par conséquent, pouvez-vous nous donner plus de précisions sur le calendrier du Gouvernement pour ces lois d’importance et nous indiquer la manière dont vous comptez renforcer le dialogue avec les parlementaires pour ces lois, qui formeront le socle d’un nouveau contrat écologique et social ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui porte sur des sujets que, du fait de vos responsabilités de vice-président de la commission du développement durable du Sénat et de votre participation, en tant que membre du Conseil national de la transition énergétique, au débat national sur la transition énergétique, vous connaissez bien.

Vous m’interrogez sur le calendrier parlementaire de ces réformes. Vous avez eu raison de le souligner, ces sujets, et notamment la loi de transition énergétique, sont une priorité gouvernementale, ainsi que l’a rappelé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.

Cette loi, pour ne rien vous cacher, n’est pas encore prête. (Oh ! sur les travées de l’UMP.)

M. Charles Revet. C’est étonnant…

Mme Ségolène Royal, ministre. Un certain nombre de discussions importantes ont eu lieu, et nous arrivons dans la phase de décision. Le Gouvernement a fixé une feuille de route pour que ce texte soit présenté au mois de juin en Conseil des ministres.

Je m’active donc pour finaliser ce projet de loi très important, afin qu’il puisse ensuite être examiné au plus vite par les commissions du Sénat et de l’Assemblée nationale et que nous puissions profiter de l’intelligence collective…

M. Jean Bizet. Ce n’est pas sûr !

Mme Ségolène Royal, ministre. … pour rapprocher des points de vue encore très divergents. Pour tous ces textes, en effet, notre responsabilité est d’essayer de rapprocher les points de vue, pour servir l’intérêt général. J’espère que, avec l’aide du Sénat, je pourrai y parvenir.

Vous le savez, le texte sur la biodiversité, quant à lui, est davantage avancé. Le projet de loi a été adopté au Conseil des ministres du 26 mars dernier. Il va donc être examiné très bientôt par la commission compétente de l’Assemblée nationale, avant de venir au Sénat. Je sais néanmoins, monsieur le sénateur, que vous avez déjà commencé à y travailler activement.

C’est une loi essentielle, cruciale, aussi importante que la loi de 1976, prolongée par la loi dite « paysage », que je connais bien, de 1992. Il ne s’agit pas seulement d’une loi pour lutter contre la disparition bien trop rapide des espèces animales et végétales ; il s’agit d’une loi sur les relations entre les êtres humains, leurs activités et la nature. C’est une loi qui porte tout simplement sur l’avenir de l’humanité. L’enjeu est donc absolument crucial.

Là aussi, j’espère que l’éclairage apporté par les travaux de vos commissions nous permettra d’aboutir à un texte tout à fait essentiel, qui nous engage non seulement à très court terme, afin de mettre fin à la disparition accélérée de la variété des espèces, mais aussi à long terme. Nous sommes attendus, regardés sur la scène internationale. On veut savoir comment un pays comme la France, riche de la diversité de ses paysages et de ses espèces, est capable de prendre à bras-le-corps la question de l’avenir de l’humanité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

décentralisation

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour le groupe CRC.

M. Gérard Le Cam. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre, mais je crois savoir qu’une ministre bretonne va me répondre, ce que j’apprécie. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)

M. Charles Revet. Il préfère les ministres bretonnes au Premier ministre !

M. Gérard Le Cam. Dans son discours de politique générale, M. le Premier ministre a annoncé un big-bang institutionnel, comme l’avait proposé en son temps le comité Balladur ou, plus récemment, M. Jean-Pierre Raffarin. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)

Ce coup de force institutionnel se propose de supprimer nos départements, de diviser par deux le nombre de nos régions, d’agrandir toujours plus les intercommunalités autour des bassins de vie. Quant aux communes, il ne les évoque plus : est-ce à dire qu’il souhaite les supprimer en les noyant dans l’intercommunalité ?

M. Gérard Le Cam. Enfin, les départements et les régions ne pourront plus intervenir au plus près des besoins et des attentes de leurs administrés, en perdant le droit d’agir pour défendre les intérêts de leur territoire.

Avec ce séisme institutionnel, le Gouvernement va ouvrir la porte à une transformation radicale de notre République, indivisible et qui assure l’égalité de tous les citoyens devant la loi. C’est un État fédéral qu’il dessine pour demain, comme bon nombre de pays en Europe.

En éloignant les lieux de décisions du citoyen, vous allez creuser encore davantage le fossé entre lui et la République. Ce faisant, vous faites exploser l’égalité des citoyens devant la loi sur l’ensemble du territoire national.

En quoi cette réorganisation et l’amputation de 10 milliards d’euros de moyens de fonctionnement vont-elles permettre aux Français de vivre mieux, de trouver un travail, de percevoir un salaire leur permettant de vivre et d’élever leur famille dignement, d’offrir un avenir à leurs enfants ?

Non, la modernité n’est pas dans la mise en concurrence des territoires et des gens qui y vivent, elle est dans la coopération et la mise en commun !

En quoi cette réorganisation va-t-elle développer la démocratie locale, favoriser l’intervention des citoyens et la prise en compte de leurs attentes et de leurs besoins ?

Expliquez-nous, madame la ministre, en quoi la réduction du nombre d’élus est-elle un progrès démocratique ? En quoi le fait de concentrer tous les pouvoirs dans quelques mains est-il une avancée démocratique ?

Enfin, le précédent gouvernement ayant souhaité mettre fin à l’obligation de consulter les citoyens en cas de fusion des régions, allez-vous vous engager aujourd’hui à consulter les Français sur les regroupements de régions et sur la disparition éventuelle des départements ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur de nombreuses travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Ah ! sur les travées du groupe CRC.)

M. Éric Doligé. C’est donc du sérieux !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Le Cam, pardonnez-moi, mais je ne suis pas breton.

M. Gérard Le Cam. Ce n’est pas une tare de l’être !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Non, c’est même une qualité, je n’en doute pas un seul instant. (Sourires.) En tout cas, Mme Lebranchu ou M. Vallini reviendront sur ces sujets au cours de cette séance de questions d’actualité au Gouvernement et aussi, j’en suis persuadé, dans les semaines qui viennent.

J’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ces points hier, aussi bien à la tribune de cette assemblée que lors de mes réponses aux différents groupes.

Je suis attaché, comme vous, à l’unicité de la République, au rôle des élus et tout particulièrement – vous comprendrez que je le souligne – à celui des maires, qui sont souvent en première ligne face aux attentes, aux déceptions, aux espérances et aux colères de nos concitoyens.

Je suis également attaché, vous en avez dit un mot, au rôle de la puissance publique, aux services publics de l’État, de ses opérateurs ou des collectivités territoriales. Nous avons tous constaté, je l’ai rappelé hier, le sentiment d’abandon qui peut frapper un certain nombre de nos territoires et de nos concitoyens. Je pense non seulement aux territoires ruraux, mais aussi aux quartiers populaires, lézardés par toute une série de fractures. Tout cela doit nous préoccuper.

Malgré les institutions en place, que vous avez décrites dans votre intervention, ce sentiment d’abandon existe, l’abstention progresse, y compris dans les scrutins locaux. Nous devons donc engager la France sur la voie des réformes de structure. On en parle depuis longtemps, mais on ne les fait pas, ou alors on les fait à l’envers ou à moitié.

Fort de ce constat, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir, le Gouvernement veut engager, je l’ai indiqué dans ma déclaration de politique générale, une réforme profonde de ces structures.

Vous débattrez prochainement des compétences des régions. Marylise Lebranchu et André Vallini vous présenteront un texte, qui va bientôt être adopté par le Conseil des ministres.

Les différents cycles de décentralisation ont été entamés, je le rappelle, au début des années 1980. Mais au-delà des modifications qu’ils ont entraînées, c’est vers un changement profond que nous voulons aller. Vous avez, monsieur le sénateur, parlé de « big-bang », expression à laquelle je suis très attaché pour des raisons personnelles. En tout cas, nous devons poursuivre les réformes de structure.

Tout d’abord, c’est vrai, nous voulons revenir sur la clause de compétence générale.

MM. Roger Karoutchi et Gérard Larcher. Enfin !

M. Éric Doligé. C’est une bonne chose !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Les acteurs économiques et sociaux comme les citoyens nous demandent, en effet, de clarifier les choses dans ce domaine.

Ensuite, nous devons aller plus loin en ce qui concerne la carte de l’intercommunalité. J’évoquais hier les lois que nous devons à Jean-Pierre Chevènement, qui ont constitué l’une des étapes essentielles de ce processus. Là encore, il convient tout simplement de gagner en cohésion. Il ne s’agira jamais de nier le rôle du maire, quelle que soit la taille de la commune.

Pour nos territoires, urbains comme ruraux, l’intercommunalité a représenté un incontestable progrès ; elle n’enlève rien à la proximité et permet – je l’espère ! – aux services publics, grâce au soutien de l’État et à l’ingénierie des préfectures et des sous-préfectures, de mieux répondre aux attentes de nos concitoyens. Là aussi, donc, nous voulons franchir une nouvelle étape.

Pour ce qui concerne les régions, nous souhaitons partir d’une taille critique, notamment pour les questions économiques, de formation, ou de transition énergétique. Sur ce dernier point, Ségolène Royal, du fait de son expérience de présidente de région, s’appuiera sur ce que ces grandes collectivités peuvent faire pour aller plus loin.

Nous voulons, pour cela, nous baser sur le rapport des sénateurs Krattinger et Raffarin. Je sais que cela peut faire débat, mais nous devons avancer. Nous voulons faire appel à l’intelligence des élus, mais nous savons aussi quels sont les freins. C’est pour cette raison que, après les élections régionales et départementales de 2015, s’il n’y a pas eu de progrès en la matière, c’est par la loi qu’il nous faudra agir. C’est un débat qui s’ouvre dans le pays.

Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, certains rapports de comité ou de mission d’information. André Vallini connaît bien ces problèmes pour y avoir apporté sa contribution avec Pierre Mauroy. Avons-nous avancé depuis ? Non ! Cela veut dire que, à un moment donné, le Gouvernement devra prendre ses responsabilités. Le Sénat sera naturellement consulté, la Constitution nous obligeant à passer par lui en premier lieu sur ces sujets.

Nous voulons également engager le débat sur la suppression des départements à l’horizon de 2021. Je ne répéterai pas ce que j’ai indiqué hier à la tribune. Je vois bien le type de débat qui s’engage. Les conseils généraux, ou plutôt les conseils départementaux – c’est l’appellation précise, telle qu’elle résulte de la dernière loi –, je suis bien conscient de ce que cela signifie. Je vous rappelle simplement que, avec l’émergence des métropoles, la question du devenir des conseils généraux est déjà posée. D’un autre côté, je sais ce que cela peut représenter pour un certain nombre de territoires.

De toute manière, il va nous falloir inventer les instruments de solidarité et de cohésion économique et sociale pour les territoires ruraux. Hier encore, j’ai défendu ces territoires et la ruralité. Le sénateur Jacques Mézard évoquait très précisément ce que cela peut représenter en termes de distance.

Nous avons six ans. Il y aura des élections régionales et départementales, puis une élection présidentielle. Nous n’agirons donc pas avec brutalité. Mais c’est un débat qui se pose, parce que nous devons réformer en profondeur notre pays.

C’est aussi l’occasion d’une réforme profonde de l’État. Je suis attaché au réseau des préfectures et des sous-préfectures, ainsi qu’au rôle de l’État et des services publics. Mais, avec la réforme territoriale, nous pourrons aussi engager une réforme de l’État.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour que notre pays soit à la hauteur des enjeux, à la hauteur de la compétition économique, à la hauteur des changements qui ont lieu en Europe et dans le monde, nous devons, nous aussi, changer et faire des économies. Oui, il faut les faire ! N’oublions pas le message que nous ont adressé les électeurs sur les dépenses publiques, mais aussi sur la fiscalité locale !

Le Gouvernement ne veut plus attendre. Il veut engager dans la concertation, mais avec beaucoup de détermination, cette réforme dont le pays a besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Jacqueline Gourault et M. Aymeri de Montesquiou applaudissent également.)

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